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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jeudi 17 septembre 2009

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 127

Présidence de M. Didier Migaud Président
et de M. Serge Poignant Vice-président de la commission des Affaires économiques

– Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission des Affaires économiques, de Mme Anne lauvergeon, présidente du directoire d’Areva, sur l’environnement stratégique et l’évolution du capital d’Areva

M. le président Didier Migaud. Madame la présidente, nos deux commissions sont heureuses de vous recevoir pour cette audition conjointe, au cours de laquelle vous nous entretiendrez de la situation d’Areva et de vos projets pour l’entreprise. Areva est sous les feux de l'actualité depuis de nombreux mois, pas toujours de son propre fait. Nous avions été très attentifs au changement d'alliance de votre partenaire Siemens, qui entraîne un changement dans la composition de votre capital. Les enjeux sont lourds car Areva doit préparer le financement du démantèlement ou de la prolongation des centrales nucléaires et le développement des sources d'énergie renouvelables. L’entreprise dispose pour cela de très forts atouts mais, pour l'État-actionnaire, l'année 2009 est celle des choix stratégiques, qui se traduisent dans les décisions prises et dans le programme d'investissement fixé pour la période 2009 à 2012.

Le 22 juillet dernier, Mme Christine Lagarde a fait le point sur ce programme devant la Commission des finances. Il convenait ensuite de recueillir le point de vue de l'entreprise, et nous sommes réunis dans ce but. Ce sera aussi l'occasion pour vous, Madame, d'actualiser les perspectives du réacteur EPR au vu des difficultés récentes du chantier finlandais.

Plus largement, nous évoquerons le besoin de financement de l'entreprise. Nous vous entendrons avec intérêt dire de quelles marges de manœuvre vous devrez disposer – on parle de 8 à 10 milliards d'euros ; si vous comptez, pour couvrir ce besoin de financement, ouvrir le capital d'Areva à un ou plusieurs partenaires ; quel est votre programme de cession d'actifs, et ce que vous attendez de la cession, engagée, de votre filiale T&D.

M. Serge Poignant, président. Madame la présidente, je vous souhaite à mon tour la bienvenue et je vous prie d’excuser M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, empêché. Depuis votre dernière audition par notre commission, en décembre 2007, le débat sur le capital d’Areva a évolué. La question nous intéresse au plus haut point, l’entreprise, leader mondial de l’industrie nucléaire et numéro trois dans les activités de réseaux électriques, étant au cœur des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique. Le groupe Areva, présent à toutes les étapes de la filière, a-t-il les moyens de ses ambitions alors que le paysage énergétique mondial connaît de profonds changements et que l’industrie nucléaire est en plein essor ? La nouvelle alliance entre Siemens et Rosatom vous oblige-t-elle à redéfinir vos stratégies ? Quelles sont les conditions de succès du plan de financement fixé en juin ? Enfin, étant donné le caractère stratégique de l’entreprise, l’entrée de fonds souverains étrangers au capital d’Areva est-elle sans risques ?

Mme Anne Lauvergeon, présidente du directoire d’Areva. Je vous remercie de me donner l’occasion d’un nouvel échange. Cet exercice régulier est d’autant plus important que le monde de l’énergie connaît une révolution. Elle est due à quatre facteurs : des ressources fossiles limitées ; une très forte croissance démographique mondiale ; un changement climatique avéré, qui rend nécessaire la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; l’aspiration, légitime, au développement des populations de nombreux pays émergents.

Dans ce contexte, on attend de nous que nous trouvions plus d’énergie, à meilleur prix, à un coût prédictible, disponible à grande échelle, nationale autant que faire se peut, et produisant beaucoup moins de carbone – c’est le fameux facteur 4 : 2 fois plus d’énergie avec 2 fois moins de C02. D’évidence, les méthodes doivent changer, et il y a deux solutions : définir un mix énergétique plus efficace, et produire plus d’énergies qui ne fabriquent pas de C02, c’est-à-dire produire plus d’énergie nucléaire et plus d’énergies renouvelables. Il n’y a ni solution miracle, ni solution unique : ces productions sont donc complémentaires.

L’énergie nucléaire a l’avantage de produire une électricité abondante, permanente, nationale, à un coût prédictible – la part de l'uranium dans le coût de production de l'électricité nucléaire n'étant que de 5 % –, recyclable à 96 % et n’émettant pratiquement pas de carbone. Soit, me dira-t-on, mais cette production n’est pas à l’échelle des besoins. Permettez-moi d’observer que si chaque pays membre de l’OCDE se dotait de quatre EPR, on atteindrait les objectifs hauts de Kyoto. À cela s’ajoute que les coûts de production de l’énergie nucléaire sont parmi les plus bas – et le coût du démantèlement des installations est intégré. À ce jour, seul le charbon « non propre » fait mieux, et il va sans dire que si le coût de la taxe carbone est intégré dans le prix de l’électricité, l’énergie nucléaire sera encore plus compétitive qu’elle ne l’est aujourd’hui.

La demande croît fortement, partout. C’est le cas dans les pays « historiques » du nucléaire civil, et l’on assiste à des revirements intéressants, en Suède par exemple, et en Italie, cependant qu’en Allemagne on s’interroge. On constate le retour au nucléaire en Amérique du Nord, et l’on sait le très fort potentiel de développement de ce mode de production de l’énergie en Asie – au Japon, en Corée du Sud et en Inde. Outre cela, de nouveaux pays souhaitent à présent développer une industrie nucléaire civile ; ainsi l’Australie, les pays du Moyen-Orient et ceux d’Afrique du Nord entendent-ils préparer l’après-pétrole, l’après-gaz, l’après-charbon et permettre la réalisation de projets de dessalement d’eau de mer.

Nous visons un tiers du marché accessible, entendant par là celui des pays qui acceptent tous les contrôles prévus par les Nations unies. Nous n’acceptons pas de travailler avec les autres. Et nous ne pouvons pas travailler avec ceux qui refusent une compétition véritable avec leur industrie nationale, raison pour laquelle nous considérons que le marché russe n’est pas accessible aujourd’hui.

Notre projet est de doubler d’ici à 2030 la capacité installée, sachant que les centrales de première génération arrivent en fin de vie – c’est déjà le cas en France, ce le sera en Grande-Bretagne dans les années à venir. Nous profiterons pour cela de notre modèle intégré qui, critiqué lors de sa mise en œuvre, apparaît maintenant comme le plus pertinent, au point d’être devenu le modèle de référence que nos concurrents copient. Le modèle intégré d’Areva – de la mine d’uranium au recyclage – c’est, en quelque sorte, celui de Nespresso : de la cafetière aux capsules, si ce n’est que nous, nous recyclons les capsules. Comme, à l’origine, personne ne croyait au bien fondé de l’intégration, nous avons une longueur d’avance, et même si à présent tout le monde nous copie, nous conservons un avantage commercial très fort.

Par ailleurs, nos clients, les électriciens, demandent une sécurité de long terme, si bien que nous signons de plus en plus de contrats à 40 ans ; nous avons même signé un contrat à 60 ans avec l’Inde.

Notre stratégie consiste à proposer à nos clients des réacteurs de troisième génération. En ce domaine, nous sommes en avance sur nos concurrents et nous avons quatre réacteurs de génération III+ en construction. Notre stratégie est aussi fondée sur une offre différenciée, car les besoins des clients ne sont pas les mêmes. Nous proposons à cet effet une gamme de trois réacteurs de génération III+ : l’EPR, gros réacteur à eau pressurisée de 1 650 mégawatts ; Atmea 1, réacteur de 1 100 mégawatts produit en coopération 50/50 avec Mitsubishi Heavy Industries ; enfin Kerena, réacteur de 1 350 mégawatts à eau bouillante mis au point à la demande d’électriciens allemands et coproduit avec E.ON.

Considérant que, dans la configuration énergétique mondiale nouvelle, nucléaire et énergies renouvelables iront de pair, nous entendons aussi développer nos activités dans les segments les plus prometteurs. C’est un marché pour lequel il est prévu une croissance de 8,5 % par an au cours des vingt prochaines années. Si notre développement dans le secteur des énergies renouvelables connaît un peu de retard en France, nous sommes en revanche déjà très présents dans la filière de la biomasse, singulièrement sur le marché brésilien après l’acquisition de Koblitz et sur les marchés indien et sud-africain. Nous avons aussi créé aux États-Unis une joint venture – Adage – avec Duke Energy pour construire des centrales de 50 mégawatts. Nous avons également installé de très grosses éoliennes off shore : nous avons acheté une technologie Multibrid de 5 mégawatts. Le choix d’emplacements maritimes, outre qu’il évite le problème complexe de l’acceptation des installations par le public, permet de laisser de grands espaces terrestres inviolés ou consacrés à l’agriculture – n’oublions pas qu’en 2050, il faudra nourrir près de 3 milliards d’individus supplémentaires. Enfin, nous sommes présents dans le secteur de l’hydrogène par le biais d’une start up française qui s’appelle Hélion, et nous nous intéressons aussi au solaire thermique. Nous allons, dans ces secteurs en puissant développement, atteindre un milliard d’euros de commandes – s’intéresser aux énergies renouvelables n’est pas pour nous une façon de faire du politiquement correct.

Areva connaît un rythme de développement soutenu. Ainsi, nous élargissons rapidement nos réserves d’uranium soit par nos propres explorations comme à Imouraren, soit en passant des accords de coopération minière tels que celui que nous avons signé avec la République démocratique du Congo, soit en créant une société commune d’exploration minière comme nous l’avons fait avec la Namibie, soit par la construction de l’usine d’enrichissement par centrifugation Georges Besse II, avec le lancement de la première cascade et l’entrée de nouveaux partenaires minoritaires dans le capital.

Dans le même temps, nous développons nos capacités industrielles pour faire face au renouveau mondial du nucléaire. En France, nous lançons le plan Chalon 1300 : ainsi, l’effectif de notre usine de Chalon, où sont fabriqués les composants d’EPR – usine, qui je le rappelle, était destinée à la fermeture et que nous avons refusé de fermer –, est passé de 1 000 à 1 300 personnes – il était de 850 personnes au pic d’EDF –, ce qui nous permettra d’y produire chaque année les composants correspondant en moyenne à 2,7 de ces réacteurs, dont les cuves sont fabriquées à l’usine du Creusot. Aux États-Unis, nous avons créé avec Northrop Grumman un site destiné à la fabrication des composants lourds de l’EPR américain – c’est la première usine de composants lourds aux États-Unis depuis trente ans. De même, un partenariat a été créé en Inde avec Bharat Forge et Tata pour la fourniture des pièces nécessaires à l’EPR indien.

S’agissant des énergies renouvelables, nous nous sommes renforcés par l’acquisition de PN Rotor qui fabrique des pales pour l’éolien off-shore – nous allons être le premier opérateur intégré dans l’éolien –, par l’installation de la première éolienne du parc off-shore Alpha Ventus en Mer du Nord et par la signature, en Inde, d’un partenariat portant sur la production de biomasse avec Astonfield Renewable Resources.

Notre filiale Transmission et Distribution –T&D – a poursuivi son déploiement international avec l’installation de huit usines en Inde et de trois usines en Chine, ainsi qu’avec le développement de « réseaux intelligents » et des acquisitions ciblées aux États-Unis et au Royaume-Uni. En France, nous continuons à développer la base industrielle.

Notre carnet de commandes a doublé en cinq ans. Il s’élève à 48,9 milliards au 1er trimestre 2009 et dépassera vraisemblablement les 50 milliards à la fin de l’année, ce qui est considérable. Pendant la même période, notre chiffre d’affaires a progressé de 34 %. Dans le nucléaire, cette augmentation provient aussi bien de la base installée, où nous gagnons des parts de marché, que des nouvelles constructions, et notre chiffre d’affaires va continuer de croître très vite car, avec l’EPR, nous renforçons notre avance.

Un réacteur EPR, c’est une boîte d’acier et de béton d’un petit volume, d’une puissance de 1 650 mégawatts, résistant à tout – chute d’avion commercial, tir de missile – hormis une bombe nucléaire. C’est un réacteur à la disponibilité accrue pour l’électricien – 90 % d’utilisation – qui, pour produire la même quantité d’électricité, utilise 17 % d’uranium de moins que les réacteurs de la génération précédente et laisse 15 % de déchets à vie longue en moins.

Quatre EPR sont en construction et un cinquième est annoncé à Penly, en France. Nous avons également de nombreux projets. On a beaucoup parlé des difficultés que nous avons rencontrées en Finlande avec le réacteur OL3 en construction à Olkiluoto, en premier lieu car nous avons été d’une parfaite transparence à ce sujet. Je rappelle qu’OL3 est une tête de série et que, sur le plan comptable, il nous a été impossible, contrairement à Boeing ou Airbus qui peuvent étaler leurs frais de développement sur une série, d’étaler nos propres frais de développement sur d’autres réacteurs, faute d’autres clients à l’époque. Par ailleurs, la construction de cette centrale a signifié la reconstitution, sur le site, d’un tissu industriel de 250 PME françaises qu’il nous a fallu requalifier, au prix d’un long travail, tant était élevé le niveau de sécurité demandé.

Où en sommes-nous ? Le dôme a été posé, ce qui marque une étape très importante de la construction. Les commandes et les marchés sont engagés à plus de 90 %, les activités d’ingénierie sont achevées à plus de 80 %, les travaux de génie civil à 73 %. L’effectif présent sur le site est de 3 700 personnes et il sera de 4 000 personnes fin 2009.

J’insiste en outre sur le fait que la construction de l’EPR OL3 est pour Areva une vitrine commerciale sans équivalent. Ainsi, il y a fort à parier que sans ce réacteur en construction, nous n’aurions pu faire affaire avec les Chinois.

Dans toute construction de réacteur nucléaire, les relations entre client et fournisseur sont complexes. Elles sont régies par une multitude de documents, une cathédrale de papier, et l’on ne peut rien faire sur un chantier de ce type qui n’ait été approuvé et par le client et par l’autorité de sûreté. Mais, alors que le contrat prévoit que TVO dispose de deux mois pour répondre aux demandes que nous lui faisons, les premiers commentaires nous arrivent dans un délai moyen de quatre mois, et onze mois nous sont nécessaires pour obtenir une approbation – le paradoxe étant que l’immense majorité de nos demandes sont approuvées. Nous perdons donc beaucoup de temps, de manière aléatoire, ce qui perturbe considérablement le fonctionnement du chantier. Cette manière de procéder est sans équivalent ; je n’en ai jamais eu connaissance ailleurs. Nous avons donc remis à TVO des propositions visant à en revenir à un mode opératoire conforme aux pratiques habituelles de l’industrie, en spécifiant que nous ne lancerions pas les dernières phases du chantier avant d’avoir un accord clair, seul à même de nous donner une vision globale des travaux à entreprendre par bloc.

Cela nous a par ailleurs conduits à constituer des provisions supplémentaires. Je souligne qu’il ne s’agit pas de pertes. Les réclamations de TVO feront l’objet d’un jugement, et comme nous pensons avoir un excellent dossier, nous comptons bien ne pas avoir à payer ce qui nous est demandé. Dans le même temps, le consortium Areva-Siemens a adressé à TVO une réclamation d’un milliard d’euros, et d’autres réclamations sont en préparation. À ce jour, l’impact financier d’OL3 est absorbé par la performance opérationnelle du groupe, notre marge s’établissant à 640 millions en 2004 et à 1,166 milliard en 2008, en hausse de 82 % avant les provisions passées pour OL3.

Areva a de nombreux projets. Une négociation exclusive est engagée avec Duke Energy pour la construction d’un EPR dans un parc « vert » de l’État – démocrate –de l’Ohio. Une négociation commerciale, menée avec EDF, est très avancée pour la construction de quatre EPR au États-Unis. En France, la construction d’un deuxième EPR est prévue à Penly– il y a à la base de cette commande un consortium regroupant, entre autres, EDF, Gaz de France Suez, Total et Enel. Un protocole d’accord a été signé en Inde pour la construction de deux EPR plus le cycle de combustible sur un site qui pourrait comporter entre six et huit EPR. Nous sommes « short listés » pour la fourniture de deux à quatre réacteurs EPR et le cycle correspondant aux Émirats arabes unis. Nous avons signé le protocole prévoyant la création, pour 700 millions d’euros, d’un parc éolien off shore de 80 éoliennes en mer du Nord.

Areva est donc engagée dans une dynamique très forte, qui n’est absolument pas entamée par la crise. C’est une formidable chance pour la France, où l’entreprise investit massivement : sur le site du Tricastin pour 3 milliards d’euros, mais aussi en Bourgogne, à Chalon et au Creusot, ainsi qu’à La Hague. Ce faisant, Areva entraîne toute une filière industrielle. Le partenariat industriel est au cœur de notre histoire et de notre stratégie, et l’importance de nos relations avec nos sous-traitants s’est traduite cette année par l’octroi du label « fournisseur Areva » à 120 fournisseurs en France. Quant au nouveau chantier du Tricastin, il assurera du travail à 1 500 sous-traitants par an pendant dix ans. De même, à l’export, Areva entraîne de nombreuses entreprises françaises sur de grands chantiers internationaux, en Chine par exemple avec Taishan 1 et 2.

Le groupe est aussi une chance pour l’emploi en France. Nous avons en effet embauché 15 000 personnes en 2008 et nous en aurons embauché 12 000 fin 2009, dont la moitié en France – une tendance atypique. Chaque EPR signifie de 1 500 à 2 000 emplois chez Areva et chacun de ces emplois en induit 2 ou 3 chez les sous-traitants.

Pour accompagner cette croissance, nous menons une politique volontariste de formation. Nous avons ainsi créé un campus européen à Aix-en-Provence, pour nous et nos clients. Nous faisons beaucoup pour la formation en alternance : 3 000 personnes sont formées en alternance chez Areva et nos sites comptent de 3 % à 5 % d’apprentis.

Dans le même temps, nous investissons beaucoup en recherche et développement : ils se sont établis à 8 % de nos revenus en 2008, en augmentation de 80 % en trois ans. Là aussi, nous faisons le pari de la technologie sur le long terme.

L’État actionnaire s’y retrouve-t-il ? Certes, puisque Areva a distribué plus de 3,6 milliards d’euros depuis sa création en 2001. Et, entre 2001 et 2008, le taux de rendement réinvesti du certificat d’investissement est de 16,7 % – l’un des meilleurs. Tout s’est fait avec l’actionnaire et dans l’intérêt de l’actionnaire.

Si, pendant très longtemps, nous avons autofinancé tous nos investissements, nous ne pouvions continuer à ce rythme tout en conservant notre indispensable notation « A ». Deux solutions s’offraient donc à nous : freiner nos investissements, avec les conséquences négatives que cela aurait pour notre activité ; ou décider une augmentation de capital pour accompagner notre développement, une opération à laquelle toutes les autres grandes entreprises françaises ont procédé au cours de la dernière décennie.

Le 30 juin dernier, le conseil de surveillance a donc validé la stratégie d’Areva fondée sur le modèle intégré du nucléaire et sur la complémentarité entre énergie nucléaire et énergies renouvelables. Pour accompagner le développement de l’entreprise, il a décidé de lui permettre de renforcer ses moyens en ouvrant son capital à des partenaires stratégiques et industriels ; en procédant à la cession de participations minoritaires – ce que nous faisions déjà depuis un certain temps – et à celle de sa filiale T&D ; en poursuivant le programme d’entrée de minoritaires au capital de certains actifs stratégiques en contrepartie de contrats de très long terme – c’est une façon pour ces actionnaires de sécuriser leur investissement, de devenir des actionnaires privilégiés, et pour nous d’obtenir du cash ; en définissant un programme d’optimisation de la dette avec le lancement d’obligations à sept et quinze ans – lesquelles ont été souscrites en un quart d’heure.

M. le président Didier Migaud. À quel taux ?

Mme Anne Lauvergeon. 85 points de base au-dessus du taux sans risque pour celles à sept ans et 115 pour celles à quinze ans.

Après quoi, l’agence de notation Standard & Poor’s a maintenu sa notation « A » pour le long terme et « A1 » pour le court terme.

Nous avons lancé le processus de vente de T& D en recherchant le mieux disant financier et le meilleur projet industriel et social. Les offres nous parviendront vendredi soir, et la décision de céder ou de ne pas céder cette filiale sera prise en fonction de la qualité des projets présentés. Si les offres reçues ne sont pas assez attractives, nous considérerons que le moment de vendre n’est pas le bon. Nous envisageons par ailleurs la cession de nos participations minoritaires dans ST Microelectronics et dans Eramet, avec des reclassements au sein du secteur public puisqu’il s’agit de deux entités stratégiques.

En conclusion, Areva est engagé dans une formidable dynamique industrielle sur laquelle la crise n’a pas eu de conséquences. Le groupe recrute et investit beaucoup en France. Il fait la course en tête et veut accélérer son développement pour creuser l’écart car ses concurrents accélèrent eux aussi, notamment en copiant notre modèle. Vous pouvez compter sur notre détermination.

Il me faut, pour répondre à la question portant sur les relations avec Siemens, revenir un peu en arrière. Je rappelle que, dans les années 1990, Français et Allemands se sont mis d’accord pour créer l’EPR en réunissant les forces de deux entreprises concurrentes pour fabriquer un réacteur correspondant aux besoins des deux pays. Les deux autorités de sûreté concernées ont indiqué leurs exigences, les électriciens EDF et E.ON leurs besoins. C’est ce qui a fait le succès de l’EPR : il répondait à des besoins rigoureusement prédéfinis. Mais, comme vous le savez, en 2000-2001, l’Allemagne a décidé la sortie du nucléaire, prévue pour être achevée en 2019 – ce qui laisse songeur : si le nucléaire est dangereux, pourquoi ne pas sortir tout de suite ? –, par phases successives. Plutôt que de céder ses actifs en bloc à Framatome – plutôt qu’à Westinghouse, le concurrent de Framatome –, Siemens a prévu plusieurs fenêtres pour sortir du consortium en 2009, 2010 et 2011. Toutefois, en 2004-2005, Siemens s’est rendu compte que sortir du nucléaire n’était pas une bonne idée. Il a donc voulu prendre une part dans le modèle intégré au-delà de la seule filiale Areva NP et, en 2009, a fait une proposition en ce sens, à laquelle les gouvernements français qui se sont succédé n’ont pas répondu.

Dans le même temps, nous avons appris que des discussions étaient en cours entre Siemens et Rosatom, opérateur nucléaire russe. Rosatom est l’un de nos concurrents significatifs, en particulier parce qu’il dispose d’une main-d’œuvre extrêmement qualifiée et d’un vivier d’excellents physiciens. Cela étant, Rosatom propose un système qui n’est pas totalement intégré, et l’Histoire permet de comprendre que ce groupe puisse avoir quelques problèmes de marketing.

Siemens sort d’Areva avec de l’argent, certes, mais sans rien d’autre : ni compétences dans le nucléaire, ni personnels, ni technologies, ni propriété intellectuelle. Dans ces conditions, redoutons-nous l’entité Rosatom-Siemens ? Nous craignons Rosatom parce qu’il faut toujours craindre ses concurrents, mais pas particulièrement l’alliance Rosatom-Siemens. Le volet géopolitique de l’affaire est une autre question.

Par ailleurs, Areva a engagé des partenariats avec Rosatom. Nous avons ainsi équipé une de leurs centrales d’un système de contrôle-commande Areva – opération pour laquelle il nous a été demandé de venir sans Siemens.

Enfin, l’accord entre Areva et Siemens prévoyait une clause de non-concurrence dans le domaine nucléaire, clause que Siemens conteste. La question sera donc soumise à un arbitrage.

M. Serge Poignant, président. Si l’on vous entend bien, la nouvelle alliance entre Siemens et Rosatom ne vous oblige pas à redéfinir votre stratégie ?

Mme Anne Lauvergeon. Non, mais nous savons que, de manière générale, la concurrence va s’exacerber. Même si, dans un tel cadre, il est toujours plus facile de commencer la course comme leader, nous devrons être toujours plus performants.

S’agissant des fonds souverains, nous avons engagé des discussions avec différents partenaires. Je ne peux dévoiler leurs noms à ce stade, mais il est exact que nous intéressons des fonds souverains étrangers. Nous serons dans tous les cas très attachés au maintien de notre autonomie, ce qui signifie que l’entrée dans le capital d’Areva ne s’accompagnera pas de celle d’administrateurs au conseil. Nous recherchons des partenaires « stratégiques » pour nous permettre d’aller plus vite et plus loin, certains grâce à leur dimension géographique, d’autres grâce à leur dimension industrielle. Ce pourrait, par exemple, être Mitsubishi –MHI – avec qui nous développons Atmea, un réacteur de troisième génération plus, avec qui nous avons créé une joint venture pour s’occuper de toutes nos activités combustibles au Japon. C’est un partenariat dynamique, et Mitsubishi peut, comme c’est souvent le cas après la conclusion d’un partenariat de ce type avec une société japonaise, souhaiter prendre une part de notre capital pour sceller cette alliance – sans pour autant demander l’entrée d’administrateurs dans le conseil. Mais, même dans ce cas, il n’y aurait pas fusion, et nous resterions concurrents. Je tiens donc à dissiper toutes les inquiétudes relatives aux fonds souverains étrangers, en soulignant d’autre part que la tranche de capital que nous envisageons de céder est faible.

M. le président Didier Migaud. Quelle est-elle ?

Mme Anne Lauvergeon. Elle a été fixée à 15 % par le conseil de surveillance, le 30 juin dernier. Il faudra la définir plus précisément en fonction de nos besoins et des attentes de nos partenaires.

Un actionnariat salarié, que nous espérons aussi large que possible, sera aussi mis au point. Cela répond à une attente très forte.

M. le président Didier Migaud. Quelle proportion du capital envisagez-vous de consacrer à l’actionnariat salarié ?

Mme Anne Lauvergeon. Peut-être 3 %, s’ajoutant aux 15 %.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie, Madame, pour cet exposé liminaire.

M. Marc Goua. Merci, Madame la présidente, pour ce tour d'horizon très complet. Sur les 12 milliards d’euros dont Areva a besoin, 15 % devraient provenir de l'actionnariat nouveau. Mais combien représenteront les ventes d'actifs ? Et à ce propos, Alain Cacheux, qui m'a précédé en tant que rapporteur spécial pour les crédits de l'énergie, a rappelé tous les avantages que représentait T&D pour le groupe : c’est un vecteur de pénétration des marchés potentiels nucléaires, qui a un effet positif sur sa trésorerie puisqu'il fonctionne selon des cycles plus courts qu’Areva, qui assure 39 % de son chiffre d'affaires et pèse lourd dans ses résultats… La cession ne va-t-elle pas peser à terme sur votre politique commerciale ?

Par ailleurs, Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique, a déclaré que le démantèlement de T&D n’était « pas un tabou » alors que vous y êtes opposée. Comment s'oriente le projet ? Enfin, est-il vrai que les titres en question constituaient la contrepartie des provisions passées pour le démantèlement de vos installations nucléaires et que l'État s’est engagé à s'y substituer ?

Vous avez également suggéré que les partenariats stratégiques que noue Areva pouvaient lui ouvrir de nouveaux secteurs de la planète – il a notamment été question de la Chine et du Japon. L’Assemblée vient d’entériner la possibilité d'adapter notre droit à la fiducie islamique. Cela vous ouvre-t-il des horizons ?

Vous nous avez rassurés quant à la concurrence que pourrait représenter Siemens. Mais pour ce qui est d’OL3, il semblerait que les Finlandais aient demandé 2,2 milliards d’euros d’indemnités. Qu'en est-il réellement ? Et les provisions que vous constituez à titre de précaution ne se révéleront-elles pas dangereuses à terme ? Un procès célèbre a bien été perdu après-guerre parce que le tribunal a considéré que le fait de constituer des provisions prouvait qu'on reconnaissait être en faute ! Enfin, quel sera le coût final de ce premier EPR ?

M. Jean-Yves Cousin. Merci, Madame, pour votre exposé plein d'intérêt.

Mme Lagarde, lors de son audition en juillet, avait exprimé deux préoccupations : l’une portait sur la rupture avec votre partenaire allemand alors qu'existait la possibilité de constituer un pôle européen, l’autre sur les pertes liées à l’EPR finlandais. Vous avez répondu sur les deux sujets et je n'y reviens pas.

En revanche, s’agissant des énergies renouvelables, vous n’avez rien dit de l’hydrolien. Étant un élu normand, je connais la force des marées. Vous intéressez-vous à ce sujet ?

Mme Anne Lauvergeon. M. Goua a rappelé toutes les qualités qui nous avaient amenés à faire l'acquisition de T&D en 2004, alors que son activité était en déclin et qu’il perdait de l'argent. Nous avons réussi à en faire une entreprise extrêmement performante, dont les cycles sont effectivement beaucoup plus rapides que ceux du nucléaire – ils s'apparentent plutôt à ceux de l'énergie renouvelable. Dans le nucléaire, on investit une fois pour quarante ans – et à la fin, c’est une véritable vache à lait ! Dans les énergies renouvelables, les investissements sont moins élevés et plus fréquents, d'où l'importance pour nous de diversifier notre activité.

Il y a par ailleurs de véritables synergies entre T&D et le nucléaire. Cela nous permet d’être présents dans de nombreux pays, d’y posséder des usines, et ainsi d’arriver sur le marché du nucléaire en Inde ou au Brésil, par exemple, sans avoir l’air d’un total exportateur. Nous sommes donc très contents de cette acquisition. Mais arrive toujours un moment où il faut faire des choix. C’est en tout cas ce que l'on nous a demandé, et nous sommes en train de tester le marché pour voir s'il est opportun de vendre ou non.

Quant au démantèlement de T&D, les décisions du 30 juin sont explicites : il a été mis en vente en bloc. Certes, il est question de deux repreneurs qui auraient l'intention de se partager l'entreprise, mais je n’en saurai pas plus tant que nous n'aurons pas reçu les offres. Nous avons un projet industriel pour T&D, qui a fait ses preuves. D'autres peuvent fonctionner selon un modèle ou sur un continent différents, et nous les étudierons sans a priori. Le suspense ne durera plus longtemps car nous devrions recevoir les offres à la fin de la semaine. Nous pourrons alors juger de leur intérêt financier – s'il n'est pas suffisant, nous ne vendrons pas – mais aussi de leur intérêt industriel et social. Il s'agit d'une communauté de trente mille personnes qui sont profondément attachées à Areva et nous ne vendrons pas à l’aveuglette.

M. le président Didier Migaud. Mais vous vendez pour répondre à des besoins de financement. Si le prix qui vous est offert ne vous convient pas et que vous refusez de vendre, comment les couvrirez-vous ?

Mme Anne Lauvergeon. Si nous gardons T&D, nous gardons aussi ses résultats pour l'avenir. Si nous vendons, nous avons du cash tout de suite. Nous n'avons donc pas intérêt à vendre à un prix insatisfaisant. Si nous ne vendons pas, nous aurons besoin d'une augmentation de capital légèrement supérieure.

M. le président Didier Migaud. Supérieure aux 15 % évoqués ?

Mme Anne Lauvergeon. Ce n'est pas à moi de le dire, mais il faudra trouver une solution.

Pour ce qui est des fonds de démantèlement, nous sommes les seuls au monde à avoir provisionné le démantèlement de toutes nos activités futures et à disposer des actifs financiers correspondants. C'est une discipline à laquelle nous nous tenons rigoureusement, et qui sera d'ailleurs imposée à l'ensemble des entreprises nucléaires françaises à partir de 2011. Nous avons si bien fait que ces actifs dépassent maintenant les besoins : nous avons donc sorti l’excédent des fonds de démantèlement – ce sont les participations que nous vendons aujourd'hui. L'État ne s’est absolument pas constitué garantie : non seulement nous devons assumer seuls ces charges, mais nous n’en aurions de toute façon pas besoin. Les actifs financiers dédiés aux démantèlements sont partiellement investis en actions, et nous les gérons très classiquement, en bon père de famille. Au point bas de la bourse de Paris, ils représentaient 90 % de la couverture. Nous en sommes aujourd'hui à 98 %, alors que l’état du marché est loin d'être excellent.

Quant à la fiducie islamique… je ne connais rien au sujet. Quelle colle ! Je sors mon joker.

J'en viens aux EPR. Ainsi que l’a dit Mme Lagarde, OL3 est un investissement. Ce ne sont pas des pertes qui sont en cause, mais des provisions, lesquelles n’ont pas empêché Areva de gagner de l'argent ni n’ont freiné ses recrutements et son développement. Quant au fait que ces provisions puissent se révéler dangereuses devant un tribunal… Elles répondent à des règles comptables, nous n'avons pas le choix ! Dans notre optique de gestion de père de famille, nous prenons des provisions régulièrement, qui font l'objet d'une communication transparente.

S’agissant du coût final d’OL3, nous commençons à avoir une bonne vision : quand le dôme d'une centrale est posé, les choses sont déjà bien avancées ! Et il est clair que nous ne connaîtrons pas du tout la même situation avec l’EPR de Flamanville et les deux EPR chinois. Ainsi que nous l’avions prévu, le nombre d'heures d'ingénierie nécessaires diminue et nous sommes dans une courbe d'apprentissage très positive. Nous avons un très bon réacteur. Nous ne nous sommes pas trompés. Nous y apporterons des améliorations au fil du temps, mais nous ne sommes pas inquiets.

S'agissant de Siemens, le terme de rupture est un peu fort. Nous venons par exemple de signer un accord pour continuer à faire des systèmes de contrôle-commande ensemble pendant dix ans. Ce n'est donc pas un divorce où l'on compte les petites cuillères ! Nous continuerons à travailler ensemble sur un certain nombre de sujets et sommes notamment solidaires face au client finlandais pour OL3.

La Finlande avait effectivement émis une demande d'indemnités considérable, initialement fixée à 2,2 milliards et qui a été ramenée à 1,4 milliard. Nous n'avons rien provisionné parce que nos juristes ne la considèrent pas comme fondée. Nos propres demandes d'indemnités, en revanche, ont été soumises à des experts indépendants dont les conclusions sont positives pour nous. Nous verrons tout cela en temps voulu.

Pour ce qui est de l’hydrolien, nous sommes intéressés, mais en mer il faut gérer les problèmes causés par le sel, notamment dans les zones de battement entre l’eau douce et l’eau salée, mais aussi le passage des navires, la signalétique ou les tempêtes. En revanche, nous suivons une thèse très intéressante sur l’hydrolien de rivière. Il s’agirait de tirer parti de l’énergie des courants de fond réguliers, qu’on peut trouver par exemple dans la Garonne, la Loire ou la Seine. L'eau n'y est pas salée et il n’y a ni zone de battement, ni passage de navires… Mais nous n'en sommes encore qu'au stade de la recherche.

M. Marc Goua. Il ressort de vos propos qu'investir dans Areva est une dépense d'avenir. Or, vous devez chercher des capitaux en dehors de l'État, parce qu'il ne joue pas son rôle d'actionnaire, au moment même où il est question d’un certain grand emprunt. Voilà qui ne laisse pas de donner des idées…

Mme Anne Lauvergeon. Investir dans Areva est effectivement rentable, et une dépense d'avenir. Je rappelle que le certificat d'investissement a plus que triplé depuis qu’Areva a été créé en 2001 ! À l’époque, la moitié de sa valeur était constituée par STMicroelectronics, qui a malheureusement perdu beaucoup de poids.

M. Serge Poignant, président. Merci de toutes ces indications très précises, notamment concernant les provisions de démantèlement et la stratégie du groupe. Il ne me reste qu'une question concernant les énergies renouvelables : vous avez parlé du solaire thermique, mais vous intéressez-vous au photovoltaïque ?

M. le président Didier Migaud. Toujours à propos du démantèlement, vous avez évoqué le « retour du nucléaire » et le revirement de certains pays. Mais y a-t-il des progrès sur la question des déchets ?

Mme Anne Lauvergeon. Pour ce qui est du photovoltaïque, la stratégie d'Areva est de se positionner sur des métiers industriels où il peut devenir leader mondial. Or le photovoltaïque est déjà très encombré et la bataille a commencé depuis longtemps. La grande question n'est plus que d'arriver à produire des panneaux solaires moins chers en grande quantité. Nous recherchons des marchés plus technologiques, avec des barrières à l'entrée plus importantes. Cette position n’est donc pas motivée par les qualités intrinsèques du photovoltaïque : c’est un choix purement industriel. Le solaire thermique nous ressemble plus. Nous faisons de la recherche dans ce domaine – y compris dans ses interactions avec le photovoltaïque – en particulier avec le CEA.

Pour ce qui est des déchets, je rappelle que le nucléaire n'est pas une énergie renouvelable, mais qu'il est recyclable. On sait recycler 96 % du combustible usé. Le recyclage a pour intérêt à la fois d'extraire encore de l'énergie de ce combustible usé et de réduire la toxicité et le volume des déchets finaux, mais aussi de contribuer à la non-prolifération.

Il y a deux types de prolifération possible. Le premier est lié aux technologies, et nous ne vendons pas de technologie potentiellement proliférante aux pays hors du P5. Nous avons vendu une technologie de retraitement aux Japonais, nous envisageons des opérations avec les États-Unis et la Chine mais cela s'arrête là. Le second type est lié aux matières : un combustible usé laissé dans certains pays peut devenir proliférant. Pour éviter cela, il faut le recycler pour le rendre totalement inerte – cela a été prouvé par le Pentagone. Aujourd’hui, nous ne vendons du nucléaire à de nouveaux pays qu'avec un tel recyclage, sans leur laisser le combustible usé. C'est l'éthique de la maison.

En matière de recherche sur les déchets, nous finançons avec le CEA le programme Atalante sur le retraitement poussé – je crois beaucoup au retraitement poussé – mais il y a aussi la voie de la transmutation. Des progrès sont accomplis. Ceux d’Atalante notamment sont très impressionnants, même s’il restera ensuite à transposer ce qui marche dans un laboratoire au niveau industriel.

Par ailleurs, nous allons lancer d'ici à la fin de l'année à La Hague le creuset froid, qui est une formidable novation mise au point avec le CEA après 25 ans de recherche-développement. Ce sera une première mondiale, qui nous permettra d’être encore plus performants dans le recyclage. Il y a donc des progrès technologiques, des progrès dans les usines et des progrès dans la recherche. On peut être assez optimiste sur la question.

M. le président Didier Migaud. Merci de cet exposé très clair. Nous suivrons le déroulé des événements dans les semaines qui viennent avec attention.

Mme Anne Lauvergeon. Pour ce qui est de T&D, tout dépend de l'acquéreur choisi. Compte tenu des étapes à franchir, notamment l’avis de la Commission européenne, la procédure peut devenir assez longue. Pour ce qui est de l'ouverture du capital, les choses varieront en fonction des calendriers de nos interlocuteurs mais nous visons la fin de l'année où le début de l'année prochaine.

M. le président Didier Migaud. Peut-être l’occasion d’une nouvelle rencontre ! Merci encore.

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