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Mercredi 4 février 2009

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Claude Mallet, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), sur la 4ème licence de téléphonie mobile

– Information relative à la Commission

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a entendu M. Jean-Claude Mallet, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), sur la 4ème licence de téléphonie mobile.

M. le président Patrick Ollier. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Jean-Claude Mallet, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), je vous informe du lancement de la mission d’information, commune avec la commission des Finances, sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer, créée à votre demande, en particulier à celle de Mme Christiane Taubira.

S’agissant de notre commission, cette mission pourrait être composée, pour le groupe UMP, de MM. Jérôme Bignon, Jacques Le Guen, Alfred Almont et Jean-Claude Lenoir et de moi-même et, pour le groupe S.R.C., de Mme Christiane Taubira, M. Jean-Claude Fruteau. M. Alfred Marie-Jeanne représentera le groupe GDR. Je propose que M. Jacques Le Guen soit le rapporteur au nom de la commission. La présidence ou la vice-présidence déléguée pourrait être confiée à Mme Christiane Taubira. M. Jérôme Cahuzac représentera la commission des Finances. J’ai l’intention de me rendre moi-même sur place pour suivre cette question qui me préoccupe.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, d’avoir pris acte de la demande de constituer une mission d’information, qui émane de l’ensemble du groupe SRC. Je vous remercie également de confirmer que, comme il est de droit, le rapporteur d’une commission d’information est choisi dans la majorité lorsque le président ou vice-président a été choisi dans l’opposition, et vice versa.

M. le président Patrick Ollier. Cette procédure, qui a été décidée par la Conférence des présidents pour les missions d’information qui relèvent d’elle, n’est pas de droit au sein des commissions et ne saurait s’y appliquer « par capillarité ».

◊ ◊

M. Le Président Patrick Ollier. Monsieur le président Mallet, nous sommes très heureux de vous accueillir pour ce débat et je vous donne la parole pour nous présenter les différentes orientations qui seront prises par le Gouvernement, puis mises en œuvre par l’ARCEP, que vous présidez. Je rappelle que l’Assemblée tiendra demain matin, en séance publique, un débat sur la quatrième licence de téléphonie mobile.

M. Jean-Claude Mallet, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Je vais vous présenter le point de vue de l’ARCEP sur la stratégie globale des fréquences mise en œuvre par le Gouvernement, telle qu’elle a été annoncée le 12 janvier par le Premier ministre. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une stratégie globale concernant l’allocation des fréquences en faveur du développement du haut et du très haut débit mobile.

Avant d’aborder les questions que pose spécifiquement l’attribution des fréquences utilisées par la technologie UMTS (Universal Mobile Telecomunications System) pour la troisième génération mobile, j’évoquerai le cadre général dans lequel s’inscrira cette politique. Il se trouve précisément que le débat parlementaire que vous aurez demain permettra une discussion sur cette stratégie d’ensemble. La situation actuelle est à la fois paradoxale et d’une grande importance stratégique pour le positionnement de notre pays dans le domaine de la téléphonie mobile. Nous constatons en effet une multiplication de la demande de services mobiles. Ainsi, le tableau d’indicateurs que nous avons rendu public hier montre qu’en une année, le débit qui passe par les téléphones mobiles a été multiplié en moyenne par 1,5 et même par 2 dans certains domaines. Cet accroissement spectaculaire s’accompagne d’un décollage de l’utilisation de l’Internet mobile. Or, la rareté des ressources en fréquences, déjà évoquée devant cette Commission, va imposer de faire des choix difficiles.

Sur le plan international, la France est en retard par rapport à de nombreux autres pays. Ainsi, l’attribution de la totalité de la bande de 2,1 gigahertz, utilisée par l’UMTS, a été achevée dans la plupart des pays de taille comparable, et d’abord européens – qui comptent d’ailleurs souvent quatre ou cinq opérateurs. Les bandes de fréquences qui seront utilisées par le très haut débit mobile nouvelle génération, qui arrivera dans quelques années, commencent déjà à être attribuées dans d’autres pays. La procédure est achevée aux États-Unis, au Japon, en Norvège et en Suède. Pour ce qui est du très haut débit, c’est-à-dire des fréquences qui permettent d’augmenter la capacité des réseaux mobiles en nombre de clients accueillis et en débits offerts par rapport aux fréquences actuellement utilisées, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique ont déjà annoncé qu’elles prendraient en 2009 des décisions d’attribution. Pour ce qui est de la sous-bande, c’est-à-dire de la partie des bandes de fréquences héritées du dividende numérique allouée aux communications électroniques, des décisions commencent également à être prises en Suède et en Finlande et la réflexion est en cours dans d’autres grands pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

Dans ce contexte, le statu quo sur les bandes de fréquences de 2,1 gigahertz qui n’ont pas encore été attribuées au titre des licences UMTS n’était pas possible, sauf à prendre du retard. Il était important que le Gouvernement et l’ARCEP puissent définir une stratégie d’ensemble pour les deux ou trois prochaines années – à commencer par 2009 – sur l’ensemble du spectre des fréquences, compte tenu de la rareté de ces dernières et de l’augmentation de leur usage, ainsi que du contexte international. En tant que président de l’ARCEP, je me suis attaché, depuis mon audition par votre Commission le 17 décembre dernier, à débloquer cette situation et à donner de la visibilité aux acteurs économiques, en particulier aux opérateurs, afin qu’ils puissent définir des stratégies d’investissement.

Ma deuxième remarque d’introduction sera donc la suivante : ce que nous faisons ici pour le haut et le très haut débit mobile, tout comme ce que nous ferons dans le domaine de la fibre, dont nous aurons certainement l’occasion de reparler cette année, est une incitation à l’investissement et à l’innovation. Ces éléments sont d’autant plus fondamentaux que, pour le fixe comme pour le mobile, les nouveaux réseaux numériques sont au coin de la rue – même si cette rue est parfois un peu longue – et porteront des services multiples pour nos concitoyens et pour les acteurs économiques. Les enjeux sont donc tout à fait considérables et, si nous nous focalisons aujourd’hui sur les fréquences, nous ne perdons pas de vue l’enjeu global du développement des nouveaux réseaux numériques.

L’Internet mobile a pris son essor. La nouvelle génération technologique qui succédera à la troisième génération et que les spécialistes dénomment « évolution à long terme », ou LTE (Long Term Evolution), permettra un véritable saut qualitatif et en débit pour les services Internet mobile. La technologie est déjà en cours de développement chez les industriels. Le Gouvernement et l’ARCEP doivent donc définir cette année cette stratégie générale en ayant à l’esprit l’avènement progressif du très haut débit mobile. À cette fin, l’ARCEP lancera à la fin du mois de février ou au début du mois de mars une consultation publique pour préparer la procédure d’affectation, d’une part de la sous-bande héritée du dividende numérique, dont les caractéristiques de propagation et de pénétration sur le territoire et dans les immeubles sont indispensable pour assurer la couverture du territoire par le très haut débit mobile, d’autre part de bandes à plus haute fréquence – 2,6 gigahertz – qui pourront supporter les nouvelles technologies.

J’ajoute que ce développement, qui est une démarche de long terme, se réalise parallèlement au déploiement de la fibre. L’une des raisons pour lesquelles nous devons avancer de façon coordonnée sur l’ensemble de ces chantiers et faire avancer notre pays et nos acteurs économiques pour le déploiement de ces nouveaux réseaux est précisément la convergence des acteurs, des besoins et des comportements des utilisateurs entre le fixe et le mobile. Il importe de resituer le débat sur l’affectation des fréquences utilisées par la technologie UMTS dans ce mouvement d’ensemble. L’ARCEP et le Gouvernement doivent donner aux élus et aux investisseurs une visibilité de la stratégie gouvernementale et du calendrier.

Lorsque nous lancerons la consultation publique sur ces futurs investissements pour le déploiement du très haut débit mobile, le calendrier de mise à disposition de ces fréquences et les conditions de leur mise sur le marché devront être complètement définis et garantis, notamment pour la sous-bande issue du dividende numérique.

Sur le long terme, des problématiques que le législateur connaît bien se poseront avec une acuité nouvelle. Ce sera par exemple le cas de la mise en commun des infrastructures par les opérateurs, parce que les fréquences basses héritées du dividende numérique et permettant d’assurer la couverture du territoire, occupent une bande étroite de 72 mégahertz, qui ne laisse de place que pour deux ou trois opérateurs au plus. Des choix difficiles s’imposeront alors entre les candidats, qui seront sans doute nombreux, et nous devons nous y préparer. La complémentarité avec la fibre est une voie à étudier : il faut une vision globale de ces nouveaux réseaux numériques. Ces choix difficiles exigeront de nous un surcroît de transparence et de débats. Outre la consultation publique, j’ai l’intention de proposer des auditions publiques avant que les décisions soient prises, probablement cet été, afin que le débat sur cette large question puisse être connu de tous.

J’en viens aux attributions de fréquences de 2,1 gigahertz, notamment à ce que la presse et tous les autres acteurs désignent comme la « quatrième licence ». Sans refaire l’historique de ce sujet, que votre Commission connaît bien, je rappellerai que la cession de l’usage des 15 mégahertz encore disponibles dans la bande de 2,1 gigahertz a été cadrée par l’intervention du Premier ministre, le 12 janvier, à la suite d’une réunion de ministres à laquelle j’ai participé, sur la base de trois lots dont un serait réservé à un nouvel entrant. Ce cadre vous sera précisé demain par les ministres lors du débat prévu par la loi.

De son côté, l’ARCEP a accéléré la préparation du dossier d’appel à candidatures. Nous attendons que les modalités financières soient fixées par le Gouvernement à l’issue du débat de demain. Nous avons déjà réfléchi à l’organisation et au « séquencement » dans le temps de l’attribution des 15 mégahertz utilisés par les opérateurs avec la technologie UMTS. Un premier appel à candidatures, portant sur le premier lot réservé, pourrait intervenir très rapidement à l’issue des consultations nécessaires du Parlement et des commissions compétentes à la fin du mois de février et au début du mois de mars. Nous lancerons parallèlement les travaux sur l’affectation des 10 autres mégahertz, qui seront également mis sur le marché dans des conditions financières qui seront elles aussi fixées par le Gouvernement. Nous souhaitons que tout cela soit achevé à l’été 2009, avec un « tuilage » entre l’affectation des 5 premiers mégahertz à un nouvel entrant et, une fois connu le résultat de l’appel à candidatures, l’affectation des 10 autres mégahertz, à laquelle le nouvel entrant, s’il y en a un, pourra bien entendu être candidat, tout comme les autres opérateurs ou d’autres acteurs.

Les modalités de cette procédure seront analogues à celles qui ont déjà été utilisées. Elle s’appuiera sur des critères de sélection auxquels nous travaillons et qui seront très semblables à ceux qui ont déjà été identifiés dans les appels à candidature précédents, en 2007 et 2000. Les obligations minimales de couverture attachées à la délivrance de cette autorisation seront identiques à celles qui accompagnaient les précédentes licences : au bout de deux ans, 25 % de la population doivent être couverts pour la voix et 20 % pour les données et, au bout de huit ans, 80 % pour la voix et 60 % pour les données. J’attache une grande importance à cette obligation, compte tenu des difficultés que présente la couverture de l’ensemble du territoire et de la demande de nos concitoyens. Les dispositions favorables à un nouvel entrant seront également reconduites : accès payant au spectre de 900 mégahertz qui, par les vertus de propagation de cette qualité de fréquences, permet une couverture de la totalité du territoire ; droit d’itinérance, c’est-à-dire la possibilité pour le nouvel entrant d’avoir accès aux dispositifs qui sont sur les réseaux de deux générations, afin de pouvoir ouvrir rapidement son service. Ce droit, encadré et transitoire, porte uniquement sur les réseaux de deuxième génération et, par conséquent, ne permet pas que se produise ce que les spécialistes appellent un phénomène de « passager clandestin », soit une fausse entrée sur le marché de la troisième génération. Sont également prévues des possibilités d’accès aux sites. Nous voulons donner un cadre favorable, défini par l’État – Gouvernement et ARCEP –, à l’arrivée de ce nouvel entrant et au développement de son activité. Ce sera ensuite à lui de jouer, dans des conditions de transparence, d’efficacité, de rigueur et de tenue des objectifs qui seront contrôlés par l’ARCEP.

Les modalités financières seront fixées par le gouvernement. Le nouvel entrant devra s’acquitter de la redevance attachée aux 5 mégahertz de la bande des 2,1 gigahertz, ainsi que de celle qui correspond aux 5 mégahertz de la bande des 900 mégahertz que je viens d’évoquer et du financement du fonds de réaménagement du spectre.

Outre les enjeux très généraux liés au déblocage de la situation de la France en matière de fréquences, les enjeux de ces orientations – qu’il s’agisse de la délivrance de l’autorisation pour les 5 premiers mégahertz ou pour les 10 mégahertz qui doivent suivre très rapidement – sont d’abord économiques et se posent en termes d’investissement. Selon les services de l’ARCEP, un réseau permettant de remplir les conditions posées ne peut fonctionner sans un investissement de l’ordre de 1,5 milliard d’euros, lui-même source de création d’emplois et de relance économique.

Le deuxième enjeu se pose en termes d’innovation : un nouvel entrant devra faire preuve d’innovation, dans les usages, dans les services offerts et dans le développement du marché – c’est d’ailleurs ce que montre le développement du haut débit au cours des dernières années.

Le troisième enjeu est celui d’une dynamique concurrentielle au profit du consommateur. Je ne saurais évaluer l’« effet prix », souvent évoqué aujourd’hui, mais nous attendons aussi un « effet service » : pour des prix sensiblement équivalents, la compétition devrait s’accélérer sur la qualité et la variété des services offerts. Enfin, au terme des travaux menés au ministère des finances ces derniers mois, notamment lors de la consultation publique de l’été dernier, le surplus social attendu pour les consommateurs serait très élevé et susceptible, le cas échéant, de compenser le manque à gagner pour les trois opérateurs actuels – même s’il m’est impossible de donner ici le résultat de ce calcul, qui me semble sujet à discussion. L’enjeu est aussi celui de la crédibilité financière et technique. La solidité financière du projet sera examinée de très près par l’ARCEP, conformément à sa mission, lors de l’appel à candidature, dont c’est un critère important.

Le dernier enjeu est celui de l’équité vis-à-vis des opérateurs déjà présents, qui seront à juste titre vigilants. L’équité doit être démontrée pour le montant de la redevance, pour les obligations de couverture et pour les critères de sélection retenus dans l’appel à candidature, qui devront couvrir le même champ que précédemment.

Un autre point important, à la convergence des enjeux économiques et de la crédibilité du projet, est le rôle des opérateurs virtuels en termes d’animation de la concurrence. En dépit de certaines analyses, il ne me semble pas que l’alternative entre un quatrième opérateur mobile et des opérateurs virtuels – les MVNO – soit une fatalité Selon moi, en effet, les deux sont nécessaires. La stratégie que nous mettons en place et qui sera reflétée dans les appels à candidature et la politique menée à la fois par l’ARCEP et par le Gouvernement, doit traiter des deux types d’intervenants. L’arrivée d’un quatrième opérateur doit pouvoir dynamiser les opérateurs virtuels et peut-être desserrer l’étau dans lequel ils sont pris actuellement. En effet, un nouvel opérateur aura besoin d’un flux d’affaires assez stable et les accords qu’il pourra conclure avec les MVNO contribueront à une certaine stabilité de ses revenus. Il faut cependant que le cadre dans lequel ces contrats seraient passés avec les nouveaux MVNO permette une certaine réactivité et un certain développement des opérateurs virtuels, insuffisamment présents sur le marché français, qui se révèle particulièrement faible à cet égard au regard d’autres marchés comparables.

Nous serons vigilants sur ce point. Tout d’abord, la relation active avec les MVNO pour les 5 mégahertz du nouvel entrant figurera dans les critères de sélection de l’appel à candidatures. En deuxième lieu, pour la deuxième phase de l’attribution de licence, qui portera sur 10 mégahertz, cette relation ne devra pas être omise et pourrait même être un critère important. En effet, l’ARCEP et le Gouvernement tiennent à laisser aux MVNO une place suffisante, compte tenu de l’avis du Conseil de la concurrence de juillet 2008 selon lequel les clauses contractuelles qui leur étaient imposées étaient probablement trop peu souples pour permettre le développement effectif de ce secteur. L’ARCEP a immédiatement écrit aux opérateurs pour leur demander leurs réactions à ces orientations formulées par le Conseil de la concurrence en amont de tout contentieux. Nous avons reçu des réponses le 15 septembre et sommes en train de relancer le dialogue sur ce sujet, qui me semble avoir toute sa place dans l’approche générale que je viens de décrire.

L’arrivée d’un quatrième entrant et l’attribution des 10 mégahertz suivants ne freineront pas la couverture du territoire et nous y veillerons. Tout d’abord, je rappelle que les opérateurs existants ont des obligations en matière de couverture et que nous serons amenés à faire le point sur cette question le 21 août, à l’échéance fixée, pour Orange et SFR – nous n’attendons d’ailleurs pas cette date pour examiner la situation afin de prendre, le cas échéant, les mesures qui s’imposeraient. En deuxième lieu, les obligations de couverture du nouvel entrant seront identiques et le fait de disposer d’une capacité sur les fréquences de 900 mégahertz permettra précisément de les satisfaire. On objecte souvent, en effet, que les 5 mégahertz dont disposera cet opérateur ne suffiront pas pour un réseau national, mais les 5 mégahertz qui se situent dans la bande des 900 mégahertz, attachés aux 5 mégahertz de la bande des 2,1 gigahertz, sont précisément ceux qui permettront cette couverture du territoire.

Enfin, l’arrivée de ce nouvel opérateur me semble devoir stimuler la concurrence même pour ce qui concerne la couverture du territoire. De fait, les efforts réalisés par exemple par Bouygues Télécom, dont on a vu le développement au cours des 18 derniers mois, pour aller le plus loin possible dans la couverture du territoire, témoignent, même si cette couverture est encore insuffisante, de l’intérêt commercial et économique manifeste qu’il y a pour les opérateurs à assurer cette couverture – ce qui leur apporte un avantage comparatif s’ils l’assurent et un désavantage comparatif s’ils ne l’assurent pas. Nous espérons donc, comme je l’ai évoqué lors de ma première audition, que cette question sera traitée.

Pour nous, investissement et innovation sont la clé de cette démarche globale du Gouvernement et de l’ARCEP et la clé qui permettra à la France de tenir son rang dans le domaine des nouveaux réseaux numériques. L’ARCEP fera le maximum en ce sens.

M. le président Patrick Ollier. Ma question porte sur les différents appels à candidature qui ont eu lieu et sur le prix que devra acquitter le nouvel entrant. En effet, l’évolution de la loi de finances a eu pour effet la suppression de 619 millions d’euros. Pour nous, qui ne sommes pas tous aussi compétents sur le plan technique que Mme de La Raudière ou Mme Erhel, la question est de savoir qui fait le prix : il ne faudrait pas que ce soient les opérateurs, à la faveur d’un système d’appels à la concurrence auxquels personne ne répond tant que le prix d’entrée n’a pas baissé jusqu’au niveau que les compétiteurs jugent acceptable. J’aimerais, monsieur le président, connaître votre avis sur ce point.

Nous avions envisagé, lors de votre brillante audition devant notre Commission, à l’occasion de votre nomination, que vous reviendriez. Peut-être pourriez-vous le faire pour un rapport d’étape sur ce processus qui nous intéresse beaucoup.

Mme Laure de La Raudière. Merci, monsieur le président Mallet, d’avoir posé le débat dans une perspective large, sans le limiter à la question de l’attribution d’une quatrième licence, et en le faisant porter sur la stratégie possible d’attribution des fréquences et de gestion de notre spectre de fréquences. D’ici peu, on demandera à l’Internet mobile le même usage qu’à l’Internet fixe : au très haut débit fixe devra correspondre un très haut débit mobile, comme le haut débit mobile correspond au haut débit fixe. Une stratégie coordonnée revêt donc une très grande importance.

Ma première question porte sur la sous-bande de 72 mégahertz, issue du dividende numérique, qui sera réattribuée aux opérateurs de télécommunications dans la bande inférieure aux 900 mégahertz. Si cette fréquence permet un bon aménagement du territoire, une bande de 72 mégahertz permet de loger au maximum deux réseaux. Comment coordonner cette approche, qui sera opérationnelle à moyen terme – d’ici cinq ou six ans –, et sans doute bien avant pour le choix des opérateurs, avec l’attribution d’une quatrième licence d’opérateur de réseau aujourd’hui ? Il faut y réfléchir dès maintenant.

Ma deuxième question concerne l’aménagement du territoire : nous convenons tous que la couverture mobile du territoire français est aujourd’hui insuffisante. Le plan France Numérique 2012 prévoit des solutions pour la couverture Internet haut débit – on pense par exemple aux offres récentes de liaison par satellite proposées par NordNet ou Eutelsat, ou à l’offre à 34,90 euros tout compris que vient d’annoncer le Gouvernement –, mais, pour le mobile, qui est pourtant une technologie plus ancienne, des points noirs et des zones grises demeurent et nos concitoyens ne sont pas satisfaits de la couverture.

Je crains que la quatrième licence ne soit pas un facteur d’accélération de l’investissement des trois autres opérateurs pour la couverture mobile, et que les engagements pris pour la fin août ne soient pas tenus. Je crains également que l’ARCEP, qui a le pouvoir de sanctionner, ne l’utilise pas pour des raisons d’équilibre et de négociation avec les opérateurs. C’est une crainte réelle, car, si on ne sanctionne jamais les défauts de couverture, on n’atteindra jamais les objectifs auxquels les opérateurs se sont engagés pour se voir attribuer les fréquences.

Je souhaiterais en outre savoir ce qu’il est possible de faire, concrètement, pour susciter une réelle concurrence via les MVNO ?

Enfin, quel sera l’impact de la quatrième licence sur la baisse des tarifs et sur le pouvoir d’achat – thème cher au Gouvernement ?

Mme Corinne Erhel. Pour nous, l’aménagement du territoire est au cœur même de la réflexion sur le numérique. Il ne se mesure pas seulement par le taux de couverture de la population – qui n’est pas toujours significatif, par exemple dans les zones de montagne. Nous avons besoin d’une vision globale de l’ensemble de ces enjeux.

Pour ce qui concerne l’attribution de la quatrième licence, pourriez-vous préciser quelles garanties seront demandées au nouvel entrant en termes de taux de couverture – étant entendu que, comme je viens de le dire, que la définition de ce terme doit être précisée ? Comment allez-vous obtenir des engagements en termes d’aménagement du territoire dans les zones peu denses – qu’il s’agisse des zones de montagne ou de certaines zones de banlieue non couvertes ? Quels moyens allez-vous employer pour contrôler leur application ?

Vous avez rappelé que les opérateurs actuels réalisent chaque année un peu plus d’un milliard d’euros d’investissements. Comment pouvez-vous vérifier que le nouvel entrant aura, dans la situation actuelle, une telle capacité – condition nécessaire pour atteindre nos objectifs d’aménagement du territoire ?

Par ailleurs, avez-vous mesuré l’impact de l’arrivée d’un nouvel entrant sur l’économie des trois autres opérateurs ? La situation économique compliquée que nous connaissons invite en effet à mesurer précisément cet impact en termes non seulement d’investissement, mais aussi d’emploi. En quoi cette quatrième licence est-elle un élément réel de la relance économique et comment allez-vous le mesurer concrètement ?

En outre, n’existe-t-il pas un risque juridique de la part des trois autres opérateurs si les conditions de l’attribution des fréquences ne sont pas exactement les mêmes ?

Il faut, enfin, que l’on puisse comprendre pourquoi il importe au Gouvernement d’attribuer cette quatrième licence aujourd’hui. Que rapportera-t-elle à l’économie ? En quoi le consommateur s’y retrouvera-t-il ? Quel en sera l’impact sur le salarié consommateur ?

M. Jean Dionis du Séjour. En tant que centristes, nous sommes plutôt ouverts à la concurrence libre et non faussée – et fortement régulée. Cette ouverture est d’autant plus utile que le marché est mature et que la stabilité des parts de marché des trois opérateurs a posé question au Conseil de la concurrence, qui a statué. Ne pensez-vous pas que l’arrivée d’un quatrième entrant aura aussi pour effet d’activer la concurrence entre les trois opérateurs existants ?

L’échec des MVNO, que vous évoquez, mérite d’être examiné de plus près. En effet, l’économie des réseaux est monopolistique et, compte tenu du coût d’un réseau, il est préférable de le partager plutôt que d’en déployer un deuxième. C’est en cela que les MVNO sont intéressants. Pourquoi donc cet échec ? L’ARCEP n’y a-t-elle pas une responsabilité ? De fait, la réussite de la concurrence entre fournisseurs d’accès à l’Internet s’explique par celle du dégroupage, les prix de gros étant assez bas pour permettre le développement d’une activité d’achat et de revente. Pourquoi cela n’a-t-il pas réussi avec les MVNO et que comptez-vous faire à cet égard ?

Sur le quatrième réseau, dont vous annoncez la mise en place, l’élu local que je suis se pose quelques questions concrètes. Y aura-t-il, notamment, obligation de mutualiser les points hauts ? En effet, si je ne doute pas que le maire de Moirac accueille avec joie le quatrième opérateur sur le château d’eau de sa commune, je souhaiterais toutefois savoir si les trois autres opérateurs auront l’obligation d’accueillir le quatrième sur les sites propriétaires ?

Quant à la clause d’itinérance, qui est fondamentale, le fait qu’après six ans les trois autres opérateurs n’aient plus l’obligation de transmettre les messages venant d’autres sources n’est-il pas dissuasif ?

Le déploiement d’un quatrième réseau physique me semble une proposition fragile, comme semble le confirmer l’échec récent de l’opérateur espagnol Yoigo. Malgré l’enthousiasme avec lequel vous plaidez pour ce déploiement, n’êtes-vous pas un peu inquiet sur le fond ?

M. Christian Jacob. J’insisterai brièvement sur la couverture en téléphonie en termes d’aménagement du territoire. Nos concitoyens ne comprennent pas qu’au moment même où nous débattons de la quatrième licence, dont nous voyons tous l’intérêt, leurs communications ne passent toujours pas. Ainsi, près du tiers des communes de ma circonscription d’Île-de-France ne sont pas intégralement couvertes. C’est de moins en moins tolérable.

Quant au très haut débit, il est lui aussi essentiel pour l’aménagement du territoire, en particulier pour l’implantation des entreprises. Le dossier de la fibre appelle un autre débat, que nous aurons sans doute à une autre occasion. Toujours est-il que nous recevons de très nombreuses lettres de réclamation quant à l’accès à ces services.

M. François Brottes. L’opération est casse-cou. Certes, monsieur le président Mallet, la décision est celle du Gouvernement, et non la vôtre, mais, pour ce qui est de la couverture du territoire, il est peu probable qu’un quatrième opérateur se jette à corps perdu dans les secteurs les moins peuplés. Dès lors que la concurrence existe, elle s’exerce surtout là où il y a des marchés. Ainsi, l’arrivée d’un quatrième opérateur aggravera la mauvaise desserte du territoire.

En deuxième lieu, bien que je n’aie pas de tendresse particulière pour les opérateurs en place, il semble qu’ils aient atteint récemment un petit équilibre, après avoir développé un réseau d’infrastructures correspondant à l’engagement qu’ils avaient pris. Évitons donc de jouer avec le feu. À la différence de mes collègues de l’UMP, je ne crois pas qu’une concurrence accrue fasse baisser les prix. Nous risquons de sacrifier dans cette affaire une partie du dividende numérique, qui devrait être prioritairement utilisé pour l’aménagement du territoire et l’Internet à haut débit mobile. Or, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), du fait d’une mauvaise articulation avec l’ARCEP, dont on ne saurait vous imputer la responsabilité, vient de reporter divers réaménagements des émetteurs pour passer au numérique terrestre. Les ondes hertziennes sont un bien rare, que nous devons tous veiller à utiliser sans abus. Comme l’a souligné tout à l’heure Mme de La Raudière, l’articulation risque d’être difficile. Ainsi, tant que la question de l’utilisation du dividende numérique n’a pas été réglée, le moment me semble mal choisi pour lancer la quatrième licence.

Ma dernière remarque est plus perfide, mais elle est cohérente avec mon rôle d’opposant : voyant qu’on fait tout ce qu’il faut pour que Siemens quitte Areva afin que M. Bouygues accède au nucléaire, ou que M. Bolloré n’a pas tenu ses engagements après avoir racheté des licences Wimax à TDF, on peut penser que la quatrième licence recouvre un marchandage entre amis qui permettra à certains de récupérer un quatrième réseau qui pourra être monnayé contre d’autres avantages. Je souhaite que nous ne soyons pas otages du grand Monopoly qui n’a guère de lien avec l’intérêt des usagers.

M. le président Patrick Ollier. Gardez ces arguments pour l’Hémicycle, cher collègue !

M. Alfred Trassy-Paillogues. J’ai deux téléphones, qui relèvent de deux opérateurs. Dans ma circonscription, située entre Dieppe, Le Havre et Rouen, il m’en faudrait trois – et bientôt quatre ! La couverture connaît des trous de cinq ou six kilomètres et, entre Rouen et Paris, sur l’autoroute A13, ils atteignent parfois dix kilomètres, et cela quel que soit l’opérateur. Ne parlons pas du réseau ferroviaire, où l’utilisation du portable est un exploit.

En outre l’entretien des installations par les opérateurs laisse à désirer, ce qui dégrade progressivement la couverture initiale. L’ARCEP a-t-elle les moyens de vérifier que les équipements sont entretenus ?

M. Lionel Tardy. Parmi tous les termes évoqués, celui de « surplus social » demanderait peut-être quelques précisions.

La réflexion sur la quatrième licence semble partir du postulat que, plus les acteurs sont nombreux sur un marché, moins le service rendu est coûteux. C’est presque trop simple. Le coût moyen de la minute de voix en France est inférieur de 30 % à ce qu’il est en Allemagne, où quatre opérateurs se partagent le marché.

Ma question portera sur l’arrivée d’un nouvel opérateur mobile, sur la couverture mobile et sur l’aménagement de notre territoire.

Notre pays, qui est l’un des plus vastes d’Europe, est marqué par une densité relativement faible de la population. Cette caractéristique impose aux opérateurs français des investissements supérieurs à ceux de leurs concurrents européens. Un opérateur français doit, pour toucher le même nombre d’abonnés qu’un opérateur allemand ou italien, couvrir un territoire en moyenne deux fois plus étendu. Cela explique que chaque opérateur de réseau consacre aujourd’hui près d’un milliard d’euros à l’amélioration de la couverture, alors que le candidat déclaré prévoit d’investir en tout et pour tout un seul milliard pour la totalité de son réseau. Pouvez-vous nous garantir que l’investissement des opérateurs existants et l’amélioration indispensable de la couverture mobile ne feront pas les frais de l’arrivée d’un quatrième opérateur ? En effet, le candidat attendu pour cette nouvelle licence ne souhaite visiblement, vu les investissements réduits qu’il annonce, prendre que des obligations de couverture très limitées et prévoit surtout de bénéficier du « roaming », ou « itinérance », c’est-à-dire de la faculté pour ses clients d’utiliser le réseau de ses concurrents. Il serait donc, en l’espèce, inéquitable que le nouvel opérateur se contente de remplir des obligations de couverture minimales – en pratique, 25 % de la population, celle des seuls bassins de population les plus denses, et donc les plus rentables comme l’a souligné M. Brottes –, laissant aux concurrents les endroits les plus isolés. Cela ne manquerait pas de décourager ces derniers d’investir dans les zones blanches et grises et conduirait certainement à une chute dommageable de leurs investissements.

Enfin, les licences 3G actuelles comportent 14 obligations, qui me semblent devoir s’imposer aussi au quatrième opérateur. L’ARCEP doit imposer un business plan crédible sur dix ans, assorti d’un engagement des actionnaires et des banques, avec les montants d’investissements prévus lors de l’analyse des candidatures. À l’ouverture, avant de donner accès au réseau du concurrent, la qualité de couverture sur les 25 % de la population doit être équivalente à celle que proposent les concurrents et contrôlée également par l’ARCEP. Devra aussi être apportée la preuve du financement des investissements nécessaires pour assurer la couverture nationale, comportant d’une part une garantie effective des actionnaires d’autre part un financement bancaire irrévocable, ayant fait l’objet d’une syndication.

M. Yves Albarello. Ma question rejoint celle qu’a posée le président Ollier à propos de l’appel d’offres et de son prix. En effet, lors de l’attribution de la télévision numérique, seul Orange a répondu et cet opérateur va aujourd’hui se trouver en situation dominante.

M. François Brottes. Ça n’a rien à voir !

M. Yves Albarello. Orange n’en est pas moins en situation de monopole. J’ai défendu à ce propos un amendement, qui a été adopté par l’Assemblée avec le soutien du groupe socialiste et du groupe Nouveau centre, mais a été rejeté au Sénat et n’a pas reparu en commission mixte paritaire. L’appel d’offres est-il solidement verrouillé à cet égard ?

Par ailleurs, le cahier des charges ne pourrait-il permettre d’améliorer la couverture des zones grises et blanches dont nous sommes nombreux ici à nous soucier ?

M. le président Patrick Ollier. Lors des déplacements que nous sommes parfois amenés à faire dans le monde, nous sommes surpris de constater que les communications passent sans encombre au milieu de la Chine ou du désert australien, alors qu’elles sont coupées sans cesse entre l’Assemblée et, par exemple, ma ville de Rueil-Malmaison. Ne faudrait-il pas commencer par améliorer ce qui existe ?

M. Jean-Claude Maillet. Certaines des questions posées dépassent le cadre du débat que vous aurez demain. Ainsi, pour ce qui est de la couverture, il s’agira, comme je l’ai indiqué lors de mon audition initiale, de mettre en place une stratégie globale.

Le prix, monsieur le président, est fixé par le Gouvernement, qui établit la redevance ou les différents éléments de coût que doit supporter le nouvel entrant. La rémunération est liée à la fois aux bandes de fréquence directement mises sur le marché pour le nouvel entrant et à d’autres éléments de coût, comme la bande de 900 mégahertz et le réaménagement du spectre. Les modalités selon lesquelles sera déterminé le prix des 5 premiers mégahertz, que j’ignore pour ma part, seront exposées demain par les ministres. L’ARCEP, quant à elle, appliquera des principes de simplicité pour la compréhension et d’équité pour la solidité juridique. En tout état de cause, la répartition des compétences fixée par le législateur prévoit précisément que l’ARCEP doit attendre que le Gouvernement notifie son choix, après le débat parlementaire qui aura lieu demain.

Pour les 10 mégahertz suivants, le choix appartient également au Gouvernement. Les options qui ont été évoquées entre le Gouvernement et l’ARCEP avant que j’en prenne la présidence sont ouvertes et la question est en cours d’étude. J’ignore s’il s’agira d’enchères, avec ou sans prix de réserve, ou d’attribution selon des critères de sélection. Lorsque la question du prix aura progressé, nous pourrons nous revoir, monsieur le président, dans la formation que vous souhaiterez, pour faire le point sur l’avancement de ces appels à candidature, dont le premier aura lieu très rapidement après la fixation du prix par le Gouvernement et le second dès qu’aura été résolue la question du type de procédure employée pour 1’attribution des 10 autres mégahertz, actuellement à l’étude au sein du Gouvernement et à l’ARCEP.

Mme de La Raudière a très justement souligné que l’articulation d’ensemble de ces exercices est difficile. Je souhaiterais convaincre ceux qui sont sceptiques face au choix du Premier ministre qu’il est important de débloquer la situation des fréquences utilisées par l’UMTS. Que l’appel à candidatures soit fructueux ou pas, l’important est qu’il ait lieu et que nous trouvions des solutions pour traiter le très haut débit mobile. Peut-être le Gouvernement aurait-il pu arguer que la conjoncture était peu propice à la mise sur le marché d’un nouvel entrant, mais une décision était nécessaire pour sortir de l’incertitude et les investisseurs avaient besoin de savoir comment l’État gère le patrimoine actuel avant d’investir dans la quatrième génération et dans le LTE. Certes, cela n’est pas sans risques, mais il faut en prendre pour avancer dans un domaine où la France doit se situer à la pointe. J’ignore si l’appel à candidatures sera fructueux et s’il y aura un, deux ou trois candidats. De fait, il est arrivé qu’un candidat unique présentant un très bon dossier soit retenu, mais aussi, à cinq années d’intervalle, qu’un autre candidat, lui aussi unique, mais avec un très mauvais dossier, ne le soit pas. Nous verrons. Si plusieurs candidats se déclarent, ce sera le signe que la question n’est pas indifférente à des acteurs économiques qui investissent beaucoup.

Troisièmement, faut-il ne rien faire et attendre les investissements en encourageant les opérateurs à assurer la couverture et l’entretien du réseau et en gérant une concurrence – certes bien réelle – entre eux ? Dans d’autres pays, les opérateurs sont au nombre de quatre ou cinq et les proportions de marché tenues par les opérateurs virtuels sont plus importantes. Cela tient probablement au fait que, si le système à trois opérateurs ne fonctionne pas mal – non sans concurrence ni sans innovation commerciale, je le répète –, les taux de couverture ne sont pas les meilleurs, pour des raisons de rentabilité, et le niveau d’investissement commercial sur les novations commerciales n’est pas aussi bon en France qu’ailleurs. Je vous renvoie à ce propos aux travaux du Conseil de la concurrence qui ont été rendus publics et aux travaux d’observation et d’analyse de la Commission européenne, assez nets en la matière quant au degré de concurrence. Sans faire de procès en sorcellerie à la France pour manque de concurrence, je ne vois pas de contradiction entre une politique qui favorise l’investissement et l’innovation et une politique qui utilise la concurrence dans le même sens, comme nous essayons de le faire. On ne peut pas dire qu’il n’y aura pas d’investissement. Peut-être reviendrait-il plutôt au ministre de l’économie et des finances de rendre compte de l’évaluation du bilan global et d’un éventuel surplus social, mais toujours est-il que, selon les bilans réalisés par les services du ministère, le gain global pour le consommateur est supérieur à la gêne financière immédiate imposée aux opérateurs.

En matière d’articulation, il me semble donc essentiel d’accélérer sur tous les fronts, mais de façon ordonnée. La consultation publique qui sera lancée à la fin du mois de février sur l’utilisation du dividende numérique et les bandes de 2,6 gigahertz permettra de mesurer, cet été sans doute, comment se présentent les choix à faire pour l’utilisation du dividende numérique. Je ne puis vous donner la réponse avant cette consultation publique, mais il est clair que nous devons adopter une démarche en séquence. Si nous ne donnons pas de visibilité aux opérateurs sur la libération de fréquences futures, nous ne pouvons pas leur reprocher de ne pas avoir de stratégie d’investissement à moyen terme. La consultation publique a donc pour objet de commencer à déblayer le terrain, de bien ancrer dans le paysage la libération de ces fréquences et de faciliter la définition de stratégies d’investissement par les opérateurs. Si cette réponse n’est pas pleinement satisfaisante, c’est parce que nous héritons d’une situation dans laquelle le sort de la bande de 2,1 gigahertz n’est pas réglé : il faut le faire, mais sans traîner pour l’affectation des autres bandes de fréquence, compte tenu de la concurrence internationale.

Pour ce qui est de la couverture, qui est, avec les nouveaux réseaux numériques, l’une des premières priorités que j’ai fixées à l’ARCEP, je comprends la frustration que vous exprimez au vu de la réalité. J’ai pour ma part travaillé pendant vingt ans dans les domaines de la défense et de la gestion de crises et je ne parviens pas à comprendre que les communications de mon portable soient coupées trois fois en plein Paris, entre le SGDN (Secrétariat Général de la Défense Nationale), boulevard des Invalides, et une cellule de crise.

M. le président Patrick Ollier. Vous aussi ?

M. Jean-Claude Mallet. Mais oui ! Nous sommes confrontés à deux problèmes. Le premier est de savoir comment s’assurer que les zones qui n’ont aucun accès soient effectivement couvertes ? Vous avez fixé à l’ARCEP plusieurs rendez-vous sur cette question et nous allons les tenir. Nous devons acquérir une meilleure connaissance des problèmes réels de couverture et de l’impact de l’absence de couverture.

Le deuxième problème est celui de la qualité. L’ARCEP rend régulièrement public, sur la base d’études statistiques annuelles, le niveau de qualité des services rendus par les opérateurs mobiles. J’ai demandé que ces indices intègrent désormais des durées de communication plus longues que deux minutes et des zones qui ne se limitent pas à celles de plus de 20 000 habitants, afin de nous donner une vision plus fine et plus proche de la perception des gens. Cette décision a été prise voici quelques jours et fait partie des demandes que j’ai adressées aux opérateurs, qui sont impliqués dans cette démarche d’enquête. L’enquête 2009, portant sur les données de 2008, intégrera davantage ces éléments pour nous donner une mesure plus fine de la qualité. Par ailleurs, nous devons posséder les outils nécessaires pour mieux mesurer, et disposons à cette fin de pouvoirs d’enquête.

Quant aux échéances de l’été, nous ferons le point Je ne sais pas encore quelle serait la politique de l’ARCEP si nous constations que les opérateurs concernés – Orange et SFR – n’étaient pas alignés sur les engagements qu’ils ont pris voilà 8 ans.

Il est encore important de souligner que c’est par une stratégie multi-technologies que nous pourrons résoudre ces questions. Nous pourrons répondre aux demandes de l’Internet haut débit en mélangeant les technologies fixes et mobiles et, pour le mobile, en faisant appel aux différentes sources technologiques possibles.

Pour ce qui est du quatrième entrant, s’il n’est pas question de fixer des objectifs qui constitueraient des barrières infranchissables, il n’y a pour autant aucune raison d’être moins exigeant sur le niveau de couverture exigé dès lors que la dotation couple des fréquences de la bande 2,1 gigahertz et de la bande de 900 mégahertz – sous peine d’être en infraction et dans une situation inéquitable que les autres opérateurs ne manqueraient pas de nous reprocher à juste titre. Quant à accroître la surveillance de la réalisation de ces objectifs, c’est un point que nous pourrons examiner.

L’accès aux sites est un droit déjà défini. Ceux qui disposent de sites ont l’obligation, d’offrir au nouvel entrant la possibilité de les partager.

La baisse des tarifs, qui est un effet annoncé par le candidat majeur, est assez probable – mais je ne souhaite pas me prononcer à l’avance sur ce point.

Pour répondre à certaines inquiétudes, je précise que les garanties qui seront données, le niveau de l’investissement ou la solidité financière du dossier font partie des critères de sélection que nous poserons dans l’appel à candidatures et qui seront vérifiés par l’ARCEP lors du dépouillement. Quant au risque juridique, la sécurité juridique est pour nous un souci majeur. Les conditions d’équité envers les opérateurs disposant déjà d’une licence, le droit communautaire qui s’applique en matière d’autorisations et, bien sûr, la législation nationale qui les encadre seront respectés et nous ferons tout pour que cet appel à candidature soit impeccable sur le plan juridique.

À propos des MVNO (Mobile Virtual Networks Operators – opérateurs virtuels), qui sont relativement récents dans notre pays, je ne sais s’il faut parler d’échec. Le Conseil de la concurrence a constaté que les conditions faites aux MVNO entravent leur développement accéléré sur le territoire français. L’ARCEP et le Gouvernement feront tout ce qui est possible pour inciter le nouvel entrant et ceux qui achèteront les autres fréquences à modifier le cadre contractuel et à engager une discussion dans un rapport plus équilibré entre les opérateurs et les MVNO.

M. le président Patrick Ollier. Les membres de notre Commission, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, ont confiance en votre détermination, que nous avons déjà appréciée lors de notre dernière réunion. Le fait que vous ayez accepté – et même souhaité – la rencontre d’aujourd’hui en est la preuve. Indépendamment du débat de demain, qui est prévu par la loi, nous aurons d’autres rendez-vous d’étape. Il pourrait également être utile, si vous le souhaitez, d’organiser ici même, à huis clos, une réunion de travail avec l’ensemble des membres du collège de l’ARCEP. En un mot, je souhaite que des relations fréquentes et constructives se nouent avec l’ARCEP. Vous pouvez compter sur nous pour réagir sur certains points et nous savons pouvoir compter sur vous pour le respect des engagements pris. Je sais que vous êtes l’homme de la situation. Quant au Gouvernement, à qui revient la décision, son contrôle relève de notre responsabilité.

Monsieur le président, nous vous souhaitons bon courage pour votre mission importante.

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Information relative à la Commission

La commission a nommé membres de la mission d’information commune avec la commission des finances sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer, au nom de la commission des affaires économiques : M. le Président Patrick Ollier, MM. Jérôme Bignon, Jacques Le Guen, Alfred Almont, Jean-Claude Lenoir, Mme Christiane Taubira, MM. Jean-Claude Fruteau, Alfred Marie-Jeanne.