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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 29 janvier 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

• Audition de Mme Claudine Roger, ancienne médiateure de l’académie de Reims, ancienne inspectrice d’académie

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mme Claudine Roger, ancienne médiateure de l’académie de Reims, ancienne inspectrice d’académie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Roger d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Celle-ci souhaiterait connaître, compte tenu de son expérience, sa perception des enjeux de l’égalité entre les filles et les garçons, les moyens d’action qui pourraient sensibiliser le personnel éducatif et les formations que l’on devrait délivrer aux enseignants dans les IUFM sur ce sujet.

Mme Claudine Roger a indiqué qu’ayant quitté ses fonctions depuis 2000, elle s’est replongée dans les textes et dans ses actions passées. Elle a également contacté les personnes qu’elle connaissait.

On constate que, non seulement, la situation ne progresse pas, mais même qu’elle recule parfois. La convention interministérielle de 2006 est pourtant très complète. Elle dresse l’inventaire des actions possibles et propose des outils. Dans chaque académie, il y a des chargés de mission et il existe une véritable incitation verticale, le recteur intervenant fortement au moins une fois par an pour demander que la convention soit appliquée.

Par exemple, à l’IUFM de Reims, un principal de collège dispose d’une unité de temps – qui représente quinze heures – pendant laquelle il expose aux futurs enseignants de premier et de second degrés ce qui touche aux valeurs de la République : la citoyenneté, les problèmes de mixité et d’intégration et présente les textes à appliquer. Ce principal de collège a reconnu que sur ces quinze heures, il ne consacrait qu’environ deux heures aux problèmes d’égalité filles/garçons.

Depuis qu’il est assuré par les universités, l’enseignement dispensé dans les IUFM est peu satisfaisant car il consiste trop souvent à former des étudiants pour une discipline dans laquelle ils sont déjà spécialisés, même si on s’attache aussi à leur apprendre à faire passer leur enseignement.

De tout ceci, il résulte que la perception de l’enjeu de l’égalité par le corps enseignant, dans le primaire, est à peu près inexistante. En maternelle, les enfants ne font pas de différences entre eux mais, dans les cours de récréation, on voit déjà les petites filles et les petits garçons jouer séparément. Les enseignantes – puisqu’elles sont 95 % des femmes – ne se posent pas de questions et projettent, sans s’en rendre compte, les images de ce qu’elles ont vécu.

Mme Claudine Roger a ensuite expliqué que lorsqu’elle était directrice des services départementaux de l’Éducation nationale, elle avait toujours questionné les enseignants sur ce sujet, même si, quand une directrice des services aborde des questions pédagogiques, elle est regardée avec beaucoup de suspicion car ce n’est pas sa fonction.

Dans un IUFM, un enseignant lui a fait visionner un film qu’il venait de réaliser. Il avait filmé un groupe de filles et de garçons de classe maternelle avec une institutrice volontaire qui avait monté une expérience avec un petit moulin à eau. Les enfants devaient faire marcher le moulin sans avoir reçu d’explications préalables. Dans le film, un petit garçon est le premier à trouver le moyen de faire tourner le moulin, tandis que deux petites filles trempent leurs mains et se les essuient sans trouver la solution. Les deux ou trois autres enfants ne sont manifestement pas intéressés.

Les commentaires des enseignants qui ont regardé le film ont été les suivants : « Comment se fait-il que ce soit ce garçon qui ait trouvé le premier, et vite en plus, alors qu’il est nul en classe ? » ; « Il est étonnant que les deux petites filles n’aient pas trouvé, car ce sont les meilleures de la classe. C’est certainement parce que leurs mères leur ont dit de ne pas se salir les mains ! ».

L’auteur du film a demandé combien d’expériences manuelles du même type étaient organisés et ceux-ci ont indiqué qu’ils n’en proposaient jamais. On doit déplorer que, dans l’enseignement maternel et primaire, il n’y ait que très peu d’expériences à déduction scientifique. En maternelle, il n’y a que des jeux de lettres et de cubes. Au primaire, on n’a plus le temps, les locaux ne sont pas adaptés et on doit suivre les programmes.

On peut aussi se demander pourquoi, dans l’esprit des enseignants, les filles ne seraient naturellement pas bonnes dans les matières scientifiques. Les expériences menées sur l’évaluation des copies aux États-Unis puis en France montrent que, quand les copies ne sont pas anonymes, les garçons ont systématiquement de meilleures notes en maths et les filles en français, quel que soit l’enseignant et même si c’est une femme.

Cette constatation s’explique par le fait que l’on n’a jamais vraiment évoqué devant ces enseignants ce genre de problème. Ces travaux sont repris par certains d’entre eux mais ce n’est pas systématique. Quand on fait une remarque à un professeur dans la classe sur ces comportements auxquels il doit prêter attention, il trouve souvent la remarque artificielle et continue sa pratique.

Pourquoi les enseignants, hommes et femmes, ne se posent-ils pas de questions ? Probablement parce qu’il y a, en arrière-plan, l’idée que cela obligerait à opérer des distinctions. Ils appliquent le principe d’égalité républicaine et doivent sincèrement penser traiter les enfants de la même façon. Ils ne s’aperçoivent pas que s’insèrent dans leur pratique des différences, jusque dans leur manière d’interroger à l’oral. Pendant longtemps, les filles parlaient peu ; heureusement, cela a évolué et elles prennent maintenant toute leur place. Cette évolution est en corrélation avec le fait qu’elles ont, aujourd’hui, jusqu’au lycée de meilleurs résultats que les garçons. Le problème est qu’elles ne continuent pas ensuite dans les métiers scientifiques.

Quelles sont les difficultés rencontrées pour promouvoir l’égalité hommes/femmes ?

On peut faire de cette question une analyse que l’on retrouve notamment dans les conférences de l’AFAE, l’association française des administrateurs de l’éducation : les questions de mixité sexuelle sont dépassées par celles de mixité sociale.

Aux problèmes de relations filles/garçons au collège au moment de l’adolescence vient s’ajouter le souhait d’une non-mixité sociale. Il y a deux types de collèges, que l’on peut appeler, pour résumer, ceux de centre ville et ceux de ZEP, zone d’éducation prioritaire. Le problème social est devenu la préoccupation essentielle des enseignants, le milieu est devenu l’aspect dominant et, du coup, les problèmes de genre deviennent secondaires.

Les collèges en ZEP, que l’on appelle maintenant « collèges Réussite », sont un système très généreux au départ, mais qui a encore plus coupé les jeunes de ces quartiers du reste du pays. Les familles qui ne veulent pas mettre leurs enfants dans le collège de quartier, soit déménagent – pour un tiers – soit choisissent un établissement privé – ce qui est le cas d’une famille sur deux. Les professeurs ont pour souci essentiel d’amener ces enfants à un certain niveau de réussite. Leur demander de parler de la question de l’égalité, c’est ajouter une problématique supplémentaire, alors que c’est sans doute une des explications de l’échec scolaire, en particulier des garçons. Certains professeurs en sont même venus à dire qu’il faudrait que, dans ces zones, il n’y ait plus de classes mixtes. Toute une littérature prône, en effet, le retour aux classes séparées en mettant en avant le fait que l’enseignement serait plus facile. Or il faudrait en voir les résultats.

Un contre-exemple est fourni par l’enseignement professionnel et technologique au lycée. Un lycée professionnel et technologique, dit masculin, à Beauvais, proposant toutes sortes de formations – informatique, mécanique, robotique, automobile – jusqu’au BTS, a lancé une campagne d’orientation pour attirer les filles. Elles ne sont actuellement que 5 %, si bien que les garçons, eux-mêmes, considèrent que ce n’est pas bon pour eux et souhaitent qu’il y ait davantage de filles. Dans le lycée commercial de la même ville, les taux sont inversés : il y a 95 % de filles et 5 % de garçons.

Ces différences proviennent de l’image des métiers véhiculée par les familles et les enseignants. Le corps enseignant ne fait que révéler la société dans laquelle il vit.

D’autre part, les enfants de maternelle ne savent pas ce que signifie le mot « métier » ; on ne leur parle jamais de métier, on ne fait jamais référence au métier du père ou de la mère. Dans les classes de primaire ou de secondaire, les futurs enseignants répondent aux enseignants d’IUFM qu’ils ne peuvent pas en parler quand, dans leur classe, il y a de nombreux parents chômeurs. On pourrait faire venir, par exemple, un artisan, un boulanger ou organiser des visites pour que les enfants aient la notion de métier. Cela devrait être un projet transversal.

Au collège, on commence à leur parler d’orientation essentiellement en 3e – et, pour certains, dès la 4e – au cours des fameuses trois heures d’initiation à la vie professionnelle, qui ne datent que de trois ans. Un principal de collègue a estimé que cela donnait des résultats puisque les filles vont volontiers voir des métiers dits masculins et les garçons l’inverse. Cela étant, il n’a pas suffisamment de recul pour en évaluer les résultats.

Pour travailler sur les mentalités par rapport aux métiers, l’école ne doit pas être la seule à le faire. Mme Claudine Roger a expliqué qu’en Moselle, elle avait effectué un travail important avec les professionnels, c’est-à-dire les chambres de métier et les chambres de commerce. Or, les filles allaient toujours voir les métiers les plus proches d’elles, de même pour les garçons. Finalement, ce genre de manifestation s’est révélé peu efficace. En revanche, faire passer aux élèves une journée ou deux dans les entreprises et faire venir les représentants des métiers dans les classes avec un travail de fond était beaucoup plus profitable.

Se pose également le problème des conseillers d’orientation, qui sont depuis trop longtemps loin des métiers. Il faudrait que, tous les deux ou trois ans, ils passent un mois dans une entreprise, et que cela leur soit pris en compte dans leur carrière. Cela n’a pas pu être mis en place pour des raisons de moyens.

L’ensemble du personnel d’encadrement doit également être sensibilisé à l’ouverture des métiers aux femmes. Quand il y a une équipe à la tête d’un collège ou d’un lycée qui est convaincue de cette priorité, cela donne des résultats. Les lycées techniques et professionnels en sont conscients mais c’est, en fait, trop tard puisqu’ils se situent à la fin de l’orientation.

Il faudrait que la démarche soit démarrée à l’école maternelle et donc en convaincre les inspecteurs du premier degré. Or ces derniers n’ont aucune formation dans ce domaine. C’est petit à petit que certaines femmes inspectrices, sensibilisées par certaines associations, commencent à se poser des questions. Mais ces associations sont très peu nombreuses.

Enfin la sensibilisation des parents reste ce qu’il y a de plus difficile. D’une part, c’est très lent, d’autre part, c’est un effort à renouveler en permanence.

On retrouve tous les stéréotypes décrits précédemment chez les parents. Au collège, ils privilégient – surtout ceux des classes moyennes – les établissements bien tenus, c’est-à-dire où il n’y a pas de violence et où il y a encore des valeurs. C’est le refus de l’hétérogénéité. Des parents souhaiteraient qu’en 4e et 3e les classes ne soient plus mixtes. L’un des prétextes avancés est que les filles sont freinées parce que les garçons chahutent. Pour d’autres, si les garçons chahutent, c’est à cause des filles. De plus en plus d’enseignants pensent qu’il va falloir arriver à cette solution.

Si l’on revoit la question de manière historique, la mixité n’a été rendue obligatoire qu’en 1975. Comme il fallait une école primaire par commune, les petites communes ont, souvent dès la IIIe République, pratiqué la mixité par nécessité et non par réflexion. Quand elle a été imposée, elle n’a pas suscité non plus de débat. On n’a fait prendre conscience, ni aux enseignants, ni aux inspecteurs, ni aux chefs d’établissement qu’il y allait y avoir une donnée supplémentaire et qu’il faudrait en tirer les conséquences et mettre au point des pratiques nouvelles.

Un nouveau courant est apparu selon lequel les garçons se trouveraient pénalisés par le système actuel. Il est vrai que, parmi les 150 000 élèves qui sortent du système éducatif sans diplôme chaque année, il y a beaucoup plus de garçons que de filles, mais ceci ne résulte pas de la mixité. Le phénomène est bien plus complexe.

La Délégation devrait insister sur une forte prise de conscience en faveur de l’égalité professionnelle. Lors de la remise du prix scientifique décerné à des jeunes filles ayant un projet d’orientation vers un métier industriel ou technique, à la préfecture de Metz en 2000, Mme Bernadette Malgorn, alors préfet de région, avait fait venir les lauréates des dix dernières années. Parmi celles qui étaient venues, une seule travaillait dans l’industrie. Toutes les autres, ayant un emploi, étaient enseignantes et ceci pour des raisons liées à la nécessité de concilier vie familiale et professionnelle. Ce message selon lequel cette profession est adaptée aux exigences de la vie familiale se transmet de génération en génération et cet exemple montre que la conciliation entre les deux est encore la grande question.

Ce problème est particulièrement complexe et doit être pris très tôt. Il faut arriver à convaincre de son importance, non seulement les enseignants, mais également les corps de direction. Cela nécessite d’abord d’en être convaincu soi-même.

Mme Claudine Roger a, à ce propos, expliqué qu’elle avait voulu faire venir au Comité Économique et Social de Lorraine tous les jeunes qui avaient participé au concours des Olympes de la parole. Lors du débat, il était frappant de constater que les garçons prenaient la parole avec plus de virulence que les filles et ceux de seize et dix-sept ans avaient en tête le schéma décrit précédemment : il faut que les filles puissent élever les enfants et aient du temps pour gérer la maison. C’est le modèle qu’ils avaient dans leur famille et il paraît naturel. L’élément déterminant pour faire avancer la question de l’égalité est bien celui du rôle des mères.

Mme Catherine Coutelle a regretté que l’Union Chrétienne, institution ne dépendant que de Rome – c’est-à-dire sur laquelle l’évêque n’a aucune prise – ait décidé d’ouvrir cette année, dans sa circonscription de Poitiers, sans autorisation, parce que hors conventionnement, un collège privé réservé aux garçons. Il s’agit d’un retour en arrière considérable.

Les expérimentations scientifiques qui ont été évoquées faisaient partie de la pédagogie de l’éveil qui a été ensuite décriée, car considérée comme issue de mai 68. Cette pédagogie, exigeante, permettait de valoriser les élèves pourvus d’autres habiletés que les compétences auxquelles fait appel l’enseignement traditionnel. Elle mettait en jeu l’expérimentation et la déduction mais nécessitait que les maîtres y soient formés.

Mme Claudine Roger a indiqué qu’aucun texte ne l’a interdit.

Mme Catherine Coutelle a précisé que M. Bayrou, lorsqu’il était ministre de l’éducation, ne l’avait ni interdite ni prônée, et qu’ensuite, elle n’avait plus été en vogue, sans qu’effectivement un texte ne l’interdise explicitement.

Elle a ensuite rappelé que les IUFM, ont eu pour effet d’harmoniser non seulement la formation mais également les salaires : les professeurs des écoles sont maintenant rémunérés comme les professeurs certifiés. La formation est commune, avec une séparation pédagogique pour le primaire et le secondaire.

Le problème vient de ce que les universitaires qui interviennent dans les IUFM ont une formation très spécialisée. Cela a posé des problèmes pour former les professeurs, par exemple en grammaire. L’intégration complète des IUFM dans l’université cette année, coupera encore plus ces instituts des réalités du primaire et du secondaire. Cela étant, en Angleterre, au Danemark et en Espagne, les formations pédagogiques ont lieu depuis longtemps à l’université et cela fonctionne.

Mme Claudine Roger a souligné que, pour que les IUFM fonctionnent bien, il suffirait d’obliger les enseignants qui vont avoir en charge la formation, d’aller en classe, c’est-à-dire d’avoir en fait un mi-temps formation et un mi-temps terrain.

Mme Catherine Coutelle a déploré le recul actuel de l’égalité hommes/femmes. Une étude récente montre que le nombre d’enfants influe négativement sur la carrière des femmes. La révolution qu’a constituée le travail des femmes n’a pas été accompagnée socialement.

Un article de Jean Viard, directeur de recherches au CEVIPOF (Centre de Recherches Politiques de Sciences Po) montre qu’un retour à plus de travail se lit comme une mainmise du masculin sur le monde du travail. On devrait pouvoir bénéficier de temps modulable sur la durée de la vie. Quand une famille a des enfants en bas âge, on devrait laisser à la mère comme au père du temps libre, quitte à travailler plus ensuite quand les enfants sont élevés.

Puis elle a précisé qu’en tant qu’élue, elle avait négocié la loi de Robien dans une société de transport : certains chauffeurs voulaient travailler trois jours jusqu’à dix heures par jour si c’était possible, d’autres tous les matins, d’autres encore voulaient avoir des semaines courtes mais rapprochées, pour une même durée totale de travail. Ils voulaient des temps de travail modulés.

M. Ghénhaël Huet a observé que la loi de Robien permettait cette souplesse.

Mme Claudine Roger a fait remarquer que, le nombre de familles monoparentales augmentant, les femmes se retrouvent maintenant souvent chefs de famille. Lorsqu’elles préfèrent être au RMI pour pouvoir s’occuper des enfants, il en résulte une paupérisation dramatique.

L’absence de repère masculin est d’ailleurs une des causes de l’échec des garçons, ce qui est encore aggravé par le fait qu’il y a peu d’enseignants homme à l’école. Les enfants n’ont plus le cadre nécessaire dans lequel ils doivent s’opposer pour se construire.

Dans certaines familles, au contraire, le rôle des garçons est tellement affirmé qu’il arrive qu’ils insultent les professeurs femmes. Les filles qui voudraient s’en sortir se heurtent alors qui à leurs frères, qui à leur oncle, qui à leurs cousins.

M. Ghénhaël Huet a trouvé inquiétante cette demande en faveur d’un retour à la non-mixité.

Mme Claudine Roger a précisé qu’elle concerne les classes de 4e et de 3e, qui correspondent au début de l’adolescence. Certains ne demandent cette non-mixité que pour les cours de sciences : lorsqu’on met un garçon et une fille ensemble pour réaliser des expériences, le garçon fait l’expérience et la fille écrit ; d’où la conclusion qu’il faut les séparer.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à Mme Roger si on notait une démobilisation des personnes qui avaient porté jusque-là la question de l’égalité.

Mme Claudine Roger a été étonnée, dans la ville où elle a posé la question, de ne trouver aucun de ses anciens collègues en mesure de lui citer une expérience de réflexion sur ce sujet.

Mme Catherine Coutelle a le sentiment que les jeunes générations sont moins sensibles à cet aspect.

Mme Claudine Roger a expliqué que les jeunes enseignantes sont généralement envoyées dans les classes difficiles où elles sont submergées par d’autres problèmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, considère néanmoins que les jeunes femmes considèrent que tout est acquis et qu’il n’y a plus à se battre.

M. Ghénhaël Huet a demandé à Mme Roger si en tant qu’ancienne inspectrice d’académie elle ne pensait pas que l’Éducation nationale était une machine trop lourde pour traiter un problème culturel aussi fin que celui de l’égalité hommes/femmes.

Mme Claudine Roger a répondu qu’elle ne serait pas aussi catégorique : quand elle était en fonction, elle a toujours pu mener des expériences sur l’égalité hommes/femmes. Elle a ensuite observé qu’au cours de sa carrière, une quarantaine de réformes avaient eu lieu. Elles n’étaient pas toutes d’importance égale, mais avaient toutes un point commun : parvenir à un enseignement de masse en essayant d’augmenter le nombre de bacheliers jusqu’à 80 % d’une classe d’âge.

Ce qu’il faut retenir c’est que l’on doit utiliser les méthodes qui permettent aux filles et aux garçons d’avancer dans la classe. À quoi peut bien servir de vouloir inventer des méthodes si les connaissances ne sont pas acquises par les élèves ? Mme Claudine Roger a indiqué que lorsqu’elle visitait un établissement et tenait ce discours aux enseignants – et elle faisait en sorte de visiter tous les établissements et de toujours rencontrer les enseignants –, ces derniers se sentaient libérés. Il s’agit de comprendre que l’évaluation consistera dans les résultats de leurs élèves, pas seulement leurs résultats scolaires mais aussi leur orientation, leur devenir et leurs projets. À partir du moment où un enseignement réussit, le bon inspecteur voit comment cela fonctionne, voit l’esprit de la classe, les résultats des élèves et ne dit rien. Là est le fond de l’enseignement.

Le système de l’Éducation nationale donne l’impression d’être lourd car la hiérarchie semble très pesante. Pourtant il ne l’est pas au niveau du terrain. Un enseignant qui aime son métier et veut que ses élèves avancent suit bien sûr les programmes – c’est sa contrainte avec les examens – mais, pour le reste, il emploie les méthodes qu’il peut.

Un inspecteur d’académie a une fonction de gestionnaire puisqu’il lui incombe d’ouvrir ou de fermer des classes, de créer des postes. Néanmoins il faut toujours qu’il y ait un projet en face, que les ouvertures ou les fermetures de postes soient motivées.

Mme Catherine Coutelle a souligné que la promotion de l’égalité hommes/femmes relève du comportement des personnes. Une convention interministérielle n’a pas le pouvoir, à elle seule, de modifier celui-ci.

Mme Claudine Roger a répondu qu’il ne faut pas attaquer ce problème seulement au sein du système éducatif. Un travail doit également être fait en direction des entreprises. Quand des filles sont orientées dans le secteur du bâtiment, par exemple, il y a rarement un vestiaire ou des toilettes pour femmes. Il faut un minimum d’aménagement.

M. Ghénhaël Huet a observé que de plus en plus de place est donnée aux spécialistes, aux experts, au point que les politiques ont parfois du mal à s’exprimer face à ces derniers ! L’enseignement dispensé dans les établissements scolaires est lui-même parcellisé. Il est dès lors difficile d’attaquer un problème d’ordre général, relevant des comportements comme la question de l’égalité hommes/femmes, qui demande un certain recul.

Mme Claudine Roger a considéré qu’il y a des points nodaux dans le système éducatif sur lesquels on peut agir : certains responsables ont une vue plus globale sur celui-ci et c’est eux qu’il faudrait mobiliser beaucoup plus sur la question de l’égalité.

Un inspecteur d’académie travaille en permanence avec le recteur, le préfet et le président du conseil général, ce qui limite parfois son action. Il a beaucoup moins de possibilités, par exemple, qu’un proviseur.

Mme Catherine Coutelle a ajouté que le métier d’enseignant est resté trop individualiste. Les enseignants sont peu enclins au travail d’équipe et se méfient du regard d’un autre adulte sur sa classe. Quand de jeunes enseignants rencontrent un problème dans une classe, ils n’en font jamais part – à moins de trouver un chef d’établissement compréhensif. Ils se disent que si les autres réussissant et si eux ont des problèmes, c’est qu’ils sont mauvais.

M. Ghénhaël Huet a fait remarquer que c’est une contrepartie négative de la liberté pédagogique.

Mme Claudine Roger a souligné qu’il n’est à aucun moment appris aux élèves à travailler en équipe, alors qu’au Canada, ils sont jugés là-dessus. Les TPE – travaux pratiques encadrés – étaient une bonne chose. Il faudrait toujours procéder à des évaluations avant de décider du sort d’une méthode.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Roger.