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Mercredi 22 octobre 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a entendu M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie.

M. Serge Poignant, président. Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le président de la Commission de régulation de l’énergie, d’autant que nous venons d’examiner le texte portant sur le Grenelle de l’environnement, qui a été, je vous le rappelle, voté à la quasi unanimité.

Aujourd’hui, je souhaiterais que nous abordions en particulier deux sujets d’actualité.

Les tarifs d’achat pour le soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable, tout d’abord. Le tarif le plus problématique est celui de l’énergie éolienne, qui a été annulé par le Conseil d’État mais que le Gouvernement a déclaré vouloir maintenir à son précédent niveau. Vous vous étiez montré critique en 2006. La filière éolienne paraissant plus solide aujourd’hui, pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur l’opportunité d’un tel instrument de soutien ?

S’agissant, ensuite, du TURPE – tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité –, la Commission de régulation de l’énergie doit prochainement proposer au Gouvernement un nouveau tarif. Deux contraintes fortes pèsent sur sa définition : la nécessité d’investir dans les réseaux pour satisfaire aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement, et celle de limiter l’impact sur la facture des consommateurs. Quelle méthode avez-vous mise en œuvre et quelles leçons tirez-vous de la consultation publique ?

Enfin, alors que notre pays assume la présidence de l’Union européenne, il lui faut traiter le paquet « Énergie climat » et poursuivre la libéralisation des marchés. À ce stade des débats, comment se dessine l’évolution du rôle des régulateurs ?

M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, d’être venus m’écouter, alors que l’emploi du temps de l’Assemblée est actuellement très chargé. Je pourrai ainsi vous rendre compte des activités de la Commission de régulation et, en quelque sorte, rendre des comptes aux parlementaires, ce qui est très intéressant pour une autorité administrative indépendante.

J’évoquerai en premier lieu la présidence française de l’Union et l’évolution du « troisième paquet », qui a pour but d’améliorer les conditions de libéralisation du marché de l’énergie.

La séparation patrimoniale a fait l’objet de nombreux débats. C’est un sujet que vous connaissez bien, puisque vous avez, à l’initiative de M. André Schneider et de M. Jean-Claude Lenoir, adopté une résolution sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie. Un accord sur le marché de l’énergie a été conclu le 10 octobre. Les différences entre les États ont été supprimées, mais il appartient aux parlementaires européens d’en négocier l’adaptation. Ce qui ressort de cet accord, c’est que la troisième voie défendue par la France et l’Allemagne a été acceptée par la Commission et l’ensemble des États européens. Par conséquent, l’ITO – Independent transmission operator – pourra être mis en œuvre dès que la directive aura été transcrite dans les législations nationales.

Le fait d’avoir préservé les entreprises intégrées du démantèlement va sans aucun doute renforcer le rôle des régulateurs dans les systèmes ITO, puisque le régulateur aura pour mission de veiller à l’indépendance des systèmes de transports du gaz et de l’électricité.

Tout aussi importante est la mise en place de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie au niveau européen. Cette agence, dont la création ne nécessite pas de transcription législative, aura un rôle fondamental pour les opérations aux frontières, et elle sera opérationnelle dès juin 2010. Ces opérations portant sur les infrastructures gazières et électriques participent à la construction de l’Europe de l’énergie et à la mise en place d’un grand marché unique de l’énergie. L’Agence de coopération jouera un rôle déterminant dans les différends qui existent aux frontières entre régulateurs et gestionnaires de réseaux. C’est un domaine où nous rencontrons parfois des problèmes, notamment avec les Allemands. L’Agence trouvera des solutions, et cela permettra de faire avancer la construction du marché européen.

J’en viens à la question des initiatives régionales, que j’avais déjà évoquée l’année dernière. Nous avons beaucoup avancé sur cette question au cours des derniers mois. Dans le domaine de l’électricité, la France participe à quatre initiatives régionales sur sept, et à deux sur trois dans le domaine du gaz. S’agissant de l’électricité, nous disposerons bientôt d’une plateforme continentale véritablement intégrée, ce qui correspond à un couplage des marchés entre la Belgique, les Pays-Bas et la France, bientôt l’Allemagne, suivie d’autres pays européens. Cette plateforme contribuera pour beaucoup à l’intégration des marchés.

On peut se demander à quoi sert réellement une telle intégration. Concrètement, il s’agit d’utiliser au mieux les moyens de production qui existent à l’échelle européenne. Les parcs de production et les consommations étant complémentaires, il faut utiliser ces complémentarités afin d’éviter de solliciter des moyens de pointe coûteux et polluants. Je prendrai l’exemple de l’heure de pointe : si le pic de consommation est atteint en France à dix-neuf heures, il l’est à dix-sept heures en Grande-Bretagne et à vingt et une heures en Espagne. Notre pays manque des moyens nécessaires pour assurer la production d’énergie aux heures de pointe. Le fait de disposer d’interconnexions fluides nous permettra de faire appel à des productions moins coûteuses. Nous pourrons notamment utiliser l’énergie éolienne produite par l’Espagne. L’objectif de cette intégration, vous l’aurez compris, est d’optimiser l’ensemble des moyens existants sur la plaque continentale en fonction des périodes.

Cette intégration, qui favorise une mutualisation plus poussée des réserves de chaque système, fera que le développement des échanges transfrontaliers d’électricité bénéficiera aussi à l’amélioration de la sécurité du réseau interconnecté, et qu’il renforcera, par la suite, la solidarité des États membres.

Si l’interconnexion est un facteur d’optimisation en matière de production d’électricité, elle est fondamentale s’agissant du gaz car notre pays n’est pas producteur. Celui que nous utilisons transite par les autres pays européens.

L’initiative régionale « Nord-Ouest », qui concerne l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, pose deux questions essentielles : le fonctionnement des interconnexions et l’accès à la capacité. Trois interconnexions ont été jugées prioritaires, dont deux concernent la France : l’une à la frontière allemande, par où passe le gaz russe, et Taisnière, à la frontière belge, où transite le gaz provenant du Nord de l’Europe. L’enjeu étant d’optimiser les capacités existantes et d’investir en vue de créer de nouvelles capacités.

Dans la région Sud, la priorité est de développer les interconnexions gazières entre notre pays et la péninsule ibérique – l’Espagne et le Portugal. Il en existe quelques-unes, mais elles sont peu développées. Une nouvelle interconnexion permettra de faire remonter le gaz de l’Espagne vers la France, alors qu’il va essentiellement du Nord au Sud, plus précisément de Norvège jusqu’en Espagne. Cette interconnexion est très intéressante pour notre pays, car elle nous permettra de recevoir du gaz de pays situés au sud de l’Espagne, grâce aux terminaux méthaniers espagnols et au futur pipe-line qui devrait dans un futur proche relier l’Algérie à l’Espagne. C’est une avancée importante pour la diversité de notre approvisionnement et la sécurité des ressources.

Il était donc essentiel de confier à la CRE, par la loi relative au secteur de l’énergie de décembre 2006, la responsabilité d’approuver les programmes d’investissement des transporteurs de gaz. Nous en avions déjà la responsabilité pour l’électricité. Nous l’avons exercée pour la première fois dès la fin de l’année 2007. Depuis, nous établissons un bilan annuel des réalisations – nous l’avons fait pour GRTgaz et pour TIGF – Total Infrastructures Gaz France –, et nous analysons l’efficacité des programmes d’investissement. Il faut savoir qu’en 2008 GRTgaz a investi 585 millions d’euros, contre 382 millions l’année précédente ; quant à TIGF, il a investi 191 millions d’euros, contre 160 l’année passée. TIGF concerne une petite partie de la région Sud-Ouest, très proche de l’Espagne. La responsabilité d’approuver les programmes est donc essentielle pour la CRE.

En complément de l’approbation des programmes, la CRE a pour mission de décider des tarifs. Nous avons procédé, au cours de l’année 2008, à un renouvellement tarifaire. Au cours de la première partie de l’année, nous avons établi le tarif de distribution, puis celui du transport de gaz. Ce dernier entrera en application le 1er janvier 2009. Et, dès demain, la CRE va se réunir pour élaborer les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, TURPE 3. Ces tarifs concernent RTE – Réseau de transport d’électricité – et ERDF – Électricité Réseau Distribution France. Cette nouvelle filiale, qui, vous le savez, a été créée le 1er janvier dernier, a la responsabilité de l’ensemble du réseau de distribution national.

Conformément à l’article 4 de la loi du 10 février 2000, le nouveau tarif fixé par la Commission de régulation de l’énergie doit offrir aux gestionnaires de réseau les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et des contrats de service public.

Pour ce qui est de la méthode, nous avons cette année veillé à élaborer un nouveau tarif en concertation approfondie avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous avons ainsi organisé deux consultations publiques pour exposer nos orientations et recueillir les réactions et les suggestions de tous, notamment de parlementaires et d’élus locaux. Forts de leur expérience du terrain et éventuellement de leurs responsabilités à la tête d’une autorité concédante, ils nous ont fait part de leurs préoccupations concernant la qualité de la distribution de l’électricité. Cette préoccupation est fondée. En effet, comme l’a souligné la CRE dans son rapport de juin 2008, nous avons constaté une dégradation de la qualité de l’énergie électrique sur les réseaux concédés à ERDF, dont l’origine est antérieure à l’ouverture du marché et qui correspond à une baisse de l’investissement entre 1994 et 2003.

C’est pourquoi un effort important de rattrapage devra être réalisé dans les prochaines années pour revenir au niveau de qualité que nous connaissions à la fin des années quatre-vingt-dix. C’est la raison pour laquelle la Commission de régulation de l’énergie a considéré, après analyse, que les défis auxquels étaient confrontés les gestionnaires de réseaux justifiaient pleinement des demandes de moyens supplémentaires. Ainsi, les orientations de la CRE prennent-elles en compte toutes les prévisions de charges futures présentées par l’opérateur en termes d’exploitation, de maintenance, de développement et de modernisation des réseaux. C’est le cas, par exemple, des trajectoires d’investissements. La CRE a en outre retenu pour ERDF la trajectoire d’investissements la plus favorable à la qualité, mais elle a dans le même temps tenu compte de toutes les charges d’exploitation prévisionnelles des opérateurs, notamment des charges de personnels.

J’insiste sur le fait que ces orientations permettent à ERDF de dégager un résultat net profitable sur la période prévisionnelle 2009-2012 et une rentabilité sur fonds propres supérieure à 10 %. Dans le contexte actuel, on peut considérer qu’il s’agit d’un montant satisfaisant. Le montant des fonds propres affecté à la filiale atteignait 2,7 milliards d’euros lors de l’établissement du bilan d’ouverture.

Ces orientations permettent également de dégager une capacité d’auto-financement en vue de financer l’essentiel de ces investissements. En tenant compte de la trésorerie disponible, ERDF n’aura pas besoin de recourir à l’emprunt, sous réserve de la politique de dividendes qui sera menée par son actionnaire.

Ces dernières semaines, plusieurs autorités organisatrices de la distribution d’électricité ont fait part à la CRE de leur souhait d’une relance des investissements. Certaines d’entre elles indiquent même que « le TURPE est à ce jour la seule garantie dont disposent les collectivités concédantes et les concessionnaires pour assurer les niveaux d’investissements indispensables ». Ce n’est pas tout à fait vrai : le TURPE ne suffit pas à garantir la réalisation de tous les investissements nécessaires. En effet, l’évolution de l’endettement et la politique de remontée des dividendes de la maison mère décidée par EDF pourraient entrer en compétition avec les investissements prévus pour améliorer la qualité sur les réseaux. Dans ces conditions, étendre aux réseaux de distribution la compétence d’approbation des investissements par le régulateur, comme c’est le cas pour RTE, pourrait être un gage de contrôle de l’adéquation des investissements avec les besoins, bien entendu en complément du rôle essentiel des autorités concédantes au niveau local.

Autrement dit, le TURPE est important mais, sans pouvoir d’approbation du programme d’investissement de la distribution par le régulateur, il n’y a pas de certitude sur la réalisation du programme. Il faudrait pour cela une disposition législative.

En vertu de l’article 4 de la loi du 10 février 2000, la CRE propose un tarif au ministre chargé de l’énergie, qui dispose d’un délai de deux mois pour s’y opposer. Dans le cas de TURPE 3, la CRE transmettra sa proposition d’ici à la fin du mois d’octobre.

J’en viens aux énergies renouvelables.

Au premier abord, le développement durable ne semble pas relever de la compétence de la CRE ; pourtant, les discussions européennes sur le paquet « Énergie Climat » et le troisième paquet « Énergie » démontrent que l’énergie et l’environnement seront désormais liés.

L’objectif fixé par la proposition de directive européenne sur les énergies renouvelables est déjà en cours de transposition, grâce à l’adoption du texte sur le Grenelle de l’environnement. Cet objectif particulièrement ambitieux repose sur le développement de toutes les filières, dans des conditions raisonnables sur les plans économique et écologique.

Je voudrais aborder ce sujet sous les deux angles de l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux de transport, d’une part, et du soutien à ces énergies renouvelables, d’autre part. La nécessaire intégration aux réseaux de ces nouvelles sources d’énergie doit être sûre et fiable, conformément aux recommandations du rapport de la présidence française de l’Union européenne sur la sécurité énergétique, présenté le 16 octobre dernier au Conseil européen. Dès lors que les énergies renouvelables connaissent un développement important, il est nécessaire de renforcer les réseaux et leur intégration au niveau européen, ainsi que d’améliorer les outils de gestion de ces réseaux.

Les capacités d’accueil du réseau de transports sont réelles. Selon RTE, on pourrait raccorder de 6 000 à 7 000 mégawatts sans qu’il soit besoin de renforcer les réseaux existants, sous réserve d’une bonne répartition géographique des projets. Je sais que vous avez longuement débattu de la question.

Pour accueillir 20 000 mégawatts de production éolienne à l’horizon 2020, RTE évalue à 1 milliard d’euros les investissements nécessaires. Cela dit, le caractère intermittent et difficilement prévisible de certaines énergies renouvelables, en particulier l’éolien, ne devrait pas entraîner de besoins supplémentaires, tout au moins jusqu’à 10 000 mégawatts. Au-delà, il faudra intégrer les systèmes électriques de tous les pays européens pour obtenir un équilibre permanent. Concrètement, le vent souffle toujours quelque part en Europe : nous pourrons donc, avec un système interconnecté, profiter des implantations de l’éolien de toute l’Europe.

Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables prévus par la loi du 10 février 2000 sont au nombre de deux : le mécanisme d’obligation d’achat et les appels d’offre. Je m’attarderai sur le premier, qui concerne tout particulièrement l’éolien.

Quel est le rôle de la CRE ? Le décret du 10 mai 2001 précise que les tarifs d’achat de l’électricité sont égaux aux coûts de production évités sur le long terme au système électrique, auxquels on peut ajouter une prime, dont le niveau ne peut conduire à une rentabilité excessive. Cette prime contribue à la réalisation des installations en vue des objectifs fixés par la loi.

La CRE rend un avis consultatif aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie sur les obligations d’achat par EDF et les entreprises locales de distribution de l’électricité produite par des installations utilisant des sources d’énergie renouvelables. La loi invite la CRE à fonder son appréciation essentiellement sur la rationalité économique, puisqu’elle l’a chargée de vérifier que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations n’excède pas le niveau d’une rémunération normale des capitaux. En 2006, la CRE avait émis un avis défavorable sur le tarif envisagé pour la filière éolienne, estimant que ce tarif générait pour les investisseurs une rentabilité très supérieure à ce qui serait nécessaire pour susciter l’investissement dans les moyens de production et représentait un moyen coûteux pour la collectivité d’atteindre les objectifs de développement assignés par la loi du 13 juillet 2005. Comme vous l’avez rappelé, le Conseil d’État a récemment annulé le décret pour vice de forme : la CRE l’examinera à nouveau le 30 octobre. Si j’ai parfaitement conscience de l’intérêt qu’il peut représenter, je ne peux en aucun cas préjuger de l’avis de la CRE. Je serai donc très prudent. Je peux néanmoins vous livrer quelques éléments structurants.

En ce qui concerne l’obligation d’achat, nous devons être conscients du fait que la spécificité française accorde une part prépondérante au nucléaire ; de ce fait, les surcoûts de production induits par l’éolien sont assez élevés au regard de la baisse des émissions de gaz à effets de serre. Il est par ailleurs vraisemblable que la rentabilité du tarif d’obligation d’achat pour les sites faiblement ventés – où la durée pendant laquelle le vent souffle est inférieure à 2 000 heures par an – est faible ; pour les sites ventés pendant 2 200 heures par an, le tarif est rentable ; au-delà de 2 400 heures, il devient très rentable.

(M. Patrick Ollier remplace M. Serge Poignant à la présidence de la séance.)

M. Philippe de Ladoucette. En tout état de cause, l’avis que prendra la CRE la semaine prochaine ne constitue en aucune façon un jugement, positif ou négatif, sur l’énergie éolienne, mais uniquement sur ce qui est de son ressort : la fixation du tarif.

J’en viens au financement de la filière.

Peu de consommateurs savent qu’ils participent pleinement à la montée en puissance de la production d’électricité à partir de ressources renouvelables par le biais du montant de la CSPE – contribution au service public de l’électricité. Il est vrai qu’elle n’apparaît pas clairement dans la facture d’électricité. La CRE évalue chaque année le montant des charges correspondant à ces dispositifs de soutien, qui sont l’une des composantes des charges du service public de l’électricité.

Beaucoup de chiffres circulent sur la part que représente le soutien aux énergies renouvelables, en particulier l’éolien, dans la CSPE. Je vous indique que cette part est très largement liée aux prix du marché de l’électricité, étant donné que les surcoûts qui en résultent pour la CSPE sont calculés, conformément à la loi, en fonction de ces prix. S’agissant des énergies renouvelables, les surcoûts sont passés de 320 millions d’euros en 2007 à 220 millions d’euros en 2008. Pour l’éolien en particulier, ils sont passés de 159 millions d’euros en 2007, ce qui représente environ  8 % des charges de la CSPE, à 120 millions d’euros en 2008. Vous constatez que plus les prix sont élevés, moins cela coûte cher.

J’évoquerai brièvement le tarif réglementé transitoire d’ajustement de marché, le fameux TaRTAM, qui est en partie financé par la CSPE, mais pas uniquement.

Le 30 juin 2008, nous comptions 3 340  sites alimentés au TaRTAM pour une consommation annuelle de l’ordre de 84 térawatts-heure, ce qui représente plus de la moitié de la consommation des sites basés sur le marché. La CRE a récemment transmis au ministre chargé de l’énergie le montant des charges prévisionnelles liées au TaRTAM en 2009, lequel atteindra 1,2 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable.

La contribution due par EDF et la CNR – Compagnie nationale du Rhône – qui sont les deux entreprises contributives, pour compenser ces charges, s’élève à 2,60 euros par mégawatt-heure. Or la loi a fixé un plafond de 1,30 euro. La CRE a déclaré que, si aucune évolution n’intervenait, qu’elle soit d’ordre législatif ou réglementaire, les autres fournisseurs ne seraient compensés en 2009 que de la moitié de leurs charges, pour un montant total d’environ 600 millions d’euros ; il leur faudrait attendre 2011 pour percevoir l’intégralité de la compensation. Cela pose un réel problème aux entreprises, et certaines d’entre elles risquent de ne plus vouloir assurer la fourniture du TaRTAM. Un tel report dans le temps de la compensation aurait des conséquences graves sur la viabilité de certains fournisseurs. Il serait donc souhaitable de trouver rapidement une solution.

Je terminerai mon exposé en évoquant l’ouverture du marché.

Cela fonctionne mieux aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Les chiffres le prouvent : au 31 mai 2008, 221 000 sites résidentiels avaient choisi un fournisseur d’électricité alternatif ; aujourd’hui, on en compte 500 000. Cette accélération est frappante. Si ce rythme se poursuit, nous atteindrons le cap de 1 million de sites au premier semestre 2009.

S’agissant du gaz, ce sont aujourd’hui 274 000 sites résidentiels qui ont fait le choix d’un fournisseur alternatif, sur un total de 11 millions. Cela dit, le marché du gaz est très différent de celui de l’électricité : pour le gaz, la proportion de sites résidentiels qui sont passés au marché, y compris ceux restant chez le fournisseur historique, en l’occurrence GDF-Suez, est beaucoup plus importante – de l’ordre de 700 000.

Par la loi de décembre 2006, le Parlement a confié à la CRE la responsabilité de surveiller les marchés. La mission qui nous est confiée est très large puisqu’elle s’applique, en matière d’électricité et de gaz, aux transactions bilatérales, aux interventions sur les bourses et aux transactions transfrontalières, à toutes les échéances des marchés de court terme, aux contrats de long terme et à toutes les contreparties des marchés de gros français, quelle que soit leur nationalité, aux contrats pour livraisons physiques comme aux produits financiers. La CRE a pour mission de surveiller les contrats signés entre opérateurs, mais également leurs offres et la pertinence des prix pratiqués, en fonction de la situation de chacun d’eux.

Après la forte hausse des prix de gros qui est survenue en 2007, la CRE a mis en place depuis juin 2008, après consultation publique, une collecte de toutes les transactions, bilatérales ou non, conclues par tous les acteurs du marché sur les produits à terme, pour des livraisons prévues en 2008 et 2009. Nous analysons actuellement ces données. Cela a parfois été difficile, mais nous avons réussi à convaincre les opérateurs de nous fournir toutes les données nécessaires, ce qui va nous permettre de rédiger un rapport de surveillance sur l’année 2007, que nous serons en mesure de présenter dès la fin de lcette année. Nous tirerons les conséquences de ce rapport et, si nous identifions des pratiques susceptibles d’entraver la libre concurrence, autrement dit de manipuler les prix, la CRE procédera aux enquêtes nécessaires. Un rapport de surveillance sera publié chaque année dans les mêmes circonstances.

M. le président Patrick Ollier. Nous vous remercions pour cet exposé. L’Assemblée nationale, et en particulier notre commission, est toujours sensible à tout ce qui lui permet d’affiner sa position sur tel ou tel sujet, dans ce domaine, majeur pour elle, qu’est l’énergie.

M. Jean Gaubert. Je vous remercie à mon tour pour cet exposé intéressant.

S’agissant du TURPE, je dirai : prenons garde aux turpitudes ! Beaucoup d’acteurs ne sont pas intéressés par son augmentation : ceux qui commercialisent l’énergie, par exemple, craignent pour leur propre marge. Pour autant, même si je le regrette, il est clair que la qualité des réseaux est une condition nécessaire pour que le marché fonctionne. Le TURPE précédent présentait une baisse de 9 %. Vous avez évoqué la dégradation des réseaux, qui, selon vous, a commencé en 1994. Mais les choix faits après la tempête de 1999 d’investir prioritairement pour réparer les dégâts ont aggravé la situation. Nous assistons déjà à des situations singulières. Dans mon département, lorsqu’une panne se produira, les agents de ERDF se déplaceront uniquement pour mettre le réseau en sécurité, et ce sont d’autres agents qui réaliseront les travaux, dans certains cas des entreprises privées. Croyez-vous que nos concitoyens comprendront lorsqu’ils verront les véhicules d’EDF s’éloigner sans que l’électricité soit rétablie ? C’est à ce type de situation que nous allons aboutir. Pourtant, selon votre prédécesseur, il fallait se débarrasser de 30 000 agents ! C’est chose faite, et désormais, plus aucun agent EDF âgé de moins de quarante ans ne sait réparer les réseaux aériens !

Je voudrais revenir sur la clarification financière entre ERDF et EDF. J’ai cru comprendre que celle-ci assurait la trésorerie. Il faut veiller à ce que la part des excédents de trésorerie et des bénéfices revienne dans le giron de ERDF. Pourquoi ne pas aller plus loin et accorder à ces deux entreprises le même statut ?

Vous avez évoqué, à juste titre, la pression des actionnaires qui demanderont un jour à être rémunérés. Ils prétendront avoir beaucoup perdu, ce qui posera un certain nombre de problèmes.

Quant au rôle de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, souvenez-vous de la crise provoquée en Allemagne, en 2006, par une rupture de réseau. Est-ce que des sanctions ont été prises ? Les responsables ont-ils été punis ?

S’agissant de l’intégration des marchés, vous avez omis d’évoquer le problème récurrent des lignes électriques, qui affecte l’Espagne et l’Italie.

J’en viens aux énergies renouvelables.

Il faut veiller à ne pas octroyer de rentes à certains. Je suis favorable à la prime, mais je note que la rente accordée à l’éolien s’apparente parfois à la prise illégale d’intérêts. Plusieurs élus vont jusqu’à évoquer la taxe professionnelle que cela pourrait rapporter ! Quant aux propriétaires des terrains, ils y sont naturellement favorables puisqu’on parle, dans ma circonscription, de 4 500 euros par éolienne et par an si l’on accepte cette installation éolienne sur sa propriété ! Faisons attention, car tous ces arguments conduisent les gens à rejeter l’énergie éolienne.

Je voudrais revenir sur les difficultés liées au TaRTAM (tarif transitoire d’ajustement du marché). Ne jouons pas les enfants de chœur ! J’ai eu récemment l’occasion, lors d’un séjour au Canada, d’évoquer l’avenir d’Alcoa. Les Canadiens, pour conserver leur production d’aluminium, ont vendu à cette entreprise des barrages amortis sur le Saint-Laurent. Ne nous voilons pas la face : certains pays professent le libéralisme pour les autres, mais ne se l’appliquent pas à eux-mêmes ! De tels exemples doivent être cités à Bruxelles, pour que l’Europe cesse de s’auto-flageller et accepte de donner quelques avantages à son industrie. J’aurais préféré que la CNR profite à de vrais industriels, et non à Suez !

Mes dernières questions porteront sur le gaz. Quelles sont les conséquences du décret qui permet à Gaz Réseau Distribution France de faire fluctuer le prix de la molécule pour compenser le coût d’une installation ? Selon les responsables de GRDF, cette disposition est inopérante. Le but était pourtant de poursuivre le développement des réseaux de gaz. Par ailleurs, on parle de sécurité des approvisionnements, mais parle-t-on de solidarité ? Certains pays de l’Union européenne, comme la France, sont pourtant plus exposés que d’autres à l’approvisionnement unique.

M. Claude Gatignol. Je vous remercie, monsieur de Ladoucette : vous nous avez permis d’apprécier le rôle de régulateur de la CRE et son indépendance, voulue par le Parlement.

Sur quels arguments la CRE fonde-t-elle ses avis ?

La fourniture du gaz a de multiples origines dans notre pays. De plus, il n’y a pas d’heures de pointe puisque c’est une énergie stockable. Pourtant, le prix du gaz a subi des augmentations notables  Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

L’électricité pose des problèmes plus complexes. En matière de production, les différences entre les pays européens sont très nettes. Les consommateurs français sont favorisés, puisque la France bénéficie du coût de production le plus bas. J’ai rencontré hier une délégation de la Principauté d’Andorre. En répondant à ma question sur la fourniture d’électricité, les délégués ont évoqué la différence entre le coût très élevé de l’énergie espagnole, dû à l’énergie éolienne, et le faible coût de l’énergie française, que l’on doit au nucléaire. Le prix de pointe ne risque-t-il pas d’augmenter le prix payé par le consommateur ?

Sur les transports et la distribution, nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’avoir un réseau de qualité, et nous percevons les conséquences de la baisse des investissements depuis 1994. Toutefois, les tarifs pratiqués sont-ils toujours justifiés ? Dans ce domaine, la CRE a-t-elle un pouvoir de sanction ? Est-elle en mesure d’évaluer la notion de concurrence ?

Par ailleurs, quel est votre avis sur l’accord historique « Exeltium », récemment validé par les instances européennes ? Et que pensez-vous du groupement d’entreprises électro-intensives ? Accepteriez-vous, par exemple, qu’elles se dotent d’un site de production nucléaire ?

S’agissant des lignes à haute tension, est-il exact que vous deviez sans cesse rappeler des règles prudentielles ?

Enfin, en ce qui concerne la distribution, quelle est la valeur réelle pour les consommateurs des compteurs interactifs ?

Je partage votre point de vue sur le photovoltaïque, mais que pensez-vous de la cogénération, et du soutien à la production d’énergie à partir des déchets, que le Grenelle de l’environnement tend plutôt à incinérer ?

Quid de la taxe carbone, dont vous ne nous avez pas parlé ?

Alors que nous sommes prêts, dans notre pays, à favoriser l’énergie éolienne, l’Allemagne procède sur cette question à un véritable retour en arrière, car elle prend conscience qu’il s’agit d’une énergie coûteuse et polluante, tant en CO2 que pour son impact sur les paysages. Envisagez-vous une taxe à cet égard ?

Quant à l’intérêt d’installer des éoliennes, je confirme les propos de M. Jean Gaubert : dans la mesure où il s’agit d’une technique éprouvée, l’argument de l’obligation d’achat ne tient plus et la notion de prime n’a plus aucun sens. La CRE ira-t-elle dans cette voie, sachant qu’une autre énergie éolienne risque de polluer nos côtes : l’off shore ? Qu’en pensez-vous ?

Enfin, pouvez-vous nous dire votre sentiment sur cette accélération qui conduit à échapper au monopole de l’énergie ?

M. Daniel Paul. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de ne pas alourdir la charge pour les usagers. Pourtant, l’évolution du TURPE risque de nous y contraindre. Certes, il faut augmenter les investissements, mais qu’en est-il des pertes ? Celles-ci sont loin d’être négligeables puisqu’elles coûtent 566 millions d’euros à RTE et 1,2 milliard d’euros à ERDF. C’est pourtant une loi – que je n’ai pas votée, ce dont je me félicite – qui prévoit que les pertes soient payées au prix du marché ! En la votant, le législateur a fourni les ingrédients nécessaires à l’augmentation des coûts. Pensez-vous qu’il nous faudra revenir sur le lien entre le prix du marché et les pertes ?

S’agissant des personnels, j’ai entendu parler de la suppression de 1 300 emplois chez ERDF depuis le début de l’année. Si ce chiffre est exact, cela aura de lourdes conséquences sur l’entretien des réseaux. Vous avez parlé de la pression des actionnaires. Mais, tout en haut de l’échelle, l’État, impécunieux, demande à EDF de le faire bénéficier des résultats du groupe, ce qui amène EDF à ponctionner ses filiales. La variable d’ajustement, ce sont les personnels !

Par ailleurs, l’augmentation des tarifs va-t-elle concerner ceux qui ont opté pour le prix du marché ?

En cas de mise en concurrence, le manque de performances de ERDF pourrait-il faire naître des difficultés ?

Pourquoi ne pas étaler les investissements nécessaires à la sécurisation du réseau de transport ? Nous savons tous que le fait de retarder les investissements peut avoir de lourdes conséquences.

Je rejoins M. Jean Gaubert sur l’importance de la politique énergétique. Il serait fâcheux que l’Europe, qui se montre soucieuse de préserver sa politique industrielle, augmente dans le même temps les coûts de l’énergie. Que représente pour vous une rémunération normale des capitaux ? Vous avez parlé d’une marge de 10 %, alors que M. Carlos Ghosn, que nous avons reçu ici même, dit se contenter de 6 % ! Compte tenu des missions de ERDF, ne peut-on envisager de réduire cet objectif ?

Enfin, pourquoi permettre des investissements sur des sites peu ventés, dont vous dites vous-même qu’ils ne seront pas rentables ?

M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais à mon tour féliciter le président de la CRE pour la clarté de son propos.

Je me contenterai d’évoquer les énergies renouvelables.

Le comité opérationnel «  Énergies renouvelables » du Grenelle de l’environnement, que je préside, a souligné l’importance des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

En ce qui concerne le TURPE, je rejoins mon collègue Daniel Paul. En effet, la part des financements des surcoûts liés aux pertes est considérable. On peut dire que le marché de l’électricité a deux clients importants : RTE et ERDF. Le prix du kilowatt ayant doublé, cela représente des sommes considérables. Il reste donc peu pour les investissements nécessaires au développement, au renforcement des réseaux et au financement des interconnexions. Pouvez-vous confirmer les chiffres que vous avez annoncés ? En réalité, l’augmentation du TURPE sert à financer les pertes du réseau, à un moment où il est nécessaire d’investir. Ne peut-on envisager que les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution disposent de leur propre capacité de production d’électricité ? C’est pourtant ainsi que cela se passe dans un pays moderne comme la Chine !

Vous nous avez suggéré de légiférer sur les investissements dans les réseaux de distribution. Peut-être avez-vous obtenu du Gouvernement quelque assurance en la matière. Peut-être devrions nous déposer une proposition de loi en ce sens ?

J’en viens au TaRTAM, dont je ne peux m’empêcher de me sentir quelque peu responsable. Je rappelle que le Gouvernement a mis en place une commission présidée par M. Paul Champsaur, qui a pour mission d’apporter des éclaircissements sur les tarifs de l’énergie. C’est sur la base du rapport que cette commission rendra au printemps prochain que nous légiférerons sur le TaRTAM, qui, comme l’indique l’acronyme, est un tarif transitoire.

Enfin, je sais que la médiation n’est pas du ressort de la CRE, mais les relations entre les clients qui ont fait le choix du marché et les fournisseurs génèrent-elles des problèmes ?

M. Jean-Claude Fruteau. Comme tous mes collègues, j’ai écouté avec attention vos propos, notamment en ce qui concerne le soutien aux énergies renouvelables et la rentabilité.

Ma première question portera sur la valorisation de la bagasse de canne à sucre à la Réunion, qui fut pionnière en la matière. En effet, le procédé a été inventé cinq ans avant le Protocole de Kyoto. Depuis, les industriels se sont engagés dans cette voie. C’est ainsi que, chaque année, 540 000 tonnes de bagasse sont consacrées à la production de quelque 275 gigawattheures d’électricité. Cette production, qui relie la culture traditionnelle de la canne à sucre et la modernité, permet de satisfaire près de 10 % de la consommation d’électricité sur l’île de la Réunion. Elle est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans une démarche de valorisation totale de la plante et qu’elle contribue au développement de la filière.

Or force est de constater que les tarifs actuels de rachat sont différents. Le kilowattheure produit à partir de la bagasse est deux fois moins valorisé que celui produit à partir du charbon, six fois moins que celui produit à partir de la biomasse et treize fois moins que celui produit à partir de l’énergie photovoltaïque. Cette situation est paradoxale car la production d’électricité à partir de la bagasse contribue à la réduction des gaz à effets de serre et représente une économie annuelle de 346 400 tonnes de CO2 d’origine fossile.

Pour y remédier, il faut reconsidérer le statut de la bagasse. Sa valorisation financière permettrait de soutenir l’ensemble de la filière canne à sucre de la Réunion, toujours fragile, et d’établir une meilleure cohérence des politiques publiques en faveur des énergies renouvelables, conformément à la lettre et à l’esprit du Grenelle de l’environnement.

Que pensez-vous de la requalification du statut de la bagasse de canne à sucre afin qu’elle soit considérée comme de la biomasse et non plus comme un déchet. Il ne faudrait pas que les planteurs de la Réunion soient stigmatisés pour avoir eu raison trop tôt.

M. Jean-Pierre Nicolas. Après avoir remercié M. Philippe de Ladoucette pour la clarté de son exposé, je voudrais dire que je suis heureux de constater que l’on se préoccupe enfin de la qualité de la fourniture. Depuis l’ouverture des marchés, nous avons concentré nos efforts sur les moyens de production, délaissant la modernisation des réseaux.

La durée moyenne de défaillance du réseau était de soixante-douze minutes, alors même que l’objectif fixé par le contrat de service public l’avait établi à soixante. Pourtant, la durée de certaines coupures a pu atteindre cinq heures ! Devant cette situation inacceptable, il est nécessaire de donner à ERDF les moyens d’investir afin de disposer d’un réseau de distribution en adéquation avec les attentes des clients et des collectivités locales. Faute de quoi, nous n’aurons fait que la moitié du chemin.

ERDF a affiché clairement votre souhait d’une augmentation de 15 % sur quatre ans. Elle serait de 8 % seulement. Un rapprochement est-il prévu, sachant que ce différentiel permettrait à ERDF de réaliser des investissements pour donner satisfaction à la clientèle ?

Je vous remercie également de vous être exprimé clairement en faveur des énergies renouvelables, en particulier l’éolien. J’ai bien noté que 8 % du montant de la CSPE étaient imputables à l’éolien en 2007 et je regrette, comme mon collègue Daniel Paul, l’implantation d’éoliennes dont il est évident qu’elles ne seront pas rentables. Nous assistons en effet à un démarchage organisé pour nous convaincre de recourir au « petit éolien », qui couvre trois ou quatre exploitations, alors qu’une centrale nucléaire représente de 7 000 à 8 000 éoliennes ! Je regrette, pour ma part, que les schémas d’implantation d’éoliennes n’aient pas été retenus, mais il faut tenir compte des difficultés que rencontrent l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne. Je souhaite que l’on restaure la qualité du service public de l’électricité, qui doit rester un objectif essentiel, et j’espère que la CRE trouvera un accord sur l’augmentation inévitable du TURPE.

M. Christian Bataille. J’ai entendu la suggestion de M. Jean-Claude Lenoir, qui souhaitait donner à ERDF ses propres moyens de production. Je vais aller plus loin : pourquoi ERDF ne rachèterait-elle pas les centrales d’EDF ?

Personne ne conteste la nécessité de moderniser notre réseau électrique. Ce qui me gêne, c’est la facture élevée due à la compensation des pertes du réseau, rachetées à EDF au prix du marché, beaucoup plus élevé que le prix de revient pour EDF – vendue à un faible coût grâce au nucléaire. Ne peut-on envisager de racheter les pertes de réseau à un coût inférieur au prix du marché, ce qui permettrait de réduire considérablement la facture due à l’augmentation du TURPE ? J’ajoute que les pertes de réseau ont pour effet pervers de gonfler les bénéfices de la société EDF.

M. Jean Proriol. Ma première question portera sur la relance de l’hydro-électricité, inscrite au programme du ministre chargé de l’environnement et de l’écologie. L’Association des maires de France tente de promouvoir l’hydro-électricité sur notre territoire en améliorant les barrages existants. Notre collègue Yves Cochet en avait défendu l’idée lorsqu’il était ministre de l’environnement. Nous sommes également favorables à la construction de micro-centrales. Qu’en pensez-vous ?

Tout le monde ayant abordé le TURPE, je n’y reviendrai pas, mais je voudrais vous signaler que nous sommes souvent sollicités pour demander au Gouvernement d’augmenter les tarifs de l’électricité afin de permettre à ERDF de faire des investissements. Qu’en pensez-vous, étant entendu que le réseau doit être amélioré et modernisé ?

M. le président Patrick Ollier. Je voudrais à mon tour saluer l’indépendance de la CRE et le courage dont a fait preuve son président pour défendre l’intérêt général.

Nous sommes tout à fait favorables aux énergies renouvelables, mais dans la mesure où nous sommes capables de les financer et en fonction de leur réelle efficacité. Nous sommes également favorables à la construction de nouveaux barrages, plus ou moins importants.

Je ne voudrais pas que vous nous quittiez, monsieur le président, avec le sentiment qu’un vent souffle à l’Assemblée contre les éoliennes. Ce n’est pas le cas, mais nous nous interrogeons sur le rapport entre leur coût et leur efficacité. Nous ne voulons pas favoriser les effets d’aubaine qui, malheureusement, risquent d’influencer notre jugement, au détriment de la sincérité de ceux qui veulent réellement promouvoir ce type d’énergie. Nous sommes décidés à lutter contre les lobbies.

Par ailleurs, nous avons voté dans le texte sur le Grenelle de l’environnement, sur une proposition, un amendement tendant à préserver nos paysages. Or l’implantation d’éoliennes peut nuire à ces paysages. Nous avons également voté la mise en place d’un schéma régional. Nous acceptons les éoliennes, mais uniquement là où l’intérêt énergétique est réel et sans que soient compromis les paysages. Je pense avoir résumé la philosophie d’un grand nombre de membres de la commission des affaires économiques. En bref, nous sommes favorables au développement des éoliennes, mais dans un contexte parfaitement réglementé.

M. Philippe de Ladoucette. Je répondrai tout d’abord à M. Claude Gatignol sur le fonctionnement de la CRE. Notre Commission est composée de cent trente personnes et d’un collège de neuf commissaires depuis 2006, date à laquelle ont été ajoutés deux commissaires représentant les consommateurs. L’un d’entre vous a évoqué la façon dont les choses se passent au Canada : cela m’a rappelé les propos que tient notre ami commissaire qui représente les grands consommateurs.

Les neuf personnes qui forment ce collège ont des parcours et des formations différentes, voire des convictions différentes, mais lorsque nous émettons un avis ou prenons une décision, l’ensemble du collège est solidaire de la position qui a été adoptée, et je peux vous dire que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder toutes les questions que vous avez posées ce matin et que vos points de vue y ont déjà été exprimés.

Le Canada bénéficie de l’avantage que lui confèrent ses immenses capacités hydrauliques. L’Europe a fait le choix d’un marché unique de l’énergie. Je ne fais pas les directives européennes et je ne fais pas la loi, j’essaie simplement de les appliquer. En l’espèce, les choix opérés par les directives de 1996 et de 1998, dans un contexte économique très différent, avec un baril de pétrole à 23 dollars ont conduit l’Europe dans une direction différente. En 2000, lors de la transposition des directives, le baril de pétrole était toujours à moins de 30 dollars : il était alors très intéressant de racheter les pertes aux prix du marché, à l’époque inférieurs aux tarifs.

La situation a changé. Nous sommes parfaitement conscients du problème que pose le rachat des pertes par RTE ou ERDF, mais c’est un sujet terriblement complexe, qu’il n’a pas été possible de régler dans le temps dont nous disposions pour établir le TURPE 3. En revanche, nous nous sommes engagés auprès de tous nos partenaires à mettre en place un groupe de travail dès le début de l’année 2009, qui essaiera, sans tabou, de trouver une solution adaptée au rachat des pertes, tout en respectant les directives et la loi. Si les conclusions de ce groupe de travail devaient conduire à une modification de la loi, il vous appartiendrait, à vous, parlementaires, d’en juger. Nous en sommes parfaitement conscients, il faut trouver des solutions. Cela n’a pas été possible jusqu’à présent, au risque de retarder la parution du TURPE 3 d’un ou deux ans et je crois savoir que les responsables des entreprises ERDF ou RTE préfèrent disposer d’un TURPE tout de suite plutôt qu’un TURPE parfait dans deux ans !

M. Jean Gaubert. Ce n’est cependant pas l’intérêt des consommateurs !

M. Philippe de Ladoucette. J’en viens justement à l’intérêt des consommateurs.

Vous me demandez si l’augmentation sera répercutée de la même façon pour tous. Encore faut-il qu’elle le soit ! L’acheminement de l’électricité représente 46 % d’une facture au tarif résidentiel. L’augmentation de 10 % du TURPE étant prévue sur quatre ans, sa répercussion sera répartie en conséquence, suivant une progression qui sera établie dans quelques jours par la CRE. Mais, même dans l’hypothèse d’une gradation convenable, il est évident que la répercussion sera variable. Si le Gouvernement décide de répercuter l’augmentation du TURPE sur le tarif réglementé, cette répercussion s’étalera sur quatre ans.

M. Jean Gaubert. Dans la mesure où EDF est le principal bénéficiaire de l’opération, ne serait-il pas juste que le tarif réglementé ne subisse pas la moindre augmentation ?

M. Philippe de Ladoucette. Votre question est tout à fait pertinente, mais très difficile à régler. La façon dont nous élaborons le TURPE ne nous permet pas de prendre en compte un tel scénario. Mais cette éventualité pourra être étudiée par le groupe de travail.

Je reviens sur l’approbation éventuelle des programmes d’investissement. Je n’ai pas évoqué cette question avec le Gouvernement, mais elle sera à l’ordre du jour de la réunion de la CRE et il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de la régler. Je vous précise que je n’ai pas parlé de la pression des actionnaires, mais de remontées de dividendes de la part de la maison mère, EDF, par rapport à ses filiales.

M. Daniel Paul. Certes, mais j’ai fait la traduction !

M. Philippe de Ladoucette. Pourquoi faudrait-il que ERDF attribue à EDF un pourcentage de dividendes supérieur à celui de RTE ? Je vous rappelle qu’ils sont respectivement de 75 et de 60 %. Si le TURPE n’est que la compensation d’un jeu d’écritures à l’intérieur de la maison mère, il faut remettre en question la façon dont il est élaboré. Que les choses soient claires : je ne critique nullement EDF, dont la politique est tout à fait pertinente. La responsabilité de la CRE est de gérer ce qui entre dans le champ de la régulation, dans l’intérêt du consommateur final. Nous sommes donc obligés de tenir compte des contraintes. Je vous rappelle que le taux de distribution des dividendes du CAC 40 est de 40 % ; nous avons donc de la marge !

Vous avez tous insisté sur la nécessité de permettre à ERDF d’investir. Je le répète, nous avons pris en compte la totalité des investissements, mais nous ne pouvons pas intervenir sur la politique de la maison mère par rapport à ses filiales. Il n’est pas question pour nous d’envisager des remontées de dividendes qui pourraient gêner la capacité d’investissement de l’entreprise, voire la contraindre à s’endetter. Cela n’en reste pas moins une question centrale.

Vous craignez la suppression de 1 300 emplois au sein d’ERDF. La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il est prévu d’embaucher 1 300 personnes.

Sachez par ailleurs que nous sommes favorables à tous les modes de production d’électricité, qu’elle soit éolienne ou hydroélectrique, même si nos responsabilités ne nous permettent pas de favoriser telle ou telle énergie.

S’agissant de l’éolien, je pourrais reprendre à mon compte les propos du président Patrick Ollier, mais il ne m’appartient pas, au nom de la CRE, de porter un jugement sur cette énergie. Le collège avalisera ce point de vue en fonction des éléments qui seront présentés la semaine prochaine à la Commission.

Je rappelle que les émissions de CO2 sont un élément du prix de l’énergie sur le marché. On peut se demander si c’est une bonne chose que la fourniture d’électricité dépende d’un marché mais nous avons accepté un marché unique de l’énergie, qui tient compte du coût marginal. Or, dans le domaine de l’électricité, le coût marginal ne concerne pratiquement jamais le nucléaire. En France, la part marginale du nucléaire est de 10 à 20 % par an. Dans notre pays, comme dans toute l’Europe, la part marginale provient du gaz, du charbon, éventuellement de l’énergie hydraulique. De ce fait, le prix sur le marché est différent du tarif affiché et des prix de revient de la production nucléaire, qui a fait l’objet d’une étude approfondie au sein d’EDF. Les propositions de la maison mère en matière de coûts de production (C3P) ont fait l’objet d’un audit. Pour EDF, le coût du mégawattheure est de 46 ou 48 euros. Selon la CRE, les coûts historiques réévalués se situeraient entre 41 et 43 euros par mégawattheure alors que sa valeur non réévaluée est de 35 euros. Mais il ne s’agit évidemment pas du coût de développement de l’EPR.

Le démantèlement est chiffré à 2,5 milliards par an. Je ne souhaite pas entrer plus avant dans ce débat, car il appartiendra à la commission qui sera bientôt mise en place d’étudier cette question. Aujourd’hui, un marché de gros de l’électricité est en place et fait l’objet de notre surveillance. Si nous estimons que son fonctionnement pose des problèmes, nous en tirerons les conséquences, et vous en serez naturellement informés. Ce qui est sûr, c’est que ce marché tient compte du coût marginal de l’énergie. Or cela ne touche pas le nucléaire, pas plus en France que dans toute l’Europe.

Les coûts du gaz sont un problème complexe. La CRE, comme chaque année, a fixé au mois d’août dernier les augmentations de tarifs. À cette occasion, elle a donné un avis négatif sur les augmentations proposées, pour la simple raison que la formule n’avait pas fait l’objet d’un audit. Celui-ci étant actuellement en cours, je ne peux pas vous donner plus de précisions. Cela dit, il est important de comprendre le rapport complexe qui existe entre le prix du pétrole et les tarifs du gaz. Pour les consommateurs résidentiels, les tarifs du gaz relèvent d’une formule ésotérique appelée le « 6-1-3 » : il s’agit de la moyenne du prix du gaz sur les six mois passés, moins un, appliquée sur les trois mois futurs, et cela tous les trois mois. Aujourd’hui, si l’on prend la moyenne des tarifs des six mois passés, on constate que le prix du gaz n’a pas baissé. Nous sommes encore dans une phase ascendante, du fait des prix très élevés du pétrole et du gaz en juillet dernier.

M. Jean Gaubert. Ma question portait sur la possibilité de modifier le fameux critère économique B/I pour la distribution du gaz.

M. Philippe de Ladoucette. Je crois pouvoir vous dire que la formule B/I est d’origine législative.

M. Jean Gaubert. Non, elle est d’origine réglementaire !

M. Philippe de Ladoucette. Le gaz étant une énergie de substitution, toute extension doit être rentable.

M. Jean Gaubert. Certainement, car les deux décrets donnent la possibilité de procéder à des extensions en modifiant le B/I, sous réserve d’une surtaxe ou d’une participation des collectivités locales – ce qui, à mon avis, est très dangereux.

M. le président Patrick Ollier. Je vous indique que les membres de la majorité sont attendus par le Premier ministre. Nous ne pouvons prolonger indéfiniment notre débat.

M. Philippe de Ladoucette. Je crois avoir répondu à l’ensemble des questions, sauf à celle qui porte sur la valorisation de la bagasse. C’est une question que je connais pour l’avoir traitée avec SIDEC, à l’époque de Charbonnages de France qui avait initié l’exploitation de la bagasse.

Dans le domaine de la cogénération, la CRE a procédé à des appels d’offre, mais je pense que leur contenu dépend du ministère chargé de l’énergie.

M. Jean-Claude Fruteau. Le Gouvernement nous renvoie à la CRE !

M. Philippe de Ladoucette. Je ne crois pas que la CRE soit en mesure de modifier un décret ! Je vous suggère de faire part de votre proposition au Gouvernement. Mais je ne manquerai pas, Monsieur le député, de répondre au courrier que vous m’avez adressé.

M. le président Patrick Ollier. La commission des affaires économiques peut y aider !

Je vous remercie, monsieur le président de la Commission de régulation de l’énergie, d’avoir accepté de répondre à toutes nos questions.

Nous vous inviterons une nouvelle fois, au cours de l’année 2009, à discuter ici même de toutes ces questions.

La séance est levée à treize heures.

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