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Mardi 14 septembre 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 64

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, sur la stratégie nationale de développement durable.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, sur la stratégie nationale de développement durable.

M. le président Christian Jacob. Je remercie Mme la secrétaire d’État d’avoir répondu à l’invitation de notre Commission pour évoquer la stratégie nationale de développement durable au cours de la période 2010-2013, stratégie qui, aux termes de la loi Grenelle 1, doit être élaborée en concertation avec les élus, nationaux et locaux, mais également les employeurs, les salariés et tous les représentants de la société civile.

Madame la secrétaire d’État, comment allez-vous mettre en œuvre cette stratégie ? Est-elle cohérente avec la stratégie nationale sur la biodiversité ? Pourrons-nous observer son évolution dans le temps ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Cette nouvelle stratégie nationale de développement durable a été adoptée par le Comité interministériel du développement durable qui s’est tenu le 27 juillet dernier sous la présidence de Jean-Louis Borloo. Son objectif est d’aller « Vers une économie verte et équitable », comme l’indique le titre du document qui vous a été remis. Inscrite à l’article 1er de la loi du 3 août 2009, son enjeu est de faire du développement durable l’axe structurant de nos politiques.

La stratégie nationale de développement durable s’inscrit dans une histoire tant nationale qu’internationale. Le concept est né en 1992 au Sommet de Rio, et la France fut le premier pays à l’adopter. La première stratégie, née de la volonté du Président de la République d’alors, Jacques Chirac, et conduite par Roselyne Bachelot, concernait la période 2003-2008. Elle comportait 400 actions, réparties en dix plans d’action. Après la révision de 2006, nous l’avons simplifiée pour aboutir au document qui vous est présenté aujourd’hui. Nous en avons adapté la mise en œuvre, car 87 % des actions prévues sont déjà réalisées ou tout au moins engagées. Mais force est de constater que la notoriété de cette stratégie auprès des acteurs locaux a été relativement faible.

La France était donc en avance sur cette question. Aujourd’hui, 106 pays ont mis en œuvre une stratégie nationale du développement durable, et ce chiffre ne cesse de progresser.

Nous vous présentons un texte équilibré, capable d’articuler les défis environnementaux, sociaux, économiques et culturels. Nous avons naturellement intégré le contexte de crise internationale et structuré notre stratégie pour que le développement durable apparaisse comme une chance pour le développement, l’innovation et les technologies vertes. La majorité des pays ont intégré la dimension verte dans le plan de relance qu’ils ont adopté pour faire face à la crise économique. Actuellement, le monde entier se mobilise pour préparer le Sommet de la Terre « Rio+20 » qui se tiendra en 2012 et dont l’objectif sera de démontrer que l’éradication de la pauvreté passe par le développement durable. La France est particulièrement impliquée dans cette préparation puisque Brice Lalonde a été désigné par les Nations unies pour organiser ce sommet avec le Secrétaire général.

Outre les engagements pris dans le cadre de la loi, nous avons élaboré cette stratégie en organisant une concertation au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement qui le remplace. Après de nombreuses consultations, écrites ou via Internet, et trois journées de débats et d’échanges, nous avons, en juin 2009, présenté une stratégie beaucoup plus simple et concise que la précédente, qui atteignait 300 pages : celle-ci n’en compte que 54.

La stratégie nationale du développement durable ne contient pas de nouveaux objectifs mais reprend ceux définis dans les textes du Grenelle ainsi que les engagements que la France a pris sur le plan national et international, ceux-ci étant validés par le Parlement. Nous avons remis en perspective et en cohérence ces engagements à travers neuf défis, 47 choix stratégiques et 101 leviers d’action.

Cette stratégie reprend en particulier l’engagement, pris dans le cadre du Grenelle, de définir une stratégie nationale de la biodiversité. La concertation est en cours et le texte devrait être voté en mai prochain. Nous avons créé un groupe de travail composé de plus de cent personnes, dont des représentants du Parlement, afin de transposer sur un plan opérationnel les objectifs de la stratégie nationale de développement durable, comme la création de parcs, l’augmentation des aires protégées, l’instauration des trames vertes et bleues.

Pas plus que la précédente, cette nouvelle stratégie nationale n’a de portée juridique. À ce titre, il ne s’agit pas d’un document opposable, mais d’un document d’orientation qui s’impose à l’ensemble des services de l’État par le biais de circulaires. La déléguée interministérielle au développement durable, qui est à mes côtés, veillera à son application par les administrations et les services de l’État – cette démarche étant facilitée par l’application aux budgets des ministères du dispositif de « bonus malus ».

Afin que tous les acteurs locaux se l’approprient et la répercutent, nous avons défini des indicateurs phares, simples et accessibles aux responsables des collectivités, qui vous sont présentés dans un carnet annexe. Ils dressent un état des lieux de la France en 2009 et reprennent pour l’essentiel les indicateurs européens utilisés pour la stratégie européenne de développement durable. À ces indicateurs phares s’ajoutent quatre indicateurs spécifiques, liés au contexte économique et social.

L’enjeu, pour nous, est que les collectivités locales reprennent les orientations fixées dans la stratégie nationale, particulièrement dans le cadre des recommandations de l’Agenda 21, notre objectif étant d’atteindre 2 000 programmes d’Agenda 21.

En bref, avec cette nouvelle stratégie, nous entendons hiérarchiser et articuler les objectifs du développement durable.

M. Philippe Tourtelier. Sur le fond, nous n’avons pas de désaccords, mais ce document souffre d’un problème de forme et d’un problème de « portage » politique, ce qui le rend en partie inopérant et inefficace.

La stratégie 2009-2013 est devenue la stratégie 2010-2013. Or, nous préparons la loi de finances pour 2011, année au cours de laquelle débutera la programmation triennale. Votre document évoque une stratégie à moyen et long terme, mais il s’agit en réalité d’une stratégie à court terme. Il reprend les déclarations générales du Grenelle, mais sans calendrier et sans programmation financière. C’est sa première faiblesse.

La seconde tient au fait que l’essentiel se joue ailleurs. Ce document a été adopté en juillet par le Comité interministériel pour le développement durable, sous la présidence de Jean-Louis Borloo. Or celui-ci n’est pas encore Premier ministre… Quel est donc le poids politique du Comité interministériel, en particulier par rapport au ministère des finances ? On comprend pourquoi il ne contient aucune indication financière…

Au cours d’une réunion de la mission d’information sur les gaz à effets de serre, la Fondation Nicolas Hulot a proposé de créer un poste de vice-Premier ministre ayant autorité sur l’ensemble des ministères, en particulier sur Bercy… Cela n’a pas été fait et la situation est très ambiguë : face à un ministère qui, en dépit d’un poids politique croissant, ne couvre pas le champ du développement durable, même si lui ont été confiées de nouvelles missions comme l’aide aux pays en voie de développement, la culture et les personnes handicapées, il y a le Comité interministériel, qui n’a aucun poids politique. Je crains que ce document ne soit inutile et inefficace.

Le défi n° 1 s’intitule « Consommation et production durables ». Pourtant la commission Attali a prôné le retour à la croissance sans faire la moindre référence au développement durable. Quant aux états généraux de l’industrie, ils l’ont totalement ignoré. De même, pour relancer la consommation, le Gouvernement a baissé la TVA pour les restaurateurs tout en abandonnant à Bruxelles les négociations sur la baisse de la TVA applicable aux produits verts.

Je ne reviens pas sur l’affichage environnemental et social ni sur la prochaine baisse des niches fiscales incitant à des comportements écologiques, mais je souligne la faible part du grand emprunt qui a été consacrée à la réorientation de la production. Et l’on pressent déjà, dans la loi de finances pour 2011, le manque de crédits destinés à la conversion en bio.

Ce document n’est pas un document de référence. Pour cela, il aurait fallu une stratégie de transition, à court ou moyen terme, avec un calendrier et une programmation financière.

M. Bertrand Pancher. Je constate avec satisfaction que la stratégie nationale de développement durable entre parfaitement dans le cadre des objectifs que nous nous sommes fixés avec les grands acteurs lors du Grenelle de l’environnement. Le Grenelle 2, qui détaille les moyens à mettre en œuvre pour appliquer les grands principes du Grenelle 1, a naturellement un impact sur les lois de finances. Il contient des objectifs clairs, facilement mesurables et des dispositifs très complexes, qui nécessitent environ 200 décrets d’application.

L’installation, en juin dernier, du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, qui réunit l’ensemble des acteurs concernés, est une chance pour les parlementaires car elle va nous permettre d’exercer notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Nous souhaitons que les membres de ce comité nous alertent sur les éventuels retards pris dans l’application des différents dispositifs et que le Gouvernement nous informe régulièrement et de façon synthétique des écarts entre objectifs et réalisations et des moyens qui seront mis en œuvre, car de nouvelles thématiques se font jour – je pense à la prévention des risques. Nous attendons du Gouvernement qu’il associe un maximum de parlementaires à ses réflexions.

M. Stéphane Demilly. J’ai relevé dans le préambule de votre document ce qui me semble être une évolution importante du concept de développement durable. En 1987, le rapport Brundtland définissait ainsi le développement durable : « …un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Cette définition visait la préservation des ressources naturelles de la planète à travers le changement de nos modes de vie et de développement. Le Sommet de Rio, en 1992, fut la première grande manifestation mondiale de cette préoccupation.

Mais on lit également dans le préambule : « La stratégie française doit ainsi à l’évidence inclure la question de la soutenabilité des finances publiques. La logique de solidarité intergénérationnelle constitue l’un des fondements du développement durable ». Et plus loin : « La dérive des dépenses publiques pourrait constituer un handicap majeur pour les générations futures qui auraient à la prendre en charge au détriment de leur propre développement ». Je trouve cela très intéressant, car cela signifie qu’aux dimensions environnementale, sociale et économique s’ajoute désormais celle des finances publiques. Pouvez-vous développer votre position sur ce point ?

Puisque le renforcement de la gouvernance mondiale constitue l’un des leviers d’action de votre stratégie, où en est l’idée de créer une organisation mondiale de l’environnement, chargée de piloter les questions environnementales qui, par définition, n’ont pas de frontières ? Cette idée a été évoquée à de nombreuses reprises, notamment au Sommet de Copenhague. Des initiatives ont-elles été prises en ce sens ? Sinon, des discussions sont-elles en cours et avec qui ?

Enfin, la cause du développement durable au niveau mondial, qui suppose une volonté politique constante, réelle et partagée, peut-elle rester une priorité absolue en période de crise économique aigue comme celle que nous traversons actuellement ? Le Sommet de Copenhague fut un demi-échec, du fait des réflexes de repli sur soi des uns et des autres, et les rendez-vous intermédiaires destinés à préparer le Sommet de Cancún, qui se tiendra fin novembre, n’ont pas été de francs succès. Nous avons le sentiment que le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique sont subitement passés au second plan derrière le retour de la croissance et de l’emploi. Pourtant, les canicules comme celle qui a frappé la Russie cet été et les inondations comme celles qui viennent de se produire au Pakistan montrent que les menaces sont bien réelles. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Tourtelier, vous m’interrogez sur la forme de la stratégie nationale et le portage politique. Nous avons souhaité que la nouvelle stratégie s’applique à la période 2010-2013 alors que la précédente a pris fin en 2008. Les négociations du Grenelle étaient en cours. Il aurait été difficile de définir une nouvelle stratégie de développement durable avant la fin des négociations et des travaux du comité opérationnel. Vous-mêmes, parlementaires, n’auriez pas compris que le Gouvernement présente une stratégie nationale de développement durable avant même que les lois du Grenelle aient été votées. Dès qu’elles l’ont été, le Gouvernement a finalisé le document en y intégrant les préoccupations liées à la crise économique et à la solvabilité des finances publiques. Certes, la période 2010-2013 est courte, mais la stratégie nationale s’inscrit dans un calendrier ouvert qui pourra être actualisé.

J’en viens au portage politique. Les leviers d’action que nous avons définis se traduiront par des actions en faveur du bâtiment, de l’énergie et du climat, de la santé environnementale, de la consommation durable – dossier que nous sommes en train de finaliser. Je le répète, ce document fixe les priorités des axes stratégiques sans développer le détail de chaque plan d’action.

Tous les gouvernements nomment des délégués interministériels, soit auprès du Premier ministre, soit auprès d’un ministre. Dans le premier cas, le délégué interministériel souffre de l’absence des services techniques, dans le second sa tâche est plus compliquée. De toute façon, c’est le Parlement qui donne son poids politique à la stratégie nationale de développement durable. Son impact dépend des exigences que vous aurez, mesdames et messieurs les députés, à l’égard du Gouvernement, et à ce titre je remercie le président de la Commission d’avoir organisé ce débat.

Le ministre d’État en charge du développement durable a une position importante au sein du Gouvernement puisqu’il en est le numéro deux, après le Premier ministre. En outre, en matière de développement durable, nous disposons d’une arme qui fonctionne plutôt bien : le dispositif de « bonus malus » que nous appliquons aux budgets des ministères.

Monsieur Tourtelier, le défi n° 1 « Consommation et production durables » n’est pas le plus simple, je vous le concède. D’ailleurs, l’évaluation de la précédente stratégie nous a permis de comprendre les difficultés que pose l’application aux deux domaines d’action que sont le social et la consommation, en particulier le commerce équitable qui nous tient particulièrement à cœur et que nous avons sorti de ses difficultés.

Le grand emprunt nous a permis d’investir 10 milliards d’euros dans le domaine du développement durable et nous lui avons consacré 20 % des crédits du plan de relance. En outre, nous avons instauré, avec Christian Jacob, la Commission nationale du commerce équitable.

Nous avons également engagé des actions contractuelles avec les acteurs des différentes filières. Nous avons ainsi signé une convention avec la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution pour qu’elles augmentent la part des produits bio de 25 %. Elles ont largement dépassé leur objectif puisque cette part est aujourd’hui de 30 %. Nous avons menacé les distributeurs de téléphonie mobile d’appliquer un système de « bonus malus » afin de les inciter à recycler les téléphones portables : ils se sont organisés et reprennent désormais l’ancien téléphone des personnes qui souhaitent en acquérir un neuf.

Nos indicateurs phares correspondent aux indicateurs européens, ce qui nous permet de comparer la France à d’autres pays, et nous avons pris l’engagement de présenter au Parlement, chaque année, un rapport sur la mise en œuvre de la stratégie nationale qui présentera l’évolution de ces indicateurs. Entre tous les indicateurs – biodiversité, artificialisation des sols, utilisation des ressources – celui intitulé « empreinte carbone » est particulièrement intéressant puisqu’il intègre les émissions liées aux importations et aux exportations. Sur tous ces points, le Gouvernement est à votre entière disposition.

Le concept de développement durable tient naturellement compte de la « soutenabilité » des finances publiques. C’est un point sur lequel le Gouvernement souhaite être jugé.

L’organisation mondiale de l’environnement n’est nullement déconnectée de la stratégie nationale de développement durable. À la demande du Brésil, nous travaillons à la mise en place de l’Organisation mondiale de l’environnement et du développement durable. Certes, il ne faut pas confondre les deux concepts, mais le Brésil souhaite que cette organisation intègre les dimensions économique – institutionnalisée par l’OMC – sociale – qui relève de l’OIT, voire de l’OMS – et environnementale.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Lors du Sommet de Copenhague, nous avons souhaité que cette organisation puisse contrôler l’effectivité des engagements des États et gère les financements, immédiats et à long terme. La création de cette organisation est un enjeu du G8 et l’un des points que le Président de la République souhaite inscrire à l’agenda du G20. Nous disposons aujourd’hui d’un embryon d’organisation, plusieurs pays, dont la France, s’étant d’ores et déjà engagés à financer les fast start.

Nous avons commencé à y réfléchir dans le cadre du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), sans toutefois aller très loin car la priorité de la France est d’obtenir la création du GIEC – groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat – de la biodiversité, le fameux IPBES – Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. La création de cette organisation, soutenue par 90 pays, devrait être actée en novembre.

En dépit des catastrophes qui se sont produites dans le monde, les questions environnementales et écologiques sont assez peu médiatisées. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de contradiction entre développement et environnement. Lors de l’assemblée générale des Nations unies, qui se tiendra en septembre, nous renégocierons les objectifs du « Millénaire pour le développement », dont l’environnement est naturellement l’un des points forts. On sait désormais dans la plupart des pays que, si l’on détruit l’arbre qui produit des fruits, on prive les générations futures de la possibilité de se développer. Il suffit de comparer Haïti et la République dominicaine sur une carte satellite pour comprendre la nécessité de protéger l’environnement…

L’organisation mondiale de l’environnement n’est donc pas abandonnée, elle est même au cœur du défi sur la gouvernance. La France y travaille avec le secrétaire général de l’ONU, autour de deux objectifs : rationaliser les secrétariats des 500 conventions sur l’environnement et mettre en place un organisme en mesure de vérifier les engagements des États pour la mise en œuvre de l’accord de Cancún.

M. Jean-Paul Chanteguet. Aux termes de l’article 1er de la loi Grenelle 1, la stratégie nationale de développement durable doit faire l’objet d’un rapport au Parlement. Pourquoi la stratégie précédente ne nous a-t-elle pas été présentée ?

À l’instar de mon collègue, je relève des contradictions entre les défis de la stratégie nationale, les dispositions du Grenelle et la politique mise en œuvre – je pense au crédit d’impôt en faveur du développement durable.

À propos de diversité et de ressources naturelles, je voudrais évoquer la Convention sur la diversité biologique qui se tiendra à Nagoya du 18 au 29 octobre 2010. Avez-vous pris connaissance de la proposition de résolution de la Commission de l’environnement du Parlement européen ?

En ce qui concerne le défi n° 4 « Changement climatique et énergies » et les « financements précoces », la France s’est engagée à verser 420 millions d’euros lors de la période 2010-2012 pour aider les pays en développement à lutter contre les émissions de gaz à effets de serre, l’Europe devant leur consacrer 2,4 milliards d’euros. Elle s’est également engagée à lutter contre la déforestation et à verser à ce titre 375 millions de dollars. Ces engagements ont-ils été tenus dans l’exercice 2010 ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. La stratégie nationale indique que nous devrons atteindre l’objectif de 30 % d’exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d’ici à 2013. Nous pourrions peut-être y parvenir en développant les unités de méthanisation, mais pour cela il faudrait que le tarif de rachat du gaz soit incitatif. Jean-Louis Borloo nous avait indiqué lors des débats du Grenelle 2 que le décret fixant le tarif de rachat paraîtrait avant la fin de l’été. Quand sera-t-il publié ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Au-delà des impacts environnementaux incontestables du transport routier, il est clair que dans le contexte actuel des finances de l’État, la stratégie de développement durable sert de prétexte pour remettre en cause un certain nombre de grands projets d’infrastructures routières. Nous sommes tout à fait favorables au report maximum de transport routier vers le ferroviaire ou le maritime, encore faut-il que les infrastructures ferroviaires existent.

En France, il n’existe pas de ligne transversale, pas plus routière que ferroviaire, qui irait de Limoges à la façade atlantique. Quant au projet de barreau LGV, qu’il convient de réaliser le plus rapidement possible, il sera réservé au transport de voyageurs. Le SNIT – Schéma national des infrastructures de transport – prévoit la suppression de la mise à 2x2 voies de l’actuelle RN 147. C’est une mauvaise nouvelle, car cette route est un élément structurant de l’axe Nantes-Méditerranée. Le Grenelle de l’environnement précise que seuls les dossiers routiers présentant un intérêt au plan de la sécurité et au plan économique seront retenus : les travaux de la RN 147 répondent à ces deux paramètres. Nous ne plaidons pas pour le « tout routier », mais il faut savoir tenir compte des réalités. Notre commission est en charge du développement durable, mais aussi de l’aménagement du territoire. J’ai la faiblesse de penser que ces deux notions ne sont pas incompatibles.

M. le président Christian Jacob. Elles ne le sont pas, en effet !

M. Michel Havard. Je vous remercie de nous avoir présenté la nouvelle stratégie de développement durable, qui aidera les acteurs publics et privés à définir leurs stratégies et présente l’immense mérite d’offrir un cadre commun à tous ceux qui souhaitent agir dans le sens du développement durable.

Comment cette stratégie sera-t-elle évaluée ? Pourra-t-on obtenir un état des lieux, et selon quel calendrier ?

M. Frédéric Cuvillier. Ce document contient des notions très générales – axes stratégiques, objectifs, orientations – et, comme quelques-uns de mes collègues, je le regrette car nous avons besoin d’être opérationnels. Nous avons passé tellement de temps, au sein des commissions, à défendre les objectifs du Grenelle, que nous aimerions plus de concret. Mais peut-être le fait que le document soit expurgé traduit-il l’ambition gouvernementale… En bref, nous nous demandons qui décide et nous sommes prêts, madame la secrétaire d’État, à vous soutenir face à Bercy, car le combat n’est pas gagné.

L’une des préoccupations majeures des collectivités locales concerne le coût et le traitement des déchets, sujet qui a fait l’objet d’une réunion de conciliation au sein de votre ministère. Nous y avons évoqué le litige entre Éco-Emballages et les collectivités locales, pour qui le manque à gagner serait de l’ordre de 400 millions d’euros.

M. Jean-Pierre Giran. Madame la secrétaire d’État, vous dites compter sur les parlementaires pour rappeler au Gouvernement ses bonnes intentions. Vous pouvez nous faire confiance. Nous, nous faisons confiance au Gouvernement, mais sur le terrain le problème est plus délicat. La stratégie nationale s’adresse naturellement aux acteurs locaux, or il arrive qu’un vote national soit suivi d’un boycott local, ce qui met à mal les stratégies engagées. Il faut que les actions menées sur le terrain puissent être évaluées, et les résultats de cette évaluation rendus publics pour que tout le monde distingue ceux qui parlent environnement et ceux qui le pratiquent. L’Agence de la nature pourrait jouer ce rôle.

Je suis frappé par la façon dont certains élus nationaux appliquent localement ce qu’ils ont voté à Paris. C’est vrai pour le Grenelle, ce sera vrai pour les trames vertes et bleues, et j’appréhende pour l’avenir d’une stratégie qui propose des directions mais ne donne pas de directives.

M. Philippe Plisson. Je commencerai par un satisfecit : les principes exposés sont bons. Cela dit, nous sommes moins optimistes pour leur mise en œuvre et les reculs constatés dans l’application du Grenelle 2 ne nous rassurent pas.

Les états généraux de l’industrie, le grand emprunt, le plan de relance, donnaient au Gouvernement l’occasion d’imposer une politique de développement durable, mais il ne les a pas saisies. À l’aune de cette expérience, les neuf défis de la stratégie de développement durable ne sont-ils qu’un catalogue de vœux pieux ou posent-ils véritablement les bases d’un autre mode de développement ? Dans ce cas, espérons qu’ils seront au cœur du programme du nouveau gouvernement qui sera désigné en novembre…

M. François Grosdidier. Je m’amuse de voir mes collègues s’inquiéter à propos du portage et du poids politique du ministre en charge de l’écologie au sein du Gouvernement à un moment où il n’est pas certain de rester à son poste…

Nous avons pris des décisions qui produiront des effets positifs sur le plan environnemental, comme la mise en œuvre de la réglementation thermique 2012 dans le bâtiment, mais le financement de certaines des mesures préconisées par la stratégie nationale ne cesse de m’inquiéter, tout comme la nécessité de privilégier le retour de la croissance et le besoin d’économiser les fonds publics.

Le secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’urbanisme nous a présenté les dispositifs prévus par la loi de finances pour 2011. Les éco-prêts seront-ils confondus avec le prêt à taux zéro pour les primo-accédants ? Seront-ils ouverts à l’habitat ancien ? Comment favoriser l’accession à la propriété et améliorer la performance énergétique de l’ensemble des bâtiments, tout en étant économes de la ressource publique ?

Le dispositif des « bonus malus » est-il budgétairement neutre ? Bien que nous l’ayons abandonné pour l’électroménager, il n’en demeure pas moins vertueux, économe pour les deniers publics et pas forcément néfaste pour l’économie et la production nationale.

Le resserrement normatif, en particulier dans les domaines de la santé et de l’environnement, est-il compatible avec les règles européennes ?

Enfin, quid de l’écofiscalité au niveau international, de l’européanisation de la taxe carbone et de la taxe aux frontières de l’Europe ?

Mme Claude Darciaux. Le défi n° 4 « Changement climatique et énergies » implique la réduction des énergies fossiles. L’Allemagne a accompagné l’allongement de huit à quatorze ans de la durée de vie des réacteurs nucléaires de l’obligation pour les opérateurs d’acquitter 30 milliards d’euros au profit des énergies renouvelables, et les entreprises allemandes financeront désormais un fonds de développement des énergies renouvelables destiné à soutenir la création des parcs éoliens. Avez-vous l’intention d’imposer une telle contrepartie à l’industrie nucléaire française ?

Quelle stratégie le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre pour appliquer les dispositions du Grenelle de l’environnement ? Nous n’avons aucune information quant aux investissements nécessaires à la réalisation de la stratégie de développement durable. Compte tenu de la « soutenabilité » des finances publiques, que vont devenir les niches fiscales, les crédits d’impôt, les réductions et le dispositif de « bonus malus » ?

La construction basse consommation d’énergie (BBC), compte tenu des surcoûts importants qu’elle entraîne, pose de gros problèmes aux opérateurs sociaux, qui se voient dans l’incapacité de répondre à cette norme. Que prévoit le Gouvernement pour les aider ?

M. Yves Albarello. Ma première préoccupation porte sur le prix de rachat du biogaz. Je suis l’un des 160 maires de France qui ont vu leur dossier primé par le ministère de l’écologie au titre des opérations innovantes liées au développement des éco-quartiers. Le projet de ma commune consiste à chauffer 800 logements grâce à un réseau de chaleur issu de la méthanisation des ordures ménagères. Hélas, ce projet est en panne car nous ne disposons pas de la tarification de rachat du biogaz. Quand connaîtrons-nous ces tarifs ?

Par ailleurs, je vais bientôt inaugurer – et je vous invite à m’accompagner – une station innovante d’épuration des eaux, de type membranaire, qui permettra à terme de réutiliser les eaux traitées et ainsi d’épargner la ressource naturelle. Ce projet a coûté plus de 10 millions d’euros à la commune, nous espérons donc un retour sur investissement en réutilisant les eaux traitées pour l’arrosage des espaces verts et le nettoyage des voieries. Quand paraîtront les arrêtés qui permettront aux DDASS de nous laisser réutiliser les eaux traitées ?

Mme Chantal Berthelot. Vous indiquez, madame la secrétaire d’État, que la stratégie nationale de développement durable vise à développer une économie verte et équitable et vous rappelez l’engagement de la France, lors du Sommet de Rio, de créer le Parc amazonien de Guyane. C’est chose faite. La France a également ratifié la Convention sur la diversité biologique, mais sa troisième partie, qui concerne le partage équitable des ressources naturelles par les populations, n’apparaît à aucun moment dans vos choix stratégiques. Où en sommes-nous sur cette question ?

La stratégie nationale comporte un certain nombre de leviers d’action, mais l’outre-mer me semble en être écarté. Pouvez-vous m’assurer que cette stratégie prend bien en compte l’outre-mer ? La Guyane, grâce à sa biodiversité, pourrait devenir un pôle d’excellence et un centre d’expertise international. Pourquoi ne figure-t-elle pas parmi les leviers d’action que propose votre document ? Nous en avons les moyens, car la Guyane dispose des instituts de recherche et d’une université.

M. Jacques Le Nay. Madame la secrétaire d’État, vous souhaitez que les neuf défis de la stratégie de développement durable s’adressent au plus grand nombre. À ce titre, les collectivités locales ont un rôle important à jouer. Elles se sont déjà engagées dans cette voie, à travers les programmes Agendas 21 et divers plans d’action, mais des contradictions apparaissent entre les politiques menées en matière d’urbanisme et le développement d’énergies nouvelles. Face à ce problème de méthode, les collectivités territoriales peuvent-elles compter sur la volonté de l’État ?

M. André Vézinhet. Je reviens sur le caractère quelque peu incantatoire de ces neuf défis, en particulier le défi n° 8, qui nous invite à réduire d’un tiers la pauvreté en France d’ici 2012…

Les objectifs de votre stratégie reposent essentiellement sur les collectivités territoriales – rien d’étonnant puisqu’elles réalisent 75 % des investissements. En dehors des belles intentions, auxquelles je souscris volontiers, pouvez-vous nous indiquer comment nous attendrons ces objectifs, sachant que les collectivités territoriales sont déjà en difficulté ?

Dans le département de l’Hérault, nous avons créé un syndicat mixte des transports regroupant l’ensemble des agglomérations. Le résultat est spectaculaire et nous a permis de fixer à un euro le coût de tout déplacement à l’intérieur du département, ce qui a augmenté la fréquentation des transports, sur certaines lignes, de 85 % au cours des six premiers mois. Cet exemple mérite d’être poursuivi et partagé, mais une telle initiative a un coût financier considérable, et nous ne sommes pas aidés. Nous souhaitons par ailleurs développer le haut débit, mais rien, dans le Grenelle 2, ne nous assure que nous bénéficierons du concours de l’État.

M. Jean-Pierre Marcon. Ma préoccupation porte sur l’évaluation des politiques liées à la mise en œuvre des objectifs du Grenelle de l’environnement. Le document que vous avez transmis va nous permettre de prendre position sur les dispositions qui seront prises dans les prochaines années. L’application de ces mesures sera malheureusement retardée par des intérêts non avouables mais surtout parce que le Gouvernement sera contraint de faire des économies. Quelle est votre position sur ces objectifs, dont quelques-uns sont incompressibles ? Les abandonner entraînerait des réactions de la part de nos compatriotes et aurait des conséquences économiques préjudiciables – je pense aux transports par voie ferroviaire et aux économies d’énergie dans le logement social, qui risquent de pénaliser une population qui a déjà beaucoup de difficultés.

M. Philippe Boënnec. Il était indispensable d’élaborer une stratégie en matière de développement durable, et il est parfaitement cohérent qu’elle se situe dans le prolongement du Grenelle. Je rappelle toutefois l’importance de la « soutenabilité » financière, au niveau tant de l’État que des collectivités locales. L’impact de cette stratégie sur la contribution des habitants a-t-il été appréhendé ? Pour éviter l’échec, car il n’y aurait rien de pire, il serait intéressant de réaliser une simulation.

La « soutenabilité » administrative est tout aussi importante. Sur le terrain, les élus consacrent beaucoup d’énergie à mettre en place les nombreux schémas et études décidés à Paris. Essayons de regrouper les actions et de les simplifier car elles deviennent parfois incompréhensibles, ce qui nuit à leur mise en œuvre.

Enfin, si nous percevons clairement l’application du développement durable dans les domaines écologique et environnemental, c’est moins clair en matière économique et sociale. Je suis naturellement favorable au développement durable mais il a un certain coût, qui nous obligera à créer de la richesse et de l’emploi. Or, ce point ne figure pas parmi vos défis.

M. Daniel Fidelin. Le défi n° 4 rappelle l’objectif du Grenelle 2 de porter à 23 % la part des énergies renouvelables et de produire 6 000 MW de capacité éolienne off shore à l’horizon 2020. Les cartes des zones propices, qui devaient paraître dans la première quinzaine de juillet, ne sont pas encore sorties. Un certain nombre de promoteurs sont prêts à répondre aux appels à projet. Il est urgent de mener à bien ce projet ambitieux qui intéresse de grands industriels comme Alsthom et Areva. Le Grand Port maritime du Havre, situé au centre de l’Arc Manche, où seront implantés des parcs éoliens en mer, intéresse les élus de la Côte anglaise. La balle est dans le camp du Gouvernement : quand va-t-il nous la renvoyer ?

M. Jean Lassalle. L’introduction de la Charte de l’environnement dans notre Constitution et les débats du Grenelle de l’environnement ont amené un langage tout à fait nouveau, ésotérique, utilisé à Paris mais parfois mal interprété en province. Jusqu’à présent, nous parlions d’égalité des chances, de service public, d’économie, de social, d’emploi, et, sur le plan international, de lutte contre la pauvreté et de faim dans le monde. La nouvelle terminologie introduit une certaine confusion dans mon esprit, même si les documents sont de plus en plus attrayants. Nous devons faire un effort pour mieux nous comprendre.

Pourquoi discutons-nous de la protection de la nature là où elle est merveilleuse, alors que nous ne faisons rien dans les endroits où elle est devenue indicible ?

La France souffre du transport de marchandises. Des voitures construites dans les pays de l’Est sont embarquées sur des camions pour être peintes en Espagne ou au Portugal avant de repartir en Allemagne pour y être commercialisées. Les Français en ont assez. Dans quelques années, ils n’oseront plus utiliser les routes tellement ils auront peur des camions !

Tout le monde souhaite voir se développer le transport ferroviaire. Le Conseil régional d’Aquitaine propose la construction du barreau LGV, mais les Basques n’en veulent plus. En réalité, les Français ont peur du fret, de ces tonnes de marchandises chargées sur des trains et formant une muraille d’acier.

La solution, c’est donc l’autoroute de la mer. Les marchandises pourraient aller par la mer, de Rotterdam jusqu’au port de Bilbao, avec, pourquoi pas, un relais au Havre. Notre beau pays, situé entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, a un statut de pays de transit et de transports. Faisons en sorte qu’il assume ce rôle.

Mme la secrétaire d’État. Je me réjouis que l’environnement soit au cœur de vos préoccupations.

Je le répète, la stratégie nationale de développement durable n’est pas une synthèse du Grenelle. Elle dépasse largement le cadre de la loi et fait le lien entre les questions environnementales et celles liées à la connaissance, à l’emploi, à la pauvreté. Monsieur Lassalle, le document évoque tous les thèmes que vous souhaitez y voir figurer : faim dans le monde, pauvreté, emploi, croissance, innovation...

Prétendre que notre stratégie serait lacunaire parce que le document a été expurgé par rapport à celui de 2003 est un bien mauvais procès. La nouvelle stratégie nationale hiérarchise les priorités. Le Gouvernement attend de vous que vous réfléchissiez à la hiérarchisation et à l’opportunité de ces défis. Quant aux plans d’action, ils se traduiront dans la loi de finances.

L’éco-prêt à taux zéro sera effectivement dirigé vers les énergies vertes, mais je ne peux, à ce stade, vous en préciser les orientations car cela relève du ministère de Benoist Apparu.

Ne nous faites pas de mauvais procès : le PNUE et, plus récemment, le Canada ont décerné à la France une bonne note pour son plan de relance. Sachons reconnaître que notre pays, sur ces questions, a su se mobiliser. Encourageons les acteurs économiques à poursuivre dans cette voie.

Adapter le crédit d’impôt aux actions en faveur du développement durable ne signifie pas que nous renonçons à nos ambitions. Par exemple, nous vous proposerons dans la loi de finances de réduire le crédit d’impôt en faveur de l’énergie photovoltaïque pour les particuliers, parce que ceux-ci bénéficient à la fois du crédit d’impôt lors de l’installation des panneaux, dont le coût a baissé de 50 % en deux ans, et du tarif de rachat d’électricité le plus élevé du monde. Le but des finances publiques n’est pas de permettre aux installateurs de faire des profits exorbitants, mais de rendre les produits accessibles à tous. Dans cette logique, nous envisageons d’ajuster les tarifs de rachat.

Si nous ne souhaitons pas renforcer le dispositif « bonus malus », c’est pour éviter qu’il ne devienne un bonus pour les riches et un malus pour les pauvres, raison pour laquelle nous l’avons abandonné pour les produits électroménagers. En effet, les réfrigérateurs qui consomment le plus d’énergie sont les moins chers du marché, et ceux qui consomment le moins sont les plus chers. Même un « bonus malus » ne peut inverser cette hiérarchie des prix. Mais nous n’avons pas renoncé à cette possibilité, nous devons simplement choisir avec soin les produits auxquels appliquer ce dispositif sans que cela ait un effet antisocial.

J’en viens à la TVA verte. L’Allemagne, notre principal partenaire européen, n’en veut pas. Nous poursuivons les négociations.

La stratégie nationale sera mise en œuvre, sur le plan local, par le biais des programmes de l’Agenda 21. Les dispositions concernant l’environnement passeront par les schémas que nous avons adoptés dans le cadre du Grenelle : schémas régionaux climat air énergie, schémas régionaux de cohérence écologique et plans régionaux santé-environnement. Ces schémas sont élaborés par les présidents de conseil régional et les préfets, ces derniers étant garants de la cohérence de l’ensemble avec la stratégie nationale. Je vous le concède, ce n’est pas simple…

La stratégie nationale comporte bien des éléments spécifiques à l’outre-mer. Nous n’avons pas abandonné l’idée d’un partage équitable des ressources. D’ailleurs, celui-ci fera partie, au même titre que le GIEC de la biodiversité, des négociations lors de la Conférence des parties de la convention sur la diversité biologique qui se tiendra en octobre à Nagoya. Cette conférence traitera essentiellement de la convention ABS sur l’accès aux ressources génétiques, qui stipule que tous les produits ou acteurs économiques qui bénéficient d’une ressource génétique issue de la biodiversité d’un pays doivent contribuer au financement de la préservation de la biodiversité dans ce pays. Cela concerne des secteurs aussi divers que la pharmacopée ou la cosmétologie et mobilise d’importants financements. Étant à la fois client et fournisseur, la France compte défendre une position très ouverte sur le sujet au cours de cette négociation. Il est clair que la Guyane, compte tenu de sa biodiversité, pourrait devenir un laboratoire du développement. Après une première mission peu convaincante, liée à l’abandon de l’exploitation de la mine d’or de Kaw, nous sommes prêts à reprendre le dossier. Si nous ne le faisons pas, nous ne parviendrons pas à lutter contre l’orpaillage illégal et le massacre des forêts, qui se poursuit jusque dans le Parc amazonien de Guyane.

Dans le cadre du Sommet de Copenhague, nous avons pris l’engagement de verser 420 millions d’euros par an sur trois ans aux pays les moins avancés, 20 % étant destinés à l’adaptation, 20 % à la forêt et 60 % à l’atténuation des changements climatiques. La France a en outre engagé un partenariat dit « Paris-Oslo » sur la protection de la forêt.

J’en viens à la problématique du transport et au rapport entre aménagement du territoire et environnement. Le but du SNIT est justement de faire le lien entre ces deux ambitions. Cela dit, quand nous construisons des routes, vous nous le reprochez, et lorsque nous n’en construisons pas, vous nous le reprochez aussi… Cette contradiction est habituelle et ne me choque pas. Le SNIT a jugé prioritaires les infrastructures de transports collectifs, le ferroviaire, le fret et tous les modes de transport alternatifs à la route. Pour éviter que les camions traversent la France, nous mettons en place la fameuse éco-redevance poids lourds, basée sur les kilomètres parcourus et non plus uniquement sur le nombre d’essieux.

S’agissant des autoroutes de la mer, Dominique Bussereau inaugurera demain l’autoroute Saint-Nazaire Gijon en Espagne, bien que plusieurs expériences dans le passé se soient soldées par un demi-échec. La rentabilité de ce type de transport suppose en effet une distance minimale de 500 km et l’existence d’obstacles naturels infranchissables par la route, en l’occurrence la chaîne des Pyrénées.

La parution du fameux décret sur les installations de méthanisation a pris beaucoup de retard, c’est un fait, mais je crois pouvoir vous indiquer qu’il sortira dans les prochaines semaines, après son passage devant le Conseil d’État. Nous souhaitons favoriser la méthanisation collective. Nous citons souvent l’Allemagne en exemple, mais beaucoup de leurs installations de méthanisation fonctionnent avec du maïs, ce qui ne nous convient pas.

La réutilisation des eaux d’assainissement après traitement est possible pour le nettoyage des espaces publics et l’arrosage, mais la Direction générale de la santé, pour des raisons sanitaires, est très hostile à la réutilisation de ces eaux dans les toilettes des écoles et dans les lieux accueillant des publics fragiles, en particulier les hôpitaux.

Si les schémas d’implantation de stations éoliennes en mer ne vous ont pas été communiqués, c’est que la région Bretagne vient seulement de nous transmettre ses propositions. Nous vous livrerons fin septembre la liste de ces zones et le cahier des charges de l’appel d’offres. Le Gouvernement entend bien atteindre ses objectifs dans le domaine de l’éolien en mer, car il offre une reconversion à de nombreuses industries.

Le principe de l’européanisation de la taxe carbone est actuellement à l’étude, même si la commissaire européenne en charge du climat, Connie Hedeggard, est très opposée au principe d’une taxe aux frontières. La Commission européenne maintient les positions qu’elle avait prises en décembre 2008. Toutefois l’instauration d’une taxe carbone au sein des différents pays est une priorité des futures présidences et sera donc inscrite à l’agenda, ce qui n’empêche pas les pays qui le souhaitent de signer entre eux des partenariats.

M. le président Christian Jacob. Je vous remercie d’être venue présenter la stratégie nationale de développement durable et d’avoir répondu de manière précise aux questions posées par nos collègues.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 14 septembre 2010 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Pierre Giran, M. François Grosdidier, M. Michel Havard, M. Christian Jacob, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jean Lassalle, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, M. Lucien Degauchy, M. Jacques Houssin, M. Jean-Marc Lefranc, M. Max Roustan, M. Martial Saddier

Assistait également à la réunion. - M. Francis Saint-Léger