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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 23

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, Présidente

– Audition de Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation « femmes » à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et de M. Thierry Trefert, secrétaire confédéral en charge du temps de travail

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’Audition de Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la délégation « femmes » à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et de M. Thierry Trefert, secrétaire confédéral en charge du temps de travail.

La séance est ouverte à 14 heures 10.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je vous souhaite la bienvenue.

Le travail et la place des femmes dans la société constituent des enjeux majeurs. Nos auditions sur le travail à temps partiel sont d’autant plus d’actualité que se tiendront, au mois de juin, des tables rondes sur le sujet.

Aujourd’hui, le temps partiel est un handicap pour les femmes : même choisi, il est subi car néfaste pour le niveau de leur retraite. N’oublions pas que 82 % des personnes qui travaillent à temps partiel sont des femmes !

Alors que nous avions préconisé dès 2004 que le temps partiel ne soit pas un frein au temps plein, un grand nombre d’entreprises en font un usage tel que les femmes qui souhaitent compléter leur temps de travail ne le peuvent pas.

Comment pensez-vous possible de garantir que le temps partiel, même choisi, n’entraîne pas de conséquences négatives pour la carrière des femmes et, surtout, pour leur retraite ?

Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale responsable de la Délégation « femmes » à la CFDT. Pour la CFDT, la problématique du temps partiel est liée à la structuration de l’emploi et nous nous y intéressons à plusieurs niveaux.

D’abord, nous vérifions si, dans les branches professionnelles, le temps partiel est une contrainte liée à l’activité de l’entreprise ou un confort pour l’employeur qui veut une main-d’œuvre servile, disponible, et qui organise l’imprévisibilité des horaires afin de la fragiliser et de l’empêcher de trouver un autre emploi, à temps partiel ou à temps plein. Lors de la négociation de 2008 sur le marché du travail, nous avons examiné les différentes formes de contrats, en particulier atypiques.

Ensuite, nous regardons si le temps partiel, même contraint, est une réelle solution pour les salariés. Si les femmes y ont recours faute de pouvoir bénéficier d’un mode de garde des enfants ou des personnes âgées, il ne peut évidemment nous satisfaire. C’est pourquoi nous considérons que le temps partiel n’est pas la réponse au problème de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Dans les négociations dans les entreprises et les branches, nous privilégions l’organisation du travail apte à apporter de la souplesse aux salariés tout en répondant aux besoins de l’entreprise. Ainsi, les employeurs du commerce alimentaire ont signé avec les syndicats un avenant à la convention collective nationale de 2008, dans lequel ils s’engagent à améliorer la prévisibilité du temps, à organiser la polyactivité pour faciliter la construction d’un temps plein, à éviter le morcellement du temps partiel s’il se révèle incontournable.

Nous travaillons également à la sécurisation du parcours des salariés à temps partiel dans les services à la personne. En effet, en deçà d’un certain volume d’heures, les salariés n’acquièrent pas suffisamment de droits à la protection sociale et à la formation. Nous privilégions les pistes permettant de concilier accumulation des droits et concentration des éléments du contrat de travail dans une seule structure ou chez un employeur unique. Dans ce secteur, les salariés attachent beaucoup d’importance à la relation individuelle et ne désirent pas nécessairement travailler dans des associations leur imposant de limiter leur intervention à quinze minutes par personne âgée. Nous menons ce travail avec les fédérations concernées. Nous examinons par ailleurs dans certains secteurs d’activités les modalités d’organisation des groupements d’employeurs susceptibles de garantir des conditions de travail plus sécurisantes pour les salariés, tout en veillant à ce que ce type d’organisation n’entre pas en concurrence avec les entreprises d’intérim qui accordent certains droits aux salariés.

En 2001, l’Union professionnelle des artisans (UPA) a signé un accord par lequel elle s’engage à chercher les modalités d’organisation des services de remplacement afin de permettre aux salariés de partir en formation.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les auto-entrepreneurs sont-ils une piste ?

Mme Sophie Mandelbaum. Nous cherchons en priorité à sécuriser le travail des salariés pour leur permettre d’acquérir des droits.

Mme Colette Langlade. De nombreuses femmes qui n’avaient pas suffisamment d’heures en tant qu’aide à domicile ont créé leur auto-entreprise.

Mme Sophie Mandelbaum. Les salariées que nous rencontrons sont surtout utilisatrices du chèque-emploi-service-universel, le CESU.

L’accord National Interprofessionnel de janvier 2008 sur le contrat de travail, puis celui de novembre 2008 sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences nous ont donné l’occasion de mettre en évidence le besoin des salariés d’être aidés dans la gestion de leur parcours. En effet, peut-on parler d’un choix lorsque le salarié n’est pas informé des conséquences à terme d’une forme d’emploi qu’il choisit? Les femmes savent-elles à quel point leur décision de passer à temps partiel pour élever leurs enfants aura un impact sur leurs droits à la retraite ? Il est nécessaire de réfléchir aux moyens de rendre l’information accessible au bon moment, par exemple à l’occasion d’une déclaration de grossesse.

Le bilan d’étape professionnel, que nous avons négocié et obtenu, doit maintenant devenir un droit effectif pour les salariés, plus particulièrement pour ceux qui travaillent à temps partiel ou optent pour le congé parental d’éducation.

M. Jean-Luc Pérat. Le temps partiel peut être choisi, par exemple par les personnes souhaitant travailler le matin pour pouvoir s’occuper de leurs enfants l’après-midi. Mais, dans la mesure où il est peu ou pas structuré, il me semble indispensable d’instaurer un accompagnement des salariés afin de les aider à mieux s’organiser et, surtout, à mieux se défendre.

L’organisation des services à la personne devrait, à mon sens, être revue. D’autres prestations que la toilette, les repas, etc., peuvent en effet être proposées, comme le repassage et le nettoyage. Un certain nombre d’organisations y réfléchit.

Enfin, quid de la formation ? Pourquoi ne pas imaginer des unités de valeurs, qui pourraient déboucher sur une validation des acquis ?

Mme Sophie Mandelbaum. S’agissant de la formation, la revendication de la CFDT porte à la fois sur le bilan d’étape professionnel, le passeport formation et l’adaptation de l’offre de formation. Les entreprises désireuses de rééquilibrer l’accès à la formation entre les hommes et les femmes cherchent des formations plus accessibles géographiquement et compatibles avec les contraintes des vies professionnelle et familiale des femmes.

Selon la CFDT, il est impératif de penser autrement le travail à temps partiel. Les techniciennes de surface, par exemple, pourraient intervenir en journée, comme certaines le font déjà à Rennes. Il ne s’agit pas tant d’adopter de nouveaux dispositifs législatifs que d’oser imaginer d’autres configurations d’activités. Il faut savoir faire preuve de créativité.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Si vous entendez imposer certaines cotisations aux employeurs de salariés à temps partiel, la voie législative s’impose.

Mme Sophie Mandelbaum. Idéalement, nous considérons le travail à temps partiel comme un passage. Mais, comme pour la pénibilité, nous privilégions la voie de la négociation pour faire reconnaître la nécessité de mesures renforcées afin d’aider les salariés à sortir de ces formes d’emplois.

Les salariés à temps partiel ont moins accès à la formation. Y remédier renvoie au co-investissement, mais aussi à l’augmentation de l’allocation formation dans la mesure où les salariés engagent des frais pour les gardes d’enfants. Or, nous avons beaucoup de mal à obtenir cette augmentation dans les négociations de branches.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les employeurs doivent prendre conscience qu’ils doivent contribuer au financement des retraites des femmes travaillant à temps partiel !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Quelle est la place de la pluriactivité dans le temps partiel ?

Menez-vous par ailleurs une réflexion sur le travail saisonnier ?

M. Thierry Trefert, secrétaire confédéral en charge du temps de travail. Il existe deux catégories de saisonniers : ceux qui font les deux saisons et dont c’est le métier et ceux qui travaillent occasionnellement, comme les étudiants pendant les vendanges. La CFDT s’en occupe depuis de nombreuses années, par notre « campagne Saisonniers ». Un bus sillonne toute la France l’été depuis au moins 10 ans.

En ce qui concerne le commerce, un accord sur le temps partiel a été conclu avec la grande distribution où, comme le montre une de nos études, les salariés à temps partiel ne pensent pas toujours la même chose que nous, en particulier parce qu’ils ne sont pas informés des conséquences de cette forme d’emploi sur le niveau des retraites.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. À Auchan, les salariées sont favorables à ce que l’on appelle les horaires en îlots, mais elles n’anticipent pas les conséquences de cette organisation sur leur évolution de carrière.

M. Thierry Trefert. Beaucoup de nos revendications portent sur la pluriactivité, qui renvoie à l’organisation du temps partiel, à la formation et à l’évolution de carrière. Dans la mesure où une personne travaillant à temps partiel peut avoir plusieurs employeurs, le passeport formation devrait selon nous être obligatoire. En effet, que se passe-t-il si le premier employeur accorde la formation, mais pas le deuxième ? La formation est toujours soumise à l’accord de l’employeur que je sache ! Comment un salarié travaillant douze heures sur six jours, deux heures par jour, avec des horaires qui changent chaque semaine, peut-il trouver à s’engager dans une formation ou trouver un deuxième emploi ?

Pour lever ces freins, pour dissuader les employeurs de faire ce qu’ils veulent et de considérer que leurs salariés sont taillables et corvéables à merci, des solutions doivent être apportées par la voie législative. Nous proposons plusieurs pistes. D’abord, un minimum d’heures pour un salaire décent – dans la grande distribution, nous avons passé un accord sur 25 heures. Ensuite et surtout, une organisation et une sécurisation du temps partiel afin que les horaires ne changent pas tous les jours. À cet égard, notre accord avec Monoprix permet aux salariés de travailler soit le matin, soit l’après-midi et, ainsi, d’organiser leur vie personnelle, notamment de garder leurs d’enfants, ou d’avoir un deuxième employeur afin d’améliorer leurs revenus.

En un mot, il faut cadrer le temps partiel.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Je pense que l’organisation du temps partiel passera obligatoirement par la voie législative.

Le temps passé dans les transports en commun en région parisienne est aussi un frein pour les personnes travaillant à temps partiel désireuses de compléter leurs heures de travail. C’est pourquoi Auchan, par exemple, a proposé à ses caissières le remplissage des rayons comme travail complémentaire.

Mme Sophie Mandelbaum. Selon une étude de 2007 de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 9 % des salariés à temps partiel sont dans la catégorie « poly-employeur ».

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Autrement dit, 91 % ont un seul temps partiel !

M. Thierry Trefert. Peu de branches ont franchi le pas de la pluriactivité.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les syndicats se saisissent davantage de ce problème aujourd’hui. À nous maintenant de prendre nos responsabilités.

Mme Colette Langlade. La loi de modernisation de l’économie n’a-t-elle pas eu des conséquences néfastes sur les conditions de travail des salariés dans la grande distribution, du fait de la refonte du calcul du prix des produits et des marges arrière ?

M. Jean-Luc Pérat. N’oublions pas que les intermittents du spectacle travaillent aussi à temps partiel.

L’accompagnement des employeurs et des salariés est bien une nécessité. À cet égard, les groupements d’employeurs ne constituent-ils pas une piste importante ? Ne pourrait-on par ailleurs imaginer une sorte de bonification permettant aux salariés de ne pas être pénalisés par leurs années de travail à temps partiel ?

M. Thierry Trefert. Dans la grande distribution, le temps partiel a toujours été utilisé comme variable d’ajustement des plannings. Un salarié à temps partiel refuse rarement de faire des heures complémentaires au risque que son employeur ne lui en propose plus.

La première variable d’ajustement utilisée par les employeurs est la masse salariale.

La dégradation des conditions de travail à temps partiel s’explique également par les changements d’habitudes de consommation. Pour la première fois, la grande distribution voit son chiffre d’affaires diminuer et détruit des emplois. Certes, l’installation de commerces du type Carrefour Market dans les centres villes crée des emplois, mais elle détruit ceux des commerces installés avant eux…

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les conditions de travail à temps partiel dans les Lidl et autres Leader Price qui s’installent dans les centres villes sont pires que dans les grandes surfaces comme Carrefour et Auchan qui, elles, prennent en compte la problématique.

M. Thierry Trefert. L’instauration des allégements de charges à l’année, et non plus au mois, a eu un impact très important sur les masses salariales. In fine, ce sont les salariés qui se retrouvent pénalisés, les employeurs cherchant à réduire leur masse salariale par tous les moyens. Cette situation devrait inciter à réfléchir aux conséquences des lois qui sont votées.

Mme Sophie Mandelbaum. Lors des négociations annuelles obligatoires, tous les négociateurs n’avaient pas connaissance des dispositions relatives à la possibilité de surcotisation pour les salariés à temps partiel. À chaque fois que nous avons porté cette mesure, nous nous sommes heurtés à un refus ou à un silence.

De la même manière, le rattrapage salarial pour les femmes est une obligation, mais lorsque nous abordons le sujet, on nous répond que ce n’est pas le moment car c’est la crise !

La surcotisation pour temps partiel est en revanche négociée et appliquée dans le cadre des accords seniors. Lorsque les employeurs veulent inciter ces salariés seniors à passer d’un temps plein à un temps partiel, ils savent faire le nécessaire. On ne voit pas pourquoi il n’en serait pas de même pour les femmes qui subissent cette forme d’emploi.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann. Les employeurs ont recours à toutes les astuces pour faire croire que l’égalité entre hommes et femmes existe déjà !

Merci beaucoup.

La séance est levée à 15 heures 10.