Accueil > Travaux en commission > Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 17 septembre 2008

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 80

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

Avis de la Commission sur le fichier EDVIGE

À l’issue de ses auditions, la Commission a été invitée par le Président Jean-Luc Warsmann à exprimer son avis sur les questions soulevées par le décret n°2008-632 du 27 juin 2008 quant au champ du fichier, aux données pouvant y figurer, aux modalités de sa consultation ainsi qu’aux conditions de sa mise à jour et d’exercice du droit de rectification.

Le Président Jean-Luc Warsmann a tout d’abord proposé à la Commission d’inviter le Gouvernement à modifier le champ du fichier EDVIGE, afin que soient plus particulièrement concernés, à l’instar de ce que prévoyait le décret de 1991, les « individus, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, peuvent porter atteinte à la sécurité publique de l’État ou à la sécurité des personnes et les biens et les personnes ayant entretenu un lien avec eux ». Il a souligné le caractère trop vague de la référence à la notion d’ordre public et a souligné que la cybercriminalité se trouve couverte par cette rédaction à la différence du texte de 1991.

Après que Mme Delphine Batho s’est interrogée sur la pertinence d’une inclusion des questions de cybercriminalité dans le champ du fichier EDVIGE, celles-ci lui semblant plutôt relever du fichier CRISTINA, le Président Jean-Luc Warsmann a précisé que la cybercriminalité ne constituait pas en soi un des objets du fichier CRISTINA et qu’il était important de permettre le traitement de données relatives à la cybercriminalité menaçant l’ordre public, à l’instar de l’escroquerie sur Internet par exemple, sans pour autant toucher à des activités terroristes ou criminelles.

La Commission a alors émis un avis favorable à cette première recommandation.

Le Président Jean-Luc Warsmann a ensuite suggéré que soient supprimées des catégories appelées à figurer dans le fichier EDVIGE les « individus, groupes, organisations et personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif », au motif que ces éléments n’y ont pas leur place.

Après que Mme Delphine Batho a proposé que cette suppression intervienne dans tous les fichiers de renseignement, le Président Jean-Luc Warsmann et M. Jacques-Alain Bénisti ont insisté sur la nécessité de ne pas empêcher la tenue d’un répertoire administratif par les préfectures, alimenté sur une base déclarative.

La Commission a alors émis un avis favorable à cette deuxième recommandation.

Le Président Jean-Luc Warsmann a également proposé à la Commission que soit prévu un droit à l’oubli pour les mineurs, lequel conduirait à l’effacement automatique informatique des données enregistrées au jour du cinquième anniversaire de leur enregistrement, à défaut de nouvel événement justifiant leur préservation.

M. Jacques-Alain Bénisti a souligné l’importance de prévoir des garde-fous en cas de renouvellement des atteintes portées à l’ordre public.

Mme Delphine Batho a estimé que, par cohérence avec le délai au terme duquel les données figurant sur le casier judiciaire des mineurs peuvent être effacées, un délai de trois ans pour ce droit à l’oubli semblerait préférable.

Puis, M. Christophe Caresche a proposé de limiter à seize ans l’âge des personnes pouvant figurer dans le fichier EDVIGE.

M. Noël Mamère a jugé cette question importante, tout en soulignant sa préférence pour qu’elle trouve une solution législative.

M. Claude Goasguen a estimé préférable d’éviter toute mention relative à l’âge des personnes concernées dans l’avis de la Commission.

La Commission a alors émis un avis favorable, à cette troisième recommandation, telle que modifiée sur la proposition de Mme Delphine Batho.

Évoquant ensuite la nature des éléments collectés dans le fichier EDVIGE, le Président Jean-Luc Warsmann a soumis à la Commission une invitation au Gouvernement à en exclure, d’une part, les données relatives à la santé et à la vie sexuelle et, d’autre part, celles relatives aux origines raciales des personnes concernées.

Mme Delphine Batho a marqué sa préférence pour la rédaction retenue dans le décret de 1991 qui, par son renvoi à l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, avait une portée plus précise quant à l’éventail des données ne pouvant faire l’objet d’une collecte dans des fichiers de renseignement concernant la sécurité de l’État et la sécurité publique. Elle a notamment fait valoir que la proposition du Président Jean-Luc Warsmann maintenait dans les faits la possibilité d’un traitement automatisé de données relatives aux opinions, élément d’information dont l’intérêt ne lui a pas paru évident pour l’ordre public.

M. Yves Nicolin et le Président Jean-Luc Warsmann ont fait valoir que la connaissance par les services de police de l’opinion d’individus ou de groupes hooligans, néonazis ou salafistes revêtait au contraire un intérêt évident pour la préservation de l’ordre public.

Après avoir insisté sur la nuance entre les activités troublant l’ordre public et les opinions, Mme Delphine Batho a indiqué que le groupe SRC aurait souhaité exhorter le Gouvernement à exclure les données relatives aux opinions de celles figurant dans le fichier EDVIGE.

Le Président Jean-Luc Warsmann a constaté un désaccord sur ce point entre la majorité et l’opposition.

Puis, la Commission a émis un avis favorable à ces quatrième et cinquième recommandations.

Abordant les modalités de consultation du fichier, le Président Jean-Luc Warsmann a proposé à la Commission d’exiger l’accord écrit du chef de service pour autoriser la consultation par un service de police ou de gendarmerie. M. Jacques Alain Bénisti a objecté que certaines enquêtes sont effectuées dans un délai très court. S’interrogeant sur la notion de chef de service, Mme Delphine Batho s’est demandé si cette proposition tendait à élargir l’accès au fichier par rapport au décret de 1991. Elle a considéré que des règles d’accès trop restrictives seraient probablement contournées, ce qui nuirait à la traçabilité des consultations, mais que l’accès ne devait pas pour autant être ouvert à tous les commissaires de police. M. Charles de la Verpillière a rappelé que le décret de 1991 autorisait également la consultation des fichiers sur autorisation du responsable du service départemental des renseignements généraux. Le Président Jean-Luc Warsmann ayant indiqué que la notion de chef de service désigne le directeur départemental de la sécurité publique, la Commission a émis un avis favorable à cette sixième recommandation.

La Commission a également émis sur la proposition du Président Jean-Luc Warsmann un avis favorable à une septième recommandation tendant à introduire une traçabilité systématique des consultations des données figurant dans le fichier EDVIGE et de conserver pendant au moins cinq ans les demandes d’accès.

En matière de mise à jour et de droit de rectification du fichier, le Président Jean-Luc Warsmann a suggéré à la Commission de recommander de mettre en place une procédure formalisée de mise à jour du fichier sous le contrôle de la CNIL, conformément à la demande de celle-ci. Après qu’il eut rappelé qu’une telle procédure était prévue dans le décret de 1991, la Commission a émis un avis favorable à cette huitième recommandation.

Enfin, le Président Jean-Luc Warsmann a proposé à la Commission d’inviter le Gouvernement à faciliter, pour chaque citoyen, l’accès aux informations le concernant ainsi que l’exercice du droit à rectification, en soulignant l’excessive longueur des délais actuels de consultation. M. Jacques Alain Bénisti a toutefois jugé important de permettre de ne pas communiquer les informations très sensibles.

La Commission a émis un avis favorable à cette neuvième recommandation.

Puis la Commission a adopté l’avis ainsi rédigé à l’unanimité.

M. Noël Mamère a déclaré que l’adoption de l’avis de la Commission à l’unanimité n’était pas exclusif des demandes du groupe GDR qui souhaite la suspension du décret et l’adoption d’une loi.

M. Manuel Valls a estimé que l’avis de la Commission avait le mérite de proposer des recommandations recouvrant bien le champ des questions soulevées par le décret – alors que la ministre de l’Intérieur a estimé le matin même que peu de modifications devaient lui être apportées – et pouvait à ce titre être adopté à l’unanimité. Il a toutefois signalé que le groupe SRC souhaitait, en complément des propositions formulées par la Commission, la suppression des données sensibles visées à l’article 8 de la loi « informatique et libertés » et donc de la mention des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l’exclusion des mineurs de moins de seize ans et l’adoption d’une loi plutôt que d’un décret. Il a demandé que ces propositions complémentaires soient mentionnées dans l’avis de la Commission. Il a également souhaité la constitution d’une mission d’information sur la question des fichiers, demande à laquelle s’est associé M. Noël Mamère. Rappelant l’importance de la mobilisation citoyenne à l’encontre d’EDVIGE, il a jugé que les parlementaires doivent se pencher sur certaines problématiques relatives aux fichiers, notamment sur le rôle de la CNIL.

M. Claude Goasguen s’est étonné que le fichier soit placé sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, alors qu’il ne constitue pas un simple instrument de travail de la police mais concerne les libertés publiques. Il a regretté que la Commission n’ait pas entendu également la Garde des sceaux.

Après s’être félicité de l’accord unanime des membres de la Commission sur les propositions formulées, le Président Jean-Luc Warsmann s’est déclaré favorable à la désignation de deux rapporteurs : un de la majorité et un de l’opposition sur la question des fichiers lors de la prochaine réunion de la Commission, dans la perspective de la remise d’un rapport au début de l’année 2009. Il a précisé que leurs auditions pourraient être ouvertes à l’ensemble des membres de la Commission.

——fpfp——