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Mercredi 18 novembre 2009

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de Mme Fabienne Labrette-Ménager Vice-présidente

– Audition de M. Marc Mortureux, directeur général de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et de M. Martin Guespereau, directeur général de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Marc Mortureux, directeur général de l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et M. Martin Guespereau, directeur général de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement).

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Marc Mortureux, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), accompagné de Mme Valérie Baduel, directrice générale adjointe, et M. Martin Guespereau, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSET).

Le Gouvernement a confié à M. Marc Mortureux, qui a succédé en août dernier à Mme Pascale Briand à la direction générale de l’AFSSA, le soin de préparer la création du nouvel établissement public appelé à reprendre les missions de ces deux organismes, conformément à l’article 115 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST). Celui-ci a autorisé le Gouvernement à créer par ordonnance ce nouvel établissement public dans un délai de six mois. De fait, les députés que nous sommes ne comprenaient pas toujours très bien où se trouvait la frontière entre l’AFSSA et l’AFSSET.

Messieurs, je vous laisse la parole pour une intervention liminaire, puis nous vous poserons des questions.

M. Marc Mortureux, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Merci de nous donner l’occasion d’échanger avec vous sur ce projet. Le nouvel établissement reprendra les missions de deux agences de sécurité sanitaire, l’AFSSA, très investie dans les domaines de la sécurité animale, de la sécurité alimentaire et de la qualité nutritionnelle des aliments, et l’AFSSET, qui travaille sur les problématiques de « santé et environnement » et de santé au travail. C’est un moment intéressant pour avoir cet échange car nous sommes dans une phase active de concertation sur la mise en place de cet établissement.

La création d’une seule agence de sécurité sanitaire, au champ d’action très large, est notamment motivée par la nécessité de peser encore davantage à l’échelle communautaire et au niveau international. L’objectif est aussi de répondre à l’attente d’une approche plus globale sur les questions de sécurité sanitaire. C’est le cas par exemple pour ce qui concerne l’exposition à des substances contaminantes telles que le bisphénol : pour être pertinente, l’analyse de risques doit être aussi exhaustive que possible et englober l’alimentation, l’environnement et les conditions de travail.

Enfin, les deux agences actuelles peuvent à l’évidence développer leurs synergies. Même si leurs périmètres sont différents, leurs métiers sont très proches ; sur certains sujets, la séparation entre les deux peut être difficile à comprendre : ainsi dans le domaine de l’eau, les questions relatives à l’eau potable relèvent de l’AFSSA, mais celles qui concernent l’eau de baignade relèvent de l’AFSSET ; et pour l’instruction des dossiers relatifs à la mise sur le marché de produits chimiques en fonction de leur usage, les pesticides et les produits phytosanitaires relèvent de l’AFSSA, tandis que les biocides et la procédure européenne REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) relèvent de l’AFSSET.

La mise en place d’une agence unique va donc dans le sens de la clarté. Néanmoins, la concertation intense que M. Guespereau et moi avons engagée depuis le début du mois d’octobre sur les modalités de mise en œuvre de ce projet a révélé certaines inquiétudes, notamment au sujet du volet « santé au travail ». Les organisations syndicales et les associations craignent en effet que cette thématique se trouve diluée dans un ensemble beaucoup plus large. Cette inquiétude est accrue par le fait que l’AFSSA a été créée – il y a une dizaine d’années, en même temps que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l’Institut de veille sanitaire (InVS) – avec la volonté d’intégrer un ensemble de laboratoires de référence, ayant des activités de recherche, de mise au point de diagnostics et d’épidémiosurveillance ; l’AFSSA réunit ainsi un peu plus de 1100 personnes, alors que l’AFSSET, qui s’est constituée sans intégrer de noyau préexistant, a des effectifs nettement moins nombreux. Cette comparaison – non pertinente – peut contribuer à la crainte de l’absorption d’une agence par l’autre, mais notre volonté est au contraire de nous appuyer sur les acquis de l’une et de l’autre pour construire ensemble la nouvelle agence.

La concertation a montré, tout d’abord, combien il était important d’afficher et de traduire dans des dispositions concrètes les grands principes qui fondent ces agences.

En premier lieu, la compétence scientifique. Les agences fonctionnent à la fois sur la base d’une expertise interne et à partir du regroupement, dans le cadre de comités spécialisés, d’experts externes choisis en veillant à prévenir tout conflit d’intérêt. Bien entendu, la nouvelle agence ne pourra bien remplir sa mission que si elle est capable d’attirer les meilleurs experts, et nous devons donc faire en sorte que le nouvel ensemble soit attractif.

L’indépendance, ensuite. Les agences ont été construites sur le principe d’une séparation très claire entre l’évaluation scientifique, qui est de leur ressort, et les décisions de gestion, qui relèvent des pouvoirs publics. L’indépendance doit valoir également à l’égard des intérêts particuliers, ce qui implique de prévenir les conflits d’intérêt. Au-delà de tout ce qui existe déjà dans les deux agences actuelles, il a été proposé pour le nouvel établissement de mettre en place un comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêt, totalement indépendant et qui pourrait être saisi en cas de doute.

La transparence, enfin. Les rapports, avis et recommandations doivent être systématiquement rendus publics. Il convient de les mettre à disposition non seulement des pouvoirs publics, mais de l’ensemble des parties.

La gouvernance est également un sujet qui a été abondamment débattu avec l’ensemble des partenaires. Dans la mesure où les travaux de l’agence vont porter sur des enjeux sociétaux et où les connaissances scientifiques doivent être complétées par d’autres considérations, il faut que cette gouvernance soit très ouverte. Nous souhaitons qu’à l’instar de celui de l’AFSSET, le conseil d’administration de la nouvelle agence, sur le principe des cinq collèges du Grenelle de l’environnement, associe les pouvoirs publics, les mouvements associatifs – ONG environnementales, associations de consommateurs, associations de victimes d’accidents du travail, associations intervenant dans le domaine de la santé –, les partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales –, les organisations professionnelles – du secteur agro-alimentaire, du secteur des produits chimiques, du médicament vétérinaire –, les élus, des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.

Face à l’inquiétude d’une dilution de certaines problématiques, en particulier celle de la santé au travail, nous affirmons notre volonté de préserver la visibilité des grandes thématiques des deux agences actuelles, notamment par la mise en place, auprès du conseil d’administration, de comités stratégiques. Ceux-ci serviraient de lieux d’échanges et de construction de stratégies sur chacune de ces thématiques, et permettraient d’entretenir les relations avec les différents ministères concernés. La nouvelle agence aura en effet cinq ministres de tutelle  – travail, écologie, santé, agriculture et consommation. Des dispositions devront aussi être prises pour s’assurer que les moyens accordés par chacun des ministères sont bien affectés aux thématiques qui le concernent.

S’agissant enfin du calendrier, le Gouvernement doit finaliser le projet d’ordonnance et le soumettre au Conseil d’État en décembre prochain, afin que l’ordonnance soit publiée dans le délai fixé par la loi, c’est-à-dire avant le 21 janvier 2010. La procédure de ratification parlementaire suivra. Il faudrait que le décret d’application soit publié assez rapidement, pour que la nouvelle agence puisse être effectivement installée le 1er juillet prochain : il est important, notamment pour le personnel, que le processus ne s’éternise pas.

J’appelle l’attention sur la nécessaire adéquation entre les missions qui seront confiées à la nouvelle agence et les moyens qui lui seront alloués : à l’occasion de la concertation que nous avons menée, l’approfondissement de certaines missions a été souhaité, mais cela suppose que les moyens suivent.

M. Martin Guespereau, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSET). Une fusion est toujours un moment très difficile à vivre pour une équipe, mais le travail de convergence que nous avons accompli depuis un mois et demi a été extrêmement fructueux. J’ajouterai seulement quelques remarques à ce qui vient d’être dit.

La loi du 1er juillet 1998 qui a créé l’AFSSA et celle du 9 mai 2001 qui a créé l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), devenue ensuite l’AFSSET, étaient visionnaires. Elles ont créé ces agences pour répondre aux crises sanitaires, à un moment où les experts publics n’avaient plus aucun crédit. Cette réponse se fonde sur l’indépendance de ces établissements par rapport à l’État, ainsi que sur l’expertise collective – car aujourd’hui, nul ne peut détenir la vérité tout seul, et nous faisons en sorte d’écouter tout scientifique susceptible d’apporter sa contribution à un débat. Mais nos agences sont aussi des « objets politiques » qui doivent faire consensus : nous sommes un pont entre le monde de la connaissance scientifique et la société. C’est à mon avis sur ce point que se joue la fusion. Nous devons rechercher le consensus avec toutes les parties au Grenelle de l’environnement – fédérations professionnelles, syndicats, ONG, élus, collectivités locales, État –, qui seront représentées au conseil d’administration.

Les inquiétudes qui sont apparues ne sont cependant pas totalement dissipées. Il me paraît donc essentiel d’expliquer à chacun ce qu’il a à gagner dans cette fusion. Le milieu le plus inquiet est celui de la santé au travail – partenaires sociaux et médecins du travail. Ils considèrent que le monde « agricole » de l’AFSSA est complètement étranger à leurs sujets de préoccupation et craignent l’abandon de leurs thématiques – par exemple celle des maladies professionnelles, sujet essentiel s’il en est puisqu’on chiffre le nombre de cas à 50 000 par an, soit dix fois plus que le nombre de tués sur la route. Dans un tel domaine, il est évidemment indispensable de ne pas réduire nos moyens.

Les menaces existent, mais les opportunités aussi. La première d’entre elles est le deuxième plan Santé au travail (PST 2010-2014) que M. Darcos a annoncé pour février prochain. Il est l’occasion de se demander si l’on souhaite, ou non, disposer en ce domaine d’une expertise forte. L’AFSSET est aujourd’hui seule à financer la recherche en santé au travail ; nous y consacrons modestement un million d’euros par an, mais notre contribution représente 50 % des ressources financières de certains laboratoires. C’est dire que, si l’on veut qu’existent durablement des équipes de recherche en santé au travail, il ne faut surtout pas supprimer cette source de financement. La menace est néanmoins réelle : les moyens financiers attribués à l’AFSSET vont diminuer de 5,7 % en 2010, en dépit d’une augmentation des effectifs. De ce fait, alors qu’en 2009, 38 % de nos ressources allaient au financement de la recherche, en 2010 cette part tombera à 29 %. Si cette tendance se poursuit, la qualité des expertises ne pourra que se dégrader et nos liens avec les chercheurs se distendront – car l’AFSSET, je le rappelle, ne fonctionne pas dans un cadre fermé : elle offre un nom collectif à ce que des scientifiques externes viennent composer ensemble. C’est de cette manière que nous avons travaillé sur la téléphonie mobile, sur l’amiante, sur les produits chimiques. Nous avons montré le mois dernier sur la téléphonie mobile que nous étions capables de faire converger à la fois les scientifiques, les opérateurs et les associations.

Pour garder cette capacité à produire du consensus sur des sujets de société, il faut préserver la recherche, donc ne pas diminuer les moyens, et par ailleurs préserver la séparation entre l’évaluation et la gestion : dans le nouvel établissement, il faudra que le travail d’expertise – rassemblant une partie de l’AFSSA et toute l’AFSSET – soit considéré, à l’intérieur de ce grand ensemble, comme un métier en soi, totalement séparé de la gestion, et s’exerçant dans le cadre de pôles bien identifiés. Un comité de déontologie extérieur veillera au respect de certaines règles.

S’agissant des thématiques de travail, force est de reconnaître que le choix se fait aujourd’hui avec les ministères, le conseil d’administration ne jouant qu’un rôle d’enregistrement. Demain, j’espère que, grâce aux comités d’orientation que nous allons mettre en place, nous aurons un vrai dialogue en amont, permettant à toutes les parties extérieures de venir exposer les sujets de préoccupation qui justifieraient des investigations. Je pense par exemple, actuellement, aux incinérateurs ou aux algues vertes ; nos travaux doivent porter sur des sujets de controverse, générateurs de crise.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Merci beaucoup à tous les deux pour cette présentation. Nous en venons aux questions.

M. Jean-Paul Chanteguet. Découvrant ce projet de fusion, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur son opportunité. Mais je m’interroge : est-ce une conséquence de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ?

Il me paraît particulièrement important que vous ayez l’un et l’autre relevé les inquiétudes du monde de la santé au travail, rappelé qu’il fallait éviter les conflits d’intérêts, souligné que la future agence devrait disposer du concours des meilleurs experts, et enfin évoqué la mise en place d’un comité de déontologie, ce à quoi nous sommes évidemment sensibles.

Pourriez-vous nous préciser quels sont les effectifs actuels de l’AFSSET ?

La nouvelle agence signera-t-elle un contrat d’objectifs et de moyens avec ses différents ministères de tutelle ?

Monsieur le directeur général de l’AFSSA, le contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’État pour la période 2007-2011 comportait, parmi ses orientations stratégiques, « l’achèvement de la montée en puissance de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) ». Celle-ci est-elle effectivement achevée ? Il était par ailleurs prévu de développer les travaux dans le domaine de la « sécurité sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine ». Où en est-on ? Enfin, en vertu de l’orientation stratégique n° 4, l’AFSSA devait identifier les « sujets émergents » : pourrions-nous en connaître la liste ?

Monsieur le directeur général de l’AFSSET, vous avez lancé le 9 mars 2009 un appel à projets de recherche sur « Santé au travail » et « Santé-Environnement ». Puisque les offres devaient être remises pour le 26 mai 2009, vous avez sans doute fait votre choix. Pourriez-vous nous indiquer dans quel délai ces travaux vous seront remis ?

M. Christophe Priou. Parmi les sujets d’actualité, je citerai la grippe aviaire, qui vient de donner lieu à des abattages. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ?

Quels sont les rapports entre vos deux agences et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ? Pour ma part, je connais bien la « guerre du sel » qu’il avait fallu mener pendant dix ans pour que le sel ramassé par les paludiers de l’île de Ré, de Noirmoutier et de Guérande retrouve son alimentarité, après que de grands groupes avaient porté le fer au niveau européen. Quel sera le poids de la future agence face à l’EFSA ?

Pour les produits de décoration et les matériaux de construction, que bon nombre de nos concitoyens utilisent dans leurs activités de bricolage, vous préconisez un étiquetage. Faut-il aller plus loin ?

M. Marc Mortureux. Oui, monsieur Chanteguet, ce projet s’inscrit dans le cadre de la RGPP. Cependant son moteur n’est pas la réalisation d’économies, mais une rationalisation dans la mobilisation de l’expertise. M. Guespereau a évoqué les impératifs de moyens : si nos deux agences ont des activités proches, il n’y a pas de duplication dans les travaux ; il n’y a donc pas à attendre d’économies sur ce point, mais au contraire à assurer le financement de travaux sur les sujets de préoccupation qui apparaissent.

L’AFSSA et l’AFSSET ont chacune conclu avec l’État un contrat d’objectifs et de moyens s’achevant en 2011. De façon pragmatique, il est prévu de maintenir ces deux contrats, en ne procédant qu’aux ajustements indispensables : la mise en place du nouvel établissement ne doit en effet se traduire en aucun cas par un abandon de nos missions. Et dès le lancement de la nouvelle structure, les comités stratégiques pourront commencer à travailler sur le futur contrat d’objectifs et de moyens – qui démarrerait au 1er janvier 2012.

Quant à la montée en puissance de l’ANMV, elle a eu lieu, même si je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres. Il n’y a pas de raison qu’elle soit totalement terminée, mais cette agence répond désormais aux attentes. Elle pèse fortement au niveau européen, en participant aux activités de l’Agence européenne du médicament. A titre d’exemple, ce 18 novembre est la journée européenne de « l’antibiorésistance », consacrée à la résistance aux antibiotiques ; et nous lançons, avec la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et la direction générale de la santé, un comité national vétérinaire pour un usage raisonné des antibiotiques, inspiré de la structure existant dans le domaine de la médecine humaine.

Concernant les sujets émergents, nous avons par exemple œuvré récemment pour mettre en place un système de vigilance relatif à la consommation croissante de compléments alimentaires. Pour certaines catégories de population, cette consommation peut compenser certaines carences, et on se trouve alors plutôt dans une logique de prescription médicale ; mais en aucun cas, elle ne peut se substituer à la nécessité d’avoir une alimentation équilibrée. C’est pourquoi l’AFSSA, dans le cadre de la mission que lui a confiée la loi HPST, met en place un dispositif qui permettra aux professionnels de santé de signaler les effets indésirables observés. Je pourrais citer aussi l’exemple des nanomatériaux, sujet qui concerne à la fois l’AFSSET et l’AFSSA et sur lequel les connaissances scientifiques sont encore extrêmement limitées. Il convient de se saisir de ces sujets suffisamment en amont.

M. Martin Guespereau. L’AFSSET compte 150 agents. Par rapport aux 1100 agents de l’AFSSA, c’est peu, mais le déséquilibre est moindre si l’on ne considère qu’au sein de l’AFSSA, seules 180 personnes se consacrent à l’expertise.

Les contrats d’objectifs et de moyens contiennent toujours beaucoup de bonnes intentions, auxquelles on a parfois un peu de mal à donner suite. Celui de l’AFSSET visait à en faire une tête de réseau, appelée à faire travailler tous les experts ensemble, mais nous attendons toujours les moyens qui avaient été promis.

Parmi les sujets émergents, on peut citer également les radiofréquences, ou encore les perturbateurs endocriniens, sujets particulièrement importants, qu’il s’agisse des troubles de la reproduction, de l’explosion des cas de diabète, de l’effet des phtalates ou des résidus de médicaments dans l’eau.

Je considère qu’il est aussi de notre devoir d’accompagner la montée des aspirations écologiques, et donc de travailler notamment sur le biogaz, les lampes fluocompactes, les diodes, en examinant, au-delà de l’effet positif sur l’environnement, l’impact sur la santé. On se demande, par exemple, si certaines diodes ne sont pas susceptibles de provoquer une dégénérescence maculaire.

L’air intérieur va également devenir un sujet essentiel. On parle aujourd’hui beaucoup, dans le secteur de la construction, des labels « haute qualité environnementale » (HQE) et « haute performance énergétique » (HPE), mais il faut se pencher aussi sur les questions de santé. S’agissant des composés organiques volatils, en particulier le formaldéhyde, l’AFSSET a défini des valeurs de référence en termes de qualité de l’air ; et nous avons réussi récemment le tour de force de les transposer en valeurs d’émission tolérables pour les produits – matériaux de construction et de décoration, ameublement, peintures et solvants… Nous avons fixé la barre au niveau des exigences sanitaires maximales, correspondant à ce que nous souhaiterions voir respecter notamment dans les crèches ou les écoles maternelles. Malheureusement, il y a beaucoup de confusion sur ce sujet. Un décret va préciser l’étiquetage des matériaux, mais nous sommes déçus par le niveau des exigences retenues ; la polémique ne devrait pas s’éteindre car beaucoup d’associations ont bien noté la différence avec notre propre appréciation.

Quant à l’appel à projets de recherche, nous allons justement en publier aujourd’hui les résultats. Il a eu un très grand succès : deux fois plus de dossiers que l’année dernière ont été déposés. Et ils étaient tous de bonne qualité… Il était donc souhaitable de disposer d’un peu plus d’argent ; l’ADEME ajoutant un million d’euros aux 2,5 millions apportés par l’AFSSET, nous pourrons financer 32 projets – à hauteur d’environ un million d’euros pour la santé au travail, le reste allant aux projets « santé-environnement ».

Nous nous intéressons en particulier aux impacts que peut avoir sur la santé ce qui s’est passé durant la vie intra-utérine. On constate en effet que l’exposition de la mère à certains produits, même à des doses assez faibles, pendant cette période – en particulier dans les tous premiers mois de la grossesse – peut avoir des effets bien plus importants que l’exposition de la personne plus tard dans sa vie. Sur ces sujets de santé et environnement, nous avons réussi à constituer quatre consortiums. Se trouvent ainsi réunis pour travailler ensemble un toxicologue, un biologiste, un physicien et un économiste, qui autrement n’auraient eu aucune raison de se rencontrer.

M. Marc Mortureux. Quelques mots pour répondre à M. Priou.

Pour le moment en France, aucun élevage n’est déclaré contaminé par le virus H1N1. Cela devrait arriver, la propagation du virus chez l’homme rendant probable la transmission notamment vers le porc. Les mesures prévues visent moins à s’attaquer à un problème de santé animale qu’à éviter une recombinaison avec d’autres virus influenza porcins, suivie d’un retour vers l’homme avec des caractéristiques plus pathogènes.

Vous avez fait allusion au cas très récent d’infection par le virus influenza aviaire H5, faiblement pathogène, dans un élevage de canards situé dans le Nord du département des Deux-Sèvres. L’exploitation regroupait trois lots de 3 000 canards prêts à gaver, introduits respectivement en juillet, septembre et octobre. Lundi, les 9 000 canards ont été abattus et leurs carcasses ont été détruites. Après 21 jours de vide sanitaire, les volailles réintroduites feront l’objet d’une surveillance particulière pendant une période équivalente. L’enquête épidémiologique a montré que le virus n’a pas circulé.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Pour ma part, j’aimerais savoir si vous travaillez avec le réseau de recherche européen. Je pense en particulier aux polymères, notamment végétaux : mieux vaudrait que les Européens travaillent ensemble plutôt que de disperser leurs recherches et leurs financements.

M. Martin Guespereau. Oui, nous travaillons avec l’Europe ; l’Agence nationale de la recherche (ANR) ne le fait pas, nous le faisons. Nous avons le droit de financer des projets européens, et nous essayons de faire en sorte que ceux que nous finançons associent des équipes françaises. Quant aux polymères, c’est un sujet qui n’est pas encore à notre programme, mais qui le sera.

Mme Geneviève Gaillard. Sans doute le rapprochement entre l’AFSSA et l’AFSSET peut-il présenter certains avantages, mais je voudrais néanmoins exprimer plusieurs inquiétudes.

Je comprends que ceux qui interviennent dans le domaine de la santé au travail craignent une dilution de leurs préoccupations. De la même façon, les vétérinaires qui travaillent dans les laboratoires du réseau de l’AFSSA peuvent estimer que les problèmes de santé animale soient un peu oubliés.

Ma deuxième inquiétude concerne les moyens de la future agence car déjà, les laboratoires de l’AFSSA n’ont pas toujours assez de personnel pour mener les recherches nécessaires ; et je crains des coupes claires dans les budgets.

Je m’interroge aussi sur la manière dont les thèmes de recherche seront choisis. L’AFSSA a fait du bon travail depuis sa création, mais force est de constater, par exemple, qu’on ne s’est pas penché sur le problème majeur de l’obésité.

S’agissant enfin de la gouvernance, j’ai peur, à vous entendre, que l’on construise une usine à gaz, sans parler de la difficulté à gérer les relations avec cinq ministères différents.

Mme Christine Marin. Du nouvel ensemble que l’on nous a présenté, il nous manque encore le nom…

Quel poids la nouvelle structure aura-t-elle au niveau européen ?

Ayant dans ma circonscription l’entreprise Bigard, je peux témoigner des mesures drastiques qui encadrent l’abattage des bêtes et la fabrication d’un steak haché. Mais pendant ce temps, on continue à importer des Etats-Unis de la viande « passée à l’eau de javel ». Certaines volailles importées d’Europe laissent également à désirer.

Même chez nous, en dépit des exigences sanitaires dont vous parlez, une personne a pu récemment trouver des tronçons de souris dans un pain en tranches et une autre, qui avait acheté un sachet de salade prête à consommer, a trouvé dedans un téléphone portable… Elle a observé que le produit était visiblement frais, puisque le téléphone marchait encore ! En tout domaine, celui-ci comme les autres, les précautions prises ne sauraient tout empêcher.

Cela dit, cinq ministres de tutelle, n’est-ce pas beaucoup pour la future agence ?

M. Philippe Plisson. Mes questions portent sur les missions qui seront confiées à cette agence et sur ses moyens. Dans un contexte marqué par l’extrême sensibilisation de la population aux problèmes de santé et de pollution et par le renouvellement du cadre législatif par les Grenelle 1 et 2, ne faudrait-il pas que ce nouvel organisme agisse en faveur d’une inversion des priorités ? La préservation de la santé doit en effet l’emporter sur la recherche de la rentabilité, en agriculture, dans le secteur alimentaire, comme dans le domaine des matériaux de construction, ou encore dans celui des fournitures scolaires. La France accuse un grand retard en matière de réglementations, notamment par rapport aux pays nordiques. Or on ne peut en rester aux recommandations et à l’étiquetage : il faut des règles formelles. Que M. Guespereau semble partager mes inquiétudes ne me rassure pas sur les moyens dont il dispose pour inverser la tendance…

M. Michel Havard. En tant que président de l’Association HQE, je suis très heureux de vous avoir entendus parler de la haute qualité environnementale, et notamment de la qualité de l’air intérieur, sujet majeur.

Il est souvent difficile, pour les élus que nous sommes, d’assurer la traduction législative d’une évaluation scientifique, à la fois parce que beaucoup d’entre nous ne sont pas des scientifiques et parce que ce que nous décidons doit être accepté par l’opinion publique. Sans remettre en cause votre indépendance, comment pourrions-nous améliorer ce lien entre l’évaluation scientifique et la décision politique ?

M. Jean-Luc Pérat. Certaines collectivités locales se sont d’ores et déjà engagées à proposer des produits « bio » dans la restauration scolaire. Vous sera-t-il possible de les accompagner, et en même temps d’accompagner la filière ?

En ce qui concerne les matériaux de construction, ne pourrait-on développer l’analyse des produits utilisés, dont le mélange peut être parfois détonant ? Par ailleurs, le fait de limiter au maximum les entrées et sorties d’air ne représente-t-il pas un risque pour la santé de demain ?

M. Martial Saddier. Je salue le rapprochement des deux agences, gage d’une expertise forte et reconnue. Je souhaite que le nouvel établissement soit très rapidement connu du grand public et que la communication fasse partie intégrante de son projet. Je forme aussi pour lui des vœux d’indépendance – mais le fait que la tutelle soit partagée entre cinq ministères est sans doute à cet égard une garantie ! Espérons que cette tutelle multiple ne nuira pas à son efficacité.

En tant que président du comité national de l’agriculture biologique, je souhaite que cette nouvelle agence poursuive le travail engagé sur l’agriculture biologique, notamment sur le plan conceptuel : alors que d’autres pays parlent d’agriculture respectueuse de l’environnement, on a tendance en France à considérer que les produits « bio » sont meilleurs pour la santé et meilleurs sur le plan organoleptique. Or ces produits n’ont pas vocation à être vendus dans les pharmacies…

En tant que président du comité apicole français, je voudrais par ailleurs insister sur la nécessité d’une évolution européenne en matière d’homologation des produits phytosanitaires, dont les nouveaux modes d’action doivent être mieux pris en compte. Il serait important que la future agence fasse de ce sujet un axe prioritaire de recherche.

M. François Grosdidier. Je salue à mon tour la fusion, en observant que le nombre des tutelles ministérielles résultera simplement de l’étendue du champ couvert par le nouvel établissement. La frontière entre les deux agences était difficilement compréhensible ; le problème des produits phytosanitaires, par exemple, concerne autant les agriculteurs que les personnels de nos communes qui s’occupent des espaces verts ou que les salariés d’entreprises horticoles.

J’aimerais avoir votre sentiment – peut-être à l’occasion d’une autre rencontre – sur la compatibilité entre le temps de la recherche et de la connaissance scientifique, notamment en matière épidémiologique, le temps de la décision publique et celui de l’action économique.

J’aimerais aussi savoir comment vous assurez la prévention des conflits d’intérêts, non seulement dans votre organisation interne mais aussi lorsque vous faites appel aux contributions de chercheurs extérieurs. La transparence est un élément de réponse, mais à partir de quand entre-t-elle en conflit avec l’exigence de protection du secret industriel ?

Je forme le vœu que la future agence ait un rôle de conseil auprès du Parlement. Il serait bon que nous puissions vous rencontrer régulièrement, afin que vous nous fournissiez des éléments sur lesquels appuyer notre travail législatif et notre mission de contrôle de l’exécutif.

M. Frédéric Cuvillier. Monsieur le directeur général de l’AFSSA, permettez-moi tout d’abord de saluer vos équipes, après avoir eu le plaisir de visiter à Boulogne-sur-mer l’un de vos laboratoires, où les chercheurs font un travail considérable et insuffisamment connu.

Quel sera le positionnement de la nouvelle agence dans la démarche des pôles de compétitivité, ainsi que dans celle des campus dont le Grenelle de la mer envisage la création ?

M. Marc Mortureux. Nous sommes bien sûr tout à fait prêts à poursuivre l’échange engagé aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs envisagé d’indiquer explicitement dans le statut de la nouvelle agence le principe de la remise d’un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement. Nous sommes nous-mêmes très demandeurs d’une telle relation car vous pouvez nous apporter des informations très utiles.

Madame Gaillard, vous avez raison : il est très important de ne pas délaisser la problématique de la santé animale. La présence de laboratoires sur le terrain est essentielle, et il ne faut pas baisser la garde. A l’AFSSA, l’un de nos soucis actuels est le manque de ressources pour financer nos investissements ; c’est un sujet que nous devons examiner avec nos ministères de tutelle.

Le nom du nouvel établissement n’a pas encore été choisi. Il serait préférable qu’il soit facile à retenir et à prononcer.

La question des exigences relatives aux importations, sujet très important, relève davantage des pouvoirs publics que de nous.

L’AFSSA est intervenue à plusieurs reprises sur le sujet complexe de l’obésité, dont l’explication est multifactorielle. S’agissant d’un problème d’équilibre entre les apports énergétiques et les dépenses énergétiques, des rapports récents ont insisté sur l’effet du manque d’exercice physique. L’alimentation ne constitue que l’un des facteurs, mais nous avons notamment recommandé que l’on impose des règles explicites d’équilibre nutritionnel dans la restauration scolaire ; c’est une disposition qui devrait vous être soumise dans le cadre du projet de loi de modernisation agricole.

Oui, la communication doit faire pleinement partie des missions mêmes de la nouvelle agence. Au-delà de la communication en direction du grand public, il convient de permettre des débats contradictoires sur divers sujets.

Concernant l’agriculture biologique, l’un des objectifs doit être la clarté des messages. Il est exact que cette agriculture, dont les qualités nutritionnelles particulières ne sont pas démontrées par les études, répond surtout à des exigences environnementales.

Monsieur Saddier, merci de votre travail sur le monde apicole. Nous apprécions votre contribution !

S’agissant de la compatibilité des temps, la nouvelle agence aura notamment pour but de développer des logiques de temps long.

En ce qui concerne la prévention des conflits d’intérêt, les processus, que je n’ai pas le temps de décrire ici, sont très précis.

M. Martin Guespereau. Cinq tutelles, c’est évidemment beaucoup, mais notre rôle étant de mettre d’accord des scientifiques, nous pouvons aussi nous employer à mettre d’accord des ministères !

S’agissant de la suite donnée à nos rapports, nous devons certainement nous préoccuper davantage de passer le relais aux décideurs, au niveau législatif et réglementaire, et de favoriser le débat entre tous les partenaires à partir de nos travaux. Nous sommes en quelque sorte les réassureurs des pouvoirs publics ; nous recevons les lanceurs d’alerte et nous faisons du sur-mesure. Sur la téléphonie mobile, il a fallu deux ans de travail. Bien entendu, je souhaite que nous puissions dialoguer davantage avec le Parlement.

Le thème HQE est captivant car il marie les préoccupations de santé et d’environnement. Sur les questions de ventilation dans les nouveaux bâtiments, je constate que le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) fait actuellement un pas en arrière et redemande qu’on mette des ouvrants dans les salles de bains.

M. Michel Havard. Je suis ravi de ce que j’entends : on construit des bâtiments pour y faire vivre et travailler des gens, non pas pour établir une facture d’énergie. Le « bon sens » est souvent bien utile.…

M. Frédéric Cuvillier. Puis-je avoir une réponse sur les pôles de compétitivité ?

Mme Valérie Baduel, directrice générale adjointe de l’AFSSA. Nous sommes très favorables à ce type d’approche, en parfaite cohérence avec le travail que nous effectuons avec les acteurs locaux – en particulier à Boulogne, avec la création d’une unité mixte technologique, permettant une synergie avec l’ensemble des acteurs. Bien entendu, nous veillons à ce que chacun y gagne, dans le respect des missions de chacun.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Merci à tous les trois pour cet échange très intéressant. Nous serons très heureux de recevoir celui ou celle qui dirigera le nouvel établissement !

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 18 novembre 2009 à 10 heures

Présents. - M. Maxime Bono, M. Jean-Yves Bony, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Joël Giraud, M. François-Michel Gonnot, M. François Grosdidier, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Max Roustan, M. Martial Saddier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, Mme Claude Darciaux, M. Lucien Degauchy, M. Stéphane Demilly, M. Philippe Duron, M. Jean-Pierre Giran, M. Christian Jacob, M. Philippe Tourtelier

Assistait également à la réunion. - Mme Martine Lignières-Cassou