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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 24 octobre 2007

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finances pour 2008

– Examen pour avis des crédits des missions : « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Jérôme Lambert, rapporteur), « Sécurité civile » (M. Thierry Mariani, rapporteur), « Relations avec les collectivités territoriales » (M. Manuel Aeschlimann, rapporteur)

La Commission a procédé à l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de loi de finances pour 2008.

Le président Jean-Luc Warsmann a accueilli la ministre en rappelant qu’elle assumait la charge des trois missions : « Sécurité civile », « Administration générale et territoriale de l’État » et « Relations avec les collectivités territoriales ». Il a précisé qu’il s’agissait respectivement de l’orientation et de la coordination de la politique nationale de défense et de sécurité civiles, de la présence et de la continuité de l’État, et de la gestion des concours financiers aux collectivités territoriales inscrits en dotations budgétaires.

Puis il a demandé à la ministre d’indiquer les enseignements qu’elle tirait du rapport sur la maîtrise des dépenses publiques locales de M. Pierre Richard, ce dernier préconisant que le calcul des dotations de l’État prenne mieux en compte les efforts des collectivités qui s’engagent résolument à améliorer leurs performances.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, a précisé que ce projet de budget intègre les modifications de périmètres ministériels.

La création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement a conduit au départ de 110 agents de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), même s’ils restent gérés par le ministère de l’intérieur et s’ils ont provisoirement conservé leurs locaux. La création de ce nouveau ministère a également abouti à l’élaboration d’une convention de gestion puisque le ministère de l’intérieur assurera nombre de prestations pour le compte de la nouvelle administration. Enfin, une mission a été confiée au secrétaire général du ministère de l’intérieur pour examiner dans quelle mesure les services de l’outre-mer doivent s’adapter au rattachement de leur secrétariat d’État de tutelle.

Le projet de budget met en avant trois priorités : renforcer l’autorité de l’État, instaurer une relation de confiance durable avec les collectivités territoriales et améliorer les capacités de secours aux personnes.

La première priorité est pour l’État d’affirmer son autorité et d’assumer l’ensemble de ses responsabilités. Cela concerne à la fois l’administration générale et la présence territoriale de l’État.

Il importe d’inscrire plus encore l’administration centrale dans la modernité. Le ministère doit prendre des décisions claires, ce qui requiert une lisibilité de l’avenir. Il sera donc doté, dès le début de l’année 2008, d’une direction stratégique ou prospective afin d’analyser les risques, d’anticiper les évolutions et d’imaginer les solutions institutionnelles ou matérielles à apporter. Le ministère doit aussi davantage prendre en considération la dimension internationale en renforçant ses capacités d’analyse du monde et d’action extérieure. Une véritable direction internationale sera créée : les échanges de renseignements seront multipliés et des perspectives internationales seront proposées aux personnels durant leur carrière. Enfin, parce qu’il est anormal que les deux seules sources d’information soient les syndicats et le ministre, un poste de porte-parole du ministère sera créé.

Le rôle des personnels doit être mieux valorisé. Les engagements des ministres précédents seront tenus car la parole de l’État revêt une grande importance, particulièrement en matière sociale. Sont donc prévues, dans le projet de budget, la requalification de 1 000 emplois, la fusion des corps techniques de catégorie C et la poursuite des plans de rattrapage des régimes indemnitaires. La règle du non-remplacement d’un agent partant à la retraite sur deux est respectée, mais le ministère sera particulièrement bien traité en ce qui concerne le retour d’économies effectuées sur la masse salariale, puisque quelque 50 millions d’euros seront dégagés au profit des mesures catégorielles et indemnitaires.

La modernité de l’administration centrale s’appuie sur les développements technologiques. Les choix relatifs à la sécurité se déclinent aussi pour l’administration générale. Ainsi, l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, répondra mieux à ses missions, notamment le respect du calendrier international pour la délivrance du passeport biométrique. L’installation du conseil d’administration de l’ANTS, dans quelques semaines, à Charleville-Mézières, sera d’ailleurs l’occasion de le réaffirmer. De même, la mise en œuvre du programme de télécommunications ANTARES profitera à tous les acteurs de la sécurité civile. Les programmes RUBIS de la gendarmerie et ACROPOL de la police garantissent un système numérique de dernière génération interopérable.

Affirmer l’autorité de l’État est presque plus important encore pour ce qui concerne l’administration territoriale, dans la mesure où le ministère fait face à des collectivités puissantes. Le ministère a une ambition très claire, que la révision générale des politiques publiques – RGPP – lui permettra de préciser et de mettre en œuvre : faire du préfet l’interlocuteur unique des collectivités territoriales, capable de répondre aux régions, aux départements et aux grandes villes, qui sont aujourd’hui gérées avec professionnalisme, mais aussi d’aider les communes les plus fragiles et les moins organisées, un peu désemparées face à la décentralisation.

À cet effet, l’administration territoriale de l’État doit se recentrer sur ses missions les plus utiles et les plus valorisantes. La dématérialisation renforcera l’efficacité, la réactivité et la maîtrise de tous les leviers utiles, y compris budgétaires, tout en offrant une meilleure reconnaissance des capacités professionnelles et du sens de l’État des personnels. Le service au public doit être optimisé, à travers les technologies nouvelles mais aussi l’organisation des services. Ce sont souvent les personnels, sur le terrain, qui sont les mieux à même de connaître les mesures de bon sens susceptibles d’améliorer la situation. Le secrétaire général du ministère a adressé à tous les personnels des préfectures et des sous-préfectures un questionnaire pour recueillir leurs suggestions.

La deuxième priorité consiste à instaurer une relation de confiance durable avec les collectivités territoriales, par l’intermédiaire, notamment, de leurs associations et du Comité des finances locales, que ce soit en matière de rapports financiers entre l’État et les collectivités ou en matière de réglementation.

Sur le plan financier, en 2008, les dotations de l’État aux collectivités territoriales évolueront comme les dépenses de l’État, c’est-à-dire comme l’inflation. Il est en effet logique que tous les acteurs publics s’astreignent à maîtriser leurs dépenses. Toutefois, afin que les collectivités ne se retrouvent pas, du jour au lendemain, confrontées à une réduction des dotations, la dotation globale de fonctionnement conservera son mode d’indexation actuel, qui correspond au taux d’inflation majoré de 50 % de la croissance du PIB, et connaîtra en 2008 une progression de 2,08 %. Ce ne sera plus le cas en 2009, mais les communes et les départements, d’ici là, auront le temps de prendre leurs dispositions pour s’adapter à la nouvelle donne.

Il convient, pour l’avenir, de revoir les conditions du financement des collectivités territoriales et de mettre à jour leurs rapports avec l’État. C’est pourquoi la réforme de la fiscalité locale débutera dès 2008, comme le Premier ministre l’a annoncé lors de l’installation du Conseil national des exécutifs, et sera conduite avec la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, en relation étroite avec les associations d’élus et le Parlement.

Au-delà de l’aspect strictement financier, il est souhaitable de mettre en place un véritable partenariat, ce qui suppose une pause dans la décentralisation, la stabilité des partages de compétences entre l’État et les collectivités territoriales, ainsi que leur association à toutes les décisions les concernant qui présentent un risque de charges nouvelles.

Afin de prendre en compte le fait que la déclaration de catastrophe naturelle ne répond pas toujours à des critères adaptés aux nouvelles formes de risques, un fonds de solidarité propre aux collectivités territoriales et à leurs groupements sera créé pour répondre aux sinistres localisés ou d’ampleur limitée et sera doté de 20 millions d’euros dès 2008. L’État continue et continuera d’assumer ses responsabilités mais ce fonds est destiné à la réparation des dégâts causés sur les biens non assurables des collectivités, après évaluation par une mission d’inspection générale diligentée sur place.

La troisième priorité concerne les capacités de secours aux personnes. La France a la chance de disposer de compétences remarquables en la matière, grâce à l’expertise et au dévouement de ceux qui s’engagent, parfois au péril de leur vie. Il faut cependant encore progresser dans deux directions : l’anticipation et la recherche d’efficacité.

Pour améliorer l’anticipation, l’une des premières missions de la future direction stratégique ou prospective sera de préparer le Livre blanc sur la sécurité civile, en réfléchissant aux nouveaux risques naturels ou industriels.

L’anticipation consiste également à prendre en compte la dimension européenne de l’action. Les incendies dramatiques de cet été, en Grèce et en Italie, ont montré qu’un pays seul n’est pas forcément à même de faire face à ses besoins et qu’une forme de solidarité doit s’exercer. Les personnels de la sécurité civile ont combattu sans relâche ces feux et ont contribué à les stabiliser puis à en venir à bout. La France devrait aboutir, au cours de sa présidence de l’Union européenne, à la mise en place d’une véritable force d’intervention rapide de la sécurité civile.

La recherche d’efficacité suppose l’amélioration du travail des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et des services d’aide médicale urgente, les SAMU. À Clermont-Ferrand, lors du congrès national de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le Président de la République a défini l’objectif d’efficacité et de cohérence qui s’impose à tous, dans la droite ligne des orientations prises par les ministères chargés de l’intérieur et de la santé.

La recherche d’efficacité passe aussi par le développement de technologies comme Antarès, la remise à niveau des équipements, notamment de déminage ou de la lutte NRBC, et la reconnaissance des risques pris par les personnels. En 2008, deux centres de déminage seront construits, à Châlons-en-Champagne et à Metz, pour un coût de 5 millions d’euros. Enfin, la prime de risque des démineurs, figée depuis 1981, sera revalorisée de 10 %.

L’année 2008 est porteuse de nombreuses innovations pour le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Ce projet de budget devrait le placer sur la trajectoire d’une efficacité renforcée et d’une meilleure reconnaissance des personnels.

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », a rappelé que le Gouvernement, qui souhaite stabiliser l’endettement des collectivités locales et modérer leurs dépenses, a mis fin à l’indexation sur la croissance des concours de l’État, la hausse des dotations étant dorénavant indexée sur le taux d’inflation. Il a souhaité savoir comment il sera possible de concilier cet objectif avec l’autonomie financière des collectivités territoriales, alors que les dépenses communales, par exemple, progressent en moyenne de deux points de plus que l’inflation. Signalant que le contrat de stabilité est valable pour un an, il a interrogé la ministre sur les conditions et le calendrier de la réflexion sur la poursuite de ce contrat.

Évoquant le récent rapport, remis au président de l’Assemblée des départements de France, sur la constitution d’une inspection générale de l’administration territoriale, il a souhaité savoir si les collectivités territoriales pourraient envisager la création d’une telle inspection générale et selon quel calendrier.

Il a rappelé que le Conseil d’État a reconnu, début avril 2007, le droit à une indemnisation des communes en raison de l’instruction des demandes de passeports et cartes d’identité. Il s’est demandé si l’État envisage d’indemniser toutes les communes ou, à défaut, si les communes devront engager des procédures contentieuses pour obtenir gain de cause.

La ministre a expliqué que l’autonomie des collectivités locales doit pouvoir s’articuler avec les priorités du Gouvernement qui sont la maîtrise des dépenses de l’État, la réforme de la fiscalité locale et la prise en compte des résultats du dernier recensement de la population. Le rapport de M. Pierre Richard sur la maîtrise des dépenses publiques locales contient des pistes très intéressantes, mais le ministère de l’intérieur est réservé sur la proposition tendant à faire varier les dotations versées aux collectivités territoriales en fonction de la performance ou des économies réalisées par ces collectivités.

Le ministère est favorable à une évaluation de l’action publique locale mais, avant de se prononcer sur l’opportunité de créer une inspection générale territoriale, il attend de prendre connaissance du rapport préparé par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Les décisions du Conseil d’État relatives à l’indemnisation des communes pour l’instruction des titres d’identité s’appuient sur un vice de forme et représentent un coût potentiellement très élevé pour l’État. Afin de leur apporter rapidement une réponse juridique, la concertation avec l’Association des maires de France va se poursuivre et une solution devrait être trouvée pour que les collectivités territoriales perçoivent une juste compensation sans que cela fasse peser sur l’État une charge dépassant ses capacités.

M. François Goulard a salué l’intérêt de la ministre pour les collectivités territoriales, tout en signalant que le sujet des concours de l’État aux collectivités est éminemment complexe et que rares sont les experts ayant une vision précise et exhaustive des mécanismes qui les déterminent. Il a estimé que les villes mal dotées ne sont pas forcément placées en situation d’impossibilité d’agir et que, à rebours du discours général, l’État, plutôt généreux avec les collectivités locales, a constamment favorisé les collectivités les plus dépensières. Il a mis en cause à ce titre les mécanismes de compensation des allégements de fiscalité locale qui favorisent puissamment les collectivités à imposition élevée, ainsi que l’inertie des attributions de DGF par rapport à l’époque où elles étaient calculées en fonction de l’effort fiscal. Jugeant difficilement applicable l’idée de faire varier les concours en fonction des économies budgétaires réalisées par les collectivités, il a souhaité que l’on ne pénalise pas ceux qui, par une gestion responsable, pratiquent une fiscalité modérée au regard de leur potentiel fiscal. Cette voie encouragerait la vertu.

Enfin, concernant la volonté d’associer les collectivités à l’édiction des normes ayant des conséquences financières, il a demandé si les normes édictées par les fédérations sportives sont incluses dans la réflexion du ministère.

Après avoir félicité le Gouvernement pour sa proposition de création d’un fonds de solidarité en faveur des collectivités touchées par des catastrophes naturelles, à l’article 48 du projet de loi de finances, M. Guy Geoffroy a souhaité connaître les dispositions réglementaires organisant la mise en œuvre de ce fonds.

M. Bernard Derosier a regretté que l’amendement relatif au passage au taux de TVA réduit pour les opérations de déneigement effectuées par les départements n’ait pas été retenu et il a invité le Gouvernement à prêter une oreille attentive à cette proposition, qui sera reprise par le Sénat.

Il a estimé que le fait que le taux de croissance du PIB ne soit plus un critère d’indexation de l’ensemble des dotations de l’enveloppe normée pose un problème, en particulier pour les départements. Il a expliqué que, après intégration des variables d’ajustement, le manque à gagner, en ce qui concerne les compensations d’exonérations de taxe professionnelle, atteindra tout de même 22 % par rapport à 2007. Constatant que, malgré le versement supplémentaire de 500 millions d’euros par l’État à trois reprises, les dépenses engagées par les départements pour le revenu minimum d’insertion ne sont pas à ce jour complètement compensées, il a exprimé son inquiétude pour l’année 2009, pour laquelle aucun versement supplémentaire n’est prévu.

Enfin, il a jugé dérisoire que les quatre-vingt-seize départements métropolitains récupèrent 30 millions d’euros sur les recettes des amendes de police provenant des radars, alors que le produit de ces amendes atteint 300 millions d’euros et que les départements gèrent la plupart des axes routiers, en particulier depuis le transfert des routes nationales.

M. Bertrand Pancher a souligné que la modération des compensations incitera les collectivités à se montrer encore plus vertueuses, à condition qu’elles disposent de toute la palette d’outils nécessaires. Il a souhaité connaître la position du ministère sur la poursuite des expérimentations. Il a enfin souligné que, malgré la pause nécessaire de la décentralisation, certaines collectivités sont peut-être prêtes à mutualiser des services ou à se regrouper, notamment parmi les petites communes et les petites intercommunalités.

Le président Jean-Luc Warsmann a précisé que la complexification des strates de collectivités territoriales constitue un sujet de préoccupation pour de très nombreux députés de la commission des Lois, qui mériterait sans doute une étude approfondie l’an prochain.

En réponse à M. François Goulard, rappelant ses fonctions de première adjointe dans une commune où les impôts locaux n’ont pas augmenté depuis douze ans, malgré des investissements significatifs, la ministre a jugé souhaitable d’aider les collectivités les plus vertueuses mais craint que la mise en œuvre de cette incitation ne soit extrêmement complexe.

En matière de consultation des collectivités, préalablement à l’édiction de normes, le groupe de travail du Comité des finances locales pourrait, par convention avec le Comité national olympique et sportif français, en faire son interlocuteur pour évaluer les conséquences des changements envisagés pour les normes relatives aux équipements sportifs.

En réponse à M. Guy Geoffroy, elle a expliqué qu’un décret en Conseil d’État, publié dans les semaines suivant le vote de la loi de finances, précisera les conditions dans lesquelles le fonds de solidarité pour les collectivités victimes de catastrophes naturelles sera mobilisé.

En réponse à M. Bernard Derosier, elle a rappelé que les communes de montagne bénéficient déjà d’un effort financier important à travers la dotation des groupements touristiques, notamment pour les aider à faire face au déneigement. S’agissant de l’extension du taux réduit de TVA aux opérations de déneigement des départements, il appartiendra au Gouvernement d’en apprécier la pertinence.

L’affectation d’une partie du produit des amendes relevant des radars automatiques aux communes et aux départements permet de compenser pour partie le repli du contrat de stabilité. Les amendes vont également permettre d’augmenter le nombre de radars sur les routes, qui contribuent à l’amélioration de la sécurité routière et sont maintenant acceptés. Les radars mobiles ont également leur importance, notamment sur les routes secondaires, où beaucoup d’accidents mortels se produisent – il faudra par ailleurs s’intéresser aux accidents mortels de deux-roues, qui ont été très nombreux cet été. Quant au montant de la somme revenant aux départements, mieux vaut toucher quelques dizaines de millions d’euros que rien du tout et si cette somme paraît dérisoire, le ministère pourrait toujours trouver à l’utiliser à autre chose.

La question de la compensation du RMI est récurrente. La Constitution prévoit une compensation de transfert de compétences correspondant strictement à ce que l’État dépensait à la date du transfert, mais l’augmentation des demandes de RMI a été prise en compte par l’État, avec l’inscription supplémentaire, à trois reprises de 500 millions d’euros. Les départements ont parfaitement joué le jeu et ont eu un rôle très positif : le succès des contrats de réinsertion a permis de faire baisser le nombre de Rmistes et de réinsérer des familles. On peut raisonnablement espérer une inversion de la charge avant quelques années, dont chacun pourra se féliciter.

En réponse à M. Bertrand Pancher, la ministre a expliqué que la multiplication des compétences croisées, qui rend l’organisation territoriale peu lisible, ne doit pas cacher le rôle spécifique de chaque niveau de collectivités : la commune est la première expérience démocratique pour le citoyen et le département est également fortement chargé affectivement, tandis que les communautés de communes et les régions correspondent à des logiques de développement économique. La pause peut servir à améliorer la vision de la situation pour modifier la répartition des compétences, mais on peut effectivement s’interroger sur le rôle, la réalité et la place des pays.

L’expérimentation, quant à elle, permet de vérifier, en grandeur réelle, la pertinence des solutions imaginées, notamment la notion de « chef de file ». Il convient toutefois de fixer des délais et de travailler en concertation.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », a estimé que ce volet budgétaire correspond à une mission de l’État particulièrement importante au regard des attentes des citoyens, des collectivités territoriales et des entreprises. L’administration territoriale de l’État manifeste une réelle volonté de travailler plus efficacement, afin de voir le rôle de ses personnels mieux reconnu et valorisé, mais ces derniers se posent parfois quelques questions sur leurs missions et leur organisation.

La situation a plutôt été compliquée qu’améliorée avec la multiplication des critères de performance de ces dernières années. La préfecture est devenue le point focal de tous les changements, sur lequel agissent beaucoup de forces en mouvement : la réforme budgétaire et comptable, la mise en œuvre des politiques publiques transversales et interministérielles, la politique de l’emploi, la politique de cohésion sociale, la politique du logement, la réforme de l’administration territoriale de l’État, aux niveaux départemental et régional, le suivi de l’organisation pratique de la décentralisation.

Il apparaît nécessaire de mutualiser les services de l’État, ce qui pose la question de l’état d’avancement du projet de programme interministériel de l’administration territoriale de l’État (PIATE).

L’identité nationale électronique sécurisée et le système d’immatriculation à vie des véhicules pèsent sur le budget de la mission. Ces deux projets nécessitent sans doute des dispositions législatives supplémentaires, dont le contenu et le calendrier d’examen mériteraient d’être précisés.

Le rapporteur pour avis a également interrogé la ministre sur le calendrier et la méthode retenue pour procéder à un nouveau découpage électoral.

Rappelant que l’Assemblée nationale avait commencé l’examen d’une proposition de loi tendant à réformer le financement des partis politiques, le rapporteur pour avis a demandé si cette réforme implique que l’enveloppe de l’aide publique aux formations politiques, constante depuis des années, évolue.

Enfin, il a demandé avec quels moyens le ministère compte mener à bien ses projets de création d’une direction de la prospective et d’une direction internationale, qui n’apparaissent pas clairement dans les documents de préparation budgétaire.

La ministre a reconnu que l’administration territoriale, qui a été beaucoup « chahutée » ces dernières années, peut ressentir un certain malaise. Le personnel est très dévoué et compétent mais il attend que son rôle soit clarifié et reconnu. Le ministère espère beaucoup de la RGPP, qui permettra de mieux définir l’organisation et les missions de chacun. À partir des conclusions retenues, il engagera une remise en ordre. Il convient également de redéfinir le PIATE, qui pourrait en effet présenter de l’intérêt.

Le redécoupage électoral est une exigence affirmée par le Conseil constitutionnel. La population de nombreuses circonscriptions législatives et cantons a en effet changé et le rapport entre le nombre d’élus et le nombre d’habitants est devenu extrêmement inégalitaire. Les services ont commencé à y travailler mais ils se heurtent à plusieurs obstacles.

Tout dépend, d’abord, des choix institutionnels qui seront retenus. Les résultats du recensement sont également attendus. L’objectif est de travailler pour être prêts à la mi-2008, afin que la réforme n’intervienne pas juste avant un scrutin, au risque de susciter des soupçons de manipulations. Il est souhaitable que ce redécoupage s’effectue en toute clarté, en respectant plusieurs principes. Premièrement, pour améliorer l’équité, chaque circonscription législative compterait de l’ordre de 125 000 habitants, plus ou moins 10 %, sans tenir compte d’une éventuelle part de proportionnelle. Deuxièmement, le tracé des circonscriptions ne doit pas couper un canton en deux, ce qui suppose une réforme cantonale concomitante. Troisièmement, chaque département conserverait au moins deux circonscriptions. En ce qui concerne la méthode, une fois que l’administration aura élaboré un schéma approximatif, les élus seront évidemment associés à la discussion.

La ministre des finances serait peut-être plus à même de répondre à la question sur l’aide aux partis politiques, mais l’augmentation de l’enveloppe globale – 80 millions d’euros répartis en deux fractions égales – semble peu probable. Le texte discuté le matin même en séance n’est pas d’origine gouvernementale puisqu’il s’agit d’une proposition de loi. Il est conforme à l’esprit de la loi relative à la transparence financière de la vie politique. Le Gouvernement n’a pas à s’opposer à une proposition de loi qui assure le pluralisme et l’indépendance des partis.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis, a ajouté que la répartition financière est normalement effectuée après les élections législatives. Si la proposition de loi est adoptée, il sera possible de considérer que les règles du jeu changent en cours de législature.

Le président Jean-Luc Warsmann a invité le rapporteur à ne pas reprendre le débat ayant eu lieu le matin en séance publique.

La ministre a fait observer que le Gouvernement doit être respectueux de l’autonomie du Parlement et du droit constitutionnel des députés à déposer et à débattre d’une proposition de loi.

Elle a enfin indiqué que les deux directions nouvelles créées au sein du ministère existent déjà à l’état embryonnaire et que le budget comporte les moyens nécessaires.

Pour la direction de la prospective, l’idée n’est pas de créer une structure démesurée mais un noyau opérationnel travaillant avec l’ensemble des services de recherche et capable d’entretenir des relations avec les centres de recherche et les universités françaises et étrangers.

Le service des affaires internationales utilisera les renforts constitués pour préparer la présidence de l’Union européenne. Il s’agit de développer le partenariat avec des pays qui apprécient le savoir-faire français en la matière.

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis, a appelé l’attention de la ministre sur l’accroissement, dans certaines villes, du nombre d’habitants : le nombre d’élus n’est plus en adéquation avec la population et cela soulève des difficultés en ce qui concerne le plafond des comptes de campagne.

La ministre a répondu qu’il faudrait attendre l’annonce officielle du relevé du recensement dont les opérations ne sont pas totalement achevées. Il serait plus inéquitable encore de procéder à des ajustements pour certaines communes seulement.

Excusant M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Sécurité civile », retenu à la même heure à la Délégation pour l’Union européenne par l’audition d’un commissaire européen, le président Jean-Luc Warsmann a posé les questions qu’il avait préparées.

En premier lieu, après avoir rappelé l’agression dont pompiers et policiers ont été victimes le 4 octobre à Saint-Dizier, il a souhaité connaître les mesures envisagées pour renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers lorsqu’ils interviennent dans certains quartiers.

En second lieu, il a interrogé la ministre sur les initiatives prévues dans le cadre de la présidence française pour aboutir au renforcement des capacités de l’Union européenne dans le domaine de la protection civile, souhaité par le Président de la République dans son discours au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

En troisième lieu, il a souligné que le problème de la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels allait se poser de manière de plus en plus aiguë et a souhaité connaître les solutions envisagées pour améliorer le projet de fin de carrière et faciliter les affectations non opérationnelles au sein des SDIS.

Enfin, rappelant l’activité réduite du Conseil national de la sécurité civile depuis sa création par le décret du 8 février 2005, il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à l’avenir de cet organisme.

La ministre a déploré les événements de Saint-Dizier, qui ont eu des précédents ailleurs, notamment en Seine-Saint-Denis. Les agresseurs, qui agissent en groupe, s’efforcent de neutraliser les représentants de l’État les plus appréciés. Pour la désolidariser de ces groupes, il est crucial de faire comprendre à la population qu’elle en est doublement victime : victime de la violence et victime de l’opprobre qui frappe les quartiers. Concrètement, depuis, à Saint-Dizier par exemple, les pompiers n’interviennent dorénavant plus que sous escorte policière ; cette protection est étendue à d’autres quartiers difficiles. Les matériels ont été renforcés, avec en particulier l’utilisation de pare-brise feuilletés. Enfin, les personnels sont formés au comportement à adopter face à des agresseurs et des équipes de secours psychologique sont parfois mobilisées.

Le renforcement des capacités de l’Union européenne dans le domaine de la protection civile commencera, au printemps 2008, par le récolement complet des moyens en hommes et en matériels dont dispose chaque pays et l’identification des moyens exportables. Il faudra ensuite combler les lacunes identifiées et mettre sur pied des systèmes permettant la meilleure réactivité possible. D’autres mesures sont à l’étude pour faire naître une véritable sécurité civile européenne.

La fin de carrière des sapeurs-pompiers a déjà fait l’objet de plusieurs textes, en vertu desquels les pompiers professionnels peuvent conserver le bénéfice de la catégorie active et la prime de feu tout en occupant une affectation non opérationnelle, soit au sein d’un SDIS, soit dans un autre corps ou un autre cadre d’emplois, soit en bénéficiant d’un congé pour raison opérationnelle avec constitution de droits à pension ou cumulable avec une activité privée. D’après une enquête effectuée fin 2006 auprès de tous les SDIS, sur une population éligible de 4 500 sapeurs-pompiers professionnels, deux cents environ ont pu bénéficier de ces dispositions. Une nouvelle enquête est en cours pour 2007.

Enfin, le CNSC a été installé officiellement le 2 décembre 2005 et a défini ses premiers thèmes d’étude : le risque sismique en France métropolitaine et outre-mer ; la résilience des réseaux de communication ; la prévention et la gestion du risque d’avalanche ; le secours aux personnes. Les missions d’évaluation n’ont achevé leurs travaux que sur les trois derniers thèmes ; leurs rapports viennent d’être remis et seront présentés au CNSC, le 15 novembre, à la préfecture du Nord.

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Après le départ de la ministre, la Commission a examiné pour avis les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurité civile » et « Relations avec les collectivités territoriales ».

Sur proposition de ses rapporteurs pour avis, M. Manuel Aeschlimann pour les « Relations avec les collectivités territoriales » et M. Thierry Mariani pour la « Sécurité civile », la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions. Elle a également donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », son rapporteur pour avis, M. Jérôme Lambert s’étant prononcé en faveur de l’abstention.

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