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Mercredi 6 février 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 36

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Communication de M. Jacques Le Guen, président du comité de suite sur le chlordécone (réunion ouverte à la presse)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu la communication de M. Jacques Le Guen, président du comité de suite sur le chlordécone.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la commission des affaires économiques, conformément aux prérogatives qui appartiennent au Parlement, s’était engagée dans une démarche globale de contrôle de l’action de l’exécutif, et estimé que le travail effectué sur le chlordécone en fournissait une illustration exemplaire.

Les problèmes soulevés par l’utilisation de certains pesticides aux Antilles, examinés de façon exhaustive par la mission d’information de 2005, réalimentés par des polémiques en 2007, ont été instruits par le comité de suite créé en novembre dernier et présidé par M. Jacques Le Guen qui, après avoir procédé à de nombreuses auditions, notamment de personnalités scientifiques et de responsables d’organismes publics, s’est rendu, en janvier 2008, à la Guadeloupe et à la Martinique afin de mesurer sur place la mise en œuvre des préconisations de la mission d’information, l’état actuel de la question et l’avancement des réponses qui lui sont apportées.

M. Jacques Le Guen a indiqué que « l’affaire du chlordécone » a provoqué aux Antilles françaises, un traumatisme psychologique. Sur ces terres balayées par les ouragans et menacées par les séismes, l’utilisation mal contrôlée de pesticides, pourtant indispensables à l’économie de la banane, est venue ajouter un troisième facteur d’angoisse.

Il a estimé que, parmi des populations qui, bien souvent et quelquefois à juste titre, se sentent un peu délaissées par les préoccupations de la métropole, l’éloignement et l’insularité se sont combinés pour dramatiser le problème, multiplier les enjeux, compliquer les données.

La mission d’information de 2005 avait déjà fait ce constat préoccupant. Trente mois plus tard, il demeure, même si l’appréhension de la question s’est déplacée, si l’angoisse s’est apaisée et si la recherche des responsabilités a fait place à celle des solutions.

La mission d’information avait effectué un travail en profondeur, qui avait permis d’examiner le problème sous tous ses aspects et de formuler un certain nombre de recommandations dans un esprit consensuel.

Celles-ci conservent toute leur pertinence mais après leur formulation, un certain temps de latence a été observé par l’administration. Visiblement, elle ne savait pas par quel bout se saisir du problème.

Rien n’est encore certain ni surtout complet dans ces affaires : ni la dangerosité du produit pour la santé, ni ses effets sur l’environnement. Sur ces deux plans, si de très nombreuses études ont été réalisées depuis 2002 et sont programmées pour les deux années qui viennent, l’incertitude n’a été qu’assez peu réduite.

Globalement, le diagnostic posé par le rapport de 2005 demeure valable. Il n’est à nuancer que sur des points mineurs, notamment sur l’historique de l’introduction et de l’utilisation du chlordécone. Alors que nous écrivions que ce pesticide avait été breveté en 1952 aux États-Unis, commercialisé à partir de 1958 et utilisé de plus en plus intensément jusqu’en 1975, avant d’être interdit en 1976 – toutes choses exactes bien sûr – nous ignorions que dès 1968, la Commission des toxiques, chargée d’évaluer l’impact des produits phytosanitaires, avait d’abord préconisé l’interdiction du chlordécone en raison « de ses dangers potentiels pour la santé humaine et animale » avant de lui accorder, le 2 février 1972, une autorisation provisoire compte tenu des exigences de la lutte contre le charançon du bananier et des qualités du produit :  remarquable taux de résultat, faiblesse des quantités à utiliser — 50 kg par hectare contre 350 pour les pesticides précédents —, fixation du produit dans le sol.

Il faut rappeler qu’on ne doit jamais juger les comportements d’une époque avec les connaissances scientifiques d’une époque ultérieure. 

L’autorisation était provisoire, pour un an, mais comme il advient souvent avec les administrations publiques, on oublia le sujet : le provisoire fut consolidé de fait, d’autant mieux que le produit donnait toute satisfaction aux utilisateurs. L’homologation, on le sait, n’intervint que dix ans plus tard, le retrait d’autorisation huit ans après, pour une fin d’utilisation, probable, en 1993.

Le rapport de 2005 l’a déjà souligné mais nous devons rester vigilants : la valse hésitation des pouvoirs publics en la matière a révélé des dysfonctionnements qui, en d’autres circonstances, pourraient se reproduire et qui résultent pour l’essentiel :  de la longueur et de la complexité des procédures, aggravées par la distance, à la fois géographique, juridique et psychologique avec la métropole, une mauvaise mémoire administrative générale et un nombre excessif d’organes appelés à intervenir et, bien souvent, mal coordonnés ont également joué un rôle.

Après le dépôt des recommandations de la mission d’information, l’État a mis quelque temps à réagir mais, une fois ses différentes structures articulées entre elles, le dossier a été traité, et continue de l’être, avec sérieux.

M. Jacques Le Guen a considéré qu’il était aujourd’hui possible de reprendre chacune des dix recommandations formulées en 2005 et de constater qu’en face de chacune d’elle, une action a été entreprise.

S’agissant du droit à compensation pour les agriculteurs antillais « sinistrés », plusieurs réunions de concertation se sont tenues mais n’ont toujours pas débouché sur des résultats concrets ; les syndicats d’agriculteurs continuent de réclamer une aide à la conversion et l’annulation, ou la réduction, de leurs dettes sociales et fiscales ;

Le décloisonnement de l’action publique a incontestablement progressé depuis que, le 22 décembre 2006, a été nommé un chargé de mission interrégional, M. Éric Godard (ingénieur général de la santé) en tant que délégué interministériel chargé de la coordination de l’ensemble des services de l’État va dans le même sens et a permis la finalisation d’un plan d’action, qui a été présenté à la Martinique et à la Guadeloupe les 21 et 22 janvier derniers, au lendemain donc la mission parlementaire.

La troisième recommandation proposait de faire des deux groupes régionaux phytosanitaires — le GREPP à la Martinique et le GREPHY à la Guadeloupe — les acteurs de veille et d’alerte des pouvoirs publics. M. Jacques Le Guen a indiqué avoir constaté que tel était bien le cas désormais. Les deux groupes se réunissent régulièrement et se sont élargis à l’ensemble des organismes et des groupes d’intérêts parties prenantes. Ils constituent un lien de dialogue et de coordination des acteurs publics, que tous se sont plus à souligner lors de la récente visite du président du Comité de suite.

En ce qui concerne l’encadrement renforcé de l’emploi et de la commercialisation des pesticides, deux déclinaisons de cette recommandation ont fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics. Afin de faciliter les homologations pour les usages mineurs tout en renforçant le suivi des produits, ces usages ont fait l’objet d’un recensement ; ainsi que les méthodes alternatives effectivement employées. Un catalogue a été en outre établi des pratiques phytosanitaires et des monographies décrivant, par culture les différentes contraintes environnementales et sanitaires pour les ouvriers agricoles.

S’agissant de l’incitation aux bonnes pratiques agricoles passait, selon la mission de 2005, à la fois par la conditionnalité des aides publiques à l’égard des « bonnes » pratiques agro-environnementales et l’utilisation « raisonnée » des produits phytopharmaceutiques et par l’amélioration de la formation, initiale et continue, des agriculteurs au bon emploi des pesticides.

Sur le premier point, d’importants efforts de sensibilisation ont été accomplis, notamment pour la culture de la banane et de la canne à sucre, dans le cadre du décret du 9 février 2006 relatif aux bonnes conditions agricoles et environnementales dans les départements d’Outre-mer.

Sur le deuxième point, une série de formations a été assurée par les Centres de formation professionnelle pour adultes : 2 500 agriculteurs en ont déjà bénéficié.

Par ailleurs, le soutien de la recherche constitue évidemment une recommandation centrale. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique au service du développement des pays du sud et de l’Outre-mer français, travaille, en coopération avec l’INRA, à la mise au point de méthodes d’analyse plus performantes qui permettraient un repérage rapide du chlordécone ;

La protection de la ressource en eau passe par la mise en place de périmètres de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable. Un certain retard a été pris en la matière à la Guadeloupe où la procédure de protection de 60 captages en cours d’exploitation est seulement à l’étude ou en cours d’instruction et ne devrait être finalisée que dans les deux ans. Les procédures sont plus avancées à la Martinique : la délimitation des périmètres de protection devrait être achevée au cours du premier trimestre 2008. En outre, les filtres à charbon actif usagés ayant servi à produire l’eau potable posent un problème de stockage et de traitement non résolu à ce jour.

La filière de prise en charge des pesticides en fin de vie, dont la mise en place est préconisée, a été renvoyée, par le Gouvernement, au Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides (PIRRP), dit « plan d’action » qui vient d’être présenté.

La neuvième recommandation de la mission comportait une série de préconisations qui en faisaient un petit programme : renforcer l’analyse des sols et des légumes racines ; appliquer des sanctions aux contrevenants ; assurer la destruction des légumes racines pollués ; évaluer les risques liés à la consommation des eaux de sources, des produits des jardins familiaux et de ceux de la pêche ; créer un registre des cancers en Guadeloupe (comme il en existe déjà un en Martinique) ; améliorer le suivi épidémiologique de la population.

Dès octobre 2005, l’administration a fixé, par arrêté ministériel, des teneurs maximales en chlordécone contenues dans les denrées végétales et animales, dites limites maximales de résidu (LMR), à raison de : 50 microgrammes/ kg pour les aliments les plus consommés, notamment les légumes racines et 200 microgrammes pour les autres aliments.

Depuis cette date, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a estimé, suite notamment à un rapport de l’OMS de juillet 2007, qui soulignait la grande vulnérabilité des enfants aux pesticides, qu’il convenait de renforcer ces normes en abaissant les LMR, à 20 microgrammes/kg pour les aliments potentiellement cultivés aux Antilles et à 10 microgrammes/kg, ce qui correspond aussi à la limite de détection.

Une troisième norme interviendra ultérieurement pour les produits de la pêche.

M. Jacques Le Guen a indiqué que cette mesure le laissait perplexe : modifier ainsi les LMR, au titre du principe de précaution, a un effet psychologique déplorable sur les populations concernées, à qui on donne l’impression d’avancer à l’aveuglette. Tous les scientifiques s’accordent à considérer que les LMR en vigueur sont largement suffisantes pour pallier les risques éventuels d’un produit dont la toxicité n’est toujours pas démontrée, depuis trente-cinq ans d’utilisation.

Pour le reste, les mesures préconisées par la recommandation relèvent du plan d’action, ainsi que la dixième et dernière recommandation de la mission : lancer un programme de recherche sur la remédiation des sols et arrêter le plan de soutien aux agriculteurs.

Le plan d’action qui vient enfin d’être bouclé et présenté ne constitue cependant que des orientations encore susceptibles d’amélioration et de compléments. En outre, son exécution devra faire, en continu, l’objet de réajustements en fonction : des résultats obtenus et de l’amélioration des connaissances par les études et analyses en cours et à venir.

Le plan ne s’étend d’ailleurs que jusqu’en 2010 alors que la politique à mener s’inscrit sur un bien plus long terme. Il s’articule autour de quatre orientations : renforcer la connaissance des milieux, réduire l’exposition des populations et mieux connaître les effets sur la santé, assurer une alimentation saine et gérer les milieux contaminés, améliorer la communication publique afin que les populations se sentent informées et impliquées.

Le président du comité de suite a estimé que ces orientations paraissent aller dans le bon sens. Elles tiennent compte de tout ce qui a été fait et préconisé depuis 2002 et sont assorties d’un volet financier d’un montant total de 36,2 millions d’euros établi sur 3 ans et provenant de l’État pour 22,7 millions, de fonds européens pour 10,5 millions, des collectivités territoriales pour 3 millions.

Il conviendra de veiller, dans le cadre de la Commission des affaires économiques, à ce que les crédits d’État soient bien des dotations nouvelles et non le résultat de transfert au détriment d’autres postes budgétaires de l’outre-mer.

La connaissance des milieux déjà bien avancée, sera perfectionnée par une cartographie de plus en plus fine et régulièrement mise à jour, qui débouchera sur un système d’information géographique (SIG), conçu comme un outil d’aide à la décision pour les services de l’État.

Les analyses de sol et de produits, agricoles et de la pêche, sont aujourd’hui réalisées dans des délais trop longs car la plupart des échantillons sont envoyés en Métropole, à l’Institut Pasteur, lorsqu’ils proviennent de la Guadeloupe, au laboratoire départemental de la Drôme, à Valence, lorsqu’ils proviennent de la Martinique. Lors de la visite sur place, il est apparu que les deux laboratoires locaux se livraient une sorte de concurrence stérile, qui ne faisait que refléter la rivalité traditionnelle des deux réseaux dont ils relèvent : celui des laboratoires départementaux de santé, services publics de proximité sous tutelle du Conseil général, et celui de l’Institut Pasteur, fondation nationale privée, délégataire de service public par l’État.

A la Martinique, le département a déjà pris les devants, pour se doter d’un nouveau laboratoire qui soit en mesure d’analyser sur place les pesticides dans ce qu’on appelle « l’ensemble des matrices », toutes matières minérales, végétales ou animales susceptibles de contenir les produits recherchés. Les équipements ont été commandés, certains déjà livrés. Restent à obtenir les accréditations nécessaires, prévues pour 2009, et qu’il serait souhaitable d’accélérer.

A la Guadeloupe, le laboratoire de l’Institut Pasteur devrait, dans le cadre du plan d’action, renforcer ses capacités d’analyse dans les matrices eau et sol. Il nous paraît souhaitable d’aller plus loin et d’instituer, selon des modalités à préciser mais auxquelles nous pouvons apporter notre contribution, une collaboration scientifique interdépartementale.

Afin de réduire l’exposition des populations, le plan propose deux grandes séries d’actions, les premières pour mieux connaître les risques, ce qui nécessite notamment de renforcer le registre des cancers à la Martinique et d’en créer un à la Guadeloupe. Didier Houssin, coordonnateur du plan d’action, a assuré avoir obtenu l’accord des pouvoirs publics pour cela et des moyens nécessaires dès 2008. Il convient également de créer un registre des malformations congénitales et de mettre en place un dispositif de toxivigilance dans les deux départements. Enfin, il faut installer un comité scientifique international pour proposer les recherches complémentaires qui s’avéreraient nécessaires.

La deuxième série d’actions vise directement les populations dans leur vie quotidienne. Il s’agit d’abord d’abaisser les LMR, ce qui appelle des réserves. Il s’agit ensuite de renforcer les contrôles de l’État sur les denrées alimentaires produites, consommées ou mises sur le marché, en particulier les produits d’élevage, ceux de l’aquaculture en eau douce et ceux de la mer.

Le problème de l’auto consommation agricole a fait l’objet d’un soin tout particulier. Une étude dite JAFA, pour jardins familiaux, vient de montrer que les populations les plus modestes se nourrissaient de légumes racines, qu’elles produisaient dans leurs jardins ou échangeaient avec leurs voisins, dans des proportions beaucoup plus élevées que ce que l’on croyait a priori. L’AFSSA en a tiré la conclusion que l’exposition au chlordécone en était d’autant aggravée et qu’il convenait donc, outre la baisse des LMR, de recommander aux personnes concernées de limiter leur consommation. M. Jacque Le Guen a précisé que cette approche le laissait dubitatif car elle ne propose aucune solution alternative et paraît contradictoire avec d’autres normes : ainsi, en métropole, sommes-nous incités à consommer au moins cinq légumes et/ou fruits différents par jour alors que, dans le même temps, on conseille à des populations extrêmement modestes de faire moins appels aux produits de leurs terres, qui sont pour eux les seuls économiquement abordables. Il paraît donc nécessaire de se montrer plus ambitieux et plus volontaristes en la matière, c’est-à-dire d’identifier avec le maximum de précision les populations concernées et d’élaborer, en leur faveur et au nom de la solidarité nationale, un programme intégré d’accompagnement alimentaire.

S’agissant de la situation des travailleurs agricoles qui se sont trouvés, dans le passé, exposés à un niveau élevé de chlordécone, le plan d’action prévoit, très opportunément d’organiser un suivi médical spécifique et de produire, d’ici à la fin juin 2008, des recommandations d’actions à mener auprès des travailleurs et des anciens travailleurs des bananeraies. Il est également décidé d’étendre le réseau Phyt’attitude aux départements d’outre-mer. Ce réseau, mis en place il y a dix ans en métropole par la Mutualité sociale agricole vise à mieux mesurer les risques liés aux pesticides, à tous les pesticides, pour la santé des travailleurs agricoles. Mais la MSA n’existe pas outre-mer où seul existe le régime général de sécurité sociale. A la demande du ministre chargé de l’Agriculture, le Gouvernement, en liaison avec les partenaires sociaux, a donc décidé son extension.

La troisième orientation du plan d’action vise à assurer une gestion optimale des sols contaminés. Pour ce faire, le plan prévoit de renforcer l’accueil et le conseil aux agriculteurs installés sur des sols contaminés et de proposer à chacun une aide à la décision comme, par exemple, un assolement pertinent, ou une réorientation vers des cultures non sensibles sur la base d’un diagnostic à la parcelle avec analyse du sol. Il a aussi été décidé d’obliger tout bailleur ou vendeur de terrain à faire réaliser une mesure de la présence de chlordécone et de mobiliser les terres en friche afin de permettre l’installation d’exploitant et la production de cultures sensibles. Sur ce dernier point, fondamental, le plan d’action devrait aller plus loin. En effet, surtout en Martinique, sévit une spéculation immobilière qui aboutit à un grand gaspillage de terres, notamment de terres saines. Il serait judicieux d’étudier une politique foncière globale, avec l’aide des chambres d’agriculture et le « bras armé » des SAFER.

Le soutien et l’accompagnement des agriculteurs directement impactés n’ont pas été omis par le plan d’action. Toutefois, son contenu est relativement décevant à ce titre et devra donc être, complété à terme. Les besoins de l’agriculture touchée ne pourront, en effet, être parfaitement connus qu’au fur et à mesure de la réalisation des diagnostics. Les mesures possibles ne sont donc guère mentionnées qu’en filigrane : aider à la reconversion, préretraites, aides aux investissements, formation.

Là encore, des études préalables sont indispensables, notamment pour mieux percevoir les marchés et les débouchés possibles des cultures dites de reconversion. Le CIRAD et l’INRA ont déjà commencé à procéder à certaines d’entre elles : sur le bois, la biomasse, les biocarburants. Mais tout cela reste embryonnaire et, surtout, peu convaincant aux yeux des populations concernées.

Le plan d’action exprime enfin la nécessité de mieux communiquer en direction du public. On ne répétera jamais assez l’importance des aspects psychologiques de ce dernier. Réparer, rassurer et remédier doivent être inscrits comme les trois maîtres mots.

Après l’exposé de M. Jacques Le Guen, M. Serge Letchimy s’est félicité de la détermination de la commission et de l’existence d’un plan d’action gouvernemental, même si celui-ci prête à certaines critiques. S’agissant des limites maximales de résidus (LMR), il s’est déclaré favorable à la mise en œuvre du principe de précaution. Il a ensuite insisté sur l’importance du réseau de toxicovigilance et sur les mesures de reconversion qui devaient être proposées aux agriculteurs antillais, le plan d’action ne paraissant pas leur accorder une place suffisante. L’identification des terres infectées doit être menée à son terme et le préjudice subi par leurs propriétaires mesuré avec précision.

S’agissant du budget qui accompagne le plan d’action, il convient maintenant de savoir plus précisément ce qu’il sert à financer, avec quels objectifs, quel type d’économie envisageable sur les terres polluées. Les moyens financiers et techniques ne suffisent pas. Il faut aussi introduire une réglementation foncière qui permette de lutter contre la spéculation et de définir une politique urbaine cohérente.

Enfin, il ne faut pas oublier les problèmes posés par l’utilisation d’autres pesticides, tels que le paraquat, et par l’épandage aérien.

M. Alfred Almont a approuvé l’engagement fort de la commission et salué le travail approfondi du comité de suite. Il a souscrit au principe de précaution et signalé l’importance d’une gestion optimale des sols ainsi que la nécessité de songer aussi aux autres pesticides.

Puisqu’une commission d’enquête n’était pas possible en raison des procédures judiciaires en cours, le contrôle, par le Parlement, de l’action du Gouvernement lui a paru la formule la meilleure.

M. André Chassaigne s’est dit impressionné par la qualité du rapport et a posé des questions sur :

– les changements à venir de pratiques agricoles, en liaison avec l’enseignement agricole local ;

– les aides à la conversion envisageables, étant rappelé que des syndicats agricoles ont déjà formulé des propositions précises à ce sujet ;

– l’articulation entre les questions soulevées dans le rapport et la réforme de la PAC ;

– les perspectives offertes par la bio-diversité.

M. Jean-Yves Le Déaut a souligné la qualité du travail présenté et rappelé que, l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ayant été saisi de la question des pesticides aux Antilles, il en était le co-rapporteur avec la sénatrice Catherine Procaccia.

Il s’est ensuite interrogé sur :

– la part qui reviendrait à la recherche dans les 36,2 millions d’euros annoncés par le Gouvernement pour financer le plan d’action ;

– les actions spécifiques à mener en matière de toxicovigilance ;

– la révision des LMR qui ne semble pas s’appuyer sur des bases scientifiques solides ;

– les techniques existantes de remédiation et, plus spécialement, de phytoremédiation des sols.

Le président Patrick Ollier a ensuite proposé à la commission de voter la mise en place d’un « comité de contrôle et de proposition », dont il a souligné qu’il constituait une première, afin de suivre et de surveiller au plus près l’action à venir du Gouvernement, étant entendu que ce comité devrait travailler en liaison étroite avec l’Office qui, seul, traiterait des aspects scientifiques du sujet.

La commission des affaires économiques a adopté cette proposition à l’unanimité et composé ainsi le comité de contrôle et de proposition sur le chlordécone :

président : M. Jacques Le Guen

membres : MM.  Alfred Almont

——fpfp——