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Mercredi 12 décembre 2007

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Patrick Ollier Président, puis de Mme Catherine Vautrin, vice-présidente

– Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la Délégation à l’Union européenne, de M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l’énergie

– Information relative à la commission 16

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et la Délégation à l’Union européenne ont, au cours d’une réunion conjointe, entendu M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l’énergie.

Le Président Patrick Ollier s’est déclaré particulièrement heureux d’accueillir M. Andris Piebalgs, commissaire européen en charge des questions énergétiques, la commission étant vivement intéressée par ces problèmes Elle travaille notamment en lien avec la Délégation pour l’Union européenne, présidée par M. Pierre Lequiller, qui suit directement l’élaboration et la transposition des textes européens.

L’évolution du marché intérieur de l’énergie est préoccupante. La commission souhaiterait connaître l’état des réflexions de la Commission européenne quant aux perspectives du « troisième paquet énergie » compte tenu des réactions contrastées du Parlement européen et des États membres. La commission des affaires économiques a mis en place, avec la délégation pour l’Union européenne, un groupe de travail à ce sujet. Le président salue MM. André Schneider et M. Jean-Claude Lenoir, rapporteurs.

Cette nuit, un amendement permettant le retour au tarif règlementé jusqu’en 2010, date prévisible de clarification de la politique européenne en la matière, a été voté, le Parlement et la commission étant soucieux de protéger la mission de service public. La majorité a affirmé à cette occasion que la Commission n’y était pas opposée, l’opposition soutenant, au contraire, que ces tarifs disparaîtraient en 2010. M. le commissaire peut-il clarifier la situation ?

Comment, par ailleurs, envisage-t-il le dialogue avec les grands pays fournisseurs d’énergie ? Se dirige-t-on vers une politique européenne en matière énergétique ? Comment la mettre en œuvre ?

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, s’est également réjoui de la coopération avec la commission des affaires économiques, une réunion commune avec Mme Mariann Fischer Boel, commissaire à l’agriculture, ayant d’ailleurs déjà eu lieu.

Le 19 septembre, la Commission a présenté cinq textes sur le « troisième paquet énergie » au nom de la Commission européenne. Deux d’entre eux sont particulièrement discutés, dont celui concernant la séparation patrimoniale, laquelle consiste, par exemple, à demander à EDF et GDF d’abandonner la propriété de leurs réseaux de transports ou d’en confier la gestion à un opérateur indépendant de l’entreprise. Les Allemands sont également défavorables à cette proposition.

La Commission est-elle disposée à examiner une troisième option présentée par la France et l’Allemagne au début de 2008 ? La création d’une agence de coopération des régulateurs a été évoquée mais faut-il créer une agence chaque fois qu’un problème se pose ? Quels sont les enjeux de l’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne ? D’où proviennent les difficultés rencontrées ?

M. Andris Piebalgs a remercié la commission et la délégation pour leur accueil.

La nouvelle politique européenne de l’énergie, lancée en janvier dernier et agréée par les chefs d’État et de gouvernement en mars, constitue un tournant fondamental. Pour la première fois en cinquante ans, une politique de l’énergie à cet échelon est enfin évoquée. Il n’est nullement proposé de mettre en place une haute autorité de l’énergie,  mais il faut prendre acte que tous les éléments propices à l’élaboration d’une vision commune sur les grandes questions énergétiques sont maintenant réunis. Il est heureux que le Traité de Lisbonne consacre un titre à l’énergie. Cette politique repose sur une stratégie de long terme allant jusqu’en 2020 et vise à apporter des réponses communes à des défis communs : la sécurité d’approvisionnement, la lutte contre le changement climatique et la compétitivité des entreprises. L’objectif global de l’Union européenne est de réduire les émissions de CO2 de 20% d’ici à 2020. L’ampleur des défis et la rapidité de leur évolution obligent à agir sur plusieurs fronts, dans une stratégie d’ensemble.

Avant de s’inquiéter de la provenance de l’énergie, il convient de savoir l’utiliser de manière plus rationnelle. L’objectif européen est d’améliorer l’efficacité énergétique de 20% d’ici à 2020, ce qui permettrait à l’Union d’économiser 100 milliards d’euros et 780 millions de tonnes de CO2 par an. Plusieurs mesures seront proposées dans ce domaine dès 2008.

Les énergies renouvelables sont quant à elles trop peu développées en raison de leur coût prohibitif. Les vingt-sept États membres se sont mis d’accord pour porter leur part à 20% au niveau européen d’ici à 2020. Il s’agit d’un objectif ambitieux qui implique un effort de la part de tous. La Commission présentera, à la fin du mois de janvier, des objectifs par État membre sur la base de leur potentiel. Le nucléaire, qui produit peu de CO2 et dont les coûts sont stables, doit, quant à lui, jouer un rôle majeur. Un forum nucléaire vient d’être lancé pour la première fois sur le plan européen. Un groupe de haut niveau rassemblant les autorités de sûreté de tous les États membres a également été mis en place. Il doit réfléchir à l’organisation d’un cadre communautaire sur la question des déchets et des démantèlements.

En ce qui concerne la recherche, des efforts de rationalisation et des financements accrus sont vitaux afin de développer par exemple une deuxième génération de biocarburants ou d’améliorer l’efficacité énergétique des appareils ménagers. La Commission vient d’adopter un plan stratégique concernant les technologies énergétiques.

Les relations de l’Union européenne avec les pays producteurs d’énergies – OPEP, Russie, Algérie, Norvège – mais également avec les pays de transit tels l’Ukraine ou la Turquie, ou avec les pays consommateurs sont au cœur de la stratégie commune, l’essentiel étant de parler d’une seule voix avec eux. Cette politique extérieure n’est que le prolongement de la politique interne dont la pièce centrale est le marché intérieur : tout commence et finit par là. Malgré les mesures existantes, celui-ci reste fragmenté et la concurrence limitée. Cela fait plus de dix ans que les États membres se sont mis d’accord pour ouvrir le marché de l’énergie et les objectifs fixés ne sont pas atteints.

Le principal d’entre eux est l’existence d’un seul marché de l’énergie impliquant, à terme, un réseau électrique et gazier européen. Pour qu’il fonctionne, celui-ci doit reposer sur des interconnexions en nombre suffisant entre les États membres, mais elles sont encore malheureusement trop peu développées faute d’investissements. Pourquoi ne sont-ils pas réalisés ? Comment y remédier ?

Les services de Mme Neelie Kroes, commissaire européen à la concurrence, et ceux de M. Andris Piebalgs ont tiré la même conclusion : les entreprises à intégration verticale ont nettement moins réinvesti dans de nouvelles interconnexions que les entreprises en séparation. La Commission a également observé, par exemple en Espagne, que la dissociation effective des gestionnaires de réseaux de transport encourage les investissements. Dès lors, la séparation patrimoniale entre ces activités est apparue comme la meilleure solution. Celle-ci n’est en rien une privatisation, ces activités pouvant rester sous gestion publique. Il existe d’ailleurs de forts arguments en faveur de cette approche compte tenu de la dimension stratégique de ce secteur. Dans ce cas, il importe que ces activités soient gérées par deux ministères différents.

La séparation patrimoniale, selon certains qui arguent de l’exemple de RTE, ne serait pas l’unique solution, la séparation régulée constituant une nouvelle voie. Le fonctionnement du marché français de l’électricité, en outre, ne serait pas anti-concurrentiel, ce que démontrerait l’absence de plaintes. D’une part, les propositions de la Commission concernent l’ensemble des marchés intérieurs et ne s’adressent pas à un marché en particulier : elles tendent à trouver une solution commune pour les 27 marchés. D’autre part, la France ayant donné son accord à cette libéralisation, elle doit aller au bout de la logique : les grands opérateurs qui bénéficient de la libéralisation sur le marché européen doivent accepter la concurrence chez eux. L’absence de plaintes, de surcroît, ne signifie pas qu’aucun problème ne se pose : le marché français est dominé par des monopoles naturels limitant la concurrence et l’accès de nouveaux entrants.

L’étude d’impact réalisée par la Commission montre que, dans les pays dont les entreprises ont séparé leurs activités, les prix, hors taxe, ont augmenté de 6% depuis 1998 alors qu’ils se sont accrus de 29% dans les pays qui ne l’ont pas fait. La Commission propose ni plus ni moins que la séparation régulée, juste équilibre entre séparation et réglementation.

L’industrie française se doit de considérer ce marché intérieur de l’énergie comme une opportunité et non comme un mal nécessaire. Certains prétendent que la Commission voudrait brader à des capitaux étrangers une entreprise comme GDF et la fragiliser par rapport à ses concurrents. Or la Commission, qui se doit de défendre les intérêts des entreprises européennes, a proposé une clause de sauvegarde afin que les mêmes règles soient appliquées aux entreprises non européennes qui souhaiteraient acquérir une participation significative dans le réseau européen.

L’option des gestionnaires indépendants des réseaux (dite ISO) n’est pas la meilleure mais, dans un souci de conciliation, la Commission a proposé une solution de remplacement aux États membres : les entreprises verticalement intégrées pourront conserver la propriété des actifs des réseaux ; les réseaux de transport seraient alors gérés par un gestionnaire de réseaux indépendant afin que les garanties en matière d’indépendance et de niveau d’investissement soient apportées. Une réglementation et une surveillance règlementaire permanente sont par ailleurs prévues. Ces dispositifs peuvent paraître assez lourds, mais ils constituent une véritable alternative pour ceux qui le souhaitent.

Le marché du gaz naturel doit être considéré différemment. La séparation patrimoniale est en l’occurrence encore plus nécessaire que pour l’électricité, car ce marché souffre d’un manque de concurrence encore plus grand.

La séparation patrimoniale ne suffira pas à résoudre les difficultés qui se posent et notamment le problème du sous-investissement : les tarifs règlementés, en effet, verrouillent le système et permettent difficilement aux entreprises de réaliser les investissements qui s’imposent.

M. Andris Piebalgs s’est défendu d’être un dogmatique ou un idéologue : il n’est pas contre les tarifs règlementés dès lors qu’ils sont justifiés, notamment à l’adresse des clients vulnérables et les PME, comme le prévoient les directives européennes. Il est en outre normal que le consommateur soit protégé dans un contexte général de renchérissement du prix de l’énergie : l’objectif premier du marché intérieur européen est d’être à son service. La Commission ne veut pas supprimer les tarifs règlementés domestiques mais uniquement ceux qualifiés de non domestiques. Sur ce point la Commission de régulation de l’énergie (CRÉ) partage l’avis de la Commission européenne. Il importe seulement qu’une solution satisfaisante soit trouvée, et pour le consommateur et pour favoriser la concurrence.

Le nouveau traité reconnaît que la promotion de l’interconnexion des réseaux électriques est nécessaire. La Commission a identifié plusieurs interconnexions essentielles pour le marché intérieur et la sécurité de l’approvisionnement, dont le projet d’interconnexion électrique ente la France et l’Espagne passant par les Pyrénées orientales. La Commission, consciente de l’extrême sensibilité de ce dossier, a nommé un coordinateur, M. Mario Monti, dont la mission consiste à identifier les difficultés actuelles ralentissant la réalisation du projet et à proposer une solution satisfaisante pour les différentes parties. Les nouvelles les plus récentes sont plutôt encourageantes. Il faut se réjouir que M. Borloo ait fait de cette question l’une de ses priorités, à quelques mois du début de la présidence française de l’Union européenne.

En matière d’interconnexions gazières, certains pays ont fait des efforts majeurs, mais la situation d’ensemble demeure préoccupante, notamment s’agissant de l’interconnexion franco-espagnole. Les Espagnols assurent que tous les investissements ont été réalisés ou sont en passe de l’être. Il semble que la situation soit un peu différente du côté français. La France est pourtant l’un des États membres qui, parmi les premiers, a compris la nécessité d’assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique, donc de la diversification des routes d’importation.

S’agissant de la réglementation énergétique, la Commission a proposé de renforcer les pouvoirs des régulateurs nationaux ainsi que leur regroupement dans une agence européenne. Les disparités entre les différents États membres sont en effet importantes en ce qui concerne les attributions et l’efficacité des régulateurs nationaux de l’énergie et il importe d’harmoniser cette situation à partir du plus grand dénominateur commun. Le régulateur national doit avoir pour mission de promouvoir le bon développement du marché national et du marché intérieur de l’énergie.

Malgré la création du groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz, l’harmonisation des normes techniques n’a pas beaucoup progressé ; c’est pourquoi la mise en place d’une agence européenne a été proposée qui soutiendra les régulateurs nationaux et leur permettra, en les regroupant, de mieux prendre en compte la dimension européenne du marché de l’énergie.

M. Andris Piebalgs a reçu, il y a quelques jours, une lettre de la commission de régulation de l’énergie (CRÉ) sur les conséquences de la publication unilatérale par le gestionnaire de réseau allemand des nouvelles règles d’allocation de l’interconnexion entre la France et l’Allemagne, définies sans attendre les résultats de la concertation et l’accord des régulateurs respectifs. Or il semble que l’application de ces nouvelles règles entraînera une dégradation de la qualité des services offerts aux acteurs du marché par la remise en cause des principes de fermeté, de capacité journalière et de nomination, essentiels au développement des échanges transfrontaliers et au processus d’intégration des marchés.

Ces propositions ne sauraient être réduites à la seule question de la séparation patrimoniale. La Commission examinera avec la plus grande attention les propositions françaises ou allemandes même si cette question a malheureusement occulté des problèmes aussi importants, voire plus, tel celui de la mise en place d’un réseau européen d’énergie. La concurrence est un outil, pas une fin en soi. Parachever le marché intérieur de l’énergie, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

La France a joué un rôle moteur sur ces sujets, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Les mesures annoncées s’agissant de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de la recherche s’annoncent très prometteuses. La France a raison d’avoir fait de l’énergie l’un des thèmes majeurs de sa présidence de l’Union l’année prochaine. Elle a ainsi une chance unique de faire progresser de manière décisive la politique européenne de l’énergie. Les récents propos de M. Sarkozy sont à cet égard très encourageants : « L’énergie, c’est le devoir de l’Europe. Je veux une politique de l’énergie européenne. »

M. Andris Piebalgs a répondu au président Pierre Lequiller qu’il était prêt, s’il le peut, à discuter des propositions françaises et allemandes. L’agence se justifie quant à elle en raison même de l’existence des réseaux nationaux, comme le prouve encore la décision prise unilatéralement par les opérateurs allemands. La France doit donc trouver une solution pour le commerce transfrontalier de l’énergie. S’agissant de l’interconnexion entre la France et l’Espagne, M. le commissaire est en revanche très optimiste.

M. André Schneider, co-rapporteur, lui a transmis une question concernant Gazprom. A cet égard M. Andris Piebalgs a indiqué qu’il est en contact avec plusieurs interlocuteurs russes et qu’il s’est rendu à Moscou afin de détailler l’esprit des propositions de la Commission. Les discussions avec Gazprom se situent maintenant sur un plan technique ; la phase actuelle est également très constructive avec Sonatrach. Gazprom a fait un effort considérable pour intégrer les mécanismes de fonctionnement du marché européen.

M. André Schneider a également demandé des précisions chiffrées sur le chiffre d’affaires des compagnies : les profits nets, pour Enron, s’élevaient à 5 milliards en 2006 ; ceux d’EDF étaient de 1,6 milliard en 2004  et de 3,2 milliards en 2005 ; ceux de GDF de 1 milliard en 2004 et de 2,3 milliards en 2006. Toutes les grandes sociétés ont fait de grands profits.

M. Daniel Paul a souligné que c’était dans le cadre des tarifs régulés.

Le Président Patrick Ollier a beaucoup apprécié les propos du commissaire sur les tarifs règlementés pour les usagers domestiques, lesquels mettent fin aux interrogations formulées en séance la nuit dernière : les tarifs régulés ne disparaîtront donc pas. Il a remercié M. Andris Piebalgs pour l’ensemble de son exposé et il lui a demandé de bien vouloir le recevoir dans quelques mois, avec le Président Pierre Lequiller, afin de continuer à suivre ensemble ces dossiers.

(Le Président Patrick Ollier est remplacé par Mme Catherine Vautrin, Vice-présidente).

M. André Schneider, co-rapporteur, très heureux de rencontrer M. Andris Piebalgs, a reconnu qu’une bonne politique énergétique européenne passait par un harmonieux équilibre entre libéralisation et réglementation.

Le paquet « énergie » ne constitue que l’un des volets de la mise en œuvre du plan d’action approuvé par les chefs d’État en mars 2007. Mais était-il absolument nécessaire de focaliser l’activité communautaire sur la question de la propriété des réseaux alors que les enjeux énergétiques, liés à la sécurité de l’approvisionnement et à la recherche de nouvelles sources d’énergie peuvent apparaître comme bien plus fondamentaux ?

Dans le même ordre d’idées, la volonté de casser les entreprises intégrées soulève à nouveau le débat sur la nécessité de champions nationaux et communautaires. Ce débat mérite d’être évoqué s’agissant du secteur énergétique, où les entreprises doivent faire face à de puissantes compagnies pétrolières.

La Commission n’est-elle pas encore prisonnière de ses anciens réflexes, qui la conduisent à privilégier le prisme de la concurrence en oubliant d’autres aspects au moins aussi importants ? D’ailleurs, dans le traité de Lisbonne, la concurrence « libre et non faussée » ne figure plus dans les objectifs de l’Union et devient un moyen parmi d’autres de contribuer à la réalisation d’un marché commun.

Plusieurs États s’opposent à la séparation patrimoniale au nom du principe de proportionnalité. Ils sont suffisamment nombreux pour constituer une minorité de blocage. La présidence portugaise a demandé aux États concernés de proposer une alternative concrète. La commission du Parlement européen compétente au fond a vivement critiqué l’objectivité et la pertinence de l’évaluation d’impact réalisée par la Commission européenne. La présidente de cette commission, Mme Angelika Niebler, a adressé à M. Andris Piebalgs un courrier relevant les manques et les cohérences de cette évaluation d’impact.

M. André Schneider a demandé à M. Andris Piebalgs comment il réagissait devant ces contestations du bien-fondé de la séparation patrimoniale, ou du dispositif ISO. Il a remarqué qu’il avait récemment dénoncé les compagnies dominantes ayant doublé, voire triplé leurs profits, alors que les citoyens européens doivent acquitter des factures de plus en plus élevées ; il lui a demandé de lui fournir des précisions, des noms et des chiffres.

Le paquet « énergie » comporte une « clause Gazprom » imposant aux compagnies des pays tiers de respecter les règles communautaires pour pouvoir être admises sur le marché énergétique de l’Union. Comment ont donc réagi les entreprises comme Gazprom ou la Sonatrach à cette clause de réciprocité ?

M. Andris Piebalgs a remarqué qu’il avait déjà répondu à certaines de ces questions.

Il a précisé qu’il avait répondu, la veille, à Mme Angelika Niebler et que son service avait étudié toutes les aspects du problème. Ses conclusions sont claires et nettes, ainsi que son argumentation. La seule difficulté est venue du fait que les compagnies qui contestaient certaines conclusions utilisaient des chiffres différents de ceux d’Eurostat, mais cela n’empêche pas d’aboutir aux mêmes conclusions. Et l’analyse de Mme Angelika Niebler n’apporte aucun élément nouveau.

La question de la séparation patrimoniale avait déjà été mise sur la table en 2005. Aujourd’hui, dix-neuf pays y sont plutôt favorables et 8 pays s’y opposent. Parmi ces derniers, quatre pays ont conservé une position très ferme : la France, l’Allemagne, le Luxembourg et l’Autriche. Maintenant, les pays doivent faire des propositions concrètes pour qu’on arrive à un compromis. Il serait souhaitable que ces propositions parviennent au Conseil au mois de janvier. Il faut trouver le moyen de créer une séparation entre les transports et la production. Peu importe la méthode.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, a remercié M. Andris Piebalgs de s’exprimer en français, et a demandé aux intervenants de bien vouloir parler plus lentement.

M. Daniel Paul a fait remarquer que, depuis une douzaine d’années, la construction européenne s’était orientée vers la libéralisation et qu’il serait temps de tirer le bilan de ce qui s’est passé depuis, notamment dans le domaine de l’énergie.

Est-ce que la mise en concurrence, dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, a été profitable aux usagers ? Est-ce que les tarifs ont baissé ? Est-ce qu’elle a été profitable aux entreprises ? Est-ce que les prix ont baissé ?

Il est question, depuis quelque temps, de séparation patrimoniale. Est-ce que les quelques pays qui, en Europe, ont procédé de façon lourde ou complète à la séparation patrimoniale, en ont tiré un bénéfice évident ?

Le Président Patrick Ollier a parlé de la suppression des tarifs régulés, mais la Commission européenne ne demande pas réellement cette suppression. Elle veut que les tarifs régulés soient représentatifs des coûts. EDF et GDF, en France, avaient mis en place des tarifs régulés qui prenaient en compte les coûts réels, et qui intégraient même certains coûts supplémentaires liés, par exemple, aux centrales nucléaires.

La Commission européenne n’a pas pour objectif de supprimer les tarifs régulés, mais d’obliger la France à les faire augmenter. Il y a quelques jours, la décision a été prise d’obliger EDF à faire profiter les opérateurs entrants de la rente nucléaire, voire de permettre à un certain nombre d’entre eux d’avoir des tarifs plus faibles que les tarifs régulés. Au bout d’un certain moment, la suppression des tarifs régulés deviendra naturelle.

En 2004, 2005, 2006, EDF était encore une entreprise publique. Or, avec ses tarifs régulés en France et à peu près 80 % de son marché réalisés en France, EDF n’a pas si mal réussi. Les tarifs régulés n’ont pas été un obstacle à la rentabilité de l’entreprise. Pourquoi remettre en cause les tarifs régulés bas, dès lors qu’ils sont profitables aux entreprises et aux clients domestiques ?

Qui pilote l’avion de l’énergie au niveau de la Commission européenne ? Est-ce le commissaire à l’énergie ou le commissaire à la concurrence ? Faut-il aboutir à la concurrence coûte que coûte ? Ne vaut-il pas mieux avoir une vision industrielle de l’énergie et une vision du rôle de l’énergie ?

Pourquoi faut-il à tout prix casser les monopoles publics qui ont parfaitement rempli leur mission depuis des dizaines d’années, avec des tarifs parmi les plus bas ? C’est le cas en France. Pourquoi les casser au profit d’oligopoles privés, dont l’objectif ne sera pas le service général, mais la rentabilité pour les actionnaires mis en place ?

M. François Brottes a également remercié M. Andris Piebalgs de s’être exprimé en français.

Celui-ci a déclaré que ses services étaient arrivés à la même conclusion que ceux de Mme Neelie Kroes, à savoir que la séparation patrimoniale serait la solution, mais ce n’était sans doute pas pour les mêmes raisons.

On ne peut qu’être favorable à l’Europe de l’énergie. Il faut s’intéresser aux réseaux et aux infrastructures qui interconnectent l’Europe ; à la capacité d’acheter ensemble, notamment du gaz, pour garder une capacité de négociation ; à la mise en œuvre d’une régulation à l’échelle européenne, à condition qu’elle soit bien au service des consommateurs, et pas seulement des opérateurs.

M. François Brottes a interrogé le commissaire à propos de la faute lourde d’E.ON, qui a mis l’Europe dans le noir il y a quelques mois, à la suite d’une erreur de gestion d’un opérateur privé, qui n’a pas su arbitrer entre plusieurs exigences au sein de sa propre entreprise. Que fait le régulateur ? Il est important de savoir si, dans un cas comme celui-là, derrière le régulateur, il y a la notion de défense du consommateur ou seulement la notion de protection des opérateurs ?

Il n’est pas impossible que les services de Mme Neelie Kroes et ceux de M. Andris Piebalgs suivent une démarche différente. Le marché de l’énergie n’est pas un marché comme les autres, d’abord, parce que l’électricité ne se stocke pas, ensuite, parce que tout le monde l’utilise : entreprises, ménages, individus, équipements publics. Enfin, c’est un marché où l’Europe et la France exigent qu’on fasse des économies. Un tel marché n’a pas vocation à progresser.

Il s’agit à la fois de gérer des biens vitaux, de première nécessité, et de le faire de façon économe. Cela est tout à fait contradictoire avec l’idée qu’il faudrait stimuler ce marché, avec de nombreux opérateurs qui poussent à la consommation et au gaspillage, et qui font monter les prix.

Par ailleurs, on mélange les opérateurs : ceux qui investissent, ceux qui sont responsables du financement de la maintenance et ceux qui n’investissent pas, parce qu’ils ne sont là que pour acheter en gros et vendre au détail. Un tel mélange sur un secteur extrêmement technique, subtil et difficile à gérer, ne risque-t-il pas d’entraver le fonctionnement du marché ?

Pourquoi la Commission européenne interdit-elle les groupements d’achat ? Les industriels français sont très inquiets. De nombreuses entreprises, par exemple dans le secteur papetier ou de l’aluminium, ont dû fermer leurs portes parce que le coût de l’énergie a explosé. Elles ont besoin de se regrouper pour acheter. Or il semblerait que cela pose des difficultés.

Pourquoi la Commission européenne refuse-t-elle les contrats à long terme ? Une industrie a besoin de savoir sur cinq, dix ou quinze ans combien l’énergie va lui coûter, pour organiser son process de production. Pourquoi la Commission a-t-elle une position figée sur cette question ?

En dernier lieu, M. François Brottes a demandé à M. Andris Piebalgs ce qu’il penserait demain d’une société privée française qui aurait le monopole de concessions de distribution de gaz dans le pays ?

M. Jean Dionis du Séjour, remerciant M. Andris Piebalgs de s’exprimer en français, lui a indiqué que, au sein de cette commission, il représentait les centristes, historiquement motivés par les propositions européennes et plutôt à l’aise avec les outils économiques mis en œuvre, à savoir le marché intérieur et la concurrence.

L’Union européenne est un acteur juridique, mais c’est aussi un acteur budgétaire. Combien va-t-elle mettre sur la table pour sa nouvelle politique énergétique ? Va-t-elle financer les grandes infrastructures de transport et à quelle hauteur? Va-t-elle financer les interconnexions et à quelle hauteur ? Si l’Union ne fait pas un effort financier, elle n’aura pas la crédibilité nécessaire, y compris au niveau juridique. En France, on dit : qui paie commande !

Par ailleurs, est-ce que la séparation patrimoniale est clairement compatible avec une filialisation ? Par exemple, s’agissant de EDF, peut-on filialiser d’un côté la production, d’un autre côté les transports, d’un autre côté la distribution et la vente ?

Enfin, qu’en est-il de la régulation proposée au niveau des régulateurs nationaux et de la coordination ? Cela existe déjà. Ne peut-on pas franchir un seuil qui amènerait progressivement à un régulateur européen ?

M. François Loos s’est déclaré très heureux de retrouver M. Andris Piebalgs, qui est un partenaire formidable à la Commission et qui adopte une attitude ouverte et intelligente, quelles que soient les questions qui se posent.

Merci pour le nucléaire ; il est indispensable qu’on arrive à se parler à ce sujet, même avec ceux qui ne sont pas favorables au nucléaire, car ce dernier comporte des avantages.

Merci pour le travail sur l’interconnexion avec l’Espagne et merci à la Commission de s’être impliquée dans cette affaire difficile, d’avoir choisi cette procédure et nommé un coordinateur, M. Mario Monti.

Merci pour les tarifs, auxquels les Français tiennent fermement et merci de considérer que la situation doit perdurer ; c’était le sens du propos du Président Patrick Ollier. Ce n’est pas incompatible avec les directives existantes ; c’est même fortement à recommander s’agissant du fonctionnement du marché de l’électricité et du gaz.

L’Allemagne incite à produire 20 ou 30 % d’énergies renouvelables, mais le problème est moins là que dans la nécessité de réduire les émissions de CO2. Pour cela, il ne s’agit pas de mettre des éoliennes partout ; il faut fermer les centrales au charbon et s’interroger sérieusement sur ce qui peut faire baisser les émissions de CO2 de l’Europe.

Il conviendrait que le commissaire examine, avec son collègue de l’environnement, l’état des émissions de CO2, que l’on puisse faire des comparaisons et taxer de la même manière, par exemple, la production d’acier en France et en Pologne. On doit pouvoir compter sur la Commission pour avoir une vision équitable et juste des choses au fur et à mesure que la pression pour la baisse du CO2 s’intensifiera.

Que fait la Commission pour les stocks de sécurité de gaz ? On a craint que l’Ukraine ne soit à court. Certains pays sont davantage concernés que les autres. On avait adopté une attitude généreuse annonçant une politique de solidarité européenne. Certains pays ont des stockages, d’autres n’en ont pas. La France en a quelques uns. Si l’on veut mener une politique européenne, on doit commencer au moins par cela. La question se pose aussi pour les stockages de fioul. Quand les États-Unis annoncent que leurs stocks de pétrole montent, le prix du pétrole baisse. Il serait temps que l’Europe soit capable d’en faire autant. Ce n’est pas très compliqué. Va-t-on le faire ?

Quelles sont les mesures qui ont été prises après l’accident allemand de novembre 2006 ? On a la preuve que celui-ci est lié à des dysfonctionnements. Des rapports ont été établis sur la question, mais sans que des mesures soient évoquées. En France, le même accident aurait entraîné des mesures, prises soit par le régulateur, soit par l’État. Il faut que l’Allemagne en prenne, ou que l’Europe incite fortement l’Allemagne à en prendre.

Enfin, qu’avez-vous contre les consortiums et les achats à long terme ? Si l’on considère que l’électricité est un marché sur lequel l’investissement est nécessaire, tout client long est un client qu’on préfère et auquel il faut consentir le meilleur prix. Pourquoi faudrait-il être toujours spot dans les prix de l’électricité ? La Commission ne pourrait-elle pas donner des impulsions pour que l’on puisse fonctionner avec des contrats à dix ou vingt ans ?

M. Andris Piebalgs a remercié les intervenants pour leurs commentaires et a répondu à leurs questions.

Pourquoi la libéralisation est-elle meilleure que l’État ou que le monopole ? La Russie a eu une bonne croissance, mais elle a eu des difficultés dans le domaine de l’électricité. Elle s’est décidée pour le seul moyen susceptible de lui assurer des possibilités de développement, c’est-à-dire la libéralisation des marchés, avec la séparation des réseaux et la privatisation des générateurs. Enel, E.ON et Gaz de France, entre autres, cherchent à investir dans le secteur de l’électricité. La Russie aura ainsi des ressources, des connaissances et une certaine sécurité d’approvisionnement. Le marché permet de mieux répondre, avec moins de moyens, aux demandes des sociétés.

M. Andris Piebsalgs a vécu les problèmes de fourniture d’électricité ou les coupures de chauffage dans le cadre d’un système réglementé sans marché libre. Il considère, de par son expérience, que la libéralisation est la meilleure solution.

Certes, le marché de l’énergie est plus complexe que le marché du blé. Voilà pourquoi il existe des commissions de régulation de l’énergie et des conseils de la concurrence, qui fonctionnent dans un cadre établi par l’État.

Quel bénéfice peut-on tirer de la séparation patrimoniale ? Entre 1998 et 2006, dans les pays ayant fait le choix de la séparation patrimoniale - Angleterre, Espagne, Italie -, les prix hors taxes de l’électricité appliqués à l’industrie ont baissé de 3 % alors qu’ils avaient augmenté de 6 % dans les pays ayant conservé des sociétés intégrées : Allemagne, Lettonie, France. Ils ont augmenté respectivement de 6 % et de 30 %, s’agissant des usages domestiques. Dans les pays avec séparation patrimoniale, les prix ont donc baissé ou augmenté moins vite que dans les pays avec sociétés intégrées. Cela ressort des chiffres et des statistiques.

Qui pilote l’énergie ? Le collège des commissaires et les traités. Dans les traités, les responsabilités de la Commission sont clairement indiquées, qu’il s’agisse du secteur de la concurrence, de celui de l’énergie ou des autres. Il faut préciser que c’est le traité de Lisbonne qui a mentionné pour la première fois le thème de l’énergie. Toutefois il n’y a pas de lutte entre le commissaire pour la concurrence et le commissaire pour l’énergie.

S’agissant de la séparation patrimoniale, la commissaire à la concurrence, Mme Neelie Kroes, a mené des études, fait des investigations, cherché des solutions et tiré des conclusions. Le commissaire a étudié ces éléments et a pris les décisions. Il est très clair qu’il faut travailler en commun et pas les uns contre les autres.

Il convient aussi de distinguer monopole et service public. Le service public est garanti par l’État. Le monopole peut être d’État ou privé, et il ne garantit pas le service public.

M. Andris Piebalgs a ensuite abordé la faute de gestion de E.ON. Aujourd’hui, c’est le régulateur allemand qui est responsable du traitement de cette question. Il lui a demandé de faire un rapport. C’est une erreur humaine qui a été à l’origine de cet accident. Pour autant, le régulateur a demandé à E.ON de faire en sorte qu’il ne se reproduise pas.

Le marché, ce n’est pas seulement les entreprises. Il y a aussi les consommateurs, les organisations qui veillent au respect des règles de concurrence, et les responsables des différentes structures gouvernementales. Le marché de l’énergie sera toujours régulé davantage que les autres marchés.

La Commission n’est pas contre les achats à long terme. Prenons le cas de Distrigaz. Ce dernier a fait un contrat de longue durée, avec une ouverture pour les consommateurs. Il est exact que les entreprises du secteur de l’aluminium ou de l’acier ont besoin de contrats de longue durée, mais on ne peut pas non plus fermer les marchés, sinon, les fournisseurs ne trouveront plus de consommateurs. Il faut donc parvenir à un équilibre. Les entreprises qui vendent du gaz ou de l’électricité doivent donner l’exemple. La Commission ne peut pas dire que tel contrat est bien ou pas, a priori. EDF et GDF doivent lui faire des propositions : 50 % voudront faire des contrats de longue durée, et les autres des contrats différents. Le problème se pose pour le secteur de l’énergie, où les fournisseurs sont plutôt intéressés par les contrats spot. Les actionnaires doivent faire comme l’a fait François Loos lorsqu’il s’est adressé à EDF, pour proposer des contrats de longue durée.

La fusion GDF-Suez devrait avoir des effets positifs, dans la mesure où elle accroîtra la concurrence dans les deux secteurs de l’électricité et du gaz.

En matière de régulation, il n’y a aucune différence entre un monopole privé et un monopole public. Le monopole est un monopole. Cela signifie que la fusion GDF-Suez ne changera pas les enjeux principaux.

La question sur le rôle budgétaire de l’Union était intéressante, mais il n’est pas toujours facile de déterminer le budget qu’il faut. Par exemple, dans le domaine de la recherche, l’Union européenne dépense 2,5 milliards d’euros. La Commission en donne 10 %, mais il est prévu qu’en 2013, elle donnera environ 450 millions. Est-ce suffisant ? Le problème vient du fait que les pays ne dépensent pas beaucoup pour la recherche.

Dans le domaine des interconnexions, on souhaiterait disposer de 2 ou 3 milliards, plutôt que de quelques misérables millions. Dans l’exemple de l’interconnexion entre l’Espagne et la France se pose un délicat problème, mais ce n’est pas un problème d’argent. En l’occurrence, il est inutile d’en avoir davantage. Il en est de même s’agissant de l’interconnexion entre la Pologne et la Lituanie.

Aujourd’hui, la politique énergétique passe davantage par la résolution de questions politiques que de questions budgétaires. Dans l’avenir, il faudra davantage d’argent dans la caisse commune pour les interconnexions importantes afin de soutenir certains projets et d’avancer  - par exemple avec l’interconnexion pour l’éolien offshore -, ou pour la recherche. Cela étant, pour l’instant, l’argent dont on dispose est suffisant.

La séparation patrimoniale est-elle compatible avec une filialisation ? Aujourd’hui, il faut respecter une séparation fonctionnelle et juridique. Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Dans les pays voisins de la France, des problèmes se posent et les consommateurs se plaignent. Les filialisations ne suffisent pas ; il faut trouver une solution plus poussée.

Pourquoi faut-il créer une agence des régulateurs ? Ce n’est pas seulement pour des raisons de coordination. On peut se passer d’une agence, mais il faudrait donner tous les pouvoirs à la Commission. Est-ce que ce serait bien ou non ? En outre, si la Commission prend une décision, cette décision devra s’appliquer dans les 27 États membres. Or il y a plus de chances qu’elle s’applique effectivement si elle est prise par les 27 régulateurs. On peut aussi s’en tenir à la situation actuelle, mais on se priverait d’un marché unique. Le choix est donc limité : la création de l’agence est la seule méthode possible.

M. Andris Piebalgs a remercié M. François Loos pour ses propos. Son observation sur les centrales à charbon était bonne, mais, curieusement, aujourd’hui, on en construit beaucoup. Cela dépend bien sûr de leur coût, qui dépend lui-même de l’existence ou non d’une concurrence avec les énergies renouvelables ou avec les centrales nucléaires.

On a beaucoup travaillé sur la séparation, la capture et le stockage du CO2 (CCS) et la Commission fera trois propositions en janvier, sur le marché des émissions, sur la directive concernant les questions légales, les stockages et le transport de CO2 et sur la possibilité de recourir aux aides d’État dans les centrales pilotes. L’objectif est que, en 2015, on dispose de quelques grandes centrales ayant la capacité de capturer et de stocker le CO2. Cela est important, au regard des exigences internationales. S’agissant de l’Europe, on peut être optimiste, grâce au nucléaire, aux énergies renouvelables et au gaz. En revanche la Chine et l’Inde ne pourront atteindre ces objectifs sans CCS. La seule réponse adaptée est d’investir dans les nouvelles technologies, la R&D.

M. Andris Piebalgs a répondu à la question sur les stocks de sécurité de gaz. Dans quelques mois, sera créé l’Observatoire européen pour les situations énergétiques. Il devrait intervenir dans tous les domaines y compris les stockages de gaz et de pétrole.

Dans les prochains mois, il est prévu de réfléchir sur les directives de sécurité d’approvisionnement en gaz. Les mesures proposées sont-elles suffisantes ? Faut-il obliger tous les pays à stocker du gaz ? Certains pays n’en ont pas la possibilité technique, mais il existe déjà beaucoup de stocks commerciaux. Doit-on faire supporter aux consommateurs le coût de stockages qu’ils n’utilisent pas ?

Le mieux serait de nouer de bonnes relations avec les pays producteurs. Un système de erlay warning a été mis en place avec la Russie, et les relations avec l’Ukraine et le Belarus qui est en train de construire un gazoduc ont été améliorées. Après ce qui s’est passé en 2006 et 2007, la situation s’est stabilisée. On investit dans le stockage dans de nombreux pays.

S’agissant du pétrole, est élaborée une proposition tendant à améliorer les systèmes de stockage.

S’agissant de l’incident allemand, la Commission ne peut pas faire plus, mais il est irresponsable que des opérateurs commettent des erreurs graves, sans qu’ils aient à payer pour cela. On peut malgré tout espérer que l’approfondissement du marché intérieur et l’agence des régulateurs permettront d’améliorer la situation.

Pour ce qui est des contrats de longue durée, la balle est du côté des fournisseurs. Ils doivent donner l’exemple. La Commission proposera des modifications ou en acceptera, comme ce fut le cas avec Distrigaz, mais il est difficile de faire des propositions pour tous les marchés. La Commission est en principe favorable aux contrats de longue durée, à condition que cela ne ferme pas les marchés. L’équilibre est difficile à trouver.

La Présidente Catherine Vautrin a remercié M. Andris Piebalgs pour l’ensemble de ses réponses. Elle souhaite par ailleurs connaître son point de vue sur les groupements d’achats. Quels sont en outre les efforts réalisés par la Commission pour encourager la recherche, notamment sur la capture et le stockage du CO2 ? Quelles incitations peuvent-elles être envisagées ?

M. François Brottes a évoqué le projet Exeltium, soit, la possibilité, pour des entreprises différentes, de se regrouper afin d’acheter en commun leur électricité.

M. Andris Piebalgs a rappelé que cela existe déjà en Finlande (exemple du consortium Client du réacteur d’Olkiluoto) et aux Pays-Bas. C’est donc en principe possible, même s’il faut en examiner les modalités. Les recherches sur le stockage sont financées, l’enjeu primordial étant le prix du CO2. Les aides d’État sont possibles dans le cadre déterminé par les traités en fonction de chaque projet. Ce sera notamment le cas en Norvège et en Grande-Bretagne.

M. Christian Bataille a remercié M. le commissaire pour sa courtoisie. Il reconnaît que l’on entend souvent à tort l’argument selon lequel c’est l’Europe qui réclame la privatisation des entreprises publiques alors qu’il s’agit d’un choix politique des gouvernements. S’il ne faut pas moins d’Europe, il faut « mieux » d’Europe.

M. Christian Bataille n’est pas convaincu par les propos de M. Andris Piebalgs et considère que, s’il existe une politique de marché, de régulation, une politique patrimoniale de notaire, il n’existe pas de politique européenne de l’énergie. La France dépense des sommes très importantes pour sa défense et s’expose néanmoins, précisément en raison de l’absence d’une politique européenne digne de ce nom, au danger potentiel représenté par de puissants voisins tels la Russie ou les pays du Moyen-Orient. La politique européenne conduit à saucissonner les entreprises, à les affaiblir et à faire en sorte que la France ou l’Europe ne pèsent pas assez pour négocier les achats avec leurs partenaires étrangers. S’il y avait une véritable politique au niveau des États et si ceux-ci négociaient ensemble avec la Russie les achats de gaz, ce sont les acheteurs qui feraient le prix et non Gazprom. L’idéologie de la Commission est libérale quand il existe encore en France des gens qui croient dans le rôle de l’État et sont attachés à une tradition ancienne de service public. M. Christian Bataille, à ce propos, a contesté la comparaison avec l’URSS.

Le problème majeur de l’Europe sera celui de la sécurité des approvisionnements. La Commission serait bien inspirée de s’emparer de ce type de dossiers car il faut s’attacher à une politique de long terme. Nombreux sont ceux qui, ici, croient aux vertus de la planification.

Au-delà des problèmes libéraux du marché au jour le jour, quelle est donc la stratégie politique de la Commission et de l’Union européenne ?

M. Claude Gatignol a indiqué qu’il existe deux domaines dans lesquels la France attend beaucoup de l’Europe : l’agriculture, avec la PAC, et l’énergie, mais il n’y a pas de PEC ! L’Europe intervient, en effet, relativement peu sur la quantité d’énergie dont elle doit disposer, sur la recherche de la compétitivité aussi bien dans le domaine domestique qu’en entreprise et, enfin, sur l’impact des questions énergétiques sur le climat. Les préconisations de la Commission ont certes été très claires s’agissant du marché intérieur, mais ont-elles suffi ? Le problème du prix n’a pas en outre été réglé pour le consommateur. Comment accroître les conséquences positives de la concurrence ?

Les traités de Rome et Euratom ont été signés en 1957. Quelles sont les orientations proposées aujourd’hui par la Commission pour les énergies fossiles, qui produisent du CO2, et les énergies non fossiles ou plutôt non carbonées, le terme « renouvelables » étant trompeur ?

S’agissant de la sécurité d’approvisionnement, les insuffisances sont par ailleurs évidentes. Quand un régulateur européen doté de vrais pouvoirs sera-t-il mis en place ? Il faut espérer que le traité de Lisbonne facilitera les choses dans ce domaine.

M. Jaques Myard a considéré que la concurrence ne constituait en rien une explication du monde. En matière d’énergie, le marché unique n’existe pas, comme le prouve l’exemple des États-Unis : le plus souvent, dans ce domaine, les solutions sont d’ordre régional. La Commission s’est toujours trompée sur ce dossier : 20% d’énergies renouvelables et les prix augmentent ; libéralisation du secteur et raréfaction de l’énergie. Il faut mettre en place une véritable politique industrielle tant au niveau national que sur le plan européen.

L’URSS est un très mauvais exemple alors que, avec EDF, la France dispose du système le plus performant d’Europe !

Il faut 250 millions pour reconstruire la structure administrative de GDF Distribution que la Commission a démantelée. Les consommateurs devront le payer. Il fallait garder ce qui marche ! Il a estimé que M. Andris Piebalgs avait une vision idéologique des choses.

M. Jean-Yves Le Déaut a dit partager les points de vue qui ont été exprimés s’agissant de la sécurité de l’approvisionnement. Plutôt que de mettre la France et l’Europe en difficulté sur le plan industriel en essayant d’affaiblir de grandes sociétés européennes, il conviendrait de mettre en place des politiques industrielle et de recherche dignes de ce nom. La dissociation patrimoniale, elle, ne constitue pas une priorité. La dissociation du réseau de transport d’une société, par exemple, suffit à faire perdre des capacités de recherche.

En tant qu’ancien président de la mission d’information sur l’effet de serre, il considère en outre que M. Andris Piebalgs n’a pas répondu à la question de M. François Loos sur le charbon : il est aberrant de maintenir ou de laisser construire des centrales à charbon pour des raisons politiques ; elles sont certes nécessaires, mais en très petit nombre. De surcroît, personne ne dit rien, au niveau européen, sur le fait que le développement de l’éolien a favorisé un nouvel essor du gaz.

Enfin, il a précisé que les technologies d’utilisation du carbone et du stockage en couches profondes ne sont pas encore applicables à l’échelle industrielle, y compris sur les grandes installations de combustion.

M. Andris Piebalgs s’est excusé pour la référence à l’URSS mais il s’agissait pour lui d’illustrer simplement un cas extrême, la France ayant, quant à elle, toujours connu une économie de marché.

S’agissant de l’approvisionnement, il importe de trouver plus de gaz. Les progrès sont réels avec le Nord Stream en Russie, de même qu’en Biélorussie. L’interconnexion est effective entre la Turquie et la Grèce ; le gaz de l’Azerbaïdjan arrive dans l’Union européenne et ce sera bientôt le cas des gaz turkmène, khazar et irakien ; l’Égypte prendra également une place de plus en plus importante sur le marché européen. Tous les producteurs veulent fournir du gaz à l’Union européenne. L’enjeu majeur est de savoir s’il doit exister un interlocuteur unique pour négocier les contrats avec la Russie, l’Algérie, la Norvège. Ce serait contre le principe de marché.

M. Christian Bataille s’est dit en désaccord avec cette proposition puisque ce sont désormais les fournisseurs qui auront l’avantage.

M. Andris Piebalgs s’est inscrit en faux contre cette assertion : l’État n’est plus le négociateur, ni en Russie ni en Algérie. Il a par ailleurs d’autres moyens pour assurer la sécurité d’approvisionnement.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, a rappelé que Gazprom, c’est M. Vladimir Poutine.

M. Andris Piebalgs a indiqué que le système russe allait changer.

Les stratégies existent en matière de recherche de ressources et de consommation efficace. Les progrès sont sensibles et ils ne feront que s’accroîtrent.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, a remercié et félicité M. Andris Piebalgs pour son intervention en français (Applaudissements sur tous les bancs.)

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Information relative à la Commission

La commission a procédé à la désignation de candidats pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la concurrence au service du consommateur (n° 351) ; ont été nommés :

Titulaires

Suppléants

M. Patrick Ollier (UMP)

Mme Laure de la Raudière (UMP)

M. Michel Raison (UMP)

M. Michel Piron (UMP)

M. Bertrand Pancher (UMP)

M. Lionel Tardy (UMP)

M. Jean-Paul Charié (UMP)

Mme Corinne Erhel (SRC)

M. François Brottes(SRC)

Mme Frédérique Massat (SRC)

M. Jean Gaubert (SRC)

M. Jean Dionis du Séjour (NC)

Mme Delphine Batho (SRC)

M. André Chassaigne (GDR)

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