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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 5 octobre 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente

– Audition de Cristina Lunghi, Présidente-fondatrice d'Arborus, porte parole du Club Label Égalité et du Club du Label Diversité

Information relative à la Délégation

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mme Cristina Lunghi, Présidente-fondatrice d'Arborus, porte parole du Club Label Égalité et du Club du Label Diversité.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. La Délégation souhaite retravailler le sujet de l’égalité professionnelle et salariale, ainsi que celui de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Dans cette perspective, pour cette première audition de la session, nous avons souhaité entendre Mme Cristina Lunghi, présidente-fondatrice d’Arborus, à l’origine du label « Égalité ». Je souhaiterais que nous abordions plus particulièrement un élément fondamental de la politique d’égalité professionnelle et salariale : le rapport de situation comparée (RSC).

Mme Cristina Lunghi, présidente-fondatrice d’Arborus. Je précise qu’il existe deux labels : le label « Égalité professionnelle » et le label « Diversité », lancés par le Gouvernement et décernés par l’Agence française de normalisation, l’AFNOR. Ils existent respectivement depuis 2004 et 2009. Ces deux labels sont toujours séparés, même s’il est envisagé de les fusionner.

La façon dont la loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est appliquée dans le monde de l’entreprise doit être examinée à la fois dans les grands groupes, qui sont labellisés, et dans les petites structures qui ont leurs difficultés propres sur ce sujet. Pour déterminer ce qu’il conviendrait de faire, le législateur aurait avantage à faire cette distinction.

Le rapport de situation comparée est le pivot du dispositif législatif. Il faut en effet commencer par réaliser une photographie de la situation des hommes et des femmes dans les entreprises pour, ensuite, pouvoir l’analyser et mettre en place, si nécessaire, des mesures correctives ou des plans d’action.

Pourtant, le RSC est souvent méconnu ou mal connu. Aujourd’hui, les entreprises demandent qu’il soit intégré au bilan social – ce qui aurait certaines vertus mais risquerait de noyer le sujet de l’égalité professionnelle dans un ensemble plus vaste et non sexué.

Les analyses sexuées des données que prévoit le décret d’application de la loi 2001 apportent, en effet, aux équipes qui les réalisent – que le service des ressources humaines intervienne seul ou avec les organisations syndicales – une vision stratégique de l’entreprise différente de celle que peuvent apporter d’autres types d’analyse statistique, notamment le bilan social.

Il y a donc des arguments économiques et méthodologiques à mettre en avant pour inciter les entreprises à s’intéresser davantage au RSC. Celui-ci ne doit pas se résumer, comme cela arrive trop souvent, à de simples tableaux de chiffres sexués, sans analyse réelle et sans compréhension de l’enjeu. Il faut que les entreprises comprennent l’importance et l’utilité pour elles de faire ce travail – qui mobilise beaucoup d’énergie : la réalisation d’un bon rapport de situation comparée dans une entreprise prend plusieurs semaines, à deux personnes au moins, car il faut récupérer les données, les analyser puis définir des actions concrètes. Ensuite, chaque année, il faut réactualiser les données statistiques et assurer le suivi des indicateurs.

L’analyse des effectifs peut révéler des déséquilibres entre hommes et femmes aux différents niveaux de la pyramide des âges. Ainsi, dans le secteur des services, on voit beaucoup plus de femmes à des postes non cadres dans les tranches d’âge les plus élevées – ce qui correspond au marché de l’emploi d’il y a trente ans, lorsque les femmes étaient moins diplômées. On assiste désormais, les filles étant aujourd’hui plus diplômées que les garçons, à une montée en puissance des jeunes femmes dans les catégories cadres. Dans le secteur de l’industrie, les schémas sont complètement différents. C’est en réactualisant chaque année les données et les analyses que l’on peut agir pour rééquilibrer la pyramide des âges.

L’analyse des données peut aussi conduire à des actions visant à assurer la mixité des métiers. Il peut en effet apparaître qu’il y a peu de femmes dans tel type de métier ; les entreprises peuvent alors mettre en place des dispositifs de recrutement, des formations internes pour établir des passerelles entre les métiers masculins et féminins, ou encore, en amont, des partenariats avec les écoles et les collèges : les stages de troisième, effectués en entreprise, permettent aux jeunes filles de se rendre compte que des métiers dits masculins leur sont accessibles.Cela peut modifier de façon radicale leur orientation professionnelle. L’égalité professionnelle se prépare très tôt, et il faut appréhender la question dans sa globalité : avant que la personne entre dans l’entreprise – en l’orientant dans les bonnes filières, pour qu’elle obtienne les bons diplômes –, pendant son parcours professionnel – période où il faut aussi tenir compte des événements de la vie, comme la maternité ou les maladies, et donner toute sa place à la formation – et jusqu’à sa sortie.

Le rapport de situation comparée est donc extrêmement important. Mais pour en dresser un, les entreprises doivent disposer d’outils méthodologiques simples. Or aujourd’hui, elles sont un peu perdues. Le site du ministère du travail leur recommande des tableaux dits synthétiques – un pour les entreprises de plus de 300 salariés et un pour les entreprises de moins de 300 salariés – qui ne leur permettent pas de faire une analyse suffisamment fine et, par voie de conséquence, de mettre au point des plans d’action suffisamment précis.

Les entreprises qui sont vraiment entrées dans des processus vertueux analysent chaque indicateur du RSC. Elles le font à partir d’un constat initial, qui permet aux instances dirigeantes de prendre conscience de la réalité – car les chiffres sont imparables, qu’il s’agisse de la répartition des hommes et des femmes par filière, par âge, en formation professionnelle qualifiante ou dans le cadre du Droit individuel à la formation. Une fois que cette prise de conscience a eu lieu, il est possible d’analyser la situation et de comprendre pourquoi l’entreprise en est là.

L’entreprise est alors à même de rechercher des solutions. Elle peut prendre diverses mesures, par exemple pour inciter les femmes ou les hommes à aller vers tel ou tel métier. Le RSC l’amène souvent à s’interroger sur le management, à se poser des questions sur la valorisation des métiers et donc sur les rémunérations. On constate par exemple que les hommes ne vont pas vers les métiers de l’accueil ou du service et préfèrent la vente. Pour un même niveau de qualification, ils préfèreront vendre des voitures plutôt que d’être à un guichet de banque – et seront ainsi mieux payés. À partir d’observations assez simples, on mesure à quel point certains schémas perdurent.

Il faut faire œuvre de pédagogie, indiquer aux entreprises comment elles doivent procéder – constat, analyse, plan d’action. Le RSC doit servir de base à une négociation dans l’entreprise, laquelle doit déboucher sur des accords concrets, avec des indicateurs de suivi.Ensuite, les axes de progrès étant déterminés, il faut parvenir à des résultats. Depuis plus de dix ans que je travaille sur ces sujets, je peux témoigner que c’est possible. Et parvenir à faire évoluer les chiffres, c’est parvenir à faire changer les mentalités – car il s’agit de problèmes essentiellement culturels.

Il est vrai qu’aujourd’hui règne une certaine confusion : la loi de 2006 a rajouté des indicateurs sur l’articulation des temps de vie, certes intéressants, mais un peu loin de la problématique de l’égalité professionnelle. Le dispositif est ainsi devenu un peu bancal. Les services des ressources humaines ne savent pas toujours comment renseigner les données et par conséquence les RSC ne se font pas…

La loi de 2006 a aussi « neutralisé » le congé de maternité du point de vue des augmentations salariales. Cette mesure a ses vertus, mais aussi ses limites car elle est parfois considérée comme très injuste et n’est pas toujours appliquée. On entend parfois des hommes dire que maintenant, si on n’est pas une femme et si on n’est pas issu de la diversité, on a peu de chances de réussir… Il y a des résistances à l’application de la loi.

L’idéal serait de procéder à une refonte de tous les dispositifs législatifs, comme cela s’est fait pour les directives européennes, afin de parvenir, sur le thème de l’égalité entre les femmes et les hommes, à un cadre clair, dépourvu de superpositions et n’ouvrant pas la voie à des interprétations diverses. Les entreprises elles-mêmes, du moins celles qui sont entrées dans une démarche d’égalité professionnelle, sont demandeuses de cette clarification.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les accords d’entreprise de PSA sont-ils calqués sur le RSC prévu par la loi de 2001 ?

Mme Cristina Lunghi. Oui, et ces accords de PSA sont exemplaires, d’autant plus qu’ils sont à dimension mondiale. De fait, l’impact de ces accords est très puissant dans la mesure où, dans chaque pays, la même politique s’applique.

Je vous invite à lire également l’accord passé par SFD, la filiale de SFR qui est en charge des boutiques de téléphonie SFR. Cet accord est lui aussi exemplaire car il fixe des objectifs très concrets, avec des indicateurs de suivi – ce qui permet aux organisations syndicales de suivre de très près leur réalisation sur le terrain. La tendance est aujourd’hui à la conclusion d’accords concrets.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Ce type d’accords sont-ils applicables à de plus petites entreprises ?

Mme Cristina Lunghi. Oui, tout à fait. Dans le cadre d’un projet du Fonds social européen en Ile-de-France, nous menons une expérimentation sur des PME en nous inspirant des grands groupes. Ces derniers ont les moyens de mettre en place des stratégies. Mais ils ont très souvent – c’est le cas de SFD ou de Ranstad – des structures de PME, voire de TPE en dehors du siège qui lui emploie souvent 1 000 ou 2 000 personnes. L’organisation est fondée sur des agences de trois, quatre ou cinq salariés. Il faut donc traduire la stratégie globale du groupe dans les petites structures.

Dans le cadre de notre expérimentation en Ile-de-France, j’anime des groupes de dirigeants de TPE, non pour les convaincre d’appliquer la loi, mais pour leur faire dire pourquoi ils ne veulent pas l’appliquer : c’est en le comprenant qu’on pourra, ensuite, trouver les bons outils pour les y amener.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Pourquoi ne veulent-ils pas appliquer la loi ?

Mme Cristina Lunghi. D’abord, ils sont trop petits pour établir des batteries d’indicateurs qui n’ont pas de sens pour eux. Ensuite, en général ils ne connaissent pas la loi, voire ne savent pas qu’il y a des lois sur l’égalité professionnelle. Enfin, souvent, ils ne tombent pas sous le coup de la loi puisqu’en dessous de 50 salariés, il n’y a pas de délégué du personnel, pas d’organisation syndicale, pas de comité d’entreprise. Plutôt que de leur imposer un dispositif très lourd, mieux vaudrait leur proposer des sensibilisations sur le sujet et des outils très simples qu’ils seraient à même d’utiliser.

Avec deux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), celui des matériaux de construction et celui de la papeterie, secteurs où il existe à la fois de très grands groupes et de très petites entreprises, nous sommes en train de préparer un logiciel de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPEC). Il s’agit de gérer les pyramides des âges et le renouvellement des générations. Spontanément, les entreprises cherchent des hommes, mais comme elles n’en trouvent pas elles veulent faire appel à des femmes, lesquelles s’interdisent de se tourner vers ces métiers : je travaille donc avec ces branches à en faire évoluer l’image. Le logiciel de GEPEC que nous préparons intègre les éléments relatifs à l’égalité professionnelle. Il fournira aux entreprises un RSC avec des cotes d’alerte : en cas de signalement d’un problème, un conseiller de l’OPCA viendra les aider à bâtir une stratégie. Ce type de démarche obtient un succès certain car pour les entreprises, c’est une plus-value.

M. Jean-Luc Pérat. Nous sommes convaincus de votre détermination à faire passer un certain nombre de messages. De notre côté, nous avons du mal à faire passer celui qui concerne la présence des femmes au sein des assemblées parlementaires …

Il me semble que certaines structures ne remplissent pas leur rôle d’information et de sensibilisation auprès des entreprises. Je pense aux chambres de métiers et aux chambres de commerce, qu’il conviendrait de les inciter à se mobiliser davantage.

Pourriez-vous nous dire comment vous abordez la problématique famille/entreprise ?

Il me semble par ailleurs qu’il serait intéressant de faire, en amont, un important travail de pédagogie et de communication dans les médias. Il faut convaincre les jeunes femmes et les jeunes filles, mais aussi les parents, qui ont parfois du mal à abandonner certains stéréotypes. Pourquoi ne pas parler davantage des femmes qui réussissent dans des métiers considérés comme réservés aux hommes ?

À cet égard, l’éducation nationale aurait également un rôle très important à jouer. Le stage en entreprise que font les élèves de troisième a le mérite d’exister, mais il faudrait commencer plus tôt : une sensibilisation professionnelle serait nécessaire dès la cinquième. Cela suppose un partenariat fort avec les entreprises – qui peuvent aussi se faire mieux connaître par des rencontres avec les élèves. Ces échanges pourraient être un moyen d’avancer vers l’égalité professionnelle.

Mme Cristina Lunghi. Je conviens avec vous que les chambres des métiers et les chambres de commerce et d’industrie ne jouent pas leur rôle, en dépit de la Charte de l’égalité que Nicole Ameline leur avait fait signer en 2004. A leur décharge, et cela rejoint votre propos, on ne peut pas communiquer si l’on ne sait pas sur quoi l’on communique.

Or le problème de l’égalité professionnelle est qu’elle n’est pas bien définie. Souvent, les entreprises mélangent le sujet avec d’autres – égalité des chances, diversité. Seules les personnes qui travaillent véritablement sur la question en comprennent les enjeux. En tant qu’association et réseau d’entreprises, nous demandons depuis des années au Gouvernement de concevoir un outil de communication grand public, mais malheureusement il tarde à venir, et l’on entend très peu parler de ces sujets.

La problématique famille/entreprise renvoie à la notion de parentalité. La fameuse Charte de la parentalité, qui a été médiatisée à l’extrême, n’a pas servi la cause de l’égalité professionnelle. On a parlé des parents, des nouveaux pères, des crèches, ce qui est très bien, mais le sujet de l’égalité s’en est trouvé occulté. Cela a même conduit à des dérives, par exemple à la demande de création de réseaux d’hommes dans les entreprises, à l’instar des réseaux de femmes – qui, elles, ont besoin d’être en réseau parce qu’il leur faut s’intégrer dans un milieu extrêmement masculin.

Il faut appréhender la parentalité comme on l’a fait pour le label Égalité, et non en se focalisant sur les crèches ou les services de conciergeries. Il faut être conscient qu’une crèche d’entreprise ne concerne qu’à peine 2 % des salariés et coûte très cher – en général, les deux tiers du budget ressources humaines. Il s’agit d’un service « facilitateur », mais il ne concerne pas l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, un moyen d’avancer vers cette égalité serait de dédramatiser la notion de parentalité : aujourd’hui en France, c’est un drame d’être parent… Il n’est pas normal qu’une femme n’ose pas annoncer qu’elle part en congé de maternité, ou revenir de son congé de maternité, ou dire qu’elle a un enfant malade. Il est déplorable que des femmes passent leur congé de maternité à chercher une solution de garde.

La seule façon d’améliorer la situation est de travailler sur l’organisation et les conditions de travail. On a tendance, dans notre pays, à confondre la performance et la présence. Or cette façon de travailler écarte la grande majorité des femmes. Celles qui restent se fondent dans le modèle masculin, dont elles adoptent les codes et elles ne sont pas suffisamment nombreuses pour imprimer leur marque et faire changer les systèmes d’organisation. Pourtant, c’est à ce niveau qu’il faut agir ; c’est bien la mise en place des « chartes des temps » dans les entreprises, par exemple pour interdire les réunions après 18 heures, qui met les femmes et les hommes à égalité pour aller chercher les enfants à l’école et leur faire faire leurs devoirs.

L’entreprise Dell a mis en place un système de coaching parental, pour apprendre aux parents à passer du monde du travail à celui de la maison et à aborder plus sereinement leur fin de journée avec les enfants – et on constate que c’est très utile. On propose aussi dans certaines entreprises des stages de communication non violente – ce qui prouve que la famille, qui devrait être source de quiétude, ne l’est pas pour tous.

Dans une grande entreprise où je fais chaque année un audit, j’ai pu constater qu’aujourd’hui, le congé de maternité ne fait plus peur aux femmes. Cela montre bien que si l’on met en place une politique, on obtient des résultats.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Comment encourager les entreprises ?

Mme Cristina Lunghi. D’abord, tout simplement, par l’exemplarité – et l’exemple vient toujours du haut, ce qui renvoie notamment à ce qui a été dit sur la parité à l’Assemblée nationale et au Sénat.

M. Jean-Luc Pérat. Les femmes chefs d’entreprise impulsent-elles une dynamique égalitaire ? Privilégient-elles les femmes ?

Je sais par ailleurs que vous avez travaillé sur le « marrainage ». Pouvez-vous nous en parler ?

Mme Cristina Lunghi. Mon idée est que les femmes apportent – à la politique, à l’entreprise, à la société – autre chose que les hommes. Ce n’est pas une question de génétique, mais une question d’héritage historique. Pour moi, donc, il y a une forme de management au féminin.

Dans le cadre de mon association, j’ai accompagné bénévolement pendant près de dix ans des créatrices d’entreprise. Il y en a de deux catégories : celles, plutôt jeunes, qui créent parce qu’elles en ont envie et les femmes de plus de 40 ans qui, se rendant compte que dans les grands groupes où elles travaillent, elles n’arriveront jamais à crever le plafond de verre, et fortes de leurs compétences et de leur carnet d’adresses, décident de se mettre à leur compte – en pensant que cela leur permettra de mieux concilier leurs temps de vie, ce qui est une grave erreur. A ce stade, on s’est rendu compte qu’un facteur n’était pas du tout pris en compte par les banquiers : le temps dont disposent les femmes pour leur projet d’entreprise. En travaillant sur la création d’entreprise au féminin pour la Maison de l’emploi du 14° arrondissement de Paris, nous avions d’ailleurs introduit des « budgets temps », pour montrer qu’un projet d’entreprise suppose l’énergie et donc le temps nécessaires pour le faire.

L’entreprise une fois créée, on constate des différences d’approche importantes entre les hommes et les femmes. Les petites entreprises gérées par des femmes sont en général très conviviales ; le temps y est extrêmement canalisé, pour permettre de concilier vie familiale et professionnelle.

M. Jean-Luc Pérat. Comment abordent-elles l’égalité professionnelle au sein de leur entreprise ?

Mme Cristina Lunghi. J’ai constaté – mais ce n’est qu’un témoignage et il faudrait faire des statistiques – que très souvent les femmes embauchent davantage de femmes, sans doute parce qu’elles apprécient de travailler ensemble et parce qu’elles se sentent solidaires. Mais cette solidarité est plus marquée dans les petites entreprises que dans les grands groupes.

Quant à notre dispositif de « marrainage », nous l’avons mis en place en 2004 : des femmes jouent le rôle de marraines pour des jeunes femmes diplômées (bac plus 5) issues de l’immigration et de zones sensibles. Le système est né d’une expérience concrète qui nous a montré que souvent ces jeunes femmes manquaient une culture d’entreprise, qu’il s’agisse d’organisation, de langage ou même de code vestimentaire.

Nous avons lancé le projet « La courte échelle » : des marraines, en général cadres supérieures ou hauts fonctionnaires, ouvertes, généreuses et bienveillantes, aident chaque année une vingtaine de jeunes filles issues de quartiers défavorisés – essentiellement des spécialistes en marketing, des juristes et des ingénieurs – à aborder le monde du travail. Notre taux de réussite avoisine les 100 % – mais nous n’arrivons pas à monter en puissance car nous sommes une petite association qui ne touche pas de subventions. Les réseaux féminins des grands groupes viennent cependant nous voir pour proposer des marraines – mais il faut trouver des filleules.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Parce que nous n’avons pas obtenu jusqu’à présent de bons résultats sur le dossier de l’égalité professionnelle, la question des femmes a émergé dans le débat sur les retraites. L’égalité professionnelle est vraiment un sujet essentiel, sur lequel je souhaite que la Délégation établisse avant les échéances électorales de 2012, en associant députés de la majorité et de l’opposition, un véritable bilan et des propositions pour l’avenir.

M. Jean-Luc Pérat. Le « marrainage » et le parrainage me semblent particulièrement importants car certains jeunes, garçons ou filles, très diplômés, bradent leurs diplômes en exerçant des métiers qui n’ont rien à voir avec leur formation – souvent parce qu’ils se limitent à ce qu’on leur offre dans leur périmètre immédiat, n’osant pas s’aventurer plus loin. Il serait bien que dans chaque bassin de vie, on trouve des personnes capables d’apporter cette aide aux jeunes.

Mme Cristina Lunghi. Je suis pleinement d’accord avec vous, et c’est là un outil de l’égalité professionnelle. Nous proposons des marraines parce que nous avons des femmes prêtes à aider d’autres femmes, et aussi parce que la mixité n’est pas forcément souhaitable dans cette relation. À l’inverse, les jeunes hommes qui recherchent des mentors regrettent de ne pas trouver davantage de femmes car ils pensent pouvoir parler avec elles de sujets plus personnels, qu’ils s’interdisent d’aborder avec un homme.

Il faudrait pouvoir faire du film Courte échelle, que nous avons réalisé avec le soutien de l’Acsé, un support de communication. Cette démarche de solidarité peut se généraliser envers tous ceux qui sont peu en errance.

M. Jean-Luc Pérat. Même aux plus bas niveaux de formation ?

Mme Cristina Lunghi. Oui. J’ai personnellement accompagné des SDF hommes. Cela demande beaucoup d’énergie et de patience mais on arrive à des résultats ; ces gens sont perdus parce qu’ils sont seuls. Dans ce domaine, la générosité dont pourraient faire preuve nos concitoyens ne passe pas par le porte-monnaie. 

J’insiste sur le fait que la communication est l’outil essentiel – mais elle coûte cher.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Merci beaucoup pour cet échange.

Information relative à la Délégation

Mme Bérangère Poletti, a été désignée rapporteure au nom de la Délégation sur la contraception des adolescents.

La séance est levée à 18 h 20.