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Compte rendu Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 17 décembre 2008

Séance de 11 h 30

Compte rendu n° 9

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

•  Audition de Mme Sophie de Menthon, présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance) 2

La Délégation a procédé à l’audition sur l’accès des femmes aux responsabilités sociales et professionnelles de Mme Sophie de Menthon, présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance)

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je souhaite la bienvenue à Mme Sophie de Menthon, présidente du mouvement ETHIC, Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance.

Nous avons choisi de traiter un thème en relation directe avec la réforme constitutionnelle qui ouvre la possibilité de favoriser l’accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales en légiférant pour que les femmes soient davantage présentes au sein des conseils d’administration, des syndicats ou des conseils de prud’hommes. L’accès aux postes de responsabilité est essentiel pour faire évoluer les modes de fonctionnement de l’entreprise.

Mme Sophie de Menthon. Pour notre part, nous souhaitions faire inscrire la liberté d’entreprendre dans le préambule de la Constitution aussi afin de promouvoir la diversité. La liberté d’entreprendre ne doit plus être perçue par les jeunes des banlieues, par les populations défavorisées comme n’étant pas faite pour eux. Les mots « entreprendre » ou « entreprise » n’apparaissent nulle part. Il est pourtant important d’affirmer qu’entreprendre est à la portée de chacun.

J’en viens au mouvement que je préside. ETHIC regroupe des entreprises allant de la petite structure de quelques salariés jusqu’à trois groupes du CAC 40, dont Total. Il n’est de richesses que d’hommes : nous nous fondons sur l’être humain. Nous nous battons pour une nouvelle éthique du capitalisme depuis deux ans et nous allons tenir un forum mondial sur le sujet. Nous avons également lancé la Fête des entreprises : « J’aime ma boîte », il y a six ans. Cette année, elle a pour thème : les femmes comme lien social des entreprises. Le supplément d’âme apporté par les femmes dans les entreprises est devenu un facteur fondamental du bien-être des salariés alors que c’était encore un gadget il y a six ou sept ans. Je partage donc votre préoccupation.

Les lois doivent être respectées quand elles existent mais ne doivent pas non plus être pléthoriques, en particulier pour ce qui concerne les entreprises. Je ferais toutefois une exception : je serais partisan d’une loi obligeant à la présence des femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Le taux de 20 % me semble très adapté pour les entreprises du SBF 120, c’est-à-dire pour un establishment économique impénétrable, qui se caractérise par une consanguinité préjudiciable à la cause des entreprises. L’objectif consiste à instaurer plus d’éthique dans les entreprises, à y créer une ouverture, à y mettre en place une pensée différente et non à promouvoir les femmes en tant que telle. En revanche, ne légiférons par pour les entreprises à taille humaine, car ce sont celles où les femmes sont les plus présentes.

Je me suis beaucoup exprimée sur le sujet, notamment dans un ouvrage intitulé Femme d’affaires, affaires de femme, même si j’appartiens à un mouvement d’hommes et j’ai été élue par des hommes – seuls 2% des chefs d’entreprise du mouvement ETHIC sont des femmes.

Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais constaté de solidarité, de promotion des femmes entre elles et à la limite, il serait plus intéressant que des hommes se mobilisent en faveur de cette cause.

Mme la présidente. Les lois sont votées par des hommes et des femmes. La seule mobilisation des hommes aurait été suffisante pour instaurer la parité en politique.

Il faut savoir que, en Norvège, c’est une loi qui a prévu que toute entreprise dont le conseil d’administration ne comporte pas 40 % de femmes sera dissoute le 1er janvier 2009 – et les chefs d’entreprise paraissent satisfaits de ce texte.

Il est vrai que les textes doivent être appliquées. Une enquête du Sénat a montré que 70 % des entreprises ignorent la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mme Sophie de Menthon. Le patronat n’est pas seul responsable, les syndicats sont extrêmement machistes.

À propos des syndicats, j’ouvre une parenthèse pour vous signaler que, dans ma propre entreprise – depuis je l’ai vendue –, j’ai eu un procès avec une salariée voilée qui s’est syndiquée dès que j’ai voulu m’en séparer. Quand j’ai demandé au syndicat comment il pouvait admettre des femmes voilées au sein d’un syndicat laïque et républicain qui défend l’égalité des sexes, je n’ai pas eu de réponse. L’intéressée a été licenciée de mon entreprise avec l’autorisation de l’inspecteur du travail mais a été réintégrée par une décision ministérielle d’Elisabeth Guigou. Depuis, elle est toujours voilée et est payée pour venir deux fois par an dans l’entreprise …

Certes, nul n’est sensé ignorer les lois, mais il y a en a tellement que personne ne les connaît ; donc, elles ne sont pas respectées. Dans les PME, tout le monde se moque de la parité, à commencer par les femmes. Sauf exception, les femmes cadres se montrent individualistes et raisonnent d’abord en fonction de leur carrière.

Les statistiques de l’INSEE montrent que les femmes sont moins payées que les hommes. Cette inégalité provient aussi du fait que les secteurs d’activité où les femmes sont les plus nombreuses ont des salaires inférieurs à la moyenne.

Au-delà, il y a une réalité : le chef d’entreprise qui recrute n’a pas l’intention de payer moins une femme, d’autant que la loi prévoit à travail égal, salaire égal, mais, une femme cadre, c’est-à-dire d’une femme qui a pu être conduite à cesser son activité pendant un certain temps avec pour conséquence des distorsions de salaires avec les hommes, demandera une rémunération en fonction de sa compétence et de ce qu’elle percevait auparavant. Pas un chef d’entreprise ne dira à une femme – surtout en période de crise économique – que ce qu’elle demande est de 20% inférieur à ce que demande un homme…

A l’inverse, mon entreprise, qui emploie 900 personnes, s’est trouvée confrontée à des problèmes de gestion considérables parce que sa directrice générale que j’ai promue, a cumulé six ans et demi de congés maternité liés à la naissance de ses sept enfants.

Mme Catherine Coutelle. Que proposez-vous pour que les femmes fassent des enfants ?

Mme Sophie de Menthon. La France est un pays qui sait soutenir les femmes qui élèvent des enfants. Nous avons soutenu l’entreprise « Les petits chaperons rouges », la première à avoir créé des crèches d’entreprise, et nous encourageons toutes nos entreprises membres à faire la même chose. Nous avons également développé les conciergeries d’entreprise pour aider matériellement les femmes.

Mme Catherine Coutelle. Tant qu’aucun progrès ne sera acquis en ce qui concerne le partage des tâches ménagères, la situation que vous décrivez perdurera. Et n’oublions pas les familles monoparentales, dont le chef de famille est une femme dans 80 % de cas.

L’organisation du travail est en cause : 65 % des Français trouvent que leur entreprise et son encadrement ne prêtent pas suffisamment attention à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. C’est finalement la compétitivité des entreprises qui est en jeu car les études montrent qu’un salarié moins stressé est plus efficace dans son travail.

Les femmes ne veulent pas quitter le monde du travail, mais pourquoi ne pas imaginer des temps différents au cours d’une carrière ? Par exemple, à 50 ou 55 ans, une femme a moins besoin de s’occuper de ses enfants.

Mme Sophie de Menthon. Certes, mais les entreprises ne veulent plus des séniors.

L’entreprise ne peut pas faire avancer la société en ce qui concerne le partage des tâches ménagères. Et si les jeunes partagent plus facilement les tâches, plus les couples vieillissent, plus la femme s’affirme en tant que femme et l’homme en tant qu’homme, avec un partage beaucoup plus sexué de leurs activités respectives. Par ailleurs, les femmes continuent de s’approprier l’éducation et la santé de leurs enfants, même si, en ce domaine, les pères ont accompli de grands progrès.

Pour ma part, employant un grand nombre de femmes, je suis beaucoup intervenue sur l’aménagement du temps de travail : temps partiel choisi, absence les mercredis ...

Toutefois, cette tâche n’a pas été facilitée par les 35 heures dont la mise en œuvre s’est traduite par une pression très forte sur les entreprises, avec des mois de négociation et un coût élevé. Après la mise en place des RTT, il est difficile de nous demander en plus de faire un effort en matière d’aménagement du temps personnel.

Mme Catherine Coutelle. Vous parlez de la loi Aubry 2, dont les modalités d’application étaient en effet plus compliquées. En revanche, dans nombre d’entreprises, la loi Aubry 1 a permis des améliorations considérables. Mais il faut admettre que, dans certains cas, les négociations se sont mal passées.

Mme Sophie de Menthon. Nombre d’entreprises ont subi les 35 heures. Cette loi a manqué de souplesse…

Mme Catherine Coutelle. Les entreprises ont-elles pris conscience que la nouvelle loi votée par le Parlement impose une reprise de toutes les négociations ?

Mme Sophie de Menthon. Une entreprise à taille humaine qui perd des clients, qui perd 25% de son chiffre d’affaires, qui se demande si elle ne va pas devoir licencier, a autre chose à faire que de s’occuper de cela, et ce n’est pas de la mauvaise volonté. Les très grandes entreprises, elles, pourront mieux s’en sortir.

Mme Catherine Coutelle. Les entreprises mais aussi les magistrats se plaignent du trop grand nombre de textes.

Mme Sophie de Menthon. Également les experts comptables. Pourquoi personne ne tape-t-il du poing sur la table ? Il est incroyable que l’on soit incapable de simplifier le droit. Une PME de trois personnes consacre 53 jours de temps homme – expert comptable, expert juridique, conseil extérieur… – à se conformer à la réglementation.

Mme Catherine Coutelle. Je ne suis pas sûre que tout le monde ait intérêt à une simplification.

Mme Sophie de Menthon. On ne peut pas dire que la complexité nourrit son homme. Ce système tue la compétitivité des entreprises et la croissance.

Un exemple : nous avons élaboré un produit de formation et nous voulions nous faire agréer par le 1 % formation. Or, le bureau chargé de cette tâche est ouvert seulement de onze heures à treize heures – ce qui est sans doute favorable à l’aménagement du temps de travail pour les femmes –. Les formulaires à remplir sont à ce point complexes que ma collaboratrice qui a fait six ans de droit ne les comprend pas. Si bien que nous nous sommes arrêtés. La complexité est donc loin de créer de la richesse.

Il y a vraiment des sujets d’irritation. Les chefs d’entreprise ne sont jamais descendus dans la rue, hormis pour un rassemblement spectaculaire contre les 35 heures, à l’appel de M. Seillière, à la porte de Versailles.

Mme Catherine Coutelle. Cette manifestation a d’ailleurs entraîné la loi Aubry 2. De blocages en blocages, la négociation n’était plus possible et il a fallu passer en force. C’est pareil aujourd’hui pour le travail dominical, sachant que l’opinion publique y est majoritairement opposée.

Mme Sophie de Menthon. Selon un sondage publié par le Journal du dimanche, 65% des Français seraient favorables au travail dominical.

Mme Catherine Coutelle. Oui, mais il faut voir le libellé de la question qui était posée : « Vous gagnerez plus le dimanche. Acceptez-vous de travailler ? ». Le consommateur est favorable au travail dominical, mais pas forcément le salarié ; tout le problème est là.

Mme Sophie de Menthon. Sur ce sujet, je suis assez partagée. Les bus, les musées et les cinémas sont déjà ouverts le dimanche. Pour ma part, je suis favorable à l’ouverture des petits commerces de centre-ville.

Mme la présidente. Ils en ont déjà le droit !

Mme Catherine Coutelle. S’ils ne le font pas, c’est qu’ils n’ont pas aucun client le dimanche ! C’est ce que me disent les commerçants de Poitiers.

Mme Sophie de Menthon. La France, le dimanche, c’est un véritable cimetière ! Nous avons un mode de vie sinistre. En revanche, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Ecosse, aux Etats-Unis, le dimanche, c’est un bonheur : les commerces sont ouverts, les gens sont dans les rues... Nous sommes en décroissance et nous ne savons pas réformer.

Mme Catherine Coutelle. Cette animation supplémentaire, cela va être les centres commerciaux situés à la périphérie des villes.

Mme Sophie de Menthon. Pourquoi cantonner les grands centres commerciaux à la périphérie des villes ? En interdisant les grandes surfaces dans les villes, on a tué les villes. Et la nouvelle loi autorisant les implantations sur des surfaces inférieures à 1000 m2 est insuffisante.

Mme Sophie de Menthon. Les libéraux, dont je fais partie, veulent que la législation soit appliquée. Mais ils pensent aussi que trop de lois tuent la loi. Je suis plutôt favorable à l’ouverture le dimanche, mais il faut sanctionner les patrons qui ne paient pas double les heures travaillées le dimanche !

Une entreprise ne souhaite ouvrir le dimanche que si elle en tire avantage ; c’est la loi du marché. Si une zone commerciale est ouverte le dimanche et pas le lundi, c’est parce que le dimanche les gens disposent de temps pour effectuer des achats et que, en conséquence, les commerçants font un bon chiffre d’affaires. Au lieu de voter de nouvelles lois, les députés de droite et de gauche devraient s’unir pour faire respecter la législation en vigueur.

Mme la présidente. Nous le faisons dans le cadre des missions d’évaluation.

Mme Sophie de Menthon. Mais pour quel résultat ?

Mme la présidente. S’agissant de l’égalité salariale, faute de sanctions effectives, la loi ne sera effectivement jamais appliquée. Un projet de loi doit être déposé en ce sens.

Mme Sophie de Menthon. Contrairement au Sénat, l’Assemblée est trop peu ouverte aux entrepreneurs, qui reste un univers clos. Le Parlement européen, au contraire de l’Assemblée, s’est montré intéressé. Quant au Sénat, il est premier partenaire  de la Fête des entreprises.

Mme la présidente. Les sénateurs suivent des stages en entreprise.

Mme Sophie de Menthon. C’est moi qui les ai lancés, il y a huit ans. Le Sénat suit, l’Assemblée beaucoup moins. Cela dit, j’ai le souvenir d’expériences formidables avec des députés.

Mme Catherine Coutelle. À un député qui nous reprochait en commission de ne pas aller dans les entreprises, j’ai répondu que celles-ci sont peu enclines à inviter les députés, dans la mesure où, contrairement aux élus locaux, ils véhiculent une image très politique..

Certains lobbies savent s’y prendre, et l’Assemblée organise de nombreux colloques et autres séminaires, sur tous les sujets, dans des salles très adaptées.

Mme Sophie de Menthon. Il n’en demeure pas moins qu’on ne sent pas de culture entrepreneuriale à l’Assemblée.

En tout cas, ETHIC soutient la disposition tendant à imposer aux entreprises du SBF 120 la présence de 20 % de femmes dans leurs conseils d’administration.

Mme la présidente. Et vous vous en feriez l’écho auprès du Medef

Mme Sophie de Menthon. Certes, mais sa position consiste à refuser toute nouvelle réglementation.

Mme la présidente. Je vous remercie, madame Sophie de Menthon.