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Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Mercredi 6 mai 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi

– Informations relatives à la commission

La commission a entendu Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi.

M. le président Patrick Ollier. Madame la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, nous sommes convenus de nous retrouver régulièrement pour aborder différents sujets relatifs à l’économie. En cette période de crise, les membres de notre Commission, sur tous les bancs, attachent à ces rencontres un grand intérêt.

Après avoir reçu M. René Ricol, Médiateur du crédit, ainsi que les responsables des banques, et pour faire suite à la question d’actualité que je vous ai posée récemment sur le fléchage des crédits destinés aux entreprises par l’intermédiaire des banques, nous vous demandons de nous donner des précisions quant à l’évolution des encours des banques qui ont reçu le soutien de l’État. Comment l’activité du Médiateur du crédit évolue-t-elle ? Avez-vous des propositions à faire quant au dispositif du complément d’assurance crédit public (CAP), qui se révèle insuffisant ?

Nous sommes également soucieux de la question de l’ordre du jour parlementaire. Le Gouvernement a-t-il fixé la hiérarchie de certains textes importants ? Quelles sont, par exemple, les perspectives d’inscription à l’ordre du jour du texte relatif au crédit à la consommation ou de celui qui sera consacré aux chambres consulaires, pour lequel Mme Catherine Vautrin a été désignée comme rapporteure ? La même question se pose pour le projet de contrôle de l’exécution de la loi de modernisation de l’économie (LME), pour ce qui concerne les délais de paiement et les marges arrière. M. Jean-Paul Charié, que j’ai chargé de cette mission, aura pour co-rapporteur M. Jean Gaubert, car l’opposition est associée à cet exercice.

De nombreux autres sujets demeurent, comme la quatrième licence de téléphonie mobile, la TVA à taux réduit pour la restauration ou le rapport Champsaur, mais nous ne les aborderons pas aujourd’hui.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ces rendez-vous réguliers me semblent relever d’une bonne pratique, d’autant plus que la situation économique évolue très rapidement et que toutes les prévisions – qu’il s’agisse de celles du Fonds monétaire international, de l’OCDE, de la Commission européenne ou du consensus forecast, qui est une moyenne de prévisions – évoluent au fil des mois, et bien souvent à la baisse.

Les dernières prévisions de la Commission européenne en matière de produit intérieur brut et de déficits nous ont été communiquées avant-hier matin et je tiens à revenir brièvement sur un chiffre qui a fait la « une » du journal Le Monde. En effet, la croissance prévue pour le produit intérieur brut de la France est négative et se situe à moins 3 %, mais le chiffre est de moins 5,4 % en Allemagne, et encore inférieur en Italie et en Espagne, avec une moyenne de moins 4 % en 2009 pour la zone euro. Ceux qui voudront voir le verre à moitié vide souligneront que cette prévision de moins 3 % est bien inférieure à celle de moins 1,5 % que j’avais retenue pour la préparation de la loi de finances. En revanche, ma tendance naturelle à voir le verre à moitié plein, que certains me reprocheront sans doute, m’invite à constater que la prévision de croissance pour la France est meilleure de moitié qu’en Allemagne. Qu’il s’agisse de la croissance du PIB, de l’inflation ou du taux de chômage, les prévisions de la Commission européenne ou du Fonds monétaire international pour la France sont généralement meilleures que la moyenne des pays de la zone euro. S’il ne s’agit certes pas là d’un passeport pour les années à venir, il est clair toutefois que, pour 2009, le modèle économique français, avec son équilibre sur trois jambes – investissement, consommation et exportation – et un mécanisme de stabilisateurs automatiques qui jouent à plein, résiste mieux à la crise que celui de certains pays concurrents voisins et amis, qui subissent plus violemment les coups de la crise internationale.

De retour de l’assemblée annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et de la réunion des ministres des finances du G7 et du G20, je tiens à attirer votre attention sur certains signaux indiquant, n’en déplaise aux esprits chagrins qui rétorqueront que le tunnel est encore long, une légère amélioration. S’il faut se garder de les surinterpréter, il s’agit néanmoins d’éléments positifs qui ont été soulignés par les ministres des finances des États-Unis, de la Chine et de plusieurs pays européens. Ainsi, les indices du transport maritime se redressent légèrement, tout comme les demandes d’autorisation équivalant à celles de permis de construire aux États-Unis et le commerce intérieur en Chine, évoqué par le ministre des finances de ce pays. En outre, les indicateurs du climat des affaires, certes fondés principalement sur des analyses d’anticipations des chefs d’entreprise ou des ménages, apparaissent assez coordonnés entre les différentes économies et semblent donner eux aussi des signes positifs.

Face à la crise internationale, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures de relance, que l’OCDE, dans son rapport remis voici une semaine, a qualifié de « bon éventail de mesures anticrise ». Un tel satisfecit de l’OCDE, qu’il faut certes prendre avec une grande modestie, est assez rare pour être souligné. Ces mesures de relance sont pluridisciplinaires, réversibles et, pour reprendre le « triple T », appropriées, ciblées et temporaires – timely, targeted and temporary.

Les mesures prises représentent environ 2,4 % du produit intérieur brut, ce qui correspond aux préconisations du Fonds monétaire international, qui recommandait aux pays des mesures de relance de l’ordre de 2 % du PIB. Lors d’une réunion que j’ai provoquée, Dominique Strauss-Kahn en a d’ailleurs lui-même convenu. Au titre du plan de relance et dans le cadre de l’accélération des mesures de trésorerie – remboursement de TVA, d’IS et de crédit impôt recherche –, l’État a injecté 11,4 milliards d’euros, soit 0,6 % de PIB, pour la seule période de janvier à mars. S’il ne s’agit pas d’une injection à proprement parler, mais plutôt d’une accélération du remboursement, celle-ci n’en permet pas moins de faire tourner l’économie sans grever les finances publiques à un moment où c’est absolument nécessaire.

Nous assumons pleinement la priorité que nous avons donnée à l’investissement dans le plan de relance, et les chiffres ne semblent pas nous donner tort. Ainsi, après un chiffre légèrement négatif en février, la consommation a progressé de 1,1 % au mois de mars et ce chiffre devrait être de 0,4 % pour le premier trimestre. Sans être massivement relancée, par exemple par des mesures de baisse massive de la TVA, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, la consommation a donc tenu. Des mesures de soutien à la consommation ont cependant aussi été prises, en particulier pour les catégories les plus défavorisées, à la fois parce que c’est justice et parce qu’il est connu que ce mécanisme est celui qui a le meilleur effet multiplicateur qu’on puisse obtenir, car ces catégories sont celles qui ont le moins tendance à épargner, relançant ainsi la machine économique par la consommation. Le Gouvernement a ainsi augmenté l’indemnisation du chômage partiel – à hauteur de 95 % du salaire brut pour le SMIC et de 90 % au-dessus du SMIC –, versé une prime de 150 euros à 3 millions de familles modestes ayant des enfants scolarisés, une prime de 500 euros aux demandeurs d’emploi n’ayant pu travailler qu’entre deux et quatre mois, et de ce fait non éligibles aux indemnités de chômage, et supprimé provisoirement, pour 2009, les deuxième et troisième tiers provisionnels pour les catégories de contribuables se situant dans la tranche d’imposition à 5,5 %, avec une entrée en sifflet pour ceux qui se situent dans la tranche à 14 %.

Dès lors qu’à défaut d’avoir encore pu réparer le système financier – j’en ai encore exprimé le regret hier à Bruxelles lors des réunions de l’Eurogroupe et de l’Ecofin –, nous avons au moins pu le stabiliser, la priorité absolue est plus que jamais l’emploi. Le Gouvernement s’est attaché à aider financièrement les petites et moyennes entreprises, qui sont les plus créatrices d’emplois, en mobilisant à cette fin 22 milliards d’euros et en mobilisant massivement OSÉO, banque de l’innovation et des petites et moyennes entreprises. Ont ainsi été déjà accordés 550 millions d’euros de cofinancements et 870 millions d’euros de garanties de financement.

Enfin, le Gouvernement a mis en place le système de médiation de crédit, présidé par M. René Ricol, déjà entendu par votre Commission. Ce système, qui prévoit des médiateurs dans les régions et une coordination avec des tiers de confiance mis en place notamment au niveau des chambres consulaires et des associations d’employeurs, a permis de trouver des solutions pour près de 4 000 entreprises, concernant 80 000 salariés. Il est si efficace que plusieurs pays européens, comme l’Allemagne et l’Italie, ont demandé à René Ricol de leur expliquer ce mécanisme de recours et entrepris de mettre en place des systèmes de médiation « à la française ».

Le plan de relance du 4 décembre 2008 a également prévu le dispositif « zéro charges », mécanisme d’allégement de charges sociales pour les embauches réalisées en 2009 par les PME de moins de dix salariés. Il convient maintenant de nous concentrer sur le secteur des jeunes demandeurs d’emploi, pour lequel les derniers chiffres accusent une aggravation. Le plan du 24 avril 2009, qui comportera un financement de 1,3 milliard d’euros, repose essentiellement sur les formations en alternance, avec un renforcement des mécanismes d’apprentissage et d’insertion des jeunes dans le marché du travail, au moyen notamment de primes à l’embauche et de primes à la confirmation des stagiaires sous forme de CDI pendant l’année 2009.

Ces mesures sont temporaires. Vous connaissez déjà les mesures de fond, structurelles. Après la réforme en profondeur des organismes d’aide à la recherche d’emploi avec la création de Pôle Emploi, issu de la fusion désormais réalisée, avec 1 840 personnes supplémentaires, pour faire face à l’afflux de demandeurs d’emploi, il s’agit de grands textes sur la formation professionnelle, dont on souhaite qu’ils permettent de fournir des éléments de réponse conjoncturels, grâce à un mécanisme d’indemnisation et de formation permettant de maintenir en activité certains de nos compatriotes en recherche d’emploi, et structurants, car la formation professionnelle est une obligation de toute la vie.

Quant au bilan de la LME, je rappellerai tout d’abord que la loi a ramené les délais de paiement, beaucoup plus longs en France que dans la moyenne des pays européens, à 60 jours à compter de la date de la facture, sauf accord dérogatoire. L’entrée en vigueur du texte s’est traduite par près de 4 milliards d’euros de trésorerie additionnelle pour les petites et moyennes entreprises. Votre assemblée a également eu la sagesse, sous l’impulsion de M. le rapporteur et sous la vôtre, monsieur le président, de prévoir un mécanisme de dérogations provisoires, assorti cependant d’une obligation de convergence vers l’objectif de 60 jours à compter de la date de la facture. Au 1er mars, 39 accords dérogatoires ont été signés, qui entrent en vigueur au fur et à mesure de leur approbation par le Conseil de la concurrence et qui ont pour objet de mettre graduellement en œuvre la réduction de la durée de paiement. En effet, certaines branches comme le BTP, caractérisé par de très nombreux corps de métiers, ou des secteurs comme ceux du bricolage, du jouet, de l’horlogerie ou encore de la bijouterie, sont structurés en toutes petites entreprises qui risqueraient de faire les frais d’une réduction trop brutale des délais de paiement.

Deuxième mesure sur laquelle je souhaite insister : la négociabilité des prix. Les effets conjugués de la loi Chatel et de la loi de modernisation de l’économie ont pu s’appliquer sur la dernière campagne annuelle de négociation des prix, qui s’est achevée en mars 2009 et l’on assiste depuis lors à une diminution des prix à la revente, dont bénéficie directement le consommateur. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à qui j’ai demandé de procéder à des contrôles pour s’assurer que les réductions de prix étaient bien répercutées sur les prix à la revente, a constaté depuis la fin de 2008 une baisse d’un demi-point d’inflation pour ce qui concerne les prix de grande consommation. Il nous faudra demeurer très attentifs, et j’ai demandé à Luc Chatel de l’être particulièrement.

Un groupe de travail piloté par la DGCCRF étudie également la publicité comparative. En matière de prix, nous avons intérêt à utiliser tout l’arsenal des moyens disponibles, ou que l’on souhaiterait rendre disponibles.

La troisième mesure que je tiens à souligner est le statut de l’autoentrepreneur, prévu par l’article 1er de la LME, entré en vigueur le 1er janvier 2009. Au premier trimestre, on a enregistré 125 000 inscriptions de nouveaux autoentrepreneurs. Au 15 avril, ce chiffre avait dépassé 142 000. Le site Internet www.lautoentrepreneur.fr a attiré à lui seul plus des deux tiers des demandes. C’est un énorme succès. Au rythme actuel, on devrait atteindre à la fin de l’année 2009, malgré la crise économique, le chiffre de 300 000 autoentrepreneurs, qui lanceront leur propre activité.

À ceux qui reprochent à ce statut d’être pour les demandeurs d’emploi une échappatoire, voire une chimère, je ferai observer que la moitié seulement des autoentrepreneurs inscrits sont des demandeurs d’emploi, et que les autres sont donc des entrepreneurs en herbe, qui découvrent ce statut simplifié, efficace et relativement abordable et l’utilisent pour lancer leur activité. Quant à ceux qui étaient demandeurs d’emploi, pourquoi ne pourraient-ils pas s’inscrire ? Nous avons raison de faire évoluer, dans le cadre du texte actuel, le régime de cotisation de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) vers celui de l’autoentrepreneur, avec une convergence des taux afin de faciliter aux demandeurs d’emploi qui le souhaitent le démarrage d’une activité.

Des améliorations pourront certainement être apportées à ce dispositif – c’est le sens du dialogue que mène actuellement Hervé Novelli, en particulier avec les artisans. Il n’est évidemment pas question de léser les artisans, ni de remettre en cause les qualifications professionnelles nécessaires pour l’exercice de certains métiers. En revanche, les privilèges ou les citadelles ne doivent pas décourager les autoentrepreneurs. Une réflexion s’imposera pour simplifier dans toute la mesure du possible l’évolution du statut de l’autoentrepreneur, plafonné différemment selon que l’activité relève du service ou de l’achat et revente, vers la constitution d’une activité en société.

J’évoquerai deux projets de loi en cours.

Tout d’abord, le projet de loi sur le tourisme présenté par Hervé Novelli, qui a fait l’objet d’un vote unanime au Sénat le 8 avril, réforme en profondeur le cadre institutionnel, réglementaire et économique de l’activité touristique, activité qui, je le rappelle, n’est pas délocalisable et qui, source de 2 millions d’emplois en France, représente environ 6 % du PIB. La France est aujourd’hui la première destination touristique en nombre de touristes étrangers, mais elle se situe à la troisième place en termes de chiffre d’affaires par touriste, derrière les États-Unis et, depuis 2002, derrière l’Espagne. Il reste donc un travail important à accomplir dans ce domaine pour apporter les simplifications nécessaires ou pour introduire la cinquième étoile dans l’hôtellerie et soumettre l’attribution de celle-ci à des mécanismes clairs, rapides et efficaces. Il y faudra aussi le concours du secteur privé, avec un effort réel sur les activités d’accueil. Sur le plan institutionnel, le projet de loi qui sera soumis à votre assemblée prévoit de réformer la procédure de classement des hébergements touristiques, d’ouvrir la profession réglementée des agents de voyages afin de renforcer leur compétitivité tout en préservant la protection du consommateur par le maintien des obligations de garanties, notamment financières, et de fusionner la Maison de la France et ODIT France afin de disposer d’un vrai guichet unique pour le soutien aux activités touristiques.

Un autre projet de loi, que j’espère défendre prochainement et avec succès devant votre assemblée, porte sur le crédit à la consommation et concerne 9 millions de ménages français. Le principe cardinal est de lutter contre les excès et contre les abus de ce crédit, ce qui suppose de s’attaquer à la publicité agressive, voire harcelante. Cela suppose aussi une communication sur le vrai taux d’intérêt pratiqué. À cet égard, nous aurons certainement lors de l’examen du texte des débats sur le bon taux applicable. J’ai confié à l’IGF et à l’IGAS une mission de réflexion sur le taux de l’usure – ou plutôt sur « les » taux de l’usure. Cela suppose encore d’intégrer impérativement une partie amortissable dans le remboursement des prêts renouvelables. En effet, le « crédit renouvelable » – expression qui me semble préférable à celles de « crédit revolving » ou de « réserve d’argent » – conduit souvent à gonfler les encours, lesquels sont soumis à des taux excessifs pour des contribuables qui sont souvent les plus fragilisés, dénaturant ainsi la finalité de ce crédit. Cela suppose enfin de mettre en place trois obligations à l’égard des organismes prêteurs, qui seront tenus de remplir avec l’emprunteur une fiche précise qui constituera le contrat engageant les deux parties, de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et de vérifier le fichier des incidents de paiement, lequel, je l’espère, sera à jour d’ici à la fin de l’année 2010 et recensera au jour le jour les engagements et les incidents afin de constituer un véritable outil de vérification de la solvabilité.

M. François Brottes. Madame la ministre, comme nous l’avons déjà dit lors de son examen, la loi de modernisation de l’économie, loi de dérégulation, est à contretemps des besoins dans la situation de crise que nous connaissons. Les fournisseurs des grandes surfaces, qu’ils soient transformateurs de produits agricoles ou petits industriels, s’en sont d’ailleurs rendu compte.

Quant au statut de l’autoentrepreneur, il ne suffit pas de donner une bouée à quelqu’un en lui disant qu’il peut prendre la mer et qu’il pourra toujours s’accrocher à un bateau. Nous l’avons dit, ce dispositif aura du succès et les autoentrepreneurs seront des centaines de milliers, car ce statut peut apparaître comme la seule solution dans une marée de désespoir. Nous contestons toutefois son caractère pérenne, car il devrait être transitoire pour assurer le passage à un autre statut. Du reste, le fait de permettre le cumul du statut d’autoentrepreneur avec un salaire ou une retraite montre bien qu’il ne s’adresse pas seulement à ceux qui veulent créer une entreprise. Il crée en outre une concurrence déloyale, qui suscite une vive opposition de la part de l’ensemble des chambres des métiers et dont nous mesurerons plus tard les effets collatéraux. Aujourd’hui, il s’agit de créations d’entreprises mais, demain, il s’agira de fermetures.

Votre plan de relance a eu des effets positifs en matière de trésorerie. En revanche, la relance de la consommation, qui est une solution importante, paraît un peu « petit bras ». Les quelques mesures que vous avez annoncées ne nous ont guère rassurés et sont d’ailleurs dérisoires par rapport à l’augmentation du salaire de certains grands patrons, des stock-options ou des retraites chapeaux.

Je m’interroge sur l’absence de volontarisme du Gouvernement face à l’« effet Obama ». Quel est votre sentiment sur les mesures prises par les États-Unis – pays que vous connaissez bien et qui est parfois cité comme modèle –, beaucoup plus coercitives que celles prises dans notre pays puisqu’elles consistent notamment à taxer les grandes entreprises, à bloquer les rémunérations et à contrôler les banques ?

Nous devrions également analyser ensemble, et vous êtes la mieux placée pour le faire, la réalité de la perte des emplois industriels et des industries, filière par filière. En effet, des filières entières vont disparaître, avec la duplicité et la complicité de chefs d’entreprises qui tirent parfois prétexte de la crise pour fermer leurs entreprises. Certains, dans le secteur de la chimie notamment, ne veulent pas affronter l’application du programme REACH, d’autres, sous-traitants de groupes aujourd’hui fragilisés, en profitent pour fermer leurs entreprises parce qu’ils ont plus à gagner dans d’autres secteurs – je l’ai observé à Grenoble à propos de Caterpillar, et mes collègues pourraient citer d’autres exemples. Les quotas de CO2 et la question de l’énergie incitent aussi certains à cesser leur activité en en faisant porter la responsabilité à la crise. Disposez-vous d’instruments permettant de mesurer ce phénomène ? Si celui-ci se poursuit, le redémarrage sera difficile après la crise, car un trop grand nombre d’entreprises auront fermé.

La suppression de la taxe professionnelle inquiète les collectivités locales, qui renoncent à leurs investissements d’infrastructures et d’équipements publics, ce qui a des conséquences pour les entreprises du BTP. L’initiative du Président de la République en la matière est une mesure de contre-relance.

Pour ce qui concerne les hedge funds, aucune mesure n’a été prise à l’échelle européenne pour assainir la situation. Nous souhaiterions connaître votre sentiment à ce sujet, qui nous préoccupe beaucoup compte tenu du rôle que ces fonds sont encore amenés à jouer dans notre industrie.

Nous souhaiterions également que vous puissiez nous éclairer sur les grandes manœuvres en cours dans le domaine de l’énergie, notamment autour de l’entreprise Areva, l’un de nos joyaux industriels. Il y va en effet de l’avenir énergétique de l’Europe et du pays, ainsi que de celui de grandes entreprises qui tiennent jusqu’à présent le cap d’une croissance annoncée et durable.

M. François Loos. Je tiens tout d’abord à féliciter Mme Lagarde, qui, dans cette situation de crise, tient très bien la barre. L’UMP a le sentiment que le programme pour lequel nous avons été élus est encore plus nécessaire que jamais, et que ce qui a été voté depuis deux ans ne va certainement pas à contre-courant des besoins.

La crise exige cependant de travailler davantage, comme l’a une nouvelle fois rappelé hier, à Nîmes, le Président de la République. L’État doit donc mettre en place les instruments nécessaires. Le plan de relance ayant été adopté, le rôle de l’UMP vis-à-vis du Gouvernement doit être celui d’un « Monsieur Plus ». Ne pourrait-on simplifier encore les procédures ? En effet, une collectivité qui souhaite donner du travail dans le cadre de son plan de relance est souvent confrontée à des délais importants et nous souhaiterions plus d’aide de la part des services de l’État, qui se contentent trop souvent de nous rappeler les procédures à appliquer.

Par ailleurs, le plan spécifiquement consacré à l’emploi des jeunes, dont vous avez bien souligné le caractère prioritaire, sera-t-il à la hauteur des problèmes qui se poseront à la rentrée de septembre ? Pensez-vous que Pôle Emploi, que vous avez mis en place voici quelques mois, soit à la hauteur de la situation ? Des mesures sont-elles nécessaires dans ce domaine ? De fait, il semble parfois que les procédures l’emportent sur la volonté de bien faire. Une vision globale serait la bienvenue.

Pour ce qui est de la suppression de la taxe professionnelle, évoquée par M. Brottes, nous aurions besoin, même si nous sommes conscients qu’il est trop tôt pour que nous ayons une réponse complète, de signaux permettant de positiver cette décision. Ce n’est pas parce que nous appartenons à l’UMP que nous ne sommes pas demandeurs d’éclaircissements aussi rapides que possible en la matière.

Sur le plan international, enfin, n’y a-t-il pas en Europe aussi certains signaux positifs et ne pourrait-on pas demander à l’Europe d’accélérer le versement des fonds structurels correspondant aux budgets des prochaines années, en particulier pour des pays comme la Roumanie et la Hongrie, qui connaissent de graves difficultés financières et bénéficient de montants importants ?

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre partage dans ses grandes lignes la position que vient d’exprimer M. Loos. J’ai entendu M. Strauss-Kahn déclarer que le plan de relance de la France avait été bien géré, mais que l’élément-clé était le nettoyage des actifs toxiques. Où en est-on en Europe à cet égard ? Un autre élément-clé est le niveau des stocks : lorsque celui-ci est bas, la reprise est proche. Selon M. Strauss-Kahn, le redémarrage pourrait avoir lieu au premier trimestre 2010 si le nettoyage des actifs toxiques se poursuit et si des problèmes graves ne surgissent pas en Europe de l’Est, notamment en Hongrie et en Lituanie. Quelle est à cet égard l’évaluation des risques ?

Pour ce qui concerne la LME, je rappelle que le dispositif d’extension des grandes surfaces a donné lieu à un incident et que le dispositif n’a été recadré qu’au prix d’une véritable révolte de notre Commission, sous l’impulsion de son président. Certains dossiers ont néanmoins pu combiner le flottement relatif aux dispositifs d’extension et le retard de la mise en place des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) dans les préfectures. Pouvons-nous compter sur vous pour faire en sorte que ces dossiers scandaleux soient tous « recalés » ?

Pour ce qui est du crédit à la consommation, notre groupe sera très mobilisé. Les derniers chiffres sont inquiétants : plus de 30 000 dossiers supplémentaires de surendettement ont été déposés à la Banque de France par rapport à l’an dernier. Notre politique dans ce domaine n’est-elle pas trop timide ? Après avoir beaucoup donné aux banques, n’est-ce pas le moment de mettre en place le « fichier positif » ?

M. Daniel Paul. Il ne s’agit pas seulement de sortir de la crise, car il est probable que la situation finira bien par s’améliorer, mais il faut aussi et surtout faire en sorte que cela ne recommence pas. Depuis une vingtaine d’années, on constate que, d’une façon cyclique, les mêmes causes produisent à peu près les mêmes effets, même si la crise actuelle est probablement la plus importante que l’on ait connue.

Lorsque vous déclarez que la France fait mieux que ses voisins, vous omettez d’évoquer le rôle du secteur public, de l’intervention de l’État et de la protection sociale. Qu’en est-il d’une véritable relance sociale, que réclament unanimement tous les syndicats ? Allez-vous, au-delà des petites mesures que vous venez d’évoquer, leur répondre rapidement ?

Par ailleurs, les déficits de l’État et de la sécurité sociale ont explosé. Quelles mesures envisagez-vous de mettre en œuvre afin de ne pas laisser en héritage à nos enfants et petits-enfants les fruits des errements de quelques-uns ?

Dans certaines entreprises, le patronat préfère recourir aux heures supplémentaires plutôt que de recréer des emplois, même à durée déterminée. C’est là une confirmation de ce que nous avons critiqué lors de la loi TEPA, qui a mis en place le régime d’heures supplémentaires exonérées de toute cotisation patronale et salariale.

Dans ma région, les pétroliers ont entrepris de « remodeler » profondément l’outil. Shell et Total ont ainsi annoncé chacun la fermeture d’un site en Normandie – dans le cas de Shell, il s’agit d’un centre de recherches –, ce qui se traduit par la disparition d’emplois très qualifiés, avec des conséquences très lourdes pour les territoires.

Enfin, n’y a-t-il pas quelque chose d’« immoral » – pour reprendre un terme qu’emploie parfois le Président de la République – à venir en aide à des entreprises qui, après avoir distribué pendant cinq ou six ans des sommes extraordinaires sous forme de dividendes dopés par les rachats d’actions, ont aujourd’hui les poches vides ?

Mme la ministre. Monsieur Brottes, si le statut d’autoentrepreneur est pérenne, l’activité exercée au titre de ce statut ne l’est pas nécessairement. Elle peut l’être lorsqu’elle représente un complément d’activité et de ressources, mais elle peut être aussi une transition vers une activité pérenne de chef d’entreprise. Il conviendra donc de simplifier autant que possible ce point de passage vers une forme sociale telle que celle de l’EURL ou de la SARL. Ce statut me semble prometteur, mais il n’a que quatre mois : donnons-nous un peu de temps pour voir où se situent les difficultés. Il est inévitable que la création d’un nouveau statut provoque des irritations, et l’on peut comprendre que certains organismes, habitués au confort de certaines cotisations, en éprouvent un certain regret.

Je ne peux pas laisser dire que le programme de relance par la consommation est un catalogue de petites mesures « dérisoires ». Au total, en effet, la prime de solidarité active, le PTZ vert, la prime à la casse et les mesures de création d’emplois aidés dans les secteurs marchand et non marchand représentent pour 2009 un total de 4,9 millions d’euros, auxquels s’ajoute le RSA, pour 1,5 milliard d’euros, les mesures sociales du 18 février pour 3 milliards d’euros, la fin de montée en charge de la loi TEPA pour 1,6 milliard d’euros et la TVA restauration, qui contribue également à la relance par la consommation, pour 2,6 milliards d’euros. Le total s’élève à 13,6 milliards d’euros, soit 0,71 % de PIB. Ces chiffres ne sont pas dérisoires dans un plan que nous avons voulu centrer sur l’investissement. Ils nous donnent raison, compte tenu du fait que nous avions voulu faire porter l’effort sur l’investissement public et privé, qui faisait quelque peu défaut.

Le plan Obama est certes beaucoup plus lourd que le plan de relance français, mais c’est aux États-Unis que la crise a pris naissance. Des mesures ont tout d’abord été prises dans le cadre du Troubled Asset Relief Program (TARP), mis en œuvre par mon collègue Henry Paulson, Secrétaire au Trésor des États-Unis, et poursuivies dans un deuxième plan élaboré par son successeur, Timothy Geithner, pour restaurer les circuits financiers. Par ailleurs, un plan de relance a été mis en œuvre, comportant des mesures de réduction d’impôt, de relance de la consommation et de nombreuses mesures de soutien à l’investissement public. En outre, l’économie américaine, première économie mondiale, peut se permettre un plan de cette ampleur, qui prévoit d’injecter dans l’économie, entre 2009 et 2010, un peu plus de 5 % de PIB, dont une partie seulement produira des effets au cours de l’année 2009. D’autre part, le plan de relance américain arrive plus tard, du fait de la date d’entrée en fonctions du Président Obama et du long processus d’approbation du personnel de la nouvelle administration américaine – soit environ 300 personnes. Le plan américain est en outre pluridisciplinaire. Il est encore trop tôt pour juger de ses effets, qui devraient se faire sentir dans la deuxième partie du second semestre de 2009, ce qui me laisse penser que la relance venue des États-Unis devrait être sensible à partir de 2010.

Vous m’avez par ailleurs interrogée sur la réalité des pertes d’emplois industriels. Même si des signes de reprise devaient se manifester et être confirmés par un mouvement de reprise effectif, les conséquences sociales dureront plus longtemps que la crise économique proprement dite et la récession qui affecte l’économie française, du fait en particulier d’un effet de suite qui se traduit par des suppressions d’emplois, notamment industriels. Les chiffres de la DARES montrent ainsi que le nombre de nouveaux demandeurs d’emploi est de moins en moins imputable à des fins de CDD ou de missions d’intérim et de plus en plus à des licenciements pour raisons économiques, qui sont actuellement responsables, sauf erreur de ma part, de 6 % des nouveaux demandeurs d’emploi.

Nos services sont très vigilants sur ces questions. Pour ma part, j’ai chaque semaine sur mon bureau l’état précis de toutes les restructurations et je suis actuellement un peu plus de 100 dossiers relatifs à des mouvements de personnels d’une certaine ampleur, déclarés ou anticipés, dans l’ensemble des régions françaises – même si certaines sont plus touchées que d’autres. La carte des régions où des contrats de transition professionnelle ont été approuvés recouvre exactement celle des difficultés industrielles et des restructurations en cours. La cellule de vigilance fonctionne parallèlement au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), cellule de crise permanente dirigée au sein de mon cabinet par Philippe Gustin, qui travaille en liaison avec l’ensemble des préfets et que vous connaissez pour l’avoir vu à l’œuvre dans le dossier Caterpillar.

M.  François Brottes. Vous faites les pompiers !

Mme la ministre. Il faut être à la fois pompier et architecte. Bien souvent, il faut jouer un rôle de catalyseur entre les partenaires sociaux, qu’il s’agisse des organisations syndicales, dont je tiens à saluer l’attitude très responsable, ou des représentants des employeurs.

Les mécanismes disponibles sont les plans de sauvegarde de l’emploi et les obligations de revitalisation des territoires en cas de licenciements importants. Nous veillons à ce que les employeurs et les entreprises se conforment à leurs obligations. Par ailleurs, dans certains secteurs d’activité, comme l’aéronautique, l’automobile, les biotechnologies ou le secteur textile, nous avons mis en place des fonds, souvent mobilisés par l’association de capitaux publics et privés, afin de soutenir des entreprises en difficultés financières mais dont un diagnostic révèle qu’elles parviendront à surmonter la crise. Le Fonds stratégique d’investissement, qui fonctionne dans le cadre d’un partenariat entre la Caisse des dépôts et consignations et l’État et qui mobilisera en régime de croisière 20 milliards d’euros, avec un effet de levier, est lui aussi destiné à apporter un soutien financier et à prendre des participations directes dans les entreprises les plus menacées.

Caterpillar est un cas parmi d’autres, celui d’une entreprise internationale qui subit de plein fouet un gel de l’activité dans le secteur automobile, dont les ventes ont diminué de 30 % à 40 % et qui doit prendre des mesures de restructuration. Ayant contacté à plusieurs reprises les responsables de cette entreprise aux États-Unis, je sais qu’ils sont déterminés à conserver de l’activité sur le territoire français et ont confiance dans la qualité des salariés français. Les mesures qu’ils prennent ne sont donc nullement destinées à éradiquer Caterpillar de votre région.

Nous intervenons sur tous les fronts : en restructuration des capitaux, en anticipation chaque fois que nous le pouvons, pour trouver des repreneurs étrangers, en allongeant les périodes de chômage partiel et en indemnisant mieux le chômage partiel pour ceux des salariés qui sont touchés par de telles mesures. Nous nous efforçons de tenir aussi longtemps que cette crise pèsera sur les entreprises. Chaque fois que nous avons trouvé des situations dans lesquelles les employeurs ou des groupes étrangers tirent parti de la situation de crise pour alléger leurs coûts et sortir du territoire français, nous nous sommes efforcés de les signaler et, parfois, de chercher une solution de reprise. C’est ce qui se produit en particulier pour Continental, dossier sur lequel Patrick Devedjian, Luc Chatel et moi-même travaillons pour convaincre cette entreprise d’examiner les solutions possibles.

Sur la taxe professionnelle, nous avons engagé un travail de consultations approfondies avec les représentants des collectivités locales. J’ai ainsi tenu une première réunion plénière rassemblant tous les représentants des collectivités locales, et mes services tiennent avec leurs propres experts diverses réunions techniques visant à modéliser, préfigurer, anticiper et procéder aux calculs les plus fins possibles afin de déterminer les solutions de substitution. J’ai également tenu une réunion plénière avec les organismes représentant les entreprises.

Le premier principe sur lequel toutes les parties s’accordent est que, comme l’a d’ailleurs souligné le Premier ministre, les collectivités locales seront compensées à l’euro près et au marc-le-franc pour continuer à bénéficier en particulier du financement de leurs programmes d’investissement. Ainsi, lorsque les entreprises du BTP viennent vous demander de poursuivre les programmes d’investissement, il faut évidemment le faire. Cet engagement a été pris par le Premier ministre et sera tenu, car le Gouvernement s’emploie particulièrement à mener cet effort de calibrage et de substitution du manque à gagner au bénéfice des collectivités locales.

Le deuxième principe, sur lequel tous s’accordent également, est qu’il est indispensable de maintenir le lien entre les entreprises et la collectivité territoriale dans laquelle elles exercent leur activité.

Troisième principe : il n’est pas question de supprimer le foncier de l’assiette de la taxe dont seront redevables les entreprises. Il ne s’agit donc nullement de tirer un trait de plume sur la taxe professionnelle, mais de supprimer de l’assiette de celle-ci les équipements et les biens mobiliers (EBM). La partie foncière, quant à elle, subsiste et doit être renforcée.

M. François Brottes. Voilà des propos responsables !

Mme la ministre. J’ai toujours essayé d’en tenir, monsieur le député !

Quant à l’effort de substitution, nous disposons de plusieurs moyens, qui ne sont certes pas tous plaisants pour tout le monde : l’augmentation de la part foncière, le plafonnement de la valeur ajoutée à 1,5 %, mais avec une assiette plus large, l’augmentation probable de la TIPP, l’intégralité de la taxe sur les conventions d’assurance et le solde de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Nous nous efforçons également de travailler sur une logique de spécialisation, afin que les entreprises sachent exactement à qui elles paient l’impôt et que le lien soit clairement établi entre la collectivité locale et ces contribuables.

Les travaux sont en cours. Une réunion est prévue le 14 mai entre les services techniques de chacune des parties, qui travaillent déjà par petits groupes, puis, à la fin du mois de mai et à la mi-juin, se tiendront deux réunions plénières, dans le cadre d’un processus de consultation permettant à chacun de s’y retrouver et, probablement, d’être un peu mécontent – c’est inévitable avec la simplification d’un système, l’octroi d’une plus grande autonomie et la mise en place de produits de substitution. Cependant, si l’on mécontente un peu tout le monde, cela signifiera que l’on aura réussi une réforme de compromis indispensable pour maintenir l’attractivité du territoire français.

À propos des hedge funds, j’ai indiqué publiquement hier, dans le cadre du débat qui se tient actuellement à Bruxelles, que je ne suis pas satisfaite du projet soumis par la Commission européenne. Cette position agace probablement le président de celle-ci, qui considère sans doute que le commissaire Charlie McCreevy a présenté un texte de compromis. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d’un compromis : il faut aller plus loin et obtenir que les hedge funds qui proposent leurs produits sur le territoire européen soient soumis au contrôle du superviseur européen et que le passeport ne vaille qu’au sein du territoire européen. J’espère que cette position sera partagée par quelques autres et que nous parviendrons à convaincre, au niveau tant du Conseil que du Parlement européen – sur lequel je compte d’ailleurs un peu plus – que c’est bien dans ce sens que nous devons progresser.

Areva est un acteur fondamental du nucléaire, qui a besoin de financement pour développer une activité prometteuse, dans laquelle il est clair – et cela vaut aussi pour EDF – que le savoir-faire français a une longueur d’avance grâce à des choix stratégiques opérés de longue date par nos gouvernements, et en particulier par le général de Gaulle. Des besoins de financement complémentaire devront être identifiés assez rapidement et j’espère que nous parviendrons à des solutions satisfaisantes pour assurer la solidité de cette entreprise dans le respect des savoir-faire français.

Merci, Monsieur Loos, de vos compliments, auxquels je suis toujours très sensible.

La simplification des procédures est un dossier sur lequel nous nous efforçons tous de travailler et que Patrick Devedjian a mis en tête de ses priorités, en particulier pour ce qui concerne les marchés publics. Comme vous le savez, le président Jean-Luc Warsmann est lui aussi en train de compiler des mesures de simplification administrative dans tous les secteurs d’activité. Ces mesures, nombreuses, seront soumises à votre examen. Il est très clair que des progrès doivent être réalisés et que certains travaux doivent être engagés avec courage, notamment dans le secteur de l’emploi, où certaines circonstances empêchent parfois de faciliter le retour à l’emploi. Je suis donc très sensible au souci que vous exprimez et j’espère que nous pourrons avancer au niveau tant du plan de relance que de la passation des marchés publics et de la simplification générale que devrait permettre le texte de M. Warsmann.

Un montant de 1,3 milliard d’euros a été fléché, je le répète, pour l’emploi des jeunes, avec une palette de mesures différentes : 100 000 emplois aidés jeunes supplémentaires, 320 000 apprentissages supplémentaires financés à partir du 1er juin, des enveloppes de primes pour les entreprises prêtes à convertir des stages en contrat à durée indéterminée ou à embaucher des jeunes en formation en alternance. Nous avons demandé à Pôle Emploi de concentrer ses efforts de placement sur les jeunes, car la difficulté d’insertion est réelle pour les dix-huit à vingt-cinq ans et les attentes en la matière sont fortes.

Je vous remercie d’avoir suggéré que l’Union européenne pourrait donner un signal positif à des pays tels que la Roumanie, voire la Hongrie, qui ont tous deux eu recours à des financements du Fonds monétaire international, aux côtés duquel l’Union européenne est intervenue en tant que partenaire. L’accélération du déblocage des fonds structurels est une bonne idée, que je transmettrai à la Commission européenne.

Monsieur Dionis du Séjour, vous m’avez interrogée sur le nettoyage du bilan des banques. Nous aurons demain des informations plus précises sur les banques américaines, avec les résultats des stress tests conduits depuis des semaines aux États-Unis. Aujourd’hui, toutefois, le bilan des banques françaises est très différent de celui des banques américaines, comme le révèlent les stress tests répétés auxquels procède depuis 2004 le superviseur français, à savoir la Commission bancaire, présidée par le Gouverneur de la Banque de France. Si certains de ces stress tests, assez routiniers, ne vont pas au fond des bilans des banques, d’autres, de plus longue haleine, s’étalant généralement sur six mois au moins, permettent de déterminer la qualité des actifs figurant à ces bilans. Le superviseur des banques françaises m’a indiqué que la situation des bilans de ces banques était parfaitement saine et pouvait résister à des chocs de scénarios à la fois sérieux et plus graves que ceux que la réalité nous réserve.

M. Jean Gaubert. On nous le disait déjà avant la crise !

Mme la ministre. Je ne pense pas que la nature de ces tests permette de parler de routine.

Pour ce qui concerne les dossiers d’autorisation d’extension de surfaces commerciales, la loi est entrée en vigueur dès novembre dernier et les services de l’État s’organisent actuellement pour mettre en place les nouvelles commissions départementales. Nous nous employons actuellement à constituer le plus rapidement possible la Commission nationale. Depuis le 1er janvier, 63 commissions se sont réunies pour examiner 241 demandes, dont 34 ont fait l’objet d’un recours. Nous travaillons actuellement à la deuxième réforme, sur laquelle M. Jean-Paul Charié est bien informé et qui tend à introduire dans le droit commun de l’urbanisme les régimes d’autorisation. C’est dans le cadre de cette réforme de l’urbanisme, à laquelle nous travaillons ensemble, que nous parviendrons à stabiliser le système. Pour les dossiers présentant des difficultés particulières, je vous engage à contacter mon cabinet, notamment M. Jacques Le Pape, ou la DG6, la direction générale fusionnée qui traite désormais de ces dossiers, afin que nous puissions veiller à la bonne application de la lettre et de l’esprit des textes et éviter que de petits malins n’utilisent les extensions pour se glisser à travers les mailles du filet que nous avons essayé de mettre en place.

En matière de crédit à la consommation, nous ne devons pas considérer que nous sommes opposés aux banques, mais plutôt viser à l’efficacité afin que le système responsabilise à la fois les emprunteurs et les prêteurs. Le texte prévoit de mettre à la charge de la banque l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et de consulter obligatoirement, pour chaque nouvelle ouverture de crédit, le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Cette obligation sera consacrée par la voie législative et son non-respect entraînera des sanctions civiles ainsi que le risque de déchéance des intérêts.

Quant au fichier positif, il supposerait de ficher toutes les personnes ayant recours à l’emprunt au titre du crédit à la consommation ou du crédit immobilier, soit 34 millions de Français, alors que, en dépit de l’aggravation prévisible des situations de surendettement dans les prochains mois, le nombre des personnes surendettées ne représente qu’une infime partie de cette population. Cela me semblerait très lourd eu égard à l’objectif poursuivi.

J’ai interrogé toutes les associations de consommateurs, qui sont toutes, à une exception près, hostiles au fichier positif et me demandent de ne pas le prévoir dans le texte de loi. Nous reviendrons lors de l’examen de celui-ci sur les utilisations possibles de ce fichier positif.

Monsieur Daniel Paul, je ne peux pas laisser dire que des mesures de relance d’un montant supérieur à 13 milliards d’euros sont « dérisoires », ni que des mesures de plus de 50 milliards d’euros, toutes causes confondues, soient « petit bras ». Ce qui m’importe, c’est que ces mesures de relance, ces financements qui deviennent disponibles et ces accélérations de remboursement soient aussi rapides et efficaces que possible et atteignent le terrain sans déperdition et avec les plus grandes simplifications administratives.

L’explosion des déficits est sensible pour l’ensemble des personnes publiques, et notre action doit s’attacher à ramener les finances publiques dans la voie de la réduction de ces déficits. Le fait que des pays comme la Grande-Bretagne, l’Irlande ou les États-Unis connaissent des déficits de l’ordre de 10 % ou 12 % ne signifie pas que le déficit français, aujourd’hui prévu à 5,6 %, soit une bonne chose mais il faut distinguer le bon déficit du mauvais – comme on distingue le bon cholestérol du mauvais –, le bon déficit étant celui qui est réversible et qui cessera d’être utile et nécessaire lorsque les conditions de reprise auront été créées, le mauvais déficit étant le déficit structurel, auquel on doit évidemment s’attaquer.

Quant aux heures supplémentaires, d’ailleurs un peu moins nombreuses aujourd’hui du fait de la crise, elles bénéficient pour l’essentiel à des ménages à faibles revenus car elles sont le plus souvent effectuées par des ouvriers qualifiés ou spécialisés. Un peu plus de 5 millions de salariés en ont bénéficié et il ne serait pas raisonnable que celles des entreprises qui peuvent y recourir en raison d’un supplément de demande – comme l’industrie automobile, où la prime à la casse et le bonus-malus se sont traduits par une reprise de la fabrication sur certaines chaînes – y renoncent.

Pour ce qui concerne les pétroliers, je ne dispose pas ici des données nécessaires pour vous faire une réponse aussi technique et précise que je le souhaiterais, notamment sur les modifications d’investissements de Shell et sur celles auxquelles va procéder Total à Gonfreville-l’Orcher. Je vous répondrai bien volontiers après avoir retravaillé le dossier.

J’en viens aux dividendes et aux aides accordées à certaines entreprises, notamment dans le secteur bancaire et dans celui de l’automobile. Le renforcement des fonds propres ou des quasi-fonds propres de ces entreprises ainsi que les soutiens à leur trésorerie ne sont pas des subventions ou des dons, mais des prêts supersubordonnés, des actions préférentielles ou des prêts qui seront remboursés et donneront lieu au paiement d’intérêts, d’ailleurs relativement élevés. Il ne s’agit donc nullement de « faire des cadeaux » qui viendraient grever les finances publiques au bénéfice de finances privées qui en profiteraient pour se servir des dividendes aux frais de la collectivité. Ces mesures sont mises en place au niveau de la Société de financement de l’économie française (SFEF) et de la Société des prises de participation de l’État (SPPE) et visent à permettre à ces entreprises de continuer à tourner. Que m’auriez-vous dit, monsieur Daniel Paul, si nous ne l’avions pas fait et si tel constructeur automobile auquel nous pensons tous les deux s’était déclaré incapable de poursuivre son activité ? (Applaudissements.)

M. le président Patrick Ollier. Je tiens à relever qu’il est exceptionnel qu’un membre du Gouvernement soit applaudi en commission.

Le temps dont disposait aujourd’hui Mme la ministre, qui doit s’entretenir avec le Premier ministre, n’a pas permis aux vingt-trois membres de la Commission qui le souhaitaient de poser des questions à titre individuel. Je propose qu’ils rédigent ces questions pour que nous les transmettions à Mme Lagarde, qui pourra, d’ici à trois semaines, revenir parmi nous afin d’y répondre.

Madame la ministre, je vous remercie.

◊ ◊

Informations relatives à la commission

La commission a procédé à l’élection d’un membre du Bureau de la commission. M. Jean-Dionis du Séjour a été proclamé vice-président.

Elle a ensuite procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :

– M. François de Rugy sur la proposition de loi de relative à la transformation écologique de l'économie (n° 1622) ;

– M. Serge Poignant sur la proposition de résolution adoptée par la Commission des affaires européennes sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique (E4140, E4106, E4107, E4108, E4143, E4222) (n° 1656).

Puis, la commission a procédé à la nomination des membres du bureau du Comité de suivi ferroviaire. Ont été désignés :

– M. Yanick Paternotte

– Mme Françoise Branger

– M. Martial Saddier

– M. Jean Gaubert

– M. Raymond Durand

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