Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Mercredi 28 mai 2008

Séance de 19 heures

Compte rendu n° 55

Présidence de M. Patrick Ollier Président

Nomination des candidats à une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi adopté avec modifications, par le Sénat, en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 739) (Mme Catherine Vautrin, rapporteur) 2

– Examen en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi de modernisation de l’économie (n° 842) (M. Jean-Paul Charié, rapporteur) 2

– Examen de la proposition de résolution de M. André Schneider sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie (n° 887) (M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur) 3

La commission a procédé à la désignation de candidats pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 739) ; ont été nommés :

Titulaires

Suppléants

M. Patrick Ollier (UMP)

    M. Michel Raison (UMP)

Mme Catherine Vautrin (UMP)

    Mme Marie-Louise Fort (UMP)

M. Dino Cinieri (UMP)

    M. Jean-Philippe Maurer (UMP)

M. Eric Ciotti (UMP)

    Mme Catherine Quéré (S.R.C.)

Mme Corinne Ehrel (S.R.C.)

    M. Jean-Pierre Abelin (NC)

Mme Geneviève Gaillard (S.R.C.)

    M. André Chassaigne (GDR)

M. Jean Gaubert (S.R.C.)

 

◊ ◊

Le Président Patrick Ollier a évoqué le calendrier de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, qui a évolué du fait du prolongement du débat sur les institutions. Il a souligné que la commission devrait encore se réunir plusieurs fois pour examiner l’ensemble des amendements déposés sur le projet qui s’élèvent à plus de mille, souvent déposés tardivement, en plus de ceux que la commission a examinés lors de ses réunions du mercredi 21 mai.

M. François Brottes, évoquant la procédure d’examen des amendements en séance publique, a estimé qu’il n’était pas conforme au Règlement quel le rapporteur d’un texte, ou le président de la commission, retirent en séance, de leur propre chef, un amendement adopté par la commission.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que l’usage l’autorisait et que, s’il était amené à le considérer nécessaire, un président de commission pouvait toujours décider d’une réunion impromptue pour trancher un point de ce genre.

◊ ◊

Puis la commission a examiné en application de l’article 88 du Règlement, les amendements au projet de loi de modernisation de l’économie (n° 842) (M. Jean-Paul Charié, rapporteur).

◊ ◊

La commission a ensuite examiné sur le rapporteur de M. Jean-Claude Lenoir la proposition de résolution de M. André Schneider sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie (n° 887).

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que la proposition de résolution faisait suite à la présentation par la Commission européenne à l'automne 2007 de cinq propositions visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel, composant le « troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie ».

L’examen de ces textes, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, a fait l'objet d'une procédure spécifique et nouvelle. Les Présidents Pierre Lequiller et Patrick Ollier ont en effet souhaité la constitution d'un groupe de travail commun à la Délégation et à la Commission des Affaires économiques. Cette démarche a permis de travailler ensemble en amont, d’une façon cohérente et concertée.

Le « troisième paquet » est connu avant tout pour imposer aux entreprises intégrées de gaz et d’électricité, essentiellement EDF et GDF en France, la séparation patrimoniale, c'est-à-dire totale, de leurs réseaux de transports.

Toutefois, les propositions de la Commission européenne comportent également des propositions plus consensuelles, visant à mieux organiser, mieux structurer le marché.

Elles procèdent ainsi à une harmonisation des compétences des régulateurs nationaux de l'énergie, qui se traduit par une indépendance accrue et, pour la plupart d'entre eux, une extension de leurs compétences. La création d’une Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (l’ACER) doit renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales de régulation qui s’effectue actuellement par l’intermédiaire du Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz (ERGEG).

La Commission européenne propose également de formaliser la coopération des gestionnaires de réseaux de transports (GRT) sur une base obligatoire, à travers une nouvelle institution : l’ENTSO (European network of transmission system operators). Les principales tâches confiées à ce réseau seront l’adoption, dans un cadre contraignant, de codes commerciaux et techniques, ainsi que l’élaboration d’un plan d’investissement décennal comprenant des perspectives sur l’adéquation des capacités.

M. Jean-Claude Lenoir toutefois plusieurs interrogations sur la nouvelle répartition des compétences entre les différents intervenants. Il est important de préserver une séparation claire entre ce qui relève de la surveillance du bon fonctionnement du marché (concurrence, accès au réseau, …) et appartient donc au domaine du régulateur et ce qui relève des compétences régaliennes (tarifs sociaux, protection des consommateurs, sûreté du système, sécurité d’approvisionnement, …).

Le paquet reconnaît la nécessité de mieux encadrer la coopération régionale.

Le groupe de travail estime qu’il faut veiller à ce que chaque État membre respecte des normes minimales de production d’électricité pour prévenir les incidents susceptibles de se produire du fait de la fragilité des réseaux de transport. La question environnementale ne doit pas cacher l’hypocrisie de certains États qui refusent de développer l’énergie nucléaire, tout en achetant à un moindre coût à leurs voisins de l’électricité ainsi produite.

La question plus polémique est évidemment celle de la séparation patrimoniale, qui concerne les réseaux de transport : les lignes à haute tension pour l’électricité, et les plus gros tuyaux pour le gaz. Les GRT devront constituer dans cette option des entreprises totalement distinctes des entreprises intégrées.

La Commission européenne prétend donner le choix aux entreprises entre la séparation patrimoniale et une solution alternative dite "ISO" (opérateur indépendant de système), qui impose la séparation entre l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et l’entité chargée de la gestion de ces mêmes infrastructures sans cession de propriété. Le groupe de travail estime que c’est une fausse alternative.

La logique même de la séparation patrimoniale impose que cette mesure s’applique indifféremment aux entreprises de l’Union européenne et aux entreprises de pays tiers. Cette clause des pays tiers est très mal perçue par la Russie qui a déjà protesté contre une mesure qui lui semble hautement discriminatoire.

Du fait des problèmes soulevés par cette demande de séparation patrimoniale, un front commun s’est constitué entre huit États membres (Allemagne, Autriche, Bulgarie, France, Grèce, Lettonie, Luxembourg et Slovaquie), qui constituent une minorité de blocage autour d’un fort axe franco-allemand.

La troisième voie repose sur deux ensembles de mesures :

– des mesures organisationnelles et relatives à la gouvernance du GRT, notamment la création d’un "officier de conformité" indépendant chargé de suivre la mise en œuvre du programme d’engagements établi par les GRT pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue ;

– des mesures relatives aux investissements, à la connexion au réseau de nouvelles capacités de production et à l’intégration des marchés par la coopération régionale. Notamment, un GRT refusant de mettre en oeuvre un investissement particulier devant être réalisé dans les trois prochaines années, pourra y être contraint par l'autorité nationale de régulation ou toute autre autorité publique compétente et des investisseurs tiers pourront présenter leurs propositions d’investissements.

Aucune clause particulière concernant l’accès des pays tiers aux réseaux n’est plus nécessaire.

Après avoir réagi d’abord très défavorablement, la Commission européenne a progressivement compris la force de notre opposition à la séparation patrimoniale, qui a été exprimée à plusieurs reprises auprès du commissaire à l’énergie, M. Andris Piebalgs. Un compromis pourrait se dessiner avec une alternative entre la séparation patrimoniale et la troisième voie.

La proposition de résolution que nous allons examiner, adoptée par la Délégation pour l’Union européenne, a été établie au sein du groupe de travail, après des auditions et déplacements menés avec M. André Schneider. Le calendrier est rapide, le conseil énergie étant prévu le 6 juin, et le vote en session plénière au Parlement européen le 17 juin.

Les principaux points de la proposition de résolution sont les suivants :

– nécessité de mettre en œuvre une politique européenne de l’énergie fondée sur les objectifs de sécurité d’approvisionnement, de meilleur prix pour les consommateurs, et de lutte contre le réchauffement climatique ;

– préservation du domaine régalien (fixation des tarifs sociaux, des obligations de service public, etc.) ;

– demande du maintien des tarifs réglementés pour les particuliers comme pour les entreprises,

– opposition claire et définitive à la séparation patrimoniale, et soutien à la « troisième voie ».

Le président Patrick Ollier a salué la qualité du travail mené en commun avec la Délégation pour l’Union européenne, pour la première fois sous cette forme innovante d’un groupe de travail conjoint, comme cela a été fait par ailleurs avec le groupe de travail sur la révision de la politique agricole commune. Sur le troisième paquet énergie, le groupe de travail comprenait outre MM. André Schneider et Jean-Claude Lenoir, MM. François Brottes, Jean Dionis du Séjour, Daniel Paul, Serge Poignant et Philippe Tourtelier, ici présents.

M. François Brottes, s’exprimant au nom du groupe S.R.C., a rendu hommage au rapporteur de la Délégation pour l’Union européenne, M. André Schneider, et salué la qualité des auditions et du travail du groupe. Il a indiqué que le groupe S.R.C. s’abstiendrait sur la proposition de résolution en raison de la formulation trop faible des points 5 et 6, visant la politique communautaire sur les contrats à long terme et la séparation patrimoniale. Les entreprises intégrées, que le groupe S.R.C. a toujours défendues comme telles, s’inscrivent aujourd’hui dans des logiques bien éloignées du service public de l’énergie. Ces comportements d’entreprises amènent parfois à des impasses sur les réseaux de transport et de distribution. La séparation patrimoniale du réseau de Gaz de France diminuerait nettement la valeur des actifs de l’entreprise et remettrait fortement en cause l’opération de fusion avec Suez, à laquelle le groupe SRC reste opposé. La position de la France sur le troisième paquet est sans doute inspirée par ces intérêts particuliers. Aucun bilan clair n’a été établi après l’incident de novembre 2006 du fait de l’entreprise E.ON, qui a pénalisé la moitié de l’Europe, et provient certainement de la confusion de ses fonctions de producteur et de transporteur. La nécessité de protéger les réseaux de transport de certaines dérives et exigences de rentabilité impose aujourd’hui de réenvisager la question de la séparation patrimoniale.

Les autres points de la résolution paraissent très positifs.

M. Daniel Paul, a indiqué que le groupe GDR s’abstiendrait également, pour les mêmes raisons, après avoir salué la volonté de la commission des affaires économiques d’associer à ces travaux l’ensemble des groupes politiques. Le paysage énergétique a changé avec l’accélération du processus de fusion de GDF et de Suez. Lors des auditions des présidents Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli en 2006, ces derniers avaient admis que la séparation patrimoniale des réseaux ferait perdre l’essentiel de son intérêt à la fusion. Il y a quelques jours, M. Jean-François Cirelli a estimé que la séparation patrimoniale ne correspondait pas au modèle économique du groupe, équilibré entre les activités régulées et dérégulées, l’activité de transport représentant 15% du résultat net de GDF, mais seulement 7% de celui du nouveau groupe. Le réseau de transport de gaz a été construit par l’Etat et cédé à Gaz de France en tant qu’entreprise publique, qui était alors censée le rester. Aujourd’hui, GDF –Suez, groupe privé, n’est pas à même de conserver un actif aussi stratégique. La puissance publique doit reprendre le contrôle du réseau de transport, et préserver le caractère public du réseau de distribution. En conclusion, M. Daniel Paul a insisté sur l’importance du maintien des tarifs réglementés, notamment pour les entreprises.

M. Jean Dionis du Séjour, au nom du groupe Nouveau Centre, a déclaré que son groupe souhaitait le développement d’une forte concurrence sur le marché intérieur, avec un régulateur fort. Le renforcement des régulateurs nationaux et la nouvelle Agence européenne marqueront un vrai progrès, conformément au modèle qui a prouvé son efficacité dans le domaine des télécoms. Le maintien des tarifs réglementés est une question essentielle : la France doit conserver l’avantage compétitif dont elle dispose pour avoir fait le choix de l’énergie nucléaire. Quant à la séparation patrimoniale, elle représenterait un affaiblissement certain de nos grandes entreprises nationales : à cet égard, la position des groupes SRC et GDR est surprenante. Le groupe Nouveau Centre soutiendra la proposition de résolution.

M. Serge Poignant a exprimé sa satisfaction d’avoir participé à un travail très complet, et appelé à prendre en compte l’ensemble des points de la proposition de résolution, regrettant que le temps manque pour porter le débat en séance publique.

M. François Loos a qualifié d’excellent le texte proposé. La Commission s’efforce de régler les problèmes d’investissement qui se posent dans une vingtaine de pays européens, mais aucune discrimination n’est reprochée à nos gestionnaires de réseaux, sous le contrôle de la CRE. Dans ces conditions, il ne faut pas modifier le modèle français pour résoudre des problèmes qui se posent ailleurs, mais proposer au contraire la généralisation de notre système (un régulateur puissant, des investissements dans les réseaux).

M. François Brottes et M. Jean Gaubert ont objecté que le modèle français n’existe plus : le monopole des réseaux de transport sera bientôt cassé, et il faut sanctuariser les réseaux.

En réponse aux différents orateurs, le rapporteur a souligné que le paquet traite à la fois du gaz et de l’électricité. Il faut convenir que des différences existent pourtant : si l’on peut stocker le gaz, la sécurité du réseau électrique implique un équilibre permanent entre l’offre et la demande ; cette contrainte technique plaide contre la séparation patrimoniale. Depuis l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz, avec la loi du 10 février 2000, adoptée sous une autre majorité, nous avons l’expérience des vertus des gestionnaires de réseaux de transport, dont personne ne s’est jamais plaint.

Il a pris acte du soutien des orateurs des groupes UMP et Nouveau Centre, insisté à nouveau sur l’importance des enjeux de ce paquet communautaire pour la France, et regretté l’absence d’unanimité politique.

La séparation patrimoniale ne concerne que les réseaux de transport, et pas ceux de distribution.

Parmi les points positifs du troisième paquet, il convient de souligner les dispositions destinées à prévenir un black out comme celui de novembre 2006.

En 2006, rapporteur du projet de loi autorisant la privatisation de Gaz de France, il avait présenté pendant l’été une hypothèse de travail (privatiser les activités concurrentielles et maintenir les réseaux dans la sphère publique, sans rencontrer le moindre écho.

Il est évident que les réseaux assurent une rente aux entreprises intégrées ; la troisième voie proposée par la France permet à la fois de préserver son patrimoine et son indépendance.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution, sans modification, les groupes SRC et GDR s’abstenant.

——fpfp——