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Compte rendu

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Mercredi 19 novembre 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 06

Présidence de M. Jean-François Copé, Président

– Suite de l’examen (articles) du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 1209) (M. Christian Kert, rapporteur)

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Mercredi 19 novembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean-François Copé, président de la Commission spéciale)

La Commission spéciale poursuit l’examen, sur le rapport de M. Christian Kert, des articles du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 1209).

M. le président Jean-François Copé. Avant que nous ne poursuivions l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, je voudrais, en votre nom à tous, souhaiter la bienvenue à des collègues députés du Bundestag allemand qui assistent à nos travaux dans le cadre d’un échange avec l’Assemblée nationale. (Applaudissements).

Article 18 (suite) : Réforme de la diffusion des messages publicitaires par France Télévisions et adaptation des contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public

La Commission spéciale est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, tendant à supprimer les alinéas relatifs à la réforme de la diffusion de la publicité sur les chaînes de France Télévisions.

M. Marcel Rogemont. La suppression de la publicité est encore une de ces réformes que le Parlement doit étudier dans la plus grande précipitation, comme l’ont été toutes les lois que ce Gouvernement a voulu faire voter en urgence – sans raison puisque la plupart ne sont toujours pas exécutoires. Lorsque la BBC, elle, a voulu réfléchir à son avenir, elle a mené un travail de plusieurs mois.

Cette suppression arrive par ailleurs à un bien mauvais moment : les recettes publicitaires diminuent et les finances de l’État sont secouées par la crise économique. Sans compter que l’Etat n’a prévu de compenser les pertes de France Télévisions qu’à hauteur de 450 millions d’euros, alors qu’elles sont estimées entre 800 millions et 1 milliard, et que les nouvelles taxes qui doivent contribuer à compenser la perte sont en train d’être rognées par les propositions du rapporteur.

La suppression des recettes de la publicité est donc une attaque directe contre la télévision publique, doublée d’une aubaine pour quelques groupes amis du Président de la République – Bouygues, Bolloré, Bertelsmann, par exemple – dans un contexte de restriction.

Quant à la garantie de l’État, elle n’est que formelle. Le principe de l’annualité budgétaire interdit toute assurance que les 450 millions prévus seront reconduits dans le temps. Il n’y a donc aucune garantie réelle que les pertes de France Télévisions seront compensées. On envisage même une suppression totale de la publicité à l’horizon 2011 sans autre compensation. Or la télévision publique, confrontée à la perspective du média global, doit non seulement gérer au quotidien son argent avec parcimonie, mais elle doit surtout investir. La suppression de la publicité met donc tout simplement l’équilibre financier de France Télévisions en danger.

Certes, des économies peuvent être réalisées, mais on sait qu’elles ne produiront leurs effets qu’avec retard. Dans l’immédiat, la réduction du budget de France Télévisions aura donc un impact direct sur la création.

On voit bien que cette réforme a été engagée de façon beaucoup trop hâtive, et c’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 11 et 12 de cet article.

M. Noël Mamère. Pour leur part, les députés du groupe GDR sont depuis longtemps favorables à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Toutefois, nous considérons que l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier 2008, n’est qu’une manœuvre politicienne visant à mettre la gauche dans l’embarras. En outre, elle a été faite sans aucune concertation avec les partenaires sociaux, en particulier les personnels de France Télévisions : c’est une décision autoritaire, qui ne prévoit aucun dispositif d’accompagnement susceptible de garantir la pérennité du financement des dépenses de fonctionnement et de création du service public.

Nous venons d’ailleurs de transmettre au rapporteur copie d’un article paru sur le site Figaro.fr, qui confirme nos inquiétudes sur le sous-financement croissant du service public, au profit de ceux que Marcel Rogemont vient d’appeler « les amis du Président » : il s’agit bien de la chronique de la mort annoncée du service public de l’audiovisuel.

L’annonce du 8 janvier a déjà plongé le service public dans de grandes difficultés : les annonceurs ont commencé à se retirer, le privant de plusieurs centaines de millions d’euros de recettes. La commission Copé, en décidant que les chaînes privées auraient dorénavant droit à deux écrans publicitaires, n’a fait que confirmer la volonté d’assèchement pure et simple du service public de l’audiovisuel. Certes, on autorise des écrans publicitaires sur certaines tranches horaires, mais cela risque de se faire au détriment de la qualité des programmes. Telle n’est pas l’idée que nous nous faisons du service public !

Nous avons aujourd’hui la visite de collègues du Bundestag. Or, en Allemagne, comme en Grande-Bretagne, le service public est financé de manière forte et pérenne. La ZDF et la BBC n’ont rien à voir avec notre télévision publique : elles sont capables de produire de grandes émissions, qui cherchent à éclairer l’opinion et non à l’abrutir, et qui font le tour du monde.

Je le répète : je suis très choqué par les propos du président Copé, qui a dit que, lui vivant, la redevance n’augmentera jamais. Faut-il rappeler que la redevance est bien plus élevée en Allemagne et en Grande-Bretagne qu’en France ? Ce que nous proposons, ce n’est pas de nous mettre au même niveau immédiatement mais sur cinq ans, de manière à assurer un financement sérieux du service public.

Se servir de l’avenir de la télévision publique comme variable d’ajustement pour ses ambitions politiciennes me paraît contraire à la démocratie et à l’éthique politique. Je considère que ce qui nous est proposé aujourd’hui n’est, pour reprendre le mot du Président de la République, qu’une manière de « flinguer » le service public de l’audiovisuel et de renvoyer l’ascenseur à ceux qui lui ont permis d’accéder à la plus haute marche du pouvoir.

M. Bolloré n’est pas seulement le possesseur de la chaîne Direct 8, c’est aussi le patron de l’agence Havas : il a donc la haute main sur la publicité. Notre collègue Frédéric Lefebvre, ici présent, a fait voter un amendement créant une niche fiscale sur les investissements en Afrique ; or le groupe Bolloré est le propriétaire des chemins de fer du Cameroun et du port d’Abidjan ! Et il nous a proposé un autre amendement visant à assouplir le seuil anti-concentration, afin de servir la soupe à M. Bouygues et à ses amis qui avaient commis une grave erreur stratégique en ne croyant pas à la TNT ! Mais pour qui nous prend-on ?

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. C’est de la diffamation ! C’est inacceptable !

M. Noël Mamère. Les vérités font mal lorsqu’elles sont justes ! Et je n’hésite pas à les dire publiquement, au nom d’une certaine conception du service public de l’audiovisuel, que j’ai servi durant de longues années, et qui n’a pas à être méprisé, attaqué, affaibli de cette manière. Nous n’avons pas à cautionner une opération visant à livrer nos écrans à ceux qui recherchent le profit plutôt que l’intérêt général ! Voilà pourquoi nous défendons la suppression de la publicité, à condition de l’assortir de certaines dispositions.

Je le répète : la gauche a commis une erreur – prolongée par la droite du fait d’une complicité avec les chaînes privées – en permettant à des entreprises qui répondent à des commandes publiques de détenir la majorité du capital des chaînes privées, car cela suscite des conflits d’intérêts et porte atteinte au pluralisme. TF1 ne diffusera jamais d’émission critique sur la téléphonie mobile et les antennes relais, puisque son propriétaire, le groupe Bouygues, est aussi un opérateur ; de même, M6 ne proposera jamais un documentaire comme celui qu’ARTE a diffusé hier soir sur la politique des grands groupes français de l’eau.

Quand il y a conflit d’intérêts, il y a atteinte au droit à l’information !

M. le président Jean-François Copé. Monsieur Mamère, il va sans dire qu’à l’Assemblée nationale la parole est libre. Toutefois, ce ne sont pas les vérités qui blessent, mais les injures, les attaques personnelles et les procès d’intention. Ne croyez pas qu’à chaque fois que vous exprimez une conviction, vous affirmiez une vérité. Par exemple, vous oubliez que, dans des émissions comme Capital ou Zone interdite, M6 a diffusé de très nombreux reportages critiques.

Par ailleurs, quand on est député, il faut éviter de donner à ses collègues des leçons de morale ou d’éthique. Ainsi, lorsqu’en septembre dernier, après avoir prêté serment, je suis entré dans un cabinet d’avocats, vous aviez joint votre voix au concert de critiques venu de la gauche. Or, six mois plus tard, vous êtes à votre tour devenu avocat – comme d’ailleurs nombre de nos collègues. Mais je n’ai rien dit : il y a des moments où le silence vaut toutes les vérités.

On peut être convaincant sans attaquer ou injurier les autres. Dans cette enceinte, toutes les opinions peuvent être exprimées ; ce que je demande, c’est qu’elles le soient sans être assorties d’attaques personnelles. (Plusieurs députés du groupe de l’UMP applaudissent.)

M. Noël Mamère. Ne vous drapez dans votre vertu outragée, monsieur le président, car je ne me suis livré à aucune attaque personnelle : je n’ai fait que rappeler ce qui a été voté à l’Assemblée nationale, à l’initiative de certains collègues.

Que l’on me dise si mes informations sur le groupe Bolloré sont fausses ! Quant à vos affaires d’avocat, elles n’ont rien à voir avec notre propos, et elles m’indiffèrent.

M. le président Jean-François Copé. Je prends à témoin notre commission : M. Mamère a changé de ton. De l’attaque, il est passé à la défense…

M. Noël Mamère. La seule chose que je défende, c’est le service public de l’audiovisuel !

M. Didier Mathus. On ne peut pas continuer ainsi !

M. Frédéric Lefebvre. M. Mamère reproche au Président de la République de prendre une décision embarrassante pour la gauche, mais il sait parfaitement que la suppression de la publicité a été portée par la gauche qui, lorsqu’elle était au pouvoir, n’a pas eu le courage de l’appliquer.

Votre embarras, monsieur Mamère, est tel qu’au lieu d’argumenter vous recourez à l’invective et aux allusions déplacées.

L’amendement que vous évoquiez tend à permettre de défiscaliser les investissements réalisés en Afrique. Il est stupide de l’appeler, comme vous venez de le faire, monsieur Mamère, « l’amendement Bolloré ». En effet, si M. Bolloré a investi en Afrique avant cet amendement, c’est qu’il n’en avait pas besoin. Il faut réfléchir avant de parler.

Cet amendement est cohérent avec d’autres dispositifs que j’ai proposés dans le passé, comme le livret d’épargne codéveloppement, qui a été adopté à l’unanimité – vous étiez d’ailleurs, je crois, dans l’hémicycle, ainsi que Mme George Pau-Langevin. Lors de son audition par la commission des finances, M. Charles Milhaud, alors président du directoire de la Caisse d’épargne, a expliqué que ce dispositif n’était malheureusement pas applicable et j’ai donc étudié avec le ministère des finances un nouveau dispositif, plus efficace, qui permette aux citoyens français d’investir dans les pays en développement. Les aides de citoyen à citoyen sont en effet plus efficaces que les aides d’État à État, qui ne parviennent pas toujours jusqu’au tissu économique local. Il n’est donc pas ici question de M. Bolloré, mais de l’aide au développement, attendue notamment par de nombreuses associations avec lesquelles j’ai travaillé pour préparer cet amendement.

Pour en revenir à la suppression de la publicité sur les chaînes du service public, il ne s’agit pas d’une atteinte au service public, mais, bien au contraire, de son sauvetage. La TNT et l’Internet provoquent en effet une évaporation du marché publicitaire. Le système Horizon, mis en place par France Télévisions Publicité, a provoqué une chute de plus de 20 % des recettes publicitaires pour la société publique, alors que l’érosion n’est que de 4 % pour le secteur privé. Cette chute était sensible avant même que le Président de la République ne s’exprime le 8 janvier – vous lui avez assez reproché d’avoir pris tout le monde par surprise, y compris la ministre concernée – et le système Horizon a dû être interrompu en septembre. Il était donc indispensable de trouver une solution pérenne pour le secteur public, où la publicité disparaissait plus rapidement qu’ailleurs – au détriment de la création, comme l’a souligné à juste titre M. Marcel Rogemont.

Une taxe portant sur le secteur des télécommunications, qui est le secteur d’activité le plus dynamique, assure à France Télévisions une recette stable. Dans un paysage audiovisuel très éclaté, l’État s’engage, comme l’a rappelé encore hier la ministre de la culture, et France Télévisions bénéficie d’une recette dynamique.

Monsieur Mamère, le débat que nous aurons dans l’hémicycle permettra de voir qui joue pour et qui joue contre le service public.

M. Jean Dionis du Séjour. Après avoir apporté leur soutien à la première partie du texte, les centristes sont en désaccord avec la deuxième partie – qu’il s’agisse de la suppression des recettes publicitaires ou du financement de cette mesure par les deux taxes prévues.

Le principe de la suppression de la publicité est peut-être une idée de gauche, mais c’est une bonne idée – que proposait d’ailleurs aussi le programme de la campagne présidentielle de l’UDF en 2002, qui prévoyait de la financer par la redevance. En cohérence avec cette position, nous avons exprimé dès le mois de juin 2008, dans une annexe au rapport Copé, notre divergence profonde sur ce point. La suppression de la publicité peut, certes, être un marqueur intéressant de différenciation de la télévision publique, mais il faut raison garder : la publicité est partout et sa disparition de l’audiovisuel public n’en préservera pas les consommateurs – qui sont d’ailleurs déjà bien vaccinés. Qui plus est, si la publicité française est parfois toxique, elle est parfois aussi drôle et informative, notamment en matière de prix ou d’innovation.

Le groupe Nouveau Centre formule deux critiques sur la disposition proposée.

Tout d’abord, supprimer aujourd’hui la publicité est une faute de calendrier majeure : avec un déficit de 52 milliards d’euros et un taux de prélèvement qui est déjà le deuxième d’Europe, ce n’est pas le moment de remplacer par de l’argent public des recettes privées qui représentent déjà les deux tiers des recettes de France Télévisions. Le Président de la République attache assurément une grande importance à cette mesure, mais M. Édouard Balladur, qu’on ne peut pas suspecter d’antisarkozisme, déclarait le 13 octobre que cette réforme n’était pas opportune aujourd’hui et qu’elle devrait, au moins, être reportée à 2011 ou 2012. J’invite donc mes collègues de la majorité présidentielle – à laquelle les centristes réaffirment leur appartenance – à la prudence.

Ensuite, s’il faut faire cette erreur, mieux vaudrait au moins la financer par la redevance. Nous reviendrons plus en détail sur ce point, car nous ne ménagerons pas nos forces pour limiter la casse que pourrait provoquer le financement calamiteux de ce dispositif.

M. Didier Mathus. Je partage l’avis de Jean Dionis du Séjour : à un moment où l’État, confronté à une crise financière majeure, cherche partout de l’argent, il y a plus urgent que la suppression de la publicité sur la télévision publique. Les propos de M. Balladur étaient frappés au coin du bon sens. N’en déplaise au député suppléant d’Issy-les-Moulineaux, cette idée bizarre vient du Président de la République, dont chacun connaît les liens avec les groupes Bouygues et Bolloré. Assez d’hypocrisie ! Chacun a pu prendre connaissance du Livre blanc de TF1 remis au Président de la République par M. Laurent Solly, ancien directeur adjoint de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en décembre, soit un mois avant que ce dernier n’annonce sa décision, cousue de fil blanc. Il s’agissait d’abord de rendre service à TF1 qui avait, par un aveuglement incompréhensible, refusé de s’engager dans la TNT et qui, perdant des parts de marché et donc de publicité, n’avait aucune perspective de développement. La proposition faite dans le Livre blanc n’est pas une idée neuve : TF1 avait fait un recours auprès de la Commission européenne en 1998 pour demander l’interdiction de la publicité sur le service public.

Qu’on ne prétende pas que nous, socialistes, serions mécontents de ne pas avoir pris cette mesure nous-mêmes. Ayant rédigé la plupart des programmes sur l’audiovisuel établis par mon parti depuis 1988 pour les élections présidentielles et législatives, je vous mets au défi d’y trouver une proposition de suppression de la publicité. Nous avions certes étudié cette idée en 1988, mais nous y avons renoncé, estimant que, compte tenu de la privatisation de TF1, il ne serait plus possible d’avoir un paysage audiovisuel équilibré si la télévision publique était privée de publicité. En revanche, nous avons toujours défendu l’idée qu’il fallait réduire la publicité sur les chaînes publiques ; c’est ce que nous avons fait avec la loi d’août 2000, qui a abaissé le plafond à huit minutes par heure. Nous avons en outre été quelques-uns à défendre l’idée qu’il fallait une chaîne publique sans publicité, destinée à l’enfance et à la jeunesse, mais elle a été démolie par le premier ministre de la culture du gouvernement Raffarin, M. Aillagon.

Par ailleurs, la publicité n’est pas un marqueur de qualité : il y a de très bonnes chaînes avec ou sans publicité, de très mauvaises chaînes avec ou sans publicité. BBC One est une chaîne sans publicité et de mauvaise qualité, qui ne fait que de l’assemblage de séries.

Pour le reste, il apparaît que le projet politique qui sous-tend ce texte est l’affaiblissement de la télévision publique, à l’égard de laquelle l’UMP nourrit visiblement une certaine rancune. Sous prétexte de lui demander des gages de qualité, on veut en réalité en faire une sorte de grosse ARTE, que personne ne regardera mais dont tout le monde dira du bien, et laisser le champ libre aux opérateurs privés de la télévision commerciale. C’est pourquoi nous combattrons avec beaucoup de force ce projet.

M. Patrice Martin-Lalande. Partout dans le monde, le modèle de la télévision généraliste est remis en cause. Cessons donc d’interpréter la situation nationale avec des arrière-pensées politiques. Une évolution s’impose.

Le problème de financement touche à la fois le secteur privé et le secteur public. Il faut y apporter une réponse car nos concitoyens ont besoin de chaînes généralistes. Un choix limité aux chaînes thématiques et à l’Internet, sur lequel on sait ce qu’on veut aller voir, risque d’aboutir à une sorte d’autisme médiatique.

Cette réforme permet au service public de troquer les recettes de publicité, en perte de vitesse, contre une recette garantie par l’État. Celle-ci a pour deuxième avantage de libérer le service public de toute contrainte de programmation. Par ailleurs, le montant des deux taxes qui vont être créées n’aura pas d’incidence sur le financement du service public, étant donné la règle de l’universalité budgétaire : le produit des taxes sera versé au budget général de l’État, lequel, de toute façon, apportera à France Télévisions la compensation financière prévue.

Par ailleurs, il est clair que la réforme va dans le sens d’une amélioration de l’engagement du service public en faveur de la création. La liberté de programmation qu’offrira le nouveau système de financement favorisera la diffusion d’œuvres de création dans de meilleures conditions. Enfin, les synergies que va permettre l’entreprise unique contribueront à mieux financer la création.

Cette réforme n’est donc pas un cadeau à la télévision privée. Ce n’est pas non plus un cadeau à la télévision publique, mais c’est pour lui une promesse de financement solide et pérenne – qui permettra aussi de financer la télévision privée, étant donné que nous avons besoin de l’une et de l’autre.

Mme Muriel Marland-Militello. Une proposition phare de la mission sur l’éducation artistique et culturelle, dont j’étais présidente et rapporteure sous la précédente législature, était la suppression de la publicité à la télévision. Chers amis socialistes, vous l’avez votée à l’unanimité ! L’argument essentiel était que, pour accroître le public des spectacles culturels, il fallait éviter le lien entre publicité et programmes pour cause d’audimat. Je me souviens aussi qu’avec Patrick Bloche, vous disiez que, si la droite restait au pouvoir, vous n’auriez jamais gain de cause.

M. Christian Kert, rapporteur de la Commission spéciale. Le rapporteur ne peut être que défavorable à un amendement qui remet en cause la philosophie du texte.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à surseoir à la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Patrick Braouezec, tendant à substituer à la date du 5 janvier 2009 celle du 1er septembre 2009 pour le début de la réforme publicitaire à France Télévisions.

M. Noël Mamère. Cet amendement de repli reprend la proposition que vous aviez vous-même formulée dans votre rapport, monsieur le président.

M. le président Jean-François Copé. C’était une demande des parlementaires socialistes, que j’avais accepté d’intégrer, mais la consultation des professionnels m’a fait revenir en arrière.

M. le rapporteur. La réforme est en marche, il faut l’appliquer.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à maintenir la publicité sur France 2.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement est un amendement de repli. Notre groupe est absolument opposé à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.

La solution retenue, consistant à instaurer une première étape où la publicité est maintenue sur les chaînes publiques entre six heures et vingt heures, entraînera à l’évidence un dumping de la part des chaînes privées. N’ayant plus de concurrence sur le créneau du soir, elles vont pouvoir augmenter largement leurs prix. Une hausse de 15 % des tarifs est déjà annoncée. Cette hausse leur permettra de faire des offres très basses, donc du dumping, sur les tarifs de journée.

Nous vous proposons de réfléchir à une autre solution : continuer à permettre la publicité sur France 2 toute la journée jusqu’en 2011, et voir à cette date s’il faut continuer. Dans ce cas, la concurrence restera ouverte.

M. Didier Mathus. Il est un peu stupide de considérer que toutes les chaînes publiques doivent être traitées à l’identique. Nous réaffirmons notre souhait d’une chaîne pour la jeunesse sans publicité ; c’est une demande légitime. Mais autant on pourrait être favorable à la suppression de la publicité sur certains créneaux ou programmes, autant traiter toutes les chaînes publiques de la même façon est une absurdité ; ce qui fait l’intérêt du service public, c’est sa logique de bouquet, c’est-à-dire une offre diversifiée.

On mesure dès à présent l’effet pervers de la mesure proposée. Le chiffre d’affaires de la publicité en 2007 étant de 800 millions d’euros, on obligera les chaînes publiques à trouver 350 millions d’euros de recettes publicitaires dans la journée, avant vingt heures. Or TF1 et M6 se trouveront en situation de monopole après vingt heures, et elles pourront augmenter leurs tarifs : elles pratiqueront un dumping d’enfer pour les diffusions avant vingt heures. France Télévisions, qui doit absolument trouver 350 millions sur ce créneau horaire, sera moins concurrentielle qu’elles, et l’on peut déjà affirmer qu’elle ne trouvera pas ces montants. Tout cela montre le caractère extrêmement dangereux et nocif pour la télévision publique de la mesure.

M. Christian Paul. Je partage cet avis. On passe d’un sous-financement de l’audiovisuel public à son effondrement financier.

Je souhaite que le rapporteur soit beaucoup plus précis sur l’ampleur qu’il veut donner à la clause de sauvegarde apparente qui figure à l’article 18. Comment l’établit-on ? Comment la met-on en œuvre ? Il faudrait nous donner des assurances. Le rapporteur doit amender l’article pour rendre cette clause sûre ; aujourd’hui, c’est une véritable passoire.

M. Michel Françaix. Le rapporteur nous a dit qu’il faut maintenant que le service public s’organise en fonction du projet de loi. Sa régie publicitaire est déjà en train de le faire, par des suppressions d’emplois, sources de difficultés.

L’amendement de M. Dionis du Séjour est intéressant. La majorité soutient que, dès lors qu’il y a de la publicité, les programmes sont établis en fonction de celle-ci et qu’ils sont donc la plupart du temps de mauvais programmes, en tout cas pas des programmes dont la qualité n’est pas celle qu’on attend du service public. Si vous avez raison, le service public devra réorganiser complètement sa grille avant vingt heures pour attirer la publicité. Il s’y emploie déjà.

Nous soutenons donc cet amendement de repli.

M. le rapporteur. L’amendement est difficilement lisible au regard de la logique du texte. Je ne vois pas comment la chaîne phare de France Télévisions pourrait échapper au dispositif appliqué aux autres chaînes. Ce serait peu cohérent avec l’état d’esprit du texte. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte ensuite deux amendements identiques, respectivement du rapporteur et de M. Didier Mathus, et tendant à préciser que la suppression de la publicité dans les programmes de France Télévisions ne concerne ni les décrochages locaux de France 3 ni ses décrochages régionaux.

En conséquence, un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, visant à réintroduire la même idée, devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, tendant à interdire la publicité pour les biens et produits sous appellation générique.

M. Jean Dionis du Séjour. Les dispositions du projet de loi sont le summum de la confusion et de l’hypocrisie. La publicité pour les pruneaux d’Agen sera-t-elle permise ou non ? C’est une marque commerciale : leur distribution est organisée par une interprofession. Mais c’est aussi une appellation générique : elle se réfère à un territoire, une zone reconnue par l’Union européenne pour la qualité de sa production. Les dispositions de la loi seront allégrement tournées. Le même raisonnement peut être tenu pour le Roquefort, le Champagne, le Brie de Meaux, le vin d’Alsace…

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’intention est louable. J’ai cependant déposé un amendement faisant la part des choses entre les produits qui viennent d’être évoqués et les campagnes d’intérêt général, pour les produits laitiers par exemple. M. Jean Dionis du Séjour pourrait le cosigner.

M. le président Jean-François Copé. L’amendement est retiré ?

M. Jean Dionis du Séjour. Non, j’y tiens.

M. le président Jean-François Copé. Le rapporteur pourrait peut-être nous présenter son amendement de façon à nous éclairer ?

M. le rapporteur. Si nous adoptons l’amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour, des campagnes de publicité pour les produits laitiers, le veau ou le sucre ne seront plus autorisées. L’amendement que je défendrai confirme que la suppression de la publicité sur France Télévisions ne concerne pas les campagnes d’intérêt général.

M. le président Jean-François Copé. Intègre-t-il les préoccupations de l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour ?

M. le rapporteur. Oui.

M. Jean Dionis du Séjour. Non. L’amendement du rapporteur confirme que les campagnes d’intérêt général restent possibles sur les chaînes publiques, et je le soutiens. Mais quid des campagnes pour les produits génériques, tels que le vin d’Alsace, l’andouillette de Troyes et le Brie de Meaux ? Le générique renvoie à l’interprofessionnel.

M. le président Jean-François Copé. J’avais compris que l’amendement de M. Dionis du Séjour poursuivait un objectif exactement inverse alors qu’il vise à empêcher que l’on ne détourne l’esprit de la réforme. Autant je suis favorable à ce que les chaînes publiques puissent diffuser des campagnes d’intérêt général, autant je suis hostile à ce qu’elles accueillent des campagnes pour des produits d’appellation générique.

Je propose donc à la Commission d’adopter l’amendement de M. Dionis du Séjour, quitte à en améliorer ultérieurement la rédaction, ainsi que celui du rapporteur.

M. Didier Mathus. Il faut toutefois être conscient que l’amendement de M. Dionis du Séjour priverait le service public d’une partie des ressources initialement prévues.

M. le président Jean-François Copé. Je l’ai dit, je récuse l’argument selon lequel le compte n’y est pas : avec la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet et sur la téléphonie mobile, jamais France Télévisions n’aura eu autant d’argent.

La Commission adopte l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

En conséquence, l’amendement suivant de M. Dionis du Séjour, visant à supprimer la publicité destinée à la promotion de marques de biens ou de services de nature industrielle ou commerciale, devient sans objet.

La Commission examine ensuite un amendement de Mme Françoise de Panafieu, tendant à ce qu’un bilan de la présente réforme soit dressé avant d’étendre, si la situation le permet, la suppression de la publicité aux programmes diffusés entre 6 heures et 20 heures.

Mme Françoise de Panafieu. La brutalité avec laquelle est survenue la crise financière actuelle nous montre à quel point il est difficile de prévoir aujourd’hui ce que sera la situation en 2011. Mieux vaudrait donc convenir d’un rendez-vous à cette date avant de prendre la décision de passer à la seconde phase de suppression de la publicité pour les chaînes publiques.

M. Jean Ueberschlag. J’aimerais que l’on évite d’employer l’expression « extinction de la publicité », qui me rappelle l’extinction du paupérisme après dix heures du soir, jadis préconisée par Ferdinand Lop.

M. le rapporteur. Je propose à Mme de Panafieu de retirer son amendement au profit de deux de mes amendements que nous nous apprêtons à examiner, qui répondent à son souci mais qui éviteraient de devoir repasser par la loi pour appliquer la deuxième phase de la réforme.

M. le président Jean-François Copé. Ces amendements ultérieurs visent notamment à ce que le Gouvernement présente en 2011 un rapport proposant, le cas échéant, les mesures législatives nécessaires et à partir duquel nous prendrons la décision.

M. Didier Mathus. Nous défendrons un amendement poursuivant le même objectif. Mme de Panafieu propose qu’aucune décision ne soit prise a priori, ce qui n’est pas la même chose !

M. le président Jean-François Copé. Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement et je suis persuadé que la réforme sera un succès. Mais si tel n’était pas le cas, nous repasserions bien sûr par la voie législative.

Mme Françoise de Panafieu. Je ne dis pas que la réforme échouera, mais simplement que l’on ignore totalement ce que sera la situation économique et sociale dans deux ans.

M. Patrice Martin-Lalande. Les chaînes publiques ont besoin de visibilité et de clarté. Mieux vaut donc leur faire connaître la direction qui sera ultérieurement suivie, sauf si de nouveaux éléments apparaissaient.

M. le président Jean-François Copé. Dans ses propositions, la Commission pour la nouvelle télévision publique se fondait déjà sur une hypothèse de crise, puisqu’elle a recommandé une dotation de 150 millions d’euros pour compenser une baisse des recettes publicitaires déjà très significative.

Mme de Panafieu retire son amendement.

La Commission adopte un amendement du rapporteur, tendant à exclure les campagnes d’intérêt général du champ de la réforme publicitaire à France Télévisions.

Elle examine ensuite deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune, respectivement présentés par le rapporteur et M. Didier Mathus et faisant obligation au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la première étape de la suppression de la publicité.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

En conséquence, l’amendement de M. Didier Mathus devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, précisant que le produit des messages publicitaires diffusés sur les programmes locaux est affecté à la réalisation de ces mêmes programmes.

M. Didier Mathus. Nous voulons éviter que les ressources publicitaires ne se perdent dans l’ensemble des ressources de France Télévisions.

M. le rapporteur. Une telle préaffectation des ressources introduirait de la rigidité dans le fonctionnement de France Télévisions et serait contradictoire avec la création de l’entreprise unique.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune respectivement présentés par le rapporteur et M. Didier Mathus. Le premier fait obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement une évaluation de la réforme par le Conseil supérieur de l’audiovisuel après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, le second prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement un rapport conjoint du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARCEP).

M. Patrick Bloche. L’amendement du groupe socialiste a l’avantage d’insister sur la nécessité d’évaluer les besoins de financement de France Télévisions, alors que celui du rapporteur ne prévoit que l’évaluation des conditions du marché publicitaire.

M. le président Jean-François Copé. Nous pourrions étudier une meilleure formulation de l’amendement dans le cadre de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce deuxième rapport n’est-il pas surabondant ?

M. le rapporteur. Non, puisque c’est le CSA qui en sera l’auteur, et non le Gouvernement.

M. le président Jean-François Copé. On confie là une mission majeure au CSA.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

En conséquence, l’amendement de M. Didier Mathus devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à supprimer progressivement la publicité sur RFO.

M. Patrice Martin-Lalande. S’il est vrai que les chaînes du service public sont le seul support de la publicité audiovisuelle en outre-mer, le développement du pluralisme audiovisuel suppose de programmer la suppression progressive de la publicité de ces chaînes. Je propose de concilier ces deux exigences par cette solution de préservation du pluralisme adaptée à la diversité des territoires.

M. Gaël Yanno. Je suis favorable à cette solution car la concurrence du service public sur un gisement publicitaire réduit n’est pas supportable pour les chaînes privées.

M. le rapporteur. J’y suis quant à moi défavorable pour trois raisons : cet amendement est contraire aux équilibres préconisés par la Commission pour la nouvelle télévision publique ; il priverait France Télévisions de près de 25 millions d’euros de recettes ; enfin, il serait paradoxal de supprimer la publicité sur RFO alors qu’elle serait maintenue sur les décrochages régionaux de France 3.

À cela s’ajoute un argument social : en faisant travailler de nombreux salariés, la régie publicitaire de RFO joue un rôle essentiel dans l’économie de l’outre-mer.

M. Patrice Martin-Lalande. Cette disposition ne réduira pas l’accès des entreprises aux marchés locaux puisqu’elle ne s’appliquera pas là où les chaînes publiques sont le seul support de publicité.

M. le président Jean-François Copé. La Commission pour la nouvelle télévision publique avait conclu à la nécessité de maintenir les 23 millions de recettes publicitaires à RFO jusqu’en 2012.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement ne remet pas en cause ce principe. De plus, les recettes se sont élevées à 18 millions d’euros en 2007, et non à 23 millions d’euros.

M. Gaël Yanno. Maintenir la publicité sur RFO revient à condamner l’initiative privée en matière de télévisions locales outre-mer.

M. le rapporteur. Notre discussion porte sur la télévision publique, et non sur les chaînes privées. Il s’agit de donner toutes ses chances à la télévision publique !

M. le président Jean-François Copé. Je reconnais qu’il y a débat. Votre proposition s’appliquant à compter du 1er janvier 2010, alors que la suppression totale de la publicité ne doit prendre effet que plus d’un an après, nous pourrions renvoyer son examen à la réunion que nous aurons au titre de l’article 88.

M. Patrice Martin-Lalande. Je veux bien retirer mon amendement. Mais on ne peut pas prétendre vouloir développer les télévisions locales et leur retirer la seule ressource disponible.

M. le président Jean-François Copé. Je ne veux pas que l’on ouvre un nouveau débat sur les moyens de compenser la perte de recettes pour RFO.

M. Jean Ueberschlag. La régie publicitaire de France 3 emploie 85 personnes, dont 60 outre-mer. Il faut donc réfléchir avant de toucher au dispositif actuel.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite trois amendements – le premier de M. Didier Mathus, le deuxième de M. Noël Mamère et le troisième de M. Jean Dionis du Séjour –, pouvant être soumis à une discussion commune et précisant que la suppression de la publicité donne lieu à une compensation intégrale de l’État.

M. Michel Françaix. Le président de la Commission spéciale nous assure que la perte de recettes dues à la suppression de la publicité serait compensée à l’euro près, afin de permettre au service public de l’audiovisuel de fonctionner normalement. L’amendement de M. Didier Mathus devrait donc faire l’unanimité. Il précise que la mise en œuvre de cette suppression donne lieu à une compensation financière intégrale dont le montant est garanti par l’État, chaque année, dans le cadre de la loi de finances. Si, pour une raison ou une autre, le produit des deux taxes ou celui de la redevance n’atteignait pas les niveaux prévus – même si l’on nous promet qu’il y aura beaucoup plus d’argent que nécessaire –, la dotation du service public audiovisuel serait ainsi garantie.

M. Noël Mamère. Il est en effet essentiel de ne pas rester dans le flou en ce qui concerne la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité, mais au contraire d’affecter intégralement au service public de l’audiovisuel le produit des taxes sur la publicité télévisée et sur les opérateurs de communications électroniques. Si la loi n’est pas plus précise, toutes les dérives sont à craindre car, en termes financiers, nous sommes dans une situation que nous maîtrisons mal. Les taxes étant affectées au budget de l’État, si la compensation n’est pas précisément encadrée, nous savons très bien ce qui peut advenir de leur produit.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour ses promoteurs, ce projet de loi apporte un avantage formidable au service public de l’audiovisuel dans la mesure où il remplace ses ressources publicitaires, par essence fluctuantes, par des ressources plus solides car d’origine budgétaire. Mais, en réalité, le financement demeure fragile. En effet, les deux taxes qui doivent contribuer à ce financement ne sont pas affectées – d’ailleurs, ni le Conseil constitutionnel ni l’Union européenne ne le permettraient. Dès lors, la somme versée en compensation ne sera pas corrélée au produit de ces taxes. Nous n’avons donc aucune certitude que l’argent issu de la taxation des services de communications électroniques et de la publicité sur les chaînes privées sera intégralement versé au service public de l’audiovisuel.

L’expérience parlementaire doit nous mettre en garde. Ainsi, le produit de la TACA, la taxe pour l’aide au commerce et à l’artisanat, qui frappe les grandes et moyennes surfaces, devait permettre d’aider les artisans et les petits commerçants, notamment en milieu rural. Or, sur les 600 millions d’euros que rapporte aujourd’hui la taxe, seulement 80 millions sont reversés au FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce.

De même, nous n’avons aujourd’hui aucune certitude quant à la compensation versée à l’audiovisuel public : en dépit de sa nature budgétaire et du COM, elle pourrait être remise en cause chaque année – peut-être pas dans l’immédiat, mais personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Tel est l’inconvénient d’avoir choisi des ressources qui, contrairement à la redevance, ne sont pas affectées.

M. Christian Paul. Ces amendements ont en effet une importance particulière, et c’est pourquoi, même si nous n’acceptons toujours pas les principes qui guident ce projet de loi, nous souhaitons qu’ils fassent l’objet d’une discussion complète.

Aujourd’hui, le service public de l’audiovisuel est sous-financé. Vous prétendez qu’il sortira renforcé de la réforme grâce à une véritable sécurité financière. Mais, tel qu’est rédigé le projet de loi, c’est le contraire qui se produira. Le seul moyen de garantir cette sécurité serait de prévoir une clause de sauvegarde. Tel est l’objet de notre amendement, qui a deux objectifs : prévoir l’affectation complète des ressources et garantir une compensation à l’euro près. Si, par exemple, le rendement de la taxe sur la publicité diffusée par la télévision était insuffisant, le budget de l’État serait ainsi mis à contribution pour assurer l’intégralité de cette compensation.

M. Marcel Rogemont. Ces amendements s’inscrivent dans le droit fil de l’amendement précédent, qui réclamait un rapport sur l’évolution du marché publicitaire, les besoins de financement de France Télévisions et la compensation financière de l’État. L’exemple de la TACA est en effet éclairant : trop d’incertitudes pèsent sur le fonctionnement de l’audiovisuel public ; il est donc indispensable de prévoir une compensation intégrale.

M. le rapporteur. Sur le fond, nous sommes d’accord, même si j’ai un doute sur la recevabilité financière de ces trois amendements. En outre, tel qu’il est rédigé, l’amendement de M. Didier Mathus pourrait être interprété comme donnant une injonction à la loi de finances, ce qui serait contraire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il en est de même pour celui de M. Noël Mamère, dont la rédaction est de surcroît peu claire. L’amendement de M. Jean Dionis du Séjour est plus simple et ne pose donc pas les mêmes problèmes. Je suggère donc aux auteurs des deux premiers amendements de les retirer et de s’associer au troisième, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. Patrick Bloche. Notre souci est de garantir un financement pérenne pour France Télévisions, dans un contexte d’incertitude qui a d’ailleurs conduit nos collègues de la majorité à prévoir la rédaction d’un rapport d’étape.

L’amendement de M. Dionis du Séjour fait référence à une compensation intégrale, mais encore faudrait-il savoir par rapport à quoi : sinon, la notion de compensation n’aurait guère de sens. L’amendement de Noël Mamère a l’avantage d’être plus précis.

M. Benoist Apparu. Je fais mienne l’inspiration de ces amendements, mais je me demande s’ils ne tomberont pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

M. le Rapporteur. Je le crains en effet, comme je l’ai déjà indiqué.

M. Noël Mamère. L’amendement de M. Dionis du Séjour manque de précision. Nous avons besoin d’une référence claire, que seul mon amendement permet d’établir.

M. Jean Dionis du Séjour. La notion de compensation s’interprétera naturellement en fonction de l’avant-dernier alinéa de l’article : c’est la recette publicitaire supprimée qui sera prise en compte.

Par ailleurs, si l’amendement était irrecevable, nous pourrions essayer de trouver une formulation permettant d’inscrire au moins le principe dans la loi, en demandant par exemple qu’une compensation intégrale soit mise à l’étude chaque année.

Ce qui est certain, c’est que si le texte restait en l’état, sa crédibilité serait singulièrement affectée.

M. le président Jean-François Copé. Il est vrai que ces amendements s’exposent au couperet de l’article 40. Mais il s’agit de lancer un appel, et ce débat doit avoir lieu.

M. Benoist Apparu. Certes, mais si les amendements sont irrecevables, ils ne viendront pas en discussion dans l’hémicycle.

M. Christian Paul. Je suis heureux que la majorité accepte le débat, car la clause de sauvegarde ne fonctionnera pas. Je vous invite à adopter ces amendements, puis nous aurons le temps de chercher la solution idéale.

En tout cas, nous ne pourrons pas nous contenter de simples déclarations de bonnes intentions de la part du Gouvernement : il faut inscrire le principe de compensation dans la loi. Il y va de l’indépendance de l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande. Je vois une contradiction : si nous tombions sous le coup de l’article 40, ce serait parce que les dépenses augmentent. Dans ce cas, il ne s’agirait pas d’une compensation intégrale.

Pour ma part, je propose que M. Dionis du Séjour rectifie son amendement, afin de remplacer les mots « une compensation financière intégrale » par les mots « la compensation ». Nous serions alors sûrs que tout sera compensé.

La Commission rejette les amendements de M. Didier Mathus et de M. Noël Mamère.

Elle adopte l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour ainsi rectifié.

Elle examine ensuite un amendement de M. Patrice Martin-Lalande tendant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’incidence financière de la suppression de la publicité avant le 30 juin 2009.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous avons besoin d’une première évaluation dès le début de l’été, afin d’en disposer lors de l’examen de la loi de finances pour 2010.

M. le Rapporteur. L’échéance proposée me semble trop rapprochée. D’autre part, ce que vous demandez me semble bien réducteur : il faudra certes se pencher sur l’incidence financière de la réforme, mais aussi sur l’évolution des contenus, des marchés et des audiences.

Enfin, nous avons déjà demandé de nombreux rapports.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à ce qu’une commission d’experts indépendants évalue l’incidence de la suppression des recettes publicitaires.

M. le président Jean-François Copé. Il ne serait pas responsable de multiplier à l’infini les rapports et les commissions, d’autant qu’il y a tous les ans une discussion budgétaire.

M. Jean Dionis du Séjour. La matière est complexe !

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 18 ainsi modifié.

Avant l’article 19

La Commission est saisie de deux amendements déposés par MM. Didier Mathus et Patrick Braouezec tendant à étendre la redevance aux postes de télévision des résidences secondaires.

M. Didier Mathus. Cela paraît d’autant plus normal que les ménages qui possèdent une résidence secondaire sont parmi les plus aisés.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.

Article 19 : Indexation du montant de la redevance audiovisuelle sur l’indice des prix à la consommation

La Commission est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère visant à augmenter progressivement le montant de la redevance en fonction de la moyenne européenne.

M. Noël Mamère. Cela nous permettrait d’atteindre en 2014 les niveaux pratiqués par la Grande-Bretagne ou l’Allemagne et de financer correctement le service public de l’audiovisuel.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Elle est saisie ensuite d’un amendement de Mme Marland-Militello visant à arrondir le montant de la redevance à l’euro supérieur.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

Puis elle est saisie d’un amendement de Mme Françoise de Panafieu tendant à généraliser le paiement de la redevance par mensualisation.

M. le Rapporteur. Cet amendement n’a pas sa place dans le présent texte, mais plutôt dans le projet de loi de finances rectificative. Avis défavorable.

Mme Françoise de Panafieu. Je le retire et le redéposerai dans le cadre du collectif.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 19 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 19 : Assujettissement à la redevance des personnes physiques ayant contracté un abonnement avec un fournisseur d’accès à Internet

La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à assujettir à la redevance les personnes physiques qui ont contracté un abonnement avec un fournisseur d’accès à Internet.

M. Jean Dionis du Séjour. L’extension de la redevance aux personnes qui regardent la télévision sur leur ordinateur par exemple a été largement débattue, et approuvée, par la Commission Copé. Elle permettrait d’augmenter les recettes, mais surtout de créer une dynamique car de plus en plus de gens sont appelés à accéder aux programmes par un autre biais que l’écran plat.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est l’égalité de traitement entre téléspectateurs qui est en jeu. Il va de soi qu’un foyer disposant d’une télévision et d’un ou plusieurs ordinateurs n’acquittera la redevance qu’une fois.

M. le président Jean-François Copé. La Commission pour la nouvelle télévision publique était effectivement très favorable à cette proposition, mais des problèmes de rédaction se posent. Il n’est pas question de faire acquitter la redevance à des gens qui possèdent un vieil ordinateur incapable d’accéder aux programmes de télévision.

M. Patrice Martin-Lalande. La loi ne doit viser que les ordinateurs capables de recevoir la télévision.

M. le président Jean-François Copé. Dans ce cas, une instruction fiscale pourrait suffire ! En tout cas, il faudra affiner la rédaction de cet amendement avant la séance.

La Commission adopte cet amendement.

Après l’article 19

Elle est saisie ensuite d’un amendement de M. Noël Mamère précisant que les exonérations de la redevance sont compensées par l’État.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela figure dans la loi depuis 2000 ! Le fait est que cette compensation n’est pas intégrale, malgré nos demandes répétées, mais l’essentiel est que la télévision publique reçoive de l’État tout ce à quoi il s’est engagé dans le contrat d’objectifs et de moyens. L’amendement est inutile.

M. Didier Mathus. Cette disposition avait été introduite par amendement parlementaire après un bras de fer avec le gouvernement de l’époque. Mais elle n’a jamais été appliquée, sauf la première année, puisque la compensation n’a jamais été intégrale !

M. le président Jean-François Copé. C’est pour cette raison qu’il faut que cette loi soit évaluée et que nous allons modifier le Règlement de l’Assemblée nationale pour créer un comité d’évaluation et de contrôle.

M. Noël Mamère. C’est aussi pour cette raison qu’il faut voter cet amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Titre iI

Institution de taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques

Article 20 : Institution d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision

La Commission est saisie d’un amendement de suppression de l’article présenté par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Non seulement le moment semble bien mal choisi pour instituer deux nouvelles taxes mais telles qu’elles sont imaginées, elles posent des problèmes de fond. D’abord, n’étant pas affectées, elles n’offrent aucune sécurité à l’audiovisuel public. Ensuite, puisqu’elles ciblent des secteurs économiques particuliers, elles risquent d’être déclarées anticonstitutionnelles pour des raisons d’égalité par rapport à l’impôt – d’autant plus qu’elles sont assises sur le chiffre d’affaires, qui n’a jamais été assimilé à la capacité contributive.

Ces taxes soulèvent aussi des questions de légitimité : l’audiovisuel public va être financé par la concurrence. Dans le contexte actuel, croyez-vous que les chaînes privées vont se tuer à décrocher des contrats publicitaires pour en reverser le produit aux chaînes publiques ? Je suis sûr qu’elles trouveront un moyen de contourner la difficulté. En outre, l’une des taxes porte sur les opérateurs de télécommunications au prétexte qu’ils proposent de l’audiovisuel mais, en fait, leur activité tourne autour du téléphone fixe, des services voix ou des SMS : leur offre de télévision est tout à fait marginale.

Enfin, dans le contexte actuel, ces taxes sont antiéconomiques. Elles conduiront les opérateurs soit à diminuer leurs investissements, soit à répercuter la taxe dans leurs prix.

M. le rapporteur. Je suis bien entendu défavorable à cet amendement qui remet entièrement en cause le dispositif de financement prévu. Sur le fond, nous nous exprimerons largement en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de deux amendements, pouvant être soumis à discussion commune, tendant à exonérer les chaînes de télévision publiques de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire. Ils sont présentés respectivement par MM. Didier Mathus et Noël Mamère.

M. Didier Mathus. Il semble paradoxal de vouloir appliquer à France Télévisions une taxe visant à compenser la perte de ses ressources !

M. Noël Mamère. C’est aberrant ! Soit il s’agit d’une erreur, soit c’est volontaire, et alors ce serait beaucoup plus grave…

M. le rapporteur. Avis défavorable : si on adoptait vos amendements, il y aurait bien une rupture d’égalité.

M. le président Jean-François Copé. Il appartiendra au Gouvernement de veiller à ce que la perte de recettes soit intégralement compensée.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette également un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à différer l’application de cette taxe jusqu’à l’arrêt complet de la diffusion analogique.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour instituant une série de déductions dans l’assiette de la nouvelle taxe.

M. Jean Dionis du Séjour. Selon nous, instituer une taxe sur le chiffre d’affaires est inconstitutionnel. Notre amendement propose, au-delà de l’abattement forfaitaire de 4 %, de retirer de l’assiette de la nouvelle taxe les dépenses liées à l’analogique et au COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Mieux vaut modifier le champ de la taxe que son assiette – ce que je proposerai dans un prochain amendement.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques de Mme Muriel Marland-Militello, M. Didier Mathus et M. Noël Mamère visant à supprimer l’abattement forfaitaire de 4 %.

Mme Muriel Marland-Militello. Il faut supprimer cet abattement si l’on veut garantir un financement correct de la télévision publique et, surtout, clarifier le dispositif.

M. le rapporteur. Avis défavorable : l’abattement est légitime car il prend en compte une partie des frais généraux de régie publicitaire.

M. Didier Mathus. Nous recevons tous des argumentaires de TF1, qui attirent notre attention sur le fait que cet abattement est trop faible. C’est une manière d’échapper à la taxe !

M. le rapporteur. Cet abattement a été calqué sur le modèle de la taxe COSIP.

La Commission rejette les trois amendements.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer l’exonération de taxe pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 11 millions d’euros.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce seuil a été retenu pour que les chaînes de la TNT échappent à la taxation. Or elles gagnent des parts croissantes du marché publicitaire – de même que les grands portails Internet, absents de ce projet de loi. Il peut paraître étrange d’exonérer les principaux bénéficiaires du report des ressources publicitaires !

M. le président Jean-François Copé. Vous ne pouvez pas à la fois demander la suppression de la taxe et vouloir que les nouvelles chaînes y soient soumises ! C’est incohérent ! Les chaînes de la TNT s’acquitteront de la taxe quand elles atteindront le seuil des 11 millions !

M. Jean Dionis du Séjour. Je suis opposé au principe de cette taxe. Mais dès lors que vous l’adoptez, je me place dans ce cadre ; je ne vois pas où est l’incohérence. Or, il est curieux de vouloir exonérer de la nouvelle taxe les chaînes de la TNT, alors qu’elles seront les premières bénéficiaires de la croissance du marché publicitaire.

M. Benoist Apparu. Elles seront taxées dès qu’elles franchiront le seuil des 11 millions ! C’est un faux problème !

M. Didier Mathus. Deux chaînes, bien connues, passeront la barre cette année… Par ailleurs, contrairement à ce qu’écrit M. Dionis du Séjour dans son exposé des motifs, le développement des chaînes de la TNT n’était pas inespéré, bien au contraire !

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

Puis elle rejette celui de M. Noël Mamère tendant à abaisser le seuil d’exonération de 11 à 5 millions d’euros.

Elle examine ensuite un amendement du rapporteur visant à adapter la nouvelle taxe aux évolutions conjoncturelles en créant une assiette plafond et un taux plancher.

M. le rapporteur. Cet amendement associe plusieurs dispositifs : il plafonne la taxe à 50 % de l’accroissement annuel du chiffre d’affaires d’une chaîne, afin de prendre en compte les évolutions de la conjoncture économique ; il fixe un taux plancher à 1,5 %, ce qui garantit une recette minimale pour l’État ; enfin, il fait de 2008 l’année de référence pour le calcul du montant de la taxe exigible au titre des années 2009, 2010 et 2011. L’année 2008 ayant été particulièrement difficile en termes de chiffre d’affaires publicitaire, l’accroissement de l’assiette dans les trois prochaines années ne pourra être que favorable à son rendement.

M. Didier Mathus. C’est une disposition déloyale ! Le Gouvernement et la majorité se sont engagés publiquement sur une taxe à 3 %. Et en cours de discussion, vous changez les règles du jeu ! Qui garantira désormais son financement à France Télévisions ?

Sur le fond, on sait bien que cet amendement a été réclamé par le groupe Bouygues. Le projet de loi tend à nouer une corde autour du cou de France Télévisions, et notre rapporteur se charge de resserrer encore le nœud !

Vous dites que les chaînes privées ne bénéficieront pas de l’effet d’aubaine escompté puisque le marché publicitaire est en décroissance. Peut-être, mais vous introduisez une inégalité fondamentale entre ceux qui, comme TF1 ou M6, bénéficieront d’un filet de sécurité et les autres médias qui subiront cette baisse de plein fouet.

Plutôt que le chiffre d’affaires, mieux vaudrait prendre en compte le volume publicitaire. Le complément du dispositif, c’est en effet l’autorisation de la seconde coupure, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge et l’augmentation du temps publicitaire horaire de 6 à 9 minutes. Cela se soldera par un apport considérable de recettes publicitaires pour TFI et M6 – 500 millions d’euros sur les 550 millions de flux publicitaires déplacés, à conditions constantes. Les autres n’auront rien. C’est inacceptable. La mesure proposée par le rapporteur aggravera encore ce mouvement.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre groupe ayant déposé un amendement de suppression, je maintiens cette position, mais la mesure proposée va dans le bon sens car il est incohérent de taxer un chiffre d’affaires. Mais a-t-on réalisé une étude d’impact sur ces nouvelles bases ?

M. Benoist Apparu. Je souscris à l’amendement. Le retournement du marché publicitaire est une réalité. De toute façon, si les recettes atteignent les 500 millions escomptés, l’amendement ne s’appliquera pas : c’est une mesure de sauvegarde qui jouerait en cas de baisse des recettes publicitaires de TF1 et M6.

Par ailleurs, l’alinéa 13 de l’article 18 prévoit une compensation financière par l’État et l’amendement de M. Martin-Lalande que nous avons adopté tout à l’heure permet d’assurer que cette compensation sera intégrale.

M. Noël Mamère. La mesure proposée par le rapporteur n’a rien de transitoire. Il s’agit donc d’une inégalité de traitement, et nous avions raison de protester contre tous les cadeaux faits à TF1, à Bouygues et autres lobbies, qui contribuent à dépouiller le service public.

M. Marcel Rogemont. La crise ne sera pas éternelle, mais l’amendement proposé a une durée indéterminée. Par ailleurs, si l’on suit votre argumentation, puisque l’État garantit une compensation, le produit des taxes peut diminuer : à quoi bon, alors, créer les taxes ?

M. Christian Paul. Le paradoxe, c’est que vous mettez en place la réforme de façon en quelque sorte contre-cyclique. Je regrette qu’on n’ait pas écouté M. Édouard Balladur, qui suggérait sagement un moratoire sur ce texte.

M. Didier Mathus. La mauvaise situation du marché publicitaire n’est pas un bon argument. Le même raisonnement s’appliquerait d’ailleurs à la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dont il sera question tout à l’heure.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle est saisie d’un amendement de Mme Muriel Marland-Militello tendant à ce que la taxe évolue au même rythme que l’indice des prix à la consommation hors tabac.

Mme Muriel Marland-Militello. Ce ne serait que justice, puisque la redevance augmentera de même. Et cela procurera des ressources pour un service public de qualité.

Après avis défavorable du rapporteur, l’amendement est retiré.

La Commission est saisie de deux amendements, l’un du rapporteur, l’autre de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à instituer une « clause de rendez-vous » afin d’évaluer les conséquences de l’instauration d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et portant notamment sur le rendement de cette taxe.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire mon amendement et cosigne celui du rapporteur.

M. Jean Dionis du Séjour. Un tel rendez-vous ne saurait se substituer à une étude d’impact. Il faut que nous sachions combien rapportera la taxe sur la publicité maintenant qu’elle est modifiée.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l’article 20 ainsi modifié.

Après l’article 20

La Commission est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère, tendant à assujettir à la taxe les chaînes exonérées de la contribution au COSIP.

M. le rapporteur. Défavorable, ce serait une rupture d’égalité.

La Commission rejette cet amendement.

Article 21 : Institution d’une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques

La Commission est saisie de deux amendements de suppression de l’article 21, présentés par M. Didier Mathus et par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Didier Mathus. L’idée d’une taxe sur les FAI pour financer la télévision publique hertzienne est saugrenue. Si une taxation du chiffre d’affaires des FAI est acceptable car il faut que les tuyaux financent les contenus, cependant, en défendant cette idée lors du débat sur la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), nous considérions que ce financement devait financer la création sur Internet. L’utiliser pour financer la télévision hertzienne revient à faire financer la vieille économie par la nouvelle. La commissaire européenne Viviane Reding a d’ailleurs fait des observations à cet égard.

Il est clair, par ailleurs, que les FAI répercuteront cette taxe sur le prix des abonnements. Ce projet de loi, que personne d’autre que TF1 n’a demandé, fera donc subventionner le groupe Bouygues par les usagers d’Internet.

Cette mesure inepte est en outre très dangereuse, car elle préempte une ressource potentielle qui serait nécessaire pour financer la création sur Internet. Au lieu de garantir l’intelligence du futur, on bouche les trous que vous avez vous-mêmes creusés.

M. Jean Dionis du Séjour. La position que vient de défendre M. Mathus est cohérente. Il aurait, en effet, été préférable d’avoir une vision globale de tout ce que nous voulons financer à partir de cette assiette. Deux autres objectifs seraient, à cet égard, plus légitimes que le financement de la télévision publique : le développement numérique de la France, avec le plan fibre optique, et la rémunération de la création. Après le naufrage de l’Assemblée nationale sur la loi DADVSI, très compliquée, le recours à cette assiette est une erreur majeure.

La taxe n’étant pas affectée, des tentations sont possibles, comme le montre l’exemple de la TACA, qui rapporte 600 millions, tandis que le FISAC n’en perçoit que 80. Dans le cas présent, le taux est déjà passé du 0,5 % proposé par la Commission Copé à 0,9 % par la seule volonté du Président de la République. Qu’en sera-t-il demain ?

Ensuite, nous avons des doutes sur la constitutionnalité du dispositif. Le fait de viser un acteur économique précis est une rupture d’égalité devant l’impôt. De plus, en prenant comme base le chiffre d’affaires, on rompt avec le droit fiscal français qui prend en compte la capacité contributive en déduisant les dépenses des recettes.

Au demeurant, au sein du chiffre d’affaires des opérateurs télécoms, la partie qui est liée à la télévision publique est extrêmement faible. D’autres taxes qui avaient été envisagées, comme la taxe sur l’électronique grand public, auraient été beaucoup plus légitimes.

Enfin, il est antiéconomique d’aller prélever entre 8 et 10 % du résultat d’un secteur français en croissance. La conséquence à terme risque d’être une diminution de ses investissements ou une répercussion sur les prix demandés aux consommateurs.

M. le président Jean-François Copé. Je voudrais rappeler la genèse de cette affaire.

Il nous est apparu que laisser un secteur économique en plein développement diffuser de l’image télévisée sans jamais contribuer à son financement était une folie. Nous allons d’ailleurs devoir nous pencher de manière plus générale sur l’ensemble du secteur Internet. Qu’on ne me dise pas qu’il faut éviter les mesures « anti-jeunes » ; un responsable politique doit savoir prendre des décisions impopulaires et prendre ses responsabilités lorsqu’il y a rupture d’égalité ou danger.

Les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile représentent 42 milliards de chiffre d’affaires, somme à rapprocher du budget de France Télévisions, qui est de 2,9 milliards. Le constat que la partie télévision de leur chiffre d’affaires est faible n’enlève rien au fait qu’il est choquant de pouvoir diffuser des images de la télévision publique sans rien débourser.

Par ailleurs, certes la taxe ne sera pas affectée car les règles budgétaires l’interdisent, mais il nous appartiendra, à nous parlementaires, de veiller à son utilisation conformément aux engagements politiques pris.

J’ai refusé l’idée d’une taxe sur l’électronique grand public, de même que j’ai refusé celle d’augmenter la redevance. J’estime en effet que ce n’est pas aux ménages de payer pour la suppression de la publicité sur France Télévisions.

La taxe sur les FAI est encore plus légitime à mes yeux que la taxe sur les télévisions privées : il s’agit de faire entrer un acteur nouveau majeur dans le financement de la télévision, qui en a bien besoin pour ses investissements de demain. Je suis d’ailleurs persuadé que ces nouveaux financeurs auront un jour envie de participer au financement des productions.

M. Frédéric Lefebvre. Sur Internet, il y a toujours création de valeur, comme dans l’ensemble des opérateurs télécoms. Le site Meetic crée de la valeur, en termes de rapports entre êtres humains. Je réfléchis avec le monde de la création à l’idée d’un fonds ; mais comme je pense que le produit de la taxe sera supérieur aux besoins de France Télévisions, je souhaite un fléchage du surplus vers la création. Je présenterai un amendement en ce sens.

Mme Laure de La Raudière. Je ne suis pas contre le fait que les opérateurs télécoms contribuent au financement de la télévision publique dès lors qu’ils la véhiculent sur leurs infrastructures. En revanche, je trouve tout à fait inéquitable que la taxe soit assise sur la totalité de leur chiffre d’affaires et je crains, moi aussi, qu’elle soit répercutée sur les consommateurs. Je m’abstiendrai donc.

M. Marcel Rogemont. Je ne reviens pas sur la supercherie consistant à ne pas augmenter la redevance et à créer une taxe qui, nécessairement, sera supportée par les consommateurs. Cette taxation aurait pu avoir un intérêt pour financer la création, mais on nous propose seulement de financer le financeur de la création.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle est saisie de deux amendements identiques de Mme Laure de La Raudière et de M. Jean Dionis du Séjour tendant à appliquer la taxe à tout opérateur « qui fournit un service en France » et non « qui est établi en France ».

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit, dans un souci de justice, d’élargir l’assiette de la taxe aux opérateurs qui fournissent un service en France sans y être établis.

M. Jean Dionis du Séjour. Le monde d’Internet est le principal bénéficiaire du transfert publicitaire ; or il intervient majoritairement de l’extérieur de la France. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui pose un problème pratique mais qui est un amendement d’appel.

Sur l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.

Elle est saisie ensuite d’un amendement de Mme Laure de La Raudière visant à limiter le champ d’application de la taxe aux opérateurs dépassant le seuil de 5 % de part de marché.

Mme Laure de La Raudière. L’objectif est de ne pas couper les ailes aux nouveaux opérateurs MVNO (opérateurs de réseau mobile virtuel).

M. le rapporteur. Avis défavorable car, pour protéger les petits opérateurs, il y a déjà un seuil de 5 millions d’euros.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à inclure l’ensemble des services fournis par les opérateurs de communications électroniques dans l’assiette de la taxe.

M. Noël Mamère. L’amendement est de même inspiration que nos amendements précédents.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’exclusion des sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion et d’accès de l’assiette de la taxe sont celles acquittées par les opérateurs.

Puis la Commission examine un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’exclusion de l’assiette de la taxe des sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion ou de transport des services de communication audiovisuelle vaut non seulement pour les offres de ces seuls services mais aussi pour les offres composites qui les composent.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous avez admis que la taxe comportait une part d’injustice, pour ne pas dire d’inconstitutionnalité. Vous avez donc exclu de son assiette les sommes acquittées au titre de prestations de diffusion et de transport des services de communication audiovisuelle. La taxe ne porte que sur les prestations de contenu.

Cet amendement vise à préciser qu’en cas d’offres composites, incluant à la fois des prestations de transport et de contenu, il faudra séparer transport et contenu pour ne taxer que le contenu.

M. le rapporteur. L’amendement est inutile. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à exclure de l’assiette de la taxe les prestations de service de communications électroniques de contenu.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à rendre dégressif le taux de la taxe en dessous du seuil de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, en le fixant à 0,5 % lorsque ce chiffre d’affaires est compris entre 5 et 10 millions d’euros, à 0,6 % lorsqu’il l’est entre 10 et 20 millions d’euros, à 0,7 % lorsqu’il est compris entre 20 et 30 millions d’euros, et à 0,9 % à partir de 30 millions d’euros.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous avez eu des propos charitables pour les petits opérateurs de la télévision. Je vous propose d’adopter la même attitude pour les petits opérateurs de télécommunications : ce secteur n’est pas composé seulement des trois grands opérateurs ; il comporte une floraison de sociétés en pleine croissance. Il faudrait que le dispositif soit progressif.

M. le rapporteur. Je comprends ce raisonnement. Cependant l’amendement ne me paraît pas assez étudié et je proposerai en cours de débat d’affiner le dispositif.

M. le président Jean-François Copé. C’est donc un amendement d’appel, destiné à ouvrir un débat en séance publique.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’adoption d’un amendement d’appel.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission adopte ensuite successivement quatre amendements rédactionnels du rapporteur.

Puis la Commission examine deux amendements en discussion commune, l’un du rapporteur et l’autre de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à prévoir la remise dans le délai d’un an d’un rapport du Gouvernement sur l’application de l’article 21 et le rendement de la taxe qu’il institue.

M. Patrice Martin-Lalande. Je me rallie à l’amendement du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’instaurer une clause de rendez-vous.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 21 ainsi modifié.

La séance est levée à treize heures.