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Mercredi 13 mai 2009

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 55

Présidence de M. Serge Poignant Vice-président

– Examen de la proposition de résolution relative à la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne du 27 juin 2008 COM (2008) 0396 et sur la communication de la Commission du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne – Les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne » COM (2006) 177 final (n° 1617) (M. Marc Dolez, rapporteur)

Commission
des affaires économiques, de
l’environnement et du territoire

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Dolez, la proposition de résolution relative à la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne du 27 juin 2008 COM (2008) 0396 et sur la communication de la Commission du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne – Les services sociaux d’intérêt général dans l’Union européenne » COM (2006) 177 final (n° 1617).

M. Serge Poignant, président. Bienvenue à M. Marc Dolez qui, pour l’occasion, rejoint la commission des Affaires économiques, afin de nous présenter une proposition de résolution, déposée avec notre collègue M. François Asensi et plusieurs autres députés du groupe GDR, sur la proposition de Règlement du Conseil du 27 juin 2008 relatif au statut de la société privée européenne et sur la communication de la Commission du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne – Les services sociaux d’intérêt général dans l’union européenne ». Je rappelle que cette proposition de résolution a été déposée par le groupe GDR, dans le cadre de l’application de l’article 88-4 de la Constitution, relatif au contrôle des projets et propositions d’actes européens. Vous avez donc, cher collègue, été désigné rapporteur le jeudi 30 avril dernier de cette proposition de résolution qui sera examinée le jeudi 28 mai dans le cadre de la journée de séance réservée au groupe GDR, dont l’ordre du jour a été décidé par la Conférence des présidents du mardi 12 mai. Enfin, pour l’information des membres de la Commission, je dois indiquer qu’une proposition de résolution sur le second texte européen auquel se réfère la proposition de résolution que nous avons à examiner aujourd’hui, relatif aux services sociaux d’intérêt général, a fait l’objet d’une proposition de résolution adoptée par la Commission des affaires européennes le 1er avril, et transmise à la Commission des affaires culturelles et sociales, qui ne l’a pas encore examinée. M. le rapporteur, je vous laisse la parole.

M. Marc Dolez, rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président, mes chers collègues, de m’accueillir dans votre Commission pour la présentation de cette proposition de résolution déposée, comme vous l’avez rappelé M. le président, sur le fondement de l’article
88-4 de la Constitution. Cette proposition fait suite aux nombreux débats qui ont concerné, il y a quelques années maintenant, la directive communautaire sur les services dans le marché intérieur, dite directive « Bolkestein ». Comme on le sait, elle a été remaniée suite aux nombreuses critiques dont elle a fait l’objet après avoir été présentée en 2004 ; la nouvelle mouture qui en est ressortie, suite à son adoption par le Parlement européen au mois de décembre 2006, est notamment revenue sur les propositions initiales de la Commission qui portaient gravement atteinte aux services sociaux d’intérêt général et adoptaient, concernant l’immatriculation des entreprises, le très critiquable principe du « pays d’origine ». Devant être transposée en droit national avant le 28 décembre 2009, cette directive va donc de nouveau occuper l’Assemblée nationale dans quelques mois. Or, il semblerait que les deux sujets que je viens d’évoquer soient remis au goût du jour par la Commission européenne : c’est la raison pour laquelle ils constituent les deux sujets de notre proposition de résolution.

Une proposition de règlement du Conseil du 27 juin 2008, approuvée à une large majorité par le Parlement européen après que celui-ci l’a amandée, a établi un projet de statut des sociétés privées européennes (SPE). À ce jour, l’Union européenne compte environ 23 millions de PME : l’adoption d’un statut unique susceptible de leur conférer un certain nombre d’avantages et de facilités de fonctionnement, notamment pour celles exerçant des activités commerciales transfrontalières, était, dès lors, fortement attendue. En l’état, il est prévu que la SPE aura le statut de société par actions dotée de la personnalité morale, ce statut pouvant être librement adopté par toute structure le désirant ; il importe en effet de préciser que ce statut spécifique ne fait en aucun cas disparaître ceux qui existent par ailleurs à l’heure actuelle dans les différents États de l’Union (ainsi, en France, il n’est évidemment pas question que la SA et la SARL disparaissent). Or, si l’idée du statut est bonne, celui qui nous est présenté pose néanmoins deux problèmes essentiels.

D’une part, son champ d’application a considérablement évolué, à rebours des intentions initialement affichées. Dans la réglementation communautaire (telle qu’elle résulte notamment d’une recommandation de la Commission européenne de 2003), une PME qualifie toute entreprises employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros au plus par an. Or, l’exposé des motifs de ce projet de règlement prévoit que le statut de SPE pourra également concerner des sociétés de plus grande dimension, l’article 3, paragraphe 1er (d), n’excluant de façon explicite que les entreprises cotées en bourse. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser lorsqu’il a examiné cette proposition, le Parlement européen n’a pas davantage clarifié le débat puisqu’il a adopté un amendement visant successivement les sociétés employant plus de 1 000 salariés, celles comptant entre 500 et 1 000 salariés et celles en ayant moins de 500. Ainsi, et contrairement à ce que pouvait légitimement laisser entendre le projet initial, le statut de SPE risque de profiter en priorité aux grandes entreprises, a priori non concernées, qui vont notamment bénéficier de des ces souplesses au profit de leurs filiales.

D’autre part, le projet nous apparaît dangereux en ce qui concerne la détermination du siège statutaire de l’établissement. L’article 7 du projet de règlement du Conseil permet en effet de dissocier le siège statutaire de l’entreprise du lieu où s’exercent réellement les activités de cette dernière, disposition également inscrite à l’article 34 du projet de règlement qui énonce de façon explicite que « la SPE est soumise aux règles de participation des travailleurs applicables, le cas échéant, dans l’État membre dans lequel elle a son siège statutaire ». Ce retour au dangereux principe du « pays d’origine » risque ainsi d’entraîner un véritable détournement de procédure puisque l’intérêt des sociétés sera, bien évidemment, de s’immatriculer dans l’État de l’Union européenne le moins disant en matière sociale tout en exerçant ses activités dans d’autres États. Il y aura donc un contournement des législations sociales les plus protectrices, ce que l’on ne peut accepter.

Compte tenu de ces deux éléments, notre groupe demande que le statut de la SPE empêche les entreprises de contourner les législations nationales les plus protectrices et que des règles standard sur les droits de participation des employés accompagne le statut de la SPE.

Le deuxième sujet visé par notre proposition de résolution concerne les services sociaux d’intérêt général (SSIG). D’après la Commission européenne, les SSIG ne désignent qu’une catégorie de services d’intérêt général qui, compte tenu de leur statut juridique extrêmement mal défini, visent aussi bien le logement social que la garde d’enfants.

Depuis une dizaine d’années, on constate une faiblesse de l’encadrement des SSIG. Tant le Conseil européen que le Parlement européen ont donc été conduits à demander à la Commission, qui jouit du monopole de l’initiative législative, de proposer une directive cadre qui consacrerait la spécificité de ces services et les mettrait à l’abri de l’application des règles du marché et de la concurrence.

Ces demandes convergentes résultent notamment du Conseil européen de décembre 2001, ainsi que du fameux Conseil européen de Barcelone de mars 2002 ; le Parlement européen a, de son côté, adopté deux résolutions en 2004 et 2007.

Malgré ces demandes répétées, la Commission persiste et signe dans son refus.

En avril 2006, alors que le Parlement européen avait, en première lecture, adopté la directive « services » dans une version amendée par rapport à celle proposée par la Commission, celle-ci renonçait à toute initiative législative pour se contenter d’un document dépourvu de portée normative.

En novembre 2007, un an après l’adoption de la directive « services », la Commission présentait une nouvelle communication, réitérant son refus de prendre tout initiative législative. Lors de la conférence de presse de présentation de ladite communication, le Président de la Commission, José Manuel Barroso, indiquait même qu’une telle initiative constituerait une « mauvaise voie » compte tenu de la diversité des situations.

Notons que dans l’intervalle, à l’occasion de la notification par les Pays Bas de leur système d’aide au logement social, la Commission européenne avait considéré que cette politique ne présentait pas de caractère d’intérêt général.

C’est pourquoi nous demandons à la Commission de prendre l’engagement d’une directive sur les services d’intérêt général et les SSIG, consacrant la reconnaissance pleine et entière de leurs caractéristiques et les protégeant contre les règles de concurrence. Il s’agit d’une clarification indispensable, utile et nécessaire avant la transposition en droit interne de la directive « services ».

M. Pierre Lasbordes. Je propose le rejet de cette proposition de résolution : s’agissant de la société privée européenne, il convient de suivre le vote de 90 % des parlementaires européens car la SPE apporte des novations très positives, notamment un nouveau label. Il n’y a aucune obligation de ne pas y adhérer. Le seul problème concerne les pénalités applicables aux infractions, ce qui sera vraisemblablement revu par la suite. S’agissant des services sociaux d’intérêt général, nous attendons la résolution qui devrait être proposée prochainement.

M. Jean-Claude Fruteau. Il s’agit d’un sujet complexe qu’illustre la multiplicité des sigles : services sociaux d’intérêt général, services d’intérêt économique général, services d’intérêt général … Cette diversité présente deux aspects : les situations sont très diverses entre les différents Etats membres, d’une part, et d’autre part, elle est telle qu’aucune législation n’a été élaborée sur le sujet. La Commission s’est en effet servie de cette complexité pour éviter de le faire. Or, quand le législateur ne remplit pas sa tâche, au niveau européen, c’est le pouvoir judiciaire qui supplée à cette carence.

Je ne suis pas en désaccord sur la proposition de résolution et je partage les préoccupations qu’elle soulève. Il y a des interrogations sur les aspects du statut de la société privée. Le Parlement européen a adopté un avis positif sur ce statut tout en l’amendant sur les droits de participation des travailleurs et, de manière claire, sur le siège statutaire. Mais ce n’est qu’un avis et c’est le Conseil qui va trancher. Il faut éviter que dans le cadre de ce statut, on revienne par la fenêtre. La directive services n’a rien à voir avec la directive Bolkestein et les dangers ont été écartés. Sur la communication, la Commission européenne a le monopole de propositions mais ne fait pas la loi. Elle se contente de donner sa vision, qui est entachée d’un libéralisme excessif.

Les règles nationales protectrices sont importantes. On demande une directive sur les SIEG mais la Commission n’en veut pas.

La proposition n’est pas d’une totale pertinence sur les services sociaux d’intérêt général : il y a un rapport beaucoup plus complet de la Commission des affaires européennes qui va être examiné par la Commission des affaires sociales.

M. Serge Poignant, président. J’attire l’attention de M. Fruteau sur le fait qu’il s’opposera par conséquent, sur la première partie, au vote de 90 % des députés européens.

M. Jean-Claude Fruteau. J’en suis bien conscient. Ce que réclame littéralement la résolution ne me dérange en rien : aussi, je soutiens les demandes adressées au gouvernement pour que s’appliquent les règles et les standards habituels.

M. Didier Gonzales. 8 % seulement des petites et moyennes entreprises françaises développent des activités transfrontalières au sein de l’Union européenne. J’attribue une part de la faiblesse de ce chiffre à l’existence de trop nombreux freins administratifs : de ce point de vue, la demande de simplification juridique est tout à fait légitime. De plus, le texte initial de la Commission européenne a été singulièrement amélioré par le Parlement européen, qui en a censuré les abus et qui s’est prononcé à une très large majorité sur ce statut très attendu.

M. Marc Dolez, rapporteur. En ce qui concerne la SPE, je voudrais signaler que le vote à une majorité de 90 % à Strasbourg ne garantit en rien la perfection d’une mesure ! L’histoire de la Communauté européenne et ses choix ultralibéraux le prouvent. En outre, l’article 88-4 de notre Constitution a précisément pour but d’associer le Parlement français en général, et l’Assemblée nationale en particulier, à la procédure normative communautaire en cours. Le vote des députés européens ne doit pas faire négliger qu’il reste à recueillir la position du Conseil. Or, des zones d’incertitude perdurent qui pourraient bien provoquer la résurrection du « principe du pays d’origine » contenu dans le projet de directive de 2004 sur les services. Enfin, je signale que ce statut pourrait, comme j’ai déjà eu l’occasion de la préciser, ne pas concerner seulement les petites et moyennes entreprises mais également les filiales des firmes multinationales ce qui constituerait un véritable détournement de procédure que l’on ne peut cautionner.

J’admets que la question des services sociaux d’intérêt général présente un caractère à la fois important et complexe, d’autant que la notion reste d’origine jurisprudentielle et technocratique. Mais c’est un fait : bien que plusieurs fois sollicitée, la Commission européenne a toujours refusé, à ce jour, de proposer un texte édictant une législation claire.

Enfin, je rejette le jugement selon lequel cette résolution ferait doublon avec celle qu’a inspirée la Commission des affaires européennes et qu’examinera prochainement la Commission des affaires culturelles. Cette initiative conjointe des groupes UMP et SRC se trouve reportée de jour en jour ; en outre, je m’étonne qu’elle vise dans l’un de ses considérants le traité de Lisbonne, alors que celui-ci n’est pas entré en vigueur et ne bénéficie donc d’aucune force normative. Notre désaccord est sur plusieurs points irréconciliable et justifie l’existence de cette proposition de résolution.

M. Serge Poignant, président. M. Fruteau n’est-il pas interpellé par ces propos du rapporteur ?

M. Jean-Claude Fruteau. Je me prononce sur le contenu un texte, non sur ses interprétations et les conditions de son adoption. Mais il est clair, à mes yeux, que l’Union européenne ne résulte pas de la collusion des droites européennes et du PSE.

M. Marc Dolez, rapporteur. Elle est pourtant à la source de 97 % des décisions prises en 2008 !

M. Jean-Claude Fruteau. La différence essentielle entre le modèle communautaire et le notre tient à l’absence de majorité absolue dans l’assemblée de Strasbourg depuis 1979. Le compromis, et non pas la compromission, conditionne donc la capacité de décision. En l’absence d’accord, le Parlement européen n’est pas en état de voter ; cela n’a rien d’infamant, il n’y a pas collusion. J’ai pu l’apprécier lorsque j’étais parlementaire à Strasbourg pour l’OCM-Sucre, il est bon qu’un groupe ne puisse dicter seul la loi. L’Assemblée nationale possède une culture très différente.

M. Serge Poignant, président. Je vais maintenant faire procéder au vote.

La commission rejette les amendements CAE 1 et CAE 2 du rapporteur. Elle rejette ensuite la proposition de résolution.

M. Serge Poignant, président. J’informe la Commission que son vote entraîne l’application des articles 151 alinéa 3 et 94 alinéa 2 du Règlement. En conséquence, le vote en séance publique portera, le 28 mai prochain, sur les conclusions de rejet.

——fpfp——