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Mardi 19 octobre 2010

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Patrick Ollier Président et de de M. Pierre Lequiller Président de la commission des affaires européennes

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires européennes, de M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française..

Commission
des affaires économiques

La commission des affaires économiques a entendu, lors d’une audition commune avec la commission des affaires européennes, M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française.

M. le président Patrick Ollier. La Commission des affaires économiques et la Commission des affaires européennes procèdent aujourd'hui de concert à l’audition de M. Jacques Attali, président de la Commission pour la libération de la croissance française, que je suis très heureux d’accueillir.

Je tiens également à saluer la présence de MM. Alain Quinet et Pierre Heilbronn, rapporteur général et rapporteur général adjoint de cette commission, ainsi que celle de Mme Michèle Debonneuil et de MM. Michel de Virville, Stéphane Boujnah, Éric Labaye et Luc François Salvador, membres de cette même commission.

Monsieur Attali, vous venez de remettre au Président de la République le deuxième rapport de la commission que vous présidez. Je tiens à vous remercier de la manière dont nous avons pu travailler ensemble. Le premier rapport avait donné lieu à une certaine incompréhension de la part de certains d’entre nous car nous avions découvert les 316 propositions sans y être véritablement préparés. Vous-même et votre équipe avez eu la courtoisie de discuter avec nous de ce nouveau rapport et de préparer sa publication, notamment par la remise, en mai dernier, d’un rapport d’étape. Le caractère stimulant des vingt-sept propositions formulées par le rapport n’échappera à personne. Plusieurs d’entre elles ont du reste suscité de fortes réactions dans les mondes politique et syndical. Je tiens à souligner que certaines anticipent les travaux de la Commission des affaires économiques tandis que nos travaux en ont anticipé d’autres : c’est dire la convergence existant entre les réflexions de votre commission et les nôtres, même si deux ou trois propositions peuvent être discutées.

Votre commission est, en quelque sorte, la boîte à idées de la République en matière d’évolution et de transformation de la société. Votre rapport, qui est à prendre au sérieux, a le mérite de souligner les efforts que nous devons accomplir pour préparer l’avenir.

M. le président Pierre Lequiller. Nous sommes heureux, monsieur Attali, de vous accueillir pour cette audition commune des commissions des affaires économiques et des affaires européennes.

J’ai noté l’importante dimension européenne de votre rapport : la croissance française ne peut être dissociée de la croissance européenne.

Considérez-vous que la stratégie européenne pour 2020 a de meilleures chances d’aboutir que la stratégie de Lisbonne pour 2010 ?

Que pensez-vous par ailleurs des débats relatifs à la gouvernance économique européenne, sur laquelle travaillent MM. Michel Herbillon et Christophe Caresche, et du renforcement de la discipline budgétaire, au lendemain de la réunion des ministres des finances de l’Union européenne ?

Enfin, votre rapport propose de bâtir une stratégie de croissance franco-allemande : jusqu’où pourrons-nous aller dans cette voie ?

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Attali, je partage totalement l’affirmation du rapport selon laquelle il est nécessaire de remettre en cause plusieurs niches fiscales. Toutefois, au vue d’une discussion que nous avons eue sur ce sujet au sein du groupe UMP, j’ai osé dire qu’il y avait des « niches vertueuses », celles qui visent à créer de l’emploi ou de la valeur ajoutée.

Or, votre rapport paraît vouloir remettre en cause au moins partiellement le crédit impôt-recherche : ne conviendrait-il pas au contraire de maintenir l’effort en la matière du fait qu’il contribue au maintien de la présence d’entreprises en France et concourt à l’effort de recherche ? Telle est ma seule interrogation avant de vous donner la parole.

M. Jacques Attali, président de la commission pour la libération de la croissance française. Avant de vous présenter le contenu du rapport, je tiens à insister sur l’état d’esprit dans lequel a travaillé notre commission. Celle-ci est composée de quarante-trois personnes, libres et sans agenda personnel, ayant chacune ses propres opinions politiques. Je suis de gauche et le reste : le travail au sein de cette commission n’a en rien changé cette donnée, bien au contraire. Mais nous avons estimé utile au pays de travailler ensemble pour jeter les bases d’une pensée commune à tous les Français de bonne volonté désireux de tracer la voie d’une croissance solidaire à l’horizon de 2020, sachant que les dix années à venir verront nécessairement se succéder deux Présidents de la République – je souhaite naturellement que l’un des deux soit issu de la gauche.

Nous avons tenté de dresser un plan cohérent et lucide, commun à tous ceux qui veulent gouverner la France. Nous n’avons pas à être populaires et ne briguons aucun suffrage. Notre privilège est de mener une réflexion sur le long terme. À cette fin, nous avons pu, grâce au Président de la République, au Premier ministre et au Gouvernement, accéder à toutes les données nécessaires. L’administration a fourni un travail remarquable et, lorsqu’il l’a fallu, des membres du Gouvernement ont assisté à nos réunions. Ce fut également le cas de certains d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, et je les en remercie.

Je tiens également à mentionner l’audition d’experts du secteur privé, de syndicalistes et de responsables de partis politiques ainsi que l’aide de consultants privés : plusieurs centaines de personnes nous ont aidés, à titre bénévole, je tiens à le souligner. Quant aux bénéfices du livre issu de nos travaux, ils iront à la République.

Obtenir un consensus sur un tel corps de propositions n’est pas chose aisée. Toutefois, j’ai systématiquement refusé de les soumettre au vote. Il convient de noter que certains des membres de la Commission, qui y sont à titre personnel, sont des proches de la direction de la CGT ou du MEDEF, d’autres sont des économistes provenant d’écoles différentes ou des présidents d’associations de consommateurs. Chacun, s’il avait été seul, aurait sans doute rédigé ce rapport plus ou moins différemment. Du reste, vous trouverez en annexe du livre les points de vue particuliers de tel ou tel membre de la commission sur certaines des questions abordées. Nous avons cherché à dégager des évidences : tel est le compromis auquel nous sommes parvenus et que nous livrons au pays.

Chacun connaît la situation et sait qu’elle ne peut pas se prolonger : si le pays continue sur la voie actuelle, en 2020, il sera largué. Il connaîtra en effet la faillite en termes de dette publique, d’emploi et de compétitivité. La gauche et la droite le savent. La droite peut penser que sa politique va dans la bonne direction et la gauche que la sienne sera meilleure : sans reprendre le rapport antérieur – il est toujours utile et nous sommes heureux que près des deux tiers de ses propositions aient été appliqués –, nous avons, pour notre part, tenté de cerner les principaux moteurs qu’il convient d’allumer sans perdre de temps pour éviter la chute de la croissance et le déclin du pouvoir d’achat. Nous en avons identifié quatre. Or, les médias et l’opinion publique n’en ont retenu qu’un seul depuis la publication du rapport, il y a quatre jours, celui qui concerne le désendettement.

La gestion de la dette est certes fondamentale pour les dix ans à venir mais ce n’est pas la seule. En outre, notre commission n’est pas une commission « Laval bis » au sens d’une commission d’austérité – je fais allusion à la décision prise en 1935 par le gouvernement Laval de baisser les dépenses de l’État de 10 %.

Les quatre moteurs de croissance repérés sont, outre le désendettement, l’investissement durable, l’école et l’emploi.

En matière d’investissement durable, nous avons repris certaines des propositions du premier rapport encore insuffisamment appliquées : les grands secteurs d’investissement doivent être financés par les outils français – le budget de l’État, les régions, la Caisse des dépôts ou encore le grand emprunt, activé à la suite de notre premier rapport – et des outils européens, déjà existants, comme la Banque européenne d’investissement – ou à créer.

Ces grands investissements devraient concerner d’abord les infrastructures portuaires – je pense en particulier à la modernisation de nos deux grands ports internationaux, Marseille et Le Havre, avec ce qui les relie à l’hinterland. Puis, l’économie durable et la recherche portant sur ce secteur – les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l’information et les grands réseaux informatiques tels que le cloud computing et les technologies de discrétion. Enfin, la santé et l’agriculture, ainsi que les matières premières, secteur stratégique trop souvent oublié et dont la maîtrise est pourtant fondamentale.

Nous pensons tous qu’une des grandes lacunes de l’administration française et du pouvoir politique est aujourd'hui l’absence de politique industrielle, voire d’outils administratifs permettant de mener une politique industrielle. Plus personne n’est aujourd'hui capable dans l’administration française de penser une stratégie dans le solaire, l’informatique ou les nanotechnologies. C’est une grave lacune qui nous livre à une logique purement concurrentielle sur le plan européen, et ce alors même que l’Europe n’a jamais voulu se doter d’une politique industrielle.

Second moteur, l’économie du savoir. Notre premier rapport avait insisté sur l’école primaire et l’enseignement supérieur. Concernant ce dernier, une grande partie de nos propositions a été reprise au travers de la modernisation de la gouvernance, du regroupement et de la création d’universités ayant une taille critique, même si la gouvernance ou la répartition géographique peuvent toujours faire l’objet de débats.

Le présent rapport insiste sur l’enseignement préscolaire et primaire, nos premières propositions n’ayant pas été appliquées. Comme le révèlent les études PISA de l’OCDE, la France recule dans ces deux secteurs tant en termes de niveau global qu’en termes de justice sociale, les deux allant de pair. Compte tenu des contraintes liées à la dette, c’est en termes de doctrine et de gouvernance plus que de moyens financiers qu’il faut réfléchir. Il s’agit de les réformer radicalement en assurant l’égalité véritable de développement, laquelle passe par la différenciation. Il faut aller vers l’école sur mesure – le rapport contient des propositions détaillées qui ont fait l’objet de longues concertations –, c'est-à-dire capable d’adapter notamment les programmes à la population selon leurs quartiers d’habitation. Notre obsession est de travailler pour les enfants, en particulier pour ceux dont la situation est la plus précaire. Les directeurs d’école devront disposer d’un pouvoir hiérarchique sur les maîtres afin d’être capables de définir un programme, de composer leur équipe comme ils l’entendent et de l’adapter à l’évolution. Le rapport va jusqu’à proposer l’allongement de la durée de service des maîtres au sein de l’établissement, même si leur rémunération doit augmenter. L’école doit s’adapter aux besoins individuels des enfants.

Sur l’emploi, qui est le troisième moteur et qui ne se décrète pas, nous faisons deux propositions fondamentales. La première vise à sortir au plus vite de la précarité non pas au moyen d’un contrat unique, qui serait à durée limitée, mais d’un contrat à droits progressifs, afin d’en finir avec la juxtaposition permanente de stages et de contrats à durée déterminée : chaque période de travail effectuée créerait les conditions d’accumulation des droits pour l’obtention d’un contrat à durée indéterminée.

La seconde proposition, que nous avions déjà présentée dans le premier rapport, vise, comme dans les pays nordiques, à faire bénéficier d’une formation et d’un accompagnement suffisants les chômeurs ou les salariés qui veulent changer de travail. Nous avons travaillé avec Pôle Emploi et les syndicats sur une proposition visant à un contrat d’évolution qui constitue une nouveauté fondamentale : toute personne qui travaille vraiment à chercher un emploi et se forme à cette fin ne devra plus être considérée comme un chômeur recevant une allocation d’assistance mais comme le bénéficiaire d’un contrat d’activité à durée variable, le « contrat d’évolution », dans le cadre duquel il sera rémunéré pour chercher un travail et pour se former. Le rapport montre comment un tel contrat est finançable à l’intérieur du budget actuel pour les 500 000 chômeurs aujourd'hui les plus éloignés de l’emploi et donc les plus précaires. Il conviendra évidemment d’introduire, à cette fin, l’idée, aujourd'hui absente, ou insuffisante, de la justice sociale dans les allocations chômage. Ces allocations pourraient être plafonnées et dégressives, ce qui permettrait de trouver des ressources pour financer le contrat d’évolution, sans oublier les marges qui pourraient être dégagées grâce à une meilleure utilisation des quelque 27 milliards d’euros de la formation permanente.

Le désendettement, quatrième moteur, a fait, depuis la publication du rapport, l’objet de malentendus plus ou moins volontaires. Il n’est pas vrai que nous proposions une cure épouvantable d’austérité, pire que celle décidée par le Gouvernement, qu’il s’agisse de la dette touchant les finances publiques ou de celle touchant le financement des retraites.

En matière de finances publiques, je tiens à souligner le consensus existant entre les partis de gouvernement et la classe dirigeante du pays sur le refus de laisser filer la dette. Le même accord se fait pour revenir à un taux d’endettement de 60 % du PIB autour de 2020 et à un déficit public de 3 % fin 2012. Pour atteindre ce double objectif, encore convient-il de préciser les mesures à prendre et de les chiffrer. Nous avons pris le parti courageux d’entrer le détail de ces mesures.

Pour arriver à l’objectif de 60 % en 2020, il faut que les finances publiques redeviennent excédentaires en 2015, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, ce qui suppose, comme je l’ai dit, de ramener le déficit public à 3 % du PIB dès 2012. Nous misons sur une hypothèse de croissance annuelle de 2 % sur trois ans, ce qui me paraît un peu optimiste – mais l’actuel gouvernement prévoit 2 % l’an prochain puis 2,5 % les deux années suivantes.

Le taux de croissance détermine les recettes naturelles. Or, avec 2 % de croissance, il faudra trouver, en sus des recettes naturelles, 25 milliards d’euros par an, soit, sur trois ans, 75 milliards, lesquels sont une donnée non pas politique mais arithmétique. La classe politique et le pays doivent le comprendre : tout gouvernement, de droite ou de gauche, devra trouver 25 milliards en 2011, en 2012 et en 2013, années – est-il besoin de la souligner ? – qui ne sont pas « innocentes ».

Or, ce qui peut paraître désespérant, c’est que le navire étant lancé, même si cet objectif est atteint, la part de la dette publique dans le PIB passera de 83 % à 90 % fin 2013 : elle ne baissera qu’ensuite. L’opinion publique n’est pas suffisamment préparée à l’effort soutenu que le pays devra réaliser sur dix ans. Ni la droite ni la gauche ne l’ont prévenue. Au contraire, vous entendant parler de nous, qui disons la vérité, les Français ont le sentiment que nous sommes des menteurs.

En revanche, la façon de trouver ces 75 milliards relève de choix politiques : par exemple ne créer que des impôts nouveaux ou ne faire que des économies. Le rapport propose un compromis qui n’a pas été atteint sans discussions parfois vives entre nous : 50 milliards en économies budgétaires et 25 milliards en mesures fiscales – personnellement, j’étais favorable à ce que la part de l’impôt fût plus importante. L’expérience montre toutefois que, pour atteindre un tel objectif, la part des économies doit être plus importante que celle de l’impôt, afin d’éviter le retour du gaspillage. Or, personne, en France, ne veut diminuer les prestations ni augmenter les impôts, ce qui entraîne l’accroissement de la dette. Pourtant, il faudra bien faire l’un et l’autre. De plus, comme aucun gisement réaliste ne dépasse les 3 milliards d’euros, il conviendra de prendre des mesures aussi nombreuses que pénibles pour atteindre l’objectif des 75 milliards.

C’est la raison pour laquelle les mesures d’économies que nous proposons touchent à la fois l’État, les collectivités locales et la sécurité sociale. En matière de recettes, elles concernent non seulement les niches fiscales, mais également les plus-values et le patrimoine. De plus, un consensus s’est dégagé en faveur d’une fiscalité de croissance qui ne pèse plus sur le travail mais sur le patrimoine immobilier, la pollution et, si nécessaire, la consommation.

Je tiens à noter que, contrairement à ce qu’on a dit, le rapport ne préconise pas le gel du salaire des fonctionnaires mais celui du point d’indice, ce qui n’est pas la même chose : le schéma d’équilibre que nous proposons inclut donc une augmentation de leur pouvoir d’achat. Le rapport préconise également d’étendre à la sécurité sociale le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En revanche, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, la mesure, qui permettra d’améliorer l’efficacité des institutions publiques, ne devra pas se poursuivre au-delà de trois ans, sous peine d’aggraver le chômage des jeunes. Il conviendra, après cette période, d’envisager un retour à la croissance du personnel des administrations.

En termes de recettes, les niches fiscales sont un formidable gisement, à condition de ne pas se tromper. L’impôt-recherche est une niche utile s’il évite les effets d’aubaine. Nous allons jusqu’à penser que la mesure relative aux jeunes entreprises innovantes, proposée dans le projet de loi de finances, est malvenue, du fait qu’elle pèsera sur des entreprises porteuses de croissance. L’essentiel de l’effort devra porter sur les niches les moins productives. Nous pouvons toutefois trouver 25 milliards d’euros sur les niches et sur la fiscalité du patrimoine dans les trois prochaines années.

Nous n’avons pas voulu, compte tenu de l’actualité, nous mêler de trop près des retraites. J’ai évoqué le consensus de la classe politique visant à ramener à 3 % du PIB le déficit budgétaire à la fin de 2012, ce qui suppose de trouver 25 milliards d’euros par an : que vous le vouliez ou non, vous êtes tous d’accord ! S’agissant des retraites, je crois, au risque de vous choquer, que vous êtes également tous d’accord pour affirmer avec nous que la réforme proposée est inévitable, injuste et insuffisante.

La réforme est inévitable parce que nous avons pris du retard et que l’allongement de la durée de cotisation ne suffira pas à le rattraper. Il est donc nécessaire de reculer l’âge de la retraite. Du reste, même ceux qui veulent revenir à la possibilité de partir à soixante ans, ne proposent pas, dans ce cadre, la retraite à taux plein. La réforme est également injuste parce qu’elle pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt ou sont soumis à un travail pénible, ainsi que les femmes. La réforme est insuffisante, enfin : il faudra penser à instaurer un autre système en 2020.

La commission propose de passer à un autre système, imité du modèle suédois, qui a l’avantage de maintenir le système par répartition tout en l’orientant vers un système de droits personnalisés permettant une plus grande liberté dans le départ à la retraite.

Pour conclure, je note qu’il existe dans le pays un corps de consensus beaucoup plus important qu’on ne le croit. La commission aura au moins servi à le dégager.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie de votre réponse sur la question du crédit impôt-recherche. Elle me rassure pour les débats qui auront lieu demain soir en séance.

M. Serge Poignant. Monsieur Attali, les propositions que vous formulez aujourd’hui ont notamment, comme les précédentes le grand mérite de susciter le débat y compris entre les membres d’un même groupe politique.

Le rapport commence par rappeler les atouts de la France, ce qui me paraît important : pour satisfaire à l’exigence de vérité que vous mettez en avant, notre pays doit mesurer ses atouts. La France est un pays créatif, qui peut notamment s’appuyer sur ses chercheurs et ses grandes entreprises. Vous affirmez que notre pays est « socialement dynamique grâce à la capacité d’adaptation de sa population ». C’est sans doute exact historiquement, mais on peut se demander, compte tenu des manifestations actuelles, si c’est encore le cas. Vous nous dites que notre pays n’est pas suffisamment informé. Comment faire pour éviter d’être pénalisé par des blocages semblables à ceux d’aujourd’hui ?

La seconde exigence que vous invoquez est l’équité. A cet égard, vous rappelez que la France est l’un des pays développés les moins inégalitaires en matière d’écart de revenus et de distribution du patrimoine. On constate, en outre, que le taux de pauvreté des seniors ne cesse de se réduire.

En ce qui concerne l’exigence de légitimité, vous écrivez qu’« en dépit des doutes qu’inspirent parfois à beaucoup de nos compatriotes les faiblesses du fonctionnement de nos institutions, la France a beaucoup d’atouts, avec une démocratie très vivante et une vie associative extrêmement active ». C’est vrai, mais comment pouvons-nous susciter l’adhésion à vos propositions, qui risquent d’être impopulaires ? Nous mesurons déjà, en ce moment même, la difficulté de ce que nous proposons au pays.

Quelle différence peut-on faire, en termes d’urgence, entre les différents moteurs de la croissance que vous identifiez ? Peut-on distinguer des mesures d’application immédiate et d’autres qu’il faudrait adopter à moyen terme ? La question de la gestion de la dette et celle de l’emploi sont urgentes, mais il ne faut pas négliger les efforts portant sur les grands secteurs industriels. Je pense à la gestion des ressources, et en particulier à la production des matières premières, mais aussi à la politique industrielle et la politique énergétique, qu’il faut envisager aussi bien au plan français qu’au plan européen.

Selon vous, il faudrait économiser cinquante milliards d’euros en trois ans pour réduire la dette publique. Vous avez cité quelques pistes, mais j’aimerais savoir où ces économies devront être réalisées. On peut, en effet, s’interroger sur l’acceptabilité des mesures adoptées. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur une éventuelle augmentation de la TVA ? Ne pensez-vous pas que la TVA sociale pourrait pénaliser les différents moteurs de la croissance – aussi bien les entreprises que la consommation ?

Comme dans votre premier rapport, vous proposez de placer les allocations familiales sous condition de revenus. Nous y étions opposés et le Gouvernement a rejeté cette proposition. Pourquoi revenir sur cette question ?

M. Jean Gaubert. Nous n’avons pa eu pas eu le temps de prendre connaissance de l’intégralité du rapport mais il me semble qu’un certain nombre d’éléments vont dans le sens de nos propres interrogations.

À propos de la dette, je ne voudrais pas noircir le tableau, mais j’observe que vous raisonnez à taux d’intérêt constants. Or, un point d’augmentation des taux d’intérêt représente un surcoût d’environ 15 milliards d’euros pour le service de la dette.

Pour revenir sur la notion de consensus, je pense que l’acquis de cette crise est d’avoir permis à notre génération de comprendre qu’elle devra payer une partie de la dette. Elle avait tendance à penser, jusqu’à présent, que cette responsabilité reviendrait à la génération suivante. Or, le mur s’est rapproché à une vitesse extraordinaire, d’autant plus vite que des imprudences ont été commises depuis trois ans en matière de fiscalité sans qu’aucun des bénéfices attendus ait été engrangé.

Les atouts de notre pays sont cités dans le rapport – je n’y reviens pas, mais il est important d’en avoir conscience.

Il me semble qu’il faudrait s’interroger, notamment chez les managers, sur la souffrance au travail, aujourd’hui beaucoup plus grande en France que dans d’autres pays. A titre personnel, je doute fort que le management par le stress ait un quelconque effet positif sur l’économie.

Une autre majorité a déjà essayé de mettre les allocations familiales sous condition de ressources : cela lui a valu une manifestation allant exceptionnellement de Passy aux Invalides ! La majorité de l’époque n’a pas été assez forte pour imposer cette mesure, mais il va falloir s’y résoudre. On ne pourra pas tout demander à ceux qui n’ont déjà pas beaucoup.

Si la jeunesse est en ce moment dans la rue, ce n’est sans doute pas tant à cause des retraites qu’en raison de ses inquiétudes concernant l’avenir. Il faudra y répondre, notamment en désendettant le pays. En outre, il faudra à la fois être capable de faire confiance à la jeunesse et cesser de lui adresser des messages contradictoires : quand on dit qu’il faudra travailler plus longtemps, les jeunes comprennent qu’il n’y aura pas de place pour eux.

Il existe un certain nombre de consensus, mais je n’y reviens pas. Ce que vous dites à propos de la valeur environnementale me semble en particulier très juste. Il faudra travailler sur cette question.

Nous devrons aussi nous interroger sur notre rapport à l’ambition européenne : il est très difficile, dans l’Europe intégrée que nous connaissons, de mener des stratégies purement nationales. Quelles pourraient être les ambitions européennes, selon vous, et que pourrions-nous faire au plan français ?

M. Jean Dionis du Séjour. J’aimerais vous poser une question politique puisque vous avez exercé dans le passé des responsabilités politiques. Vous avez dit que votre commission avait cherché un consensus « entre gens de bonne volonté ». En dehors d’une telle commission, quel système mettez-vous sur la table ? Une « union nationale », à l’image de la grande alliance entre la CDU et la SPD qui a prévalu en Allemagne ? Ou bien l’« ouverture », tentée d’abord par la gauche, puis par la droite ?

En matière de retraites, vous prenez position pour le système suédois. Nous faisons le même choix mais sans nous dissimuler les inconvénients de ce système : il a fallu douze ans pour l’instaurer en Suède. N’est-ce pas incompatible avec la nécessaire rapidité des mesures que vous appelez de vos vœux ? Je rappelle, en outre, que la valeur du point est variable dans ce système, ce qui ne permet d’assurer ni la stabilité ni la prévisibilité des retraites. Cela ne risque-t-il pas de constituer un vice rédhibitoire dans notre pays ?

Dès le lendemain de la parution de votre rapport, le Premier ministre a indiqué qu’il n’appliquerait pas vos recommandations en matière de TVA sociale – c’est d’ailleurs le seul sujet sur lequel il est sorti du bois. Comment expliquez-vous qu’il existe une telle sensibilité dans ce domaine ? Comment faire évoluer la situation pour éviter de « charger » le travail, ce qui devrait être un objectif politique central pour tout gouvernement ?

Nous sommes très intéressés par vos propositions en matière d’éducation. Nous savions déjà que le collège est en difficulté, mais nous pensions, peut-être avec une certaine naïveté, que notre école primaire était excellente. Le classement PISA démontre qu’il n’en est rien : nous sommes au 17e rang, et nous avons reculé de cinq places en quelques années. Vos préconisations – plus d’autonomie pour les directeurs d’école et un temps de temps de travail accru pour les enseignants – sont intéressantes, mais elles sont difficiles à mettre en œuvre et, surtout, passent à côté du problème de fond, qui est l’hétérogénéité des classes. Je pense notamment aux difficultés posées par les primo-arrivants, et plus généralement par l’immigration, en matière de maîtrise des fondamentaux.

M. Christophe Caresche. On pourrait s’accorder sur la nécessité de mener une stratégie de désendettement rapide s’il existait au plan européen des mécanismes permettant d’assurer un minimum d’activité. Vous proposez de mutualiser une partie des dettes souveraines et d’autoriser l’Union à emprunter pour réaliser une politique d’investissement. Or, ces mesures, que je trouve personnellement très intéressantes, ne font pas partie des discussions qui ont lieu au plan européen, notamment avec l’Allemagne. Si l’on applique un remède de cheval à notre pays sans aller dans le sens que vous suggérez, on risque de se heurter à un problème de demande et de perdre le peu d’éléments de croissance que nous avons.

Ma seconde question portera sur l’euro. L’appréciation de notre monnaie est un drame pour l’industrie européenne en général, et pour l’industrie française en particulier. On a vu que la baisse de l’euro, au cours des derniers mois, débouchait immédiatement sur des éléments de reprise. Tous les efforts réalisés en matière de compétitivité risquent d’être illusoires s’il n’y a pas d’évolution dans le domaine monétaire.

M. André Schneider. Je voudrais vous interroger, à mon tour, sur l’école de demain.

Afin de garantir la qualité de l’éducation, de la maternelle à l’université, nous avons besoin d’un accueil de qualité dès la crèche – c’est l’ancien principal de collège qui vous le dit. Comment voyez-vous les évolutions à venir ? Cette question me semble d’autant plus importante que vous vous placez dans un contexte de coûts plus ou moins constants en moyenne.

La question du statut des directeurs d’école viendra bientôt en discussion devant notre Commission. Vous proposez de les transformer en véritables « managers ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Mme Pascale Got. Je suis plutôt d’accord avec ce que vous préconisez en matière d’éducation, mais certaines de vos propositions me laissent un peu dubitatives dans d’autres domaines.

Vous préconisez de réduire l’endettement des collectivités territoriales. Or, cet endettement résulte de leurs investissements, qui représentent 70 % des dépenses d’investissement en France. Réduire l’investissement public, n’est-ce pas contradictoire avec une relance de la croissance ?

J’en viens à la question des effectifs. Leur augmentation dans la fonction publique territoriale est, dans une large mesure, la conséquence des transferts de compétences. Les effectifs de la région Aquitaine sont ainsi passés de 600 à 2 000 agents en quelques mois, notamment du fait du transfert des TOS. Comment appliquer le principe de non-remplacement d’un agent sur deux sans remettre en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ? Et surtout, sur quels services les réductions d’effectifs  porteront-elles ? Les crèches, les écoles, les transports ? Ne serait-ce pas en contradiction avec vos autres préconisations ?

Ma dernière question concerne la maîtrise des dépenses de prestations sociales : par quelles mesures concrètes cette proposition se traduira-t-elle ? Par la réduction des dépenses des centres communaux d’action sociale, alors que nous sommes en période de crise ? Par la réduction des dépenses liées au RSA dans les départements ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Je souhaiterais quelques précisions sur le développement de la filière des nanotechnologies.

Pensez-vous, par ailleurs, que l’industrie automobile ait toujours un avenir ? Le véhicule électrique vous paraît-il une technologie porteuse ?

M. Philippe Tourtelier. Le rapport souffre d’un péché originel, qui résulte du nom de votre commission : « pour la libération de la croissance française ». J’en connais qui ne liront pas le rapport à cause de ça : la crise s’est produite, il y a eu la commission Stiglitz, le Président de la République a souhaité que l’on prenne en compte d’autres indicateurs que le seul PIB, et nul n’ignore le débat portant sur les questions de développement et de décroissance.

Cela étant, vous avez précisé que le rapport contenait des propositions pour une croissance « solidaire » dans les dix années à venir – si vous aviez ajouté « écologiquement durable », tout aurait été parfait. Vous évoquez une « mobilisation générale pour libérer la croissance et donner un avenir aux générations futures », ce qui est effectivement le socle du développement durable. Cela va mieux en le disant, mais n’aurait-il pas été préférable, dans ce cas, de choisir d’emblée un autre nom ?

Votre premier rapport faisait preuve d’une certaine réticence à l’égard du principe de précaution. Citant le rapport que j’ai rédigé avec Alain Gest, vous indiquez aujourd’hui, dans une note de bas de page, que nous n’avons pas constaté d’impact significatif de l’introduction de ce principe dans la Charte de l’environnement en matière de recherche et d’innovation, exception faite des biotechnologies – il s’agissait plus précisément des OGM. Vous écrivez que nous appelons à « une réflexion sur une éventuelle modification de l’article 5 de la Charte, y compris en évoquant l’opportunité de son abrogation ». Or, nous avons conclu qu’il ne servait à rien d’abroger cet article. Il est, en revanche, exact que « nous avons appelé à une clarification des modalités de mise en œuvre du principe afin qu’il soit compris et utilisé comme un principe d’action permettant une gestion proportionnée et efficace des risques ».

Il y a, en effet, une demande sociétale forte dans ce domaine. Si nous ne réussissons pas à restaurer la confiance dans le progrès et la science – le principe de précaution est un moyen pour y parvenir –, nous risquons de passer à côté de certains enjeux, tels que les nanotechnologies.

Mme Catherine Vautrin. Vous indiquez que « le développement de la concurrence doit permettre, dans le contexte français, de favoriser l’innovation en remettant en cause les rentes liées à la fermeture de certains marchés », mais vous n’abordez pas la question des gains liés aux changements de fournisseurs – je pense notamment aux liens à l’intérieur de la distribution. Avez-vous travaillé sur cette question ?

Le rapport évoque à juste titre la loi de modernisation de l’économie (LME) et demande que l’on replace l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme. En revanche, il n’est pas fait mention de la proposition de loi que nous avons adoptée sur ce sujet. Qu’en pensez-vous ? Si l’on suivait vos recommandations, le maire pourrait agir en « juge de paix » en dehors de tout document d’urbanisme. Vous écrivez que cela permettrait d’intensifier la concurrence entre les distributeurs. Permettez-moi d’avoir un doute sur cette affirmation.

Mme Catherine Coutelle. Nous n’avons pas encore eu le temps de prendre connaissance de l’intégralité de votre rapport, mais vous pouvez être sûr que nous le ferons, car votre présentation était fort intéressante.

Dans la partie intitulée « quelle France vouloir en 2020 ? », vous fixez des ambitions fortes en matière de chômage, notamment en ce qui concerne les jeunes et les plus de 55 ans. Mais votre objectif est beaucoup plus modeste pour les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté : vous ne voulez réduire leur pourcentage que de 13 à 10 %. Comment analysez-vous les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans la lutte contre la pauvreté ? Est-ce la faute de la multiplication des temps partiels ? D’une certaine manière, on accepte aujourd’hui l’existence des travailleurs pauvres.

J’ai eu l’impression que le rapport n’évoque pas les inégalités entre les hommes et les femmes, mais peut-être me détromperez-vous. Comment corriger les inégalités salariales ? Si l’on en croit un rapport du Secours catholique, la pauvreté concerne avant tout les femmes aujourd’hui.

Dans le domaine de l’éducation, vous faites un certain nombre de propositions vigoureuses qui méritent d’être étudiées en détail. Je ne suis pas loin de partager certaines de vos analyses, mais j’ai cru constater que le rapport ne mentionnait pas la formation initiale des enseignants. Allons-nous devenir le seul pays où elle n’existe plus ? Le ministre nous explique qu’il convient de former les enseignants dans leur discipline et de les laisser s’adapter eux-mêmes à leur métier, ce qui me scandalise.

J’observe, en dernier lieu, que vous voulez accorder un rôle très important aux responsables des établissements, notamment dans l’enseignement primaire. Quelles devraient être, selon vous, leur formation et leur sélection ?

M. Thierry Benoit. Vous n’êtes jamais très loin du pouvoir, monsieur Attali, mais on ne saurait vous en faire grief : on peut dire que vous vous mettez toujours au service de la France.

Vous avez indiqué que les responsables politiques ne disaient pas suffisamment la vérité. On assiste aujourd’hui à un choc sociétal, comme le montrent les manifestations actuelles. La France paie ses choix du passé : l’avancement de l’âge du départ à la retraite au début des années 1980, puis la réduction du temps de travail à la fin des années 1990. Il faut maintenant expliquer aux Français qu’ils devront travailler davantage et plus longtemps.

Que pensez-vous de la proposition qui consisterait à revenir à un horaire de 39 heures par semaine entre 20 et 55 ans, quand on est dans la force de l’âge, et à bénéficier ensuite d’un certain nombre d’aménagements ?

Vous avez évoqué la TVA sociale, pour laquelle je milite en disciple de Jean Arthuis. Pouvez-vous nous donner quelques pistes pour avancer rapidement en ce sens ? Il ne faudrait pas attendre les prochaines élections présidentielles.

Jean Gaubert a fait état de tensions dans les entreprises. Je suis convaincu qu’elles se sont accrues du fait de la réduction du temps de travail hebdomadaire. En tant qu’artisan, au plan théorique, des réformes que nous avons connues dans ce domaine, que pensez-vous de cette analyse ?

M. Francis Saint-Léger. Vous faites de l’équité, notamment sociale, l’une des trois grandes exigences à prendre en compte. En tant qu’élu rural, j’ajouterai l’équité territoriale. Certains freins pénalisent encore la ruralité : la réglementation est souvent inadaptée, car trop uniformément appliquée sur le territoire national.

Votre rapport accorde, à juste titre, une grande place à l’éducation et en particulier à la stimulation des enfants dès le plus jeune âge : vous rappelez l’importance du temps préscolaire. Or, le fonctionnement des crèches demeure très difficile dans les zones rurales. Un rapport vient de démontrer que les enfants des territoires ruraux ne bénéficient pas des mêmes chances que ceux des territoires urbains. Le coût des crèches est, en effet, difficile à assumer en milieu rural, et le personnel qualifié est extrêmement rare. Mais il n’y a pas que le problème des crèches : on pourrait citer de nombreux autres exemples dans le domaine économique et social.

Vous estimez que la résolution des ces difficultés est plus une question de doctrine que de moyens disponibles. Que proposez-vous concrètement pour lever les contraintes pesant sur le monde rural du fait de sa faiblesse démographique ?

M. Pierre Forgues. Vous évoquez une crise financière sans précédent, pour laquelle vous proposez quelques remèdes. Mais on reste sur sa faim : comment analysez-vous les causes de la crise ? Les gouvernements peuvent-ils apporter les correctifs nécessaires pour éviter qu’elle se renouvelle ?

Par ailleurs, j’aimerais savoir ce que vous faites des difficultés liées à la mondialisation et à l’Europe telle qu’elle se dessine depuis des années. Vous rappelez à juste titre qu’il n’existe pas de politique industrielle. Or, il y a des raisons à cela. Je ne pense pas qu’on puisse créer un outil industriel en France sans une réflexion sur l’Europe et sur la mondialisation.

Vous proposez une sorte de mix consistant à réduire les dépenses et à augmenter les impôts. Vous avez raison de chercher à définir une solution équilibrée, mais j’aimerais savoir quelles dépenses nous devrions réduire, et quels impôts augmenter. Comment doit-on les faire évoluer ? Si notre société est en crise, c’est que les inégalités sont devenues insupportables.

M. Louis Cosyns. J’aimerais vous interroger sur la santé, qui est un sujet de préoccupation pour tous les élus des zones rurales.

Vous envisagez de mettre un terme au numerus clausus pour les médecins et les pharmaciens, et de recentrer les cursus sur des examens et non plus sur des concours. Ces mesures pourraient permettre d’avoir plus de médecins dans notre pays, mais cela ne signifie pas qu’ils seront plus nombreux dans les zones rurales. Vous préconisez des aides à l’installation et des regroupements de médecins dans le cadre des maisons médicales. Ces dispositifs, qui existent déjà, n’ont guère produit d’effets. Que pouvez-vous proposer pour favoriser une installation plus durable des médecins dans nos territoires et pour garantir leur renouvellement dans de bonnes conditions ?

Mme Marie-Lou Marcel. Dans ce deuxième rapport, vous préconisez de ramener le déficit à 3 % du PIB en maîtrisant les dépenses des acteurs publics. Vous envisagez notamment une baisse de 1 % des concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales. Vous n’ignorez pas que leurs dotations ont été gelées de 2011 à 2013, et que les régions, dont vous êtes un grand défenseur, ont perdu tous leurs leviers fiscaux. Pour la région Midi-Pyrénées, la mesure que vous préconisez signifierait une perte supérieure à 5 millions d’euros. Les collectivités territoriales bénéficieraient donc de ressources décroissantes, alors qu’elles réalisent de plus en plus d’investissements. Comment justifier ce paradoxe ?

Considérant que les prescripteurs doivent être les payeurs, vous préconisez de supprimer la clause générale de compétences des collectivités territoriales. Elle permet pourtant de réaliser des cofinancements utiles au développement économique, notamment dans les territoires ruraux. On observe également que l’Etat est le premier demandeur de financements croisés – dans ma région, il sollicite ainsi le concours des collectivités territoriales pour le rail, pour la ligne à grande vitesse et pour le plan CAMPUS. On risque d’obtenir un résultat contraire à vos souhaits : une réduction des investissements de ces collectivités, qui condamnerait les territoires ruraux à l’atonie économique, alors qu’ils ont plutôt besoin d’être soutenus.

M. Michel Diefenbacher. La situation budgétaire de l’assurance maladie est préoccupante. Redresser les comptes de l’État, assurer le financement des retraites, ce sera difficile, mais cela ne me paraît pas hors de portée. En revanche, pourra-t-on résorber le déficit de l’assurance maladie sans revoir profondément, non seulement le mode de financement, mais l’architecture même du système ? Aujourd’hui, les assurés n’ont de prise ni sur le niveau des cotisations, ni sur le niveau des prestations, ni sur l’organisme qui gère le risque santé. Ce système est profondément déresponsabilisant !

Mme Annick Girardin. Nulle part, dans votre rapport, il n’est fait mention des spécificités de l’outre-mer. Certes, celui-ci doit faire sa part d’efforts, mais ne peut-on pas envisager des formes de participation particulières ?

Par ailleurs, vous avez évoqué une grande politique maritime. Or la richesse maritime de la France réside essentiellement dans l’outre-mer. En avez-vous tenu compte ?

M. Franck Reynier. Vous appelez notre pays à une mobilisation collective sur des objectifs de court terme, mais la tâche ne sera pas facile ! Les blocages actuels ont aussi des conséquences sur la communication avec nos partenaires ; dans le contexte d’une économie désormais mondialisée, on considère la France d’un œil soit amusé, soit agacé.

Je suis moi aussi intéressé par le projet de TVA sociale. Comment pourrait-on la mettre en place ?

Quant au chantier environnemental, il me semble irréaliste d’espérer enclencher des mutations ayant des effets économiques rapides. Que faut-il faire en priorité ?

Enfin, promouvoir le goût du risque, maîtriser l’évolution du coût du travail, renforcer la compétitivité, lutter contre les délocalisations, créer de nouveaux emplois, c’est très bien, mais ce ne seront que des vœux pieux si l’on ne revient pas sur des acquis. Que préconisez-vous ?

M. Jean-Michel Couve. Le formidable potentiel touristique de notre pays ne pourrait-il pas être un moteur important de croissance alors que nous perdons des parts de marché dans ce secteur ?

Par ailleurs, on ne parle jamais de l’épargne des Français. Ne peut-elle pas concourir à régler le problème de la dette publique ?

M. Daniel Fasquelle. Je suis d’accord avec votre idée de développer la concurrence, qui permet aux consommateurs de bénéficier des meilleurs produits et des meilleurs services au meilleur coût. De toute évidence, notre pays manque de concurrence dans de trop nombreux secteurs, comme la téléphonie mobile, où les consommateurs ont été victimes d’ententes entre les opérateurs.

Je me félicite également que vous souligniez le potentiel touristique de la France. Mais si nous sommes la première destination touristique au monde, nous ne sommes que la troisième en valeur, et vous n’en tirez pas les conséquences. Si l’on veut développer l’économie touristique, on doit investir non seulement dans les équipements, mais aussi dans la promotion de la France. Équilibrer le budget, cela ne signifie pas uniquement réduire les dépenses ! Il faut aussi augmenter les recettes, et un certain nombre de dépenses bien ciblées sont nécessaires pour ce faire.

Enfin, je suis en total désaccord avec votre projet d’université pluridisciplinaire. Aux États-Unis, que vous citez en exemple, on n’a pas supprimé les disciplines ; au contraire, l’université américaine dispose d’une organisation disciplinaire – même si les différentes disciplines sont appelées à travailler ensemble. Je suis pour ma part favorable à une plus grande autonomie des universités, en dissociant le pouvoir administratif et le pouvoir académique, sous réserve de respecter l’autonomie de chacune des disciplines au sein des établissements, même si on les incite à travailler davantage ensemble.

M. Jean-Paul Anciaux. Pour stimuler l’emploi, vous proposez la mise en place d’un contrat à droits progressifs et d’un contrat d’activité, qui serait le fil conducteur du projet professionnel. Or, il existe déjà sur le terrain des maisons de l’emploi, qui avaient été créées par le plan de cohésion sociale afin de fédérer l’ensemble des acteurs d’un territoire et d’améliorer l’information, l’orientation et l’accès à l’emploi. Ces structures, si elles apportent davantage de satisfaction qu’à leur création, sont encore loin d’être efficaces.

Tous les gouvernements ont essayé de décliner des dispositifs à partir d’une réflexion nationale. C’est pourtant au plus proche du terrain que l’on pourrait, en partant d’un constat partagé par tous les acteurs, anticiper et accompagner les mutations économiques, notamment dans le secteur industriel. De surcroît, les publics les plus en difficulté sont également les moins mobiles, et il serait nécessaire de disposer d’outils proches d’eux. Avez-vous des propositions à faire en ce sens ? Les services rendus par Pôle Emploi de ce point de vue ont indiscutablement progressé dans la période récente mais restent insuffisants.

M. Jacques Attali. Je ne pense pas que je pourrai répondre en détail à toutes les questions, car nous devons partir dans une demi-heure. En outre, compte tenu du caractère collectif des travaux de notre commission, j’invite ses membres ici présents à intervenir lorsqu’ils l’estimeront nécessaire.

M. le président Patrick Ollier. Il me paraît tout à fait envisageable que nous vous invitions à revenir pour poursuivre ce débat fort intéressant.

M. Jacques Attali. Ce sera avec grand plaisir.

La France l’ignore, mais elle dispose d’atouts exceptionnels. Peu de gens savent que sa situation est à certains égards bien meilleure que celle de l’Allemagne, notamment dans les domaines démographique, scientifique et universitaire, et qu’elle a un grand potentiel de croissance. Nous devons être fiers de notre pays, l’aimer et avoir une vision à long terme.

Notre commission n’avait pas pour vocation de proposer un programme transpartisan ou consensuel, les oppositions étant nécessaires dans une démocratie, mais de montrer que celles-ci s’inscrivent dans un cadre que chacun peut partager.

Par ailleurs, nous souhaitions parler au nom de personnes qui n’ont pas le droit de vote, à savoir les enfants nés ou à naître. Stéphane Boujnah avait même proposé d’intituler ce rapport : « Pour nos enfants ». Nous avons essayé d’exprimer le point de vue des générations futures, qui, un jour, nous demanderont des comptes.

Dans quel ordre faut-il allumer nos moteurs ? Il y a urgence pour tous les quatre. Plus on mettra de temps à démarrer, plus il faudra faire vite. Les réformes concernant l’école, l’emploi, les grandes infrastructures ou la retraite prendront longtemps : il faut les engager le plus vite possible.

Le projet de TVA sociale semble effectivement au point mort depuis un débat télévisé le soir du premier tour des élections législatives de 2007. Il paraît pourtant évident que la France doit devenir beaucoup plus compétitive, qu’elle doit réduire le coût du travail et bénéficier d’une monnaie moins forte tout en prenant garde de ne pas relancer l’inflation. Actuellement, celle-ci étant faible, la compétition très forte et la possibilité d’augmenter les prix réduite, une augmentation de la TVA aurait peu d’effets négatifs sur la justice sociale. Je ne vois pas de meilleur moment pour le faire. Encore faut-il faire preuve de courage et être pédagogue : il est absurde de parler de « TVA sociale », il s’agit d’un transfert de charges.

Vous avez raison : une hausse des taux d’intérêt serait un grand danger. Je suis heureux que certains de mes amis socialistes disent du bien de cette partie du rapport, après les propos tenus à mon égard par le porte-parole de leur parti que ne n’hésite pas à qualifier d’insultants.

Où trouver les 75 milliards nécessaires ? Nous avons eu le courage de proposer une solution. Le tableau 5, page 128, détaille le contenu d’un programme d’ajustement qui permettrait d’engranger 25 milliards de recettes et d’économiser 50 milliards de dépenses. L’État y contribuerait pour 22,4 milliards, les collectivités locales pour 12,6  milliards et la sécurité sociale pour un peu plus de 15 milliards. Que l’on soit en désaccord avec les mesures préconisées, fort bien, mais dans ce cas, la moindre des choses serait de proposer d’autres solutions ! Il conviendrait que le débat public revienne à ces évidences.

S’agissant des retraites, le manque de prévisibilité ne peut guère être un argument opposable au système suédois, dans la mesure où, dans le monde actuel, il est devenu bien difficile de faire des prévisions. En revanche, sans doute faudrait-il que ce modèle s’inscrive de manière plus stable dans la tradition française de la répartition.

Je regrette de ne pas avoir évoqué moi-même la dimension européenne. Vous avez raison, il convient de trouver un compromis entre les différentes positions européennes, mais on ne peut pas dire que rien n’ait été fait. M. Barroso a d’ailleurs repris à son compte mes propositions de bons du Trésor européens et de plan européen de relance. Les grands investisseurs de long terme de l’Union européenne, du type de la Caisse des dépôts en France, se sont mis d’accord sur un programme de relance financé par des fonds souverains européens.

Il est vrai que la question de l’euro fort est préoccupante. Une guerre des monnaies a commencé, chacun misant sur une diminution de la valeur de sa devise ou sur des émissions monétaires pour stimuler la croissance. L’euro fort est critiqué au sein même de la Banque centrale européenne (BCE) et les ministres des finances de la zone euro sont en désaccord sur la politique à suivre. Il n’y a pas de gouvernance monétaire claire, les ministres des finances semblant avoir oublié qu’il est de leur responsabilité de donner leur avis sur le taux de change ; ils ont délégué tous leurs pouvoirs à la BCE, ce qui est contraire au traité de Maastricht. Il est urgent qu’il y ait une prise de conscience collective.

À la différence du premier rapport, nous avons proposé des solutions européennes, autour du moteur franco-allemand, qui nous paraît essentiel. Nous allons d’ailleurs présenter ce rapport à Bruxelles et à Berlin, et nous en avons fait traduire le résumé en allemand et en anglais, de façon à créer les conditions d’un dialogue.

S’agissant du statut du directeur d’école, vous trouverez tous les détails dans le rapport. Nous préconisons que le directeur d’école soit formé en tant que tel et que les maîtres bénéficient d’une formation continue et d’un droit à une seconde carrière, ce qui nous paraît important tant pour leur vie personnelle que pour le renouvellement de l’enseignement. À titre personnel, je suis par ailleurs favorable à une formation spécifique pour les maîtres.

Une réduction des dépenses des collectivités locales est-elle possible ? C’est en tout cas une question centrale, qui me conduit à me prononcer contre le cumul des mandats, dans la mesure où les élus de la nation et les élus des collectivités locales ont parfois des intérêts divergents. Ce conflit d’intérêts me paraît mériter qu’on y réfléchisse.

Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est en effet garanti par la Constitution. Le problème, c’est qu’il s’agit toujours du même argent ! Nous proposons donc, non une révision de la Constitution, mais, plus modestement, un pacte visant à rappeler aux collectivités locales qu’elles font partie intégrante de la collectivité nationale et qu’elles ne peuvent se dispenser de participer à l’effort général de réduction des dépenses. Si encore l’on avait su réduire le nombre de niveaux de collectivités territoriales et clarifier leurs compétences, peut-être aurait-on pu leur accorder davantage d’autonomie, mais, dans l’état actuel des choses, ce serait contraire à l’intérêt général.

M. Stéphane Boujnah, membre de la commission pour la libération de la croissance française. Je voudrais revenir sur la question de M. Dionis du Séjour relative à l’enjeu politique du rapport. Certains d’entre nous voulaient intituler ce dernier « Pour nos enfants » afin de mettre en évidence l’ampleur inédite du problème. Comme d’habitude, depuis le début des années 1970, la France est en déficit. Ce qui est nouveau, c’est que la dette nous coûtera en 2011 45 milliards, soit un montant un peu inférieur à celui du budget de l’enseignement scolaire. Il suffirait que les taux d’intérêt augmentent de 1 % pour que l’on dépense autant pour payer nos créanciers que pour financer la formation d’une génération entière de Français.

L’actuelle législature est probablement la dernière dont les députés ont le luxe de pouvoir choisir entre acheter des canons, assurer l’éducation de nos enfants et, subsidiairement, payer notre dette. Si vous ne faites rien, ceux qui vous succéderont n’auront plus qu’un seul choix : celui de savoir comment négocier avec nos créanciers.

Le programme que nous proposons est extrêmement douloureux. Les chiffres traduisent des réalités sociales : le gel des salaires des fonctionnaires, celui des pensions de retraite, l’augmentation de la fiscalité, qui touchera essentiellement la classe moyenne. Cette économie de 25 milliards par an par an représentera, historiquement, le plus gros appauvrissement que notre pays aura connu en temps de paix.

Les élus de la nation sont les seuls légitimes pour expliquer et mener à bien un tel effort. En ce qui nous concerne, nous ne sommes que des citoyens engagés, des hommes et des femmes de bonne volonté qui ont essayé de formuler des propositions et de montrer le chemin. Il vous appartient de prendre les décisions qui s’imposent, car vous êtes les derniers à pouvoir le faire.

Je précise que tous nos voisins se sont engagés dans cette voie : les pays gouvernés par des conservateurs, comme le Royaume-Uni, ceux gouvernés par des socialistes, comme l’Espagne, de même que ceux qui n’ont plus le choix, comme la Grèce.

J’ignore quelle option politique il faut retenir parmi celles évoquées par M. Dionis du Séjour. Ce sera à vous d’en décider. Tout ce que je sais, c’est que nous avons tout à gagner en faisant œuvre de pédagogie sur l’ampleur de l’ajustement nécessaire, et tout à perdre en ne disant pas la vérité ou en donnant de faux espoirs.

Tel est le message que notre commission a voulu adresser à la représentation nationale et au peuple souverain.

M. Jacques Attali. C’est en effet l’esprit dans lequel nous avons tous travaillé.

Le développement durable est l’un de nos quatre moteurs, je n’y reviens donc pas. Nous sommes hostiles au principe de précaution parce que nous pensons qu’il est paralysant, mais les mesures d’encadrement proposées par Philippe Tourtelier et Alain Gest dans leur rapport vont dans le bon sens.

Nous n’avons pas évoqué les inégalités entre les hommes et les femmes ; peut-être est-ce une erreur. Même si le problème n’est pas nouveau, il doit être pris en considération, notamment en ce qui concerne les retraites.

Quant au taux de pauvreté, je rappelle qu’il est en France l’un des plus bas d’Europe. Passer de 13 % à 10 % représente déjà un effort considérable.

Nous ne sommes pas revenus sur les questions d’urbanisme commercial, sinon pour recommander d’en finir avec tous les régimes d’exception.

La réduction du temps de travail correspond à une longue tendance historique. Nous n’imaginons pas que l’on puisse la remettre en cause.

S’agissant de la formation des enseignants, nous proposons d’améliorer celle des enseignants de maternelle – comme nous l’avions déjà fait, sans succès, dans notre premier rapport. Nous préconisons par ailleurs de renforcer la formation continue.

M. Michel de Virville, membre de la commission pour la libération de la croissance française. Je souhaite attirer votre attention sur une proposition très importante : le contrat d’évolution. Le prix Nobel d’économie vient d’être attribué à trois chercheurs dont les travaux portent sur la nécessité d’une bonne adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail. L’objectif du contrat d’évolution est précisément de faciliter la recherche d’emploi en assurant un bien meilleur ajustement sur le terrain.

M. Jacques Attali. En matière de santé, nous pensons nous aussi que le déficit de la sécurité sociale sera encore plus difficile à réduire que celui de l’État et celui des collectivités locales. Nous avons fait un grand nombre de propositions, dont la suppression progressive du numerus clausus pour les médecins et les pharmaciens, la responsabilisation des agences régionales de santé, la mise en place d’un « bouclier sanitaire » et la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Je précise, à ce sujet, que la vocation de notre commission n’est pas de s’adapter aux souhaits du Gouvernement, mais de faire les propositions qu’elle juge utiles.

Nous n’avions pas à nous prononcer sur les causes de la crise. Mais il est certain que la réponse choisie, c’est-à-dire l’endettement, est un fusil à un coup. Nous sommes désormais dos au mur. La seule façon de retrouver une marge de manœuvre, c’est de nous désendetter massivement et rapidement, comme l’ont fait les Canadiens et les Suédois il y a une dizaine d’années. L’économie canadienne a d’ailleurs traversé la crise sans difficulté et est aujourd’hui en pleine croissance.

Tout le monde doit participer à l’effort collectif, même les collectivités locales, même les DOM-TOM. Nous n’avons pas prévu de dispositif spécifique pour ces derniers, bien que nous ayons mis l’accent sur des secteurs qui les concernent particulièrement, parce que nous considérons qu’ils font partie intégrante de la nation et qu’ils méritent d’être traités en conséquence.

Donner le goût du travail n’est pas un vœu pieux. Nous avons essayé de prendre en considération les aspects culturels. Je vous renvoie au très bon livre que Mme Hidalgo vient de publier sur la souffrance au travail, une question particulièrement sensible dans notre société. En France, on ne reste pas extérieur à son travail, on se l’approprie. Ce sentiment doit être retenu comme un élément essentiel de la croissance.

Le tourisme est bien entendu lui aussi un moteur de croissance important, et vous avez raison d’insister sur les investissements nécessaires.

L’épargne ne peut contribuer à la réduction de la dette publique, qui fait très largement appel à des financements extérieurs. Elle doit être préservée pour le financement des investissements d’avenir.

En ce qui concerne les universités, nous préconisons une moindre spécialisation, surtout pour les études médicales, les métiers de la santé disposant d’un fort potentiel de croissance. La suppression du numerus clausus ouvrira beaucoup de pistes. Par ailleurs, nous pensons que l’on devrait rendre les cursus moins spécialisés dans les premières années, afin de faciliter l’orientation des étudiants.

Les maisons de l’emploi sont une excellente chose. Nous avons recommandé, dans la même logique, la création de fonds régionaux de formation professionnelle. Je rappelle par ailleurs que la création de Pôle emploi découle de notre premier rapport et que le contrat d’évolution permettra d’agir au plus près du terrain.

Pour le reste, en particulier tout ce qui concerne l’application de nos propositions dans le monde rural, je vous propose d’en parler une prochaine fois. (Applaudissements.)

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Attali, il est très rare qu’un intervenant soit applaudi par une commission : c’est un encouragement à nous revoir !

À titre personnel, j’apprécie beaucoup ce rapport. Certaines propositions seront de toute évidence très difficiles à mettre en œuvre, mais aucune ne me choque. C’est de manière inappropriée que j’ai comparé tout à l’heure votre rapport à une boîte à outils, car c’est un outil complet que vous mettez à notre disposition. 

Nous devons donc impérativement répondre à votre attente. Vous avez raison : nous devons penser à nos enfants. Nous sommes là pour construire l’avenir et prendre nos responsabilités, et non pour jouer les potiches en laissant d’autres parler et décider à notre place.

Monsieur Attali, je vous remercie, ainsi que tous les membres de votre commission. Nous organiserons une nouvelle réunion, à laquelle seront invités l’ensemble des députés de l’Assemblée.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 19 octobre 2010 à 17 h 45

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. François Loos, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin

Excusés. - M. Gabriel Biancheri, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. Michel Lejeune, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, Mme Anny Poursinoff

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Philippe Cochet, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Michel Diefenbacher, M. Pierre Forgues, M. Daniel Garrigue, M. Jean-Patrick Gille, Mme Annick Girardin, M. Jean Lassalle, Mme Valérie Rosso-Debord, M. André Schneider, M. Philippe Tourtelier, M. Gérard Voisin