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Jeudi 3 juillet 2008

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 65

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Paul de Viguerie, rapporteur du Conseil Économique et Social, sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (N° 955) (M. Christian Jacob, rapporteur)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu M. Paul de Viguerie, rapporteur du Conseil Économique et Social, sur le projet de loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (N° 955) (M. Christian Jacob, rapporteur)

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a entendu M. Paul de Viguerie, rapporteur du Conseil économique et social sur le projet de loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

Le Président Patrick Ollier a accueilli M. Paul de Viguerie, rapporteur du Conseil économique et social (CES) pour le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a créé un comité de suivi du Grenelle de l’environnement qui a permis – avec le rapporteur du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, M. Christian Jacob, également président de la délégation de l’Assemblée nationale à l’aménagement et au développement durable du territoire, ainsi qu’avec M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques du Sénat, et ses collègues – de suivre la mise en œuvre des dispositions législatives, mais également d’examiner celles qui doivent être prises en compte dans le projet de loi de finances pour 2009 – les engagements chiffrés soulevant de légitimes interrogations.

M. Paul de Viguerie, rapporteur du CES sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, a tenu à remercier la commission de son accueil, au nom de M. Jacques Dermagne, président du Conseil économique et social, et de M. Bernard Quintreau, président de la section Cadre de vie.

Le rapport aujourd’hui présenté est le résultat d’un travail rapide puisque, saisi le 30 avril, le CES devait rendre un avis pour le 26 ou le 27 mai, ce qui explique certaines imperfections de son travail, qui a mobilisé cinq sections du CES, dont, au principal, celle du Cadre de vie.

Le contexte économique et social a changé depuis le début du processus du Grenelle.

Dès avant sa saisine, le CES avait déjà constaté que la conjoncture tant française qu’européenne avait évolué, la crise financière n’ayant pas été sans affecter certains équilibres micro et macroéconomiques ainsi que le climat social en raison des problèmes de pouvoir d’achat et de la hausse du prix du pétrole.

Depuis sa saisine et jusqu’à ce jour, le calendrier a connu quelques accélérations qui conduisent à nuancer certaines conclusions. C’est ainsi qu’après la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement, le conseil des ministres du 11 juin dernier a présenté le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, avec, en toile de fond, le paquet énergie-climat dont la négociation revient à la présidence française avec la présentation, les 8 et 9 juillet prochains, d’initiatives importantes en ce domaine. Le ministre d’État a confirmé la saisine du Parlement sur le projet de loi de programme à l’automne, dès le début de la session, texte qui devrait être suivi des textes d’application Grenelle 2 et Grenelle 3, annoncés pour la fin de l’année

Enfin, d’autres textes relevant de la politique générale devront respecter une certaine cohérence avec celui relatif au Grenelle de l’environnement, notamment le projet de loi portant engagement national pour le logement, dont le CES a été saisi et qui est relativement ambitieux dans ses objectifs.

Le CES non seulement a pris acte du processus du Grenelle, mais s’en est très largement félicité en lui reconnaissant un caractère innovant et intéressant. Il travaille d’ailleurs sur ces sujets depuis 1996 avec un premier rapport relatif au protocole de Kyoto. Le Conseil s’est surtout attaché à permettre au processus, qui constitue un enjeu pour la France et l’Europe, de se concrétiser dans les années à venir, en proposant une démarche de projet pour les prochains dix-huit mois et plusieurs préalables.

C'est ainsi qu’il a souhaité, dans une sorte de préambule, qu’avant la fin de l’année tous les textes du Grenelle soient votés et leurs textes d’application pris, car il s’agit d’un tout. À cet égard, comme la stratégie nationale de développement durable – SNDD – a été inscrite dans le préambule de la Constitution à la suite de l’adoption de la charte de l’environnement qui y est annexée, il est souhaitable que le processus s’inscrive dans ce contexte et que, chaque année, le débat annuel au Parlement sur la mise en œuvre de la SNDD puisse être suivi d’un vote, et que le CES soit saisi auparavant de l’évaluation et du suivi de la stratégie nationale de développement durable.

Le Conseil estime que, pour donner plus de force aux 273 engagements du Grenelle, quelques préalables doivent être réunis afin d’assurer la cohérence de tous les acteurs publics – État, collectivités territoriales, organismes parapublics nationaux ou locaux – impliqués dans le processus.

Le premier a trait à la recherche et à l’innovation. En effet, si un objectif est fixé en la matière en termes d’augmentation budgétaire, l’effort à effectuer n'est pas bien cerné. Dans le bâtiment, par exemple, le neuf bénéficie de recherches technologiques en termes notamment de nouveaux matériaux tandis que l’ancien est délaissé alors qu’il représente la plus grande part du parc du logement.

Le deuxième préalable porte sur la formation et la qualification. L’effort à réaliser dans les dix-huit mois dans ce domaine est extrêmement important. Tous les acteurs économiques, sociaux, associatifs représentés au CES, y compris les associations environnementales, ont déclaré n’être pas prêts à affronter le nouveau marché de l’emploi sur le plan ni de la qualification professionnelle ni de la reconversion, sachant que les dispositions prises devraient créer dans les cinq ou dix ans 500 000 emplois et des nouveaux métiers.

À ces deux préalables – la recherche et la formation –, sur lesquels l’accent budgétaire doit tout de suite être mis, s’ajoute un troisième, d’ordre financier et budgétaire. Certains acteurs ont à cet égard regretté que les 273 engagements du Grenelle ne comportent ni chiffrage, ni évaluation, ni échéancier. Aussi le CES souhaite-t-il que le projet de loi de programme apporte des précisions concernant certains dossiers. Le Conseil n’a pas en effet connaissance en amont des différents vecteurs législatifs et réglementaires présidant à l’élaboration des lois, tels les dispositifs innovants sur lesquels travaillent les opérateurs financiers, qu’il s’agisse des certificats d’économies d’énergie, des quotas vendus sur le marché carbone ou des projets domestiques. De même, au-delà du projet de loi de finances pour 2009, une feuille de route budgétaire pluriannuelle s’inscrivant en cohérence avec la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – devrait être débattue, peut-être dans le cadre de la discussion des orientations budgétaires.

Enfin, les deux derniers préalables ont trait, l’un, à la cohérence entre les réglementations nationales et européennes, pour ne pas dire mondiales, l’autre aux finalités du projet de loi de programme. En effet, si l’exposé des motifs de ce dernier prend en compte la compétitivité et le pouvoir d’achat, le CES estime qu’il existe une troisième finalité, l’acceptabilité sociale des mesures proposées. Si des mesures sont mûres, d’autres, tout aussi importantes pour la vie quotidienne des Français, demanderont du temps pour passer, à l’exemple du bonus/malus sur les véhicules. Dans cet esprit, il convient de faire évoluer les attitudes et les comportements en renforçant le processus pédagogique par le biais des acteurs sociaux, qu’il s’agisse des familles, des associations ou des organismes institutionnels tels que les chambres consulaires ou les partenaires sociaux.

Avant d’aborder les chapitres thématiques, le CES a émis trois principes à respecter afin d’appuyer l’énorme effort budgétaire à engager dans les quinze ans à venir.

Le premier est passé dans les mœurs de l’action publique. Il s’agit de raisonner, pour chaque catégorie d’investissement projeté, en termes de coût global.

Le deuxième tend à évaluer la modification des équilibres pour la répartition de l’effort des différents acteurs publics et privés – État, collectivités locales, entreprises et ménages. Un seul exemple permet de mesurer l’ampleur que peuvent prendre des modifications dans la répartition des charges, celui des relations entre les bailleurs et les locataires. Le décret en la matière n’est d’ailleurs toujours pas publié alors que la répartition des économies d’énergie à terme entre les bailleurs et les locataires est un problème capital, que ce soit dans le champ social ou dans le parc privé.

Le troisième principe est relatif au retour sur investissements, nécessaire pour financer les opérations à engager. Or, si le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a bien fait part à la tribune du CES de la volonté des pouvoirs publics de financer entièrement les investissements à réaliser au moyen des ressources financières dégagées par les économies d’énergie, le Conseil n’a pas eu de réponse concernant les temps de retour sur investissements, notamment des ménages et des petites entreprises.

S’agissant de la volonté affirmée d’un État exemplaire, les bâtiments appartenant à l’État représentent 70 millions de mètres carrés, auxquels s’ajoutent les 18 millions de mètres carrés de bâtiments publics dans les universités. On peut imaginer l’investissement qu’il faudra consentir pour mettre aux normes ces bâtiments et pour arriver à une consommation d’énergie de 120 à 150 kWh par mètre carré alors que, dans le neuf, des bâtiments sont déjà à énergie positive ou à très basse consommation d’énergie. Le partenariat public privé ne sera pas à cet égard la panacée, puisqu’il ne peut intervenir, jusqu’à aujourd'hui du moins, que dans certains cas précis. Dans le même esprit, il convient de souligner la nécessité de la notion de signal prix, en particulier dans le domaine du foncier.

Quant à la gouvernance, si le CES a approuvé les préconisations du projet de loi, la consommation est un acte quotidien et les signaux donnés en matière de politique de consommation au sens large seront importants. Le Conseil national de la consommation, qui réunit l’ensemble des partenaires concernés et l’État, devrait être immédiatement saisi de certaines mesures préconisées par le Grenelle afin de les traduire en termes législatifs et réglementaires.

En matière de gouvernance également, si le projet de loi ne fait pas allusion à la réforme du Conseil économique et social, celle-ci est dans toutes les têtes. Aussi convient-il de préciser que le CES accueille déjà en son sein des représentants des associations environnementales, comme France Nature Environnement – FNE – ou la Fondation-Nicolas-Hulot, qu’il a établi soixante rapports depuis 1998 sur le développement durable, et qu’il a la volonté politique très ferme d’ouvrir largement ses portes aux associations. Si réforme il doit y avoir, elle doit en tout cas être cohérente avec celle prévue dans d’autres instances, qu’elles soient nationales ou locales, telles que les Conseils économiques et sociaux régionaux – CESR.

Un foisonnement d’organismes travaille en matière de développement durable sur des questions aussi importantes que la concertation entre les acteurs, la responsabilité environnementale des entreprises, la santé ou les nanotechnologies, toutes questions qui méritent un débat public, ce qui devrait conduire là aussi à une réforme de la législation et de la réglementation relatives tant au débat public, en élargissant son champ, qu’aux enquêtes publiques.

M. Christian Jacob, rapporteur, après avoir souligné la richesse du rapport du Conseil économique et social, a demandé si, au-delà des inquiétudes qui avaient été formulées au sujet du nécessaire équilibre budgétaire, le Conseil menait une réflexion en matière de temps de retour sur investissements.

S’agissant de l’acceptabilité, la notion ne concerne-t-elle pas uniquement les entreprises, le problème étant de ne pas les pénaliser par des charges supplémentaires ?

Quant aux ventes aux enchères sur le marché carbone, leur résultat permettra-t-il d’investir également dans les projets domestiques ?

En matière de gouvernance, si tout le monde a conscience de la nécessité de travailler avec les ONG, quels sont les critères de représentativité et de transparence financière qu’il conviendrait de retenir à leur égard ?

Enfin, l’idée d’inclure les questions de développement durable dans le champ de compétences des institutions représentatives a-t-elle fait l’unanimité au sein du CES ?

M. Philippe Tourtelier, après s’être déclaré d’accord avec nombre des remarques du rapporteur du CES, a d’abord souhaité savoir pourquoi la majorité du groupe de l’agriculture avait voté contre le projet d’avis, et regretté, concernant notamment le calendrier tant budgétaire qu’annuel, la disparition, au fur et à mesure de l’évolution du projet de loi, de dispositions intéressantes.

S’agissant de la répartition de l’effort contributif des différentes parties prenantes, on ne peut accepter comme seule réponse de la part du ministre d’État que la mutation est tellement énorme que l’on ne peut raisonner avec les budgets annuels. Outre que celui qui a un budget pour l’usage de sa voiture est bien obligé de faire face à des problèmes quotidiens, répondre d’une façon globale que ce sont les économies qui financeront l’investissement n'est pas satisfaisant. Certaines phases de transition risquent d’être douloureuses et la répartition de l’effort est donc bien une question essentielle, concernant notamment le logement ancien.

Relevant que, depuis la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, cinq ans ont été perdus dans le rattrapage du retard dans le logement ancien, il n'est pas acceptable que l’on ne se donne pas les moyens d’accompagner socialement les transformations nécessaires. Il est vrai que la disponibilité de la main-d’œuvre et la formation posent problème, mais cela n’occulte en rien la situation d’urgence d’aujourd'hui.

Devant cette situation, ne faut-il pas s’interroger sur le paquet fiscal ? En effet, si l’on veut une répartition équitable de l’effort face à un problème qui concerne tous les citoyens, on ne peut continuer avec des manques de recettes annuels et reconductibles.

En matière de gouvernance, l’ambiguïté ne doit pas avoir sa place. Or, s’agissant du développement durable, l’exposé des motifs du projet de loi ne précise pas qu’il comprend trois composantes, à savoir l’économique, l’environnement et le social. Une telle précision aurait pourtant permis d’être sûr que, dans la loi, l’expression « développement durable » est indissociable de ces trois composantes, et non qu’elle doit être comprise au sens restreint de « développement écologiquement durable » ou « économiquement durable ». Il en va de même du terme « stratégie de développement durable ».

Le CES est une institution du XXe siècle. Aujourd'hui que l’on ajoute un troisième pôle, accepterait-il d’être intitulé « Conseil du développement durable » ?

M. Serge Poignant, après s’être félicité que le rapport du CES ait abordé toutes les problématiques du projet de loi, a demandé si le Conseil est favorable à une extension et à une harmonisation sur le plan européen du système d’échange de quotas et si les ventes aux enchères permettent d’aider les secteurs non couverts par les quotas ?

Le CES est-il également favorable à la contribution climat-énergie et à une taxe carbone aux frontières, et quel est son avis sur l’efficacité des certificats d’économies d’énergie ?

Quant au 3x20, pourquoi le CES semble s’interroger sur la possibilité d’atteindre la proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’Union européenne ?

Concernant, enfin, l’agriculture, le Conseil insiste sur la nécessaire cohérence des réglementations françaises et européennes. Les notions d’agriculture durable, de priorité à la l’alimentation, de cohérence européenne, s’agissant en particulier de la réglementation française en matière de produits phytosanitaires, ont-elles fait l’objet de débats au sein du CES ?

M. Michel Havard a demandé, s’agissant du bâti, quelles étaient les réflexions du CES à propos des outils de financement de la rénovation de l’existant, notamment en matière d’incitations fiscales.

Par ailleurs, quelle est l’efficacité environnementale de l’investissement public dans le domaine des grandes infrastructures de transport ? Le report modal du fer sur le fleuve n’occasionne-t-il pas une économie réduite en termes de tonnes de carbone économisées au regard de l’investissement public nécessaire aux grands projets de liaison fluviale ?

M. Paul de Viguerie a d’abord expliqué, s’agissant des débats internes au CES, que si le groupe agriculture avait voté contre le projet d’avis, c’est parce qu’un amendement, auquel il s’était opposé, relatif aux produits phytosanitaires, a été adopté en séance plénière. En tout cas, le débat au sein du CES, premier cadre institutionnel à tenter de formaliser les engagements du Grenelle de l’environnement dans un texte de loi, a permis de s’apercevoir que sur les 273 engagements alors pris, trois ou quatre posaient encore problème. Cela rejoint le problème de l’acceptabilité qui n'est pas seulement de savoir si un acteur économique est pénalisé, mais qui permet également de connaître les points durs qui ne font pas encore complètement consensus.

Tel est le cas, concernant les associations environnementales et la profession agricole, de la politique de l’eau, de l’usage des produits phytosanitaires ou encore de la progressivité des mesures à prendre. Il en va de même du problème de la responsabilité environnementale traité pour la première fois dans un projet de loi. Si le CES s’est félicité du renforcement du plan national santé environnement, ce dernier n’en a pas moins des conséquences sur la gouvernance des entreprises. Aussi des progrès restent-ils à faire en matière de responsabilité environnementale de ces dernières pour parvenir à un consensus entre les partenaires sociaux quant aux impacts sur l’environnement ou sur la santé des salariés et des consommateurs de telle ou telle politique de production, de distribution et de consommation.

Pour les critères de représentativité, le débat qui s’est instauré s’agissant aussi bien des organisations syndicales que du patronat, intéresse tout de même 140 membres du Conseil économique et social, dont la richesse tient justement à la diversité de ses groupes et de ses approches – associations, professions libérales, artisans, familles, etc. Aussi le CES a-t-il pu dégager, à l’égard des associations environnementales, des critères de représentativité qui tiennent à l’implantation territoriale, à la transparence financière et à l’objet social, la vie démocratique interne ne devant pas se réduire à une personnalisation de la représentation, tous critères inspirés d’ailleurs du mouvement sportif, du mouvement de l’éducation populaire et de nombreux autres exemples associatifs.

Le marché des quotas rejoint la question relative à l’équilibre budgétaire posée par M. le rapporteur, en ce sens qu’une véritable cohérence doit exister entre ces instruments que sont le principe de neutralité fiscale, la contribution climat-énergie ou encore la taxe carbone si l’on ne veut pas d’effet pervers sur l’équilibre général de la répartition des charges. Il convient d’ailleurs de s’interroger sur la signification du principe de neutralité fiscale : s’agit-il d’un report sur la fiscalité territoriale ou sur la fiscalité des ménages ? Cela concerne-t-il la parafiscalité ou encore les taxes sur l’eau ou sur les ordures ménagères ? En tout cas, il faut une cohérence d’ensemble, car les réformes au coup par coup de la dotation globale de fonctionnement – DGF –, de la taxe d’habitation ou encore de la taxe sur les ordures ménagères aboutissent à un maquis dans lequel le citoyen ne se retrouve pas.

Quant aux certificats d’économies d’énergie, ils ont leur importance. Une institution comme EDF a développé une forte politique en la matière. Le CES attend d’ailleurs beaucoup des orientations de la présidence française concernant le marché carbone, même s’il faudra convaincre les 26 autres membres de l’Union européenne. De même, l’institution croit au développement des certificats d’économies d’énergie et au processus émergent que constituent les projets domestiques, pour lesquels il conviendra de trouver des intermédiations bancaires ou financières de façon à pouvoir mettre à disposition des particuliers de véritables mécanismes qui leur permette, à côté des aides fiscales ou des leviers budgétaires, de bénéficier de retours sur investissements le plus rapidement possible.

S’agissant des énergies renouvelables, les objectifs à atteindre sont bons, ne serait-ce que le fameux 3x20. Il convient cependant de bien réfléchir à leur prix de rachat par rapport à l’électricité classique, l’énergie produite par les énergies renouvelables faisant l’objet de tarifs de rachat encore assez variables qu’il faut harmoniser pour parvenir à l’équité dans la production d’énergie.

Le bâtiment a fait l’objet d’un débat hier au Conseil économique et social, saisi, à propos du projet de loi portant engagement national pour le logement, de la question des quartiers anciens et dégradés. Il en est ressorti que le problème du foncier est central et qu’il ne faut pas disposer d’un seul levier, type prêt locatif social – PLS –, plan local d’urbanisme – PLU –, prime à l’amélioration des logements à usage social – PALULOS –, etc. L’incitation fiscale est d’ailleurs encore discutée au sein du CES qui se pose encore la question de savoir s’il faut pratiquer la sanction fiscale sur les plus-values et, plus précisément, sur les bâtiments ou sur le foncier.

Concernant enfin le report modal, de grandes enseignes de la distribution ont annoncé un protocole d’accord avec le ministre d’État afin de transposer sur la voie fluviale le transport de leurs marchandises non périssables. On peut penser que le report modal de la route sur la voie fluviale sera important, même s’il s’accompagne en l’occurrence d’un report du fret ferré sur l’eau. Mais il convient surtout de souligner que ces enseignes annoncent ne pas gagner d’argent par cette opération qui leur permet simplement de participer aux efforts engagés en matière d’économies d’énergie et de gaz à effet de serre.

Il faut en outre réfléchir au signal prix du transport. Une combinaison peut très bien être envisagée avec d’autres panels de mesures quelque peu privilégiées dans le projet de loi, telle la taxe kilométrique sur les poids-lourds.

M. Michel Havard s’est à nouveau interrogé à cet égard sur le coût de la tonne de carbone économisée par le report modal de la route vers le fleuve, rapporté au montant de l’investissement public. Ne faut-il pas au départ investir là où c’est le plus efficace ?

Le Président Patrick Ollier a fait remarquer qu’un tel report modal relevait d’un vœu pieux, tant la France a du retard – trente ans – en matière de transport fluvial. Il peut à cet égard, en sa qualité d’administrateur de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – faire état des difficultés rencontrées depuis vingt ans pour la liaison Seine-Nord Europe, dont les enquêtes publiques ne sont même pas encore lancées. De même, la liaison Rhin-Rhône qu’il avait fait prendre en compte en 1994 dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, a été abandonnée par Mme Voynet à son arrivée au ministère, alors que le problème devrait être aujourd'hui réglé.

M. Christian Jacob, rapporteur, a pris à cet égard l’exemple du goulot d’étranglement de vingt kilomètres où la Seine ne peut accueillir que les barges de 350 tonnes et non celles de 3 000 tonnes. Si ces vingt kilomètres étaient mis aux normes, les carriers qui alimentent Paris ainsi que le grand groupe céréalier Soufflet multiplieraient par deux ou par trois l’utilisation du fleuve.

M. Michel Havard a souligné tout l’intérêt qu’il y a précisément à se pencher sur l’efficacité environnementale au regard de l’investissement public.

M. Paul de Viguerie a fait remarquer à cet égard que la France ne pourra s’exonérer d’une négociation d’ampleur avec ses partenaires européens concernant les grandes lignes de fret et de voyageurs et certaines grandes infrastructures. La dimension internationale de la politique de l’environnement a d’ailleurs été soulignée à maintes reprises dans l’avis du CES.

Par ailleurs, le temps d’inertie ne doit pas être oublié dans les dynamiques amorcées. Ainsi, la procédure, des appels d’offre dans le bâtiment ou les transports demande six mois ou un an pour aboutir. C'est d’ailleurs parce qu’on ne peut faire l’impasse sur ce temps d’inertie en matière de politiques publiques, que le Conseil a fondé ses propositions sur les prochains dix-huit mois.

——fpfp——