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Compte rendu Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 1er avril 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann Présidente

• Audition de Mme Joëlle Le Morzellec, chef de la mission parité à la direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche 2

• Audition de Mme Agnès Netter, responsable de la mission pour la place des femmes au CNRS 7

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mme Joëlle Le Morzellec, chef de la mission parité à la direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Joëlle le Morzellec a précisé qu’elle était statutairement rattachée directement au Directeur général de la recherche et de l’innovation, au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais qu’elle avait compétence sur l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. La Mission pour la parité s’appuie sur un réseau de « correspondants parité » présents dans les organismes de recherche publique ainsi que dans la majorité des universités. Le réseau universitaire est animé par Mme le Professeur Armelle Le Bras-Chopard, et le réseau de correspondants parité à l’intérieur des organismes de recherche par Mme Marie-Josèphe Robert-Lamar, maître de conférences. Deux autres personnes renforcent la Mission : l’une venant d’un organisme de recherche et l’autre étant une jeune femme maître de conférences en littérature anglaise, chargée de suivre plus particulièrement les questions européennes et internationales. Au total, la Mission comprend désormais cinq personnes, dont une secrétaire.

Mme Joëlle le Morzellec a ensuite mis en avant les différences d’orientation entre étudiants et étudiantes.

Le pourcentage de filles en Terminale S est de 46 % mais il chute à 32 % à l’université, en premier cycle de « sciences et structure de la matière », tandis qu’il atteint 60 % dans les filières touchant aux sciences de la vie et à la santé. Dans les classes préparatoires scientifiques, les filles ne sont que 28 % et seulement 23 % dans les écoles d’ingénieurs.

Pour la rentrée prochaine, le ministre de l’éducation nationale a donné comme directive aux proviseurs de faire passer en classes préparatoires systématiquement entre 5 et 15 % d’élèves de bon niveau, parmi lesquels il y aura nécessairement des filles. En effet, à la fin du deuxième trimestre de Terminale, les proviseurs peuvent, après le conseil de classe, suggérer aux élèves concernés et à leur famille d’entrer en classe préparatoire. C’est une démarche incitative à la fois en termes d’ascension sociale et pour la formation de nouveaux scientifiques. La France, comme tous les pays du monde, va connaître une pénurie de chercheurs et d’ingénieurs, avec le départ en retraite de la génération du baby boom. Or, on assiste à une désaffection généralisée à l’égard des sciences fondamentales – mathématiques, physique, chimie. En effet, les jeunes sont rebutés par l’idée de travailler enfermés dans un laboratoire pour – du moins en France – des rémunérations qui ne sont pas extraordinaires. Les femmes devraient donc logiquement accéder à un certain nombre de postes.

On pense généralement que, dans l’enseignement supérieur, les femmes sont nombreuses dans les filières littéraires. C’est le cas pour les maîtres de conférences mais pas pour les professeurs. Toutes disciplines confondues, il n’y a que 17 % de femmes professeurs. Dans la recherche, les femmes sont plus nombreuses – 32 % – dans le secteur public que dans le secteur privé : 20,5 %. Cela tient d’abord au fait que les hommes n’ont pas vraiment bien accueilli les femmes dans les réseaux de chercheurs. Leur façon de travailler, souvent tard le soir, entre en conflit avec la vie familiale. On retrouve d’ailleurs la même tendance dans la haute fonction publique. En outre, les femmes s’auto-censurent et ne postulent pas à certains postes. Enfin, on sait que la période entre trente et quarante ans, où se font les grands choix professionnels, est aussi celle de la maternité.

La Mission pour la parité a pour tâche d’examiner la place des femmes dans les domaines de la recherche et de l’enseignement supérieur et de proposer toutes mesures tendant à remédier aux déséquilibres constatés, notamment dans le déroulement des carrières et dans l’accès aux fonctions de responsabilité. Elle mène des actions pour inciter les jeunes filles à s’orienter vers les études et les carrières scientifiques et veille à ce que la question du genre soit prise en compte.

Un point de la situation des femmes dans l’enseignement supérieur a été publié en novembre 2007. Au cours des dix dernières années, le taux de féminisation a progressé lentement pour atteindre 17,9 % chez les professeurs et 40,4 % chez les maîtres de conférences, soit une augmentation de l’ordre de 5%. Ce taux est plus élevé en lettres et en pharmacie qu’en sciences, droit et médecine. Par ailleurs, chez les maîtres de conférences, dans la tranche d’âge 30-39 ans, les femmes sont devenues majoritaires en droit, en lettres et dans les disciplines de santé. On note aussi certains renversements de tendance. Lorsque l’informatique est née, beaucoup de femmes se sont lancées dans cette nouvelle discipline. Par la suite, parce qu’on ne leur a pas laissé une place suffisante, elles s’en sont retirées.

On parle souvent de stéréotypes quand on compare les comportements masculins et féminins : tout petit, l’enfant adopte des attitudes qui, sans qu’elles soient innées, se remarquent au sein de la famille et de l’école, et poussent les adultes à faire jouer les petits garçons avec des camions et les petites filles avec une dînette.

Mettant à profit son expérience de recteur en Martinique, Mme le Morzellec a observé qu’en métropole, la plupart des professeurs des écoles sont des femmes et que les hommes, considérant cette profession comme dévalorisée, ne s’y engagent plus. Dans les départements d’outre-mer, au contraire, ce métier permet d’être fonctionnaire. Les hommes se présentent donc encore beaucoup plus massivement au concours que les femmes et la plupart des directeurs d’école primaire sont des hommes. La fonction éducative, qui permet d’accéder au savoir et de monter dans la hiérarchie sociale, y fait encore l’objet de beaucoup de considération.

Lorsqu’un métier se féminise, il perd de son intérêt aux yeux des hommes, qui le délaissent. Aussi, féminiser les noms de métiers revient à les stigmatiser, alors que le neutre fonctionnel attache plus de valeur à la fonction qu’à la personne qui l’occupe.

En 2006, à la suite des nominations intervenues au CNRS qui ont attribué les postes de responsabilité uniquement à des hommes – Mme Zimmermann était d’ailleurs intervenue à cette occasion – le ministre François Goulard a créé un comité pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche, chargé de formuler des propositions.

Désormais, les contrats quadriennaux conclus entre l’État et les universités comportent un volet relatif à la politique de la parité menée par celles-ci. Au moment de la signature du contrat, un certain nombre d’objectifs avec des indicateurs doivent être affichés : l’université peut s’engager, par exemple, à recruter un certain nombre de femmes aux postes de maîtres de conférences ou professeurs et, inversement, à embaucher des hommes comme personnels administratifs – ces postes étant traditionnellement occupés par des femmes – afin de parvenir à une réelle égalité professionnelle au sein du monde universitaire. Cette obligation a fait l’objet d’une note du directeur de cabinet. Elle figure maintenant dans les contrats, en particulier ceux de la vague D sur lesquels le ministère travaille actuellement, les 84 universités françaises étant divisées en quatre vagues de contrats : A, B, C, D. Au bout des quatre ans de la durée du contrat, les universités seront évaluées sur la politique qu’elles auront ou non menée et sur les résultats obtenus. Leur budget en tiendra compte, c’est une avancée importante.

Désormais, la Direction générale de la recherche et de l’innovation, qui accorde des subventions aux colloques scientifiques, demande systématiquement aux organisateurs le nom des femmes présentes dans le comité d’organisation, dans le comité scientifique, et parmi les intervenants. La subvention accordée est modulée en fonction de ces trois critères. C’est un acquis important de la Mission. Le vivier des femmes scientifiques étant bien inférieur à celui des hommes dans certaines disciplines, il faut les « faire voir » et les aider à gravir les échelons.

La volonté de mettre en lumière des carrières exemplaires de femmes, qui allient excellence et dynamisme au quotidien, a conduit également à compléter les prix déjà existants.

Créé par le ministère de la recherche et des nouvelles technologies en 2001 et bénéficiant, depuis 2004, de l’appui de la Fondation d’entreprise EADS, le grand prix Irène Joliot-Curie est accordé chaque année. Le prix de « la femme scientifique de l’année » récompense une femme dont la carrière est déjà bien avancée et qui a produit de nombreuses publications. Le prix de « la jeune femme scientifique » met à l’honneur une jeune femme qui a soutenu sa thèse, commencé à publier et qui s’engage dans un créneau qui semble porteur où elle a déjà un certain rayonnement. Le « parcours femme entreprise » est décerné aux femmes qui ont fait une école d’ingénieur et ont pu monter leur société et créer des emplois. Ils ont été complétés par un quatrième prix appelé « mentorat », du mot latin désignant le tuteur. Il récompense une personne physique ou morale qui a accompagné des jeunes femmes, soit en début de carrière, soit pour passer des étapes et prendre des responsabilités. Il peut aller à un professeur d’université qui, au-delà du simple accompagnement de ses thésards, les aide à franchir des étapes et à entrer dans la vie professionnelle, ou bien à une association telle celle de femmes cadres de GDF qui aident les plus jeunes à franchir les échelons et qui a été récompensée en 2006.

L’année dernière, la Mission pour la parité a fait créer un nouveau prix appelé « Avenirs d’outre-mer », afin d’aider les jeunes filles qui en sont originaires et ont suivi des études scientifiques en métropole sur des thèmes compatibles avec un emploi dans leur région d’origine, à y retourner pour faire carrière. Ce prix est organisé en partenariat avec la Financière OCEOR, filiale de la Caisse d’Épargne. La lauréate 2007 est une jeune Réunionnaise, qui a intégré l’Institut de formation des ingénieurs forestiers et qui a un projet en relation avec le nouveau parc naturel de la Réunion qui vient d’être créé.

Les jeunes femmes récompensées par ces prix méritent d’être aidées. De fait, elles perçoivent 10 000 euros ; somme fractionnée, pour le Prix « Avenirs d’Outre-Mer » au long de la durée d’exécution du projet.

En 2007, Valérie Pécresse s’est fortement impliquée dans les élections et les nominations au Conseil national des universités et on y constate une nette progression des femmes par rapport à 2003. Elles représentent à présent 41,3 % des membres du CNU, tous collèges et disciplines confondus. Or, en dehors des juristes, des économistes, et des gestionnaires qui ont une agrégation d’enseignement supérieur, tous les autres postulants enseignants doivent passer une habilitation à diriger les recherches après leur doctorat et être qualifiés par le CNU pour pouvoir devenir professeur. La proportion de femmes dans le collège des professeurs est passée entre 2003 et 2007, de 25 % à 33 % et, parmi les maîtres de conférences, de 45 % à 49 %, toutes disciplines confondues.

Il ne s’agit évidemment pas de promouvoir des femmes qui n’en auraient pas la capacité : les actions menées visent à repérer et à promouvoir des femmes disposant de toutes les compétences requises.

Les jeunes filles représentent 60 % des étudiants dans les disciplines littéraires et le secteur de la santé ; mais elles sont beaucoup moins présentes en mathématiques, physique et chimie, informatique ainsi que dans certaines sciences de la communication. Pourquoi se dirigent-elles moins vers les mathématiques et les autres disciplines fondamentales ? Ces disciplines seraient-elles trop abstraites, comme la philosophie où il y a moins de femmes que dans d’autres sciences littéraires ? Nul ne le sait, mais on note une différence très forte avec les sciences expérimentales. Les femmes ont une attirance pour tout ce qui est plus tactile, expérimental, vivant et qui touche à la personne. Un mathématicien qui enseigne maintenant l’histoire des sciences à Paris VIII, Denis Guedj, a écrit un livre intitulé Les mathématiques expliquées à mes filles où il tente de comprendre les rapports qu’elles entretiennent avec cette discipline.

Concernant les filles, le mot « auto-censure » apparaît souvent. Parce qu’elles sont brillantes, elles vont en Terminale S comme les garçons et l’on s’étonne qu’elles ne poursuivent pas ensuite dans la voie scientifique. Il faut bien voir que, si la Terminale S donne des compétences en maths, physique, chimie et autres, elle est surtout une filière d’excellence permettant de postuler partout. Si elle est la voie à emprunter pour aller vers les grandes écoles scientifiques, de nombreux titulaires du baccalauréat S s’orientent ensuite vers d’autres voies : écoles de commerce, Science Po. C’est pour réagir à cela que le ministre de l’éducation nationale a voulu revitaliser la section littéraire du baccalauréat. Pendant longtemps, les études touchant à la psychologie avaient pour seuls débouchés des postes de psychologues cliniciens et de conseillers d’information et d’orientation dans l’Éducation nationale. Les services de ressources humaines des entreprises recherchent maintenant les compétences des psychologues pour les recrutements et les promotions. Une certaine prise en compte de la personne fait que les entreprises hésitent moins à recruter un jeune qui a fait des études littéraires à l’université. Le ministre a saisi une opportunité et permis une avancée importante.

Un point est sûr : les femmes sont peu sûres d’elles et sont trop modestes. Elles savent que, à cursus égal, il leur faudra fournir le double de preuves qu’un homme de leurs capacités à occuper tel ou tel poste et cela les dissuade de postuler.

C’est par la famille qu’il faut commencer pour espérer changer les mentalités. Certes, dans les milieux aisés, une jeune fille fera des études et sera orientée selon ses qualités propres. Mais, dans les milieux moins favorisés, les archétypes sur les métiers et la notion de hiérarchie semblent insurmontables. La croyance qu’une femme ne peut pas atteindre tel type de poste empêchera une fille de se lancer dans certains types d’études. Il est, en revanche, des professions, comme celle de médecin, qui sont une reconnaissance sociale pour des parents de situation moyenne ou défavorisée. En fait, un grand nombre de non-dits jouent encore au moment de l’orientation.

Recteur de l’académie de Rouen de 1993 à 1996, Mme le Morzellec se souvient de l’émoi qu’a suscité la demande d’une fille qui voulait obtenir un diplôme de carrosserie automobile. Des idées fausses persistent sur de nombreux métiers qui sont devenus beaucoup plus faciles grâce aux machines à commande numérique, par exemple. Une femme disposant des compétences techniques peut parfaitement les occuper. Au Havre comme à la Martinique, les classes professionnelles de charpentier de marine sont tout à fait accessibles aux filles. Les femmes ont leur place à tous les niveaux et dans tous les métiers, dès lors qu’on leur permet d’acquérir les qualifications professionnelles, universitaires ou scientifiques nécessaires.

Lors de la dernière Journée des femmes, il a été décidé de réactiver le comité créé par M. Goulard. Mme Valérie Pécresse lui a confié de nouvelles missions et lui a notamment demandé de travailler avec Lionel Collet, président de l’Université Claude Bernard Lyon 1. La Charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes de cette université permet aux femmes revenant de congé de maternité de n’effectuer que la moitié de leur service. C’est une avancée considérable. Le principe d’une réflexion pour la création d’une charte nationale, en lien avec la Conférence des présidents d’université, a été arrêté. Mme Valérie Pécresse a également demandé à Mme Marie-Laure Pileni, physicienne et chimiste et administrateur actuel de l’Institut universitaire de France, de constituer un comité pour la reconnaissance de la place de la femme dans l’enseignement supérieur et la recherche.

On peut se réjouir que l’éducation nationale ait chargé quelqu’un de travailler à ces questions d’égalité. Il s’agit de Mme Anne Rebeyrol avec laquelle un travail en lien étroit s’est établi : on ne peut en effet séparer enseignement secondaire et enseignement supérieur. Il est important que les Centres d’information et d’orientation donnent aux jeunes des informations sur les métiers où des postes seront disponibles au cours des prochaines années, afin de leur permettre d’orienter leurs études en conséquence.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que la notion d’égalité des chances occulte souvent celle d’égalité entre les hommes et les femmes. En outre, il ne faut pas confondre diversité avec égalité, la notion de diversité englobant les hommes et des femmes. Il ne faut pas que l’égalité des chances chapeaute la parité. C’est une distinction difficile à faire comprendre.

Mme Joëlle le Morzellec a convenu que l’égalité des chances est vue aussi bien sous l’angle de la diversité que sous celui de parité. Mais tout dépend de la mission confiée et même de la politique rectorale : à Toulouse, par exemple, une personne s’occupe plus spécifiquement de l’égalité filles-garçons auprès du délégué égalité des chances.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité savoir quelles sont les actions qui peuvent être engagées à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne ?

Mme Joëlle le Morzellec a indiqué que l’on pourrait, retenir une candidate européenne dans l’une des catégories du prix Irène Joliot-Curie. Un prix a été décerné une année à une astronome italienne, qui était à la fois une scientifique remarquable et une femme épanouie. Dans le clip sur chacune des lauréates projeté lors de la remise du prix on les voit aussi bien dans leur milieu de travail que dans le cadre de milieu familial et celui de leur passe temps préféré. Cela forme un tout.

La Mission s’associera à la table ronde sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes organisée les 13 et 14 novembre par le Service des droits des femmes et de l’égalité avec lequel des actions en commun sont souvent organisées.

La Mission participera également à la réunion des femmes ingénieurs européennes du 14 au 18 juillet et en subventionnera une partie. Elle travaille beaucoup avec les différentes associations de femmes scientifiques, en particulier « Femmes et mathématiques », « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs » ; mais aussi avec beaucoup d’autres qui s’intéressent à la promotion des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme le Morzellec.

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La Délégation a ensuite entendu Mme Agnès Netter, chargée de mission pour la place des femmes au CNRS.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Agnès Netter, directrice de la Mission pour la place des femmes au CNRS.

À la tête de cette mission depuis septembre 2007, Mme Agnès Netter a précisé qu’elle avait succédé à Geneviève Hatet-Najar qui a conduit la mission depuis son origine, accomplissant un travail considérable pour la faire reconnaître à l’extérieur. En interne, le constat est plus nuancé, car elle ne pouvait mener les deux combats de front. On était arrivé à un paradoxe : la mission a mené des actions très importantes de sensibilisation et de communication qui ont contribué à faire émerger la thématique et à faire prendre conscience de la question de l’égalité des femmes et des hommes mais au sein du CNRS, l’impact de son action a été plus faible : la question de la place des femmes a été insuffisamment prise en compte dans l’ensemble de la stratégie de l’Établissement.

De ce fait, l’objectif est aujourd’hui d’inscrire la thématique du genre dans tous les axes d’action de l’établissement et d’agir en partenariat avec les responsables fonctionnels.

Le CNRS dispose de données chiffrées et d’indicateurs qui lui permettent de connaître précisément la place des femmes dans l’établissement et d’analyser son évolution.

Fin décembre 2006, le CNRS comptaient un peu plus de 26 000 personnes, dont 42,7 % de femmes. Celles-ci représentaient 31,5 % des 11 641 chercheurs et 51,8 % des 14 437 ingénieurs et techniciens.

Mais l’examen attentif de la répartition hiérarchique révèle des taux de féminisation très variables selon les corps et les grades.

Parmi les chercheurs, les femmes représentent 33,5 % des chargés de recherche de 2ème classe, 38,1 % des chargés de recherche de 1ère classe, 26 % des directeurs de recherche de 2ème classe, 13,4 % des directeurs de recherche de 1ère classe et seulement 12,7 %, des directeurs de recherche de classe exceptionnelle – soit 16 femmes pour 110 hommes. Alors que 42,9 % des ingénieurs sont des femmes, elles représentent 66 % des techniciens. Plus les fonctions sont élevées et moins les femmes sont représentées.

De même, les femmes sont inégalement représentées selon les disciplines :

– 43,6 % de chercheuses en Sciences de l’homme et de la société,

– 39,3 % en Sciences de la vie,

– 31 % en chimie,

– 26,3 % en Sciences de l’univers,

– 19,2 % en Sciences pour l’ingénieur,

– 19,9 % en Sciences et technologies de l’information et de la communication,

– 17,8 % en physique,

– 16,9 % en mathématiques.

Les femmes représentent 38 % des ingénieurs et techniciens métiers en appui direct à la recherche, et 63 % dans les métiers qui assurent le fonctionnement de la recherche ou son administration.

Malgré les efforts consentis, les évolutions sont très lentes.

La proportion de femmes recrutées en tant que chercheures (CR2) au CNRS décroît depuis 2002 alors qu’elle avait régulièrement augmenté à partir de 1994. Parallèlement, l’écart augmente entre la proportion de femmes parmi les candidats et la proportion de femmes parmi les lauréats. L’avantage masculin au recrutement est de 1,26 en 2007, contre 1,02 en 1994.

Par ailleurs, en matière de plafond de verre (passage Chargé de recherche à Directeur de recherche), si la parité est presque atteinte en mathématiques, il est loin d’en aller de même dans les autres disciplines. Pour les promotions de chercheurs en tant que directeurs de recherche, l’avantage masculin est de 1,55, le même qu’en 1987. Il est de 1,8 en sciences et technologie de l’information.

S’agissant des postes de direction, le CNRS compte deux femmes et six hommes directeurs scientifiques, et douze femmes pour trente-et-un hommes directeurs scientifiques adjoints. Les femmes représentent 27 % des postes de direction – contre 12 % en 2006.

Ces statistiques montrent qu’il faut faire en sorte que l’ensemble des acteurs du CNRS, départements scientifiques et directions fonctionnelles, intègre la thématique de la parité et qu’elle leur devienne naturelle.

Quatre personnes travaillent aujourd’hui au sein de la Mission ; son rattachement à la direction générale lui donne plus de poids pour promouvoir des actions en faveur de la parité.

Des groupes de réflexion vont être chargés, à partir d’indicateurs et d’analyses fournies par la Mission, de réfléchir sur l’égalité professionnelle au CNRS à partir de thèmes déterminés d’avance, et de faire des propositions concrètes qui seront ensuite négociées selon les procédures de concertation existantes. Un calendrier très resserré a été proposé à la Direction générale. Il est surtout destiné à montrer la cohérence de la démarche. Lier cette action au contrat quadriennal de l’établissement pourrait être un objectif.

Il est cependant peu probable que l’on ira jusqu’à la mise en place de quotas, car le monde du CNRS est trop éclaté et trop complexe. En revanche, des indicatifs et des objectifs forts par discipline sont nécessaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que la loi sur la parité avait permis, pour les villes de plus de 3500 habitants, de passer à 47 % de femmes dans les conseils municipaux en 2001.

Mme Agnès Netter a observé que jusqu’ici au CNRS malgré une forte volonté politique, et comme le montrent les statistiques présentées ci-dessus, peu de progrès ont été réalisés. Cette situation ne pourra s’améliorer sans une farouche détermination de la direction, mais une certaine stabilité est également nécessaire. Or, l’établissement a connu des crises, qui n’ont pas joué en faveur des femmes. Par ailleurs la proportion de femmes peut varier considérablement d’une discipline à l’autre et le rôle de la mission est justement de s’interroger sur la politique à conduire. Ainsi, les mathématiques comptent peu de femmes – 17 % environ. Le CNRS aura donc plus de mal à recruter des femmes dans cette matière car le vivier de recrutement est faible. En revanche, les sciences humaines et sociales comptent 43 % de femmes, mais l’on ne retrouve pas ce pourcentage en matière de promotion.

Depuis plusieurs années des formations sont menées pour faire prendre conscience de la problématique homme/ femme et sensibiliser les acteurs du CNRS au niveau régional. Une enquête conduite en lien avec la Direction des ressources humaines permettra de dresser un état des lieux des pratiques, qui servira de base à une unification et à une révision, si nécessaire, des procédures et à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques.

Un premier groupe se réunira dès l’automne sur le thème du recrutement – comment assurer une plus grande place aux femmes, sachant que le vivier de doctorantes et de post-doctorantes avoisine les 28 % ? Comment inciter les femmes à se présenter aux concours ? Une fois le groupe en possession d’indicateurs par rapport au « vivier » de femmes et ses propositions rendues, il pourrait être fait, après négociation avec les partenaires sociaux, une série de recommandations, dont la demande faite par la Direction Générale aux présidents de jury de concours de rédiger un rapport sexué sur le recrutement.

Ce groupe de travail devra également se pencher sur les affectations afin d’assurer une plus grande mixité dans les équipes.

Par cette démarche, il s’agit pour la communauté scientifique de se réapproprier cette thématique dans un monde de chercheurs qui reste encore essentiellement masculin.

Certes, le Gouvernement pourrait fixer des quotas en sciences, mais l’excellence requise au CNRS s’accommoderait mal d’une telle politique. Au regard de l’avantage masculin d’1/8, qui est de 1,55 pour les promotions de chargés de recherche en tant que directeurs de recherche, fixer des quotas est difficile si le potentiel n’existe pas. On sait par ailleurs que, quand les promotions sont moindres, les hommes passent en premier. Les possibilités ouvertes par la LOLF, en permettant aux organismes publics de décider du nombre de promotions devraient permettre de progresser sur cette question.

Au total, il apparaît que la prise de conscience en interne peut donner de meilleurs résultats qu’un passage en force.

Le comité national compte 31 % de femmes parmi les membres des sections, 21 % parmi les élus, 11 % parmi les nommés, et 7,5 % parmi les présidents de section. Le comité étant en phase de renouvellement, une lettre récapitulant les indicateurs 2005 du CNRS, mais également les indicateurs du ministère et les indicateurs européens, a été envoyée aux responsables des élections pour les sensibiliser et leur demander d’en tenir compte.

Le Comité scientifique compte un tiers de femmes.

Et hormis la présidente, aucune femme, nommée ou élue, ne siège au conseil d’administration.

Le bilan reste donc contrasté. Pourtant, dès 2001, le CNRS, conscient de l’évolution de la société, a mené des actions qui auraient pu aboutir à de meilleurs résultats s’il n’avait pas traversé des crises. En avril 2001, la directrice générale a créé et présidé un comité de pilotage « Disciplines, métiers, carrières et genre. La place des femmes au CNRS », chargé de promouvoir la place des femmes, de veiller à la cohérence des actions entreprises, de coordonner leurs conduites et d’en évaluer les résultats. En juillet 2001, une structure opérationnelle « la mission pour la place des femmes au CNRS a été créée ». En septembre 2001 le colloque « Femmes, Hommes et Sciences : agir pour l’égalité », organisé en partenariat avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, a permis de « rechercher les moyens de faire évoluer les comportements au quotidien, étudier les pratiques des institutions étrangères et recenser les actions visant à récupérer les talents perdus ». Enfin, en mars 2003, les ministres en charge de la parité et de la recherche ont signé avec la directrice générale du CNRS l’accord cadre de coopération sur la parité dans les sciences.

Les axes de travail ont été :

– le soutien aux laboratoires et aux équipes qui travaillaient sur le genre. Le CNRS a ainsi participé à la création de l’institut Émilie du Châtelet ;

– la réalisation d’études internes pour identifier les verrous bloquant la carrière des femmes. Une étude comparative a été lancée sur les actions menées aux États-Unis pour promouvoir l’accès des femmes au savoir et aux métiers scientifiques et techniques ;

– des actions de sensibilisation pour inciter les jeunes filles à s’engager dans les métiers scientifiques et pour lutter contre les stéréotypes : actions de valorisation de la place des femmes dans les sciences – publication d’ouvrages, participation à des expositions, production de DVD, participation à tous les prix qui ont été créés ;

– des actions de communication en direction des jeunes à travers des conférences dans les établissements scolaires autour de l’outil pédagogique « Physique de femmes ».

La Mission est reconnue dans les réseaux, aussi bien en France, sur le plan national comme régional, qu’en Europe.

En janvier 2008, la résolution a été prise de poursuivre la démarche visant à intégrer la dimension du genre dans tous les axes de développement de l’établissement et de suivre la mise en œuvre de cette politique.

La mission a aussi pour objectif de remplir un rôle de veille et d’analyse des données sexuées internes et externes à l’établissement. Il a été décidé de s’informer de l’état d’avancement des recherches sur le genre et mettre en lien les acteurs de ces recherches.

La Mission s’est positionnée au sein du réseau européen d’acteurs institutionnels ou associatifs oeuvrant sur la problématique « femmes et sciences ». En 2008, elle renforcera ses liens avec la Direction des Affaires européennes du CNRS afin que la thématique du genre soit prise en compte dans la politique européenne de l’établissement par l’élaboration d’un certain nombre de documents à l’usage tant des ingénieurs projets européens (IPE) afin de préciser les attentes de la Commission européenne en matière d’intégration du genre dans les projets de recherche et d’aider les laboratoires à rédiger leur proposition, que de l’administration, des unités et des chercheurs afin de les sensibiliser à cette problématique.

L’exposition « Physique de femmes » est devenue un vecteur de sensibilisation aux métiers scientifiques et de communication à l’usage de publics à l’étranger, notamment au Québec où la Mission a aussi mené un partenariat avec le Ministère de l’Éducation autour du concours « Chapeau les filles ! ». En 2008, le CNRS accueillera deux lauréates de ce concours en stage dans l’un de ses laboratoires.

Il est également prévu, en octobre 2008 et mars 2009, un partenariat avec les Alliances françaises, une tournée de l’exposition à Washington accompagnée de conférences au sein d’établissements scolaires américains et en direction du public des Alliances françaises. Parallèlement, un DVD à vocation pédagogique présentant sous forme d’interview la carrière de trois des physiciennes viendra renforcer la sensibilisation des jeunes aux métiers de la physique.

Mme Agnès Netter a conclu son propos par une note d’optimisme : au final, les gens se réapproprient plus facilement la problématique qu’elle ne l’aurait pensé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est montrée pour sa part sceptique, les multiples actions de sensibilisations précédemment menées n’ayant pas donné de résultats probants.

Mme Agnès Netter a insisté sur la nécessité de mener une politique, cohérente, qui traite de cette problématique depuis la maternelle. Les enseignants doivent être formés en ce sens. Les organismes de recherche doivent également y participer, par exemple en recevant des élèves en stage. Il faut lancer des actions qui s’inscrivent dans le temps et s’appuyer sur la législation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Agnès Netter.