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Mercredi 19 novembre 2008

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition de M. Jérôme Bédier, président de l’Union d’économie sociale pour le logement (1 % logement) (UESL), en perspective de l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (n° 1207) (M. Michel Piron, rapporteur)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La commission a entendu M. Jérôme Bédier, président de l’Union d’économie sociale pour le logement (1 % logement) (UESL), en persepctive de l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (n° 1207) (M. Michel Piron, rapporteur).

M. le président Patrick Ollier. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, notre rapporteur, M. Michel Piron, m’a demandé, pour préparer convenablement son travail, de fixer au vendredi 28 novembre, à quinze heures, le délai de dépôt des amendements qui seront examinés au cours des réunions des 2 et 3 décembre prochains, ce que j’ai accepté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le regrette, d’autant plus que notre calendrier était calé sur délai d’usage à la Commission et que, compte tenu de l’ordre du jour, nous aurions bien besoin d’un week-end de plus pour préparer nos amendements.

M. le président Patrick Ollier. Le délai de dépôt des amendements dépend du président de la commission compétente. Par ailleurs, le rapporteur a, lui aussi, besoin d’un week-end de plus pour conclure son travail. Ce sont là les aléas normaux du travail parlementaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si rien ne change, cela ne servait à rien de modifier la Constitution !

M. le président Patrick Ollier. Si vous êtes mécontent, je vous suggère de me faire parvenir vos remarques par écrit. Nous sommes en effet réunis pour écouter M. Jérôme Bédier, président de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, que je suis heureux d’accueillir dans le cadre de nos travaux préparatoires à l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Nous souhaiterions connaître les réactions que lui inspire ce projet de loi, en particulier l’article 3 relatif à la gouvernance de l’UESL.

M. Michel Piron, rapporteur. Je me réjouis d’entendre une nouvelle fois M. Jérôme Bédier, en particulier sur les propos vigoureux qu’il a tenus récemment.

M. Jérôme Bédier, président de l’Union d’économie sociale pour le logement. Nous sommes, depuis le mois de juin, dans un processus de refondation du 1 % logement qui a commencé, il faut bien le reconnaître, dans un contexte extrêmement difficile. En effet, le Gouvernement entendait mettre le 1 % logement sous tutelle de l’administration et utiliser la collecte – 1,5 milliard d’euros – pour abonder des actions qui étaient financées jusqu’alors par des ressources budgétaires. Il a d’abord fallu s’assurer du point de vue des partenaires sociaux qui, depuis 1953, gèrent le 1 % logement, non sans moments de tension avec l’État, comme en 1981 et 1998.

Encore récemment, certains au sein du MEDEF trouvaient que le logement était plus de la compétence de l’État que des partenaires sociaux. Finalement, le conseil exécutif a tranché au mois de juillet : pour les entreprises, comme pour les salariés, le logement est un enjeu central, a fortiori dans la conjoncture actuelle. Tous les partenaires sociaux souhaitent donc continuer à jouer tout leur rôle dans la politique du logement, à condition de ne pas en être réduits à valider des décisions prises en dehors d’eux, pour permettre à l’État d’éviter d’avoir à considérer le 1 % logement comme un prélèvement obligatoire au sens du traité de Maastricht.

Dès lors, nous avons engagé des discussions avec les partenaires sociaux sur deux points essentiels : la gouvernance et l’emploi des fonds. Elles ont abouti à un accord – le protocole national interprofessionnel – qui a été signé le 17 septembre. Il s’agit d’un contrat qui servira de base à la refondation en cours. Vous verrez, en le lisant, qu’il est très ambitieux. En termes de gouvernance, il va loin dans les souhaits de rénovation des méthodes et, s’agissant des emplois, il définit des priorités. Elles sont peut-être un peu nombreuses, mais elles structureront l’action que nous devrons conduire.

Concernant l’emploi des fonds, les négociations menées avec le Gouvernement en septembre et en octobre ont abouti à un document intitulé « Résultat des discussions », qui vous a été communiqué. À cet égard, le Gouvernement ne veut plus de convention. En substance, en dehors des grandes orientations qui seront fixées dans la loi, les décisions seraient prises par décret. Il faut que nous réglions la méthode de négociation avec les pouvoirs publics car nous considérons qu’elle n’est pas encore calée. Cela ne nous a cependant pas empêchés de définir la nature des emplois des fonds qui se répartiront en trois grandes masses.

Premièrement, 1,5 milliard d’euros environ ira au logement locatif social et à la construction de nouveaux logements économiquement accessibles sous des formes diverses, par exemple dans le cadre du plan de cohésion sociale. Les montants consacrés à la Foncière Logement passeront de 750 millions à 500 millions d’euros en contrepartie d’une plus grande souplesse dans ses plans de financement, qui seront étalés sur vingt-cinq ans au lieu de quinze.

Deuxièmement, 1,4 milliard d’euros sera consacré au renouvellement urbain sous ses diverses formes, dont 770 millions d’euros pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU, 480 millions pour l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), 50 millions d’euros pour les quartiers anciens et 100 millions d’euros pour acquérir de l’habitat indigne qui sera réhabilité avec les moyens de l’ANAH.

Troisièmement, les aides aux personnes seront ventilées en deux formes d’aides : les prêts à l’accession, en faveur desquels l’effort, à hauteur de 500 millions d’euros, restera élevé, et le Pass foncier. L’objectif de 30 000 Pass en deux ans est très ambitieux et il faudra en discuter les conditions car il n’est pas question d’acquérir en quantité des logements de mauvaise qualité. Nous sommes prêts, en tout cas, à nous endetter à hauteur d’un milliard d’euros si les fonds proviennent du livret A. Le défi est considérable, mais nous souhaitons montrer ainsi que nous ne restons pas étrangers aux priorités nationales en matière de logement. Nous avons également décidé de poursuivre des actions du type Loca-Pass, Mobili-Pass et garantie des risques locatifs, prévues dans le cadre de conventions précédentes.

Pour en venir au cœur du sujet, c'est-à-dire à la gouvernance, le Gouvernement ne veut plus également passer de convention. C’était pourtant la formule la plus simple même si elle avait un inconvénient que la Cour des Comptes avait relevé, à savoir que l’empilement des conventions produisait une sédimentation nuisible à la lisibilité globale du dispositif.

Nous souhaitons voir transcrit dans la loi un système qui s’inspire du droit du travail. Les partenaires sociaux discutent, proposent puis se tournent vers les pouvoirs publics qui transposent, mais qui aussi disposent, comme le débat sur la représentativité l’a montré puisque le Gouvernement a pu modifier les contours de la proposition qui lui avait été transmise. Nous concevons très bien que, sur tel ou tel aspect de la politique du logement, le Gouvernement prenne des décisions différentes, mais à condition qu’il le fasse sur la base des propositions des partenaires sociaux. Apparemment, le Gouvernement n’est pas contre, mais le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contrel l’exclusion, dans sa rédaction actuelle, ne précise pas que les emplois des fonds seront fixés sur proposition des partenaires sociaux. La formule retenue est ambiguë. Nous souhaiterions que l’expression « sur proposition des partenaires sociaux » apparaisse, sans qu’il s’agisse pour autant, comme certains s’en inquiètent, d’imposer une compétence liée. Dans notre esprit, les partenaires sociaux proposent ; ensuite, les pouvoirs publics décident. Nous avons préparé un amendement qui nous paraîtrait refléter exactement le système que nous voulons voir mettre en place.

Un autre problème tient au fait que la rédaction actuelle du projet de loi prévoit une application par voie de décret, simple ou en Conseil d’État. J’y vois en quelque sorte un collapsus de la méthode de négociation. Si les pouvoirs publics prennent des décrets sur la base du document issu du résultat des discussions − c’est-à-dire après discussion des termes d’un contrat ou d’une convention qui ne disent pas leur nom −, le Parlement ne sera en effet même pas partie prenante. Notre proposition consisterait à établir un document d’orientation, plutôt qu’un document budgétaire au sens juridique du terme, qui serait soumis au vote de telle sorte que les grands objectifs de la politique du logement auxquels nous travaillons soient logiquement approuvés par le Parlement. À cet égard, il conviendrait que la discussion ne se fasse pas en liaison trop étroite avec la loi de finances. Sur ce point, l’amendement déposé par M. Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances, donne le sentiment, du fait du cadre retenu pour la discussion, que le 1 % logement est une ressource quasiment budgétaire. Pour sa part, le Gouvernement est attentif à ne pas en faire un prélèvement obligatoire, même s’il s’agit d’une contribution des entreprises à caractère obligatoire. Il nous paraît important de respecter cette logique.

Nous avons rédigé d’autres amendements qui sont moins fondamentaux. L’un consiste à clarifier le rôle de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction – l’ANPEEC – qui, selon nous, doit jouer un rôle de contrôle et non pas d’évaluation. Si l’Agence lance des audits, elle sort de son rôle même si le contrôle doit aller au-delà des opérations comptables. L’évaluation nous semble incomber soit à l’État, soit à l’UESL elle-même.

Je termine avec la profonde réforme du 1 % logement que nous avons engagée. Nous avons déjà supprimé certaines organisations, nous en supprimerons sans doute d’autres puisque nous rationalisations le parc d’organisations nationales. Nous allons diminuer sensiblement le nombre de comités interprofessionnels du logement et la gouvernance sera modernisée. Nous avons entendu les messages qui nous ont été adressés par la Cour des comptes et repris de façon un peu polémique par la presse. Vous pouvez avoir confiance dans la détermination du MEDEF et, au-delà, de l’ensemble des partenaires sociaux. Dès la mi-décembre, nous nous réunirons pour nous mettre d’accord sur un premier plan de réforme. Nous avons l’intention que le 1 % logement, qui est un outil intéressant, soit le plus efficace possible en collaboration étroite sur le terrain avec les collectivités locales.

M. Michel Piron, rapporteur. S’agissant du financement et des moyens du 1 %, qu’en est-il de la bosse de 2011 ?

Par ailleurs, l’UESL s’est fixé un objectif de 5 000 ventes en état futur d’achèvement. Or, hier soir, nous avons entendu dire que les négociations étaient assez tumultueuses en raison de l’écart entre les prix proposés par l’acheteur et ceux attendus par le vendeur, sans parler du problème consistant à construire les bons logements aux bons endroits. Je fais confiance à votre perspicacité, mais quels sont les termes de vos discussions avec les promoteurs ?

Quant à la gouvernance, vous avez déclaré ne pas être satisfait par la formule du décret. Nous ne pouvons qu’être sensibles à la sollicitude que vous portez au Parlement qui doit avoir son mot à dire.

Concernant le document d’orientation, il semble qu’il ne s’agisse pas d’un document budgétaire, mais d’un outil d’information assez complet qui apporterait les précisions qui pourraient nous manquer dans le cadre budgétaire. Que faut-il comprendre quant à son caractère réel ?

Enfin, je conclus comme il se doit par une question plus générale sur la façon dont vous envisagez la construction à l’horizon 2009, même si l’exercice de prévision ne va pas de soi dans la conjoncture économique et financière.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ayant déjà travaillé avec M. Jérôme Bédier dans le cadre de la sous-commission « logement et urbanisme », mes questions complémentaires porteront d’abord sur les conditions financières de pérennisation du 1 % logement. Les engagements tels qu’ils résulteraient des dispositions législatives seraient compris entre 4 et 5 milliards d’euros. La collecte complétée par le retour sur prêts permet de les remplir pendant environ quatre ans. Au-delà, la question se pose de la survie du 1 % logement en tant qu’opérateur. Le système jouait jusqu’à présent intelligemment sur ce qui relevait respectivement de la subvention et du prêt. Quels engagements les partenaires sociaux ont-ils obtenu du Gouvernement sur l’avenir du 1 % logement ? Personne n’imagine en effet que l’État puisse reprendre dans son budget le 1,5 milliard d’euros qui sera désormais assumé par le 1 % logement.

Quel sort sera réservé au Pass travaux qui s’est révélé un instrument très important, sans doute le plus utilisé puisqu’il était accessible à la fois aux locataires et aux propriétaires, et qui a profité notamment aux artisans ? Il a mobilisé jusqu’à 900 millions d’euros. Or, vous prévoyez une enveloppe de 700 millions d’euros pour les prêts accession et les prêts Pass travaux, ce qui devrait les ramener à 200 millions d’euros. Acceptez-vous facilement de renoncer à un engagement aussi colossal que pertinent ? De plus, que deviendront les dossiers en cours d’instruction qui ont été montés avec la perspective d’une dotation de 300 millions d’euros ?

Enfin, il faudrait que le Gouvernement se prononce sur la nature de ses relations avec l’UESL. Quatre ou cinq conventions sont en cours, dont au moins deux reposent sur des obligations nées de la loi : renouvellement urbain, cohésion sociale. Ces conventions seront-elles caduques ? Si ce n’est pas le cas, quel sera le cadre juridique des obligations qui vous incombent toujours ? Est-il envisageable que votre établissement puisse adopter des stratégies en dehors de toute contractualisation assortie d’une échéance précise ?

M. Jean-Marie Morisset. Nous avons pris bonne note que les partenaires sociaux entendent conserver toute leur place dans le dispositif – ce qui est une bonne chose, mais pas à n’importe quelles conditions –, et bien compris les priorités qui sont les vôtres sur trois ans. Il faudra redéfinir la gouvernance pour lever les ambiguïtés ainsi que, outre la question de la pérennité des ressources, les rôles respectifs de l’UESL et de l’ANPEEC pour éviter les confusions.

Je souhaiterais par ailleurs connaître le montant de vos engagements pour l’année 2008 afin de mesurer les conséquences, dans chacun de vos domaines d’intervention, de ceux que vous avez pris à l’horizon 2009-2011. À ce propos, je souscris entièrement aux propos de mon collègue M. Jean-Yves Le Bouillonnec, concernant les Pass travaux. Au comité interprofessionnel du logement – CIL – Centre-Atlantique, la dotation correspondante, qui était de 5 millions d’euros en 2008, sera entièrement ponctionnée par le prélèvement qui lui est demandé alors même que le montant des dossiers traités à ce jour représente déjà 7 millions d’euros. Ce CIL a tout arrêté et se demande comment il va honorer les engagements qu’il a pris. Une clarification s’impose.

M. Serge Letchimy. S’agissant de la contribution du 1 % logement à la politique publique du logement dans les départements d’outre-mer, l’évolution est assez néfaste. Vous connaissez sûrement, Monsieur Jérôme Bédier, la situation catastrophique du logement social outre-mer…

M. Jérôme Bédier. Tout particulièrement en Guyane.

M. Serge Letchimy. …avec 80 000 logements indignes. Elle justifierait une mobilisation nationale.

Ne pensez-vous pas, par ailleurs, que l’organisation d’un actionnariat unique a modifié les stratégies de production de logements sociaux dans les départements d’outre-mer, en régulant la situation ?

Enfin, proposerez-vous une contribution plus forte en faveur de la production de logements intermédiaires dans les départements d’outre-mer ?

M. Jérôme Bédier. La question de la pérennité financière est évidemment centrale – le premier des cinq groupes de travail que nous avons mis en place s’appelle d’ailleurs « Pérennité financière à moyen et long terme ».

Des engagements ont été pris pour la période triennale qui vient. Pour autant, le caractère durable du fonctionnement du 1 % logement n’est pas garanti aujourd’hui. Le système a dérapé depuis 1998 ; le taux de subvention a énormément augmenté, s’établissant à 61 ou 61,5 %, ce qui est beaucoup trop. De fait, on ne génère plus le montant de retours nécessaire pour assurer l’équilibre interne du système ; il convient donc de revenir à un « mix » dans lequel les retours seraient plus importants. Mais il faut aussi apprécier nos autres marges de manœuvre financière. Ne devrait-on pas vendre une certaine partie de notre patrimoine, qui est de bonne qualité, pour dégager des ressources et réintervenir davantage ? De son côté, le Parlement pourrait envoyer un signe, par exemple en votant un amendement limitant à 50 % le taux de subvention de l’UESL, ou précisant que l’État ne peut pas préempter au-delà d’une certaine hauteur les emplois du 1 % logement. Nous sommes prêts à accompagner la politique du Gouvernement, quel qu’il soit, mais pas au point de remettre en cause la survie de notre organisation.

Le groupe de travail se penche sur différentes hypothèses. Nous procédons à des simulations et nous reviendrons vers vous sur ce sujet.

Des négociations ont lieu concernant les ventes en l’état futur d’achèvement – VEFA. Lors de notre conseil du 26 novembre, nous étudierons jusqu’où nous pourrions nous engager, par le canal des CIL voire par le canal de la Foncière ; nous pensons pouvoir contribuer à hauteur de 5 000 à 10 000 logements. Certes, les négociations sont compliquées par le fait que le marché attend des baisses de prix. En cas d’une anticipation encore plus brutale et plus forte du marché, les opérateurs pourraient hésiter à accepter les niveaux de prix actuellement proposés par les vendeurs. Je suis malgré tout assez confiant dans la mesure où nous avons, les uns et les autres, envie d’aboutir.

Par quel biais le Parlement pourrait-il intervenir ? Nous nous en remettons à votre sagesse. Nous ne voulons pas devenir une annexe de la loi de finances. – car nous nous voyons plutôt comme une annexe de la politique du logement. Nous ne désirons pas un texte contraignant, mais plutôt un document d’orientation qui ne ferait pas de nous une rubrique du budget de l’État. Quoi qu’il en soit, si le Parlement intervient, il y aura débat et nous pourrons resituer de manière transparente notre action parmi les priorités que s’est fixées la nation dans le domaine du logement.

La question du Pass travaux est au centre des discussions depuis trois mois. L’État étant revenu sur son engagement de payer la moitié de l’ANRU et ayant rompu unilatéralement la convention centrale, cet outil constituait notre seule marge de manœuvre. C’est la mort dans l’âme que nous avons fait cette proposition le concernant.

Dans la conjoncture actuelle, les conséquences sur le terrain de l’arrêt de fait des Pass tavaux seront très douloureuses. J’ai prévenu, au niveau le plus élevé, qu’il faudrait reconsidérer ensemble la question et « réamorcer la pompe » avec d’autres procédures, cet outil un peu diffus, souple, jouant un rôle « coagulant » positif dans un certain nombre d’initiatives menées au niveau local. Nous sommes prêts à en discuter avec le Gouvernement et à mobiliser éventuellement nos réseaux. Si l’on peut encore disposer de 500 millions d’euros, autant les consacrer à cette question, qui mérite d’être posée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le ministère aurait proposé d’utiliser un prêt, à taux très réduit, de 1,9 %. Une telle information est-elle exacte ?

M. Jérôme Bédier. On a bien parlé de prêts, mais essentiellement pour les Pass fonciers. L’État nous a suggéré d’emprunter. Nous étions très réticents pour des raisons liées à l’équilibre financier, mais nous avons finalement accepté de prendre cet endettement, sous deux conditions : premièrement, que ce soit sur ressources du livret A ; deuxièmement, que l’annuité de remboursement soit une annuité complète « intérêts et capital », pour éviter d’être dépendants d’éventuels retours, dont la probabilité est très discutable.

Nous sommes donc en train de monter un emprunt que nous rembourserions en en douze ans, intérêts et capital compris. Les retours seraient « de surcroît », venant en plus dans la masse. Mais en faisant cela, nous n’avons plus aucune ressource pour emprunter, notamment pour faire du Pass travaux.

S’agissant des conventions, la situation est très particulière. L’État a mis fin, de sa propre initiative, à la convention centrale, ce qui a été ressenti très violemment par les partenaires sociaux. Cela nous a choqués et nous a ôté toute confiance dans un système fondé sur le décret. Alors qu’il avait pris des engagements solennels, au bout de deux ans, l’État nous a déclaré que nous allions payer 100 % du dispositif ANRU.

Cela dit, nous sommes en train d’écheniller l’ensemble des conventions pour voir ce qui en subsiste, ce qui paraît caduc et ce qui pose problème. Nous comptons revenir rapidement vers le Gouvernement pour lui dire comment nous apprécions la situation, entre ce que nous allons poursuivre parce que cela fait partie de nos objectifs, prévus par la loi, et ce que nous n’allons peut-être pas pouvoir poursuivre, à moins de faire des arbitrages différents, parce que ce n’était pas prévu. Ces conventions comportent en effet de nombreux engagements « hors bilan ». Par exemple, s’agissant des départements d’outre-mer, une partie de la convention de 2006 réserve 100 millions d’euros à des interventions de recapitalisation de sociétés d’HLM. Mais ce n’est prévu nulle part dans le budget. Il faudra bien savoir si on le fait ou non ; et si on le fait, où l’on trouvera l’argent.

Nous ne sommes pas encore au bout de notre travail. Si l’idée d’un document de nature législative se concrétisait, ce serait le moyen de tout reprendre, de rénover et de simplifier.

M. le président Patrick Ollier. Vous avez dit que les sommes destinées à ces interventions de recapitalisation ne sont pas prévues dans les budgets. Pour quelle raison ? Le budget doit traduire les décisions de la convention.

M. Jérôme Bédier. Si tous les engagements de la convention étaient en année pleine dans le budget, ce dernier exploserait. Il s’agit en fait d’engagements sur une période, d’engagements « hors bilan.

Le Gouvernement passe son temps à nous demander de lui rendre service. Pour le plan de cohésion sociale, par exemple, il nous a été proposé de passer de 225 millions à 300 millions d’euros. Dans un tel système, rien n’est géré de manière consolidée, comme l’a d’ailleurs relevé la Cour des comptes qui considère qu’il faut reprendre l’ensemble des engagements et décider si on les mettra ou non en œuvre.

M. le président Patrick Ollier. Lorsqu’une convention est signée, elle doit être exécutée par les deux partenaires. Des objectifs sont alors fixés et chiffrés, et des plans pluriannuels prévisionnels sont établis. Si d’aventure, des problèmes apparaissent, le partenaire en difficulté des partenaires se tourne alors vers l’autre pour lui en faire part, même si cela doit se traduire par des tensions voire par une crise. Or je n’ai pas entendu parler de crise avec l’État, lequel en l’espèce n’est d’ailleurs peut-être pas le seul responsable.

M. Jérôme Bédier. La crise n’est pas de notre fait. C’est l’État lui-même qui a renoncé au système des conventions : il nous a déclaré, au mois de juin, qu’il ne respecterait plus l’accord sur l’ANRU et qu’il ne signerait plus de conventions avec nous. Lorsque nous avons voulu signer un document, nous avons passé une heure dans le bureau du ministère du logement pour savoir comment on l’appellerait ; finalement, on l’a appelé « Résultat des discussions », pour éviter le qualificatif de contrat ou de convention, dans la mesure où il n’était plus question d’en signer. Nous sommes maintenant dans une sorte de vide juridique que nous nous employons à combler.

M. le président Patrick Ollier. Je m’en souviens bien : c’était il y a quatre mois. Mais les conventions étaient opérationnelles à cette date et les 500 millions d’euros prévus pour les DOM-TOM l’étaient déjà depuis plusieurs années.

M. Jérôme Bédier. Il s’agit d’un engagement générique, pluriannuel.

M. le président Patrick Ollier. Je remarque qu’il n’a pas été respecté.

M. Jérôme Bédier. Mais si ! Un seul dossier, assez lourd, nous préoccupe : il concerne un plan de restructuration d’une société d’HLM, qui est évalué à 90 millions d’euros et pour lequel on demande aux ressources du 1 % logement 30 millions d’euros en subventions, ce qui est une somme colossale ; pour l’instant, nous sommes en discussion avec les partenaires afin de régler le problème. Mais nous n’avons rien dénoncé. Nous disons seulement que l’État lui-même a mis par terre le système des conventions et que nous devons refonder le système et déterminer avec lui, de manière très transparente, ce que l’on peut faire ou ne pas faire.

Par ailleurs, dès lors que nous devenons le financeur principal de l’ANRU et de l’ANAH, il me semblerait important de faire en sorte d’associer les partenaires sociaux de manière plus étroite. Nous ne demandons pas la multiplication des postes d’administrateurs, mais nous souhaitons jouer un rôle à l’ANRU, notamment dans le cadre du comité d’évaluation et être plus impliqués dans l’ANAH, par exemple en en exerçant la présidence. On pourrait également y créer un comité d’évaluation et de suivi, comme c’est le cas à l’ANRU. Nous allons écrire au ministère du logement pour confirmer ces points dont nous avons déjà discuté, mais nous souhaitions vous en informer.

M. Michel Piron, rapporteur. Il ne serait pas non plus aberrant d’envisager de placer un élu à la présidence de l’ANAH, dans la mesure où l’action de celle-ci est très territorialisée.

M. Jérôme Bédier. Il nous paraissait logique que la présidence de l’agence la plus importante, l’ANRU, soit attribuée à un élu et que la présidence de la plus petite agence soit attribuée à un représentant des partenaires sociaux. Cela concrétiserait la collaboration et la participation de l’ensemble des forces intéressées.

M. Michel Piron, raporteur. Je comprends bien l’intérêt d’associer plus étroitement les partenaires sociaux, mais je reste convaincu que l’un des facteurs majeurs de réussite de l’ANAH réside dans un partenariat étroit entre administratifs et élus.

M. Jérôme Bédier. Vous avez raison : les élus sont évidemment au centre du dispositif. Simplement, nous sommes à la recherche de gestes un peu forts permettant au 1 % logement, qui va tout de même financer 80 millions de l’ANAH, de s’impliquer et de s’identifier à cette politique, dont nous souhaitons devenir des acteurs dynamiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je mesure la nécessité de confier à l’UESL, constituée de partenaires sociaux, des responsabilités autres que celle d’assurer le financement des actions publiques. C’est bien la loi cependant qui disposait, s’agissant de l’ANRU, que c’est l’État qui intervenait financièrement. À partir du moment où il y a un transfert de financement de l’action publique, il est impossible que ceux qui collectent au nom des salariés et des employeurs ne soient pas aussi en situation d’assumer une responsabilité dans le processus. Il faut vraiment maintenir le tissu partenarial.

M. Jérôme Bédier. C’est bien notre état d’esprit. On nous a imposé ces prélèvements, mais nous avons préféré faire contre mauvaise fortune bon cœur et en profiter pour devenir, en partenariat avec les élus, des acteurs de référence sur ces sujets et pour aller plus loin. C’est pourquoi, alors que l’on nous demandait de mettre 480 millions d’euros sur l’ANAH, nous avons décidé d’apporter 100 millions d’euros supplémentaires de plus, pour acheter des logements classés comme de l’habitat indigne. Autant réfléchir et apporter une valeur ajoutée supplémentaire.

Nous parvenons à poursuivre toute une série d’actions auxquelles nous tenons – l’État prélevant 1,3 milliard d’euros sur un budget total de 4,2 milliards d’euros. Mais nous désirons que les conditions soient créées pour que la collaboration sur le terrain soit la plus efficace possible. Une des conditions est que les CIL soient un peu plus importants, disposent de davantage de ressources, surveillent bien la façon dont fonctionnent les sociétés d’HLM, etc. Nous allons y travailler.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le président, vous avez parfaitement répondu aux questions posées. Nous allons interroger de notre côté le Gouvernement.

——fpfp——