Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mercredi 2 juillet 2008

Séance de 18 heures 15

Compte rendu n° 64

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Le Président Patrick Ollier a accueilli M. Jean-Pierre Jouyet et lui a indiqué que la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire portait ses réflexions sur les problèmes de la vie quotidienne des Français et qu’elle est très concernée par la législation européenne. Madame Catherine Vautrin, membre du bureau de cette commission, a eu pour mandat d’en coordonner les activités européennes. Par ailleurs, dans le cadre de la présidence française, sera organisée le 10 juillet par la commission une journée consacrée au thème « transports et développement durable », réunissant les présidents des commissions parlementaires en charge de ce secteur pour 27 États membres ainsi que pour le Parlement européen.

M. Jean-Pierre Jouyet a fait part de son plaisir d’intervenir devant la commission au deuxième jour de la Présidence française de l’Union européenne. Il a rappelé que la Présidence française s’inscrivait dans un contexte économique et financier qui constituait un réel défi pour l’Europe.

Ce semestre s’engage dans un contexte particulièrement instable :

– la hausse des prix de l’énergie et des matières premières est devenue la préoccupation principale de nos concitoyens. La Présidence française commence avec un nouveau record du prix du baril de pétrole à 143 $ ; à quel niveau sera-t-il en décembre prochain ? La conséquence directe pour l’Europe est un niveau d’inflation que l’on n’avait pas connu depuis les années 90 (4 % en juin) ;

– les turbulences sur les marchés financiers semblent, par ailleurs, reprendre de l’ampleur. La baisse des principaux indices atteint maintenant 20 % sur un an et les inquiétudes demeurent quant à la santé du secteur financier ;

– la croissance économique européenne résiste mieux que celle des États-Unis, mais elle semble donner des signes de ralentissement, notamment dans des pays autrefois très dynamiques, comme l’Espagne ou l’Irlande.

Dans ces conditions, les attentes des concitoyens et de nos partenaires sont fortes vis-à-vis de notre Présidence. Comme l’a indiqué le Président de la République, la Présidence française retient cinq grands objectifs.

Le premier objectif immédiat, suite au Conseil européen de juin, est d’apporter des réponses concrètes à la montée des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Le Président de la République a fait des propositions à ce sujet à nos partenaires européens, notamment en matière de plafonnement des recettes de TVA. D’autres propositions ont été mises sur la table par certains États membres. En lien avec la Commission, la Présidence française s’est vue confier la tâche de faire rapport au Conseil européen d’octobre prochain sur les différentes pistes d’actions envisageables dans ce domaine et leur efficacité relative. Il s’agit donc d’une priorité immédiate pour la Présidence, dans un domaine où les institutions communautaires peuvent révéler leur capacité effective d’agir. La passivité de l’Europe serait incompréhensible ; nous espérons donc que le débat ouvert à l’initiative de la France permettra de convaincre nos partenaires de la prise de mesures immédiates mais aussi à plus long terme. Il faut soulager les effets de la crise pétrolière pour les ménages et les professions les plus touchées, tout en accompagnant la transition de l’économie européenne vers une gestion plus économe en énergie et une agriculture de production durable.

Le second objectif consiste en la définition d’une réponse européenne à la crise financière et en la poursuite de l’intégration financière de l’Europe. Nous mettrons l’accent sur la mise en œuvre de la « feuille de route » définie en 2007 par le Conseil européen, en vue de renforcer la transparence dans le secteur financier, de renforcer les pouvoirs des superviseurs et de réformer les agences de notation et les normes comptables. Mme Christine Lagarde devrait ouvrir le débat sur les agences de notation dès le prochain « Conseil Ecofin ». La question de l’organisation européenne de la supervision sera aussi une très forte priorité et sera abordée au « Conseil Ecofin » informel de septembre ; le Gouvernement espère pouvoir trouver un accord politique d’ici à la fin de l’année.

Le troisième objectif est celui de la compétitivité. Nous voulons soutenir fortement la proposition de la Commission sur un « Small Business Act » à l’européenne. Il nous faut une stratégie d’ensemble de soutien au développement des PME européennes résultant de l’adoption d’une série de mesures portant sur l’accès aux marchés publics, l’allègement de la réglementation, l’accès aux financements et le statut de la société privée européenne. Nous souhaitons en outre parvenir à un accord sur les taux réduits de TVA, afin de soutenir l’emploi dans les entreprises de services de proximité.

La Présidence française accompagnera en outre les initiatives proposées par la Commission portant sur l’organisation de la mobilité des chercheurs, la création d’un Institut européen d’innovation et de technologie, la mise en œuvre de la politique industrielle durable de l’Union, le soutien à la recherche en matière énergétique et environnementale et, enfin, la TVA « verte ». En matière d’emploi, le Gouvernement proposera le renforcement de l’éducation tout au long de la vie et la modernisation de la formation professionnelle. Il mettra l’accent sur le brevet communautaire, cherchant à lever les blocages qui demeurent sur ce dossier essentiel, notamment en ce qui concerne le système juridictionnel. Seront également à l’ordre du jour le renforcement du marché intérieur, par la lutte contre la contrefaçon et, pour le volet fiscal, contre la fraude à la TVA, mais aussi par la protection des consommateurs, avec notamment une revue de l’acquis communautaire.

Le quatrième objectif est celui de « l’Europe qui protège » face aux inquiétudes nées de la mondialisation. Ce message, porté par le Président de la République depuis son élection, a trouvé des échos favorables auprès de la Commission européenne et de certains de nos grands partenaires sur lesquels nous comptons nous appuyer.

Les différents « sommets » avec les pays émergents permettront de définir un message européen sur la gouvernance mondiale. Il faut en effet accompagner une prise de responsabilité nouvelle des grands pays émergents sur la scène internationale, car ces pays ont certes de nouveaux droits mais aussi de nouveaux devoirs. Il s’agit essentiellement sur ce point de la participation à la lutte contre le réchauffement climatique.

Ces « sommets » seront en outre l’occasion de rappeler l’exigence de bénéfices réciproques dans les échanges, sans lesquels la mondialisation ne peut être durablement acceptée. Sont en cause les fonds souverains, les normes environnementales et sociales, les questions monétaires internationales. Nous chercherons aussi à promouvoir les normes européennes en matière de services financiers, de droits du consommateur, de standards technologiques, de droit de la concurrence.

L’Europe doit ainsi être moins hésitante à affirmer sans complexes ses intérêts dans la mondialisation.

Le cinquième objectif, enfin, est celui de la stratégie économique européenne. Au niveau de la « zone euro », dans le cadre du débat lancé par la Commission pour les dix ans de l’euro, la France veut travailler avec l’Eurogroupe sur le renforcement de la coordination des politiques économiques, au-delà des seules considérations budgétaires. Il appartient d’abord au Président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Junker, de mener cette discussion ; Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, sera à ses côtés et fera des propositions concrètes. Il faut aussi conforter la voix de l’euro qui constitue désormais la deuxième monnaie mondiale sur la scène internationale.

Dans la perspective de la rénovation de la « stratégie de Lisbonne » après 2010, la France mettra également l’accent sur l’économie de la connaissance et sur le volet externe des politiques communes. Le Conseil européen de mars a officiellement mandaté le groupe des coordinateurs de Lisbonne, au sein duquel Mme Christine Lagarde représente la France, de faire des propositions en ce domaine. La Présidence française sera une force d’impulsion pour nourrir ce débat durant le prochain semestre.

Le programme de travail de la Présidence française est ainsi très ambitieux, mais il répond à l’exigence d’une Europe qui se donne les moyens d’agir dans un contexte international difficile. Le Gouvernement espère ainsi contribuer à réconcilier l’Union européenne avec les citoyens.

Le Président Patrick Ollier s’est félicité du dynamisme que ne manquera pas d’insuffler à l’Union européenne la présidence française.

M. Jean Gaubert a estimé que la présidence française de l’Union ne s’engageait pas sous de bons auspices, notamment après les récentes déclarations du Président de la République. Une « Europe qui protège » ne peut écarter d’emblée une approche sociale de l’Europe. L’Europe doit protéger sans être protectionniste. Elle doit adopter pour ses importations les mêmes normes sanitaires, industrielles et environnementales que celles qu’elle impose à ses Etats-membres. Les procédures de vérifications des produits importés doivent être harmonisées et mieux coordonnées entre les 27 Etats, de façon à ce que les contrôles soient menés, partout, avec la même rigueur. La réforme de la politique agricole commune ne doit pas être abordée avec naïveté, mais avec le même pragmatisme que les Etats-Unis et le Canada, qui n’hésitent pas à adopter des d’aides catégorielles compatibles avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il est loin d’être certain qu’une baisse de la TVA sur la restauration produise les mêmes effets bénéfiques que ceux qui ont accompagné la réduction à 5,5% de la TVA sur les travaux du secteur du bâtiment. Si une telle réduction devait devenir effective, il convient de déterminer dès à présent comment sera compensée la baisse de recettes qui en découlera. Enfin, s’agissant du secteur de l’énergie, la présidence française ne doit pas se résumer en une promotion des centrales nucléaires françaises, mais conduire plutôt à une meilleure coordination des politiques énergétiques des Etats.

Mme Catherine Vautrin a considéré que les objectifs fixés par la Présidence française correspondaient à un programme clair et constructif pour une Europe plus lisible et répondaient aux attentes de populations aspirant à une Europe plus concrète. Sur le plan énergétique, si la France est pour l’instant isolée quand à un plafonnement des taxes, il convient d’envisager les conditions d’une meilleure coordination des achats d’énergie au niveau européen. Il apparaît également indispensable de définir clairement les critères de viabilité environnementale des biocarburants. S’agissant de la recherche européenne, il est souhaitable, dans l’esprit de Lisbonne, de dynamiser une mutualisation des moyens nationaux. L’abaissement du taux de la TVA sur la restauration permettra d’apporter une réponse à l’attente de professionnels qui participe l’attractivité des activités touristiques nationales. La réforme de la PAC ne peut ignorer la crise alimentaire, elle doit l’intégrer dans ses perspectives, de même qu’elle ne peut méconnaître, d’un point de vue méthodologique, les articulations entre PAC, OMC et développement notamment des pays africains.

M. Jean Dionis du Séjour a fait part de la morosité et de la colère des membres du groupe Nouveau Centre suite au résultat négatif du référendum irlandais. Il ne saurait constituer une réponse au besoin d’une Europe au quotidien, à une Europe de projets. La présidence française doit être l’occasion pour l’Europe d’apporter des réponses claires à la question et aux modalités d’élargissement de l’Union. Les populations des Etats membres aspirent par ailleurs à plus de légitimité démocratique dans le fonctionnement des institutions européennes.

M. Yves Cochet a souscrit à l’analyse développée par M. Jean Dionis du Séjour sur l’insuffisance, pour emporter l’adhésion des citoyens au projet politique européen, d’avancées concrètes dans leur vie quotidienne, comme l’a montré le « non » irlandais, alors que ce pays a abondamment bénéficié des fonds européens, grâce auquel il a connu un spectaculaire développement. Ces avancées concrètes doivent être associées à un projet, à une vision politique.

En revanche, il s’est dit en désaccord sur la solution préconisée par l’orateur précédent, en particulier sur la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Cette adhésion est indispensable pour des raisons géopolitiques, car si la Turquie ne rejoint pas l’Europe, elle se tournera vers d’autres partenaires. Ceux qui refusent à la Turquie l’entrée dans l’Union avancent des arguments irrecevables, reprochant à ses citoyens d’être trop nombreux, pauvres et musulmans.

Pour sortir l’Europe de l’ornière, ne peut-on pas imaginer que le Parlement européen qui doit être élu en 2009 s’érige en Assemblée constituante et rédige une Constitution pour l’Europe ?

S’agissant du « paquet » énergie et climat, une initiative dans ce domaine était indispensable. La hausse du prix du pétrole présente un caractère structurel, et des mesures ponctuelles et ciblées sur telle ou telle catégorie sont insuffisantes. Il importe, singulièrement en Allemagne, que la réflexion sur la diminution des vitesses maximales autorisées aboutisse rapidement. Nos importations d’hydrocarbures s’élèvent à 50 milliards d’euros par an, et chaque année nous perdons entre 20 et 30 milliards d’euros. Les agrocarburants ne constituent pas une solution de substitution acceptable, car l’énergie nette dégagée est nulle voire négative. L’éthanol est une « bêtise », et il convient de ne pas persister dans la voie du développement des agrocarburants, qui conduit à une impasse de la même manière que le développement de l’A380 nous conduira dans une impasse d’ici quelques années, quand nous constaterons l’effondrement de l’aviation civile de masse.

En consultant le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pour 2007, on constate que le facteur de diminution des gaz à effet de serre est de 12 pour l’Europe et 20 pour la France. Or ce facteur a été fixé à 4 en 2002 par le premier ministre d’alors, M. Jean-Pierre Raffarin. Il convient de combler ce retard.

Enfin, s’agissant de l’équité et de la réciprocité des échanges commerciaux, il importe de fixer des éco-taxes et des socio-taxes afin d’éviter le « dumping » entre la zone euros et les pays tiers.

M. François Brottes a regretté que le Président de la République paraisse vouloir réduire l’opportunité de la présidence française de l’Union européenne à un simple support de communication de sa politique nationale. Ne peut on pas imaginer la diffusion d’un document et la communication sur les avantages de la monnaie unique, présentant ce que serait l’état de certaines données économiques si nous ne l’avions pas adoptée, comme par exemple le prix du baril de pétrole ?

M. Serge Poignant a souhaité s’associer aux interrogations de Mme Catherine Vautrin sur les questions énergétiques et agricoles, soulignant sur ce dernier point l’importance de défendre sans complexe les positions françaises sur la politique agricole commune et de gagner les esprits à l’idée d’une politique agricole qui constitue également une politique de territorialité.

Il a souligné les effets accomplis au niveau européen en matière de recherche ou de programmes d’échanges universitaires, indispensables à l’appropriation du projet européen par les citoyens et notamment par les jeunes, mais a souhaité que ces efforts se poursuivent, par exemple s’agissant de la reconnaissance mutuelle des diplômes.

M. Daniel Fasquelle s’est félicité de la volonté affichée de prendre les problèmes concrets des Européens à bras-le-corps, et de construire une Europe plus proche et qui protège.

Il s’est félicité de l’annonce faire par M. le secrétaire d’Etat au sujet du brevet communautaire, et a souhaité savoir si le projet d’une base de donnée commune des différents droits des Etats membres dans chaque langue nationale et en anglais était toujours à l’étude. Il convient en effet d’évoquer la question des langues de l’Union, et on ne peut que déplorer le caractère hégémonique de l’anglais, hégémonie au demeurant assez récente.

Par ailleurs, on ne peut aborder les questions agricoles sans celles de la pêche, qui traverse actuellement une crise grave. La France doit prendre des initiatives pour promouvoir une pêche durable, en particulier sur le fondement de quotas reposant sur des analyses scientifiques solides. Les pêcheurs en comprennent d’ailleurs parfaitement la nécessité, mais attachent énormément d’importance au sérieux des études sous tendant les décisions prises en la matière.

Enfin, on peut en effet se féliciter du succès du programme d’échange universitaire ERASMUS, mais des difficultés persistent s’agissant de l’harmonisation des diplômes. Les facultés de droit de Boulogne sur mer et de Canterbury dans le Kent ont tenté de mettre en place un diplôme commun et se sont heurtées à de nombreux obstacles.

M. Philippe Tourtelier a souhaité savoir si la démarche décrite par M. le secrétaire d’Etat consistant à lutter contre les distorsions de concurrence au niveau international allait être transposée au niveau intra-communautaire et si le chantier de l’harmonisation des normes sociales européennes par le haut allait être lancé.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, a évalué à 2000 milliards d’euros le coût du « paquet » énergie et climat, et a indiqué qu’il soulevait des problèmes d’application, compte tenu des cultures différents de chaque Etat membre, et des passés industriels différents. Quelles sont les chances de succès de cette initiative et quels sont les axes de travail de la présidence française en la matière ?

M. Michel Piron a souligné l’unicité de la politique monétaire, qui contraste avec la diversité des politiques économiques conduites par les différents Etats membres. Entre le modèle reposant sur le négoce et la financiarisation de l’économie et celui reposant sur la production, que l’on pourrait qualifier de modèle rhénan, comment se répartissent les préférences pour l’un ou l’autre au sein de l’Union ?

Dans le cadre des négociations menées par l’Organisation mondiale du commerce, les intérêts divergents notamment de ceux qui produisent et de ceux qui important, s’expriment. La vision qualitative de l’agriculture est-elle défendue et entendue dans ces négociations ?

Quelle politique l’Europe entend-elle mener afin de garantir la sécurité de notre approvisionnement énergétique ?

M. Jean-Paul Charié a rendu hommage à l’humanisme de M. le secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes, le qualifiant de « passeur des grandes valeurs européennes ». Il a insisté sur l’intérêt pour la France, pays fondateur de la Communauté européenne, de rappeler le bénéfice qu’ont tiré les Européens de la construction européenne qui a garanti la paix en Europe, a donné naissance à une monnaie commune, a apporté des solutions sur le problème de l’immigration ou soutient les pays en voie de développement. Il a souhaité savoir quelles mesures la France et l’Europe pourrait prendre pour contenir les dérives scandaleuses du capitalisme.

Le Président Patrick Ollier, évoquant le bilan de santé de la politique agricole commune, a fait allusion au dialogue dont l’issue est incertaine entre M. Pascal Lamy et M. Peter Mandelson. Si un accord devait être conclu en l’état actuel des discussions, est-il exact que celui-ci entraînerait une diminution de 20% de la production agricole française et une augmentation de 10% des importations ? Un conseil européen va-t-il être convoqué pour donner un mandat impératif de négociation à M. le commissaire européen en charge du commerce ?

Répondant à M. Jean Gaubert, M. Jean-Pierre Jouyet a rappelé le contexte difficile dans lequel débutait la présidence française de l’Union européenne, en particulier du fait du « non » du peuple irlandais, plus problématique sans doute que les réticences exprimées par la Pologne. S’agissant de ce dernier point, il convient de rappeler que M. Kaczynski a négocié longuement et personnellement ce Traité et qu’il l’a personnellement signé. Des raisons de politiques intérieures peuvent expliquer l’attitude de la République Tchèque, on peut le comprendre, mais ce qui se passe en Pologne, et l’attitude du président polonais ne relève pas de considérations politiques ; il s’agit d’une question de morale et de comportement, et c’est peu admissible. Ces difficultés vont sans doute pouvoir être surmontées rapidement, et l’on dispose à cette fin d’un ou deux mois, certaines ratifications ne devant pas intervenir avant le mois d’octobre ou de novembre, à l’instar de celle devant intervenir en République Tchèque. L’agenda de ratification n’y est pas modifié et les échéances de politique intérieure, élections sénatoriales et régionales ainsi que la décision de la cour constitutionnelle, seront respectées.

S’agissant du « non » irlandais, il convient de laisser à ce pays le temps suffisant afin que les Irlandais exposent les solutions qu’ils vont apporter, sachant qu’il ne peut y avoir de solution nouvelle. Nos partenaires ne souhaitent pas rouvrir des négociations sur un «paquet » qui a déjà été très difficile à obtenir, qui paraît équilibré aux uns et aux autres. Il ne s’agit ni du Traité de Nice, ni d’une Constitution, mais d’une solution qui permet à l’Europe d’avancer à plus de 27 membres.

Il n’y aura pas d’ailleurs d’élargissement tant que le Traité de Lisbonne n’aura pas été ratifié, y compris pour un pays comme la Croatie. Le compromis politique du Traité de Nice vaut pour 27 membres, pas plus ; certes l’aspiration à la paix entretient l’espoir de rejoindre l’Europe parmi un certain nombre de pays des Balkans, mais du fait du « non » irlandais, l’Europe dispose d’outils et notamment d’outils de décision conçus pour 27 Etats membres et pas pour un de plus.

Concernant l’Europe sociale, il faut reconnaître que l’essentiel des législations sociales demeure national et que les accords sociaux portent principalement sur des minima. La nécessité de trouver des compromis ne permet pas encore d’aller bien au delà mais l’objectif est affirmé de définir une solidarité européenne, notamment en matière de politique familiale, de politique de l’emploi et de lutte contre les discriminations. Il faut aussi prendre garde à ce qu’une certaine conception de l’Europe sociale ne remette pas en cause certains de nos acquis, particulièrement dans le domaine de la santé.

S’agissant des normes européennes et des produits importés, il faut accorder la priorité à la lutte contre les émanations de carbone, soit par des taxes adaptées, soit par l’intégration de certaines normes aux règles applicables aux importations. Il convient de prendre en compte les coûts écologiques dans les échanges ainsi que les risques de délocalisation, par exemple dans l’industrie des ciments.

La hausse de la TVA fera l’objet d’une proposition de la Commission européenne le 7 juillet prochain et devra, en France, être compensée en raison de l’état de nos finances publiques.

Dans le secteur de l’énergie, il ne faut pas se focaliser sur le nucléaire mais créer, en Europe, une solidarité énergétique plus forte, ce qui implique notamment des politiques de stockage en commun et l’organisation de la capacité de négocier avec les pays producteurs.

L’euro mérite que l’on valorise mieux ce qui a été fait, que l’on montre tous les avantages de la monnaie unique sans laquelle les crises et les bouleversements monétaires seraient beaucoup plus forts.

Le développement des bio-carburants nécessite que l’on vérifie les critères de leur viabilité environnementale et que l’on accélère le processus pour atteindre l’objectif, difficile, de 10 % de la consommation.

L’approvisionnement en produits pétroliers appelle une meilleure réglementation et une certaine mutualisation des stocks, ainsi que la mise en place d’un processus de gestion des crises.

Dans le domaine de la recherche, ici encore une meilleure mutualisation, des réseaux mieux intégrés et un décloisonnement des activités nationales et communautaires sont à privilégier, ce qui est l’orientation du VII ème programme européen de recherche et de développement.

La politique agricole commune (PAC) devant mieux s’articuler avec les négociations menées dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC), la France veillera à ce qu’un débat européen ait lieu sur son avenir sans qu’il soit réduit aux aspects budgétaires, et à ce que les négociations commerciales menées par la Commission soient plus transparentes.

L’Europe souffre aujourd’hui d’une absence d’approche globale des aspects alimentaires et commerciaux de la PAC et d’un trop grand déséquilibre des comptes.

Les objectifs de la présidence française assurent la continuité de l’Europe tout en s’attachant à lutter contre la financiarisation excessive de l’économie et à favoriser la priorité qui doit être accordée à la production de biens et de services. Le libre marché n’est pas une solution exclusive et doit être tempéré par une régulation, sur laquelle un accord devrait être trouvé avant la fin de l’année.

Les échanges de jeunes constituent le meilleur investissement de l’Europe au profit de ses valeurs. La mobilité des jeunes européens doit être accrue et, pour cela, les programmes devraient être dotés de moyens plus consistants, les procédures simplifiées et la durée des stages allongée.

Le plurilinguisme, exigence européenne, doit être protégé et développé.

M. Daniel Fasquelle a alors rappelé que le français était la langue du droit en Europe.

Au sujet de la pêche, M. Jean-Pierre Jouyet a indiqué qu’il fallait améliorer les quotas sans les remettre en cause et que l’action de la Commission devait être plus transparente, eu égard aux différences de perception des problèmes d’un pays à l’autre.

En ce qui concerne enfin la politique agricole et l’OMC, les efforts faits en faveur d’une production de qualité doivent être valorisés. Il n’y a pas de retenue à avoir vis-à-vis de la notion de préférence communautaire, sans toutefois faire référence à la PAC dans sa version antérieure à 1992. La France suivra les négociations avec vigilance, objectivité et minutie. La position de la future administration américaine sera particulièrement importante pour obtenir un accord à la fois équilibré et stable.

Le Président Patrick Ollier a remercié le ministre pour la clarté et la qualité de ses réponses, concluant l’audition par une invitation à revenir prochainement devant la Commission pour faire part des développements à venir, probablement début décembre, avant le Conseil européen.

——fpfp——