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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 31 mars 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 76

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer, sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (n° 1518) (M. Gaël Yanno, Rapporteur) 2

– Informations relatives à la Commission 16

M. le président Didier Migaud. Nous accueillons Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, et M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, afin qu’ils nous présentent le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui a été examiné en première lecture par le Sénat.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Quels sont les finalités et les grands principes du projet de loi d’orientation « pour le développement économique des outre-mer », puisque tel est son titre après son adoption en première lecture par le Sénat ? Donner un nouvel élan à l’outre-mer, valoriser les atouts propres à chacun des départements ultramarins puisqu’ils sont très différents les uns des autres, et leur permettre de mieux affronter les grands défis d’un monde en mouvement. Le projet de loi a été entrepris il y a plus de dix-huit mois, dans un contexte bien différent de celui dans lequel il vous est soumis, marqué, lui, d’une part, par la crise sociale sérieuse que viennent de vivre la Guadeloupe et la Martinique, et que continuent de traverser la Guyane et La Réunion encore perturbées par des mouvements sociaux ; d’autre part, par la crise économique et financière mondiale, dont l’impact est particulièrement fort sur les zones géographiques fragilisées auxquelles appartiennent les économies ultramarines. Il convient donc de voir si les mesures inscrites dans le projet de loi sont à même d’apporter les réponses aux questions nouvelles qui se posent.

Le projet de loi a été élaboré dans le cadre d’une large concertation. Je ne sais pas si l’on peut aller jusqu’à parler de coproduction législative, mais rarement projet de loi aura fait l’objet d’autant d’échanges et de modifications : non seulement les élus, mais aussi les acteurs professionnels des départements d’outre-mer y ont été associés puisque ce sont eux qui ont déterminé les secteurs stratégiques prioritaires. De même, ils ont contribué à adapter le projet à la crise mondiale et à la crise locale, notamment en inscrivant 150 millions d’euros supplémentaires en faveur du logement et des très petites entreprises, éprouvées par la crise. De nouvelles mesures ont été décidées pour soutenir le pouvoir d’achat, à l’origine des troubles ayant secoué nos départements d’outre-mer. Ainsi, le bonus salarial versé par les entreprises sera exonéré de cotisations sociales.

Pour atteindre concrètement ces objectifs, le projet de loi repose sur une triple priorité : renforcer l’efficacité des dispositifs en les corrigeant, soutenir l’investissement et relancer le logement social.

S’agissant de la première priorité, les exonérations de charges seront réformées pour les recentrer sur les bas salaires et, au-delà, pour promouvoir l’embauche dans les petites entreprises de cadres issus des départements d’outre-mer, en aidant à la fois l’employeur et le salarié.

Par ailleurs, certains dispositifs de défiscalisation sont de toute évidence devenus obsolètes, concernant par exemple, les bateaux de plaisance ou le logement libre. Les nouveaux dispositifs seront réorientés vers des investissements aujourd'hui plus productifs, telle la recherche-développement.

La deuxième priorité consiste à soutenir les investissements par le biais des zones franches d’activité, afin de compenser le handicap géographique dont souffre la compétitivité des entreprises éligibles.

La liste des secteurs prioritaires qui bénéficieront d’un abattement de 80 % de leurs principaux impôts a été harmonisée dans les trois départements d’outre-mer. Il s’agit notamment de l’agro-nutrition et des énergies renouvelables. À cet égard, le projet a encore été amélioré de façon à promouvoir l’excellence environnementale des départements d’outre-mer. Ainsi, l’énergie fabriquée à partir de la bagasse sera désormais mieux payée aux producteurs.

La suppression de la taxe professionnelle décidée par le Président de la République a suscité des inquiétudes, mais il n’est pas question de pénaliser les entreprises situées dans les zones franches d’activité. Nous adapterons le dispositif en veillant aux compensations nécessaires après la réforme. Le Sénat a d’ailleurs introduit de nouveaux pourcentages d’exonération de taxe professionnelle, qui ont été portés de 80 % à 100 % pour les secteurs et les zones prioritaires, et de 50 % à 80 % pour les autres.

Le projet de loi crée par ailleurs un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, qui servira à financer des équipements collectifs contribuant au développement économique et social.

Enfin, à l’intention du petit commerce, qui a fait l’objet de discussions nourries avec les élus et les responsables économiques, un fonds spécifique sera créé et doté de 8 millions d’euros. Il pourra être complété par d’autres mesures d’appui.

La troisième priorité, c’est la relance du logement social, dont la situation, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, reste préoccupante dans l’ensemble de l’outre-mer. Les mesures d’aide au logement ont montré leurs limites. Même si elle partait d’excellentes intentions, la défiscalisation du logement libre a eu dans certains cas des effets pervers, notamment en accaparant le foncier disponible et en poussant les prix à la hausse. Le texte prévoit donc de réorienter la défiscalisation en faveur du logement social et intermédiaire. Des efforts seront faits également pour la réhabilitation et l’entretien, qui profiteront à l’emploi puisque l’artisanat occupe dans ce secteur 22 000 personnes. Le nouveau dispositif de défiscalisation sera ouvert à des opérations de construction de résidences sociales pour personnes âgées. Enfin, le dispositif national voté fin 2008, dit « amendement Scellier », a été adapté à l’outre-mer lors de la discussion au Sénat.

En conclusion, ce projet de loi marque la première étape dans la nouvelle approche de l’outre-mer que le Gouvernement entend adopter. Bien entendu, face aux enjeux, une réponse exclusivement économique ne saurait suffire et c’est aux états généraux qui commenceront dans les prochaines semaines qu’il reviendra de traiter l’ensemble de la problématique de l’outre-mer puisqu’ils réuniront tous ses acteurs économiques, sociaux et culturels. Ce sera la première fois qu’un travail aussi global et aussi complet sera accompli puisque seront développés divers thèmes, qui iront de la gouvernance au dialogue social en passant par la coopération régionale ou la culture.

Je terminerai en citant le préfet Samuel, qui assurera la coordination de cette grande consultation, la plus grande jamais menée outre-mer, destinée à accompagner le déploiement de la loi pour le développement des outre-mer.

M.  Gaël Yanno, rapporteur. S’agissant des dispositions ajoutées par le Sénat à la demande du Gouvernement au titre Ier A  – « Soutien au pouvoir d’achat »  –, qu’en est-il de La Réunion par rapport à la Guadeloupe et à la Martinique où deux accords régionaux interprofessionnels ont été signés ?

Aujourd’hui, la prime de 200 euros par mois est financée à hauteur de 50 euros par les collectivités locales, de 50 euros par l’entreprise et de 100 euros par l’État indirectement par le biais d’une exonération totale de charges sociales. Certains acteurs économiques s’inquiètent de ce que, dans trois ans, le coût passera de 50 euros à 325 euros, charges comprises. Que peut leur répondre le Gouvernement ?

Le 24 mars dernier a été lancé un plan Corail de relance des économies d’outre-mer touchées par la crise. Vous avez prévu également de réunir des états généraux. Comment ces différentes initiatives s’articulent-elles avec la LODEOM ?

S’agissant de la définition des secteurs d’activité éligibles aux mesures en faveur des zones franches d’activité, elle a été élargie en Martinique et au parc national des Hauts de La Réunion par le Sénat. La commission des affaires économiques envisage elle aussi de rajouter une autre commune de Martinique. Quelle est votre position sur cette question ?

Le dispositif en faveur des zones franches d’activité prévoit également des abattements d’impôt sur les sociétés, qui s’ajouteront à l’abattement de droit commun qui existe déjà dans les DROM. Dans quel ordre s’appliqueront-ils ?

En ce qui concerne la défiscalisation, le projet de loi a été préparé en concertation avec les acteurs économiques locaux, mais avant les tremblements de terre qu’ont constitués successivement la crise financière, qui met en cause le dispositif lui-même – la question n’étant plus tant de payer moins d’impôt que de maintenir son résultat ou son revenu –, le plafonnement des niches, qui a changé la donne, l’amendement Scellier, qui crée un nouvel outil de défiscalisation, appelé outre-mer « Girardin inversé », puisqu’il pourrait inciter des contribuables dromiens à investir en métropole, et avant la crise d’image qui affecte l’outre-mer. Comment prendre tous ces éléments en compte ? N’y a-t-il pas un risque d’éviction de l’investissement productif, le dispositif rendant le logement social particulièrement attractif, c'est-à-dire aussi avantageux que l’investissement productif mais plus sûr puisque le paiement des loyers sera garanti par les organismes de logement social ? Quelles sont les mesures que vous envisagez en faveur du logement intermédiaire ? Les contribuables dromiens peuvent déjà défiscaliser l’achat de leur résidence principale. En la réservant désormais aux primo-accédants, ne pensez-vous pas y mettre un frein ? La défiscalisation Virapoullé, c'est-à-dire un « Scellier outre-mer », ne prendra-t-elle pas trop de temps pour susciter l’intérêt des contribuables métropolitains ?

S’agissant de la continuité territoriale, vous avez envisagé de regrouper les deux dispositifs existants, le premier, sous condition de ressources, s’adressant aux ressortissants ultramarins, et le second, le « passeport mobilité », destiné principalement aux étudiants et attribué jusqu’ici sans critères sociaux. Mais vous allez en introduire. Lesquels ? L’éloignement ? Le pouvoir d’achat ? Il existe également dans certaines collectivités des mesures particulières pour favoriser un rééquilibrage ethnique, en particulier l’opération « Cadres Avenir » réservée à 80 % aux Mélanésiens. Ce plan sera-t-il fondu avec le reste ou restera-t-il à l’écart, pour le préserver d’éventuels arbitrages budgétaires ?

En juillet dernier, vous avez présenté en conseil des ministres un bilan des opérations Harpie menées contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Les 201 missions menées avaient permis de saisir dix-neuf kilogrammes d’or. D’autres opérations du même type ont-elles été organisées depuis lors ? Si oui, avec quels résultats ?

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. À La Réunion, un accord relatif au pouvoir d’achat a été signé. Reste à finaliser l’accord sur les salaires, qui concerne les partenaires sociaux, mais pas le Gouvernement. Il est en bonne voie.

Les termes « prime de 200 euros » ne correspondent pas à la réalité légale. L’État a mis en place un RSA modifié, c'est-à-dire un forfait de 100 euros, sans lien avec la situation de famille, qui sera versé aux travailleurs touchant moins de 1,4 SMIC. La mesure, qui devrait incomber aux caisses de sécurité sociale, prendra effet dès cette année. Elle relève de la politique de l’État et correspond à une adaptation temporaire du RSA, le RSTA, l’objectif étant de revenir au RSA classique dans trois ans. Il faut distinguer ce volet de l’effort consenti par les collectivités locales, sous forme d’un RSA temporaire de 50 euros qui s’adresse aux mêmes salariés, et de la politique salariale discutée dans chacun des départements. Les accords interprofessionnels ne sont pas identiques même si l’on aboutit au total à un complément de 200 euros. Il est vrai que l’un des accords, celui de la Guadeloupe, comporte une clause de convertibilité qui, si elle s’appliquait, obligerait les entreprises à transformer automatiquement le RSTA en augmentation de salaire. Elle fait débat et le ministre du travail s’occupe de l’extension éventuelle de l’accord, mais cette clause n’existe pas en Martinique et elle ne fait pas partie de celles qui sont sur la table en ce moment à La Réunion.

La LODEOM, après l’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement, prévoit que les augmentations de salaire consenties par les entreprises soient exonérées de charges patronales et salariales, et ne supportent ainsi que la CSG et la CRDS. Autrement dit, une augmentation de 50 euros ne coûterait finalement à l’entreprise que 55 euros au lieu de 80. Cette disposition, appelée « bonus », exonère les entreprises de charges sur les augmentations de salaires qu’elles consentent et elle justifie que la LODEOM soit examinée maintenant puisqu’elle contient des mesures destinées à sortir de la crise sociale.

Mme la ministre. Une précision sur la Réunion où les discussions sont toujours en cours. Le conseil général et le conseil régional n’ont pas fait part de leur intention d’intervenir financièrement pour régler le conflit.

M. le secrétaire d’État. Il faut distinguer trois types de mesures en faveur de l’économie et de l’emploi outre-mer : celles de très court terme pour sortir de la crise et relancer l’activité, et qui font l’objet du plan Corail ; celles de moyen terme contenues dans la LODEOM, qui sont destinées à soutenir le tissu économique et à surmonter la crise économique ; enfin, les mesures de plus long terme, issues des états généraux, qui porteraient sur la restructuration du modèle économique et pourraient, le Président de la République l’a dit, être introduites par la loi. Les outils que nous vous proposons correspondent à ces temporalités différentes.

Les premières mesures font l’objet du plan Corail, qui reprend l’existant en matière de différé de paiement des charges et de soutien aux entreprises. Il sera complété par un amendement qui sera proposé à l’Assemblée, visant à effacer une partie des dettes sociales des entreprises dans le cadre de plans d’apurement. On s’est aperçu, notamment en Martinique et en Guadeloupe, que les très petites entreprises, et même les entreprises moyennes, quand elles n’ont pas pu régler leurs dettes sociales – qui atteignent entre 5 000 et 15 000 euros –, ne peuvent pas accéder aux marchés publics ni aux avantages de la future LODEOM. L’idée est donc de mener une négociation globale portant à la fois sur les aides possibles et sur le passif, pour élaborer un plan d’apurement qui effacerait une partie de la dette et étalerait le paiement du reliquat. Il s’agit d’aider tout un tissu de PME-PMI à sortir le mieux possible d’une crise qui les a privées d’un mois de chiffre d’affaires et de faire rentrer au moins la moitié des sommes dues. Ce sera toujours mieux que d’avoir des dettes pendantes. Le plan comportera en outre un prêt à taux zéro, de près de 25 000 euros, destinés aux très petites entreprises, pour les aider à passer un cap difficile.

Les zones franches d’activité s’adressent à des secteurs jugés porteurs d’activité et de développement économique sur lesquels on concentre les moyens. Cinq secteurs ont été retenus : le tourisme, l’agro-nutrition, l’énergie et l’environnement, les nouvelles technologies et la recherche. Ce sont les collectivités locales qui les ont choisis et elles ont retenu les mêmes. Ces cinq secteurs bénéficieront des aides maximales, les autres des aides à 50 %.

La question s’est posée de procéder à un zonage territorial tel qu’il existe dans la loi pour la Guyane qui bénéficie des mesures à 80 %, et, depuis le passage du texte au Sénat, pour les îles du Sud de la Guadeloupe, les Hauts de La Réunion et certaines communes rurales de la Martinique. Il reste à savoir si ces secteurs géographiques seront définis par la loi, qui a l’inconvénient de rendre toute modification ultérieure très difficile, ou par décret, solution qui aurait la préférence de la commission des affaires économiques, et qui suffirait pour peu que les critères soient clairs, applicables à tous, et que l’on fasse preuve de rigueur. Enfin, à quel niveau fixer les aides ? À 80 % ? Mais certains parlementaires ont fait remarquer, avec justesse, que si, dans les Hauts de La Réunion, on aidait l’agroalimentaire à 80 %, il n’y aurait pas de différence avec le bas. Je suis ouvert au débat pour trouver la façon la plus consensuelle possible d’aider un peu plus les zones rurales en très grande difficulté et d’éviter une trop grande concurrence au sein d’un même territoire.

S’agissant de la concurrence des défiscalisations, qu’elles soient nouvelles ou anciennes, patrimoniales ou non, elles sont suffisamment variées pour que l’on puisse craindre que l’un des dispositifs, s’il se révélait beaucoup plus intéressant que les autres, n’emporte l’adhésion des investisseurs et ne produise un effet d’éviction. Il n’y a guère d’autre solution que de procéder à une évaluation en temps quasi réel de ces dispositifs et de les adapter en conséquence, l’objectif étant d’obtenir des résultats. Je serais tenté de proposer des clauses de rendez-vous très régulières, par exemple à chaque loi de finances, pour procéder à des recalages éventuels. En l’occurrence, il s’agit que le logement libre laisse la place au logement social, qui doit combler son retard, évalué entre 60 000 et 100 000 logements. Le logement social bénéficie d’un mécanisme de défiscalisation, mais aussi d’une LBU – ligne budgétaire unique – garantie dans le temps. Il ne faut pas laisser tomber brutalement le logement libre, ce qui suppose une période transitoire cohérente, ni oublier le logement intermédiaire et l’accession à la propriété, ni omettre de veiller à ce que l’ensemble ne soit pas moins avantageux que les mécanismes métropolitains. Compte tenu de la complexité de l’équation, je crois que nous n’échapperons pas à l’évaluation en temps réel et à l’adaptation si nous voulons que le pragmatisme prévale.

Quant à la continuité territoriale, nous entendons donner suite au rapport de la Cour des comptes publié fin 2007. L’idée est de regrouper les crédits de l’État consacrés à la continuité territoriale dans un fonds global qui serait porté par un outil unique, pour travailler ensuite par zone géographique en coopération avec les collectivités locales. Il est prévu de créer des groupements d’intérêt public par territoire ou zone géographique cohérente pour adapter la politique de continuité territoriale aux spécificités locales. Il ne s’agit pas seulement de faire baisser le prix des billets d’avion avec la métropole : il faut s’intéresser aussi aux dessertes entre les îles, par exemple entre la Nouvelle-Calédonie et Futuna. Nous serons plus efficaces avec un outil de gestion central pour négocier avec les compagnies aériennes, et des outils locaux associant les moyens de l’État et ceux des collectivités territoriales, comme il en existe un à la Guadeloupe, pour mieux prendre en compte les spécificités locales. Il faut faire en sorte que les étudiants, par exemple, bénéficient de billets à tarif négocié, alors qu’avec le « passeport mobilité » les billets sont remboursés quel que soit leur prix.

Une réforme importante de l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, l’ANT, a été engagée afin qu’elle devienne l’agence de la mobilité géographique et professionnelle et qu’elle fasse preuve de plus de lisibilité et d’efficacité.

En ce qui concerne les nouvelles baisses d’impôt sur les sociétés prévues par la LODEOM, nous sommes en train de travailler avec les services fiscaux à atténuer les frottements fiscaux et à atteindre l’objectif, qui est de favoriser la production locale, le développement économique endogène, c'est-à-dire l’emploi et la croissance.

Mme la ministre. M.Yves Jégo a souligné notre grand souci de souplesse et de pragmatisme, qui traduit notre volonté d’efficacité. Cela nous a conduits à beaucoup écouter afin d’ajuster au mieux les dispositifs que nous proposons.

Vous m’avez interrogée sur la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. C’est une priorité constante du Gouvernement, pour des raisons  sanitaires et environnementales, car il faut contenir les flots de mercure qui, par cette activité illégale, sont déversés dans la nature ; pour des raisons économiques, car des richesses sont soustraites à la collectivité ; pour des raisons de sécurité enfin, car chaque année des gendarmes sont la cible de tirs, et certains en sont morts. Je rends hommage à leur engagement. L’opération Harpie menée en 2008 avec le renfort de moyens militaires a permis des saisies importantes d’or et de mercure, le démantèlement de chantiers d’orpaillage clandestins et la confiscation du matériel utilisé. Même si la montée des eaux à certaines périodes de l’année et la nécessité de préserver l’effet de surprise empêchent que de telles opérations soient conduites en permanence, la vigilance des services de gendarmerie ne se dément pas et ils continuent d’obtenir de bons résultats.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’approuve la démarche qui sous-tend le projet : favoriser le développement économique local « endogène » par le développement de zones franches d’activités et l’ajustement des exonérations de cotisations sociales. Ces mesures sont très positives. Ma seule réserve porte sur les dispositions prévues pour le logement. Je vois en effet de grands inconvénients à la modification proposée du dispositif de défiscalisation en matière de logement outre-mer en vue de l’appliquer au logement social locatif. Rien de ce genre n’existe en métropole et le fait que l’on procède de la sorte avec succès en Nouvelle-Calédonie ne justifie pas une extension qui aura des effets pervers, amplifiés par le plafonnement des niches fiscales.

Outre le fait que substituer une défiscalisation à l’actuel crédit budgétaire – la LBU – entraînera de facto une « perte en ligne » de 40% au minimum, le risque est patent que ces investissements au risque très faible sinon nul ne se fassent au détriment de l’investissement productif. Comme il y a eu des excès manifestes, le dispositif doit être recentré, mais ce doit être pour favoriser le logement intermédiaire, en fixant des plafonds de loyers et de ressources. Si l’on souhaite développer l’offre de logements et contribuer à la vitalité du secteur du bâtiment, il faut, outre-mer comme en métropole, parvenir à un équilibre entre les différents segments du logement. Chacun, outre-mer, a appelé notre attention sur l’effet pervers du dispositif de défiscalisation actuel, qui a provoqué l’augmentation continue du prix du foncier, empêchant ainsi la construction de logements sociaux. Si nous avons bataillé pour que le plan de relance comprenne un volet relatif à l’investissement locatif privé, c’est que le logement est une chaîne dont chaque maillon est indispensable. Que l’on maintienne donc les avantages traditionnellement consentis au logement social et que la défiscalisation soit plutôt utilisée à instaurer outre-mer un dispositif « Scellier amélioré » pour le logement intermédiaire.

M. le président Didier Migaud. Je partage ce point de vue et j’insiste sur la nécessité de ne pas relâcher l’effort budgétaire en faveur de l’outre-mer, notamment en matière de logement.

M. Jérôme Cahuzac. Je tiens à remercier Mme la ministre pour sa description précise des ravages de l’orpaillage clandestin, des efforts menés pour y mettre un terme, et des résultats obtenus. Notre commission entend très rarement parler de cette question ; or, ce ne sont pas moins de 19 kilos d’or qui ont été ainsi récupérés, ce qui n’est pas négligeable en ces temps de disette.

Mme la ministre. Paradoxalement, cet aspect de la question n’est pas le plus important !

M. Jérôme Cahuzac. Mes remerciements vont aussi au rapporteur, dont les questions traduisent nos propres préoccupations, et au rapporteur général, dont nous approuvons les remarques.

En ma qualité de rapporteur spécial pour l’outre-mer, j’avais insisté sur la nécessité de réorienter la dépense fiscale vers le logement social plutôt que de laisser perdurer un dispositif de défiscalisation dont la conséquence est une croissance ininterrompue du prix du foncier dans des départements où le manque de logements sociaux est criant. Comme l’a justement souligné le rapporteur général, le plafonnement des niches fiscales a de plus profondément modifié la donne. Le risque est donc très fort que, si l’on persiste dans cette idée, les investisseurs potentiels ne se livrent à des arbitrages défavorables à l’investissement productif. La rédaction alambiquée de l’article 20 le montre, ses auteurs savent combien le dispositif proposé est périlleux. Si le Gouvernement souhaite mettre en œuvre une politique volontariste pour le logement social outre-mer, il doit choisir le biais de la LBU et non une dépense fiscale. Certes, cela demande un effort, mais cet effort est nécessaire pour rétablir une situation compromise, sans attendre les vingt et quelques années qui seraient nécessaires pour parvenir au résultat obtenu en Nouvelle-Calédonie, car l’urgence est avérée. Rien n’empêche, du reste, d’évaluer par la suite la politique ainsi redéfinie.

Le Gouvernement se dit pragmatique et à l’écoute. Cette attitude, qui s’observe assez classiquement à mi-mandature, satisfait l’opposition. Nous espérons donc que le texte marquera ce changement, et que des actes suivront.

Mais le changement annoncé serait-il aussi un changement de méthode ? M. le secrétaire d’État a renvoyé aux partenaires sociaux le soin de traiter de la clause de convertibilité, indiquant que l’État n’avait pas à intervenir. Mais n’a-t-on pas entendu le Gouvernement expliquer à propos de multiples autres sujets que les partenaires sociaux devaient s’entendre et que, s’ils n’y parvenaient pas, on légiférerait ? En d’autres termes, le Gouvernement est-il prêt à légiférer si les partenaires sociaux ne trouvent pas d’accord à la Guadeloupe ? Et qu’en est-il, plus précisément, du calcul des exonérations de cotisations sociales sur le bonus exceptionnel ?

De même, quel est le montant du fonds structurel, et comment évoluera-t-il ? La question est d’une grande importance car le budget de fonctionnement, historiquement très important outre-mer, obère les possibilités d’investissement, si bien que les besoins d’infrastructures et de services publics, de transport notamment, y sont considérables.

Vous avez, monsieur Jégo, beaucoup insisté sur l’importance du petit commerce ; accepteriez-vous alors la révision à la baisse du seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation par les collectivités locales de l’implantation d’une grande surface ?

Je finirai par une question difficile, sur laquelle je n’ai pas d’avis tranché : le Gouvernement est-il prêt à s’engager en faveur de la « localisation » de l’emploi public, notamment dans l’éducation nationale ?

M. Michel Diefenbacher. Mon intervention portera, d’une part, sur les prix des produits de première nécessité, d’autre part sur la fiscalité locale. Les prix sont souvent plus élevés outre-mer qu’en métropole ; les salaires dans le secteur privé y sont, dans le même temps, inférieurs ; aussi le problème du pouvoir d’achat est-il réel. Je comprends qu’il soit tentant de revenir à la réglementation des prix, mais j’observe qu’un tel régime atteint rarement ses objectifs et que, sans qu’il en soit la cause, il correspond souvent à des périodes de forte inflation, ce qui le rend inopérant. Dans les départements d’outre-mer, l’administration éprouve, je puis en témoigner à titre personnel, les pires difficultés pour exercer un contrôle sérieux sur l’ensemble des éléments qui déterminent le prix final. Le seul moyen de modérer les prix est donc de renforcer la concurrence, tant il est vrai que le niveau élevé des prix tient aussi à l’extrême concentration des entreprises d’un même secteur. Le Gouvernement a-t-il imaginé des pistes à ce sujet ? Comment les acteurs économiques locaux réagissent-ils à cette hypothèse ?

L’idée de réglementer certains prix étant envisagée, j’aimerais savoir comment le mécanisme fonctionnera. Devant la commission des finances du Sénat, vous avez, monsieur le secrétaire d’Etat, indiqué qu’il s’agirait d’un dispositif dissuasif, d’une « arme de non-emploi ». Encore doit-il être crédible, ce qui signifie que l’administration doit disposer de moyens de contrôle et de sanction suffisants. Sont-ils prévus ?

J’en viens à la fiscalité locale et plus précisément à l’octroi de mer, hérité d’un passé lointain. Il présente l’avantage de rapporter 1 milliard d’euros aux collectivités locales, mais l’inconvénient d’être inflationniste ainsi que très difficilement compatible avec les règles communautaires. La Commission européenne va revenir à la charge sur ce sujet. La réorganisation territoriale à laquelle nous nous apprêtons obligera à revoir le dispositif de la taxe professionnelle. En profitera-t-on pour évoquer la fiscalité locale dans son ensemble, et donc l’octroi de mer ?

M. Victorin Lurel. Pour sortir de la crise, une solution a été trouvée, par laquelle l’État met sur la table 100 euros de RSTA pour chaque salarié guadeloupéen payé moins de 1,4 SMIC, et le conseil régional et le conseil général, ensemble, deux fois 25 euros. Que pense le Gouvernement de cet apport des collectivités locales aux accords salariaux ? Cette aide, que certains ont qualifiée de « dispositif exotique », est-elle juridiquement assurée ?

D’autre part, il apparaît que les entreprises devront par la suite assumer seules la prise en charge des 200 euros promis, auxquels s’ajouteront les cotisations sociales. Comment feront-elles, alors que leur rentabilité, qui était déjà incertaine, est à présent sérieusement compromise ?

Je partage l’opinion exprimée par M. Michel Diefenbacher sur les prix, mais je rappelle qu’en présence de monopoles ou d’oligopoles, l’État a le devoir de réglementer. Pourquoi, alors, s’en tenir à un mécanisme qui est en deçà des dispositions du code du commerce, puisque l’on prévoit cette faculté sans en faire une obligation ?

S’agissant du carburant, les insuffisances du pré-rapport sur les pratiques de la SARA et de Total sont manifestes. Il conviendrait de taxer les superprofits de ces entreprises pour financer un plan de formation professionnelle des jeunes.

J’entends dire beaucoup de mal de l’octroi de mer, qui procède pourtant d’une fiscalité relativement vertueuse. Il est vrai, cependant, qu’elle est porteuse d’inflation, tout comme la TVA.

S’agissant de la baisse des prix des produits de première nécessité, il n’est en effet pas certain que l’on pourra tout contrôler, même si l’accord général prévoit le renforcement des moyens des douanes et de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Actuellement, en Guadeloupe, il n’y a que deux contrôleurs et un inspecteur. Chacun l’admettra, c’est insuffisant.

La situation est la même pour l’inspection du travail. On ne s’étonnera donc pas qu’aucun accord salarial interprofessionnel ni de branche ne soit jamais signé en Guadeloupe. Le Gouvernement entend conditionner les exonérations de cotisations sociales consenties aux entreprises à une obligation de formation, mais pourquoi ne pas les conditionner aussi à la signature d’accords d’entreprise ou de branche, ou de conventions collectives étendues ? Il me semblait qu’une sorte de pré-accord parlementaire s’était fait sur ces points, et nous ferions œuvre utile en contribuant ainsi à l’élaboration d’un dialogue social apaisé et, de ce fait, à un syndicalisme moins agressif.

Sur un autre plan, j’observe que le montant total des exonérations de charges s’établit désormais à 75 millions. Le collectif budgétaire prévoit-il le financement de cette dépense ? Tient-on compte, aussi, de ce que les entreprises devront payer les cotisations relatives à la couverture du risque « accident du travail », ce qui obérera leur rentabilité ? S’attachera-t-on, comme il le faut, à favoriser l’emploi des cadres intermédiaires ?

S’agissant du logement, je suis tout aussi sceptique que mes collègues sur le bien-fondé de l’innovation proposée. Je ne suis pas sûr que l’article 20 soit parfaitement au point en l’état et je crains que la ressource ne soit siphonnée. Peut-être un dispositif « Scellier amélioré » serait-il préférable.

Pour ce qui est de la dotation de continuité territoriale, pourquoi le Gouvernement d’une république à organisation décentralisée trouve-t-il bon d’exciper des observations contenues dans un seul rapport de la Cour des comptes pour recentraliser le dispositif et le rendre très complexe ? Pourquoi modifier les règles prévues à l’article 60 de la loi Girardin ?

Je ne conclurai pas sans évoquer la grève qui dure depuis près de deux mois à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer. C’est que les agents de l’IEDOM de Guadeloupe et de Martinique, bien qu’exerçant des missions identiques à celles des agents de la Banque de France, perçoivent une rémunération inférieure de 40% à celle de leurs collègues de La Réunion et du siège parisien. Conformément au principe « à travail égal, salaire égal », ils demandent, outre l’harmonisation des primes par le haut dans toutes les succursales, l’unification de leur statut par un accord d’entreprise et par la modification de l’ordonnance qui a créé l’IEDOM.

Mme la ministre. Il faut parvenir à un accord d’établissement par le dialogue social.

M. Victorin Lurel. Nous en sommes loin : la demande d’harmonisation des statuts a été faite il y a cinq ans, et le directeur général demande de patienter cinq nouvelles années…

M. le secrétaire d’État. S’agissant du logement social, nos positions ne sont pas très éloignées. Je vous ai entendu dire, pour résumer, qu’il faudrait sortir du dispositif Girardin pour le logement libre, concentrer la LBU sur le logement social et privilégier un dispositif Virapoullé « amélioré » pour le logement intermédiaire. Or le texte permet tout cela. Le fait est que la LBU existe depuis fort longtemps mais qu’en Martinique ces crédits ne sont pas consommés.

Mme Christiane Taubira. Et pour cause !

M. le secrétaire d’État. Je n’ignore ni la difficulté suscitée par le prix du foncier ni le problème de la qualité des opérateurs mais, que le dispositif retenu soit la LBU ou la défiscalisation, cette difficulté et ce problème demeurent entiers.

Par ailleurs, nous proposons une défiscalisation non patrimoniale pour le logement social, mais nous ne l’imposons pas et l’on pourra continuer de monter des projets en LBU pure, sachant que la dotation passera de 190 à 250 millions.

D’autre part, nous imposons la construction de 25% de logements sociaux dans tout programme de construction de logements intermédiaires, une obligation sans laquelle il n’y aura pas de créations de logements sociaux. Alors que 60 000 logements sociaux manquent à ce jour en Martinique, on en a construit 400 l’année dernière sous le régime de la LBU !

J’ai entendu dire que, si le dispositif que nous entendons créer est trop intéressant, il prospérera au détriment de l’investissement productif. Ce sera au moins la preuve que des logements sociaux ont été construits…

Je suis ouvert à l’évaluation ultérieure du nouveau dispositif. Pour autant, je crains que, si l’on en reste au système ancien – la LBU seule –, on ne se trouve confronté à des problèmes connus et demeurés irrésolus. Ce projet donne la souplesse de pouvoir lancer des opérations sous des régimes différents : LBU seule, défiscalisation seule, ou association des deux. Pourquoi se priver d’un outil alors que les besoins de logements sociaux sont considérables ? Si, dans un an ou dans dix-huit mois, nous constatons une dérive, il sera temps de revoir le dispositif. Dans l’intervalle, et alors même que nous aurons augmenté de 60 millions la dotation LBU, ce serait un mauvais message de ne pas utiliser aussi l’instrument de la défiscalisation pour favoriser la construction de logements sociaux. Enfin, je ne vois rien de choquant à payer le logement des pauvres avec l’argent des riches ; en revanche, savoir que 230 millions de crédits induits par la loi Girardin repartent en métropole faute d’avoir été utilisés me ferait mal au cœur.

En ce qui concerne le fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, se superposeront 40 millions, 75 millions et 50 millions, si bien que 165 millions seront cette année investis dans les activités économiques et la relance.

Légiférer sur la convertibilité pour imposer une augmentation de salaire dans trois ans ? Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire car l’État n’a pas signé les accords Bino, qui sont des accords interprofessionnels entre six organisations syndicales et les organisations patronales. Il a seulement « constaté ». En outre, il est difficile d’affirmer vouloir privilégier les négociations annuelles d’augmentation des salaires –je rejoins Victorin Lurel pour rechercher des mesures incitatives – et de les tuer ensuite en annonçant la convertibilité automatique dans trois ans. Il faut évidemment faire pression pour obtenir des négociations annuelles obligatoires, favoriser le dialogue social et faire le pari du développement économique, mais je ne veux pas imposer la convertibilité à des entreprises qui ne pourront pas la supporter.

Quant à l’abaissement du seuil pour l’ouverture des grandes surfaces, on peut ouvrir le débat car la situation est différente de celle de la métropole, compte tenu de l’étroitesse des marchés. Mais les deux mamelles de la baisse des prix sont la concurrence et la transparence. Je reste cependant très ouvert sur cette question, qui ne figure pas dans la loi et qui n’est pas remontée du terrain.

En matière d’emploi local, le Gouvernement s’attachera à suivre l’exemple de la Nouvelle-Calédonie et de son plan « Cadres Avenir », qui consiste à aider des cadres originaires du territoire à se former et à monter dans la hiérarchie, qu’il s’agisse d’entreprises ou de l’administration. J’ai proposé d’étendre cette mesure aux outre-mer et demandé à l’ANT réformée de concevoir un programme pour 1 500 jeunes diplômés originaires des départements d’outre-mer, afin de les faire progresser et de les inciter à revenir. Dans l’administration aussi, il faut faire preuve de volontarisme républicain même si nous rencontrons une difficulté, à savoir que nous avons beaucoup d’agents de catégorie C qui voudraient rentrer outre-mer, mais peu de postes à leur offrir, et que nous avons peu d’agents de catégorie A qui demandent à repartir.

En matière de réglementation des prix, les sénateurs ont introduit un dispositif qui se veut dissuasif. Si l’on réglemente des familles de prix, on risque de finir par payer avec l’argent des contribuables les marges des grandes entreprises de distribution, comme on finance en quelque sorte celles des entreprises pétrolières. Qui dit prix administré dit compensation des baisses imposées. Ce serait le contraire de ce que nous voulons. Nous travaillons à collationner les accords conclus à l’échelon de chacun des départements, pour voir avec les importateurs, les distributeurs et les sociétés de transport comment garantir, pour un nombre important de produits, des prix aussi proches que possible de ceux de la métropole. Les états généraux devraient permettre de soulever la question de l’organisation des marchés et de la transparence. Nous avons sollicité l’Autorité de la concurrence, qui rendra un avis avant le mois de juin ; la mission Ollier sur les prix des carburants devrait aussi nous apporter des informations. Ensuite, se posera la question des moyens de contrôle de l’État. Celui-ci devra renforcer les outils qu’il a à sa disposition. Dans le cadre de la réorganisation territoriale de l’État, il faudra mettre en place un service de la concurrence, de la transparence et du contrôle mieux organisé et plus efficace.

Les états généraux seront aussi l’occasion de revoir la question de l’octroi de mer et, plus généralement, des finances des collectivités territoriales qui rencontrent des difficultés particulières. J’espère que ces états généraux feront des propositions sur les structures.

En ce qui concerne la sécurisation juridique de l’apport des collectivités locales, en complément des 100 euros du RSTA, les études dont nous disposons montrent que, tant qu’il s’agit d’une mesure de courte durée, elle est considérée comme une aide sociale et ne soulève pas de difficulté juridique. Il faudra vérifier.

M. Victorin Lurel. En vertu de la clause de compétence générale, le conseil général peut se saisir de la question, mais les aides sociales ne sont vraiment pas de la compétence du conseil régional ! Quelques mauvais esprits pourraient être tentés de saisir les tribunaux. C’est pourquoi nous avions envisagé un mécanisme pour sécuriser le dispositif pour une année, mais si vous me donnez des assurances…

M. le secrétaire d’État. D’après les experts, il semblerait au contraire qu’un dispositif législatif risque d’être retoqué par le Conseil constitutionnel. Au titre de l’aide sociale, il y a sans doute un montage à trouver et les juristes du secrétariat d’État sont à votre disposition pour ce faire.

Concernant le prix du carburant, j’ai commenté le pré-rapport et j’attends les conclusions définitives et les résultats de la mission de l’Assemblée nationale sur la formation du prix du carburant et celle de l’Autorité de la concurrence. À l’évidence, il faut mener une réflexion, sans doute dans le cadre des états généraux, sur l’organisation à retenir pour mettre un terme définitif aux dérives qui ont été constatées. Faudra-t-il conserver aux Antilles une raffinerie dont les prix de revient sont 30 % supérieurs à ceux des produits importés ? Comment, ensuite, solder le passif et reconvertir le site ? Le comité de suivi se réunit lundi prochain. J’espère qu’il permettra d’avancer, et les états généraux aussi.

Oui, les exonérations de charges sont prévues au budget de l’État. Oui, nous avons déposé un amendement pour remonter le palier de 2,5 à 3,8 SMIC pour les entreprises des secteurs éligibles. Les petites entreprises de moins de onze salariés auront elles aussi un palier.

Quant à la continuité territoriale, nous allons nous efforcer de rendre simple ce qui peut pour l’instant vous paraître compliqué. Par ailleurs, je dois rencontrer le directeur général de l’IEDOM pour sortir de ce conflit.

Mme Christiane Taubira. Même si M. le secrétaire d’État a été très complet, j’appuie les propos du rapporteur général et de Jérôme Cahuzac.

S’agissant de la difficulté d’accès au foncier en Guyane, l’État est directement concerné puisque son domaine privé représente une emprise de près de 90 % sur le territoire. Quant aux capacités opérationnelles, les sociétés d’économie mixte sont en situation difficile, surtout l’une d’entre elles, et il faudrait que l’État exerce son contrôle.

J’en viens aux accords Bino. Il est déjà arrivé qu’un décret étende l’application d’un accord. Quelles sont les conditions nécessaires ? Et pourquoi ne peut-on, en l’espèce, procéder de la sorte ?

Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, m’expliquer le dispositif de remboursement des subventions lorsque se pose un problème d’agrément ?

M. Patrick Lebreton. La crise est arrivée après la concertation sur la LODEOM. À l’occasion de votre passage à La Réunion, monsieur le secrétaire d’État, nous avions évoqué la nécessité de ne pas accentuer avec cette loi la concurrence exercée par les zones franches d’activité sur les zones rurales. À La Réunion, nous avons déjà une ZFU à l’Est, qui a exclu de fait toutes les zones rurales. Ainsi, Sainte-Rose abritait une usine hydroélectrique : la taxe professionnelle est allée à l’intercommunalité, qui lui a dit qu’elle était exclue de la ZFU. Deux étages d’exonération fiscale ont été institués : le premier, pour les secteurs prioritaires, à 50 %, et le second, à 50 % aussi, pour les secteurs prioritaires dans les zones enclavées. Nous avons fait, avec le sénateur Virapoullé, des propositions et nous sommes plutôt satisfaits puisque le Sénat a accepté d’inclure les Hauts de La Réunion dans ce périmètre. Cependant, le champ des secteurs prioritaires a été élargi si bien que, aujourd'hui, certains projets dans le tourisme ou l’agro-nutrition menacent de se concrétiser ailleurs que dans les zones enclavées. Que peut-on faire pour les zones prioritaires qui ont été étendues, mais qui sont maintenant pénalisées par les nouveaux secteurs économiques désormais bénéficiaires des mêmes exonérations ? Autrement dit, est-il possible de relever de 80 % à 100 % les taux d’exonérations consentis aux zones rurales car elles risquent fort de voir partir les entreprises qui y sont installées ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Les accords Bino posent problème. L’UMPEG et les autres petits syndicats ont signé en pensant que l’État continuerait de les aider dans trois ans. Je les ai reçus et ils m’ont expliqué que ce qu’ils ne pouvaient pas faire aujourd'hui, c'est-à-dire augmenter les salaires de 200 euros, ils ne le pourraient pas dans trois ans, surtout après une crise si grave. Dans ma commune, l’usine à canne ne peut pas fonctionner car la centrale qui fournit la vapeur est en grève depuis le 18 janvier. D’autres secousses sont possibles, d’autres grèves peuvent éclater et certaines entreprises sont encore bloquées, y compris le port autonome. Les cliniques l’étaient ce matin et il est question que les communes les rejoignent. Les maires sont confrontés à des personnels exigeants, alors que les ressources ne sont pas abondantes, qu’ils sont, pour 85 % d’entre eux, titulaires, et qu’ils perçoivent à ce titre la majoration de 40 % pour vie chère. La crise risque fort de continuer.

M. Louis-Joseph Manscour. En Martinique, nous avons signé un accord avec les différents partenaires, qui s’appliquera le 1er avril. Or nous apprenons aujourd'hui que le RSTA ne sera pas en place avant plusieurs mois, ce qui pose le problème du respect des engagements de l’État.

Par ailleurs, le préfet a pressé tous les maires de Martinique de lui transmettre d’urgence des dossiers à présenter au FEI. Tous les services s’y sont mis et, aujourd'hui, on nous fait savoir qu’aucune opération concernant le nord du département, qui fera pourtant partie des zones franches globales, n’a été retenue.

On dit souvent que les élus ne font rien, que l’argent de la LBU n’est pas utilisé, mais nous rencontrons bien des difficultés. Ainsi, dans le cadre du plan de prévention du risque inondation, l’État a décidé, contre notre avis, de classer certaines zones en risque majeur alors qu’elles pourraient servir à la construction.

M. le secrétaire d’État. En ce qui concerne le FEI, il fallait aller vite car il s’agissait de retenir des chantiers prêts à démarrer dans l’année. Les préfets ont établi les premières listes qu’ils nous transmettront très prochainement et nous ferons le point.

Selon les accords passés, le RSTA s’appliquera à partir du 1er mars. Il sera versé le plus rapidement possible, disons entre juillet et septembre, et donc rétroactivement compte tenu des délais de mise en œuvre.

Quant à l’extension de l’accord, la procédure du code du travail prévoit à la fois un avis du Gouvernement, qui a été rendu, et celui d’une commission interprofessionnelle dans laquelle le MEDEF et le patronat se sont opposés à la clause de convertibilité. Le Gouvernement rendra sa décision le 4 avril. Avant d’ouvrir le débat sur ce qui devra se passer dans trois ans, contentons-nous de régler les problèmes à trois mois.

Sans trahir un secret, je dirai que le Président de la République a déclaré aux élus que le bonus apporté par l’État était créé pour un temps certes limité, mais qu’il arrivait que « les limites reculent ». Il faut veiller à ne pas créer de l’anxiété chez les chefs d’entreprise et agir avec pragmatisme au vu de la conjoncture. La clause de convertibilité, j’insiste, n’existe ni dans l’accord martiniquais, ni dans celui de La Réunion.

Le projet de loi devrait faciliter la cession gratuite de foncier aux collectivités de Guyane pour lesquelles la mainmise de l’État est peut-être, au fond, une chance. Concevoir une stratégie de remise à disposition du foncier, en Guyane ou ailleurs, sera un sujet majeur pour les états généraux. Les outils aussi devront être stabilisés : vous savez quels efforts nous avons faits pour la SA d’HLM de Guyane, qui est une société privée dont l’actionnaire – le 1 % patronal – a refusé le plan qui lui était proposé. Nous nous efforçons de conforter la société et d’améliorer la gouvernance pour remédier à sa défaillance.

S’agissant des Hauts de La Réunion, vous avez déjà obtenu partiellement satisfaction, monsieur le député, puisque toutes les entreprises bénéficieront d’une exonération de 100 % de la taxe professionnelle. Quant au reste, il faudra commencer par un chiffrage de ce que vous proposez parce que, chaque fois que l’on change la donne, on crée un déséquilibre.

Madame Louis-Carabin, il n’a jamais été question, dans les accords qui ont été négociés, de la fonction publique. Elle bénéficie déjà de la prime de 40 %, dont les discussions qui ont eu lieu avaient même pour objet de se rapprocher. Je comprends qu’il y ait des pressions, mais il faut savoir arrêter, même si ce n’est pas toujours facile.

Mme la ministre. Je remercie l’ensemble des commissaires pour ce débat. Yves Jégo et moi-même nous sommes efforcés de répondre clairement à vos questions : c’est une condition indispensable pour établir une relation de confiance.

Nous allons tous devoir faire preuve à la fois d’ambition – le sujet le mérite –, de pragmatisme, de rigueur et de lucidité car nous travaillerons sous le double regard de nos compatriotes d’outre-mer, qui seront très attentifs à nos comportements et à notre capacité à faire avancer les choses ensemble, et des habitants de la métropole, qui ne comprennent pas toujours ce qui se passe, ce qui nous oblige à faire de la pédagogie.

Je souhaite donc que nous puissions avoir dans l’hémicycle des débats du même niveau.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de :

– M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 1216) ;

– M. Pierre-Alain Muet, Rapporteur sur la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité (n° 1544) ;

– MM. Didier Migaud, Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Yves Censi, Pierre-Alain Muet et Michel Sapin, comme candidats titulaires ;

– MM. Hervé Mariton, Marc Laffineur, François Scellier, Victorin Lurel, Gérard Bapt et Charles de Courson, comme candidats suppléants ;

pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 1494).

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