Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 15 décembre 2009

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Françoise Branget

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable.

Mme Françoise Branget, présidente. La Commission du développement durable est heureuse d’accueillir pour la première fois Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable (CGDD) et déléguée interministérielle au développement durable.

Je souhaite tout d’abord excuser l’absence du président de la Commission, Christian Jacob, et de plusieurs de nos collègues qui accompagnent la délégation ministérielle à la conférence de Copenhague sur le changement climatique.

J’informe la Commission que cette réunion sera la dernière avant l’interruption des travaux parlementaires et que nous reprendrons nos travaux le mardi 12 janvier, à seize heures quinze, avec l’audition de M. François Drouin, Président-directeur général d’OSEO.

La prochaine convocation précisera à titre indicatif l’ordre du jour des réunions ultérieures, et notamment les dates de l’examen en commission du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (« Grenelle II »), les amendements devant être déposés avant le samedi 16 janvier à dix-sept heures.

Madame Pappalardo, la commission a souhaité vous auditionner pour que, d’une part, vous nous présentiez les grandes missions du commissariat général, les moyens mis à sa disposition et les principaux sujets qui l’occupent actuellement ; d’autre part, pour que vous évoquiez le financement du développement durable et la situation des métiers liés à la « croissance verte ».

Mme Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable. Je vous remercie de m’avoir invitée. J’ai donc deux « casquettes » sous le même intitulé du développement durable : celle de déléguée interministérielle et celle de commissaire générale, qui est une fonction interne au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer – MEEDDM.

Comme tous les ministères, celui-ci comprend des directions générales thématiques – au nombre de cinq : l’énergie et le climat ; les infrastructures, les transports et la mer ; l’aménagement, le logement et la nature ; l’aviation civile et la prévention des risques – et une structure transversale ayant une fonction de support pour le fonctionnement quotidien : le secrétariat général, chargé du budget, des personnels, de la communication et de l’action internationale. Mais, et c’est là une originalité, il comporte en outre une seconde structure transversale, chargée de proposer une vision stratégique et de travailler sur des sujets de moyen et long termes : c’est le commissariat général au développement durable.

Ce commissariat regroupe les moyens des trois anciens ministères à partir desquels a été constitué le MEEDDM, et ce autour de trois métiers.

Le premier métier concerne l’observation et les statistiques, avec un service qui réunit l’Institut français de l’environnement – IFEN – du ministère de l’environnement, l’Observatoire de l’énergie de la direction générale de l’énergie et des matières premières – DGEMP –, et le service des statistiques sur les transports et la construction de l’ex-ministère de l’équipement. Ce service a pour vocation de produire l’ensemble des statistiques du ministère, mais aussi de travailler sur des sujets tels que les indicateurs de développement durable, dans le prolongement des travaux de la commission Stiglitz.

Deuxième métier : la recherche, avec une direction de la recherche et de l’innovation. En effet, non contents de regrouper les moyens de recherche des ministères de l’environnement et de l’équipement, nous souhaitons mettre en œuvre des projets, avoir une action en termes d’innovation et, si possible, mener une réflexion de politique industrielle sur les sujets qui concernent le ministère.

Notre direction de la recherche et de l’innovation finance des programmes de recherche avec des moyens relativement limités et en se plaçant le plus possible dans une posture d’anticipation – l’administration centrale n’ayant pas vocation à porter elle-même des projets de recherche lourds exigeant beaucoup de moyens. Elle essaie donc de créer des équipes dans des domaines prometteurs où il apparaît nécessaire de faire collaborer des chercheurs que le sujet intéresse, la logique voulant que ce travail soit ensuite repris, sur une échelle différente, par des organismes de recherche proprement dits.

Le CGDD anime également les 35 établissements, rattachés au ministère, qui font de la recherche, comme le Commissariat à l’énergie atomique – CEA –, l’Institut français du pétrole, l’IFP, ou encore le Muséum national d’histoire naturelle. Ce faisant, nous créons le réseau scientifique et technique du ministère en les faisant travailler ensemble sur des sujets communs, la « ville durable » par exemple, en « modes projets », par l’échange d’informations ou par le montage de projets, y compris au niveau européen. Nous devons enfin gérer et faire progresser les centres d’études techniques de l’ex-ministère de l’équipement, les CETE, qui ont vocation aujourd’hui à s’intéresser à d’autres sujets que les transports et la construction. Pour ce faire, nous faisons évoluer les compétences de leurs personnels pour les mettre à disposition des directions générales, dont ils prendront en charge les thématiques en y introduisant une dimension de développement durable.

Vous le voyez : cette direction de la recherche et de l’innovation a un travail très particulier de recherche, mais surtout d’animation, pour mobiliser les outils rattachés au ministère au service notamment de la politique des pôles de compétitivité et de la promotion des filières vertes.

Le troisième métier concerne les études économiques : le service « de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable », constitué des services « économie » des ministères de l’environnement et de l’équipement, mais aussi d’une partie de la délégation au développement durable qui existait avant la création du MEEDDM, a une double tâche.

D’une part, en développant les évaluations et les études sur le thème du développement durable, il fait en sorte que les évaluations des politiques publiques portent sur les trois piliers. Cela suppose que nous soyons particulièrement experts dans l’évaluation environnementale.

D’autre part, chargé de « l’intégration du développement durable », il fait en sorte que les entreprises et les acteurs publics – collectivités locales et État – intègrent cette préoccupation dans leur démarche. Ainsi, nous nous préoccupons de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), nous travaillons sur la consommation durable et les programmes « État exemplaire », et nous aidons les collectivités territoriales à mener à bien les actions relevant de l’Agenda 21.

Ainsi, s’appuyant sur ces trois métiers, le commissariat aide les directions générales dans leurs politiques classiques, mais aussi les incite à travailler ensemble et à intégrer structurellement le développement durable dans leur action, comme il a d’ailleurs vocation à y inciter tous les acteurs économiques, publics et privés. Là est sa mission de base.

Moins de 500 personnes travaillent au sein du CGDD : environ 200 aux statistiques, 80 à la recherche, 120 au service économique, auxquelles s’ajoutent une quarantaine de personnes au sein de la délégation au développement durable – DDD –, qui est une structure transversale ayant vocation à travailler sur la prospective. L’essentiel des moyens financiers est constitué de crédits pour la recherche – une quinzaine de millions –, pour les études des services déconcentrés et pour les statistiques. Les personnels et la « matière grise » sont en effet les forces vives du commissariat, à qui il ne revient pas d’investir.

Mais le commissariat ne travaille pas qu’à l’intérieur du MEEDDM, pour les directions générales ; il a également vocation à convaincre les autres ministères de mener des politiques de développement durable, notamment au travers de l’élaboration de la stratégie nationale du développement durable.

Cela m’amène aux trois sujets majeurs sur lesquels nous travaillons.

En premier lieu donc, la stratégie nationale du développement durable. Nous mettons actuellement au point la deuxième stratégie nationale, la précédente ayant débuté en 2003 et pris fin en 2008. Le travail d’élaboration et de concertation, qui a duré toute l’année 2009, s’est fait sur Internet et par de nombreux échanges avec la multitude d’institutions que le sujet intéresse ; il est achevé. Nous avons travaillé avec les cinq collèges du Grenelle de l’environnement et avec le comité de suivi où ils sont tous représentés, et, de ce fait, le document a beaucoup évolué entre le début et la fin de l’année. Il est aujourd’hui soumis au Conseil économique, social et environnemental qui devrait rendre son avis d’ici fin janvier, ce qui permettra d’adopter la nouvelle stratégie à partir de février. Cette adoption relève du comité interministériel du développement durable – CIDD –, composé de tous les ministres et présidé, soit par le Premier ministre, soit par le ministre chargé du développement durable – ce comité ne s’est d’ailleurs réuni que deux fois à ce jour : en 2003 pour l’adoption de la première stratégie et en 2006 pour son actualisation.

Ce deuxième document, de 40 pages, est beaucoup plus une stratégie que le premier – qui, avec 180 pages, constituait plutôt une juxtaposition de plans d’action – et s’inspire beaucoup de la stratégie européenne du développement durable de 2006 ; nous avons complété les sept défis de cette stratégie européenne avec le souci de lier étroitement préoccupations environnementales et préoccupations économiques et sociales, de manière à bien traiter de développement durable au lieu de céder à l’habitude française de ramener ce sujet à la seule préservation de l’environnement.

Entre le début et la fin des travaux, la crise économique est intervenue. À présent, nous attendons les conclusions du sommet de Copenhague. Tout cela a influé sur le contenu de la stratégie, très marqué au départ par le Grenelle, et maintenant davantage par des thèmes comme celui de la croissance verte.

Le deuxième sujet sur lequel nous travaillons, de manière innovante j’espère, est justement la croissance verte et les filières industrielles susceptibles de la porter. Cet été, nous avons, à la demande du cabinet, préparé un rapport pour déterminer dans lesquelles de ces filières notre pays a vocation à devenir un « champion ». En fonction du potentiel mondial et national, mais aussi de nos capacités industrielles et de nos atouts naturels – forêts, côtes maritimes –, nous avons pris le risque d’identifier ces filières ainsi que des zones à développements économiques intéressants. Pour l’heure, ce rapport est soumis à concertation sur Internet, et nous menons des échanges bilatéraux avec l’ensemble des grandes entreprises que le sujet intéresse, avec l’idée d’aboutir en janvier, sur ces deux catégories, à un diagnostic partagé par l’ensemble des ministères et des acteurs économiques.

Dernier sujet : tous les éléments précédents découlent plus ou moins directement du Grenelle de l’environnement et une des missions du commissariat est justement d’assurer le suivi transversal de la mise en œuvre du Grenelle – ce qui n’est pas simple car il s’agit de 268 engagements impliquant des milliers d’actions à entreprendre – et de coordonner les textes législatifs sur ces sujets. Selon une étude d’impact que nous avons effectuée et que nous actualisons régulièrement, si tous les investissements prévus d’ici à 2020 dans le Grenelle sont réalisés, nous arriverons à un total de 440 milliards d’euros, et à la création de 500 000 emplois – 600 000 selon le Boston Consulting Group qui a repris ce travail. On le voit : ces politiques ont un enjeu économique et social important et c’est pourquoi nous y travaillons spécifiquement sous l’angle industriel – mais aussi fiscal, s’agissant en particulier de la taxe carbone. Nous essayons de faire en sorte que les différents outils nécessaires à la mise en œuvre du Grenelle se déploient progressivement à travers l’ensemble des politiques publiques, et pas uniquement celles de notre ministère.

Mme Françoise Branget, présidente. Comment allez-vous aborder concrètement le thème de la « ville durable », thème transversal par excellence ? Allez-vous soutenir le projet éco-cités et inciter les administrations centrales à y contribuer via leurs politiques de la ville ?

Mme la Commissaire générale. Sur un tel sujet, le rôle du commissariat n’est pas d’avoir une action opérationnelle sur le terrain, mais d’apporter une réflexion stratégique, un soutien intellectuel. Il le fera en mettant à contribution ses trois métiers.

En ce qui concerne la recherche, nous souhaitons soutenir pour 2010 un travail de comparaison, beaucoup de chercheurs s’efforçant actuellement de travailler sur ces thématiques dans une perspective systémique. Préciser le concept de « ville durable » suppose aussi de la prospective, ce que fait le commissariat avec un programme sur la ville « post-carbone ». Tous les établissements publics de recherche rattachés au ministère et oeuvrant sur ces sujets – la mobilité, par exemple – seront mobilisés : l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU), le Laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC), le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), etc. Nous les inciterons à se coordonner.

Pour la partie études, nous entendons soutenir l’action que mènent les collectivités locales dans le cadre des Agendas 21, la ville durable supposant une vision partagée et une certaine gouvernance. Enfin, la ville durable nécessite des observations et des indicateurs car la densité et l’étalement urbain se mesurent. Il faut savoir d’où l’on part et comment les choses évoluent. Cela relève de notre service de l’observation et des statistiques, qui y travaille à l’aide notamment de systèmes d’observation satellitaires et de logiciels. Avec nos trois métiers, nous pouvons donc apporter des éléments pour que ce concept de la ville durable puisse être pris en compte et traduit dans les faits par les uns et les autres.

La stratégie nationale du développement durable donne aussi un certain nombre d’orientations, que les différents ministères et les directions générales auront à mettre en œuvre dans le cadre des politiques publiques. Ainsi, le premier volet du plan « ville durable », qui a permis de lancer des appels à projet sur les transports collectifs, a été géré par la direction générale des transports du ministère, tandis que les deux autres – un appel à projet sur les éco-quartiers et un sur les éco-cités – le sont par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, la DGALN. Avec nos méthodes et nos outils, nous nous efforçons de travailler le plus harmonieusement possible avec les directions générales qui, elles, appliquent les politiques sur le terrain avec les moyens financiers dont elles disposent.

M. Philippe Plisson. Madame, sans mettre en cause votre conviction, je me permets de ne pas partager votre optimisme s’agissant des moyens de votre délégation.

À l’heure du Sommet de Copenhague et compte tenu de l’urgence climatique et des annonces du Gouvernement, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer devrait avoir un rôle stratégique. Or on peut légitimement s’interroger sur son rôle et ses ambitions.

Sur le fond, tout d’abord, puisque chaque projet de loi du Gouvernement devrait être examiné et validé à l’aune de sa contribution au développement durable. Or la fermeture des tribunaux d’instance de proximité, obligeant les populations fragiles à de plus longs trajets pour assister aux audiences de tutelle, ou encore l’instauration du travail du dimanche, procédant d’une logique productiviste, vont à l’encontre de cet objectif.

Sur la forme, ensuite : la réforme des politiques publiques conduit à des réductions de moyens et à des compressions de personnels, qui, comme je l’ai dit dans mon rapport pour avis sur le budget du MEEDDM, compromettent le respect des engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement ?

Estimez-vous que la délégation interministérielle au développement durable dispose d’une autorité et de moyens à la hauteur des enjeux ?

M. Jean-Pierre Giran. Nous avions bien besoin d’entendre une description du commissariat et de son activité, madame la commissaire générale ! Pendant un et demi, j’ai participé à une étude sur la valeur économique de la biodiversité, dans le cadre du Centre d’analyse stratégique, rue Martignac où nous nous sommes réunis toutes les semaines, avant de rendre un rapport très important, aujourd’hui traduit en plusieurs langues. Or, pendant tout ce temps, je n’ai jamais entendu parler du commissariat général au développement durable !

Mme la Commissaire générale. Nous étions pourtant là !

M. Jean-Pierre Giran. Trop discrètement, sans doute. Il faudrait vous affirmer davantage !

L’établissement public Parcs nationaux de France, dont je suis le président, a financé une étude du CREDOC sur la valeur économique des parcs nationaux, mais le lien ne s’est pas établi naturellement sur ce sujet avec le commissariat. Je tiens donc cette étude à votre disposition si vous le souhaitez. S’agissant des statistiques, les parcs nationaux viennent de rendre à Mme la secrétaire d’État à l’écologie un rapport reprenant toutes les données qu’ils ont accumulées sur le changement climatique. Sur ce point aussi, il serait bon d’approfondir les relations avec le commissariat.

Enfin, et cela concerne la stratégie nationale du développement durable, tous les parcs nationaux sont aujourd’hui engagés dans l’élaboration de leur charte, qui n’est rien d’autre qu’une mise en cohérence entre protection et animation du territoire. L’exigence de développement durable est dorénavant inscrite dans la loi et, pour ne prendre qu’un exemple, le thème du tourisme durable est d’une brûlante actualité quand on pense à Port-Cros ou à la Guadeloupe. Je regrette donc que nous ne soyons pas suffisamment sollicités. Plutôt, je plaide coupable de ne pas être suffisamment conscient des relations que nous devons établir avec vous car si nous sommes, sous l’égide de Jean-Marc Michel et de sa direction générale, en liaison directe avec le ministre et la secrétaire d’État, nous n’avons pour ainsi dire aucune relation avec vous. Pour ce qui est des structures, je vois bien l’intérêt du transversal, je connais assez bien l’horizontal, mais il faudrait des intersections !

M. Jean-Marie Sermier. Nous avons du mal à percevoir l’implication concrète de la délégation interministérielle sur le terrain, ce qui se comprend : comme ses missions essentielles ont trait à la recherche et à la coordination des politiques, il est normal qu’elle n’apparaisse pas au grand jour. Souhaitez-vous cependant développer votre communication dans les mois à venir ?

D’autre part, envisagez-vous de travailler sur des projets exigeant une forte mobilisation de tous, comme celui de l’hydrogène énergie dont l’enjeu est formidable ? De nombreux pays comme l’Allemagne ont avancé sur ce dossier majeur alors qu’en France, il « patine ».

Par ailleurs, comment rendre cohérents les plans climat dont chaque département s’apprête aujourd'hui à se doter ?

Enfin, quelles actions précises la délégation compte-t-elle mener en 2010 ?

Mme la Commissaire générale. Toutes vos questions confirment que notre action est peu connue, ce qui ne m’étonne pas. Mais il n’empêche : le commissariat général intervient dans tous les dossiers que vous avez mentionnés !

Ancienne présidente de l’ADEME, je suis naturellement portée à communiquer, mais la communication d’une administration centrale ne saurait être celle d’un établissement public et je ne suis pas certaine que vous connaissiez mieux les directions générales que vous ne connaissez le commissariat général au développement durable. Notre objectif, du reste, n’est pas que chacun, au sein du ministère, communique de son côté pour se faire connaître. Toutefois, nous avons un devoir d’explication. Je me réjouis donc de votre invitation et je me tiens à votre disposition pour d’autres échanges.

Cela étant, j’observe que nombre d’acteurs économiques et de collectivités nous connaissent, si j’en juge par le nombre des colloques auxquels je suis invitée ! Le commissariat a publié cette année 132 documents, qui se répartissent pour l’essentiel entre publications statistiques et publications pédagogiques. En effet, les informations chiffrées sur le logement, le transport et l’énergie proviennent en grande partie de nos services, alors que nous avons le souci d’améliorer la compréhension de sujets souvent compliqués en faisant paraître une collection intitulée « Le point sur », destinée notamment aux journalistes.

De façon générale, tous les sujets que vous avez évoqués nous concernent très directement et vous avez été en relation avec le commissariat général sans vous en apercevoir ! C’est ainsi que nous avons participé à la rédaction de la saisine du Centre d’analyse stratégique (CAS) pour son rapport sur la valeur économique de la biodiversité. Nous avons du reste déjà préparé de nombreuses saisines du CAS, qui constitue pour nous un outil très utile, notamment sur les transports ou la consommation durable ; 2010 sera l’année de la biodiversité et la secrétaire d’État à l’écologie nous demande de lui préciser la façon dont nous comptons utiliser les résultats de ces travaux dans nos propres études. Mais nous allons solliciter à nouveau le CAS sur d’autres sujets.

En ce qui concerne les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux, le commissariat ne fait qu’apporter son aide à Jean-Marc Michel et à sa direction générale qui a la tutelle sur les parcs. Du reste, en tant qu’administration centrale, nous n’avons pas à aller sur le terrain, où les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) sont nos correspondants. Comme le commissariat, elles travaillent le plus souvent de manière transversale, entre observation, statistiques et recherche.

Pour ce qui est du tourisme durable, le commissariat comprend en son sein des spécialistes du sujet, qui s’efforcent de développer la dimension internationale de cette action. C’est en effet la France qui a pris l’initiative de constituer sur ce thème, sous l’égide des Nations unies et dans le cadre du processus de Marrakech, un groupe qui est un de ceux qui fonctionnent le mieux, et le pilotage en a été confié à la délégation interministérielle au développement durable.

Monsieur Plisson, nous devons évidemment faire des choix, compte tenu de la diversité des sujets que nous sommes susceptibles de traiter. Je m’efforce d’éviter toute confusion entre le rôle du commissariat, qui réside dans la prospective et la réflexion stratégique à long terme, et celui des directions régionales, essentiellement opérationnel. Nous n’avons pas, d’ailleurs, les moyens de pratiquer autrement, ne serait-ce que pour éviter des doublons.

Pour ce qui est d’influer sur les autres politiques, nous fondons de grands espoirs sur les études d’impact qui doivent désormais accompagner tout projet de loi. Les pouvoirs des parlementaires ont été renforcés en la matière, puisque vous pouvez refuser l’inscription à l’ordre du jour d’un texte en cas d’étude d’impact insuffisante. C’est pourquoi nous travaillons en relation avec le secrétariat général du Gouvernement pour que ces études intègrent la préoccupation du développement durable, conformément au Grenelle de l’environnement. Même si le résultat est encore imparfait, nous consacrons désormais des moyens non négligeables à cette démarche, pour notre compte ou en appui aux autres ministères.

Monsieur Sermier, il est vrai que l’hydrogène énergie n’a pas fait, jusqu’à présent, partie de nos priorités, comme le montre le rapport sur les filières vertes qui vous décevra certainement à cet égard. Nous sommes toutefois chargés d’étudier ce dossier et le ferons bientôt, afin d’évaluer le potentiel de la filière et d’avancer des propositions. Il appartiendra ensuite aux directions générales et aux établissements publics compétents de conduire les politiques qui auront été définies.

M. Yanick Paternotte. Madame la commissaire générale, votre commissariat regroupe les moyens de trois ministères : la greffe a-t-elle pris et avez-vous réussi à faire converger ces cultures différentes ? Pour le formuler autrement, la révolution du Grenelle de l’environnement est-elle compatible avec les anciennes habitudes ?

Chacun connaît l’attachement farouche de la haute fonction publique à la défense de son « pré carré » : quelles relations le commissariat entretient-il avec les directions générales centralisées des autres ministères ?

Enfin, en matière d’expertise, quelle est la ligne de partage entre l’utilisation des moyens internes et le recours à des compétences extérieures ? Ne serait-il pas plus simple de faire appel à ces dernières pour des domaines que vos services n’ont pas encore abordés ?

Mme la Commissaire générale. La greffe a pris dès le début, au sein du commissariat, entre les équipes issues des trois anciens ministères. Les cultures techniques et professionnelles restent en effet très différentes, mais le tout est de les faire concourir à un enrichissement mutuel en veillant à rendre le travail aussi transversal que possible, et nous ne rencontrons aucune difficulté à faire passer ce message de collaboration.

En ce qui concerne les directions générales des autres ministères que le MEEDDM, il faut prendre en compte la situation très particulière du commissariat, qui n’a pas autorité sur elles. Notre force, ce sont les informations que nous avons pour mission de leur fournir, mais nous ne disposons pas des moyens humains et financiers d’un secrétariat général et cette relative faiblesse nous oblige à faire preuve de capacité de conviction. La vraie difficulté que nous rencontrons – mais elle ne nous est pas particulière – consiste à intégrer, dans l’échange quotidien avec les différentes équipes, la préoccupation du développement durable, mais nous ne rencontrons aucun blocage.

Toutefois, il nous reste encore à gagner en efficacité : la formation de certains services déconcentrés, toujours en cours au sein des DREAL, a en effet permis de mesurer les progrès que l’administration centrale a encore à réaliser en terme de transversalité. De fréquentes réunions, auxquelles assistent les membres du cabinet, permettent d’échanger une multitude d’informations, en dépit de la quantité des sujets que nous avons actuellement à aborder.

Enfin, nous nous efforçons de recourir à la fois à l’expertise interne et à l’expertise externe. Pour le rapport sur les filières vertes, que nous avons dû rédiger durant l’été et en très peu de temps, nous sommes parvenus en rassemblant nos moyens propres à élaborer un document dont nous n’avons pas à rougir, loin de là ! Nous nous sommes évidemment inspirés des rapports précédents, établis notamment par McKinsey & Company et le Boston Consulting Group. Nous ne devons toutefois pas sous-évaluer les capacités de nos services, comme le montre la comparaison entre le travail réalisé sur le Grenelle de l’environnement par le Boston Consulting Group et l’étude d’impact que nous avions réalisée quelques mois auparavant : le cabinet américain n’a pas contredit nos conclusions, notamment pour ce qui est du chiffrage des objectifs, et nous étions allés beaucoup plus loin dans l’étude environnementale, notre spécialité.

M. André Vézhinet. Je suis un adepte du « penser global, agir local ». En tant que président du conseil général de l’Hérault, je puis vous assurer que nous menons, au niveau local, quantité d’expérimentations. Existe-t-il bien un lien entre votre délégation et les départements, permettant un retour d’expérience, un retour sur les initiatives ? Je prendrai l’exemple du concept de la route durable que nous devons à quelques présidents de conseils généraux – M. Bernard Derosier, pour le Nord, en était, tout comme moi – et qui a un riche potentiel en termes de développement durable.

Or je suis inquiet parce que, demain, avec la disparition de la clause de compétence générale, un grand nombre des initiatives prises par les collectivités locales seront condamnées. Cette clause ouvrait en effet la possibilité, notamment aux départements, d’agir dans des domaines aussi divers que l’assainissement, l’adduction et la recherche d’eau, ou les transports. Si, demain, un préfet invoque le contrôle de légalité pour nous interdire d’agir dans ces domaines, il vous manquera un partenaire essentiel, et ce sera au détriment de tous.

M. Jean-Luc Pérat. Madame la commissaire générale, pour ce qui est de la recherche et de l’innovation, est-ce vous qui choisissez les thématiques et lancez les appels à projets, ou des initiatives peuvent-elles vous être suggérées ?

Par ailleurs, le département du Nord, dont je suis élu, s’est engagé depuis de très nombreuses années, de par la volonté du président du conseil général, M. Bernard Derosier, dans un Agenda 21 qui mobilise tous les services, avec des référents pour chaque domaine et dans chaque arrondissement, ce qui permet de démultiplier les opérations. La route durable n’est qu’un exemple parmi d’autres : nous avons aussi pour objectif d’adapter tous les bâtiments aux normes de la haute qualité environnementale ou de favoriser l’éco-comportement dans les domaines touristique, sportif ou culturel ; nous nous préoccupons également de la restauration scolaire, de la récupération et du traitement des déchets… Or, en tant que conseiller général, je me suis aperçu qu’il n’y avait pas nécessairement de retombées à l’échelon communal ou intercommunal des décisions prises au niveau départemental, ce qui est une perte d’énergie car il est plus difficile de mettre en œuvre une stratégie en milieu rural que dans les grandes villes ou les villes moyennes. Ne conviendrait-il pas, compte tenu du nombre très important de communes et d’intercommunalités en France, de rechercher un moyen de démultiplier rapidement les actions entreprises ? Vous avez également un rôle à remplir en ce sens.

En ce qui concerne les parcs régionaux, la certification européenne, qui a été délivrée au parc naturel de l’Avesnois, traduit la volonté des communes de ce parc d’être acteurs à part entière d’un projet. Envisagez-vous de créer des territoires expérimentaux en vue, là encore, de démultiplier les initiatives et d’inciter chacun à s’inscrire dans une démarche de développement durable ? Il est vrai que, comme l’a souligné André Vézhinet, l’avenir demeure incertain pour les collectivités territoriales.

Mme Geneviève Gaillard. La ville de Niort, comme un grand nombre de collectivités territoriales, s’est lancée dans un Agenda 21. Elle a également réalisé un inventaire de la diversité biologique urbaine et a organisé le premier débat d’orientation écologique qui ait eu lieu en France. Lors de la clôture d’un colloque sur les éco-villes ou les éco-quartiers, vous avez, ce matin, évoqué les problèmes sémantiques liés à ces notions. Comment pouvez-vous aider des villes comme Niort, peuplée de quelque 60 000 habitants et située en zone rurale, à changer les comportements et à prendre en considération le développement durable dans toutes ses dimensions ? Dois-je rappeler que Niort, en tant que ville des mutuelles, a vu la voiture considérablement se développer ? Souvent, vos appels à projets ne concernent que les grosses collectivités, alors que la réussite dépend de l’implication de toutes et de l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Françoise Branget, présidente. Vous avez évoqué le fonds « État exemplaire », créé par le Premier ministre le 3 décembre 2008 et doté de 100 millions d’euros. Il vise à récompenser les administrations les plus vertueuses et les plus actives en matière de développement durable. Puisque le commissariat général au développement durable en assure le pilotage, pouvez-vous dresser un premier bilan de ce dispositif ?

Mme la Commissaire générale. Le fonds « État exemplaire », que nous appelons entre nous le « bonus-malus de l’État exemplaire », procède de l’idée que l’État doit donner l’exemple, dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, en termes de consommation, d’impact sur l’environnement ou de responsabilité sociétale. C’est ainsi que l’État a pris des engagements forts sur la gestion de son parc immobilier. Mais il doit également se montrer exemplaire dans son fonctionnement, par exemple dans les achats de véhicules ou dans l’utilisation du papier. Il y a quinze ans, l’idée d’un « verdissement » de l’administration avait déjà été lancée, mais l’effort était resté sans lendemain. Il faut désormais un changement profond de politique.

Ce fonds est d’une certaine façon virtuel : en début d’année, et pour la première fois en 2010, sera « gelé » 1 % des dépenses de fonctionnement, hors personnels, de chacune des administrations, soit environ 100 millions d’euros pour l’ensemble de l’État. Tout ou partie des sommes ainsi gelées seront rendues à chaque ministère en fonction des efforts fournis pour atteindre la dizaine d’objectifs qui lui ont été fixés, notamment en termes d’organisation et d’outils. C’est ainsi que les administrations devront désormais se doter, comme les grandes entreprises, d’outils experts permettant de connaître la consommation d’énergie de l’ensemble de leurs bâtiments, ou que les véhicules achetés devront correspondre à des normes précises. Tous les ministères rendront compte avant la fin du mois de mai 2010 des progrès réalisés durant l’année 2009. Si un ministère n’a atteint aucun des indicateurs fixés, l’argent qui aurait dû lui être restitué sera réparti entre les administrations les plus vertueuses. Il s’agit donc bien d’un système de bonus-malus qui a, du reste, suscité l’intérêt des secrétaires généraux, puisqu’ils sont aujourd'hui très actifs au sein des comités de pilotage de mise en place du fonds. Je serai ravie de venir dans six mois dresser devant vous le premier bilan de ce dispositif.

Je n’ignore pas – je le savais déjà en tant que présidente de l’ADEME – que les collectivités territoriales sont à l’origine de nombreuses innovations ; c’est pourquoi nous nous efforçons d’en acquérir une connaissance toujours plus précise, ce qui n’est pas aisé car l’échange d’informations sur les bonnes pratiques reste à améliorer. L’expérimentation sur le thème de la route durable, dont l’initiative revient à plusieurs conseils généraux, a suscité une vraie dynamique qui nous a incités à signer, il y a quelques mois, un engagement sur ce thème avec l’Union des syndicats de l’industrie routière française (USIRF), laquelle regroupe l’ensemble des professionnels de la route : ceux-ci ont pris, dans le cadre du Grenelle, des engagements chiffrés afin d’intégrer, dans la gestion des chantiers routiers, la notion de développement durable, par exemple en se préoccupant de récupérer des matériaux ou de réduire leur consommation d’énergie. Le commissariat suit l’application de ces engagements et travaille à ce qu’ils soient déclinés au niveau local sous la forme d’accords départementaux ou régionaux. La « route durable » constitue donc un modèle et le service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA), un de nos organismes techniques, y a été impliqué, de l’élaboration au suivi.

De manière plus générale, nous cherchons, au travers notamment des Agendas 21, à généraliser les bonnes pratiques, lesquelles sont évidemment très différentes selon la localisation géographique. C’est grâce au CGDD que les mots « Agenda 21 » figurent désormais dans un texte législatif, en l’occurrence la loi sur le Grenelle de l’environnement, mais le fait qu’ils nous aient suivis montre que les parlementaires sont conscients de l’intérêt de cette démarche. Notre rôle est d’apporter aux élus, qui sont les porteurs de ces projets, un soutien et une expertise, notamment pour la méthode et pour la mise en commun des bonnes pratiques, et de convaincre les services déconcentrés de l’État comme les préfets de l’importance des enjeux. C’est la raison pour laquelle nous poursuivons la généralisation des comités régionaux Agenda 21 afin que les préfets et les services de l’État soutiennent des dynamiques régionales, en accord avec l’ensemble des élus de la région. Il appartient également au CGDD, en relation avec les services déconcentrés du ministère, de mettre à disposition des collectivités territoriales le plus de diagnostics et d’informations statistiques possible afin d’aider à conduire les bonnes politiques et à mener des actions cohérentes – s’agissant par exemple des plans climat.

Madame Gaillard, il faut évidemment aller encore plus loin, notamment en terme de consommation durable : c’est pourquoi nous travaillons actuellement sur l’étiquetage environnemental afin d’y faire figurer la quantité de CO2 dégagée par la fabrication du produit. Cette disposition de la loi sur le Grenelle de l’environnement, qui entrera en application en 2011, implique la mobilisation non seulement de l’ADEME et de l’AFNOR, mais également de tous les partenaires économiques. Nous devrons en effet disposer de bases de données permettant à toutes les entreprises, PME comprises, de réaliser cet étiquetage. De plus, il faudra expliquer à nos concitoyens, dès l’année 2010, l’utilité de cette mesure et convaincre nos voisins européens d’adopter le même dispositif. Le commissariat joue en la matière un rôle d’animateur entre les différents partenaires en vue de faire appliquer une disposition qui permettra une véritable prise de conscience des consommateurs sur le lien existant entre consommation et climat.

C’est en généralisant les changements de comportement et de mode de production et de consommation que nous pourrons systématiquement intégrer le développement durable dans les politiques conduites au niveau local. J’espère évidemment que la disparition de la clause de compétence générale n’interdira pas aux collectivités de continuer de prendre de nombreuses initiatives dans ce domaine.

C’est à un changement profond dans le domaine du développement durable auquel il faut s’attendre dans les prochaines années.

Mme Françoise Branget, présidente. Je vous remercie, madame la commissaire générale.

—fpfp—