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Mardi 3 mars 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 38

Présidence de M. Patrick Ollier Président

puis

de Mme Fabienne Labrette-Ménager, Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, auprès de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, sur la politique industrielle

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, auprès de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, sur la politique industrielle.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes heureux d’accueillir M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, ancien membre de notre commission, pour l’entendre à propos de la stratégie industrielle du Gouvernement, dans le contexte actuel de crise.

Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de nous parler du plan d’aide au secteur de l’automobile.

Par ailleurs, la Présidence française de l’Union européenne a permis de tracer des perspectives intéressantes en matière de politique industrielle. Pouvez-vous les préciser ?

Où en est la procédure relative aux tarifs de l’électricité pour les industriels ?

Je souhaiterais aussi que vous nous parliez du « verdissement de la croissance » et de la taxe carbone.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Mon propos sera articulé en cinq parties : la situation de l’industrie française ; la politique menée par le Gouvernement depuis près de deux ans dans le domaine industriel ; les manifestations de la crise ; les pistes de sortie de crise que nous proposons ; la place de l’État dans la politique industrielle.

L’industrie française pèse lourd. Elle est officiellement à l’origine de 14 % du PIB, et même de 30 % en incluant toutes les activités connexes, en particulier celles qui sont externalisées. De même, elle emploie 12 % de la population active, mais en réalité 40 % en incluant les services externalisés. Elle représente 80 % des exportations de marchandises et 90 % de l’effort de la R&D – recherche et développement – privée. L’industrie reste donc plus que jamais la locomotive de l’économie française. Le Président de la République lui-même déclarait d’ailleurs, le 4 février dernier : « Un pays qui n’a plus d’usines est un pays qui n’a plus d’économie. » La politique industrielle n’appartient donc pas au passé.

L’industrie française dispose d’atouts : des champions nationaux, acteurs majeurs sur des marchés comme l’agro-alimentaire, l’aéronautique ou le luxe ; des infrastructures publiques considérées comme les meilleures mondiales par le baromètre Ernst & Young ; un savoir-faire technologique reconnu à travers le monde ; des grands projets comme l’EPR ou le TGV, ainsi que des constructions édifiantes comme le Viaduc de Millau.

Ces atouts ne doivent pas cacher des faiblesses. Le décrochage de notre compétitivité, il y a une quinzaine d’années, s’est traduit par la dégradation de notre balance commerciale et une chute de 15 % de nos parts de marché en dix ans. Le coût horaire du travail reste élevé : nous sommes au quatrième rang parmi les vingt-sept pays de l’Union européenne, ce qui pénalise évidemment notre activité industrielle. La R&D privée reste insuffisante, très loin de l’objectif de Lisbonne : elle s’établit a seulement 1,3 % du PIB, à comparer aux 3 % des pays scandinaves, aux 2,6 % du Japon ou au 1,8 % des États-Unis. Nous éprouvons des difficultés à faire émerger de nouveaux acteurs industriels : moins de 10 % des 150 premières entreprises françaises sont nées après 1950, contre 30 % aux États-Unis ; les vingt-cinq plus grosses entreprises françaises existaient déjà en 1960, contre six seulement d’entre elles aux États-Unis.

Des opportunités se présentent cependant à nous. C’est l’industrie qui apportera la réponse aux grands enjeux sociétaux mondiaux du XXIe siècle, dans les domaines de la santé, de la nutrition, du changement climatique ou de la sécurité, à travers l’innovation technologique. Or la France est présente et concurrentielle dans des secteurs à très fort potentiel de développement : les éco-industries, l’énergie, les industries de défense. Des pays émergents constituent de gros marchés potentiels, c’est-à-dire des réservoirs de croissance, comme nous le constatons dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. L’Europe est un atout considérable : c’est une solide base arrière pour partir à l’assaut du monde car son grand marché lui donne la taille critique pour mobiliser des investissements et élaborer des standards diffusés à travers le monde. La french touch – notre image et notre savoir-faire – est déclinable dans le secteur industriel, dans les secteurs du textile, du luxe ou du jeu vidéo : sur les treize marques les plus connues dans le monde, six sont françaises.

Ces opportunités ne pourront être exploitées que si nous endiguons certaines menaces. L’attitude des Français vis-à-vis de la mondialisation est frileuse, empruntée, alors que celle-ci présente souvent des perspectives de développement majeures pour notre industrie. Notre compétitivité est prise dans un effet de ciseau, avec une concurrence par le haut, par l’innovation, de la part des pays fortement industrialisés, en particulier les États-Unis et le Japon, et par le bas, par les coûts, de la part des pays émergents à bas coût. Nous éprouvons des difficultés à anticiper les besoins à venir en matière de matière grise, de compétences, de formation. Enfin, certains groupes français ont adopté une stratégie de délocalisation, au détriment de l’investissement, de la création de valeur et de l’emploi sur le territoire national.

Cet état des lieux me rend plutôt optimiste quant aux perspectives de développement industriel.

Le Gouvernement n’a pas attendu la crise pour agir dans le domaine industriel. Une bonne politique industrielle est avant tout une bonne politique économique, qui libère les énergies et favorise l’esprit d’entreprise. Depuis près de deux ans, pour conforter l’industrie, nous avons agi dans trois directions.

Premièrement, nous avons mené une politique favorable au travail. Je le dis sans esprit de polémique, car cette analyse est partagée par beaucoup d’observateurs, la mise en œuvre des 35 heures a eu un effet désastreux sur la compétitivité du pays. Ce n’est pas un hasard si le décrochage des exportations apparaît en 2000-2001. La loi relative à la défiscalisation des heures supplémentaires adoptée en tout début de législature a été une bonne réponse pour l’industrie, notamment pour l’automobile, premier secteur concerné, et pour les ouvriers, qui en ont été les premiers bénéficiaires. Nous avons également considérablement avancé dans la réforme de l’environnement social : la France est enfin sur la voie de la « flexi-sécurité », à l’image d’autres grands pays industriels du Nord de l’Europe ou de l’Allemagne. Je donnerai à cet égard trois exemples concrets : l’extension du contrat de transition professionnelle, l’obligation de revitalisation des territoires et la rupture du contrat de travail par accord mutuel.

Deuxièmement, nous avons conduit une politique d’innovation très ambitieuse, d’abord avec le triplement du crédit d’impôt recherche, qui a constitué un geste très fort avec des retombées considérables : l’engagement d’IBM à Crolles ; l’implantation par Microsoft d’un tiers de ses activités européennes de R&D en France ; la présélection par Google de la France, en compagnie de l’Autriche, comme destination de son futur centre européen de R&D ; le maintien en France par EADS ou Thales d’activités industrielles qu’ils avaient envisagé de délocaliser. Nous avons aussi pérennisé et conforté la politique des pôles de compétitivité : le Président de la République, à l’été 2008, a garanti que l’État engagerait 1,5 milliard d’euros sur trois ans. L’État doit aussi jouer un rôle de détonateur, notamment avec les fonds démonstrateurs : le secteur public donne un coup de pouce pour rendre des offres plus solvables. Mais rien ne sert d’innover si nous ne nous protégeons pas contre les contrefaçons : nous menons depuis deux ans une politique en faveur de la propriété industrielle, avec la ratification du protocole de Londres, la signature d’accords avec quatorze pays euro-méditerranéens pour combattre la contrefaçon, le lancement d’une mission pour lutter contre la contrefaçon sur Internet, confiée à votre collègue Bernard Brochand, et la création d’un observatoire européen de la contrefaçon.

Troisièmement, nous avons adopté des mesures en faveur de la compétitivité. Des mesures fiscales audacieuses impactent positivement notre industrie, notamment la mesure ISF-PME, qui a permis de collecter plus de 1 milliard d’euros, réinjectés en grande partie dans les petites et moyennes industries, ou les actions en faveur de la diffusion des technologies, comme le plan « Qualité et Performance 2010 », destiné au développement du lean management, via le financement d’experts mis à disposition des PMI.

La crise est le révélateur d’un besoin d’industrie.

L’industrie est la première victime de la crise parce qu’elle est touchée par l’assèchement du crédit bancaire : les impayés des entreprises industrielles ont explosé de 127 % entre octobre 2007 et 2008. Elle est aussi touchée de plein fouet au niveau des carnets de commandes : de moins 20 % à moins 40 % selon les secteurs, celui de l’automobile étant naturellement le plus atteint.

La réponse du Gouvernement a été triple.

Pour permettre à l’activité industrielle de redémarrer, il a répondu à l’urgence financière en réamorçant la pompe, avec le plan de sauvetage du système bancaire, la nomination d’un médiateur du crédit et la mobilisation d’OSÉO pour garantir la trésorerie de court terme, les prêts et l’investissement en fonds propres – 22 milliards ont ainsi été mobilisés pour financer les crédits de nos PME.

En cette période de crise, il est aussi nécessaire de consolider financièrement certaines entreprises. Ce sera l’objet du fonds stratégique d’investissement, le FSI, mais aussi du fonds de la sous-traitance automobile.

Il fallait ensuite répondre à l’urgence économique, à travers le plan de relance, centré sur l’investissement – infrastructures, projets de recherche –, et à travers des mesures conjoncturelles pour soutenir l’activité, dans le domaine du logement ou avec la prime à la casse, mais également avec la suppression de la taxe professionnelle, impôt que l’ensemble des responsables politiques, de droite et de gauche, jugent anti-économique, et qui pénalise l’industrie française.

Il fallait enfin répondre à l’urgence sociale. L’industrie française affronte des difficultés et connaît déjà des restructurations, elle subira des pertes d’emplois. Notre objectif est d’amortir le choc social. Cela passe par l’amélioration des systèmes d’indemnisation du chômage partiel, indemnisation qui est passée de 50 % à 75 %, afin de sauvegarder les compétences en maintenant un lien entre les salariés et leur entreprise. Cela passe aussi par l’anticipation des mutations territoriales et sectorielles, dans chaque filière industrielle. Nous l’avons fait pour l’automobile en signant dès l’été dernier la charte automobile, aujourd’hui mise en œuvre dans sept régions. Le pacte automobile prévoit sa généralisation à l’ensemble de régions. Enfin, lorsque les restructurations deviennent inéluctables, nous nous attachons à préserver les personnes plutôt que les emplois ; perdre son emploi est toujours dramatique mais il est plus grave encore de n’avoir aucune perspective d’en retrouver un autre ; il convient donc de donner l’assurance aux personnes touchées par les restructurations industrielles qu’elles ne seront pas laissées au bord de la route.

Sur le plan sectoriel, nous sommes d’abord intervenus pour l’automobile, et je répondrai à vos questions à ce propos. Le président du groupe d’études sur l’automobile de l’Assemblée nationale, Jacques Masdeu-Arus, a participé à nos travaux. Nous avons cherché à agir dans plusieurs domaines. Il ne s’agit donc pas d’un plan à court terme de soutien financier, mais d’un plan global destiné à garantir la pérennité de l’industrie automobile en France, en la rendant plus compétitive, en lui donnant les moyens d’innover, de s’adapter dans le domaine de la formation, de préparer les défis de demain, et en soutenant la filière de sous-traitance.

D’autres secteurs stratégiques, porteurs au niveau mondial et dans lesquels nous possédons un savoir-faire, ont vocation à nous aider à sortir plus vite de la crise. Dans ces secteurs, l’engagement des pouvoirs publics peut générer un retour sur investissement.

Les technologies de l’information et de la communication représentent 40 % de la hausse de la productivité des entreprises. Nous nous sommes d’abord concentrés sur le déploiement du très haut débit, avec l’objectif de 4 millions d’abonnés en 2012. Nous avons travaillé à l’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile pour aiguillonner le marché et favoriser l’investissement industriel. Nous avons obtenu un bel accord sur le paquet Télécoms, voté sous la Présidence française de l’Union, qui conduira à une harmonisation du cadre juridique, donc à une stabilisation du secteur, et à une baisse des prix, notamment des services transeuropéens, profitable aux consommateurs.

Avec le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo, nous avons réfléchi aux moyens d’exploiter les éco-industries, les « écotechs », ce réservoir de croissance industrielle, susceptible de créer 200 000 emplois et un point de PIB supplémentaire d’ici à 2015, à condition que nous mettions en œuvre un plan ambitieux. C’est pourquoi le Gouvernement a créé le Comité stratégique des éco-industries, qui réunit tous les acteurs du secteur, avec trois priorités : imposer les standards technologiques français pour qu’ils deviennent demain des normes mondiales ; orienter les investissements en R&D vers les secteurs prometteurs et nouer des partenariats stratégiques entre le privé et le public ; lutter contre le dumping écologique.

Pour les nanotechnologies, nous avons créé un pôle de compétitivité de référence mondiale, premier employeur européen du secteur.

Nous travaillons donc actuellement à l’élaboration d’un plan de sortie de crise, autour de quatre ou cinq secteurs d’activité industrielle.

L’évolution de la situation économique, avec cette crise qui nous touche de plein fouet, doit nous conduire à nous interroger sur le rôle de l’État dans l’activité industrielle. Ces derniers mois ont montré que nous avons besoin de vision, de concertation et de réactivité.

Dans le management de la crise, nous avons besoin de plus de dialogue avec les parties prenantes : industriels – multinationales comme PME de proximité –, mais aussi représentants du personnel, experts et élus. Nous avons ainsi réuni l’ensemble des acteurs de la filière automobile, depuis les gros donneurs d’ordre aux petites PME, en passant par les élus, les pôles de compétitivité et les cinq syndicats représentatifs des salariés. C’est ce qui a permis de faire émerger un véritable plan stratégique.

Nous avons également besoin d’une logique de dialogue, un peu sur le mode du Grenelle de l’environnement. Dans le domaine de la chimie, par exemple, nous avons reproduit ce mode d’organisation. Nous ferons de même notamment pour les éco-industries.

Nous avons au surplus besoin de solutions public-privé, avec rédaction de cahiers des charges communs aux grands donneurs d’ordre privés et publics, comme nous l’avons fait pour les véhicules décarbonés.

Le tissu industriel doit être plus solidaire, sous l’impulsion de l’État. Depuis deux ans, nous avons notamment mis en œuvre cette logique dans le domaine de l’aéronautique, en demandant aux constructeurs de prendre leurs responsabilités et de se montrer exemplaires dans la solidification de leurs filières, avec les fonds Aerofund I et II. Un fonds vient d’être constitué par Renault et PSA pour les équipementiers automobiles.

Il nous faut une logique donnant-donnant. L’engagement de l’État vis-à-vis des constructeurs automobiles repose ainsi sur trois contreparties, en matière de gouvernance, de soutien de la filière de sous-traitance et de pérennisation des sites industriels en France.

La crise a révélé un besoin de stratégie, de vision, d’engagement au service de l’industrie. Aucune politique économique n’est possible sans véritable politique industrielle. Nombre de pays frappés par la crise regrettent d’avoir laissé partir des pans industriels entiers.

L’objectif du Gouvernement, vous l’avez compris, est une mobilisation générale en faveur d’une politique industrielle. Nous considérons que l’industrie française n’est pas « foutue ».

M. Jacques Masdeu-Arus. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, pour votre exposé très clair.

En ma qualité de président du groupe d’études sur l’automobile, je suis satisfait de la réactivité du Président de la République et du Gouvernement pour soutenir l’ensemble de la filière automobile. D’aucuns ont critiqué la dimension protectionniste du pacte automobile, signé le 9 février dernier à l’Élysée. La Commission européenne l’a pourtant validé. Je souhaiterais que vous reveniez plus en détail sur cet aspect des choses.

Les banques ont été incitées à prêter aux entreprises sous-traitantes du secteur, mais les solutions proposées par celles-ci ne répondent pas suffisamment aux besoins. Pourriez-vous donner des précisions sur les mesures mises en œuvre pour faciliter les prêts des institutions bancaires ? Quel contrôle le Gouvernement exerce-t-il en vue de faciliter les prêts bancaires ? La R&D est-elle prise en compte par FSI ?

M. François Brottes. Votre métier n’est pas facile, monsieur le secrétaire d’État, et votre conclusion sonne comme un aveu.

Vous avez cependant raison de vous interroger, notamment au regard du nombre d’emplois industriels supprimés au cours de l’année écoulée. Dans une petite circonscription de l’Isère, six usines ont fermé. Nous ne sommes pas contre l’idée de sauver le crédit, mais nous aurions souhaité que les bénéficiaires de fonds publics soient un peu mieux contrôlés. En outre, s’il n’y a pas de commandes, les prêts relais ne servent à rien. Nous sommes confrontés à l’absence de commandes, consécutive à la déroute de la consommation. Et si les carnets de commandes restent vides, comment sortir de l’impasse ?

Je ne reviendrai pas sur vos propos relatifs aux 35 heures car l’heure est trop grave pour entrer dans la polémique. La compétitivité repose sur d’autres aspects. Un capitalisme irresponsable exige une progression des profits à deux chiffres alors que la croissance atteint à peine un chiffre. En Irlande, pays qui s’est livré à un dumping fiscal incroyable, avec un impôt sur les sociétés pratiquement nul, pas de taxe professionnelle et des charges sociales autour de 4 % de la masse salariale, nous constatons que les entreprises délocalisent aussi. Quel modèle nous propose-t-on : aucun impôt, aucune taxe locale, et pourquoi pas aucun salaire ? Par ailleurs, la Chine ou Taïwan subventionnent la consommation d’électricité des industriels. En France, c’est l’inverse : l’État, pour remplir ses caisses, prélève des milliards sur la consommation de gaz et d’électricité.

La compétitivité procède donc de plusieurs facteurs, et pas uniquement des 35 heures.

La situation est assurément très difficile. L’attitude de l’État est parfois très responsable et volontariste, notamment dans le secteur des nanotechnologies. L’effort des collectivités locales est lui aussi déterminant parce que celles-ci ont l’espoir de récupérer les sommes investies, par le biais de la taxe professionnelle. Sans taxe professionnelle, elles n’auront plus aucun moyen de continuer à signer des marchés de travaux, d’investir dans des pépinières d’entreprises ou de constituer des fonds à risque. Le Président de la République, de ce point de vue, est complètement inconséquent.

Je le dis solennellement : la situation est grave.

Avec l’accord du président de la Commission, je suis allé, accompagné par un administrateur de l’Assemblée nationale, rencontrer le patron de CDC Entreprises, membre du comité d’orientation stratégique du FSI, pour l’entretenir d’un projet de création d’entreprise dans le domaine de l’isolation des logements, dans la perspective de remplacer des papeteries. On nous a expliqué, en substance, que, faute de moyens financiers, ce n’était pas la bonne porte.

Sans fonds propres, les collectivités territoriales ne peuvent arriver à rien. Or, si les filières industrielles alternatives à celles qui s’effondrent ne parviennent pas à émerger, nous nous retrouverons dans une impasse.

Je ne mets pas en doute votre volonté, monsieur le secrétaire d’État, mais les outils nécessaires n’existent pas. Par exemple, les équipementiers ne sont pas concernés par le plan que vous avez mis en œuvre pour l’automobile. Ne serait-il pas possible de demander à Renault et aux quelques autres donneurs d’ordre d’épargner leurs sous-traitants ? On me répond que l’État n’a pas les moyens de parler avec ces grands groupes.

Dans six mois, notre pays risque de ne plus avoir d’industrie.

M. Daniel Paul. Il y a quelques mois, après l’élection présidentielle, certains personnages parmi les plus éminents portaient aux nues les industriels prônant une rentabilité à deux chiffres. Le résultat est là. Nous prenons note de la conversion d’une partie des autorités de l’État, mais nous ne sommes pas dupes : les fondamentaux sont inchangés. La politique industrielle reste pilotée par la nécessité d’obtenir la plus grosse rentabilité possible, même si l’idée émerge parfois que les groupes industriels sont destinés à créer de la valeur pour les salariés, les clients et les territoires, et pas uniquement pour les actionnaires.

Nos champions sont de moins en moins nombreux et de moins en moins incontestés. Vous affirmez que vous avez la volonté de structurer de nouvelles filières industrielles. Mais quelles sont-elles ? Quels outils industriels et financiers allez-vous mettre sur pied à leur profit ? L’automobile est le meilleur exemple de ces secteurs, naguère puissants, qui sont devenus fragiles. La filière est bousculée par les objectifs de rentabilité et par les retards pris dans la prise de conscience de bouleversements liés aux problèmes de carburant, d’environnement, de pouvoir d’achat, de refus du tout-automobile.

Alors qu’une politique européenne volontariste coordonnée devrait être conduite, le message véhiculé par les autorités communautaires est celui du contrôle permanent de la concurrence libre et non faussée.

Le problème du financement est transversal. N’est-il pas temps de doter notre pays d’un pôle financier public, capable de prendre en compte les besoins d’intervention de l’État ?

S’agissant de la gouvernance, les salariés doivent avoir plus de pouvoirs, afin d’intervenir dans la marche des entreprises. On constate souvent que les salariés sont les seuls à défendre l’outil industriel car, contrairement aux actionnaires, ils n’ont pas d’alternative. Allez-vous ouvrir la possibilité que les salariés pèsent davantage ? Si cela avait été le cas précédemment, un certain nombre de catastrophes n’auraient pas eu lieu, en particulier dans le secteur de l’automobile.

(Mme Fabienne Labrette-Ménager, vice-présidente de la Commission,
remplace M. Patrick Ollier au fauteuil de la présidence.)

M. Alfred Trassy-Paillogues. Les véhicules de société représentent 40 % des achats de véhicules neufs. Ils entrent dans l’assiette de la taxe professionnelle, mais le problème est en passe d’être résolu. Par ailleurs, ils n’ouvrent pas droit à la déductibilité de TVA, alors que c’est le cas dans nombre de pays européens, ce qui conduit nombre de sociétés à louer leurs véhicules à l’étranger. Enfin, la taxe sur ces véhicules, basée sur l’émission de CO2, ne fait-elle pas redondance avec le bonus-malus et ne pénalise-t-elle pas des véhicules de moyenne gamme, comme la Peugeot 407 ou la Renault Laguna ?

Le marché de l’occasion s’est effondré de 16 % en janvier, ce qui tend à bloquer la vente de véhicules neufs. Envisagez-vous d’étendre la prime à la casse aux véhicules d’occasion ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Vous avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, le rôle de l’État dans la politique industrielle. Je pense que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que, sans politique industrielle susceptible de créer des richesses, il ne peut y avoir de politique sociale pérenne.

Toutefois, quel rôle l’État peut-il jouer dans les négociations internationales afin d’empêcher les grands groupes internationaux de décider, brutalement, la fermeture d’un site et de les inciter plutôt à se maintenir sur notre territoire ?

Le coût du travail est déjà un handicap pour notre pays. Les mesures contenues dans le projet de loi « Grenelle 2 » ne risquent-elles pas de diminuer encore notre compétitivité ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes nombreux ici à penser qu’en effet l’industrie n’est pas « foutue ». Mais nous ne nous satisfaisons pas de la situation actuelle.

Vous avez mis en cause les 35 heures : c’est un peu facile ! Il aurait fallu rappeler que, durant de nombreuses années, la France a engrangé les gains de productivité, y compris dans les secteurs les plus performants.

Vous réduisez toujours la compétitivité au coût salarial, mais la compétitivité, c’est aussi l’organisation industrielle, la capacité à entrer sur de nouveaux marchés, à lancer de nouveaux produits, à vendre à l’étranger ! Votre acception est quelque peu réductrice, et c’est d’ailleurs ce qui explique la dégradation de notre balance commerciale depuis 2002 : celle-ci n’est pas imputable, contrairement à ce qu’a prétendu le Président de la République, à la valeur de l’euro, puisque l’Allemagne, avec la même monnaie, mais une autre organisation, connaît un excédent de 200 milliards. Dès l’élection de Barack Obama, les Allemands ont ainsi décidé de s’implanter sur le marché des énergies renouvelables aux États-Unis, tandis que, de son côté, le gouvernement français ne faisait rien.

Lors de son audition par notre commission, le 21 janvier dernier, Mme Anne-Marie Idrac a annoncé que l’État soutiendrait les entreprises des pôles de compétitivité pour leur internationalisation par un apport de 600 000 euros via une convention avec Ubifrance. Rappelons que, pour sa part, la région Rhône-Alpes leur verse 4,6 millions d’euros : l’État n’est donc pas le seul à agir, il existe d’autres partenaires.

La suppression de la taxe professionnelle relève d’une vision parisienne, jacobine ! Si elle ne bénéficie plus de cette ressource, la région Rhône-Alpes ne pourra pas financer le projet « Recherche et développement » de Crolles 3. Les 35 millions d’euros nécessaires, l’État devra les trouver tout seul !

Faire des effets d’annonce à la télévision, c’est très bien, mais la réalité inquiète les industriels et les ménages.

M. Marc Goua. Monsieur le secrétaire d’état, il y a un point que vous n’avez pas évoqué en présentant les forces et les faiblesses de notre industrie : la taille de nos PME et de nos PMI, qui sont beaucoup plus petites qu’en Allemagne. Or ce sont elles qui, bien plus que les grandes industries, sont créatrices d’emploi.

Vous n’avez pas non plus évoqué la faiblesse de notre secteur bancaire, qui ne date pas de la crise. Les banques ne font d’ailleurs pas assez confiance aux PME et PMI, et c’est précisément l’une des causes de la faible taille de ces dernières. Il est étonnant de prétendre venir en aide à des entreprises emblématiques du secteur automobile en leur accordant 6 milliards d’euros de prêts à 6 % sur cinq ans, sachant que le taux normal du marché se situe vers 2,6-2,8 % et qu’un crédit à 6 % est bien supérieur à ce que peut supporter une petite entreprise !

Quant à la taxe professionnelle, ce n’est pas là où son taux est le plus élevé que les entreprises sont les moins dynamiques. En conséquence, je me demande s’il ne s’agit pas d’un faux problème.

M. Jean Grellier. En 2004, on a fabriqué en France 3,25 millions de véhicules ; en 2008, seulement 2,1 millions. La production a diminué de 200 000 unités par an, avec une accélération à partir de 2006. N’y a-t-il pas eu un manque d’anticipation d’une crise, qui, certes, se trouve amplifiée par la crise financière, mais apparaissait comme inévitable ? Comment redresser la barre sur le marché français ?

Par ailleurs, les constructeurs français n’ont-ils pas commis des erreurs stratégiques, notamment en arrêtant les fabrications pour les marchés de niche à forte valeur ajoutée et en demeurant absents de certains marchés, comme le marché américain ?

S’agissant de la prime à la casse, êtes-vous en mesure d’en dresser un premier bilan ? Ne craignez-vous pas qu’elle ne produise un effet contraire à celui recherché ? Les premiers échos en provenance des revendeurs laissent en effet penser qu’elle soutiendrait préférentiellement le remplacement des véhicules de bas de gamme, qui sont produits hors de France ?

Enfin, vous avez visité, en octobre dernier, l’entreprise Heuliez. Quelle est votre position sur son éventuelle recapitalisation ? Peut-on espérer une intervention du Fonds stratégique d’investissement ?

M. Philippe Plisson. La politique économique du Gouvernement s’inscrit dans une logique libérale qui, on le voit aujourd’hui, a failli. Aux États-Unis, ainsi que dans plusieurs autres pays industriels, les mesures anti-crise ont privilégié une autre logique, comprenant notamment des prises de participation dans les banques aidées et des soutiens ciblés en faveur d’une économie respectueuse de l’environnement. De la part d’un gouvernement qui s’enorgueillit, à juste titre, d’avoir initié le Grenelle de l’environnement, ne s’agit-il pas, au mieux, d’une occasion manquée, au pire, d’une faute politique majeure ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué le plan d’aide à l’industrie automobile, qui comporte des mesures d’accompagnement pour l’ensemble de la filière. Dans ma circonscription est implanté le leader national de la fonderie en aluminium et magnésium – dont le directeur a d’ailleurs participé au Comité stratégique pour l’avenir de l’automobile. Cette entreprise ambitionnait d’installer sur son site un centre de recherche, mais ce projet risque d’être ajourné. Pourriez-vous préciser les mesures d’accompagnement prévues en faveur des équipementiers automobiles, notamment en matière de recherche et de développement ?

Par ailleurs, comme l’a souligné François Brottes, on va aider dans le cadre du plan des constructeurs qui risquent de faire appel à des sous-traitants étrangers. Quelles mesures comptez-vous prendre pour les en empêcher ?

Enfin, en matière de formation professionnelle, 160 millions d’euros ont été débloqués pour accompagner les salariés en chômage partiel. Des mesures spécifiques ont-elles été prévues pour la filière automobile ?

Mme Genevière Fioraso. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais d’abord souligner la faiblesse du lien entre les PMI-PME et les grands groupes. Rien dans ce qui est annoncé ne permet de le renforcer, bien au contraire.

J’avais précédemment attiré votre attention sur un effet pervers du crédit d’impôt recherche qui, en dépit de vos dénégations, m’a été confirmé par les pôles de compétitivité les plus performants : les grands groupes n’ont plus aucun intérêt à établir des partenariats technologiques avec les PMI-PME dans la mesure où le crédit d’impôt recherche leur permet de mener ces activités en toute autonomie. De ce fait, les grands groupes quittent progressivement les pôles de compétitivité et ne jouent pas, comme en Allemagne, le rôle de locomotives pour les PMI-PME.

Les difficultés à l’exportation sont un deuxième problème. La loi de modernisation de l’économie contient une disposition qui contraint les entreprises, quelle que soit leur taille, à régler leurs fournisseurs étrangers dans les mêmes délais que les fournisseurs français, soit trente jours à compter du 10 du mois. Ces entreprises étant payées bien plus tardivement par leurs clients étrangers, elles se trouvent considérablement pénalisées dans cette période de crise. Cela ne va pas contribuer à améliorer les chiffres du commerce extérieur !

De même, bien qu’un embryon de réforme ait été lancé, Ubifrance ne fait toujours pas le lien entre les grands groupes et les PMI-PME et ne soutient pas les pôles de compétitivité, sinon de façon dérisoire.

Votre politique d’innovation est insuffisante. Vous investissez dans Nano 2012. C’est bien, mais que fait l’Europe ? Dans le domaine des semi-conducteurs, non seulement l’Europe n’investit rien, mais l’État français et les collectivités territoriales doivent lui demander l’autorisation de soutenir financièrement, à sa place, un secteur qui est stratégique pour elle ! Pourtant, la concurrence n’est pas intra-européenne, mais bien extra-européenne ! Cela dénote une méconnaissance totale du dossier et, durant la présidence française, rien n’a été fait pour changer les choses.

Enfin, nous souhaiterions un second plan de relance, plus ambitieux, résolument tourné vers les éco-industries et résultant d’une concertation avec les collectivités territoriales. Dans l’Isère, nous avons vu arriver d’on ne sait où un plan de relance prévoyant la réfection du clocher d’une cathédrale et toute une batterie de mesures de ce type. Il est difficile d’enclencher une dynamique industrielle dans ces conditions ! Nous espérons que le deuxième plan de relance s’inspirera des réflexions des acteurs locaux et de leur connaissance du terrain industriel.

M. Michel Havard. Premièrement, le Fonds stratégique d’investissement est un outil extrêmement important, qui, comme son nom l’indique, a vocation à jouer un rôle stratégique. On comprend parfaitement qu’il soit aujourd’hui mobilisé sur des aspects conjoncturels et sur la défense de certaines entreprises, notamment dans le secteur automobile. Toutefois, prévoyez-vous, dans l’avenir, de ventiler ses ressources, d’une part entre les grands groupes et les PME, notamment celles à forte valeur technologique, d’autre part en fonction de la localisation géographique des sociétés, certaines d’entre elles pouvant constituer des gisements d’emploi pour certains territoires ?

Deuxièmement, l’Europe devrait jouer un rôle plus important en matière de politique industrielle. Afin de défendre l’industrie européenne, et française, et de préserver notre modèle social et environnemental, il serait bon, dans le cadre des discussions commerciales internationales, de veiller à la mise en place de critères sociaux et environnementaux permettant de tenir compte, dans la compétition internationale, d’éléments qui constituent, en Europe, des facteurs de compétitivité, mais qui peuvent être perçus ailleurs comme des contraintes.

M. Philippe Meunier. Monsieur le secrétaire d’État, il faut sauver l’industrie française, car il en va de notre indépendance nationale.

La désindustrialisation de la France ne date pas de la présente crise financière. Elle remonte aux années 1992-1993, quand nous sommes allés à marche forcée vers la monnaie unique européenne, avec des taux d’intérêt très élevés pour satisfaire nos partenaires allemands. Un premier pan de notre industrie est tombé à ce moment-là.

Aujourd’hui, un deuxième pan est en train de s’écrouler, parce que nous devons faire face à une mondialisation sans frein, sans morale, sans normes sociales ni environnementales. Dès lors, si nous voulons rester dans une économie de marché favorisant la création de richesses, nous devons trouver des solutions.

Se pose en particulier le problème du financement de notre système de protection sociale, qui est actuellement fondé sur les salaires, ce qui défavorise notre outil de production industrielle. Envisager un financement via la valeur ajoutée dégagée par les entreprises permettrait de retrouver une partie de notre compétitivité perdue, de mettre fin aux délocalisations et de résorber notre déficit commercial.

M. François Brottes a raison : il ne faut pas polémiquer sur ce dossier très important pour la nation. Mais il faut aussi savoir reconnaître les erreurs du passé, afin d’essayer de sauver l’industrie française. Pour ce faire, des mesures radicales seront nécessaires. La mise en place du Fonds stratégique d’investissement et la suppression de la taxe professionnelle sont de bonnes décisions, car elles favorisent l’investissement.

Que pensez-vous en outre d’une éventuelle modification de l’assiette des cotisations sociales ?

M. François Loos. Monsieur le secrétaire d’État, merci pour votre présentation qui nous redonne un peu d’espoir.

À partir du moment où beaucoup d’entreprises se trouvent en difficulté, le FSI devra être capable de prendre des décisions nombreuses et rapides. Combien de dossiers a-t-il déjà traité ? À quel rythme travaillera-t-il ?

M. le secrétaire d’État. M. Masdeu-Arus, la Commission européenne a approuvé vendredi dernier l’ensemble de notre plan automobile. C’est une bonne chose, car son déploiement est attendu avec impatience par les acteurs du secteur, en particulier les sous-traitants. Mesure particulièrement urgente, la mise en œuvre d’un régime de garanties bancaires par OSÉO, pouvant couvrir jusqu’à 90 % du montant des prêts, a été autorisée par la Commission.

Je rappelle que les prêts accordés aux constructeurs sont des prêts participatifs, à hauteur de 6 %, soumis à de fortes contreparties, qui portent sur la gouvernance – renonciation aux bonus et affectation prioritaire des dividendes aux fonds propres –, sur un engagement financier en faveur des sous-traitants, ainsi que sur la pérennisation de l’outil de production en France – pas de fermeture de site industriel. Les constructeurs se sont également engagés à utiliser l’argent pour financer leurs grands projets de recherche et développement, notamment sur les véhicules propres, les véhicules du futur et les batteries, en faveur desquels nous préparons de nouvelles dispositions. Nous avons les moyens de faire appliquer ces garanties, dans la mesure où les conventions prévoient la possibilité d’augmenter le taux du prêt.

M. Brottes, 53 000 emplois industriels ont été supprimés l’année dernière dans notre pays.

Je suis à la fois membre du Gouvernement et maire. En tant que maire, je défends l’initiative du Président de la République de supprimer la taxe professionnelle. Je suis ravi qu’à Chaumont les industriels puissent rendre leurs investissements plus compétitifs. Il ne s’agit pas d’une vision parisienne, jacobine, M. Gagnaire, et je vous encourage à relire l’excellent rapport de M. Charzat qui, bien que n’étant pas membre de l’UMP, avait préconisé en son temps la suppression de cet impôt absurde.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le Fonds stratégique d’investissement. Ce fonds est doté de 20 milliards d’euros : 14 milliards d’apports d’actifs détenus par l’État et 6 milliards d’apports supplémentaires. Sa gestion est assurée à 49 % par l’État et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations. Il est gouverné par un directeur général, M. Gilles Michel, ancien directeur de Citroën, par un conseil d’administration où siègent la Caisse des dépôts, l’État et des personnalités qualifiées, et par un conseil d’investissement présidé par Mme Patricia Barbizet.

Ce fonds n’a pas vocation à réaliser des opérations à court terme, mais à prendre des participations dans des entreprises considérées comme stratégiques, notamment pour la sortie de crise. Il ne s’agit donc pas d’aider toutes les entreprises qui rencontreront des difficultés de commandes le mois prochain, mais d’investir, de manière minoritaire, dans celles appartenant à des secteurs potentiellement créateurs d’activités économiques et d’emplois, ou dont la fermeture entraînerait la disparition d’un pan entier d’un secteur économique.

Le FSI est déjà intervenu en prenant une participation à hauteur de 2,35 % dans Valeo, équipementier automobile aujourd’hui confronté à de grosses difficultés, mais qui dispose d’une longueur d’avance en matière d’innovation, notamment en ce qui concerne les véhicules propres. Une participation, à hauteur de 55 millions d’euros, a également été prise dans l’équipementier Trèves, qui fabrique des sièges, des housses et des compartiments isolant le bloc-moteur – compétence unique en France –, via le Fonds sectoriel automobile, doté par le FSI et par chacun des deux constructeurs. À ce jour, le FSI a déjà reçu trente-cinq dossiers et vingt-cinq sont en cours d’examen.

Je pense que ce fonds stratégique est une vraie réponse à la crise actuelle. Du fait de la chute des cours de Bourse et de la baisse de leurs actifs, certaines entreprises risquent de subir des raids ; une intervention du FSI peut les sauver. Heuliez, M. Grellier, fait partie de ces entreprises dans lesquelles le FSI est susceptible d’entrer. Le dossier doit être examiné. Sachez d’ores et déjà qu’OSÉO apportera sa garantie, ce qui donnera un bol d’air à la trésorerie du groupe.

M. Brottes, je vous engage à lire dans le détail notre plan automobile : vous verrez qu’il prévoit quatre séries de mesures en faveur des équipementiers et des sous-traitants.

Tout d’abord, afin de faciliter le financement de leurs investissements et de renforcer leur trésorerie, toutes les entreprises de la filière automobile, sous-traitants et PME inclus, pourront bénéficier du dispositif de garanties bancaires par OSÉO pouvant couvrir jusqu’à 90 % du prêt.

Ensuite, les donneurs d’ordre, Renault et PSA, peuvent réaliser des investissements dans les entreprises sous-traitantes, comme Trèves, via le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.

Le code de performance et de bonnes pratiques est un autre exemple de collaboration réussie entre les grands groupes donneurs d’ordre et leurs sous-traitants. Jusqu’à présent, il y avait entre ces acteurs des rapports de force très rudes ; grâce au code, nous avons obtenu une répartition des risques, des investissements et de la valeur entre tous les maillons de la chaîne.

Enfin, la diffusion des pratiques de lean manufacturing nous permettra de réaliser des gains de compétitivité considérables. Vous avez raison, la compétitivité, ce n’est pas seulement le temps de travail : elle intervient à tous les niveaux, notamment dans l’organisation de la production. Les constructeurs ont commencé à améliorer celle-ci en prenant exemple sur le Japon. Nous souhaitons diffuser ces techniques dans les PME, grâce à deux outils : premièrement, 200 cadres seront formés chaque année au lean manufacturing dans une école lyonnaise ; deuxièmement, 15 millions d’euros seront investis dans les DRIRE afin d’apporter aux PME qui le souhaitent une assistance pour optimiser la gestion de leur production.

Il s’agit donc bien d’un plan global, qui actionne tous les leviers et concerne directement les équipementiers.

M. Daniel Paul, nous disposons de plusieurs outils industriels et financiers susceptibles de soutenir les secteurs porteurs dans la perspective d’une sortie de crise.

Nous avons ainsi engagé une restructuration des pôles de compétitivité, de manière à les concentrer et à les pérenniser. Par exemple, les deux pôles automobiles vont fusionner en un seul, ce qui favorisera le développement des technologies innovantes dans ce secteur.

Nous avons également mis en place un plan stratégique dans chacun des secteurs concernés. Pour les éco-industries, un comité stratégique se réunit une fois par mois afin de faire le point avec tous les acteurs de la filière et d’évaluer la situation par rapport aux objectifs du plan.

Enfin, sur le plan financier, le Fonds stratégique d’investissement joue un rôle majeur dans le développement de ces secteurs.

Vous avez raison, une politique volontariste au niveau européen est nécessaire. Lorsque la France a présidé l’Union, elle s’est efforcée de promouvoir, dans un certain nombre de domaines, une politique coordonnée. Elle a rencontré trois succès majeurs : le paquet Énergie-Climat, qui parvient à concilier développement durable, environnement et compétitivité industrielle – il y avait en effet un risque de dumping environnemental, et je crois que nous avons réussi à trouver un bon équilibre –; la coordination de la politique européenne en matière de clusters, coordination que nous avons réussi à faire adopter par le Conseil « Compétitivité ». Et l’adoption du paquet Telecoms.

Sans doute faudrait-il aller plus loin. Nous aurions souhaité que soit adopté à l’échelle européenne un plan de relance économique, comme le Président de la République l’avait suggéré en octobre, ou un plan automobile. Mais quand les jours passent et que les commandes s’effondrent, il faut savoir prendre ses responsabilités. J’observerai simplement que les autres pays européens se sont quasiment alignés sur les mesures que nous avions adoptées dans le cadre de notre pacte automobile. Par ailleurs, j’avais pris la peine de faire venir plusieurs ministres européens ainsi que le Commissaire européen aux états généraux de l’automobile afin d’engager une vraie démarche européenne sur le sujet.

Vous appelez de vos vœux la constitution d’un pôle financier public : à mes yeux, il s’agit du Fonds stratégique d’investissement. C’est en tout cas ainsi que nous l’avons conçu.

Enfin, vous suggérez, à juste titre, que les salariés soient davantage consultés sur les orientations stratégiques des entreprises. Je l’ai fait en ce qui concerne l’automobile, en intégrant les syndicats dans le Comité stratégique d’avenir de l’automobile.

M. Daniel Paul. Ce n’est pas pareil !

M. le secrétaire d’État. C’est très important, parce que nous avons repris certaines propositions qu’ils ont faites, comme les dix jours de formation accordés en contrepartie des journées de chômage partiel. C’est un accord donnant-donnant : l’État aide l’entreprise à traverser la crise en augmentant sa propre contribution à l’indemnisation du chômage partiel et, en contrepartie, il exige que l’entreprise paye au salarié au moins dix jours de formation. De même, l’idée de favoriser, dans le secteur automobile, les passerelles entre les métiers de l’industrie et ceux de la distribution, de manière à trouver un point de chute aux victimes des restructurations, provient des syndicats.

Effectivement, M. Trassy-Paillogues, nous avons décidé de ne pas étendre la déductibilité de la TVA et la prime à la casse aux véhicules d’occasion. Certes, le coût potentiel d’une telle mesure a joué, mais nous recherchions également des mesures d’aide à la demande ayant un impact direct sur la production. Favoriser la vente de véhicules d’occasion serait revenu à subventionner le commerce automobile, avec le risque d’un effet « boule de neige ».

Nous réfléchissons actuellement à la gestion de l’arrêt de la prime à la casse, après le 31 décembre : il convient d’éviter une chute brutale du marché. Nous étudions un certain nombre de pistes, et je suis prêt à en discuter avec vous.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Quid des véhicules de sociétés ?

M. le secrétaire d’État. C’est la même chose. Là encore, je suis prêt à en discuter avec vous.

Sur un marché cataclysmique – les ventes de voitures neuves ont diminué de 30 à 40 % dans les pays européens, de 48 % en Espagne –, la prime à la casse a permis à la France de limiter les dégâts – moins 13 % en février, moins 10 % sur le premier bimestre de l’année – et de réamorcer la pompe qui doit permettre de terminer le déstockage et de faire repartir la production. Il est vrai que la plupart des ventes concernent des véhicules de petite taille, majoritairement produits en Europe de l’Est. Nous avons cependant été vigilants dans les critères de la prime à la casse, puisque nous avons remonté le seuil de pollution de CO2 à 60 grammes de façon à inclure les véhicules du type Peugeot 407 ou Renault Laguna, qui sont fabriqués dans notre pays.

M. Nicolas, je comprends vos inquiétudes concernant les contraintes nouvelles induites par le Grenelle de l’environnement. Toutefois, le secteur des éco-industries constitue pour la France un vrai réservoir d’emplois et de croissance. Nos industries dans ce domaine sont compétitives. Il faut donc aborder ces dispositifs comme de nouvelles perspectives pour notre industrie, tout en restant vigilant sur la rapidité de la mise en œuvre des nouvelles normes et des nouvelles réglementations, comme nous l’avons fait pour le paquet Énergie-Climat.

Quant au maintien des sites français appartenant à des groupes mondiaux, il s’agit d’une alchimie complexe. Il faut qu’ils soient compétitifs, parce que c’est ce qui emportera, à un moment donné, la décision du président ou du conseil d’administration. En même temps, une réglementation prenant en compte le tissu local et social est nécessaire afin que les groupes disposent d’une vraie responsabilité à l’égard des territoires et des salariés. Enfin, il faut négocier, pour chaque engagement, des contreparties, à l’instar de ce qui a été fait dans le cadre du plan automobile.

M. Gagnaire, vous semblez considérer que nous ne nous mobilisons pas en faveur des énergies renouvelables. Je ne vous donnerai qu’un seul exemple : à l’occasion de deux déplacements récents au Maroc et en Syrie, nous avons signé avec ces pays des accords importants pour le développement de centrales solaires. Dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, le secteur des énergies renouvelables est une priorité.

M. Goua, vous estimez que l’action du secteur bancaire est insuffisante. C’est un sujet de débat. Permettez-moi cependant de vous signaler que nous avons mis en place des outils visant à la renforcer, comme le médiateur du crédit ou les garanties OSÉO, qui permettront aux PMI de se refinancer sur les marchés.

Mme Marcel, dès lors que des entreprises de fonderie sont sous-traitantes des constructeurs, elles peuvent bénéficier du pacte automobile et donc des aides à l’innovation qu’il prévoit, des prêts bonifiés à hauteur de 250 millions ou des subventions à hauteur de 50 millions d’euros. Encore faut-il que leurs recherches participent à l’amélioration des véhicules propres ou soutiennent des actions en faveur de l’environnement. Vous pourrez discuter de ces détails avec mon cabinet.

Quant à imposer aux constructeurs de s’adresser à des sous-traitants français, il s’agirait d’une mesure typiquement protectionniste. Nous ne l’avons pas retenue, d’abord, parce qu’elle aurait été considérée comme anti-communautaire, ensuite parce que cela aurait été une grave erreur pour un pays comme le nôtre, qui accueille de nombreuses entreprises étrangères. Dans le comité stratégique pour l’avenir de l’automobile siègent les groupes Bosch, Renault Trucks – dont l’actionnaire principal est Volvo – et Siveco, investisseurs européens qui participent au maintien de l’activité économique en France. L’important est que ce plan s’applique à toutes les entreprises automobiles situées sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité.

Mme Fioraso, concernant les délais de paiement, une démarche européenne aurait bien entendu été préférable. On en parlait depuis dix ans ; les gouvernements précédents avaient souhaité qu’on avance par concertation entre fédérations professionnelles – sans succès. Le Gouvernement a donc pris ses responsabilités. Je précise toutefois qu’à l’étranger, et notamment en Europe du Nord, les délais de paiement sont souvent inférieurs aux nôtres. C’est pourquoi nous avons voulu les ramener à soixante jours.

Quant au renforcement des liens entre les PMI et les grands groupes, j’ai déjà évoqué le code de performance et de bonnes pratiques qui constitue, je le crois, un bon exemple.

M. Havard, l’enjeu n’est pas de faire du FSI un fonds région par région, mais de lui permettre de se saisir de grands dossiers régionaux. Contrairement à ce qu’avance M. Gagnaire, il n’y a pas de conflit entre l’État et les collectivités locales : j’en veux pour preuve les fonds de capital-risque et les fonds d’investissement régionaux, qui sont souvent de la responsabilité des conseils régionaux et que la Caisse des dépôts abonde régulièrement. Il y a donc coopération ente les administrations publiques.

M. Meunier, vous avez raison : une réflexion sur un éventuel financement de la protection sociale basée sur la valeur ajoutée paraît nécessaire compte tenu de l’évolution des dépenses en matière de santé et des prélèvements sociaux, et de leur poids sur notre outil de production. Nous l’incorporerons dans la réflexion sur la taxe professionnelle. Mieux vaudrait, à mon sens, une taxe assise sur la valeur ajoutée plutôt que sur l’investissement stricto sensu. Au-delà, une réflexion globale sur l’assiette des cotisations sociales et son impact sur le coût du travail et la compétitivité de notre industrie serait probablement bienvenue. Cela dépasse toutefois ma compétence au sein du Gouvernement, puisque ce sujet est de la responsabilité du ministre du budget.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir répondu de manière précise et concise aux questions posées par les commissaires.

Je voudrais pour ma part confirmer la bonne marche d’OSÉO dans la Sarthe : depuis le mois de novembre, quarante dossiers ont été présentés et une vingtaine d’entreprises ont pu bénéficier de garanties bancaires jusqu’à hauteur de 90 %.

Il est important de dire aux industriels que le Gouvernement a mis en place des outils efficaces, qui répondent aux besoins sur le terrain.

On ne peut que vous féliciter, monsieur le secrétaire d’État, pour votre action.

——fpfp——