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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 6 mai 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 87

Présidence de M. Didier Migaud Président

–  Examen du rapport d’information sur les amendes radars et l’efficacité de la politique de sécurité routière (M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial)

La Commission procède, en application de l’article 146 du Règlement, à l’examen du rapport d’information sur les amendes radars et l’efficacité de la politique de sécurité routière, présenté par M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial.

M. Didier Migaud, Président. Nous allons maintenant examiner un rapport d’information sur les amendes radars et l’efficacité de la politique de sécurité routière présenté par M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial pour les crédits des transports terrestres, fluviaux et maritimes. Notre Rapporteur spécial a notamment dans son périmètre de contrôle les crédits de la direction de la sécurité et de la circulation routières, ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route. Alors que l’objectif a été fixé de passer sous la barre des 3 000 tués en 2012, contre 4 274 tués en 2008, ce qui représente un objectif ambitieux mais indispensable, vous avez estimé utile de vous pencher sur l’efficacité de la politique publique des contrôles automatisés. Votre attention s’est portée sur deux questions importantes : d’une part, l’efficacité, en termes de sécurité routière, du système de radars de contrôle automatique de la vitesse mis en place dans notre pays depuis 2003, et, d’autre part, l’efficacité, en termes d’utilisation des ressources publiques, de l’argent des radars.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. Le montant des amendes forfaitaires issues du système de radars automatiques devrait s’élever en 2009 à 550 millions d’euros. Prioritaire dans l’attribution de ces recettes, le compte d’affectation spéciale Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route en recevra 212 millions d’euros, dont 202 pour le programme Radars proprement dit et 10 pour le programme Fichier national du permis de conduire. Deuxièmes dans les priorités de versement, les collectivités territoriales recevront 130 millions d’euros, dont 30 pour les départements et 100 pour les communes et leurs groupements. L’agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – recevra enfin le solde, soit 208 millions d’euros.

Lors de la visite du centre national de traitement – CNT – des amendes radars que j’ai effectuée à Rennes, j’ai pu constater que le système technique fonctionne. Pour autant, il conviendrait de remédier à l’inadaptation actuelle de sa structure, en le transformant en établissement public, ce qui permettra d’améliorer sa gestion, d’accroître encore sa polyvalence et sa capacité à prendre en charge le traitement de la verbalisation assistée par ordinateur – VAO –. En tout état de cause, le fonctionnement amont du système de contrôle et de sanction automatisés est satisfaisant, en particulier l’examen des flashs, la prise en compte des cas douteux et le constat de l’infraction. Mais il existe des dysfonctionnements pour le traitement des réclamations, ce qui est regrettable alors qu’il faut concilier les impératifs d’un processus industriel et les droits individuels. Il faudrait par ailleurs que le traitement des recours soit coordonné au plan national par un procureur de la République spécialisé installé à Rennes et que la direction du CNT soit également installée sur place.

S’agissant du versement à l’AFITF et de son opportunité, il convient d’abord de rappeler que le surplus de recettes que le système de radars génère après déduction des coûts de maintenance et d’extension, ne durera pas éternellement. Au fur et à mesure que le système s’agrandit, la recette unitaire diminuera et la recette totale aussi. Des différents scénarios étudiés par la direction de la sécurité et la circulation routières, il ressort que les recettes pourraient être inférieures aux coûts du système dès 2017. Dès lors les versements dont bénéficie l’AFITF pourraient s’annuler à cette date. Cette perspective fragilise un peu plus l’AFITF, qui bénéficiera, par ailleurs, de la taxe sur les poids lourds à une échéance encore inconnue et d’une augmentation de la redevance domaniale dont la légalité est contestée par les sociétés autoroutières avec des arguments semble-t-il solides.

L’efficacité des radars pour la sécurité routière ne fait pas de doute. Mais la baisse de l’accidentalité au rythme des dernières années ne permettra pas d’atteindre l’objectif de 2012. Des initiatives nouvelles doivent être prises. Mon rapport comprend vingt recommandations dans cette perspective.

M. Patrice Martin-Lalande. Il convient de souligner deux progrès importants qui ont été réalisés. Rappelons tout d’abord que des effectifs ont été redéployés du centre de gestion de la redevance audiovisuelle vers le centre national de traitement des amendes. Or, les économies réalisées grâce à la réforme du recouvrement de la redevance audiovisuelle s’établissent à 100 millions d’euros par an. Second point : il faut saluer le changement de comportement des Français au volant. La diminution du nombre de morts sur la route en témoigne et n’est pas sans lien avec la mise en place des radars automatiques.

Toutefois, des critiques peuvent être adressées quant à l’application des amendes : le lien entre la faute objectivement réalisée et le montant de la sanction doit être revu : il faut conserver une proportionnalité entre la perte des points et le niveau du dépassement. J’ai à ce sujet posé une question écrite au ministre, à laquelle je n’ai pas à ce jour eu de réponse, afin de savoir s’il serait possible, par exemple, d’augmenter le seuil de dépassement déclencheur d’une sanction. Il n’est en effet pas normal de perdre des points pour un dépassement de trois ou quatre kilomètres par heure.

M. Gérard Bapt. La diminution du nombre de morts sur la route n’est pas seulement liée à la mise en place des radars automatiques, mais aussi aux changements de comportements vis-à-vis de la consommation d’alcool ou de drogue. Le Rapporteur souhaite que de nouvelles initiatives soient lancées sur ce sujet : il conviendrait certainement de supprimer les panneaux de signalisation des radars. Par ailleurs, concernant les petits dépassements de vitesse autorisée, il serait légitime de payer une amende mais sans perdre forcément un point.

M. François Scellier. La France est le seul pays à installer des panneaux avertisseurs de radars. Or, cela provoque d’importants ralentissements, qui sont eux-mêmes dangereux pour la sécurité routière, sur les autoroutes par exemple. Je souhaiterais aussi interroger le Rapporteur sur les difficultés rencontrées pour contrôler les usagers, notamment les motards, ou certaines plaques d’immatriculation.

M. Patrice Martin-Lalande. On pourrait ajouter à cette question celle du contrôle des véhicules étrangers.

M. Pascal Terrasse. La question du contrôle des véhicules étrangers est en effet essentielle. Par ailleurs, on peut s’interroger sur les critères d’installation de certains radars. Ils devraient logiquement être installés sur les lieux les plus accidentogènes, mais on constate des décisions d’installation parfois déroutantes pour les collectivités concernées.

Troisième point : l’information donnée sur les radars. Il faut souligner qu’aujourd’hui, non seulement des sites Internet ou des GPS recensent les radars automatiques, mais également que des sites de « peer-to-peer » mettent à disposition de l’usager des applications permettant de faire connaître à tous la localisation d’un radar mobile dès sa détection par un membre d’un réseau.

Quatrièmement, je souhaiterais savoir si l’on connaît le nombre approximatif de personnes qui roulent sans permis en France. Il semblerait qu’il pourrait se situer entre 200 000 et 300 000 personnes. Et dans ces cas, quelles sont les conditions de prise en charge par les assurances en cas d’accident.

Enfin, dernier point : des évolutions sont-elles envisageables sur le permis à points ? Une indulgence pour les dépassements inférieurs à 5 kilomètres par heure pourrait être étudiée. En somme, un allègement du dispositif pourrait-il être prévu ?

M. Michel Vergnier. Il conviendrait de renforcer les campagnes de prévention routière dans les écoles, en les systématisant. Il faut également aller plus loin dans la réforme du permis de conduire, et pas seulement à travers la mise en place de stages. Je doute également de la pertinence du placement des radars à certains endroits, notamment à proximité des écoles, où d’autres moyens existent pour obliger les automobilistes à ralentir. La même question se pose concernant les phares allumés en journée, qui fait l’objet d’une proposition dans ce rapport.

M. Jean-Marie Binetruy. Je m’interroge sur la pertinence de la proposition n°19 du rapport, qui consiste à interdire l’usage du téléphone portable « mains libres » dans un véhicule. Il faut penser aux professions qui sont amenées à conduire beaucoup, et qui ont besoin de moyens de communication dans leur véhicule. Par ailleurs, les constructeurs automobiles équipent les véhicules des moyens de communication modernes : il semble donc contradictoire de chercher à interdire leur usage de façon systématique.

M. Patrice Martin-Lalande. S’agissant des radars mobiles, des quotidiens régionaux publient chaque jour la liste des lieux qui seront contrôlés par des radars mobiles.

S’agissant de la téléphonie mobile, il faut savoir ce qui remet véritablement en cause la sécurité de la conduite. Il n’est pas sûr que l’usage même du téléphone soit problématique. Enfin, il conviendrait de réviser entièrement le système de limitation des vitesses sur le réseau routier français : en effet, sur certains tronçons de route, celles-ci sont excessives au regard de la sécurité routière. Ces limitations avaient été mises en place lorsque les dépassements n’étaient pas sanctionnés lourdement, ce qui n’est plus le cas. Il faut donc revoir soigneusement les limites de vitesse locales.

M. Marc Le Fur. Il faut se féliciter de la baisse importante du nombre de morts sur la route que souligne le rapport de notre collègue. Quant à l’usage du téléphone, la vraie question est de savoir si l’on condamne la manipulation même de l’objet ou l’attention détournée de la conduite. Quel est le traitement actuel, en matière d’amendes, pour les véhicules qui sont conduits régulièrement par des personnes différentes ? Je pense aux familles qui ont un véhicule, partagé entre plusieurs de ses membres. Une question concerne également la sanction des dépassements de vitesse des motards : comment est-elle réalisée ? Enfin, je reprends la question de mes collègues sur l’inégalité constatée dans la sanction entre véhicules français et les plaques immatriculées à l’étranger.

M. Henri Nayrou. Je souhaite faire quatre remarques et poser une question au Rapporteur. Premièrement, il me paraît utile de rappeler la vertu pédagogique des panneaux annonçant la présence de radars fixes. Deuxièmement, il serait plus judicieux de localiser les radars mobiles sur des axes posant des problèmes avérés de sécurité, et non à des endroits choisis pour leur rentabilité financière. Troisièmement, il est clair que, sur un certain nombre de tronçons, la limitation à 50 kilomètres par heure ne s’impose pas. Quatrièmement, il est absurde de vouloir interdire toute forme de communication au volant ; cela s’apparenterait à ce que j’appelle de l’angélisme exterminateur. Enfin, le Rapporteur a-t-il une philosophie en matière de détecteurs de radars ?

M. Didier Migaud, Président. Le Rapporteur peut-il préciser le détail du coût global de l’insécurité routière, chiffré à 25 milliards d’euros dans le rapport ? S’agissant de l’aménagement des suspensions de permis, les « permis blancs » ne peuvent être accordés par l’autorité administrative, seule l’autorité judiciaire en ayant le pouvoir. Quelles sont précisément les conditions de délivrance ? Ces conditions ne sont-elles pas source d’inégalités de traitement ?

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial. Les « permis blancs » sont délivrés par le juge judiciaire, dans le cadre d’un classique aménagement de peine. Le monopole de la délivrance de ce document par le juge judiciaire est porteur d’incohérences. En effet, seuls les retraits causés par les comportements les plus graves, donnant lieu à une procédure judiciaire, peuvent faire l’objet d’aménagements. Ceux-ci ne sont pas possibles lorsque le permis est annulé à la suite de la perte successive des douze points du fait de plusieurs infractions légères, dont le contentieux relève du juge administratif.

Le détail du coût global de l’insécurité routière est présenté pages 42 et 43 du rapport.

Il me paraît essentiel d’améliorer la concertation avec les collectivités territoriales sur la localisation des radars et sur la définition des limitations de vitesse. Cette définition a été faite avant la généralisation des radars et n’a pas été modifiée depuis. Certaines limitations sont en conséquence excessives. Je propose, dans mon rapport, la création de commissions départementales de sécurité routière, au sein desquelles pourraient être évoquées ces questions ainsi que celle, essentielle, des modalités d’utilisation du produit des amendes radars.

Selon les experts, l’usage du téléphone au volant est une cause significative d’accidents de la route. Une conversation téléphonique se distingue d’une conversation avec un passager qui, lui, est en mesure d’appréhender la situation. L’usage des SMS est, bien évidemment, encore plus dangereux. L’écoute de la radio, quant à elle, n’appelle pas la même attention qu’une conversation téléphonique.

La verbalisation des motards au moyen d’une identification par leur plaque minéralogique, située à l’arrière, se répand. La France se caractérise toutefois par la forte proportion de jeunes motards dans les accidents mortels.

Lors de mon déplacement au centre national de traitement de Rennes, il m’a été indiqué que des vérifications par les forces de police peuvent être effectuées lorsque la personne désignée comme auteur de l’infraction par le titulaire du certificat d’immatriculation semble trop âgée pour être le conducteur.

Les experts sont très favorables à l’allumage des feux en plein jour.

S’agissant des modalités d’annonce de la présence de radars, je suis plutôt favorable à l’indication des zones dans lesquelles sont susceptibles de se trouver des appareils.

Je n’ai pas de philosophie sur la question des détecteurs de radars.

En ce qui concerne la coopération avec les pays étrangers, des progrès sont à constater avec la Suisse. La France est liée au Luxembourg par une convention sur le sujet.

Environ 1,5 % des conducteurs roulent sans permis. La plupart des annulations de permis résultent de la commission d’infractions graves, et non de la succession d’infractions légères. L’installation de radars à l’approche des feux rouges va entraîner davantage d’infractions à quatre points, ce qui posera sans doute la question de l’acceptabilité politique de cette mesure.

Je souhaite, pour finir, insister sur deux points. D’une part, certaines synergies sont possibles en matière de systèmes d’information ; ainsi, les systèmes de délivrance des passeports pourraient être utilisés par le centre de Rennes pour le traitement des amendes. D’autre part et surtout, le fonctionnement du centre de Rennes doit être amélioré, ainsi que je le propose dans mon rapport.

M. Didier Migaud, Président. Nous vous remercions, Monsieur le Rapporteur spécial, pour la qualité de votre travail. La Commission est-elle favorable à la publication du rapport ? Je constate que le principe de la publication du rapport d’information sur les amendes radars et le financement de la sécurité routière est approuvé par la Commission.

——fpfp——