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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 21 juillet 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 114

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne 2

– Examen du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 1549) (M. Jean-François Lamour, Rapporteur) 19

La Commission procède à l’audition de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur le projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 1549).

M. le président Didier Migaud. Aujourd’hui, M. le ministre du budget et des comptes publics va nous présenter le projet de loi relatif à l’ouverture, à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, qui a pour objet de prendre en compte le développement considérable du marché des jeux sur Internet, en dehors de toute autorisation et de tout contrôle par les pouvoirs publics. Je salue la présence de membres des autres commissions concernées par ce texte.

M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Les jeux sur Internet explosent. La demande des joueurs français, le montant des mises, le nombre de sites en langue française augmentent selon des taux à deux chiffres. Chaque jour, 25 000 sites proposent des jeux dans tous les domaines, avec un montant de mises en France qui oscillent entre 3 et 4 milliards d'euros.

Mais ce phénomène se développe en dehors de tout cadre légal : en dehors des règles que le législateur a imposées aux acteurs historiques du jeu en France, la Française des Jeux, le PMU et les casinos ; en dehors des règles protégeant les mineurs, les joueurs, les familles, le sport, la filière hippique, les transactions financières ; bref, en marge de tout l'édifice de protection de l'ordre public et social que le législateur a progressivement construit pour que le jeu soit d’abord un plaisir, et non pas un problème.

On ne peut pas rester dans cette situation, qui fait coexister des opérateurs soumis à des règles, avec d’autres qui y échappent. On ne peut pas faire comme si tout cela n'existait pas, alors même que sont en cause des fondements de l'ordre public et de l'ordre social.

Si le premier réflexe peut commander de tout interdire, ma conviction est que ce type de stratégie débouche immanquablement sur l'incompréhension et l'échec.

Il ne sert à rien en effet de nier la réalité de la demande de jeu sur Internet : alors que les Français étaient moins de 1 % en 2003 à jouer sur Internet, ils sont près de 5 % aujourd'hui. Surtout, une interdiction générale sur Internet ne peut pas fonctionner. La meilleure réponse est d'assécher progressivement le marché noir des sites illégaux en créant une offre légale, qui obéisse aux règles édictées par le législateur, et de créer en outre des outils de lutte contre les sites illégaux.

Si tout repose sur la lutte contre les sites illégaux, le combat devient démesuré, le Gouvernement devant se battre contre des milliers de sites. C'est le choix qu'a fait l'Allemagne, et c'est un échec. Si, en revanche, une offre légale se structure autour d'acteurs connus et reconnus, les sites illégaux, non seulement sont menacés par des outils de lutte techniques et juridiques, mais surtout voient leurs perspectives de développement réduites par l'émergence d'acteurs légaux dont la notoriété dépasse très rapidement la leur. C'est le choix qu'a fait l'Italie, et il se révèle de plus en plus gagnant.

C'est cette dernière stratégie que le Gouvernement vous propose. L'objectif fondamental du texte qui vous est proposé est de reprendre le terrain perdu en créant une offre légale qui imposera sa qualité grâce à la publicité, et d'avoir, en complément, des outils de lutte qui visent à cumuler les obstacles sur le chemin des sites illégaux. Les deux vont ensemble, et l'un ne peut aller sans l'autre.

Dans cette stratégie, l'un des enjeux est évidemment de donner à l'offre légale les moyens de s'imposer. Mais il s’agit également de lui imposer le respect de règles qui correspondent à nos valeurs.

En la matière, les choses sont claires : ce projet de loi part du principe qu'il revient au législateur de définir ces règles, la définition de l'ordre public et de l'ordre social pouvant varier d'un pays à l'autre. Nous avons donc refusé de nous inscrire dans une démarche de reconnaissance mutuelle des agréments délivrés par chaque État à des opérateurs de jeux sur Internet.

Voilà pour les grandes lignes de ce texte, dont je précise que la Commission européenne vient de souligner le « sens positif général », ce dont je me félicite compte tenu de la sensibilité et de la complexité du sujet.

Permettez-moi à présent d'insister sur quelques points saillants du texte.

Le champ de l'ouverture concernera trois catégories de jeux et paris, qui présentent le plus fort intérêt pour les joueurs et en même temps le plus faible risque d'addiction. Le projet de loi ouvre à la concurrence les paris sportifs, les paris hippiques et le poker. C'est sur ces trois types de jeu et de paris que se concentre aujourd'hui l'essentiel de la demande des joueurs sur Internet et que les risques d'addiction sont dans le même temps les plus limités.

Les paris sportifs, sous la forme du pari à cote, c'est-à-dire de paris dans lesquels l'opérateur de jeux parie contre le joueur, connaissent un fort développement. La quasi-totalité des pays qui proposent des paris sportifs autorise cette forme de pari. Mais seuls seront autorisés en France les paris sur des résultats d'épreuves réelles, et après qu’aura été recueilli l'avis des fédérations sportives concernées sur les catégories d'épreuves à retenir et les types de résultats pertinents comme supports des paris.

Les paris hippiques constituent le second segment de jeu autorisé par le projet de loi. La filière hippique vit dans la tradition du pari mutuel, à laquelle les parieurs sont particulièrement attachés. Cette tradition doit être préservée en France. C'est pourquoi le projet de loi n'autorise pas le pari à cote pour les paris hippiques. Je précise que la Commission européenne n'a fait, sur ce point essentiel, aucune remarque.

Enfin, en matière de jeux de casinos, le Gouvernement a décidé d'ouvrir à la concurrence le poker en ligne. Le poker connaît en effet un succès considérable : il représente les trois quarts des sommes misées sur les jeux de casinos sur Internet. Son potentiel addictif est moins élevé que celui des autres jeux de casinos, en particulier les machines à sous.

Au total, l'ouverture porte donc sur les types de jeu les plus prisés par les joueurs sans être étendue aux jeux de tirage instantanés qui, comme les machines à sous, présentent les plus grands risques d'addiction ou financiers pour les joueurs.

Deuxièmement, la création d'un cadre légal passe par la définition de règles qui s'imposeront aux opérateurs, mais également de dispositifs leur permettant de s'imposer vis-à-vis des sites qui resteront dans l'illégalité.

Les opérateurs de jeux légaux seront ceux qui auront obtenu un agrément, d'une durée de cinq ans renouvelables. Le nombre de ces agréments n'est pas fixé à l'avance, parce que nous souhaitons que tous les opérateurs qui démontreront qu'ils respectent effectivement le cahier des charges défini par la puissance publique puissent en obtenir un.

Concrètement, nous vous proposons qu'une autorité de régulation indépendante, l’Autorité de régulation des jeux en ligne – ARJEL –, soit créée pour attribuer ces licences. La préfiguration de cette autorité a été confiée à Jean-François Villotte, ici présent.

Ce cahier des charges contiendra un ensemble de règles destinées à assurer la protection de l'ordre public et social. Il fixe à cet égard des règles précises en matière de contrôle de l'identité des joueurs, de protection des mineurs, de promotion d'un jeu responsable à même de prévenir la dépendance aux jeux, de lutte contre le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux, de préservation de l'intégrité des compétitions sportives et hippiques.

Je reviendrai plus spécifiquement sur la protection des joueurs qui est, à mes yeux, et à ceux du rapporteur, un point essentiel.

L'Autorité de régulation aura pour mission de contrôler le respect de ce cahier des charges. Les opérateurs seront tenus de lui donner accès en permanence à toutes les données pertinentes et leur autorisation d'exercice pourra être suspendue, voire annulée, en cas de manquement constaté. Un dispositif d'enregistrement permanent des échanges informatiques entre les opérateurs de jeu et les joueurs est prévu, sans que les opérateurs soient obligés d'être établis en France. Sinon, le projet français aurait été contraire au droit communautaire.

Je précise que les opérateurs qui sont aujourd'hui illégaux ne pourront pas tirer parti de l'avance qu'ils ont prise, en termes de parts de marché, et que mon intention est bien de remettre les compteurs à zéro. Je vous proposerai, dans quelques instants, des amendements en ce sens.

En contrepartie du respect de ces règles, les opérateurs légaux auront le droit de faire de la publicité pour leur offre, de manière encadrée. C'est une disposition absolument fondamentale pour lutter contre les sites illégaux, car elle conduira à opposer d'un côté des sites visibles, qui afficheront leur marque sur les supports traditionnels de publicité – radio, télévision, presse, maillots d'équipes, etc. – et, de l'autre, des sites qui devront demeurer dans l'ombre. Je considère, pour ma part, que c'est l'un des outils les plus efficaces de lutte contre les sites illégaux. Le fait que les plus gros d'entre eux soient aussi impatients de commencer la publicité à la radio le démontre.

Les opérateurs légaux devront par ailleurs acquitter une fiscalité. Pour déterminer le niveau de cette fiscalité, qui portera sur les mises, nous avons pris en compte deux éléments. Le premier est la nécessité d'assurer un rendement constant des recettes fiscales et sociales du jeu, actuellement de 5 milliards d'euros. Le second est l’offre d’un cadre attractif, incitant les opérateurs illégaux à faire le choix de la légalité.

Ces deux éléments sont difficiles à concilier car la fiscalité doit être, pour tous les types de jeu, globalement identique, qu'ils soient vendus sur Internet ou dans un réseau physique. Cela signifie concrètement que, si l'on souhaite avoir une fiscalité sur les paris beaucoup plus basse que la fiscalité actuelle de la Française des Jeux ou du PMU, il faut l'appliquer à l'ensemble des paris « en dur », ce qui peut entraîner mécaniquement pour l'État une diminution de recettes. Le projet qui vous est soumis fixe le point d'équilibre entre ces deux objectifs à 7,5 % des mises pour les paris sportifs et hippiques, et à 2 % des mises pour le poker.

Afin de garantir le versement des prélèvements, le projet de loi prévoit la désignation d'un correspondant fiscal en France pour les opérateurs agréés qui ne seraient pas établis dans notre pays.

Troisièmement, la création de ce cadre légal est complétée par la mise en place d'outils de lutte contre les sites illégaux de plusieurs types. C’est d'abord la mise en place d'une offre légale, et en particulier le fait qu'elle puisse faire de la publicité, qui constituera la première et principale barrière à l'offre illégale. Les outils de lutte contre les sites illégaux constituent néanmoins le complément indispensable de cette offre illégale résiduelle.

Premier outil : le blocage des sites de paris illégaux, qui est mis en œuvre en Italie. Concrètement, un site illégal pourra être mis en demeure de cesser son activité. S'il n'obtempère pas, les fournisseurs d'accès seront tenus de bloquer l'accès.

Deuxième outil : le blocage des transactions financières entre les sites et leurs joueurs, qui permettra d'exiger des banques établies en France de suspendre le versement des mises et des gains de la part des opérateurs illégaux.

M. le président Didier Migaud. Afin de permettre à nos collègues de regagner l’hémicycle pour un vote, je vais suspendre la séance quelques minutes.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le ministre. Le troisième outil de lutte contre les sites illégaux est le suivant : l'interdiction de faire de la publicité pour ces sites, les diffuseurs ayant méconnu cette règle s'exposant à une amende pouvant aller jusqu'à quatre fois le montant de la dépense publicitaire engagée.

Pris un à un, ces outils ont des limites. Mais, lorsqu'on les cumule, ils constituent un ensemble particulièrement efficace : comment imaginer que la situation restera la même pour un site illégal si, ne serait-ce qu'une fois, il fait l'objet de mesures de blocages et de refus des diffuseurs de faire de la publicité pour son compte, alors qu'en face des acteurs légaux imposent rapidement la notoriété de leurs marques et démontrent aux joueurs qu'ils sont les seuls à assurer en permanence la sécurité financière de leurs transactions ?

Permettez-moi d'insister également sur la nécessité de faire de ce texte le support d'une lutte plus efficace contre la dépendance aux jeux et celui d'une meilleure protection de l'éthique des compétitions.

La lutte contre la dépendance aux jeux est un sujet considérable. Le texte nous permettra de progresser dans ce domaine autour de trois axes.

Premièrement, le taux de retour aux joueurs – TRJ –, sera plafonné, parce que nous considérons que ce plafonnement, qui est indispensable pour lutter contre le blanchiment, l'est tout autant pour limiter la dépendance aux jeux. Nous avons des échanges avec la Commission européenne, qui a une interprétation différente, mais nous sommes déterminés à faire valoir un principe de précaution sur un sujet d'une extrême complexité.

Deuxièmement, les sites des opérateurs légaux devront comporter un ensemble de « modérateurs » de jeu, c'est-à-dire de dispositifs incitant le joueur à réduire le temps passé à jouer et permettant de détecter les joueurs à problème.

Troisièmement, l'effort public pour la connaissance, la prévention et le traitement de la dépendance aux jeux sera renforcé. En particulier, une partie des recettes sociales sera destinée au financement de la lutte contre la dépendance aux jeux, par l'intermédiaire de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé – INPES –.

L’objectif est non seulement d’être meilleur en matière de lutte contre la dépendance aux jeux donc, mais également dans la protection du sport et du monde hippique.

L'éthique des compétitions sera mieux protégée par le fait que les paris légaux ne pourront porter que sur des compétitions et des types de résultats déterminés après avis des fédérations sportives et non, comme c'est le cas aujourd'hui, sans qu'elles aient jamais leur mot à dire. Les organisateurs d'événements sportifs pourront en outre signer des accords contractuels avec ces opérateurs, leur permettant notamment de leur faire prendre des engagements en matière d'éthique et de protection des compétitions. Le droit de propriété qui leur est reconnu dans le projet de loi est, à cet égard, un élément essentiel de la protection du sport face aux risques des paris.

Le projet de loi prévoit, en outre, un retour financier vers le monde du sport : vers le sport professionnel d'abord, qui bénéficiera en particulier des recettes du sponsoring ; vers le sport amateur et de haut niveau, qui bénéficiera d'un prélèvement de 1 % sur les paris sportifs, lequel sera affecté au Centre national pour le développement du sport. Le CNDS conservera naturellement le taux de 1,8 % sur les activités de loterie et de grattage, qui lui rapportent d'ores et déjà 163 millions d'euros par an. Par rapport à ce prélèvement de 1,8 % sur le jeu physique, le prélèvement de 1 % pour les jeux sur Internet aura une caractéristique importante : il ne sera pas plafonné.

En ce qui concerne les paris hippiques, j'ai pris l'engagement que les opérateurs devront contribuer au financement de la filière hippique, qui représente plus de 60 000 emplois et joue un rôle considérable dans l’amélioration de la race équine et pour l'aménagement du territoire. Cela permettra de sortir de la situation actuelle, dans laquelle les sociétés de course voient se multiplier des paris illégaux pour lesquels elles n'ont aucun retour financier.

Je ne serais pas exhaustif si je n'ajoutais pas que le patrimoine bénéficiera également d'un retour financier dans le cadre du projet de loi, par l'intermédiaire d'une partie des recettes fiscales sur le poker en ligne. Ce versement, plafonné à 10 millions d'euros, sera versé au Centre des monuments nationaux.

Ce projet de loi vise à réguler une situation qui n'est aujourd'hui plus tenable, sans rien céder sur nos valeurs et nos objectifs d'ordre public et d'ordre social.

Le sujet est complexe, comme le savent tous ceux d'entre vous qui se sont plongés dans le dossier, en particulier le rapporteur, dont je salue le remarquable travail.

Je suis néanmoins sincèrement convaincu que l'équilibre proposé par ce texte, qui a fait l'objet d'une consultation considérable de l'ensemble des acteurs, est le bon.

M. Jean-François Lamour, rapporteur. Je tiens d’abord à remercier le ministre pour son exposé dont la clarté nous permet de bien saisir les enjeux d'un projet de loi destiné à bouleverser le cadre législatif et réglementaire des paris, jeux d'argent et de hasard, qui n'a quasiment pas changé depuis le XIXe siècle. J'insisterai pour ma part sur trois points du projet de loi, essentiels à mes yeux et pour lesquels je vous proposerai un certain nombre d'amendements de nature à améliorer encore la qualité de celui-ci.

La protection du joueur, du parieur et de la société est la raison d'être du projet de loi. En effet, l'activité de paris, jeux d'argent et de hasard est suffisamment ancienne pour que ses risques individuels et sociaux soient désormais bien connus : addiction, mise en danger des mineurs, blanchiment, fraude fiscale, criminalité organisée, entre autres. Pour des raisons tenant à la santé publique et à l'ordre public, l'activité des jeux est et doit rester sous le strict contrôle de l'État.

Le projet de loi se présente donc comme une libéralisation contrôlée du secteur des jeux et paris en ligne dans notre pays via, notamment, la mise en place d'une procédure d'agrément par une autorité administrative indépendante : l'ARJEL. C'est un point fondamental. Les opérateurs de jeux et paris en ligne qui souhaiteront exercer leur activité en France devront en effet satisfaire à un cahier des charges très rigoureux, contenant une série d'obligations strictes en matière de contrôle des mineurs, de surveillance de l'activité de jeu, de lutte contre le blanchiment et l'addiction au jeu, de tenue de comptabilité.

Le respect de ces obligations sera assuré par cette autorité administrative indépendante, disposant de larges pouvoirs de contrôle et d'investigation mais aussi de sanctions, celles-ci pouvant aller jusqu'au retrait de l'agrément.

Enfin, l'INPES disposera de ressources supplémentaires, à hauteur de 5 millions d'euros, afin de lutter contre l'addiction au jeu par des actions d'information, de dépistage et de prise en charge. Peut-être, monsieur le ministre, faudrait-il augmenter ses ressources afin, notamment, de renforcer le rôle des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie – CSAPA –, en matière d'accompagnement des joueurs vulnérables.

La lutte contre les sites illégaux est le deuxième point sur lequel je souhaiterais insister et le corollaire du premier. Les opérateurs agréés de jeux et paris en ligne seront soumis à des fortes contraintes et à une fiscalité pouvant être considérée comme désavantageuse par rapport à celle en vigueur dans certains pays européens. Il est donc essentiel, pour la viabilité même de l'offre légale de jeux et paris en ligne, que celle-ci soit le mieux possible protégée contre la concurrence déloyale des opérateurs qui auront choisi l'illégalité et qui, de fait, ne supporteront pas les mêmes contraintes. La persistance d'une offre illégale aisément accessible par les joueurs français ruinerait la rentabilité de l'offre légale et, par là même, l'ambition du présent projet de loi d'une ouverture régulée du secteur des jeux et paris en ligne.

C'est pourquoi j'estime nécessaire d'améliorer les mesures proposées dans le projet de loi en matière de lutte contre les sites illégaux en faisant de l'ARJEL l'acteur principal de celle-ci. Je vous proposerai donc plusieurs amendements permettant notamment à l'ARJEL de demander elle-même aux fournisseurs d’accès à l’Internet le blocage de l'accès à ces sites illégaux et aux banques le blocage des mouvements de fonds en provenance ou à destination de ceux-ci.

Alors que le projet de loi HADOPI 2 est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, je tiens à préciser que c'est l'accès aux sites illégaux et seulement lui qui sera bloqué. Il ne s'agira ni de couper l'accès à Internet de nos concitoyens, ni de collecter leurs adresses IP, ni de restreindre leur liberté constitutionnelle de communication et d'expression.

Enfin, lutter contre les sites illégaux et assurer la viabilité de l'offre légale de jeux et paris passent aussi par le renforcement de l'attractivité de celle-ci, mise à mal par une fiscalité parfois mal adaptée. Je pense en particulier au poker en ligne qui, en raison de son modèle économique, ne pourra pas se développer si le niveau de taxation actuel des mises est maintenu. L'expérience italienne enseigne qu'une telle taxation conduit à l'asphyxie de l'offre légale de poker en ligne. Nous devons en tirer les leçons. À ce propos, je tiens à remercier M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour son amendement qui permet d'ouvrir le débat en proposant une solution à ce problème.

Troisième point : il faut être conscient que l'ouverture à la concurrence du secteur des paris sportifs et hippiques constitue à la fois une opportunité et une menace pour le mouvement sportif et la filière hippique. C’est une opportunité parce que le mouvement sportif et la filière hippique bénéficieront de nouvelles ressources découlant de l'accroissement des sommes misées sur les paris hippiques et sportifs. Cependant, si le retour prévu pour la filière hippique, soit 8 % des sommes misées sur les paris hippiques, lui sera particulièrement favorable, il n'en est pas de même pour le mouvement sportif. C'est pourquoi je vous proposerai que le Centre national pour le développement du sport – CNDS –, bénéficie plus largement du développement des paris sportifs via l'augmentation progressive de 1 à 1,8 % du taux du prélèvement qui lui est affecté.

Mais l'ouverture à la concurrence constitue également une menace, l'accroissement des enjeux financiers sur le sport portant en lui des risques accrus de tricherie et de fraude. C'est pourquoi l'article 52 du projet de loi constitue à mes yeux un élément essentiel de la régulation des jeux et paris en ligne. En reconnaissant aux organisateurs de manifestations et de compétitions sportives un droit de propriété sur l'utilisation commerciale des éléments caractéristiques de celles-ci et en obligeant les opérateurs de paris sportifs en ligne à contracter avec eux, il leur permet de fixer des règles garantissant l'éthique des paris et, par une juste rémunération, la loyauté des compétitions et manifestations sportives.

Ce droit de propriété doit être mieux encadré, et je vous proposerai un amendement en ce sens. Mais le remettre en cause exposerait la France aux dérives que connaissent les pays anglo-saxons en matière de paris sportifs, où il n'y a aucune limite aux types de paris possibles.

Tels sont les trois points que je souhaitais développer devant vous et sur lesquels je vous proposerai un certain nombre d'amendements.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Le droit français des jeux doit évoluer sous l’effet d’au moins deux facteurs. Il doit d’abord s’adapter à l’évolution des techniques, qui a permis le développement d’une offre de jeux en ligne illégale. Il doit également tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, qui considère depuis un arrêt de 1994 que l’offre de jeux est une activité de service comme une autre, relevant à ce titre des règles du marché unique européen, notamment de la prohibition du monopole. Ces évolutions techniques et juridiques ont rendu notre cadre législatif obsolète et justifient ce projet de loi.

Si la Commission des affaires économiques approuve la philosophie de ce texte, qui concilie ouverture maîtrisée du marché des jeux et mise en place de nouveaux outils de lutte contre l’offre illégale, elle considère qu’il peut encore être amélioré sur cinq points : la compatibilité du droit français avec le droit communautaire, notamment en ce qui concerne la procédure d’agrément ; l’attractivité de l’offre légale, qui est menacée par la taxation prévue  – le rapporteur vient de souligner qu’il partageait à cet égard la préoccupation de notre Commission –; la prise en compte de la filière touristique, qui ne bénéficie pas des reversements prévus pour la filière hippique et sportive, alors que notre pays est la première destination touristique au monde ; la protection des consommateurs – nous proposerons un amendement visant à renforcer la lutte contre l’addiction ; enfin, pour éviter la concurrence déloyale au profit de l’offre illégale, nous proposerons que les compteurs soient remis à zéro : il ne nous semblerait pas normal que ceux qui ont développé une offre illégale puissent conserver leurs fichiers clients.

M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La Commission des lois s’est saisie pour avis sur l’article 1er, les articles 25 à 36, relatif à l’ARJEL, et 45 à 50, qui instaurent des sanctions pénales à l’encontre des exploitants de sites de jeux en ligne illégaux.

Nous ne revenons pas sur le principe posé par l’article 1er d’interdiction des jeux en France sauf exceptions. Les articles 25 à 36 posent la question de savoir si l’Autorité de régulation aura les moyens nécessaires pour assurer la surveillance des jeux en ligne : la Commission des lois tient à souligner le caractère particulier de l’Internet, qui est appelé à évoluer, et la nécessité que la législation évolue également. Enfin, sur les articles 45 à 50, nous proposerons des amendements tendant à unifier les sanctions prévues pour les exploitants de jeux illégaux, qu’ils soient en ligne ou « en dur ».

M. le ministre. Certains de vos amendements représentent des améliorations réelles, notamment en ce qui concerne le poker, les communes touristiques, dont le dynamisme me tient à cœur, et les moyens de l’ARJEL.

La complexité du sujet tient notamment à la nécessité de faire entrer dans la légalité des sites illégaux dans des conditions déterminées et de leur faire acquitter une fiscalité à laquelle ils échappent aujourd’hui. C’est pourquoi toute solution « mi-chèvre mi-chou » qui permettrait de laisser prospérer une offre illégale serait un échec. Il ne faut pas non plus négliger le contexte juridique européen.

M. le rapporteur. J’aimerais, monsieur le ministre, vous poser deux questions d’ordre général.

Dans quelle mesure la date du 1er janvier 2010 pourra-t-elle être tenue pour l'ouverture à la concurrence des jeux et paris en ligne et quand les premiers agréments pourront-ils être accordés ?

Par ailleurs, les derniers mois ont été marqués par un déferlement de publicité sur l'ensemble des médias en faveur des sites de jeux et paris en ligne, par l'organisation de tournois de poker sponsorisés par lesdits sites, par l'association de sites de journaux avec des sites de paris sportifs en ligne ouvrant la possibilité à leurs lecteurs de parier sur les événements sportifs. La pression ne peut aller que s'accroissant d'ici à la fin de l'année. Comment le Gouvernement compte-t-il réagir face à de tels comportements ?

M. le ministre. Vous avez raison de poser ces deux questions ensemble, car elles sont liées, les sites de jeux en ligne développant en effet leur publicité, dont les médias et les clubs sportifs sont particulièrement demandeurs dans ces temps difficiles, dans la perspective du vote du projet de loi.

Étant donné les délais de la procédure parlementaire, ce texte ne pourra pas entrer en application en janvier prochain. En tout état de cause, la date butoir sera celle de la Coupe du monde de football.

D’ores et déjà, nous avons demandé que les radios cessent de diffuser des publicités pour les jeux en ligne, nous avons limité l’accès à la publicité de la Française des jeux et du PMU et nous comptons enfin déposer plainte contre ceux qui violent le droit actuel.

Mais la meilleure réponse sera que le texte « sorte » au plus tôt.

M. Yves Censi. Quant aux objectifs et au fond du texte, nous pouvons tous être d’accord. Il part d’un constat partagé : l’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne s’imposait pour contrer le développement de l’offre illégale de ces jeux. Nous nous félicitons que l’article 1er réserve à l’État le monopole des jeux « en dur », contrairement à la philosophie anglo-saxonne. Nous ne comptons pas non plus revenir sur le principe de l’interdiction des jeux en France, sauf exceptions, notamment en faveur de ce que les Anglo-Saxons appellent les charities, pour le financement de la filière équine et le soutien de la filière sportive.

Face à ce constat, le modèle proposé par le projet de loi est celui d’une offre légale attractive, encadrée par une haute autorité, l’ARJEL, disposant d’un pouvoir de sanction. L’équité commande en outre qu’on remette totalement les compteurs à zéro entre opérateurs légaux et sites illégaux et, sur ce point, je ne suis pas sûr que le texte donne entièrement satisfaction.

Enfin, si notre groupe approuve totalement les objectifs de l’article 52, nous nous demandons si la fixation de ces limites ne relève pas de la compétence de l’ARJEL, voire de l’État.

M. Gaëtan Gorce. Ce texte suscite quelques inquiétudes.

Quelles sont les motivations qui poussent le Gouvernement à modifier une législation ancienne et bien établie, régissant un système qui fonctionne plutôt bien ? Le ministre a tout d’abord expliqué cette démarche par l’évolution de la position de la Commission européenne et de la Cour de justice des Communautés européennes, mais celles-ci n’ayant jamais remis en question le monopole, on aurait pu choisir plutôt de consolider ce dernier, d’autant plus que rien ne prouve que l’environnement juridique incertain invoqué par le Gouvernement sera moins incertain lorsque le texte aura été voté.

Il est étonnant que le ministre n’ait pas souligné que la question des jeux est éminemment politique – c’est, sans jeu de mots, une question de « valeurs », au sens moral du terme. La réglementation des jeux a toujours été fixée en fonction de l’idée que l’on se faisait d’une réussite ou d’un profit normaux et de la place du jeu et de l’argent dans la société.

À cet égard, nous avons toujours rappelé les prérogatives de l’État pour des motifs d’ordre public. Alors que plusieurs États européens s’interrogent à la suite de l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice, pourquoi la France ne réaffirme-t-elle pas ces valeurs et, au lieu de déposer bien vite un texte devant le Parlement, pourquoi ne se tourne-t-elle pas vers l’Union européenne et ses partenaires pour demander une clarification politique, comme le suggérait d’ailleurs le rapport rédigé voici un an par M. Myard et M. Blessig ? Il faut savoir quelle conception a l’Union européenne de ces sujets, quel rôle l’Union et les États doivent respectivement jouer et sur quels principes se fonde l’intervention des États.

Je regrette que le gouvernement français renonce à mener cette bataille essentielle sur les valeurs.

J’en reviens à ma question : quelles sont les motivations qui conduisent à cette modification de notre législation ?

Votre deuxième argument, monsieur le ministre – celui de l’efficacité – m’évoque cette réflexion célèbre : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs. » Il semble que, toujours sans jeu de mots, vous fassiez là un pari aventureux. Vous invoquez la concurrence de services illégaux pour justifier des mesures visant à canaliser ces pratiques illégales. On pourrait attendre de votre part plus de volontarisme politique !

Selon vous, la loi permettra d’encadrer des pratiques qui nous « débordent ». Il y a quelque ironie à vous entendre dire que vous incitez la Française des jeux à faire moins de publicité pour ne pas exciter les pratiques publicitaires illégales des opérateurs qui interviennent déjà en France !

Vous annoncez votre intention d’ouvrir la possibilité de jeu en ligne, en réglementant, fixant des limites, définissant une fiscalité et mettant en place une autorité indépendante. Quelle certitude avez-vous que les règles que vous entendez fixer pour réglementer les paris hippiques, les paris sportifs et poker seront respectées par les opérateurs ? Si elles sont assez sévères pour garantir le respect des principes auxquels nous sommes attachés, nous avons les moyens de faire respecter aussi les règles du monopole, et pourquoi, alors, cette ouverture ? Si, au contraire, les règles ne sont pas assez strictes, elles donneront vite lieu à des débordements et ne nous permettront pas de faire respecter ces principes. Il est frappant d’entendre des candidats opérateurs – qui, en pratique, opèrent déjà – déclarer dans les médias que, si les règles sont trop strictes, ils s’en affranchiront et qu’on ne pourra pas les en empêcher, par manque de moyens techniques et compte tenu de la libéralisation de la législation dans certains pays, avec lesquels l’absence de coopération judiciaire empêchera de sanctionner ceux qui opéreront depuis ces pays. Renoncer à consolider le système du monopole risque donc d’encourager sur Internet jeux légaux et illégaux, sur lesquels nous n’aurons pas réellement de prise.

Du point de vue éthique, est-il normal que des opérateurs puissent être également actionnaires de sociétés qui peuvent être parties prenantes, comme des clubs sportifs ? Quant aux opérateurs qui opèrent déjà illégalement et sous la pression desquels vous semblez agir, je souhaiterais que vous nous confirmiez votre intention de procéder à la désinscription de leurs clients.

Les moyens consacrés à l’addiction sont très limités et il faut évidemment aller plus loin. Êtes-vous prêt à prévoir des obligations plus fortes à la charge des opérateurs, notamment pour financer, outre la prévention, les recherches et les soins ? Si c’est le cas, ces obligations risquent de dissuader bien des opérateurs d’entrer dans le dispositif que vous mettez en place.

L’équilibre économique de l’ensemble pose également question. Le taux des prélèvements étant voué à baisser, l’État espère-t-il retrouver au moins l’équivalent de ces rentrées fiscales par l’augmentation des volumes d’activité ? Le montant de plus de 1 milliard  d’euros que la filière sportive et la filière équine récupéreront au titre des prélèvements qui leur seront affectés sera-t-il suffisant ? Je crains que, là encore, on ne joue avec le feu – ce que semble confirmer le rapporteur en proposant de porter ces prélèvements de 1 % à 1,8 %, pour retrouver le niveau actuel.

Je partage, monsieur le rapporteur, vos inquiétudes quant aux risques accrus de tricherie et de fraude, ainsi qu’aux risques pour les filières équine et sportive, mais je ne crois pas qu’il faille modifier la législation française. Il faut au contraire réaffirmer nos principes et nos valeurs, notamment pour faire passer un message clair aux autres États concernés et replacer la Commission européenne dans son rôle, qui est de respecter la volonté des États et de l’Union.

Je rappelle que deux directives, consacrées au commerce électronique et à l’ouverture du marché intérieur des services, ont exclu les jeux en ligne du principe de la libéralisation des prestations. Pourquoi céderions-nous aujourd’hui sous la pression de la Commission ?

M. Charles de Courson. Je tiens à féliciter le Gouvernement de ne pas s’en être tenu à une position conservatrice. Les paris en ligne sont un fait et l’ignorer aurait deux conséquences : une addiction qui ne serait plus encadrée et des pertes fiscales – on estime en effet à 200 millions d’euros le montant des jeux illégaux opérés hors de France. À quoi bon une croisade anti-jeux ?

Le texte pose plusieurs questions.

La première porte sur le niveau des prélèvements. Je rappelle à cet égard que l’Italie a dû abaisser le taux de prélèvement, faute d’avoir pu encadrer le marché illégal. Ne conviendrait-il pas de fixer un taux moins élevé que prévu et de l’adapter progressivement à l’évolution du marché ?

La deuxième question concerne le plafonnement du TRJ, que de nombreux spécialistes considèrent comme une erreur. Ce plafonnement, contre lequel la Commission a rendu un avis circonstancié, est-il eurocompatible ? Par ailleurs, toutes les études montrent que c’est le plafonnement de la mise par joueur, et non pas celui du TRJ, qui permet de limiter l’effet d’addiction.

Quant au droit de propriété, les décisions de justice rendues en la matière montrent bien qu’il n’a pas d’existence. Est-il constitutionnel de vouloir créer un tel droit, comme le prévoit l’article 52 ? Le système mis en place par le Gouvernement me semble très dangereux, car il ouvre la voie à des discussions bilatérales avec certaines fédérations sportives, au détriment du reste du mouvement sportif. Ne vaudrait-il pas mieux adopter le système italien, qui ne reconnaît pas ce droit de propriété et fiscalise le dispositif pour alimenter un fonds national dont le CNOS italien répartit les moyens, ce qui a permis de doubler le montant réparti entre les fédérations ?

En outre, le texte ne semble pas interdire le cumul des fonctions d’organisateur de manifestations et d’opérateur en ligne, ce qui me semble dangereux. Quelle est la position du Gouvernement à cet égard ?

Le troisième thème que je souhaite évoquer est celui de la lutte contre la fraude, dont le débat sur la loi HADOPI a montré la difficulté sur le plan technologique. Qu’en est-il, à cet égard, de la territorialité ? Le blocage efficace des sites est-il technologiquement possible dans le respect des principes constitutionnels ?

Enfin, ne faudrait-il pas étendre la compétence de la police des jeux à l’ensemble de ces jeux pour lutter efficacement contre les différentes formes de fraude dans ce secteur ?

Mme Michèle Delaunay. Je ne m’exprimerai sur ce texte qu’au titre de la santé sociale, en regrettant que la Commission des affaires sociales, à laquelle j’appartiens, n’ait pas été consultée pour avis.

Pour le médecin que je suis, les problèmes d’addiction sont depuis longtemps un sujet d’intérêt et d’inquiétude. La littérature scientifique sur ce sujet est très vaste, mais elle est univoque dans tous les pays.

Monsieur le ministre, présenter ce texte comme une manière de réduire le jeu pathologique est une erreur, car la première méthode pour réduire cette addiction particulière est d’en limiter l’offre – vous l’avez d’ailleurs démontré vous-même en indiquant que le nombre de joueurs augmentait avec l’apparition de nouveaux sites. Il en va de même pour les machines à sous, et je rappelle à ce propos que, lorsque je vous ai interpellé en vue de la réduction des plages horaires d’utilisation de ces machines, vous m’avez répondu, ou fait répondre, lors d’une séance de questions orales sans débat, que cette limitation était inutile, compte tenu de l’apparition prochaine des jeux en ligne. Vous saviez donc que le texte que nous examinerions ne limiterait pas les risques d’addiction.

Pour ce qui est de l’argument selon lequel votre texte permettrait de lutter contre les sites illégaux, nous ne savons que trop, au fond de nos consciences, que ces sites ont les mêmes bénéficiaires que ceux qui vont être légalisés. Les sites illégaux ne se tariront que si les sites légaux sont plus profitables. Même si les gains diminuent, les opérateurs comptent, grâce à la publicité et à l’épidémie prévisible de joueurs, sur des profits plus importants.

Le deuxième régulateur de l’addiction est la connaissance immédiate des pertes possibles. Nous présenterons des amendements tendant à ce que le joueur en soit informé à chaque instant, en inscrivant par exemple sur les machines, comme en Australie, au lieu des gains exceptionnels réalisés, les pertes qui s’y sont accumulées. Aucun des opérateurs, pourtant si prompts à déclarer qu’ils veulent limiter le jeu pathologique, n’a mis en place un tel système.

Le troisième régulateur consiste, comme l’a rappelé M. de Courson, à limiter les mises. Nous devrons également examiner cette possibilité.

En matière de protection des joueurs, on constate plutôt que ces derniers sont laissés dans les mains des opérateurs. Comment celui qui bénéficie des jeux pathologiques en limiterait-il le risque ?

Quant aux revenus fiscaux pour l’État, la question est la même que pour le tabac : sait-on ce que coûtent les soins, les laboratoires de recherche, les services entiers aujourd'hui consacrés à l’addictologie ? Combien coûte la vie détruite d’une personne qui, parce qu’elle ne se sentait pas bien, a risqué, pendant quelques semaines, tout ce qu’elle avait dans des jeux imprudents ? L’une de nos demandes sera donc que la recherche, le soin et la prévention soient confiés à des mains indépendantes, relevant des organismes de santé, et non aux opérateurs de jeux.

La diffusion quasi épidémique qui se prépare risque de provoquer un basculement de la société aussi important que celui qu’a causé l’introduction de l’usure, dont la forme la plus évoluée est le capitalisme.

Enfin, c’est très récemment que nous avons commencé à nous demander dans quel état nous rendrions la planète. Face à l’augmentation des troubles addictifs qui accompagne la mise en place simultanée d’une société « des jeux et du pain » à l’échelle planétaire et d’une élite censée la réglementer, un jour prochain viendra où nous nous demanderons dans quel état nous rendrons l’Homme. N’oublions pas l’écologie « humaine » !

Qui sont donc les véritables bénéficiaires de ce texte ?

M. Jacques Myard. Il est indubitable qu’un texte était nécessaire. L’enjeu n’est pas tant communautaire – car tous les États de l’Union européenne, même les plus libéraux, admettent que les jeux ne sont pas un commerce ou un service ordinaire – que lié au fait que nous sommes entrés dans l’ère de la planète Internet, dans un système économique global, et qu’il n’est plus possible de revenir en arrière.

La question comporte un enjeu économique pour certaines filières sportives, notamment la filière hippique, un enjeu fiscal, un enjeu lié à la criminalité et un autre à la dépendance. De fait, à propos de cette dernière, si la libéralisation des jeux en Australie a rapporté 1 milliard de dollars au fisc australien, les problèmes sanitaires qu’elle a causés en ont coûté 3 milliards.

Les problèmes technologiques sont un autre enjeu essentiel et il faudra nous donner les moyens de les régler.

Les conflits d’intérêt doivent également être résolus. À cet égard, il importe que le droit de propriété sur les spectacles soit renforcé.

Quant aux paris à cote, qui posent des problèmes de criminalité et de fraude, il faudra, à défaut de les interdire, les encadrer.

Enfin, il convient de prévoir un juste retour pour les communes.

Soyons réalistes : le jeu est une réalité qu’il s’agit non pas d’interdire, mais d’encadrer !

Mme Valérie Fourneyron. Comme la Commission des affaires sociales, la Commission des affaires culturelles aurait volontiers donné son avis sur ce projet de loi, notamment en ce qui concerne le sport. Le rôle que l’on souhaite donner aux jeux en matière de financement du sport pose en effet un problème éthique. Il est paradoxal de vouloir financer le sport par une activité économique qui n’est pas sans danger pour l’intégrité des compétitions sportives – le rapporteur en a donné des exemples tout à l’heure – ni pour la santé publique. À l’heure où le sport et la santé sont réunis dans un même département ministériel, il y a de quoi s’interroger.

En matière de financement du sport, on le sait, les promesses faites au cours des dernières années ont été bien peu tenues. Or, avec l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne, le produit du prélèvement de 1,8 % destiné au CNDS risque de baisser. Quant au prélèvement de 1 % sur les mises des paris sportifs, il rapportera la somme dérisoire de 10 millions d’euros. Aujourd’hui, le prélèvement sur les jeux de la Française des jeux rapporte au CNDS 163 millions d’euros – une somme plafonnée, et très insuffisante au regard des enjeux. Jean-François Lamour a demandé que le taux de prélèvement sur les mises soit progressivement porté de 1 à 1,8 %, mais il faut aller plus loin.

Une autre question qui se pose est celle de savoir si les paris seront autorisés sur les résultats sportifs uniquement, ou s’il sera possible de parier sur les phases de jeu.

Dans la Commission consultative, le mouvement sportif sera représenté par un seul membre. Il faut absolument augmenter cette participation, mais surtout donner à l’ARJEL les moyens de lutter contre les milliers de sites illégaux existants. Je ne suis pas certaine que les pouvoirs dont disposeront ses sept membres soient suffisants.

Je m’interroge également sur les liens entre organisateurs de manifestations sportives, sponsors et opérateurs de jeux. Quelles seront les compatibilités entre ces différentes fonctions ? Il convient de porter une grande attention à cet aspect, ne serait-ce que pour garantir une redistribution équitable. Les ligues professionnelles de football et les grands tournois de tennis feront sans doute partie des grands bénéficiaires de l’ouverture des paris en ligne. Ne serait-il pas possible de prévoir une mutualisation, à l’instar de ce qui est organisé dans le cadre du Comité national olympique italien ?

Le taux de retour au joueur atteint aujourd’hui 95 % dans les casinos et sur les sites illégaux, mais il est de 61 % en moyenne à la Française des jeux, et seulement de 50 % pour l’Euromillion. Quelle limite comptez-vous fixer à ce taux ? Trop élevé, il risque de favoriser l’addiction ; trop faible, il dissuaderait les opérateurs de sites illégaux de venir sur le marché.

Enfin, quel sera, en termes fiscaux, l’impact de l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne ?

M. Nicolas Perruchot. Plutôt que de se demander s’il faut légiférer, je préfère retourner la question : faut-il laisser sans cadre législatif les 500 000 personnes qui jouent chaque jour en ligne depuis un ordinateur situé en France ? La réponse est clairement négative. Il est donc nécessaire d’établir un cadre.

L’ouverture à la concurrence et la régulation du marché des jeux en ligne offrent plusieurs opportunités. La première est économique, certaines études estimant qu’elles permettraient de créer jusqu’à 3 600 emplois par an pendant cinq ans. Dans la période que nous connaissons, il s’agit d’un élément important à prendre en considération.

La deuxième opportunité est fiscale. L’État a en effet prévu une taxation, que l’on peut d’ailleurs juger élevée au regard de ce que pratiquent certains pays européens – je pense à la Grande-Bretagne, à l’Italie ou à Malte.

Enfin, la troisième opportunité concerne un marché, celui des jeux en ligne, qui en France est très loin d’être saturé. Je rappelle que les Français sont des consommateurs modérés de jeux : ils dépensent pour cela 570 euros par an, contre 1 640 euros pour les Anglais et 1 900 pour les Autrichiens. Nous avons donc intérêt à organiser ce marché le mieux possible, de façon que nos concitoyens soient incités, de manière responsable, à faire des paris en ligne.

J’en viens à la dépendance, qui est un phénomène très compliqué. Si elle doit être une raison de s’abstenir d’adopter ce texte, qu’allons-nous faire au sujet des jeux vidéo, des cigarettes, de l’alcool ? Ces fléaux sont en effet des causes beaucoup plus importantes d’addiction. On l’a vu avec le tabac : lorsque l’on a recours à des taxations ou à des contraintes trop fortes, les consommateurs se retournent vers d’autres sources d’approvisionnement, sans que rien ne soit fait contre la dépendance.

Quant au lien, établi par le Gouvernement, entre le taux de retour aux joueurs et la dépendance, il est difficile à prouver. Une étude importante est menée par l’Université de Harvard, aux États-Unis, sur l’addictologie. Il serait intéressant que nous puissions, le moment venu, en connaître les conclusions. Mais on sait d’ores et déjà que le phénomène de dépendance est assez faible dans le domaine des jeux.

En tout état de cause, compte tenu du caractère ouvert du monde de l’internet, toute tentative d’interdire les jeux en ligne serait vouée à l’échec.

M. Jérôme Cahuzac. Je comprends la volonté des pouvoirs publics de légiférer, compte tenu de l’accroissement des activités d’un secteur échappant à toute forme de réglementation. Mais je ne partage pas leur optimisme s’agissant des résultats : comment une législation nationale pourrait-elle encadrer une activité par nature internationale ? Je suis d’ailleurs surpris de voir ce projet défendu par des gens qui, d’habitude, jugent vain d’élever à l’échelle de notre pays des digues destinées à lutter contre certains phénomènes dépassant les frontières.

La plus grande part des activités de jeu en ligne se déroule aujourd’hui hors de tout cadre réglementaire ou législatif, et je ne vois pas en quoi la future loi pourra changer la situation : il suffira que les entreprises se délocalisent.

Je souhaite également insister sur le risque sanitaire, d’ailleurs évoqué par le texte lui-même. Si l’on croit aux vertus du projet de loi, si l’on pense que les entreprises vont rentrer dans le jeu, cela signifie qu’il y aura davantage de joueurs, d’autant que les opérateurs pourront faire de la publicité. Si, au contraire, ces entreprises n’espèrent pas avoir plus de clients, elles n’entreront pas dans le cadre que nous leur proposons. En d’autres termes, soit cette loi est inutile, soit notre pays comptera beaucoup plus de joueurs. Il est donc indispensable d’anticiper les problèmes sanitaires que cela risque d’entraîner. Nous les affronterons à une échéance d’autant plus brève que le dispositif proposé sera un succès.

Il en est de même du point de vue fiscal : si la fiscalité est abaissée – tout en restant, il est vrai, plus élevée qu’ailleurs –, c’est pour qu’elle ne soit pas dissuasive. Dès lors, des recettes constantes signifieraient, là encore, un plus grand nombre de joueurs. Et dans le cas où, au contraire, aucun problème de santé publique ne se poserait, les rentrées fiscales ne seraient pas assurées. Qu’a prévu le Gouvernement dans l’une ou l’autre de ces hypothèses ?

M. Gaëtan Gorce. Serait-il possible d’avoir communication de l’avis rendu en 2007 par la Commission européenne ?

Le Gouvernement affirme avoir déposé plusieurs plaintes pour dénoncer les pratiques illégales. Combien ?

M. de Courson a parlé de « position conservatrice ». Mais un conservateur est quelqu’un qui s’oppose à un progrès. Or personne ne voit dans ce texte de véritable progrès. Au contraire, il est porteur de nombreux risques.

Enfin, Mme Delaunay s’est demandée qui allait bénéficier de ce nouveau dispositif. Mais c’est moins à vous, monsieur le ministre, qu’à l’Élysée qu’il convient de poser la question.

M. le ministre. Plusieurs députés se sont interrogés sur les raisons de légiférer en ce domaine. Même si, en tant que responsables politiques, il nous appartient d’essayer de changer la réalité quand elle ne convient pas, cette réalité s’impose à nous. Internet, à cet égard, est un phénomène dont nous devons tenir compte. Il existe des dizaines de milliers de sites de jeux en ligne, et des centaines de milliers de Français jouent des milliards d’euros dans des conditions non contrôlées.

Or toute tentative de verrouillage se heurte à une réalité juridique fragile, car les tribunaux renvoient systématiquement vers des questions préjudicielles qui n’ont pas encore été tranchées. Nous sommes en outre mis en garde par des procédures d’avis motivé, la dernière nous reprochant de ne pas respecter l’article 49 du Traité. La pire des choses serait donc de ne rien faire.

Certains voudraient se satisfaire du système actuel : deux monopoles biens connus, maîtrisés, qui alimentent l’économie d’un côté, l’État de l’autre. Mais le monde a changé : les murailles que l’on pourrait être tenté d’ériger seront systématiquement contournées.

Nous estimons qu’un jeu maîtrisé, organisé dans des conditions décidées par le législateur, est un phénomène acceptable. À cet égard, je ne partage pas l’avis de Mme Delaunay. Notre ambition est de réformer l’ensemble du système de jeu en France et d’en organiser l’ouverture de façon maîtrisée. De toute façon, même si l’on considère que la meilleure attitude consiste à tout verrouiller, ce ne serait techniquement pas possible.

Ce texte est donc nécessaire, car il vise à adapter notre système de jeux à des médias nouveaux.

À cette occasion, des moyens importants sont consacrés à la lutte contre l’addiction. C’est d’ailleurs la priorité du texte : maîtriser le jeu et éviter les problèmes de délinquance – notamment la fraude et le blanchiment –, mais aussi de dépendance. Et sur ces deux aspects, nous proposons des solutions qui, sans doute, peuvent être améliorées.

Vous nous reprochez, monsieur Gorce, d’avoir agi sous la pression. C’est vrai : nous avons agi sous la pression des associations familiales, qui ne veulent pas voir des enfants accéder à certains sites sans aucun contrôle, du monde sportif, qui en a assez de voir certains sites bafouer l’éthique du sport, et du monde hippique, qui craint la fragilisation de ses ressources. Nous avons tenu compte de leurs remarques, ainsi que de celles des nombreux médecins que nous avons consultés.

Charles de Courson se demande si le niveau des prélèvements n’est pas trop élevé. Dans ce domaine, il n’existe aucune vérité absolue. Nous cherchons à combiner les effets du taux de fiscalité et du plafonnement à 85 % du taux de retour au joueur. Il existe en effet un lien très fort entre addiction et taux de retour : moins on rend de l’argent aux joueurs, moins ils sont nombreux. Ce plafonnement est aussi un moyen de lutter contre le blanchiment.

Vous avez cité l’exemple de l’Italie. Il est vrai qu’elle a modifié le taux de sa fiscalité, mais c’est l’ensemble de son système qui devrait être revu – même si ce pays dispose de très bons moyens techniques pour mettre un terme à l’activité des sites illégaux. Il ne faut pas se limiter au seul problème du niveau de prélèvement.

Il est vrai que la fiscalité est probablement trop élevée pour le poker : au niveau de la marge de l’opérateur, voire au-delà. Alors que le poker en ligne attire de nombreux jeunes, ce fait risque de contribuer au maintien d’une très puissante offre illégale, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Le droit de propriété est une autre avancée du projet de loi. Il me paraît sain d’accorder ce droit à ceux qui construisent des événements sportifs – même s’il faut éviter que son utilisation ne donne lieu à des dérives. La Commission européenne trouve cette notion intéressante, et le dossier est très suivi par les autres États. Sans doute faudra-t-il regarder comment seront répartis les fruits de ce droit de propriété, mais il appartient aux filières elles-mêmes d’adopter leurs propres méthodes de répartition. L’État ne doit pas se mêler de tout.

Ce sont en fait les opérateurs qui sont contre le droit de propriété, parce qu’il représente pour eux un coût supplémentaire. Mais un tel droit, suffisamment encadré, serait bénéfique pour le mouvement sportif.

Faut-il séparer les fonctions d’organisateur et d’opérateur ? Certainement : c’est une question de déontologie. Mais j’observe que le PMU est organisateur de jeux, et qu’il n’est pas très éloigné des opérateurs. Cela n’a pas posé de problème particulier. Par ailleurs, l’organisateur d’un événement sportif ne peut pas être opérateur de jeux pour cet événement, mais on ne peut pas l’empêcher de l’être pour un événement auquel il ne participe pas.

Nous devons avoir une vision globale des dispositifs de lutte contre la fraude. Or le premier moyen de lutte n’est pas d’ordre juridique ou policier : il consiste à faire entrer dans la légalité des opérateurs importants, qui ont pignon sur rue, afin qu’ils organisent les paris selon un cahier des charges dont le respect sera contrôlé par l’ARJEL. Le fait qu’ils soient autorisés à faire de la publicité leur permettra moins d’attirer de nouveaux joueurs que de prendre des parts de marchés au détriment de leurs concurrents illégaux qui, eux, n’y auront pas accès et sortiront donc affaiblis de la compétition. S’y ajoutent, ensuite, la possibilité de bloquer les transactions financières, le blocage par le fournisseur d’accès, notamment. La lutte contre la fraude n’est efficace que dans son ensemble : un seul dispositif ne suffit pas.

Je trouve vos propos excessifs mais je partage votre état d’esprit, madame Delaunay. Le Gouvernement se soucie également des aspects sanitaires de la question. Vous vous situez néanmoins à un tel niveau qu’il faudrait tout interdire ! On peut prendre plaisir au jeu sans tomber dans l’addiction. Celle-ci se traite non seulement par des dispositifs d’ordre général, mais aussi par des dispositifs spéciaux pour lesquels nous prévoyons des financements indépendants des organisateurs de paris.

Je pense comme Nicolas Perruchot qu’il existe un réel lien entre le TRJ et la dépendance. Nous avons à cet égard lancé une grande étude consacrée à l’addictologie.

Quant aux paradoxes que Jérôme Cahuzac a maniés au sujet de ce texte, ils démontrent son agilité intellectuelle mais ils ne correspondent pas à la réalité. Nous sommes en face d’une situation qui rend nécessaire une évolution de notre droit. Du reste, les autres États nous observent. Tout le monde tâtonne. Ceux qui ont décidé d’une interdiction totale se voient complètement contournés. Ce sujet n’est pas un sujet comme les autres : il a trait à notre ordre intellectuel, à notre sens de la justice, à notre ordre social. À mon sens, le texte constitue une bonne réponse à la situation actuelle.

Nous vous communiquerons les chiffres des plaintes déposées, monsieur Gorce. Il est à noter que plusieurs dirigeants ont été placés en garde à vue. Ç’a été un élément lourd à gérer vis-à-vis de la Commission. Les tribunaux français ne veulent pas prendre position, ils renvoient à l’Europe, et leurs décisions vont dans tous les sens. Aujourd'hui, le droit n’est pas dit. Laisser la situation pourrir serait inacceptable car cela se ferait au détriment des plus faibles.

M. Gaëtan Gorce. C’est l’Europe, dites-vous, qui contribue à cette incertitude juridique. L’argument est classique, mais l’Europe, c’est aussi la France. Depuis 2007, le Gouvernement a-t-il pris des initiatives auprès de l’Union pour demander une clarification politique de la question ?

Vous affirmez également qu’il n’y a pas de moyen terme entre la libéralisation totale et le maintien du monopole. Mais leur ministre de tutelle n’aurait-il pas pu inciter la Française des jeux et le PMU à moderniser leurs pratiques ainsi que leur politique de prévention et de protection ? Cela ouvrait la voie à une alternative plus satisfaisante du point de vue des principes que nous voulons tous défendre.

M. le ministre. Si nous avons besoin d’adapter notre droit, ce n’est pas sous la pression de l’Europe mais sous la pression de la réalité. Il faut en l’occurrence remettre la réalité d’aujourd'hui dans le droit chemin. Pour le reste, il est difficile de se faire une opinion sur la position de l’Europe. J’ignore quelle sera la décision de la Cour de justice à l’encontre des États traduits devant elle. Il est très possible que nous perdions. De toute façon, même si nous gagnons, la réalité nous rattrapera car les sites, forts de leurs moyens techniques, se développeront sans l’encadrement juridique que nous prévoyons dans le texte. Sachant que nous serons perdants si nous adoptons un dispositif verrouillé dont nous n’aurions pas les moyens d’assurer le respect, nous proposons une ouverture maîtrisée.

M. le président Didier Migaud. Nous arrivons aux articles.

CHAPITRE Ier
Dispositions relatives à l’ensemble du secteur des jeux d’argent
et de hasard

Avant l’article 1er.

La Commission est saisie de l’amendement CF 103 de M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. L’ajout que je propose ici n’est nullement cosmétique. Il se fonde sur la position des États de l’Union européenne telle que je l’ai constatée : tous considèrent que les jeux constituent un domaine spécifique. Lors de l’adoption de la directive relative au commerce électronique et de celle relative aux prestations de services, il a bien été précisé que les jeux n’étaient pas concernés, au grand dam de certains fonctionnaires de la Commission. Ceux-ci se sont en quelque sorte « vengés » en envoyant un avis motivé à treize États.

Il n’est donc pas inutile de rappeler l’article 36 du traité de Rome qui fait exception pour les enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé. Le cadre est bien celui du principe de subsidiarité, délimité le cas échéant par la jurisprudence de la Cour de justice sur certains aspects.

M. le rapporteur. L’article 1er répond à ces inquiétudes, justifiées. Néanmoins, comme l’amendement synthétise les objectifs du texte et adresse en outre un signal à l’Union européenne, j’émets un avis favorable.

M. le ministre. Même avis, cet amendement correspond tout à fait à l’esprit du texte.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er : Régime d'encadrement des jeux d'argent et de hasard

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 163 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CF 83 de M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. En précisant que l’intervention de l’État a pour objet de « limiter » l’offre et la consommation des jeux, je crains que l’on ne s’expose au grief de discrimination. Cet amendement vise à remplacer ce verbe par le verbe « encadrer ».

M. le rapporteur. L’objectif du projet de loi est bien de limiter l’offre. L’encadrement est un des moyens pour y parvenir. J’y insiste, le fondement de l’organisation des jeux et de hasard en France, c’est leur interdiction, l’autorisation découlant de dispositions dérogatoires. Avis défavorable.

M. le ministre. Ne pourrait-on écrire : « limiter et encadrer » ?

M. Charles de Courson. Je propose : « limiter en encadrant ».

M. le rapporteur. Je souscris à la proposition du ministre.

M. le président Didier Migaud. L’amendement est donc ainsi rectifié : « Au premier alinéa, après le mot : ‘limiter’, insérer les mots : ‘et d’encadrer’. »

La Commission adopte cet amendement rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement CF 104 de M. Gaëtan Gorce.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement vise à insister sur la prévention des phénomènes qui préludent à l’addiction au jeu et sur la co-vulnérabilité, c'est-à-dire le fait que cette addiction en provoque d’autres.

M. le rapporteur. Nous partageons l’objectif de l’amendement mais certains éléments de sa rédaction me semblent assez flous. Peut-on inscrire la « co-vulnérabilité » dans un texte de loi sans avoir défini précisément ce terme ? Peut-être pourriez-vous présenter une nouvelle rédaction en séance publique, madame Delaunay.

M. le ministre. Je suis d’accord avec le rapporteur. Qu’est-ce que le « jeu problématique », par exemple ?

Mme Michèle Delaunay. Le jeu problématique correspond à la phase qui précède le phénomène proprement addictif : on observe que la fréquence et le montant des mises augmentent, par exemple. À ce stade où des signes scientifiquement définis annoncent l’imminence de l’addiction, la prévention est encore possible.

Quant à la co-vulnérabilité, c’est la tendance accrue qu’ont les victimes d’une addiction à subir d’autres addictions. Ainsi, les joueurs en ligne sont plus fréquemment des fumeurs et des buveurs.

M. le président Didier Migaud. Souhaitez-vous retirer votre amendement pour le présenter au titre de l’article 88, madame Delaunay ?

Mme Michèle Delaunay. Oui.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 105 de M. Gaëtan Gorce.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement tend à interdire la publicité en faveur des jeux en ligne sur les sites dédiés à la jeunesse. Il convient de définir, comme pour l’alcool, les conditions d’application, en particulier les formats de publicité autorisés, et d’interdire les fenêtres pop up et autres modes intrusifs.

M. le rapporteur. Nous sommes bien conscients du danger que représentent ces publicités pour la jeunesse. Le Gouvernement a déposé deux amendements portant articles additionnels après l’article 4 qui répondront à vos interrogations, madame Delaunay. Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui ne trouve pas tout à fait sa place à l’article 1er.

Mme Michèle Delaunay. Pourrai-je le présenter à nouveau ?

M. le président Didier Migaud. Vous pourrez, le cas échéant, sous-amender ou déposer plus tard votre amendement au titre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de deux amendements, CF 200 du rapporteur et CF 106 de M. Gaëtan Gorce, pouvant être soumis à discussion commune.

M. le rapporteur. L’exposé des motifs du projet de loi mentionne la création d’un comité consultatif des jeux – CCJ –. Il me semble indispensable de rétablir cette disposition qui a été retirée sur l’avis du Conseil d’État. L’amendement propose une composition nouvelle, qui relève du domaine de la loi dans la mesure où elle intègre des membres du Parlement.

Comme l’a annoncé M. le ministre le 19 avril dernier, ce comité aura pour mission d’assurer la cohérence de la politique des jeux d’argent et de hasard, quel qu’en soit le mode d’organisation.

M. Gaëtan Gorce. Mon amendement, quasi identique, insiste sur la nécessité de garantir l’indépendance de ce comité. Cela étant, la proposition du rapporteur peut nous agréer.

M. le ministre. Le problème rencontré est un problème de droit – le caractère réglementaire ou non du sujet. Sur le fond, j’approuve l’amendement du rapporteur.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur. En conséquence, l’amendement de M. Gaëtan Gorce n’a plus d’objet.

Puis la Commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Définition des différents types de paris

La Commission est saisie de l’amendement CF 202 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le mot « officiel », car ce qui est à prendre en compte pour définir l’objet du pari n’est pas le résultat officiel, qui peut être proclamé après un délai très long, mais le résultat annoncé à l’issue de la compétition. Le principe des paris et jeux en ligne est en effet de rémunérer très rapidement le compte du joueur gagnant. Attendre le résultat officiel pourrait rendre ce dispositif inopérant.

M. le ministre. Je suis d’accord.

Mme Valérie Fourneyron. Que se passe-t-il si le résultat officiel est différent du résultat précédemment annoncé ? Est-ce le détenteur du droit de propriété de l’événement qui est responsable, est-ce l’opérateur ?

M. le rapporteur. C’est l’opérateur qui aura validé les résultats. À lui, ensuite, d’accomplir ou non un geste commercial envers les parieurs. L’organisateur de l’événement n’est pas en cause.

M. le ministre. Il arrive que le résultat officiel soit prononcé un an après la compétition. Ce qui compte, c’est le résultat annoncé.

M. le président Didier Migaud. Voilà qui ouvre la voie à de nombreux contentieux. Les avocats vont se régaler !

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels CF 164 et CF 165 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CF 15 de M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Il s’agit d’un amendement de précision. En effet, conformément aux dispositions de l’article 39 modifiant l’article 302 bis ZL du code général des impôts, le prélèvement est dû au titre des sommes engagées. Or, les termes « enjeux collectés » intègrent les paris remboursés aux parieurs avant les calculs de répartition et sur lesquels les prélèvements ne sont pas applicables. Aussi est-il proposé de retenir les termes « sommes engagées ».

M. le rapporteur. C’est une précision utile. Avis favorable.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 16 du même auteur.

M. Nicolas Perruchot. Il s’agit là encore de précision. Les termes « marge brute » semblent, du point de vue comptable, impropres et contraires au principe de neutralité de l’opérateur de pari mutuel. Ce qui revient à l’opérateur est le solde restant des sommes engagées après déduction des gains versés aux parieurs et des différents prélèvements et versements de toute nature. C’est pourquoi l’amendement propose d’utiliser le terme « part ».

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 107 de M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Par cet amendement, nous souhaitons marquer notre désapprobation face à la possible généralisation du pari à cote en matière de pari sportif. En effet, l’opérateur a un intérêt direct dans le résultat du pari à cote et cela peut l’inciter à des pratiques irrégulières.

M. le rapporteur. Le pari à cote sur des événements sportifs existe déjà en France : « Cote et match » de la Française des jeux, par exemple. De plus, c’est la forme de pari la plus répandue dans le monde. Si l’on veut réussir une ouverture pragmatique, on ne peut interdire aux opérateurs de la pratiquer.

Quant aux risques de tricherie, ils n’épargnent pas le pari mutuel, on l’a vu dans le passé.

Dès lors que l’ARJEL en vérifiera la bonne gestion, le pari à cote doit trouver sa place en France.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le ministre. Même avis pour les mêmes raisons. Le pari à cote n’est pas, en lui-même, porteur de tous les défauts. Dès lors que ce modèle économique, qui est celui de tous les grands opérateurs, ne semble pas comporter de faiblesses trop importantes, l’encadrement proposé devrait suffire. Si l’on ne fait pas preuve de ce réalisme, on risque d’être confronté à une offre qui restera illégale. Enfin, il serait difficile d’expliquer à la Commission européenne que nous approuvons le pari à cote lorsqu’il est organisé par la Française des jeux et que nous le désapprouvons lorsqu’il est organisé par d’autres.

M. Gaëtan Gorce. Le ministre et le rapporteur viennent de nous confirmer que nous entrons dans un engrenage. Malgré les risques qu’il comporte, vous défendez le pari à cote, simplement pour correspondre à la réalité. Votre projet de loi, loin de réglementer et d’encadrer, ouvre la porte à de nouvelles dérives.

D’autre part, on ne peut comparer la Française des jeux, dont le ministère du budget contrôle le fonctionnement et l’intégrité des agents, et les opérateurs privés qui se présenteront sur le marché, aussi sympathiques soient-ils.

Mme Valérie Fourneyron. Faute de supprimer l’alinéa 3 dans sa totalité, supprimons au moins la possibilité offerte à l’opérateur de proposer des cotes aux joueurs au cours du déroulement de la compétition, car c’est précisément ce qui génère des conflits d’intérêts.

M. Yves Censi. Il ne faut pas diaboliser le pari à cote, dont les règles du jeu ne sont pas immorales. Il suffit simplement qu’elles soient respectées. Je rappelle à nos collègues socialistes que c’est en 2001 que la Française des jeux a été autorisée à utiliser le pari à cote pour le football, alors que Lionel Jospin était Premier ministre...

M. Gaëtan Gorce. On ne peut pas dire que M. Jospin ait été très joueur !

M. le ministre. Il ne s’agit pas d’interdire le pari en direct mais de savoir sur quoi porte le pari. Les Fédérations sont parfaitement en mesure de déterminer s’il convient de parier, par exemple, dès lors qu’un match a commencé, afin d’éviter tout risque de manipulation et de corruption. Il appartiendra donc à l’ARJEL, en liaison avec les Fédérations, de définir l’assiette du pari.

M. le rapporteur. Le live betting doit être strictement encadré, et l’ARJEL interdira tout pari qui procéderait d’une démarche négative. Mais ce live betting – le pari en direct – n’est que l’un des aspects du pari à cote. Le projet de loi a pour but de contrôler une pratique qui, si elle n’était pas encadrée, se développerait sous des formes illégales. Les Fédérations prendront part, aux côtés de l’État, à la définition des paris et des compétitions.

Mme Aurélie Filippetti. Vous nous refusez le droit de réguler ou d’interdire des pratiques au motif qu’elles existent déjà dans l’offre illégale, mais votre dispositif n’asséchera pas l’offre illégale. Aligner la loi sur de telles pratiques n’est pas satisfaisant pour les législateurs que nous sommes. Par ailleurs, il est clair que nous ne pouvons mettre sur le même plan la Française des jeux et les opérateurs privés qui agiront demain sur Internet.

M. le ministre. Le pari à cote n’est pas un pari à risques dès lors qu’il fait l’objet d’une régulation. D’ailleurs, la plupart des pays, excepté les Pays-Bas, le permettent. Si le pari mutuel, qui s’est imposé dans le domaine des courses de chevaux, est une tradition que nous entendons conserver, nous voulons laisser aux opérateurs la liberté d’organiser les autres formes de jeu comme ils l’entendent. Les organisateurs de paris sportifs restent libres de choisir le pari mutuel, à partir du moment où ils respectent le cahier des charges. Pourquoi interdire le pari à cote, s’il ne contient pas de vices cachés ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 84 de M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. J’ai trouvé l’argumentation du rapporteur laborieuse. Le pari à cote était très en vogue au XIXe siècle, mais il générait de telles fraudes, en particulier sur les paris hippiques, que l’État a décidé de l’interdire et d’instituer le Pari mutuel urbain. En Angleterre, où les paris à cote sont autorisés, une course sur quatre est encore l’objet de fraudes. Le problème du pari à cote, certes plus excitant pour les joueurs que les autres formes de paris, c’est que l’organisateur, partie prenante du pari, a intérêt à ce que les parieurs perdent.

Le pari à cote pose un autre problème. Si, comme le souhaite le Gouvernement, les paris hippiques sont organisés par le PMU, ceux-ci ne représentant qu’une sous-catégorie des paris sportifs, nous serons en désaccord avec la législation communautaire, qui nous reprochera d’interdire les paris à cote sur les courses hippiques tout en les autorisant sur les paris sportifs. N’importe quel bookmaker pourra alors porter devant la Cour européenne une question préjudicielle pour étendre les paris à cote aux paris hippiques. Mieux vaut donc interdire les paris à cote.

M. le rapporteur. Dans son avis circonstancié relatif au projet de loi, la Commission européenne ne remet pas en cause la possibilité de maintenir le pari mutuel pour les courses hippiques et, pour les paris sportifs, de choisir le pari à cote. Actuellement, le propriétaire d’une écurie peut parfaitement engager des paris, dans le cadre du PMU, sur son propre cheval.

M. Jérôme Cahuzac. Et le faire perdre ?

M. le rapporteur. M. Myard a du reste déposé un amendement 100 à l’article 53, visant à permettre au PMU de changer d’objet social et de générer des paris sportifs à cote. Vous voyez bien, monsieur Myard, que cette pratique n’est pas dangereuse ! Le pari à cote, s’il est bien encadré, ne pose pas de problèmes éthiques.

M. le ministre. Contre l’amendement. Nous sommes parvenus à un texte équilibré, qui protégera la filière hippique.

M. Jacques Myard. La Cour et le droit communautaire appuient leurs décisions sur des catégories. Par ailleurs, l’amendement que j’ai déposé à l’article 53 n’a rien à voir : s’il tend à ce que le PMU puisse proposer des paris sportifs, il n’évoque pas la forme que doivent prendre ces paris. Votre argument n’est donc pas pertinent.

Enfin, je suis intimement convaincu d’une chose : ce n’est pas parce que la Commission ne s’est pas prononcée que les bookmakers ne nous feront pas un procès ! La Commission n’est pas maîtresse de l’ensemble du monde du jeu, et rien n’empêchera les opérateurs d’utiliser la procédure de la question préjudicielle prévue par l’article 177 du traité européen.

Si vous autorisez les paris à la cote pour les paris sportifs tout en les interdisant sur les paris hippiques, le système éclatera.

M. Jérôme Cahuzac. Le rapporteur, en effet, est peu convaincant. Tout d’abord, il confond la Commission européenne et la Cour de justice : la première applique les traités, tandis que la seconde les interprète. Jamais la Cour de justice ne s’est fondée sur des avis motivés ou circonstanciés de la Commission. Vous apportez donc une réponse inadaptée à la crainte, que j’estime fondée, de notre collègue Myard.

Quant au propriétaire qui parie sur son propre cheval, M. Myard a raison de rappeler que ce n’est pas lui qui organise le pari. Ce qu’il craint, c’est précisément que les organisateurs des paris aient une influence sur les résultats, ce qui n’est pas le cas actuellement. J’ignore si tel ou tel opérateur posera une question préjudicielle, mais le risque est réel, et connaissant l’incertitude du droit européen et l’absence totale de références de la Cour de justice européenne, j’invite mes collègues à la plus extrême prudence.

Mme Aurélie Filippetti. Le pari à cote, très attractif pour les joueurs, bat en brèche l’argument selon lequel il faut maintenir un monopole, même partiel, afin d’éviter la prolifération des jeux et de lutter contre l’addiction. Si la France ne mène pas une véritable politique en ce sens, pourquoi maintenir ce monopole ?

M. le rapporteur. Nous voulons mettre en place une offre légale diversifiée, bien encadrée, tant sur le plan fiscal qu’en matière de lutte contre l’addiction et de prévention, ceci afin d’assécher l’offre illégale.

Il faut considérer non pas les mesures du projet prises séparément, mais sa cohérence globale. Il est en mesure de rendre économiquement viable l’activité d’opérateur de jeux, de lutter contre l’addiction et de conserver l’activité du jeu dans notre pays.

M. le ministre. Si nous avons favorisé le poker, c’est pour éviter le développement des machines à sous, génératrices de comportements addictifs. Le type de pari est plus important que la façon dont ils sont organisés. Nous avons également souhaité plafonner le taux de retour aux joueurs. Quelle que soit l’organisation des jeux que nous choisirons, nous aurons à faire face à des contentieux, car les intérêts en jeu sont considérables.

La Commission rejette l’amendement CF 84.

Elle examine ensuite l’amendement CF 201.

M. le rapporteur. Le projet de loi n’interdit pas le betting exchange – bourse aux paris sportifs – qui se rapproche du pari mutuel auquel vous êtes, les uns et les autres, plutôt favorables. Dans ce cas, l’opérateur n’est qu’une plateforme logistique, dont le rôle est de mettre en relation deux parieurs, généralement expérimentés. Les Anglais et, plus récemment, les Italiens, ont mis en place le betting exchange, sous la surveillance d’une autorité semblable à l’ARJEL. Dans la rédaction du projet de loi, l’opérateur fournit « son » évaluation. Or, il doit pouvoir proposer aux joueurs « une » évaluation : tel est l’objet de cet amendement de précision, qui permet de clarifier le dispositif en permettant aux bourses aux paris sportifs de trouver leur place dans l’offre de jeu.

M. le ministre. Je suis favorable à cette clarification.

M. Yves Censi. Ne diabolisons pas le pari à cote. Ce qui le caractérise, ce n’est pas que l’opérateur joue contre le joueur mais que le lot soit défini à l’avance. Dans le pari mutuel, le montant du gain dépend du nombre de gagnants ; dans le pari à cote, l’opérateur s’engage à payer un montant s’élevant à plusieurs fois la mise du parieur, qui sait par avance combien il va gagner. Cela dit, la cote peut être calculée, et les gains distribués lors d’un pari mutuel diffèrent peu de ceux du pari à cote.

En revanche, vous avez raison de diaboliser les arnaques. Le pari à cote sera parfaitement contrôlé et ne présentera de risques ni pour les joueurs, ni pour les opérateurs, ni pour les organisateurs, mais des arnaques peuvent toujours subvenir. Notre collègue Gaëtan Gorce nous reproche de nous contenter de nous adapter à la réalité. Ce que nous voulons, c’est donner un cadre juridique au jeu, faire en sorte qu’il soit équitable pour l’ensemble des participants et que l’État ne soit pas lésé.

M. Charles de Courson. L’opérateur aura-t-il le droit de procéder à plusieurs évaluations des probabilités pour la même manifestation – par exemple une à 50 et une autre à 70 ?

M. le rapporteur. Oui. Le même opérateur peut faire plusieurs offres, cela ne pose aucun problème. S’il se fourvoie, tant pis pour lui. Le joueur, lui, choisira l’offre la plus proche de son analyse. Le but de l’amendement n’est pas de restreindre le nombre d’évaluations possibles pour l’opérateur, mais de lui permettre de n’être qu’une simple plateforme, l’évaluation émanant non pas de lui mais du parieur.

M. Nicolas Perruchot. Imaginons un pari sur un score de deux buts à zéro. Il ne peut y avoir qu’une seule cote par opérateur sur ce score. Un opérateur ne donne jamais deux possibilités de pari sur le même score.

La Commission adopte cet amendement, ainsi que l’article 2 modifié.

Article 3 : Interdiction générale du jeu des mineurs

La Commission examine l’amendement CF 108 de M. Gaëtan Gorce.

Mme Michèle Delaunay. Il s’agit des moyens permettant de s’assurer que le joueur n’est pas un mineur.

M. le rapporteur. Je suis entièrement d’accord sur le principe, mais cet amendement est satisfait à l’article 12.

Mme Michèle Delaunay. Qui est beaucoup moins précis.

M. le ministre. Ces précisions sont du niveau réglementaire. En revanche, je pourrai vous donner des garanties en séance, ainsi que le projet de cahier des charges.

M. le président Didier Migaud. Restons dans le domaine de l’article 34 de la Constitution !

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 : Encadrement de l'offre de paris sportifs à cote

La Commission examine l’amendement de suppression CF 111 de M. Gaëtan Gorce.

M. le rapporteur. En supprimant cet article, vous installez tout bonnement les paris à la fourchette !

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de plusieurs amendements en discussion commune : le CF 18 de M. Nicolas Perruchot, le CF 85 de M. Jacques Myard, le CF 113 de M. Gaëtan Gorce et le CF 203 du rapporteur.

M. Nicolas Perruchot. Mon amendement vise à interdire les paris sportifs à la cote pour lesquels le montant maximum de la perte potentielle est supérieur à la mise. Les pertes, dans les paris à fourchette, peuvent en effet être extrêmement lourdes.

M. Jacques Myard. Il faut interdire ce type de paris extrêmement dangereux.

M. Gaëtan Gorce. Je suis du même avis.

M. le rapporteur. Nous voulons tous interdire les paris à fourchette. En revanche, vos amendements offrent une possibilité de contournement aux opérateurs, à qui il suffirait de plafonner la perte éventuelle. Je vous propose donc une rédaction qui impose de connaître le montant exact de la perte potentielle et écarte donc définitivement les paris à fourchette.

M. le ministre. Nous visons effectivement le même objectif : informer le joueur de la perte qu’il encourt. C’est donc l’amendement du rapporteur qui a ma préférence : mentionner le « montant exact » de la perte potentielle revient à interdire les paris à fourchette.

M. Jérôme Cahuzac. Mais avec cet amendement, si le joueur peut certes connaître le montant exact de sa perte, celle-ci peut être bien supérieure à sa mise ! Je propose donc de modifier l’amendement du rapporteur pour préciser que cette perte ne peut être supérieure à la mise – ce qui paraît tout de même la moindre des choses.

M. le rapporteur. Cette précision ne clarifie pas grand-chose. Le principal est que le joueur soit informé très précisément de la perte qu’il encourt, quelle qu’elle soit. Il faut absolument éviter qu’un joueur mise 100 sans savoir s’il risque de perdre 200, 300 ou 1000. Une telle perte imprévue peut développer des phénomènes d’addiction pour « se refaire », et de surendettement. Éviter les paris à fourchette est un enjeu essentiel.

M. Nicolas Perruchot. Il y a une différence majeure entre nos amendements et celui du rapporteur. Les nôtres tendent à limiter considérablement les paris à fourchette, puisque l’opérateur n’aura plus aucun intérêt à en proposer. Le problème de ce type de pari est que les joueurs novices peuvent perdre beaucoup en une seule fois, et qu’ils y sont même fortement incités par la possibilité de gains très attractifs. L’amendement du rapporteur veille à l’information du joueur. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne perdra pas beaucoup plus que sa mise !

M. Charles de Courson. La rédaction actuelle de l’amendement du rapporteur n’empêche pas que la perte soit cent fois supérieure à la mise du joueur ! Il faut préciser que la perte ne peut pas dépasser le montant de la mise, ou alors à la rigueur un peu plus – le double par exemple.

M. Jacques Myard. Je suis d’accord. Il faut plafonner les pertes, car les joueurs ne se rendent pas forcément compte qu’ils risquent de perdre beaucoup.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement du rapporteur a le mérite d’assurer la transparence du dispositif. Mais il ne faut pas en inférer que le joueur ne va pas prendre de risques ! Sauf à estimer normal qu’un joueur ayant misé cent puisse perdre mille, il faut accepter de rectifier cet amendement pour que la perte ne puisse être supérieure à la mise.

M. le rapporteur. Je crains qu’il n’y ait une certaine confusion. Dans la bourse aux paris, le joueur qui mise dix peut certes perdre cent, mais aussi gagner cent. C’est tout le principe, puisqu’il joue avec d’autres joueurs qui font le même calcul. Le principe du pari à fourchette est totalement différent, puisque le joueur qui mise ne peut pas savoir à l’avance combien il risque de perdre. Prenons l’exemple d’un pari sur le nombre de tirs cadrés d’un match de foot. Un site propose une fourchette de trois à quatre tirs. Le joueur parie 100 sur le fait qu’il y en aura moins. S’il y a que six tirs cadrés, la perte du joueur sera de 100 x (6-3), soit 300. S’il n’y en que deux, ses gains seront de 100 x (3-2), soit 100. Contrairement à la bourse aux paris donc, le joueur ne sait pas ce qu’il risque de perdre. C’est là le vrai danger. Mon amendement, en imposant de communiquer le montant exact de la perte encourue, permettra d’écarter définitivement toute forme de pari à fourchette en France.

M. le ministre. Ce que nous voulons tous éviter, c’est le risque maximum : ne pas savoir combien l’on risque de perdre. Mais proposer que l’on ne puisse pas perdre plus que sa mise est en contradiction avec l’amendement que vous venez de voter, qui autorise la bourse aux paris – laquelle permet aux joueurs de jouer les uns contre les autres en sachant à tout moment combien ils peuvent perdre ou gagner. Dans ce système, on peut accepter une perte supérieure à la mise – le cas ne se produit pas dans les paris à cote simples – dans la mesure où les paris sont assortis de toutes sortes de dispositifs limitatifs, liés à l’addiction notamment. Je suis donc en faveur de l’amendement du rapporteur, qui écarte les paris à fourchette mais autorise les bourses aux paris.

M. Nicolas Perruchot. Je serais d’accord si n’étaient en cause que des joueurs confirmés. Mais les paris à fourchette, qui présentent des gains potentiels très importants, sont très attractifs pour les novices. Comme il n’est pas possible de les interdire aux uns mais pas aux autres, il faut les interdire pour tout le monde. Les novices se dirigeront donc vers les bourses aux paris, où ils ont des chances de gagner.

M. le ministre. Nous voulons clairement interdire les paris à fourchette. Il est vrai qu’il existe différents types de joueurs : les novices se dirigent plutôt vers les paris à cote fixe, les joueurs plus confirmés vers les plateformes d’échanges de paris. Nous nous contentons de les prémunir tous contre une incertitude sur le montant de leur perte.

M. le président Didier Migaud. Le rapporteur et le ministre ne souhaitent donc pas rectifier l’amendement CF 203.

M. Charles de Courson. Mais pourquoi n’interdisez-vous pas tout simplement les paris à fourchette, au lieu d’employer une formulation détournée ?

M. le rapporteur. Une telle formulation n’aurait pas grande portée dans la loi. Mon amendement permet d’interdire concrètement les paris à fourchette puisque l’opérateur n’a aucun moyen d’indiquer clairement le montant de la perte encourue au moment du pari. En revanche, certains de vos amendements, en proposant de plafonner la perte, lui offrent une possibilité de pratiquer ce type de paris en prévoyant un plafond très élevé – 2000 par exemple pour une mise de 100.

M. Jérôme Cahuzac. Nous proposons de plafonner la perte au montant de la mise !

M. le rapporteur. Dans ce cas, nous retombons dans le système de la bourse aux paris : le joueur parie en connaissant le montant de sa perte maximale ! C’est tout l’objet de l’amendement que nous venons de voter, selon lequel l’évaluation est celle du parieur. En revanche, je reconnais que ce type de paris doit rester du domaine des joueurs confirmés. C’est pourquoi je suis très favorable à ce que le montant de la perte potentielle soit très clairement indiqué, afin d’encourager les novices à s’autolimiter.

M. Yves Censi. Imposer que le joueur connaisse le montant exact de sa perte potentielle ne suffit pas pour interdire les paris à fourchette. En effet, toutes les pertes liées à tous les cas de figure peuvent être calculées ! Il suffit d’en faire un tableau.

M. le rapporteur. Ce serait vrai si l’amendement mentionnait « les » montants exacts « des » pertes potentielles. Mais il s’intéresse à « la » perte, liée à « la » mise.

M. Charles de Courson. Il faudrait alors préciser que le joueur doit connaître le montant exact de sa perte potentielle « maximale ».

M. le rapporteur. Et l’on retombe dans la différence entre bourse aux paris et paris à fourchette !

L’amendement CF 18 est retiré.

La Commission rejette les amendements identiques CF 85 et CF 113.

Elle rejette le sous-amendement à l’amendement CF 203 tendant à préciser que la perte ne peut dépasser le montant de la mise.

Elle adopte l’amendement CF 203.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 110 de M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à étendre l’obligation d’information sur le montant maximal de la perte encourue à l’ensemble des paris ou jeux en ligne.

Après avis défavorable du rapporteur et du ministre, la Commission rejette cet amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 109 de M. Gaëtan Gorce.

M. Jérôme Cahuzac. C’est une position de repli qui prévoit que le montant maximum de la perte est ostensiblement indiqué.

Après avis favorable du rapporteur et du ministre, cet amendement est adopté.

La Commission examine trois amendements identiques : CF 17 de M. Nicolas Perruchot, CF 86 de M. Jacques Myard et CF 112 de M. Gaëtan Gorce.

M. Nicolas Perruchot. Il s’agit d’interdire tout système d’échange ou d’intermédiation de paris ou de bourses aux paris hippiques ou sportifs dans lequel les parieurs s’échangent des paris – ce qui est une sorte de produit dérivé des bourses aux paris.

M. le rapporteur. Ce n’est pas dérivé, c’est une bourse aux paris. Nous n’avons rien contre les bourses aux paris. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’article 4, modifié.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement CF 273 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dès lors que les opérateurs légaux remplissent les nombreuses conditions posées, ils doivent pouvoir faire de la publicité, ne serait-ce que pour assécher l’offre illégale. Mais cette possibilité doit être strictement encadrée. C’est l’objet de cet amendement, ainsi que du CF 272 qui suivra. Le but est d’harmoniser les conditions de publicité pour tous les opérateurs sur notre sol, et de mettre en place un dispositif de sanction uniforme. L’amendement CF 273 interdit en particulier la publicité en direction de la jeunesse.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord sur le principe, mais cet amendement ne pose-t-il pas un problème constitutionnel ? Comment interdire la publicité dans « certaines publications » ou « durant certaines périodes sur certains services de télévision et de radio » ? La loi doit fixer des principes pour encadrer ces dispositions attentatoires aux libertés, ce n’est pas du domaine du décret.

M. Gaëtan Gorce. Il faut en effet préciser le type de publication et d’émission visée, le but étant clairement de protéger les mineurs.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. La loi n’a pas en effet à prévoir tous les cas particuliers, mais elle doit fixer des critères, concernant les mineurs notamment.

M. le rapporteur. Je vous propose de rectifier cet amendement, en mentionnant « les publications destinées aux mineurs » et « les périodes au cours desquelles sont programmées des émissions destinées aux mineurs ». Pour ce dernier point, le Conseil supérieur de l’audiovisuel dispose d’une liste très claire.

Mme Valérie Fourneyron. Il faut aussi penser aux films pour enfants dans les salles de cinéma, et à internet.

M. Nicolas Perruchot. Et aux SMS. Ces services communiqueront beaucoup par ce biais.

M. Jacques Myard. Et qu’en est-il des chaînes spécialisées dans les jeux, qui sont accessibles aux enfants ?

M. le président Didier Migaud. Je vous propose d’adopter cet amendement tel quel pour l’instant. Le rapporteur reverra la rédaction par la suite.

La Commission adopte cet amendement rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 272 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les publicités non conformes seront sanctionnées par une amende de 30 000 euros au moins, pouvant aller jusqu’au quadruple du montant des dépenses publicitaires engagées.

M. Charles de Courson. D’abord, qui va prononcer l’amende ? Et surtout, une sanction égale au quadruple des dépenses engagées n’est plus une amende !

M. le ministre. Cette formulation est reprise du droit existant. Par ailleurs, c’est la juridiction qui prononcera la sanction.

M. Charles de Courson. Reste qu’avec une telle sanction, si l’opérateur a engagé 100 000 euros et que sa publicité lui a rapporté des millions de joueurs, il est largement gagnant ! Le droit américain fixerait la sanction au quadruple du gain tiré de cette publicité. Faisons la même chose. Il faut une proportionnalité entre la sanction et le gain illégal.

M. le rapporteur. La rédaction proposée est déjà suffisamment dissuasive.

M. le ministre. Je suis d’accord : les 30 000 euros sont un plancher, et l’amende peut aller jusqu’au quadruple des dépenses de publicité.

M. Jérôme Cahuzac. Mais si la campagne de publicité a rapporté dix fois l’investissement ?

M. le ministre. Je ne vois vraiment pas comment cela pourrait se mesurer.

La Commission adopte cet amendement.

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