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Mercredi 18 mars 2009

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 42

Présidence de M. Serge Poignant vice-président

– Audition de MM. Claude Birraux et Christian Bataille, sur leur rapport présenté, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie

– Communication de Mme Laure de La Raudière, présidente de la sous-commission Consommation – commerce artisanat – entreprises – communications électronique et poste, sur le surendettement

– Information relative à la commission

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a entendu MM. Claude Birraux et Christian Bataille sur leur rapport présenté au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’évaluation de la stratégie nationale de recherche en matière d’énergie.

M. Serge Poignant, président. Nous avons le plaisir d’accueillir nos collègues MM. Claude Birraux, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), et Christian Bataille, tous deux éminents spécialistes des questions d’énergie.

La loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE) prévoyait qu’une stratégie nationale de recherche en matière d’énergie, portant sur une période de cinq ans, serait élaborée par les ministères de la recherche et de l’industrie – qui l’ont publiée en mai 2007 – et que l’OPECST procéderait à l’évaluation de cette stratégie. L’Office a adopté, le 3 mars dernier, le rapport d’évaluation que nos collègues vont maintenant nous présenter. Au nom du Président de la Commission, M. Patrick Ollier, je voudrais d’ailleurs saluer le remarquable travail effectué par l’OPECST.

Dans votre rapport, chers collègues, vous décrivez en termes frappants la course de vitesse dans laquelle nous sommes engagés : parviendrons-nous à développer l’énergie de demain avant que ne disparaissent les ressources actuelles ? Par ailleurs vous soulignez un paradoxe : malgré une multitude d’initiatives – stratégie nationale pour l’énergie, stratégie nationale de recherche et innovation, rapport du Centre d’analyse stratégique –, la stratégie de la France ne vous paraît pas suffisamment claire. Alors que nous allons bientôt examiner, en seconde lecture, le projet de loi dit « Grenelle I », avant d’aborder un peu plus tard le « Grenelle II », nous sommes particulièrement intéressés par vos recommandations qui pourraient sans doute trouver une traduction législative. Votre rapport insiste en particulier sur la nécessité d’établir une hiérarchie entre les différentes pistes technologiques selon des critères bien définis. Au-delà de vos éclaircissements, je souhaiterais également que vous nous donniez quelques précisions sur l’économie du lithium, qui semble très prometteuse.

M. Claude Birraux, président et rapporteur de l’OPECST. Merci de renouveler cette utile expérience consistant à entendre les rapporteurs de l’Office lorsque leurs travaux portent sur des sujets qui intéressent également la Commission. J’en suis d’autant plus heureux que cela me permet de renouer avec une commission dont j’ai été membre pendant 29 ans !

Notre évaluation concerne un domaine en pleine restructuration institutionnelle, l’organisation de la recherche en matière d’énergie étant directement concernée par l’effort de mobilisation décidé lors du « Grenelle de l’environnement ». Notre mission s’est, en fait, trouvée positionnée à la confluence de deux « vagues » d’intérêt pour l’énergie : la France a connu une première réflexion collective, ouverte en janvier 2003 avec le débat national sur les énergies et achevée avec la publication du rapport sur le « facteur 4 » en août 2006, qui s’est traduite par l’adoption de la loi de programme du 13 juillet 2005 ; c’est de celle-ci que procède notre mission. Plutôt que de nous en tenir à une simple lecture critique du rapport de mai 2007, nous avons néanmoins choisi de prendre en compte l’apport de la deuxième vague, celle du « Grenelle de l’environnement » – qui a débuté en juillet 2007.

Notre premier constat est relatif au développement des systèmes énergétiques, qui est en effet d’une grande lenteur. Dans ce domaine de recherche, toute impulsion politique met beaucoup de temps à produire un impact car la concrétisation scientifique d’une idée, puis sa transformation en solution technique, en procédé industrialisable et enfin en produit commercial constituent un processus fort long. Le temps se comptant en décennies, et non pas en années comme c’est par exemple le cas en matière de communications électroniques, qui bénéficient d’un cycle « du concept au marché » beaucoup plus court, il est difficile pour la recherche en matière d’énergie de faire valoir ses efforts. Il est plus rapide de diffuser le dernier modèle de téléphone portable que d’améliorer l’isolation du parc immobilier ou de généraliser les véhicules électriques.

Second constat : la communauté de la recherche nous a laissé une impression extrêmement favorable. De nos échanges avec les organismes publics – Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Institut français du pétrole (IFP), CNRS – comme avec les entreprises – EDF, Areva, Saint-Gobain, Saft –, il ressort qu’il existe aujourd’hui une forte volonté d’aller de l’avant et de s’adapter aux évolutions technologiques. Je pense notamment aux progrès réalisés au cours des quinze dernières années dans le domaine des batteries rechargeables et des véhicules hybrides.

Les préoccupations exprimées à l’occasion du « Grenelle de l’environnement » ont ainsi pu être rapidement relayées par la recherche, comme en témoigne le déploiement de démonstrateurs dans le domaine clef des biocarburants. L’effort pour développer des solutions utilisant les énergies renouvelables et réduisant les émissions de gaz à effet de serre, notamment le gaz carbonique, était cependant lancé depuis longtemps ; le « Grenelle de l’environnement », qui s’est notamment traduit par la décision du Président de la République d’accroître le soutien budgétaire apporté à la recherche sur l’énergie et le climat, n’a fait qu’accélérer un mouvement déjà bien engagé.

M. Christian Bataille, rapporteur de l’OPECST. J’en viens à des considérations méthodologiques.

Le rapport de mai 2007 souffre d’une grave défaillance : la stratégie de recherche en matière d’énergie a été élaborée sans aucune grille d’analyse et de comparaison. Il aurait pourtant fallu, au regard des enjeux, thème par thème, examiner les atouts de la recherche, de manière ensuite à justifier la répartition des moyens budgétaires entre les différentes pistes. Sauf pour l’énergie nucléaire, domaine dans lequel Claude Birraux et moi-même avons contribué à définir les axes de recherche depuis 1990, la stratégie nationale se présente plutôt comme une synthèse a posteriori des priorités définies, sans plan d’ensemble, par les contrats d’objectifs des établissements de recherche.

Ce laisser-aller est illustré par l’absence de validation du rapport de 2007 par les autorités politiques. Alors que, aux termes de la loi de programmation du 13 juillet 2005, la stratégie nationale devait être « arrêtée » par les ministres chargés de l’énergie et de la recherche, le document qui nous a été remis n’a pas été « endossé » par les ministres concernés ; c’est un simple document de travail à caractère administratif.

Notre surprise est d’autant plus grande que nous avons appris, à l’occasion d’une visite au Japon, que dans ce haut lieu du libéralisme économique, non seulement la stratégie de recherche est approuvée tous les cinq ans par le Gouvernement, mais un conseil composé de ministres et de personnalités scientifiques, qui se réunit tous les deux mois sous l’autorité du Premier ministre en personne, est chargé d’assurer son suivi. Certes, ce « Conseil pour la politique de la science et de la technologie » a compétence pour l’ensemble de la recherche, et non le seul domaine de l’énergie, mais la différence entre nos deux pays en matière d’engagement des autorités publiques reste flagrante !

Nous préconisons donc, d’une part, que la prochaine stratégie nationale de recherche en matière d’énergie, qui doit être adoptée d’ici à 2012, soit élaborée selon une méthodologie plus rigoureuse, et d’autre part, que son contenu soit présenté et approuvé en Conseil des ministres, puis publié au Journal officiel par arrêté conjoint des ministres en charge des secteurs de la recherche et de l’énergie.

Il conviendrait également que la stratégie de recherche fasse apparaître des « itinéraires programmatiques » – road maps –, c’est-à-dire des échéanciers par secteurs, ainsi que des projections temporelles relatives à l’efficacité des choix technologiques, eu égard à l’évolution des besoins énergétiques à moyen terme.

M. Claude Birraux, président et rapporteur de l’OPECST. Nous étions invités par la loi à étendre notre travail d’évaluation à la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche. Pour formuler des propositions à cet égard, nous nous sommes appuyés sur notre expérience en matière de recherche nucléaire.

Il nous apparaît nécessaire, d’une part, que soit assuré un pilotage de l’ensemble des recherches menées dans le domaine énergétique, par un acteur disposant de la faculté d’effectuer un arbitrage dans l’affectation des moyens en fonction des échéances. D’autre part, nous considérons qu’il faut un pilote pour chacun des domaines jugés prioritaires.

Nous recommandons ainsi, premièrement, la nomination d’un « Haut commissaire à l’énergie », chargé d’orienter la recherche, dans la perspective plus générale de la politique énergétique. Il s’agit non de créer une autorité supplémentaire mais plutôt de renforcer les compétences dévolues à l’actuel Haut Commissaire à l’énergie atomique, qui sont déjà plus étendues que ce que son titre peut laisser entendre. En somme, il s’agit de troquer un titre plus court contre un profil plus large.

Deuxièmement, nous recommandons la nomination de « coordinateurs », désignés parmi les partenaires des programmes reconnus comme prioritaires. Je précise qu’il s’agirait avant tout de nommer pour chaque programme un primus inter pares, susceptible de trancher en cas de difficulté tactique, à charge pour lui d’en rendre compte aux autorités de l’État. En faisant cette proposition, nous avons aussi des réminiscences de notre service militaire : on a toujours besoin d’un chef d’équipe qui puisse rendre compte !

Troisièmement, nous souhaitons la mise en place d’une « Commission nationale d’évaluation » compétente en matière de recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie, sur le modèle de celle qui existe depuis deux décennies en matière de recherche sur les déchets radioactifs. L’une et l’autre, structures permanentes mais légères, composées de membres désignés de manière officielle mais bénévoles, procéderaient à une évaluation annuelle, chacune dans leur domaine, dont elles rendraient compte à l’OPECST. L’expérience montre que le croisement des compétences donne des résultats très satisfaisants et sert utilement d’aiguillon pour les acteurs concernés.

M. Christian Bataille, rapporteur de l’OPECST. En ce qui concerne le fond du rapport, nous avons distingué, d’une part, les technologies « établies », dont la primauté dans l’effort de recherche français est reconnue et garantie par la loi, à savoir l’énergie nucléaire et le pétrole, et d’autre part les technologies nouvelles, pour lesquelles des priorités officielles restent encore à établir.

Les « technologies établies » n’appellent pas de réorientations importantes ; quelques ajustements nous semblent toutefois nécessaires.

Dans le domaine de l’énergie nucléaire, il conviendrait ainsi de renforcer les instances de pilotage dans le sens évoqué par Claude Birraux, en désignant des coordinateurs pour les trois axes de recherche prévus par les lois relatives aux déchets radioactifs du 30 décembre 1991 et du 28 juin 2006. En ce qui concerne la recherche sur la séparation et la transmutation, il nous paraît naturel de confier ce pilotage au CEA, avec pour mission de veiller à ce que les recherches sur les réacteurs de quatrième génération ne visent pas seulement à recycler le plutonium, mais aussi tous les déchets à haute activité, tels que le neptunium, l’américium et le curium. Concernant l’entreposage, un pilotage s’impose également compte tenu du risque de multiplication des normes techniques adoptées par les différents producteurs de déchets ; cette mission pourrait être confiée à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), qui gère déjà les dispositifs de stockage en bout de chaîne. S’agissant enfin des recherches sur le stockage, l’ANDRA se trouve déjà en position de coordinateur ; cependant les recherches menées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au tunnel de Tournemire, dans l’Aveyron, posent problème car elles s’effectuent sans lien avec la stratégie mise en place par la loi de juin 2006. Il conviendrait, à tout le moins, qu’elles fassent l’objet d’un examen par la Commission nationale d’évaluation.

Dans le secteur pétrolier, nous souhaitons tout d’abord que l’IFP, établissement public financé par l’État, anticipe la disparition des hydrocarbures fossiles en ouvrant des chantiers au long cours dans des domaines nouveaux et néanmoins susceptibles de profiter de son incontestable expertise. Nous suggérons la piste des plastiques minéraux sans carbone, qui ont déjà fait l’objet de travaux du professeur Joseph Davidovits, ainsi que celle des plastiques photovoltaïques, pour lesquels il s’agirait plutôt de coopérer à la valorisation industrielle future. Par ailleurs, nous aspirons à une meilleure visibilité concernant les moyens alloués à la recherche pétrolière. On peut s’interroger sur la centaine de millions d’euros qui lui est affectée, au vu des bénéfices de Total – 14 milliards d’euros en 2008. Nous recommandons de créer une structure inspirée de l’ancien « Fond spécial des hydrocarbures », afin d’établir clairement que ces moyens bénéficient aux PME du secteur parapétrolier.

M. Claude Birraux, rapporteur et président de l’OPECST. En ce qui concerne les « technologies nouvelles », nous avons constaté l’existence, au sein de la communauté de recherche, – à l’instar du « sentiment du marché » évoqué en matière boursière – d’un « sentiment général » sur les priorités à retenir. Les interventions des pouvoirs publics pour définir des axes stratégiques – rapports Chambolle, Syrota, Guillou – ont en fait validé a posteriori des efforts déjà engagés. A notre tour, nous confirmons la pertinence de quatre pistes déjà identifiées.

Premièrement, la recherche sur l’énergie photovoltaïque. Un grand pôle consacré à la recherche sur les couches minces est en préparation sur le plateau de Saclay ; la filière organique – plastiques photovoltaïques –, quoiqu’à un stade très amont, doit être consolidée par un support de valorisation industrielle. Si l’on se réfère aux études antérieures, conduites en 2001 avec Jean-Yves Le Déaut et en 2006 avec Christian Bataille sur les nouvelles technologies de l’énergie, on constate qu’un effort de rationalisation de la filière solaire a été engagé, notamment avec la création de l’Institut national de l’énergie solaire (INES) et celle du centre d’études et de recherches sur le plateau de Saclay.

Deuxièmement, la recherche sur les biocarburants de deuxième génération – c’est-à-dire utilisant la plante entière et non son seul fruit. Nous sommes particulièrement attachés au projet de pilote industriel de biodiesel sur le site de Meuse/Haute-Marne ; c’est un engagement qui avait été pris avant la loi de 2006, et qu’il faut tenir.

Troisièmement, la recherche sur les batteries rechargeables. Comme l’a fait le rapport Guillou, nous insistons sur l’importance de l’électronique interne de commande dans l’optimisation des performances.

Quatrièmement, la recherche sur les énergies marines. Nous conseillons de privilégier les zones littorales dépourvues d’autres modes de production d’électricité centralisés.

Nous insistons par ailleurs sur l’intérêt d’un stockage de grande capacité pour un développement plus équilibré de l’énergie solaire, et surtout de l’énergie éolienne ; le régime tarifaire du stockage d’énergie doit être revu dans un sens plus incitatif.

Enfin, nous décrivons dans notre rapport un dispositif d’atolls artificiels, sur le littoral de la Manche, qui pourraient fournir l’équivalent des retenues d’eau du massif alpin. Peut-être la France pourra-t-elle un jour s’enorgueillir d’avoir lancé ce nouveau genre de station de stockage d’énergie en mer ?

Dans deux domaines, nous avons pris acte du rattrapage rapide effectué sous l’impulsion du rapport Chambolle de 2004, mais nous demandons un réajustement de l’effort de recherche. Il s’agit tout d’abord de la pile à combustible, pour laquelle il faudrait renforcer les études sur les usages stationnaires et portables de préférence aux usages automobiles, étant entendu que les progrès qui seront réalisés, notamment en matière de miniaturisation et d’utilisation des catalyseurs, bénéficieront dans un deuxième temps aux autres types d’utilisation.

Il s’agit ensuite du captage et du stockage du gaz carbonique. Un véritable effort de coopération internationale est la meilleure solution pour ouvrir un marché potentiel à l’export, mais il faut aussi ouvrir un chantier sur la valorisation du gaz carbonique, à l’image des recherches conduites dans le domaine des déchets radioactifs, qui portent non seulement sur le stockage, mais aussi sur la transmutation.

M. Christian Bataille, rapporteur de l’OPECST. Pour conclure ce tour d’horizon, je souligne que nos réflexions sur la recherche nous ont constamment ramenés vers la question connexe de la formation – formation des ingénieurs pour concevoir et développer les systèmes, formation de techniciens pour assurer l’installation et la maintenance. Les auditions nous ont permis de constater que ce besoin était déjà reconnu. Le Haut Commissaire à l’énergie atomique a reçu pour mission de vérifier qu’une mobilisation « en réseau » sur le modèle de Paris Tech, incluant les universités scientifiques comme Paris 11, permettrait de répondre au besoin accru d’ingénieurs lié à la dynamisation de la recherche sur l’énergie – leur nombre doit passer de 300 à 1 200. Par ailleurs, le « Grenelle de l’environnement » a permis d’identifier, quantitativement et qualitativement, le besoin en compétences artisanales pour l’installation et la maintenance des équipements destinés à améliorer l’efficacité énergétique ou utilisant les énergies renouvelables. C’est l’objet du groupe de travail spécifique sur la « mobilisation des professionnels du bâtiment » qui a été mis en place en mai 2008, sur la recommandation du comité opérationnel relatif aux bâtiments existants.

Notre rapport d’évaluation est le fruit du travail d’une année – il a en effet été engagé à la fin du mois de janvier 2008 –, qui nous a conduits à auditionner une soixantaine de spécialistes en France, et une cinquantaine dans trois pays étrangers choisis pour leurs spécificités en matière énergétique : la Finlande, les Etats-Unis et le Japon. Les comptes rendus de ces auditions figurent en annexe du rapport. Je remercie les spécialistes scientifiques, issus de tous les domaines de la recherche, qui ont formé le comité de pilotage sur lequel nous avons pu prendre appui au cours de nos travaux. Je pense notamment à M. Pierre-René Bauquis, M. Jean-Paul Langlois, M. Christian Ngô, M. Jean-Marie Chevalier, M. Yves Bamberger – et d’autres encore. Nous nous sommes efforcés d’assurer une synergie entre des acteurs issus du monde de l’entreprise et du monde de la recherche, qui n’ont pas nécessairement beaucoup l’occasion de se rencontrer.

M. Claude Birraux, rapporteur et président de l’OPECST. Je précise enfin que, conformément au fonctionnement de l’Office, si nous avons été épaulés par des scientifiques dans notre travail, nous seuls, en tant que rapporteurs, assumons nos conclusions.

A mon tour, je veux remercier trois personnalités qui ont participé au lancement de notre évaluation : Mme Mathilde Bourrier, anciennement maître de conférences à Compiègne et aujourd’hui professeure de sociologie à l’université de Genève ; M. Claude Mandil, qu’il n’est plus nécessaire de présenter ; et M. Jean-Bernard Saulnier, directeur du programme « Energie » au CNRS. Je voudrais également remercier MM. Pierre-René Bauquis, Claude Crampes, Jean-Paul Langlois, Raymond Leban et Christian Ngô.

M. Serge Poignant, président. Merci beaucoup pour cette présentation synthétique de ce rapport très complet. Je serais tenté de vous poser de nombreuses questions, mais je me limiterai à quelques-unes.

Préparant un rapport sur l’énergie photovoltaïque, j’aimerais connaître votre avis sur les polymères – les plastiques. Au-delà du silicium et des couches minces, comment voyez-vous leur utilisation à venir ?

Concernant la deuxième génération des biocarburants, vous dites qu’il faut privilégier le biodiesel, c’est-à-dire la voie thermochimique ; mais quel est votre avis sur la voie enzymatique ?

Je mentionnerai également les algues marines, dont nous avons un peu parlé avec l’IFP.

Enfin, en matière de coopération internationale, vous n’avez pas parlé de l’Europe. Pensez-vous que nous puissions coordonner nos efforts, par exemple avec l’Allemagne en matière de recherche sur le photovoltaïque ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est dommage que nous n’ayons pas davantage l’occasion de discuter avec les ministres en charge de ces questions, comme nous avons pu commencer à le faire dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ».

400 millions d’euros ont été réservés à des démonstrateurs, mais la bataille entre le solaire, la biomasse et la géothermie a été rude, et finalement aucun programme n’est financé. De fait, cela coûterait cher, et il faudrait un système de financement tel que celui mis en place avec l’Agence pour l’innovation industrielle (AII), qui avait permis de financer le projet de biomasse de deuxième génération par la voie enzymatique, Futurol, en Champagne-Ardenne. Le démonstrateur de Bure a été présenté comme une priorité, mais la promesse date d’il y a déjà deux ans et l’ADEME n’a toujours pas donné son avis sur les pilotes industriels. Ne pourrait-on assurer un début de financement de certains démonstrateurs avec les fonds de l’AII qui sont passés à Oseo ?

Vous dites que l’IFP doit se reconvertir, mais Total se désengage, malgré ses bénéfices, d’un certain nombre de secteurs, notamment la pétrochimie, et certaines régions sont durement touchées ; ne pourrait-on demander à Total de travailler sur le photovoltaïque, en mettant en place un centre de recherche ?

Enfin, ne pourrait-on travailler sur la géothermie, notamment l’utilisation des ressources en eau des mines ennoyées ? Les organismes de recherche ont beaucoup d’idées, mais il faudrait ensuite des démonstrateurs pour vérifier leur faisabilité.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Dans l’excellent travail des rapporteurs, il n’est pas fait mention de la méthanisation, à laquelle un certain nombre d’entreprises commencent à s’intéresser, qu’elle soit issue des effluents d’élevage, des eaux usées, des graisses agroalimentaires, des déchets verts ou des déchets ménagers. Cette énergie de proximité, qui a l’avantage de contribuer à la réduction des déchets, mériterait quelques développements.

M. François Brottes. A propos de l’absence de pilotage politique, il faut se demander si cela serait mieux ou pire qu’il y ait un pilote. Avez-vous constaté de la déperdition d’énergie ou de cohérence, du gaspillage, ou cette façon de procéder facilite-t-elle les évolutions ?

Le nouveau contexte est marqué par l’action combinée d’Oseo nouvelle formule, de l’ANR, avec un pilotage politique même s’il est parfois à court terme, du crédit impôt recherche, qui est une forme de pilotage sans pilote puisque l’initiative est entre les mains de l’entreprise, et des pôles de compétitivité, dans le cadre desquels certains veulent conduire une stratégie de recherche. Ces différents éléments améliorent-ils la situation à vos yeux ?

Enfin, qu’en est-il des recherches en matière d’économies d’énergie, notamment d’isolation des bâtiments ?

M. Serge Poignant, président. Ma dernière question concernera la recherche sur les moteurs. Qui la « pilote », quelles priorités faut-il retenir ?

M. Christian Bataille, rapporteur. Notre travail ne prétend pas à l’exhaustivité car c’est un rapport d’évaluation sur la stratégie présentée en mai 2007 par le Gouvernement, et nous ne sommes donc pas sortis du champ du rapport gouvernemental. Cela dit, notre rapport, dont nous venons de vous présenter les grandes lignes, répond à bien des questions. Il traite en particulier des énergies marines, sujet également important ; à l’usine marémotrice de la Rance, on mesure ce que peut être la dépense d’un pilote : initialement, cette usine n’était que l’amorce d’un projet extrêmement ambitieux dans la baie du Mont-Saint-Michel.

Un effort budgétaire pour financer des démonstrateurs serait nécessaire, Jean-Yves Le Déaut a eu raison de le souligner. Nous n’avons pas chez nous d’installation de l’envergure de celle, par exemple, que nous avons visitée à Sandia, au Nouveau-Mexique, consacrée à l’énergie solaire.

Les critiques se concentrent sur le fait qu’en matière de recherche énergétique, tous nos moyens vont au nucléaire. A cet égard, nous suggérons dans notre rapport un rééquilibrage de l’effort et le développement des recherches sur les énergies nouvelles.

En ce qui concerne Bure, que je connais bien puisque je préside la commission locale d’information sur le centre de recherche souterrain sur les déchets nucléaires, Jean-Yves Le Déaut a évoqué le projet de recherche sur le biodiesel. Cette installation était prévue, selon le vœu pressant de Claude Birraux et moi-même, pour valoriser le tissu industriel d’une région qui a accepté de s’engager dans la recherche sur les déchets nucléaires et qui, en outre, est en déclin. Nous nous sommes tournés vers les industriels de l’énergie – AREVA, EDF, CEA – pour qu’ils concrétisent sur le terrain leur effort mais pour le moment, le centre est loin d’avoir la dimension qu’on pourrait attendre. On peut en déduire que les industriels n’ont pas envie d’investir dans une recherche sortant de leur champ de compétence habituel, à savoir le nucléaire.

Pour répondre à François Brottes, pour ma part je pense que le pilotage politique manque en effet. On ne peut pas se reposer uniquement sur l’initiative des laboratoires ou des industries. Au Japon, au contraire, un dirigisme très fort s’exerce sur la recherche énergétique : le gouvernement joue véritablement le rôle de coordonnateur. Sans doute pourrions-nous nous inspirer un peu de cet exemple.

M. Claude Birraux, rapporteur.  Il faudrait au moins un pilotage qui prenne la forme de l’affirmation d’orientations. Nous souhaiterions que des tableaux présentent pour chaque technologie les avantages, les inconvénients, les difficultés à surmonter, les échelles de temps.

En ce qui concerne le photovoltaïque, l’objectif est de réduire les coûts. On les a déjà considérablement réduits en travaillant à partir de silicium industriel alors qu’on utilisait auparavant les rebuts des wafers. Si l’on parvient à utiliser du plastique, on pourra les réduire encore. Nous avons visité à Palo Alto, en Californie, le centre de recherche de Xerox, qui utilise notamment les techniques d’extrusion.

S’agissant des biocarburants de deuxième génération, la voie enzymatique fait l’objet du projet Futurol. En revanche, la voie thermochimique mérite d’être davantage soutenue. En ce qui concerne Bure, 40 % doivent être financés par les entreprises.

Quant à l’efficacité énergétique, un chapitre entier du rapport y est consacré. Des recherches ont lieu sur les pompes à chaleur pour le chauffage domestique, sur les économies d’énergie en milieu industriel. Je vous renvoie aussi au panorama complet que nous avions établi dans notre rapport de 2006 sur les nouvelles technologies de l’énergie et le stockage du gaz carbonique.

Concernant le gaz carbonique, nous considérons qu’il faut explorer la voie de la valorisation. Le stockage peut concerner quelques millions de tonnes, mais les émissions mondiales sont de 93 milliards de tonnes ; et si ce stockage peut être assez facile près des grosses installations, en revanche il est beaucoup moins aisé de transporter le gaz carbonique, sans fuite dans l’atmosphère, jusqu’à un site pouvant l’accueillir.

Sur les démonstrateurs et sur la géothermie, je vous renvoie à notre rapport.

En ce qui concerne les recherches sur les moteurs, des progrès considérables ont été faits sur la consommation des véhicules. L’avenir est sûrement au véhicule hybride rechargeable (plug-in hybrid). Ce serait aussi un moyen de valoriser les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire.

Quant au lithium, il a augmenté considérablement la capacité des batteries. Le seul problème est qu’il n’y en a pas une très grande quantité et qu’on va l’utiliser aussi pour la recherche, en particulier sur la fusion, le lithium étant le meilleur moyen d’obtenir du tritium, lequel sera utilisé à Cadarache dans ITER. Diverses recherches sont en cours.

Enfin, nous n’évoquons pas la méthanisation dans ce rapport relatif à la recherche car on sait comment elle fonctionne, mais je vous renvoie là encore à notre rapport de 2006 sur les nouvelles technologies de l’énergie.

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La parole a ensuite été donnée à Mme Laure de La Raudière, présidente de la sous-commission Consommation – commerce artisanat – entreprises – communications électronique et poste, pour une communication sur le surendettement.

La Commission a ensuite entendu Mme Laure de La Raudière, présidente de la sous-commission Consommation, entreprises, communications électroniques et postales, dans le cadre d’une communication sur le surendettement.

M. Serge Poignant, président : la sous-commission consommation a travaillé sur le surendettement qui est un sujet récurrent, un fléau notamment lié au développement du crédit facile. Nous avons abordé cette question à l’occasion de l’examen de la loi Chatel et nous devrions y revenir bientôt, le gouvernement envisageant le dépôt d’un projet de loi en la matière. C’est donc le bon moment pour les parlementaires de faire des propositions.

Mme Laure de La Raudière : depuis le début de l’année 2008, la sous-commission s’est intéressée aux modes d’attribution des crédits à la consommation, notamment en lien avec la question du surendettement. Cette question avait déjà été discutée par la Commission dans le cadre des débats sur la loi Chatel et avaient conclu à la nécessité de légiférer afin de prévenir le surendettement. Nous avions également eu l’occasion d’examiner la question de l’instauration d’un fichier positif lors de l’audition du président de la CNIL. La sous-commission a pour sa part procédé à une dizaine d’auditions sur un sujet qui est récemment redevenu d’actualité avec le dépôt d’une proposition de loi par le sénateur Philippe Marini suivi de l’annonce par le gouvernement d’un projet de loi transposant la directive communautaire sur le crédit à la consommation au sein duquel pourraient être introduites des mesures concernant le crédit revolving.

Avant de passer au constat et aux recommandations, il convient avant tout de rappeler que le crédit à la consommation est utile et nécessaire à l’économie. Il représente 10 % des achats effectués par les ménages pour un encours moyen de 5 500 euros par ménage et un total d’encours de 145 milliards d’euros. Il permet donc de couvrir des besoins importants pour soutenir la consommation. Parallèlement, il faut souligner que 15 000 dossiers de surendettement sont déposés tous les mois. Ces chiffres démontrent qu’il est nécessaire de trouver un équilibre entre prévention du surendettement et maintien de bonnes conditions d’attribution des crédits à la consommation, afin d’éviter de freiner la croissance tirée par la consommation.

Avant d’évoquer les quatre points qui correspondent à la synthèse des réflexions qu’ont inspirées à la sous-commission les auditions qu’elle a menées, il faut rappeler que les crédits à la consommation correspondent, d’une part, à des prêts personnels avec des produits d’appel à des taux assez bas, inférieurs à 10 %, et, d’autre part, à des crédits revolving dont les taux se situent généralement entre 15 et 20 %.

S’agissant du constat, tout d’abord, la sous-commission considère que les connaissances disponibles sur les liens entre crédit renouvelable et surendettement sont insuffisantes. Les quelques études existantes semblent montrer l’existence d’un impact favorable sur la croissance mais défavorable sur le surendettement ; ces études ne reposent cependant pas sur des bases scientifiques. Les connaissances sont également lacunaires concernant le profil sociologique des personnes surendettées. A cet égard, on notera que la Banque de France se contente d’intervenir sur la gestion du surendettement mais ne s’occupe pas d’améliorer de la situation.

Deuxième constatation : il n’y a pas d’analyse des trajectoires qui mènent au surendettement. Dans le rapport, nous avons essayé d’élaborer un schéma expliquant le passage d’un recours au crédit pour couvrir un besoin de financement à un recours au crédit pour couvrir les crédits précédents et donc à un endettement de réaction. Sur les causes de ce passage, il existe de nombreuses statistiques fondées sur un évènement unique (licenciement, maladie, décès, etc). Il est toutefois plus vraisemblable de penser qu’il résulte d’une accumulation de facteurs au-delà du dernier élément déclencheur, qui est bien souvent un « accident de la vie ». A cet égard, rappelons également que les données de la Banque de France reposent sur les déclarations des personnes surendettées et comportent donc un élément de subjectivité qui doit être pris en compte. Une meilleure compréhension du phénomène du surendettement passe donc par l’élaboration de nouveaux outils statistiques.

Le fichier des impayés, le FICP (fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers), pose également question, qu’il s’agisse de la faiblesse de son contenu – il se contente en effet d’un recensement des cas d’impayés sans en préciser les motifs – ou de sa mise à jour, qui s’avère très décalée par rapport à la réalité. En dépit d’une mise en ligne du fichier, les modifications se font par le biais de l’envoi d’une copie mensuelle aux banques dont le traitement, une fois les réponses transmises, nécessite entre un et deux mois pour que les informations pertinentes soient intégrées : un mois pour une inscription, deux mois pour une radiation.

Enfin, la sous-commission s’est également posé la question de l’interdiction de la distribution de crédits sur les lieux de vente, proposée notamment dans le cadre de la proposition de loi du sénateur Marini, mais n’a pas jugé opportun de retenir cette piste de travail, dans la mesure où les liens entre crédit revolving et surendettement ne sont pas précisément connus. Il ne faudrait pas, par ce biais, casser la dynamique de consommation. En revanche, il conviendrait de lutter contre les incitations à souscrire des crédits sur les lieux de vente comme la soumission de l’octroi d’un rabais à la souscription d’un crédit.

Ce point faire d’ailleurs partie de la première série de recommandations que souhaite émettre la sous-commission et qui visent à mieux encadrer la distribution des crédits à la consommation. A cet égard, il conviendrait :

– de faire en sorte que le recours à un crédit pour financer un achat soit neutre en interdisant la soumission de l’octroi de réductions à la souscription d’un crédit renouvelable ainsi que le commissionnement des vendeurs à l’occasion de la souscription d’un tel crédit pour financer l’achat des produits qu’ils proposent ;

– d’introduire la nécessité d’un acte positif pour reconduire le crédit renouvelable annuellement et fournir à chaque emprunteur un relevé annuel précisant le coût du crédit en euros ;

– d’obliger les établissements de crédit à réaliser des vérifications sur pièce des ressources et du taux d’endettement au-delà d’un certain montant de crédit et de sanctionner cette obligation par la mise en jeu de leur responsabilité pour certains types de crédits accordés.

Je recommande également un certain nombre de mesures visant à rénover le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), rénovation qui me paraît préférable à la création d’un fichier positif.

Il s’agirait notamment d’enrichir le contenu de ce fichier, par exemple en regroupant les informations liées aux incidents, de créer une obligation de consultation en temps réel par les établissements de crédit ou encore de mieux protéger les individus en améliorant en particulier les voies de contestation de l’inscription à ce fichier. Certaines des mesures que je préconise en ce domaine sont au demeurant incluses dans l’avant-projet de loi du Gouvernement, telle l’obligation de consultation par les établissements de crédit, mais je propose pour ma part de sanctionner le non-respect de cette disposition par la mise en jeu de leur responsabilité pour certains types de crédits, ce que n’envisage pas le Gouvernement à l’heure actuelle. Au total, il me paraît indispensable de renforcer la fiabilité du FICP et d’en faire un instrument véritablement utile pour les établissements de crédit.

Mes recommandations portent aussi sur la mise en place de nouvelles mesures de prévention du surendettement orientées en premier lieu autour de l’amélioration de l’éducation financière qui commencerait à partir du collège. L’absence d’une telle éducation est l’une des causes du surendettement. Des modules d’économie générale seraient créés au collège et au lycée et l’éducation financière serait favorisée dans le cadre de la formation professionnelle.

Le renforcement du dispositif de prévention devrait, à mon sens, inclure également des mesures d’accompagnement dès la survenance du premier incident de paiement, à l’instar de celles que met en œuvre l’association CRESUS en Alsace. Au demeurant, il existe en ce domaine une « offre associative » importante mais dont le caractère trop parcellaire et l’insuffisance de notoriété nuisent à l’efficacité. La démultiplication des actions associatives serait indéniablement un outil précieux de prévention. Celle-ci pourrait aussi être favorisée par des mesures d’accompagnement lors des accidents de la vie telles que des propositions d’actions de pédagogie financière à leurs victimes. Ces propositions seraient ainsi envisageables dans le cadre des plans sociaux mis en œuvre lors des licenciements économiques. Je précise que les actions conduites dans ce cadre devraient être conçues avec le souci d’éviter tout caractère intrusif dans la situation financière de leurs bénéficiaires.

Je recommande par ailleurs des mesures ayant pour but l’amélioration du fonctionnement des commissions de surendettement. Il serait notamment souhaitable que leurs règlements intérieurs soient harmonisés car rien ne justifie des conditions de traitement des dossiers variables selon les départements. Je préconise également la mise à leur disposition d’une application informatique permettant une connaissance plus fine des parcours de surendettement et pouvant constituer un outil d’aide à la décision. Je souhaite enfin la mise en place d’une réflexion sur l’amélioration des procédures de vérification et de suspension des créances.

Ma dernière série de recommandations concerne le développement de crédits plus adaptés aux besoins des ménages modestes, la formule des micro-crédits à caractère social ayant des limites malgré sa réelle utilité. Cela suppose une réflexion, dont j’admets la difficulté, sur la fixation des taux d’usure visant à permettre l’émergence d’une offre de crédit amortissable à taux intermédiaire pour la fraction de la population qui présente un risque de défaillance moyen.

M. Serge Poignant, président. S’il ne saurait être question d’interdire les crédits à la consommation, il est impératif de mieux encadrer les pratiques des établissements, lesquels proposent des rachats de crédits à des personnes dont le taux d’endettement excède souvent 60 % à 70 % de leur revenu. Certes, il y a des accidents de la vie qui peuvent expliquer certaines situations, mais on ne peut se contenter d’une simple déclaration de l’emprunteur pour lui accorder ce qu’il demande, surtout lorsque les sommes en jeu dépassent un certain montant. Tout doit être fait pour prévenir les abus de crédit. Ainsi, il n’est pas sain de proposer des étalements de remboursement sur trente ans pour des biens de consommation courants qui ne s’amortissent pas sur une telle période. Il faut, pour éviter que certains ménages n’empilent les crédits au point de se placer dans des situations inextricables, exiger des établissements de crédit qu’ils vérifient plus sérieusement – au moins pour les prêts d’un certain montant – la situation du demandeur…

Mme Laure de La Raudière. A partir d’un certain montant, il est prévu d’exiger un contrôle sur pièces de la situation du demandeur et de sanctionner les accords abusifs.

M. Serge Poignant, président. Cela va dans le bon sens. S’agissant des couples, il convient de veiller à la bonne information des deux conjoints car je rappelle que les octrois de prêts ne font pas l’objet d’un acte notarié. En conséquence, certains conjoints découvrent à l’improviste des crédits contractés par l’autre membre du couple, avec les conséquences que l’on imagine.

Enfin, il semble indispensable de mieux encadrer les rachats de crédits, en fixant notamment des échéanciers de remboursement beaucoup plus précis.

M. Jean Gaubert. Je félicite Laure de La Raudière pour la qualité de son travail. J’ai le sentiment qu’elle est allée au fond des choses. Las, qu’en restera-t-il dans la loi ? Je rappelle que cette majorité a tendance à légiférer par petites touches, de peur sans doute d’effaroucher tel ou tel. Il y a quelque temps, lorsque j’ai proposé de légiférer sur les crédits à la consommation, Luc Chatel ne m’a-t-il pas reproché de vouloir briser la croissance ? La suite a montré qu’il n’était nul besoin de modifier le régime des crédits pour briser la croissance mais c’est une autre histoire…

Pour moi, il faut bien distinguer le besoin de crédits à la consommation des ménages et la manière de les distribuer. Nous ne pouvons que déplorer que le crédit revolving – pour ne pas dire crédit « révolver sur la tempe » - se soit développé depuis une dizaine d’années, mais c’est un fait. Auparavant, on ne distribuait que des crédits amortissables et cela limitait le surendettement. A cet égard, je trouve trop timides les propositions de notre collègue et du Gouvernement : il faudrait poser de manière très explicite le principe selon lequel on ne peut souscrire de nouveaux crédits avant de s’être dégagé des précédents.

S’il est impératif de responsabiliser le prêteur, la consultation du FICP n’est pas la réponse adaptée. Certains y figurent pendant huit ans pour un incident mineur…

Mme Laure de La Raudière. Non !

M. Jean Gaubert. … alors que d’autres, en faisant de la cavalerie avec leurs prêts, échappent à toute inscription au fichier au prétexte qu’ils font en sorte de ne jamais apparaître comme insolvables. Il faut donc mettre au point un nouvel outil pour connaître avec précision le taux d’endettement des ménages. Si l’on n’y parvient pas, on n’arrivera pas non plus à responsabiliser les banques et les établissements de crédit. Je n’ignore pas que la Banque de France y est très opposée mais n’est-il pas de la responsabilité du législateur de surmonter la mauvaise volonté de la Banque de France ?

S’agissant des crédits vendus sur le lieu de vente, je n’ai pas d’idée préconçue. La mise à disposition d’un mode de financement est parfois consubstantielle de l’acte de vente, comme dans l’automobile. D’accord toutefois avec le principe que l’on ne peut être rémunéré à la fois sur la vente du produit et sur celle du crédit. Or, dans certains cas, le crédit rapporte plus que la vente du bien lui-même ! Enfin, je considère que les cartes à paiement différé sur le mode « partez avec votre caddy tout de suite et payez plus tard » devraient être interdites car elles exposent les ménages les plus fragiles à de trop grandes tentations.

Qu’en est-il du réseau des conseiller-ère-s en économie sociale et familiale naguère financé par les CAF ?

M. Olivier Carré. Nombre d’organismes HLM continuent de les solliciter.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Et beaucoup de conseils généraux.

M. Jean Gaubert. Enfin, peut-être faudrait-il envisager de donner aux CAF la possibilité de distribuer des prêts sociaux d’un montant limité, de l’ordre de 3 000 à 4 000 euros, pour aider les gens à s’installer et éviter qu’ils ne s’enfoncent dans l’endettement.

Madame de La Raudière, je constate en tout cas que nous avons beaucoup de points d’accord sur ce sujet et je m’en réjouis.

Mme Laure de La Raudière. Moi aussi !

M. Olivier Carré. D’accord pour responsabiliser toutes les parties mais je dois dire que ce qui me choque le plus, c’est la formule de calcul du taux d’usure qui reste totalement absurde. Ce taux est fixé par application d’un coefficient de 1,33 à une moyenne des taux pratiqués par les établissements de crédit au cours du trimestre précédent. Cette méthode confère au taux d’usure un caractère auto réalisateur et introduit un biais dans le comportement des banques. Il faudrait envisager de calculer ce taux par l’application d’un coefficient multiplicateur au taux de refinancement des banques, par exemple. C’est par la loi que doit s’exprimer un changement complet de méthode et si le Gouvernement peine à prendre l’initiative, nous pouvons l’y aider !

M. Serge Poignant, président. Disons que l’on peut porter une initiative à ce sujet.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. – Je remercie Mme de La Raudière de la pertinence de son travail, tant il est vrai que la situation actuelle pose question. Les habitudes en matière de crédit évoluent. Quarante pour cent des foyers sont désormais multibancarisés et des modes de gestion financière anglo-saxons s’imposent. Ainsi la pratique du crédit permanent supplante-t-elle celle du découvert bancaire, car l’appel téléphonique fait prévaloir la simplicité et la rapidité. Or, il faut le répéter, les négociations avec la banque ont leur importance dans la tenue d’un budget familial pour éviter le piège du surendettement.

Il faut lever, je crois, le tabou de l’argent qui prévaut encore dans la société française. On néglige l’éducation financière, or dès douze ans les jeunes ont désormais accès à des cartes de retrait, à un téléphone mobile. Je suis séduite par l’idée de cours d’économie à partir de la classe de seconde et même dès la troisième, avant un éventuel départ en apprentissage et une première autonomie financière. Les dispositifs de formation professionnelle pourraient peut-être contribuer à cette politique.

Je pense également important d’envisager une sensibilisation des centres communaux d’action sociale à travers l’intervention des conseillers en économie sociale et familiale. Ils pourraient concourir à l’instruction des dossiers avant leur traitement, de façon à inscrire dans la durée le soutien de la collectivité.

Quant au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, nous en reparlerons dans la discussion du prochain projet de loi, qui suit la même logique que la communication dont nous débattons aujourd’hui. En ce qui concerne le taux d’usure, il faudrait une harmonisation entre ses deux définitions, pour le prêt personnel et pour le crédit permanent, de façon à ce que l’écart soit sensiblement réduit.

Enfin, s’il est un point sur lequel insister, c’est réellement celui de l’éducation pour mieux comprendre le mécanisme de l’amortissement. L’information constitue la première des obligations.

M. Dino Cinieri. – On recense quelques quinze mille nouveaux cas de surendettement chaque mois. J’ai eu la surprise de constater que le phénomène touchait les foyers les plus responsables, qu’il commençait par un premier crédit conclu auprès d’un établissement bancaire, qu’un accident de la vie survenait et que la spirale commençait inexorablement. Il suffit d’ouvrir un magazine pour tomber sur nombre de publicités vantant les mérites de ces chèques accordés dans l’instant, pour des totaux parfois considérables, qui ne laissent aucune alternative à une cavalerie.

Aussi, comment pouvons-nous prévenir les mauvaises pratiques, notamment les crédits conclus au moment de la vente d’un bien, qui plongent des familles dans la détresse ? Comment empêcher le recours à ces cartes de crédits qui laissent s’écouler un délai de quatre mois avant le début des prélèvements, laissant l’espoir d’une amélioration future de la situation financière des emprunteurs ? L’effet de la gratuité dans l’immédiat est très entraînant, malgré des taux d’intérêt qui peuvent dépasser les 20 %.

Dans ma commune, le revenu par foyer est approximativement de treize mille euros annuels. Je comprends que la population se montre particulièrement vulnérable aux pratiques commerciales agressives, d’autant plus que le vendeur commissionné se rémunère sur la vente du bien comme sur la vente du crédit. L’idée d’exiger une signature des deux personnes du couple pour la conclusion d’un crédit semble intéressante pour limiter les risques.

Mme Laure de La Raudière. En cas de recours au crédit, il faudra procéder à une vérification de toutes les pièces du dossier dès lors que le montant est élevé, cela implique donc, le relevé bancaire et, pour les comptes joints, l’exigence de la double signature.

Le but à atteindre est l’équilibre entre la liberté de consommation et la lutte contre le surendettement. Le projet de loi que prépare le gouvernement prévoit de garantir un amortissement minimal du crédit renouvelable à chaque échéance. Une information annuelle devra également être fournie à l’emprunteur mentionnant la part restante du capital à rembourser notamment.

Aujourd’hui, le fonctionnement du FICP ne permet pas d’engager la responsabilité du préteur, il faut faire évoluer cette situation, et si un fichier positif n’est pas nécessaire. Il faut deux incidents de paiement pour être inscrit au FICP, après remboursement, on en sort. Une mise à jour du fichier en temps réel comportant des renseignements sur les causes du surendettement est nécessaire.

Pour ce qui concerne le recours aux conseillers en économie sociale, la capacité disponible actuellement est faible. Ma préférence va à une mise en réseau du tissu associatif existant avec des associations telles le secours catholique ou le secours populaire ou certaines associations de consommateurs comme Familles rurales.

Le micro-crédit social reste à développer, à cet égard, il faut mentionner l’offre « passerelle » du Crédit agricole, qui est un bon exemple ! Je m’associe également au souhait d’Olivier Carré de voir s’engager une réflexion sur le taux d’usure, qui me semble en effet nécessaire à l’émergence d’un crédit à taux intermédiaire.

Les français ont une moindre culture du crédit revolving puisque seulement 20 % d’entre eux y ont recours ; de leur côté, les anglo-saxons se situent, pour l’utilisation de ce type de crédit à 28 % au Royaume-Uni et 56 % aux Pays-Bas. Le revolving a-t-il remplacé le découvert bancaire ? Nous n’avons pas les moyens de le savoir puisque les banques comptabilisent les deux au titre des crédits non amortissables.

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Information relative à la commission

La commission a procédé à la nomination de rapporteur. Elle a désigné M. Jean-Pierre Nicolas, rapporteur d’information sur les conséquences de la tempête du 24 janvier 2009 dans le Sud-Ouest.

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