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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 22 juillet 2008

Séance de 15 h 30

Compte rendu n° 76

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

– Audition de M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, et examen du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (M. Bertrand Pancher, rapporteur ; M. Bernard Derosier, co-rapporteur)

– Information relative à la Commission

La Commission a procédé à l’audition de M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique et examiné, en application de l’article 86, alinéa 8 du Règlement, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

Le Président Jean-Luc Warsmann s’est réjoui de l’occasion donnée à la commission des Lois d’entendre M. le secrétaire d’État sur l’application d’une loi votée sous la précédente législature.

Ce texte a modifié le statut des fonctionnaires et il a permis de renforcer les droits des agents publics, en particulier en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et femmes, la lutte contre les discriminations ou la lutte contre la précarité des agents contractuels.

La présente audition donne l’occasion de faire le point sur l’entrée en vigueur des mesures prévues par la loi. Selon la pratique suivie depuis le début de la législature, le rapport d’application a été confié à un binôme composé d’un rapporteur issu de la majorité, Bertrand Pancher, et d’un co-rapporteur venant de l’opposition, Bernard Derosier. C’est par un tel travail de suivi que l’on parviendra à une législation de meilleure qualité

M. Bertrand Pancher, rapporteur, a rappelé que la loi du 26 juillet 2005 a transposé plusieurs directives communautaires en modifiant divers pans du droit de la fonction publique. Elle avait quatre principaux objectifs :

—  le premier était d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes. En particulier, la loi a aligné les conditions de recrutement, en étendant aux pères de famille certaines dispositions qui bénéficiaient uniquement aux mères de famille ;

—  le deuxième était d’ouvrir plus largement l’accès à la fonction publique pour les ressortissants communautaires, en leur permettant d’accéder à tous les corps et cadres d’emplois. La seule restriction est qu’ils ne peuvent pas occuper d’emplois dits « de souveraineté » ;

—  le troisième objectif est de lutter contre la précarité des agents contractuels, en évitant que des agents soient employés pendant plusieurs années en restant en contrat à durée déterminée. La loi a prévu qu’au bout de six ans sous contrat à durée déterminée (CDD), le contrat d’un agent ne peut être renouvelé qu’en contrat à durée indéterminée (CDI) ;

—  le dernier objectif était de garantir le maintien des droits des salariés lorsque l’activité de leur employeur est reprise par une collectivité publique. Dans ce cas, les salariés seront transférés à la personne publique et garderont le bénéfice des clauses de leur contrat antérieur.

Sur les deux premiers points, les deux rapporteurs n’ont pas constaté de difficultés d’application particulières, à l’exception d’un décret d’application concernant le remboursement des frais de formation par les fonctionnaires qui n’ont pas accompli la durée de service requise. Ce décret a pris beaucoup de retard, mais il devrait être publié prochainement. L’ouverture des différents corps aux ressortissants communautaires s’est faite de manière progressive, car il a fallu modifier de très nombreux statuts particuliers de corps ou de cadres d’emploi. Ce toilettage s’est achevé en 2007.

Sur le quatrième point, la reprise des personnels en cas de reprise d’une entité de droit privé, la jurisprudence a permis de préciser quels étaient les droits que les agents devaient conserver et dans quelles conditions ils pouvaient être conciliés avec le statut de la fonction publique. L’application ne pose donc pas de problème sérieux, bien que les dispositions législatives ne soient pas très claires.

Les principales difficultés d’application dont les rapporteurs ont eu à connaître concernent plutôt la mise en place des CDI dans la fonction publique. Traditionnellement, les collectivités publiques n’employaient que des agents en CDD, puisque le principe posé par le statut veut que les emplois permanents soient occupés par des fonctionnaires. Les diverses règles relatives aux agents contractuels ne sont donc pas adaptées à la gestion d’une véritable carrière de ces agents.

Les décrets d’application pris ont permis de remédier en partie à cette situation dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique territoriale. En revanche, le décret relatif à la fonction publique hospitalière n’a pas encore été publié.

Les deux décrets ont prévu que la rémunération des agents en CDI devait être réexaminée au moins tous les trois ans, à l’issue d’une évaluation de l’agent. Ils ne sont pas plus précis, ils ne prévoient notamment pas l’établissement d’une grille de rémunération comme celles qui sont applicables aux fonctionnaires. L’intérêt consiste à conserver une souplesse de gestion des agents, en pouvant adapter leur rémunération en fonction de leur travail plutôt que de manière automatique, à l’ancienneté. Pendant les auditions, certains ont signalé que l’augmentation des rémunérations se heurtait quelquefois au contrôle de légalité, qui demande que ces hausses soient justifiées. S’il paraît normal de justifier des hausses importantes de salaires, il semble que les collectivités territoriales pourraient être dispensées de motiver ces augmentations lorsqu’elles ne sont pas de grande ampleur.

Les décrets ont également permis, dans certains cas, de pouvoir mettre un agent en CDI à disposition d’une autre administration. Les agents peuvent ainsi bénéficier d’une certaine mobilité, mais cette mobilité reste limitée dans la fonction publique territoriale. Dans cette fonction publique, la mise à disposition n’est possible qu’entre une commune et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont elle est membre. Dans tous les autres cas, le fait, pour l’agent, de changer d’employeur ou même tout simplement de changer d’emploi au sein de la même collectivité lui fait perdre le bénéfice de son CDI et il ne peut se voir attribuer un autre CDI qu’à l’issue d’une nouvelle durée de six ans. Autant dire que les agents en CDI sont incités à rester à leur poste pendant des années, ce qui pose un véritable problème.

Pour remédier à ce problème, le rapporteur et le co-rapporteur suggèrent plusieurs modifications de nature législative. Ils ne proposent pas un alignement pur et simple sur le droit privé car il leur semble qu’imposer une durée maximale de 18 mois en CDD avant une transformation en CDI compliquerait considérablement la gestion des effectifs et reviendrait plus ou moins à « fonctionnariser » les agents contractuels. Sans doute convient-il donc de garder le principe d’une transformation en CDI à l’issue d’une durée de six ans. Mais, pour favoriser la mobilité, les agents en CDI pourraient changer d’emploi sans perdre le bénéfice de leur CDI s’ils gardent le même employeur. Par ailleurs, s’ils changent d’employeur, ils pourraient retrouver un nouveau CDI à l’issue d’une durée de 18 mois, comme en droit du travail, plutôt que devoir attendre à nouveau 6 ans.

Enfin, s’agissant de la transformation des CDD en CDI, le nombre d’agents qui sont exclus du bénéfice de ces dispositions pose également problème. La loi a défini des conditions très restrictives pour bénéficier d’un CDI :

—  d’une part, il faut avoir été recruté sur un emploi permanent, ce qui exclut les personnes recrutées pour des remplacements ou pour faire face à des vacances temporaires d’emplois. Cela semble logique, puisque ces contrats sont normalement de courte durée et ne peuvent atteindre six ans. En pratique, la situation est très différente et il existe des agents qui enchaînent les remplacements depuis une durée bien plus longue que six ans. C’est un véritable scandale et l’on se rend compte que la pratique est nettement moins vertueuse dans le public que dans le privé…

Ces « faux agents non permanents » sont exclus du dispositif et ils ont ressenti une certaine déception après les espoirs que la loi avait fait naître. Le rapporteur et le co-rapporteur proposent donc, en premier lieu, de renforcer le contrôle de ces recrutements pour s’assurer que des agents qui occupent, en fait, un emploi permanent, ne soient pas recrutés sur un fondement qui ne correspond pas à la réalité. Mais il leur semble que les agents recrutés avant l’adoption de la loi pourraient être concernés par la transformation de leur contrat en CDI si le Gouvernement adoptait une interprétation large de la loi ;

—  la deuxième condition pour bénéficier d’un CDI est que les CDD cumulés pendant six ans soient continus. Ils ne doivent donc pas avoir été interrompus et doivent concerner le même emploi : si la personne a occupé des emplois dans des services différents, même si ses fonctions étaient les mêmes, elle n’est pas considérée comme ayant six ans d’ancienneté. Cette condition de continuité laisse de côté bien trop d’agents, parce qu’il n’est pas très fréquent d’occuper pendant six ans d’affilée le même poste. Les très nombreux vacataires de l’Éducation nationale n’en bénéficient pas non plus, à cause de l’interruption de leur travail pendant l’été. Le rapporteur et le co-rapporteur ont ainsi rencontré des contractuels de l’éducation nationale qui effectuaient des CDD depuis des dizaines d’années.

C’est pourquoi ils proposent de prévoir seulement une condition de six ans de travail pour le même employeur pour bénéficier d’un CDI, même si les fonctions évoluent pendant cette période. Il s’agirait, là aussi, d’un rapprochement avec le droit privé.

Au total, le rapporteur et le co-rapporteur ont pu constater que le cadre statutaire de la fonction publique n’est pas adapté à l’intégration d’agents en CDI dans les collectivités publiques et qu’une plus grande souplesse serait nécessaire. Le régime défini par les décrets d’application a permis de tirer tout le parti possible du statut, mais il est devenu nécessaire d’aller au-delà et de repenser la place des agents non titulaires dans la fonction publique.

M. Bernard Derosier, co-rapporteur, a souligné tout l’intérêt de travailler de la sorte, en parfaite entente entre les deux rapporteurs, pour dresser le bilan de l’application d’une loi. Les services de l’État, en particulier la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction générale des collectivités locales (DGCL), doivent être remerciés pour le concours qu’ils ont apporté. Il a toutefois regretté les difficultés rencontrées pour disposer de données statistiques, compte-tenu de la brièveté du délai entre la promulgation de la loi et son application.

Parce qu’il dispose que « Si, à l’issue de la période maximale de six ans mentionnée à l’alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée », l’article 12 a créé un espoir chez les contractuels, en particulier dans la fonction publique territoriale, qui comptait en 2005 191 000 contractuels, soit 14 % de l’effectif des collectivités territoriales.

Du point de vue de l’employeur, soucieux de concilier ses propres intérêts et ceux de ses agents, la loi s’est révélée incomplète sur trois points importants :

—  la notion même de CDI ;

—  les dispositions transitoires concernant les agents contractuels déjà en fonctions ;

—  les reprises d’activités privées par des collectivités publiques.

En l’absence d’un cadre juridique précis, les services de contrôle de la légalité des actes, ont eu une interprétation restrictive du texte sur ces trois points. Ils ont appliqué aux CDI les critères et les mécanismes des CDD, alors qu’ils sont inadaptés du point de vue de la gestion des ressources humaines.

La loi est incomplète sur la notion même de CDI. Elle a en effet créé une catégorie nouvelle d’agents publics en restant totalement muette sur ses caractéristiques en matière de rémunérations, de droits des salariés, de mobilité et d’évolution professionnelle. Aucun cadre juridique spécifique n’est donné à cette forme d’emploi. Or la notion de CDI induit plusieurs réalités :

—  le salarié a bien un lien durable avec son employeur, et par conséquent la collaboration, qui aura auparavant déjà duré six ans, peut encore durer longtemps. Or la perspective d’un contrat long suppose qu’aient été réglées des questions comme celle de la rémunération ou des droits des agents sur le long terme ;

—  contrairement à un fonctionnaire titulaire, qui dispose toujours de la faculté de changer d’emploi, l’agent en CDI est lié à un seul employeur mais aussi à un seul poste dont les conditions substantielles ne peuvent être modifiées, sous peine que le contrat ne soit de fait rompu. L’agent n’a pas intérêt à perdre le bénéfice d’un CDI pour un CDD, il aura donc tendance à privilégier le statu quo, c’est-à-dire l’occupation du même poste sans évolution professionnelle, ce qui n’est ni son intérêt ni celui de la collectivité. Dans le privé un agent en CDI qui se voit confier un poste différent ne perd pas le bénéfice du lien durable avec son employeur. Il y a donc là une précision à apporter, en particulier au moment où le Gouvernement s’intéresse à la mobilité des fonctionnaires. Peut-être, le ministre reviendra-t-il sur ce point, en relation avec le texte à venir ;

—  les volontés des parties au contrat sont, au moins en théorie, équivalentes. Or la loi introduit une distinction selon les motifs initiaux du recrutement ; elle ouvre droit au CDI pour certains agents et pas pour d’autres, alors que dans la pratique les salariés ne ressentent ni ne comprennent ces distinctions.

La loi a donc rendu perplexes les gestionnaires des ressources humaines et a déçu une partie des agents.

Un autre motif de préoccupation a trait aux interprétations divergentes de la loi sur les conditions d’accès au CDI. Le fait que le cadre juridique ne soit pas fixé entraîne, d’un département à l’autre, des interprétations différentes par les services de contrôle de la légalité des actes et, lorsqu’il y a contentieux, de la part des juridictions administratives, donc des jurisprudences à géométrie variable.

Or, ni les débats en séance publique au Parlement, ni les rapports des deux assemblées, ne laissaient entrevoir une appréhension divergente des dispositions du futur article 15, alinéa 1, de la loi.

Ainsi, les développements du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée, Pierre Morel-A-L’Huissier, éclairent avec suffisamment de précision l’objectif des dispositions transitoires voulues par le législateur pour les agents non titulaires en fonction à la date de promulgation de la loi : aucune distinction n’est à faire entre les fondements législatifs des recrutements des agents en CDD.

Dès lors, distinguer entre les agents non titulaires, en fonction à cette date, selon qu’ils ont été recrutés, initialement ou successivement, sur le fondement de l’alinéa 1er ou des alinéas 4, 5 et 6 de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984, constitue un ajout irrégulier, contraire aux dispositions transitoires de la loi du 26 juillet 2005.

De même, imposer le respect de conditions de recrutement initial supplémentaires à celles prévues par l’article 15, alinéa 1, c’est encore ajouter irrégulièrement à ces dispositions transitoires.

Il est donc souhaitable que le Gouvernement confirme l’interprétation de la loi afin que les différents employeurs publics soient mieux informés des cas dans lesquels ils doivent octroyer un CDI à leurs agents en fonction.

S’agissant enfin de l’article 20, la loi se contredit sur la reprise des contrats de droit privés : les conditions « substantielles » des contrats sont maintenues, sauf si elles contreviennent à des dispositions générales relatives à la rémunération et à l’emploi des non titulaires. Il y a bien là contradiction puisque, précisément, la rémunération et les conditions d’emploi sont les conditions substantielles majeures d’un contrat de travail. En outre, la reprise d’une convention collective définissant une grille de rémunérations est impossible. Or, les aspirations du personnel à une évolution de rémunération sont légitimes : aucun salarié dans le secteur public ou dans le secteur privé ne peut garder sa motivation et rester fidèle à son employeur sans un espoir d’augmentation de revenu à terme.

Il est donc urgent de trouver une solution juridique, qui peut passer par la possibilité laissée aux collectivités de délibérer localement.

M. André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, a rappelé que la loi du 26 juillet 2005 avait pour objectif de se mettre en conformité avec la législation européenne, ce qui à l’heure où la France préside l’Union Européenne ne peut que réjouir. Cette loi visait notamment à transposer une directive concernant les personnes sous contrat dans la fonction publique, plus particulièrement celles qui jouissaient de cette situation depuis plusieurs années.

De prime abord, il apparaît que ce texte avait avant tout une portée technique mais il ne faut pas occulter son aspect politique puisqu’il s’agit tout de même de traiter de la question des contractuels dans la fonction publique. Le gouvernement de l’époque a fait le choix de proscrire le recours à des contractuels pour une durée supérieure à 6 ans.

Mais cette loi n’avait pas pour vocation d’épuiser toute la question des contractuels dans la Fonction publique, ni donc d’apporter une solution aux problèmes que l’on peut rencontrer dans ce domaine. Le recours au contrat dans la fonction publique est une question lourde, qui nécessite une réflexion approfondie. C’est la raison pour laquelle le choix a été fait en octobre dernier, avec Éric Woerth, de lancer une conférence nationale sur l’avenir de la fonction publique qui a débouché en avril dernier sur la remise d’un Livre blanc, rédigé par Jean-Ludovic Silicani.

Ce Livre blanc permet de préparer le futur projet de loi sur la rénovation de la fonction publique et fait l’objet aujourd’hui de concertations, notamment avec les organisations syndicales, sur plusieurs thèmes : les valeurs de la fonction publique, l’organisation de la fonction publique autour de métiers, la rémunération et, bien sûr, la place du contrat.

Ce rappel explique pourquoi le ministre ne pourra pas répondre de manière catégorique à certaines propositions des rapporteurs, qui font précisément partie des sujets de concertation sur lesquels une position n’est pas arrêtée.

Mais ces propositions paraissent très intéressantes et certains éléments de réponse peuvent être apportés dès maintenant.

Sur l’application de la loi, les rapporteurs demandent, à juste titre, l’adoption de décrets étendant les dispositions relatives aux CDI aux agents de la fonction publique hospitalière. Le décret est en cours d’adoption et devrait être tout prochainement soumis au Conseil d’État pour une publication qui devrait intervenir à la fin du troisième trimestre.

D’autres propositions s’intègrent dans les discussions en cours avec les organisations syndicales suite à la remise du Livre blanc. Les rapporteurs souhaitent ainsi l’octroi d’un CDI aux agents publics sous contrat depuis plus de six ans avec le même employeur, même si leurs fonctions ont évolué pendant cette période. Cette question est traitée dans le cadre des discussions sur les propositions du Livre Blanc.

Ils suggèrent également de réexaminer les règles en matière d’appel des jugements relatifs aux litiges qui portent sur le recrutement d’agents non titulaires sur des emplois permanents ou sur la fin de leur engagement afin de permettre notamment un recours en matière d’annulation des CDI ou de non-renouvellement d’un CDD en CDI. Avant d’envisager une évolution législative, il conviendrait d’attendre que la jurisprudence administrative se stabilise quant à la recevabilité en appel dans ces deux cas. Mais cette question est bien au cœur des discussions actuelles.

Les rapporteurs souhaitent également permettre aux agents sous CDI qui changent d’employeur public de voir leur CDD transformé en CDI à l’issue d’une durée plus courte que la durée de droit commun de six ans, par exemple la durée de 18 mois prévue en droit du travail. Ils proposent aussi de permettre à un agent de conserver le bénéfice de son CDI s’il occupe un nouvel emploi dans la même administration de l’État, dans la même collectivité territoriale ou dans le même établissement de santé.

Plusieurs avancées ont déjà été obtenues dans ce domaine. Dans le sillage des accords du 25 janvier 2006 sur l’amélioration des carrières et l’évolution de l’action sociale dans la fonction publique, plusieurs dispositifs ont été créés pour favoriser les mobilités des agents non titulaires employés sur le fondement d’un CDI. Il s’agit de la mise à disposition et du congé de mobilité, introduits pour la fonction publique de l’État par un décret du 12 mars 2007, par suite transposés dans la fonction publique territoriale et prochainement dans la fonction publique hospitalière. Ces dispositifs permettent à un agent de conserver le bénéfice de son CDI tout en accomplissant des missions pour le compte d’un autre organisme.

S’agissant de l’occupation de plusieurs emplois successifs au sein d’une même administration, les perspectives de mobilité existent également pour un agent titulaire d’un CDI, dès lors que la mission qu’il remplit dans son nouvel emploi répond à un besoin analogue à celui pour lequel il a été initialement recruté et que les fonctions proposées sont d’un niveau comparable à celui de celles qu’il exerçait auparavant.

En outre, les travaux engagés à la suite du Livre blanc seront également l’occasion d’une clarification des règles applicables en matière de mobilité externe et interne des agents non titulaires.

Les rapporteurs demandent par ailleurs un contrôle plus strict de l’adéquation entre le motif invoqué pour recruter un agent non titulaire et la réalité de l’emploi proposé, pour éviter ce qu’ils appellent le recrutement de faux agents non permanents.

Le contrôle de légalité, pour les collectivités locales et le contrôle budgétaire, pour les administrations de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière, garantissent aujourd’hui l’adéquation entre le fondement juridique du recrutement et les emplois proposés. Une vigilance est tout particulièrement portée dans l’exercice de ce contrôle sur le respect de la règle de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires.

Il est à relever que, dans un souci de bonne administration, le ministère de la fonction publique a publié le 26 novembre 2007 une circulaire cadre rappelant le cadre de gestion des agents non titulaires de la fonction publique de l’État, notamment les conditions dans lesquelles s’opèrent leur recrutement. Là encore, les travaux du Livre blanc doivent permettre de mieux caractériser les cas de recours au contrat, donc limiter le risque évoqué.

Les rapporteurs font par ailleurs une proposition visant à modifier le code du travail pour préciser les conditions de licenciement des agents qui n’acceptent pas le contrat proposé par la personne publique reprenant l’activité de leur employeur.

Le gouvernement est prêt à envisager une clarification du dispositif de reprise des contrats dans le cadre des transferts d’activité d’une personne morale de droit privé vers une personne morale de droit public prévu à l’article 20 de la loi du 26 juillet 2005.

C’est le sens de deux amendements au projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels présentés par la commission des lois de l’Assemblée, concernant le dispositif introduit à l’article 20 et de son homologue, institué par le présent projet de loi, s’agissant des conditions de reprise de contrats dans le cadre de transferts d’activités entre deux personnes publiques. Cette proposition pourra se concrétiser lors du vote à l’Assemblée nationale, au second semestre 2008, du projet de loi relatif à la mobilité.

Il est également demandé que soient précisées par un texte réglementaire ou une circulaire les catégories d’agents recrutés avant l’entrée en vigueur de la loi qui sont concernés par la transformation de leur contrat en contrat à durée indéterminée. Il semble que les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 suffisent à définir le périmètre des agents concernés puisqu’elles précisent déjà les catégories d’agents susceptibles de bénéficier d’une reconduction de leurs contrats en CDI, y compris ceux qui ont été recrutés avant l’entrée en vigueur de la loi. S’ils le souhaitent, le ministre fera parvenir aux rapporteurs une réponse plus précise sur ce point.

Enfin, les rapporteurs souhaitent dispenser les employeurs publics locaux de justifier l’augmentation de la rémunération d’un agent sous CDI lorsque cette augmentation est inférieure à un seuil déterminé. Cette mesure semble difficile à mettre en œuvre, mais elle mérite d’être étudié.

M. Bertrand Pancher, rapporteur, a remercié le ministre pour toutes les précisions qu’il a apportées. Le Livre blanc et la concertation avec les organisations syndicales permettront d’avancer dans un certain nombre de domaines.

S’agissant plus précisément de la difficulté de transformer des CDD en CDI lorsqu’un agent, employé par une même collectivité, a vu sa fonction évoluer au cours des six années précédentes, le ministre a laissé entendre qu’une évolution serait possible dans le cadre des négociations engagées avec les syndicats. Pourrait-il être plus précis sur ce point très important ?

M. Bernard Derosier, co-rapporteur, s’est étonné que le ministre ait affirmé que les dispositions de la loi étaient suffisamment claires. Si tel est le cas pour les services de l’État, les appréciations des différents services de contrôle de légalité varient considérablement, de même, lorsqu’il y a contentieux, que les décisions des juridictions administratives. Cela montre bien la loi n’est pas si claire que cela… Ce sujet ne saurait être traité uniquement au niveau de la DGAFP : la DGCL doit également être impliquée. Pas moins de 200 000 personnes et 50 000 employeurs sont concernés.

S’il est sans doute nécessaire de mener une étude plus approfondie sur la question de la rémunération, il s’agit néanmoins d’un véritable problème. S’il s’est opposé, par principe, à la loi du 26 juillet 2005 qui créait une nouvelle catégorie de contractuels dans la fonction publique, dès lors que la loi a été votée, M. Derosier souhaite qu’elle réponde vraiment à l’attente de ceux qui peuvent en bénéficier. Or, les contractuels veulent voir leur rémunération évoluer et les règles de la fonction publique ne répondent pas à cette revendication. Une évolution législative ou réglementaire est donc souhaitable. Il conviendrait, pour le moins, d’adresser une circulaire aux services de contrôle de légalité car les préfets considèrent souvent que les augmentations proposées de la rémunération des contractuels sont contraires à la loi, sans nécessairement préciser pourquoi.

Le secrétaire d’État a répondu à M. Pancher, que l’avis rendu par le Conseil d’État en 2007 était assez ouvert et qu’il devrait donc être possible de donner une réponse plus précise, mais ultérieurement.

S’agissant du contrôle de légalité, évoquée par M. Derosier, pour l’État, il n’y a pas de problème à ce stade, mais des précisions seraient utiles pour la fonction publique territoriale. Il est vrai que ce sujet fait l’objet d’un courrier très abondant, en particulier parce que les nouveaux responsables des collectivités locales se trouvent fréquemment confrontés à une législation très contraignante. Un point sera donc fait avec la DGCL, en liaison avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

La Commission a autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Étienne Blanc, rapporteur sur la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann de simplification du droit et d’allégement des procédures (n° 1085).

——fpfp——