Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mercredi 20 octobre 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Patrick Ollier Président et de M. Philippe Gosselin Secrétaire de la commission des lois, puis de M. Patrice Verchère Député du Rhône

– Projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) :

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, de Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, chargée de l'Outre-mer.

– Examen pour avis des crédits pour 2011 :

Mission-Outre-mer (M. Alfred Almont, rapporteur pour avis)

La Commission procède à l’audition, lors d’une réunion ouverte à la presse, commune avec la commission des lois, de Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales, chargée de l’outre-mer, sur les crédits de la mission « outre-mer » pour 2011.

M. le président Patrick Ollier. Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « outre-mer ». Nous sommes heureux de vous accueillir, Madame la ministre. Je tiens également à saluer le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Alfred Almont, le rapporteur pour avis de la commission des Lois, M. Didier Quentin, ainsi que M. Gosselin, secrétaire de la commission des Lois, qui représente le président Jean-Luc Warsmann.

Nous renouons cette année avec une tradition désormais bien établie, qui consiste à réunir nos deux commissions dans le cadre d’une audition commune, afin d’examiner le budget de la mission outre-mer.

La mission sur les prix des carburants que j’ai eu l’honneur de présider a rendu ses conclusions. Le Sénat, sous la présidence de M. Gérard Larcher, a également rendu un rapport sur la situation dans les DOM. Par ailleurs, les États généraux de l’outre-mer ont été réunis et, à leur suite, un comité interministériel pour l’outre mer s’est tenu en novembre 2009. J’aimerais, Madame la ministre, que vous nous indiquiez les mesures d’ordre économique qui ont été prises en faveur des territoires ultramarins dans le cadre de l’application de la loi pour le développement de l’outre-mer (LODEOM).

Quelles suites ont été réservées par le Gouvernement aux 21 propositions formulées par MM. Jacques Le Guen et Jérôme Cahuzac dans leur rapport sur le prix des carburants dans les départements d’outre-mer ?

Enfin, votre budget, construit dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, permet-il d’atteindre les objectifs ambitieux figurant dans la LODEOM, notamment en matière d’emploi et de logement social ? J’ajoute que nous allons bientôt auditionner M. Serge Letchimy, qui a rédigé, à la demande du Gouvernement, et avec le concours actif de M. Alfred Almont, un rapport extrêmement pertinent sur l’habitat insalubre et indigne dans les départements d’outre-mer.

M. Philippe Gosselin, secrétaire de la commission des Lois. Madame la ministre, au nom de la commission des Lois, je suis à mon tour heureux de vous accueillir. Je me réjouis également de la tenue d’auditions communes, qui constituent une mesure de simplification appréciable. Nous allons examiner les crédits de l’outre-mer, qui participent à l’effort de rigueur qui caractérise le projet de loi de finances pour 2011. Mais on notera que les autorisations d’engagement ne diminuent pas à due proportion de la baisse des crédits de paiement et que, par ailleurs, ce budget n’est pas représentatif de l’ensemble des efforts qui ont été engagés en faveur de l’outre-mer. Par ailleurs, les commissaires aux Lois seront attentifs à l’efficacité des politiques engagées dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre l’immigration clandestine et de l’évolution institutionnelle. A cet égard, nous examinerons prochainement les projets de loi organique et « ordinaire » relatifs à la mise en œuvre de la départementalisation de Mayotte, dont est actuellement saisi le Sénat.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Il me revient l’honneur de vous présenter pour la deuxième année consécutive le projet de budget de la mission « outre-mer » au titre du projet de loi de finances pour 2011.

Le budget de la mission « outre-mer » s’inscrit dans l’effort national de maîtrise de la dépense publique, y compris, de manière juste et proportionnée, dans son volet relatif à la dépense fiscale. Le budget de la mission s’établit à 2.156 M€ en AE, soit une légère diminution de 0.55 % et à 1.977 M€ en CP, soit une baisse de 2.3 %. Mais cette moyenne masque des évolutions différenciées, qui correspondent aux priorités du Gouvernement. En effet, les crédits du programme « conditions de vie outre-mer » diminuent de 6% en AE tandis que les crédits du programme « Emploi outre-mer » augmentent de 3 % en AE.

Mais ce budget est aussi le budget du respect des engagements pris pour l’application de la LODEOM et lors du CIOM. La baisse des crédits en 2011 intervient en effet après une forte hausse entre 2009 et 2010, et n’est que provisoire : dans le cadre du triennal 2011-2013, les AE augmentent de 2 % et les CP de 6.7 %, pour s’établir dès 2012 à un niveau supérieur aux montants de la LFI 2010.

S’agissant de la LODEOM, la grande majorité des 28 décrets nécessaires à son application est prise, à l’exception des décrets sur la continuité territoriale, qui sont en cours de signature, et de celui de l’aide au fret qui est actuellement soumis à la consultation des collectivités locales concernées avant sa mise en signature. Il nous restera à prendre le décret relatif à la reconstitution des titres de propriété, dès que nous aurons connaissance des résultats de la mission de préfiguration.

Un an après le conseil interministériel de l’outre-mer, deux tiers des 137 mesures sont réalisées ou sont en voie de l’être. Le projet de loi de finances pour 2011, et surtout le triennal, traduisent budgétairement tous ces engagements. Au plan des crédits, le budget de l’Outre-mer conserve ses capacités d’intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l’emploi.

Conformément aux engagements du Gouvernement pris lors du conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM) de 2009, la ligne budgétaire unique (LBU) en faveur du logement a été « sanctuarisée » de 2011 à 2013 à hauteur des crédits ouverts en loi de finances 2010, c'est-à-dire à un niveau qui intègre également les crédits du plan de relance de 2009, qui étaient de 50 millions. Ce sont donc pour chacune des 3 années 274,5 M€, qui seront engagés en faveur du développement du logement social outre-mer et à la résorption de l’habitat insalubre. Pour 2011 une priorité forte sera donnée aux logements sociaux, ce secteur bénéficiant aussi de la défiscalisation. Je rappelle d’ailleurs que les avantages fiscaux attachés au logement social restent inchangés par rapport à la LODEOM.

Le double maintien du niveau des crédits budgétaires et des mécanismes actuels de défiscalisation illustre la priorité donnée au logement social outre-mer et le souci de cohérence du Gouvernement, dans la mesure où le mécanisme de défiscalisation a été créé l’année dernière et que les investisseurs commencent à se l’approprier.

Le volume des crédits de paiement de la LBU (195,3 M€) tient compte des échéanciers d'opérations qui se réalisent sur plusieurs années. La situation financière du logement a été assainie en 2009 puisque les  restes à payer de fin de gestion sont passés de 15,9 M€ en 2008 à 8,6 M€ en 2009 et cette situation se stabilise à la fin de 2010.

A cet égard, je tiens à préciser que les subventions et la défiscalisation sont deux outils complémentaires, et non alternatifs, au service d’une même politique en faveur de la production de logements sociaux. Ils sont à utiliser de manière adaptée en fonction des caractéristiques de chaque opération. Le seul but étant d’augmenter le nombre de logements construits en optimisant la dépense publique, et non de privilégier un outil par rapport à un autre.

C’est cet objectif d’augmentation globale de la production de logements sociaux que j’ai rappelé par mon instruction aux Préfets du 1er juin dernier. Pour atteindre cet objectif, il faut en effet optimiser les financements publics, c’est-à-dire mobiliser selon les cas l’aide budgétaire, l’aide fiscale ou les deux cumulativement. Le cumul de ces deux types d’aides doit ainsi être réservé aux opérations qui justifient de surcoûts objectifs – par exemple, des fondations spéciales ou un coût du foncier élevé - ou qui sont conçues pour proposer des loyers inférieurs aux loyers plafonds.

Mais ce cumul ne saurait être systématique, sauf à créer une inflation des coûts. Les opérations en LBU seule peuvent être équilibrées dès lors qu’elles ont un coût de revient inférieur à 1.600 €/m² environ ; en cumulant les deux aides, on peut équilibrer des opérations à un prix de revient de 2.200 €/m². Vous le voyez, si on systématisait le cumul, nous n’obtiendrions rien d’autre que le même nombre de logements mais à un prix de moitié supérieur à ce qui était fait jusqu’à présent. Cela n’est pas l’esprit de la LODEOM.

J’entends également les critiques sur les délais relatifs aux décisions d’agrément de défiscalisation. La décision de déconcentration de certains dossiers est une première réponse pour accélérer leur traitement. Mais cela reste insuffisant et j’ai demandé à la délégation générale à l’outre-mer de réfléchir en relation avec les services du ministère du budget aux nouvelles mesures de simplification dans les procédures d’instruction qui pourraient être prises pour réduire les délais d’instruction.

Par ailleurs, d’autres mesures sont destinées à réduire les freins à la production de logements, notamment la meilleure prise en charge de la surcharge foncière, et la mise en place de conventions d’actions foncières. De même, la mesure de cession gratuite par l’État de ses terrains pour la construction de logements sociaux sera présentée dans ce projet de loi de finances.

L’autre priorité de ce budget concerne l’emploi et la formation.

L’augmentation des crédits du programme « Emploi Outre-Mer » trouve principalement son explication dans le service militaire adapté (SMA) afin de poursuivre le doublement à terme de la capacité de formation pour accueillir chaque année 6.000 volontaires de 18 à 25 ans, conformément aux engagements du Président de la République.

Les crédits serviront à réhabiliter des infrastructures, construire des bâtiments et à améliorer l’encadrement dont bénéficient ces jeunes.

Par ailleurs, pour maintenir le haut niveau d’insertion et d’excellence de la formation dispensée par le SMA, des partenariats vont être formalisés avec les acteurs de la formation professionnelle, de la remise à niveau scolaire, ainsi qu’avec des fédérations professionnelles dans les territoires.

S’agissant de la continuité territoriale et de la formation en mobilité, la LODEOM a prévu la mise en place de groupements d’intérêt public ; ils seront créés à l’initiative des collectivités, comme l’a demandé par exemple le conseil régional de La Réunion. Mais en attendant, et afin de ne pas pénaliser la population, nous avons renforcé les moyens de l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), afin de lui permettre de gérer le dispositif. C’est par exemple le cas pour la mise en œuvre de la politique de formation qualifiante en mobilité au profit des jeunes ultramarins, notamment par le passeport-mobilité formation professionnelle, qui prévoit une formation pouvant aller jusqu’à 24 mois hors de leur département dès lors que la formation n’est pas dispensée sur place. L’agence a été autorisée exceptionnellement à recruter 30 ETP supplémentaires en 2011 pour assurer les fonctions de guichet, d’instruction et de contrôle. Une nouvelle convention d’objectifs 2011-2013 va être élaborée pour tenir compte de ces évolutions prévues par la LODEOM.

Sur le fond de la continuité territoriale, 45,3 M€ sont prévus pour ce dispositif chaque année pendant trois ans. Je vous rappelle que la LODEOM vise d’abord nos compatriotes d’outre-mer dont les ressources sont les plus faibles et permet une mise en œuvre équitable dans l’ensemble des départements et territoires de l’outre-mer.

Ces actions en faveur de l’insertion professionnelle et sociale s’intègrent dans un dispositif plus large en faveur de la création d’emplois dans les entreprises ultramarines par le renforcement de leur compétitivité.

Une part significative des crédits du programme 138 correspond au dispositif d’exonérations de charges sociales, qui, par la réduction du coût du travail, vise à favoriser l’emploi durable et à réduire le travail dissimulé dans les départements d’outre-mer. La LODEOM a renforcé l’efficacité du dispositif en le recentrant par un mécanisme de dégressivité renforcée sur les bas salaires, sur les petites entreprises (moins de 11 salariés), sur les entreprises des secteurs prioritaires et sur certaines zones géographiques.

De plus, plusieurs mesures prévues par la LODEOM et le CIOM sont aujourd’hui effectives et visent à favoriser la compétitivité des entreprises ultramarines et donc à soutenir la création d’emplois et à favoriser l’insertion professionnelle.

La création effective des zones franches, le fonds de garantie en faveur du secteur de l’agriculture et de la pêche (20 M€ sur 2010-2012), la bonification des prêts accordés par l’AFD (30 M€) au profit de la création, du développement et de l’innovation des petites et moyennes entreprises, ainsi que la mise en place des commissaires au développement endogène d’ici la fin de cette année contribueront à relancer la création d’emplois et d’activités dans les départements et territoires d’outre-mer.

Dans le même esprit, la mesure de l’aide au fret, qui fait actuellement l’objet d’une consultation des départements et collectivités, est budgétée à hauteur de 25 M€.

Cet effort national est indispensable en faveur de territoires marqués par le contexte économique et social que nous connaissons.

Mais le développement économique et social des départements et collectivités d’outre mer dépend aussi de l’action des collectivités territoriales en faveur de laquelle l’État apporte naturellement son soutien par la politique contractuelle.

A ce titre, le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires s’élève à 175,4 M€ et 128,6 M€ de CP. Il permet d’atteindre un taux d’exécution en 2013 comparable à celui des contrats de projet en métropole et supérieur à celui de la génération précédente. Je rappelle également l’engagement du Premier ministre de maintenir au niveau du contrat actuel en Nouvelle-Calédonie l’engagement financier de l’Etat (hors opérateurs) à hauteur de 370 M€ pour le futur contrat de développement 2011-2015. Enfin l’effort financier de l’État en matière de politique contractuelle permettra aussi de garantir une enveloppe pour le futur contrat de Saint Martin (2011-2013) et le renouvellement du contrat de Wallis-et-Futuna.

De façon plus spécifique, il faut mentionner des mesures relatives à certains territoires.

S’agissant de la Polynésie française, comme je l’avais annoncé l’année dernière lors du débat budgétaire, la dotation globale de développement économique (DGDE) est rénovée et le nouveau dispositif sera opérationnel en 2011. La réforme vise trois objectifs : stabiliser et pérenniser l’appui financier de l’État à la Polynésie française, renforcer les moyens d’intervention des communes, et accroître l’effet de levier de l’appui financier de l’Etat sur les investissements. La DGDE, dont le montant global est égal à celui de l’ancienne dotation (150,9 M€ d’AE) se compose de trois parts : une dotation globale d’autonomie qui représente 60 % du total versée directement à la Polynésie et qui évoluera comme la DGF ; une dotation territoriale pour l’investissement des communes dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et du traitement des déchets, qui sera versée directement aux communes, qui représente 6 % du total ; et un dispositif contractuel portant sur les investissements prioritaires du territoire (34 % du total), les crédits étant mis en place sur la base d’une programmation arrêtée conjointement entre l’État et la Polynésie et en fonction de l’avancement des opérations.

Ce nouveau dispositif respecte l’autonomie de la Polynésie française et donne la priorité au développement économique et social, en assurant la transparence et le contrôle des fonds publics.

L’État accompagne aussi les territoires dans leur évolution institutionnelle au sein de la République.

C’est le cas notamment de Mayotte. Le projet de loi relatif à l’organisation et au fonctionnement du département de Mayotte sera très prochainement soumis à votre examen, après le vote du Sénat. Le soutien financier à Mayotte se traduit notamment par la dotation de rattrapage et de premier équipement (8,9 M€), la dotation spéciale d’équipement scolaire (10 M€), les crédits du contrat de projet 2008-2014 doté d’environ 40 M€ en faveur du développement durable et de la modernisation des entreprises aquacoles. Destiné à amplifier les investissements publics réalisés dans le cadre de ce contrat, mais aussi pour aider à la création et au développement du secteur privé, sera prochainement mis en place le fonds mahorais de développement économique, social et culturel doté de 10 M€ d’AE et de 2,9 M€ de CP.

Au total les crédits de la mission outre-mer pour Mayotte représenteront en 2011 92,3 M€ d’AE et 75 M€ de CP dans l’ensemble général des crédits de l’État pour le territoire, qui s’élèvent à 607,5 M€ en AE et à 574,6 M€.

Au-delà des crédits de la mission outre-mer qui représentent 15 % de l’effort budgétaire de l’Etat en faveur de l’outre mer (12,7 Mds d’euros) c’est l’ensemble des ministères (89 programmes et 27 missions) qui interviennent en outre-mer et témoignent du caractère véritablement interministériel de la politique de l’État outre-mer. Mon ministère n’a d’ailleurs pas vocation à devenir le gestionnaire unique des crédits en faveur de l’outre-mer. Mon rôle est de favoriser la cohérence et la pertinence des interventions et d’apporter des éléments d’analyse et d’évaluation sur les actions menées par l’État dans ces territoires.

Cette politique vise au développement durable des départements et collectivités ultramarins, et à offrir une véritable égalité des chances à la jeunesse et à l’ensemble des citoyens d’outre-mer par le rapprochement des conditions de vie avec celles des habitants de métropole. Elle est ainsi la marque de l’unité de notre pays et de la solidarité de la République.

M. Patrick Ollier, président. La parole est à M. Alfred Almont, rapporteur pour avis au nom de la Commission des affaires économiques

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. Messieurs les Présidents, madame la ministre, mes chers collègues, l’année dernière, en pareille circonstance, je me félicitais de constater que pour la troisième année consécutive, le projet de budget de la mission Outre-mer affichait une hausse, malgré un contexte budgétaire tendu.

Cette année, je me contenterai de relever que, prenant lui aussi en compte les effets de la crise des finances publiques, le projet de budget de la mission dont vous avez la charge rompt avec la logique qui avait prévalu pendant ces trois dernières années, certes avec un taux de diminution en deçà de celui qui frappe les autres missions du budget général et dans le cadre – faut-il le souligner – d'une programmation pluriannuelle des finances publiques. Globalement, si l'on se réfère aux deux programmes de la Mission, Emploi outre-mer et Condition de vie outre-mer, que ce soit en autorisations d'engagements comme en crédits de paiement, le budget de la mission diminue : de 0,55% en AE et de 2,28% en CP.

Vous nous avez détaillé, action par action, les grandes tendances de ce projet de budget, je ne reviendrai donc pas sur ce qui a été dit et qu'il importe de considérer, si ce n’est pour souligner, dans un contexte bien sûr contraint, des baisses, qui appellent l'attention à des titres différents :

Sur le programme Emploi outre-mer, si les crédits de paiement affectés à l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle enregistrent une hausse particulièrement importante, de plus de 27%, ceux destinés au soutien aux entreprises diminuent modestement il est vrai (moins 1,7%), mais affectent un secteur déterminant pour le développement des économies.

S'agissant du programme Conditions de vie outre-mer, les crédits de paiement destinés au logement enregistrent, d’une loi de finances à l’autre, une diminution de 9,8% quand on sait que le logement constitue l’une des priorités retenues au nombre des efforts majeurs de la LODEOM.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur les raisons de ces diminutions, d’autant qu’elles semblent difficilement compatibles avec les objectifs de développement économique et social qui constitue pour les outre-mer le véritable enjeu d'aujourd'hui ?

Bien entendu, votre projet de budget a été construit dans le cadre de la trajectoire définie par le Gouvernement qui vise à ramener le déficit de l’ensemble des administrations publiques à 3% du PIB à l’horizon 2013 et assurer le retour à l'équilibre budgétaire en maîtrisant la dépense publique dont le fort niveau ne manque pas de préoccuper.

Cependant, s’il semble légitime que le ministère de l'Outre-mer participe aux mesures de redressement des finances publiques demandées à l’ensemble des ministères, il n’en demeure pas moins qu’après les efforts consentis par l’Outre-mer à l'occasion de l’adoption de la LODEOM, il était possible de s'attendre à ce qu'il soit davantage épargné par le rabotage opéré par Bercy.

Cette attente paraissait d’autant plus concevable qu’elle reposait certes sur l’adoption, au sortir de la crise sociale du début 2009, de la loi pour le développement économique des Outre-mer, que je viens d'évoquer, mais encore sur la tenue il y a un an, suite aux Etats Généraux de l'Outre-mer, convoqués par le Président de la République, du Conseil interministériel de l’Outre-mer du 6 novembre 2009 qui devait décider de pas moins de 137 mesures concrètes pour préparer l’avenir.

Compte tenu du contexte que je viens de rappeler, le développement économique des outre-mer, qui ne peut être conçu sans une concertation approfondie avec l’ensemble des élus et des acteurs socioprofessionnels, démarche que vous avez d'ailleurs initiée, appelle incontestablement la mise en place de moyens et de dispositifs adaptés en faveur d’un développement endogène des territoires concernés.

Force est de constater que vous avez pris à cœur cette mission. A ce jour, même si quelques décrets d’application de la LODEOM manquent encore, nombre de ses dispositions sont d’ores et déjà entrées en vigueur. Je souhaiterais toutefois, Madame la Ministre, que vous nous donniez un échéancier de parution des décrets manquant qui portent en particulier sur l'aide au fret, dont vous savez qu'elle est très attendue de nos industriels locaux et sur le continuité territoriale.

S’agissant du développement des territoires ultramarins, nous ne pouvons que regretter par ailleurs que deux types de mesures figurant dans le projet de loi de finances pour 2011 affectent directement l'Outre-mer confronté aux handicaps structurels que l'on connaît et qui justifient dès lors une juste dérogation fiscale.

Tout d’abord, j’aborderai les dispositions de l’article 13 qui concerne l'aménagement des avantages fiscaux à l’investissement dans la production photovoltaïque.

Deux des dispositions de cet article concernent plus directement l’outre-mer : celles du premier ainsi que celles des quatorzième et dix-septième à dix-neuvième alinéas.

Ces restrictions paraissent peu compatibles tant avec les objectifs du Grenelle de l’environnement qui révèlent, pour nos territoires, des atouts concurrentiels qu'avec la volonté réaffirmée par la LODEOM d’aller vers une plus grande autonomie énergétique de l’outre-mer dans le cadre d'un développement endogène.

L’adoption de ces mesures présenterait de réels inconvénients notamment en ce qui concerne la diversification énergétique, le plan de charge des entreprises locales et, par voie de conséquence, l'activité et l’emploi qui conditionnent le vrai développement économique et social auquel aspirent les Régions d'Outre-mer.

J'entends souligner à cet égard, que les outre-mer sont largement dépendants des approvisionnements pétroliers, avec les difficultés qui en résultent. Il conviendrait alors de rechercher l’adoption d'un moratoire de façon à permettre de vérifier le fondement de ces dispositions, d'en mesurer l’impact réel sur les économies ultramarines ou de les aménager, afin de ne pas affecter la réalisation des projets déjà engagés, en déplaçant chronologiquement l’application.

De telles mesures iraient à n’en pas douter dans le sens préconisé par la mission parlementaire conduite remarquablement par le président Patrick Ollier et dont l’un des rapporteurs est aujourd’hui président de la commission des finances de notre Assemblée.

Ne pensez-vous pas, Madame la ministre, que la volonté de Bercy de réguler les niches fiscales, en s’appuyant sur le rapport de l’Inspection des finances rédigé sous la responsabilité de M. Charpin qui ne traite du photovoltaïque que sous son angle hexagonal, sans se pencher sur la situation les territoires ultramarins et leur particularisme climatique, a été un peu trop brutale ?

J’évoquerai enfin les dispositions de l’article 58 qui concerne la réduction homothétique de l’avantage en impôt procuré par certains avantages fiscaux.

Cet article prévoit notamment de modifier le dispositif de défiscalisation des investissements immobiliers au profit des DOM, figurant à l’article 199 undecies B du CGI alors que le dispositif fiscal a déjà été aménagé par la LODEOM qui en a déjà réduit la portée.

Il est aujourd'hui à craindre que l’instabilité des dispositifs successifs mis en œuvre n’offre pas aux investisseurs les conditions de visibilité et de confiance suffisantes pour justifier leur engagement en outre-mer à un moment où l’économie, malmenée plus encore par la crise mondiale, cherche à rebondir

Il faut naturellement se réjouir que le logement social échappe aux restrictions ; ceci étant, il apparaît que la réforme intervenue dans les territoires ultramarins en faveur du logement social dont les crédits sont en diminution, associe la ligne budgétaire unique, désormais sacralisée, il faut le souligner, et le dispositif de défiscalisation, ce qui ne permet pas toujours une lecture limpide. A ce titre, j’ai bien noté, Madame la Ministre, les quelques éclaircissements que vous avez apportés sur l’articulation de ces deux dispositifs destinés à combler le déficit d’habitat social en outre-mer.

Je conclurai en soulignant que la Commission des affaires économiques a noté un réel engagement sur les autorisations d’engagement de la mission, qu’elle a reçu des informations de nature à la rassurer sur les quelques mesures qui seraient encore nécessaires à un réel développement des outre-mer. Elle propose de ce fait de se prononcer favorablement sur ce projet de budget de la mission Outre-mer pour l’année 2011.

M. Philippe Gosselin, Secrétaire. La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la Commission des Lois.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois. Monsieur le représentant du président de la commission des Lois, Monsieur le président de la commission des Affaires Économiques, Madame la ministre, Mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur la présentation des crédits qui vient d’être faite par Mme la ministre pour concentrer l’essentiel de mon temps de parole aux questions qui intéressent la commission des Lois.

Permettez-moi tout d’abord d’adresser un satisfecit à l’ensemble des services du ministère puisque l’intégralité des réponses aux questions posées cette année m’est parvenue dans les temps (soit avant le 10 octobre). L’an dernier déjà avait été « un excellent cru » en la matière, cette année est encore meilleure !

En revanche, nous faisons face à un problème récurrent : la publication extrêmement tardive du document de politique transversale relatif à l’outre-mer, non publié à ce jour, alors qu’il est particulièrement précieux pour analyser les politiques publiques outre-mer. Je sais que cette publication ne dépend pas de vos services, Madame la ministre, mais je souhaitais que cela soit dit.

S’agissant des crédits demandés pour 2011, je voudrais à mon tour souligner que s’ils diminuent  – encore qu’ils ne diminuent que de 0,6 % en autorisations d’engagement, que cette diminution fasse suite à deux années de hausse importante (respectivement +9 et +6 %) et que le budget triennal prévoie une hausse des crédits sur trois ans de 2 % en autorisations d’engagement et de plus de 6 % en crédits de paiement –, ces crédits n’en permettent pas moins de financer les priorités du budget et notamment le financement du logement social avec la sanctuarisation de la ligne budgétaire unique, la fameuse LBU.

Mes questions, madame la ministre, seront concentrées sur les domaines de compétence de la commission des Lois, tout particulièrement sur les évolutions institutionnelles en cours ou à venir.

Tout d’abord, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire sur le département de Mayotte sont en cours d’examen par le Sénat, ils seront examinés dans les tout prochains jours en séance publique. Je rappelle qu’à la suite du referendum de mars 2009 à l’occasion duquel la population mahoraise s’est prononcée à plus de 95 % des voix en en faveur de la transformation de Mayotte de collectivité d’Outre-mer en Département d’Outre-mer, la loi organique du 3 août 2009 a prévu la transformation de Mayotte en département en mars 2011. Une intervention du législateur est nécessaire d’ici là pour définir les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions du Département de Mayotte et engager le processus d’harmonisation juridique nécessaire à l’application du droit commun. J’ai quelques courtes questions à vous adresser sur ce sujet.

Pouvez-vous nous présenter les principales orientations retenues par ce texte et nous donner des indications sur le calendrier de son examen à l’Assemblée nationale ?

Sur le terrain, comment avancent les grands « chantiers » qui demeurent sur la voie de la départementalisation ? Comment notamment avancent les travaux de la Commission de révision de l’état civil, la CREC, qui doit achever ses travaux en avril 2011 ? Je rappelle que Madame le Garde des Sceaux nous a annoncé hier, lors d’une audition devant la commission des Lois, la mise en place d’une mission du ministère de la Justice qui se rendra à Mayotte pour travailler notamment sur ce sujet.

Comment se passe l’intégration des agents publics de droit local dans les trois fonctions publiques, intégration qui doit être achevée au 31 décembre 2010 ?

A-t-on une idée du coût global pour les finances publiques de la départementalisation de Mayotte ?

Je tiens également à aborder le sujet des transferts de compétence en Nouvelle-Calédonie, qui se sont poursuivis en 2009-2010 avec l’adoption de trois lois du pays de décembre 2009, qui ont organisé le transfert des compétences en matière d’enseignement du second degré, d’enseignement primaire privé et de circulation aérienne et maritime intérieure. La seconde étape, c'est-à-dire le transfert des compétences en matière d’état civil, de droit civil et commercial et de sécurité civile, qui doit aboutir avant décembre 2011, est-elle d’ores et déjà engagée ?

S’agissant des DOM, où en est le projet de loi qui doit tirer les conclusions des résultats des référendums qui se sont tenus en Guyane et en Martinique les 10 et 24 janvier 2010, sur le passage, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, à une collectivité unique regroupant les compétences de leurs actuels conseils généraux et régionaux ?

J’évoquerai brièvement la situation de la Polynésie française, dont l’instabilité politique chronique implique sans doute une nouvelle modification de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Cette nouvelle réforme du mode de scrutin des représentants de l’Assemblée de Polynésie française aurait pour objectif de garantir davantage de stabilité aux majorités élues.

Madame la ministre, pouvez vous nous indiquer quelles sont les premières conclusions de la mission confiée à M. Barthélemy, conseiller d’État, qui a été chargé de procéder à une concertation avec les élus sur cette question ?

Enfin, je terminerai par une question relative aux relations entre les collectivités d’outre-mer et l’Union européenne. Celle-ci reconnaît deux statuts distincts aux collectivités ultramarines : le statut de région ultrapériphérique (RUP) au sein de l’UE, éligible aux fonds structurels, et celui de pays et territoire d’outre-mer (PTOM) simplement associé à l’Union et éligible uniquement au fonds européen de développement.

Dans le cadre de leurs évolutions institutionnelles internes, les collectivités de Saint-Barthélemy et Mayotte ont émis le souhait de changer de statut : de RUP, Saint-Barthélemy souhaite devenir un PTOM, tandis que Mayotte qui deviendra, en mars 2011, un département à part entière, souhaite accéder au statut de RUP.

Pourriez vous nous indiquer où en sont les procédures devant les institutions de l’UE pour ces deux transformations et quels avantages Mayotte pourra attendre de sa transformation en RUP ?

Sous réserve de vos réponses à ces questions qui, j’en suis certain, ne nous décevrons pas, la commission des Lois émet un avis favorable à ce projet de budget.

M. Patrick Ollier, président. La parole est désormais aux représentants des groupes. Victorin Lurel aura l’honneur de débuter, pour le groupe SRC.

M. Victorin Lurel. En raison des délais pris pour la mise en œuvre de la LODEOM et des décisions du premier Conseil interministériel des outre-mer du 6 novembre 2009, vous considérez ce budget, si je résume, comme le premier acte véritable de la politique gouvernementale à l’égard des outre-mer.

Ainsi, la traduction en pratique de deux tiers des mesures de la LODEOM – le tiers restant, essentiellement les mesures « positives », n’étant toujours pas appliqué, selon le rapport de Gaël Yanno et Claude Bartolone –, et de quelques mesures du CIOM, se manifeste par une baisse sensible des crédits destinés aux outre-mer, baisse deux fois plus importante que pour le reste des dépenses de l’État.

Votre budget ne représente qu’une faible part de l’effort financier de l’État pour l’outre-mer. À titre d’exemple, il pèse deux fois moins que les dépenses fiscales.

Or, il est en baisse sensible de 46 millions d’euros en crédits de paiement soit près de 3 %, donc le double des économies imposées aux dépenses de l’État et il s’accompagne de la suppression de la défiscalisation sur les investissements photovoltaïques et du coup de rabot de 10 % sur les dépenses fiscales soit une diminution de 320 millions d’euros de la dépense fiscale outre-mer. Il subira également, comme tous, mais plus douloureusement, la suppression de la déductibilité des intérêts des prêts immobiliers pour les primo-accédants quand on sait que le PTZ n’a jamais pu être appliqué chez nous et qu’il en sera de même pour le PTZplus faute d’avoir adapté la définition du « budget de travaux ».

Au sujet de votre budget, je vous poserai quelques questions simples.

Tout d’abord, ce budget est constitué, à hauteur de 53 %, de crédits destinés à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations de charge. Cette ligne de l,08 milliard d’euros, sur un budget total de 1,98 milliard d’euros, est aujourd’hui en baisse de 34 millions d’euros en raison de la LODEOM qui, on le sait, a permis à l’État de faire des économies conséquences sur sa politique outre-mer : pourriez-vous nous confirmer le chiffre de 119 millions d’euros d’économie réalisée annuellement grâce à la LODEOM que vous avez annoncé au Sénat en juin dernier ? Selon les socio-professionnels, l’économie réalisée grâce à cette loi, entre les « moins » déjà en vigueur et les « petits plus » – aide au fret, aide à la rénovation hôtelière, etc.– toujours pas appliqués, s’élève en effet à 900 millions d’euros !

Alors que, comme l’ont démontré nos collègues Gaël Yanno et Claude Bartolone, la défiscalisation dans le logement social ne marche pas et que les crédits destinés au financement du locatif social et très social diminuent de 34 millions d’euros soit 31 % dans votre budget, comment construire davantage de logements sociaux qu’aujourd’hui d’autant plus que la ponction dans les caisses des HLM et SEM est chiffrée par l’USH à 8 à 10 millions d’euros annuellement soit – 700 logements chaque année ?

Alors que les collectivités locales continuent de porter à bout de bras les investissements et que nombre d’entre elles sont « dans le rouge », comment expliquez-vous la baisse, à structure constante, de 20 millions d’euros des crédits destinés à financer les CPER et autres opérations contractualisées avec les COM ?

Sur ce même sujet, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous proposez, dans le projet de loi en cours d’examen au Sénat, la création d’un fonds mahorais de développement doté de 30 millions d’euros entre 2011 et 2013 alors même qu’aucun crédit n’est inscrit dans votre budget pour 2011 ?

Je note également que vous budgétez, comme l’an passé des mesures de la LODEOM qui ne sont toujours pas en vigueur. Ainsi, l’aide au fret devrait être dotée de 25 millions d’euros. Pourtant, selon le rapport de Gaël Yanno et Claude Bartolone que j’ai cité auparavant, « la promulgation tardive de la LODEOM et l’absence de décret d’application expliquent que les crédits ouverts pour 2009 (25,7 millions d’euros) aient été redéployés en gestion (...), les crédits ouverts pour la loi de finances 2010 au titre du financement de l’aide au fret connaîtront sûrement le même sort ». Pourriez-vous donc indiquer à la représentation nationale sur quelle action vont être redéployés ces 25 millions d’euros ?

S’agissant du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, il est dommageable qu’à peine créé par la LODEOM, il soit déjà en voie d’extinction, puisque seuls 3 millions d’euros de crédits de paiement seront destinés à financer de nouveaux chantiers, les 19 millions d’euros restant servant à payer des actions déjà engagées.

175 millions d’euros de compensation aux pétroliers  ont déjà été versés via la mission « Économie » depuis juillet 2009 : 44 en juillet 2009, 50 en novembre 2009 et 81 en septembre 2010. Est-ce le montant définitif ou le contribuable va-t-il continuer à payer la rente des pétroliers outre-mer ?

La mise en œuvre du RSA outre-mer a enfin eu lieu, parallèlement à l’extinction progressive du RSTA. Cependant, avez-vous pu récupérer au profit des outre-mer l’économie de 57 millions d’euros, chiffre tiré du rapport Victoria, réalisée par le Gouvernement grâce à la non mise en œuvre du RSA en outre-mer au même moment que dans l’hexagone ?

La mise en œuvre de la LODEOM s’effectue avec retard. 34 % des actes d’application ne sont toujours pas pris ce qui est fortement préjudiciable aux outre-mer. À titre d’exemple, l’absence de parution de l’arrêté sur le montant maximum du « watt crêt » défiscalisable justifie aujourd’hui la suppression pure et simple de la défiscalisation dans le photovoltaïque. Il en est de même de l’aide au fret destinée à compenser les surcoûts, de l’aide à la rénovation hôtelière, du nouveau dispositif de continuité territoriale, mais également de mesures plus ponctuelles ; au terme d’un long débat, nous avions ainsi obtenu que les compagnies aériennes desservant les outre-mer qui bénéficient de l’aide d’État que constitue in fine le fonds de continuité territoriale vous remettent un rapport avant le 1er septembre sur leur politique tarifaire (IX de l’article 50) : avez-vous obtenu ce rapport. Si non, ce qui semble être le cas, selon Gaël Yanno et Claude Bartolone, pourriez-vous faire diligence ?

Enfin, je regrette que les décisions du Président de la République ne soient pas traduites dans les actes par le Gouvernement : je n’ai personnellement recensé la mise en œuvre effective, au 13 juillet 2010, que de 16 mesures en Guadeloupe sur les 116 annoncées lors du Conseil interministériel pour les outre-mers du 6 novembre dernier comme devant s’appliquer dans chaque territoire ou spécifiquement en Guadeloupe, soit un taux d’exécution de 13,8 % du CIOM en Guadeloupe, 8 mois après la tenue de celui-ci ! Des mesures aussi attendues que la création du FIP DOM, le port en eaux profonde, le cursus complet de médecine, etc. ne sont toujours pas mises en œuvre.

Peut-on expliquer votre difficulté à mettre en œuvre la politique décidée par le Président de la République, par la faiblesse organisationnelle de votre ministère, le MEDETOM, encore pointée par le récent rapport des sénateurs Massion et Doligé du 6 octobre dernier, qui regrette que le MEDETOM continue encore à fonctionner à côté des autres ministères, ne pèse pas au niveau interministériel, et n’ait pas les capacités d’évaluation et d’expertise suffisantes ?

Je conclurai par une question que je qualifierai d’ « étrange », sur le sujet du financement d’organisations terroristes à partir de Mayotte et de collectivités d’outre-mer. Est paru, ce matin, au Journal Officiel, un arrêté gelant les relations financières entre des particuliers résidants dans ces départements et collectivités et des organisations d’ordre terroriste. Pouvez-vous nous éclairer sur l’existence de tels financements ?

M. Philippe Gosselin, secrétaire. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe UMP.

M. Daniel Fasquelle. Merci M. le président. Madame la Ministre, mes chers collègues, pour 2011, la mission Outre-mer est dotée de 2,16 milliards d’euros en autorisations d’engagements et de 1,98 milliard d’euros en crédits de paiement, soit des réductions respectives de 0,6% et de 2,3% par rapport au budget 2010.

Toutefois, entre 2008 et 2010, le budget de l’Outre-mer a augmenté de 17%, ce qui relativise quelque peu cette chute. Cette politique est portée par deux programmes. Le premier, « Emploi outre-mer », recouvre les efforts en faveur de la création d’emploi et de l’accès au marché du travail des ultramarins. Le niveau élevé du taux de chômage nécessite un effort soutenu de l’Etat, afin de réduire l’écart persistant avec la métropole. L’autre programme, intitulé « Conditions de vie outre-mer », vise à faciliter l’accès au logement des populations ultramarines, à participer à l’aménagement du territoire et à concrétiser le principe de continuité territoriale.

S’il faut relativiser cette baisse, c’est également parce que les seuls crédits de ces deux programmes ne sauraient suffire à décrire l’ensemble des efforts de l’Etat en faveur de l’Outre-mer. L’effort budgétaire de l’Etat au titre de la politique transversale s’élève en effet, en 2011, à 13 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 12,7 milliards d’euros de crédits de paiement. La mission Outre-mer mise à part, les principaux contributeurs à l’effort budgétaire de l’Etat sont les missions « Enseignement supérieur », « Relations avec les collectivités territoriales » et « Défense et sécurité ». Enfin, il faut prendre en compte les dépenses fiscales, d’un montant de 3,2 milliards d’euros. A ce titre, la politique de réduction drastique des exonérations fiscales, à l’œuvre dans le PLF 2011, ne concernera pas l’investissement locatif dans le logement social outre-mer, ce qui mérite d’être souligné.

Finalement, dans le prolongement des Etats généraux de l’outre-mer qui se sont tenus à la fin de l’année 2009, le PLF 2011 s’attache, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible Madame la Ministre, à la sanctuarisation de la ligne budgétaire unique au service du logement social, qui doit être une priorité pour nous tous. Il s’attache également au renforcement de la continuité territoriale, avec une enveloppe budgétaire consacrée sur la période 2011-2013 ; avez-vous prévu une évaluation sur ce sujet, et la possibilité d’adapter les dispositifs œuvrant au renforcement de cette continuité territoriale au cours de la période ? Un troisième axe consiste en l’appui au processus de départementalisation de Mayotte : pouvez-vous nous apporter des précisions sur son déroulement et la condition de son financement ? Un quatrième point concerne l’inscription, à l’article 77 du projet de loi de finances, de nouvelles règles pour l’attribution du concours financier de l’Etat à la Polynésie française ; en remplacement de l’actuelle dotation globale de développement économique sont mises en place trois dotations au concours de l’Etat. Pourriez-vous préciser ce point particulier ?

En conclusion, je voudrais saluer l’effort global de l’Etat en faveur de l’outre-mer, sous le signe d’une nécessaire solidarité, mais également de la volonté d’œuvrer au développement de ces territoires, ce qui m’amène à la dernière question que je voulais vous poser Madame la Ministre : pouvez-vous nous présenter les différentes mesures qui vont permettre d’aider le développement économique de l’outre-mer ?

Mme la ministre. En réponse au rapporteur Alfred Almont, je tiens à dire que, si le budget est présenté en diminution, c’est le fait d’un contexte budgétaire contraint. Je veux cependant le rassurer en lui indiquant que ces crédits permettront le respect des décisions du CIOM, la création des observatoires des prix, les grappes d’entreprises, le maintien de la LBU ; 10 millions d’euros sont consacrés à la Guyane pour la première fois, 5 millions à Mayotte ; la création d’un fonds de garantie pêche et agriculture, 30 millions au titre des bonifications des prêts AFD, à hauteur de 30 millions s’agissant des autres ministères, ils contribuent à hauteur de 40 millions d’euros : 20 millions pour la création d’antennes universitaires, 9,8 millions seront consacrés au pôle d’excellence sportive, notamment pour les CREPS Antilles-Guyane ; un pôle avancé à la Réunion et en Guyane, nous avons mis en place le collège des ambassadeurs.

En ce qui concerne les décrets d’application de la LODEOM, la majorité d’entre eux a été publiée. Celui relatif à la continuité territoriale est en cours de signature. L’ « approuvé communautaire » nous ayant été signifié sur l’aide au fret, les consultations se poursuivent avec les collectivités.

Au sujet de la défiscalisation et le rabot de 10 % qui concerne la défiscalisation outre-mer, c’est grâce à l’intervention du ministère de l’outre-mer que le logement social n’est pas concerné ; pour le reste des investissements, le rabot fiscal pèsera sur le contribuable et pas sur les investisseurs locaux.

Dans le domaine du photovoltaïque, il n’y a pas de remise en cause du programme, chose confirmée par le Grenelle comme le montre le GERRI 2030 à la Réunion. Il convient cependant d’en corriger les effets pervers, certaines opérations se sont montrées très rentables et les objectifs ont été atteints en deux ans. Demeurent des problèmes de conflits d’intérêt d’usage, notamment au sujet des terres agricoles comme l’a montré la motion adoptée par le conseil général de la Martinique. Par ailleurs, des solutions doivent être recherchées pour des sites isolés en Guyane.

J’observe que, pour le logement, ce sont les crédits de paiement qui sont en baisse. Il y a une sanctuarisation de la ligne budgétaire unique (LBU). Le financement du logement social est le fait de deux vecteurs : la LBU et la défiscalisation qui doit demeurer l’exception.

M. Didier Quentin, m’a surtout interrogé sur les évolutions institutionnelles à venir. La départementalisation de Mayotte est prévue pour mars 2011. Deux textes de loi sont prévus. Une loi ordinaire permettant de définir l’organisation de la nouvelle collectivité ayant les compétences d’un département et d’une région, les modalités du transfert, la création d’un comité local chargé d’éclairer la commission nationale et, enfin, la mise en place d’un fonds mahorais de développement. Une loi organique qui doit lui permettre d’intervenir dans des domaines de compétence de l’Etat mais aussi de conserver des compétences spécifiques et des règles fiscales. En ce qui concerne l’habitat, le Gouvernement sera conduit à légiférer par voie d’ordonnances, assorti d’un calendrier très précis tenant compte du travail déjà accompli.

La commission de révision de l’état civil ne reçoit plus de nouvelles demandes depuis le 31 juillet dernier. Un nombre satisfaisant de dossiers a d’ores et déjà été traité, la totalité devrait l’être à la fin avril 2011. Les agents publics de droit local seront intégrés au sein des trois fonctions publiques, les discussions avec les syndicats ont abouti à un protocole d’accord. Le dossier devrait être apuré au 31 décembre prochain.

Le coût de la départementalisation est une question délicate : il porte sur 25 ans, les contributions de Mayotte devront être intégrées en compensation des financements de l’État. Il est trop tôt pour dresser le bilan. Conformément aux accords de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus de transferts de compétences. Trois « lois pays » ont été adoptées en 2009, elles concernent l’enseignement et l’aviation civile. Dans le domaine des compétences d’état civil, de droit civil et de droit commercial, les délais prévus de fin 2011 seront respectés ; à cet effet, des conventions ont d’ores et déjà été établies.

Pour les DOM, les referendums ont eu lieu en Guyane et en Martinique, le Président de la République a donné le calendrier. La phase de consultation prévue a été engagée avec les élus, ; le texte devrait être déposé au Parlement au cours du premier semestre 2011.

La Polynésie souffre d’instabilité politique chronique, aussi le Président de la République a-t-il demandé une réforme électorale et a missionné M. Barthélémy qui a déjà rendu ses propositions. De son côté, le ministère a reçu des délégations d’élus et de responsables politiques locaux, ce qui a permis de formuler un cadre pour cette réforme électorale qui devrait être examinée avant fin 2011.

Saint-Barthélemy, va voir son statut de RUP transformé en DTOM, la demande a été formulée en juin dernier. La Commission a formulé son avis et la décision du Conseil de l’Union est attendue pour le 25 octobre prochain. En ce qui concerne le statut de Mayotte, le traitement du dossier est plus long et la Commission a dû doit être plus amplement informée. Elle sera saisie prochainement, courant 2011. Son Un passage de Mayotte à un statut de RUP en 2014 demeure lié au développement d’un minimum d’infrastructures portuaires, aéroportuaires et routières.

Au regard de la multitude de questions abordées par M. Victorin Lurel, je me limiterai à trois observations. Je lui dirai tout d’abord que nous n’avons pas une même lecture du budget de la mission Outre-mer. Je considère pour ma part que les moyens sont en augmentation dans la mesure où les autorisations d’engagement passent de 165 à 180 millions d’euros. Je rappellerai que la capacité d’intervention, s’agissant de subventions, s’apprécie au regard des autorisations d’engagement. Pour ce qui concerne la Guadeloupe, avec 10,5 millions d’euros, l’Etat respectera largement ses engagements. En ce qui concerne l’aide au fret, avec une enveloppe de 25 millions d’euros, les dispositions de la LODEOM devraient être respectées. S’agissant du RSA, si celui-ci ne sera applicable qu’en janvier 2011, ceci est dû à la situation particulière née de la crise sociale de 2009. en concertation avec les élus, nous avons mis en place un dispositif transitoire : le RSDA.

Par delà le conseil interministériel de l’outre-mer, on ne peut laisser dire que rien n’a été mis en place. Il faut prendre en compte les mesures transversales qui concernent tous les territoires et non seulement la Guadeloupe. Au titre d’exemple, je citerai le projet de port en eaux profondes dont les résultats d’études complémentaires sont en cours car nous savons son importance pour les Antilles et la Guyane dont l’État accompagnera la réalisation. Pour les exonérations de charges, l’enveloppe a été calculée en fonction des besoins, ceux-ci ne peuvent être connus qu’à l’année n+1, et le niveau a été défini en fonction des dépenses réellement constatées.

Notre différence d’interprétation tient au fait que vous raisonnez en termes de crédits de paiement et moi, en termes d’autorisations d’engagements.

En ce qui concerne la continuité territoriale, nous cherchons à améliorer le dispositif car des différences demeurent entre les territoires. Le Pacifique présente un décalage dont je ferai le bilan dans 6 mois. Il faudra construire un véritable partenariat avec le groupement d’intérêt public et conjuguer l’action de l’État avec celle des collectivités de façon à être en complémentarité.

Mme Chantal Berthelot. Le budget est avant tout un acte politique. L’acte politique que nous avons à examiner est incohérent. Cette incohérence apparaît depuis trois années. La LODEOM ne présentait pas de caractère d’urgence, puis il a fallu l’adopter rapidement.

Ensuite, le LBU et la défiscalisation se sont télescopées. Le SIOM est intervenu et ses décisions ne sont qu’imparfaitement appliquées. Le tout manque de lisibilité et présente un caractère fumeux.

Le budget est en baisse, les crédits de la mission outre-mer diminuent. Le gouvernement prétend que l’outre-mer va apporter sa part, mais des besoins se font encore sentir dans les domaines de l’enseignement, de la santé et de la justice. La solidarité doit jouer réciproquement. Les outre-mer ont besoin de l’action publique dans ces secteurs clefs pour permettre l’accès des populations à la justice, à la santé ... Votre budget est injuste et déséquilibré, permettra-t-il de faciliter le développement des outre-mer ?

M. René-Paul Victoria. Je tiens tout d’abord à remercier nos collègues métropolitains venus assister à cette réunion. La Mission outre-mer fait partie des missions du PLF, il faut souligner la qualité du travail et des dossiers fournis par les services car le projet annuel de performances n’était pas disponible. La question ainsi posée est celle de l’image et de la place de l’outre-mer dans les esprits. Qu’est-il prévu en 2011 pour redonner aux territoires la place qui leur revient au sein de notre collectivité nationale ?

Pensez-vous que l’effort de l’État, portant essentiellement sur les autorisations d’engagement, sera suffisant pour mobiliser les énergies, redonner confiance aux acteurs économiques et donner du pouvoir d’achat ? Les informations ne sont pas cohérentes.

Au sujet du photovoltaïque, je suis favorable à la création d’une mission car les chiffres disponibles sont contradictoires.

Mme Jeanny Marc. Je partage l’avis de ma collègue Mme Berthelot sur le budget présenté. La zone franche d’activité nécessiterait l’institution d’un commissaire au développement endogène. Quelles seront leurs missions et compétences. Les 20 millions du fonds de garantie pêche et agriculture sont une bonne chose mais une question demeure, qu’en sera-t-il d’un fonds d’indemnisation pour les prises rendues invendables du fait de la pollution par les produits organochlorés ? Dans le domaine de l’aide aux petites entreprises, une première circulaire a été publiée mais elle ne comporte pas un guide des bonnes pratiques dans le domaine de la passation des marchée publics. Pouvez-vous expliciter cette notion. Quant au RSMA, sa mission est exemplaire pour ce qui concerne l’accompagnement des jeunes, je rappelle que 50 % des jeunes en Guadeloupe sont demandeurs d’emploi. Avez-vous prévu des mesures particulières. Un certain nombre de dispositifs en faveur de l’emploi sont mis en place à titre expérimental dans certains départements. Pourquoi cette expérimentation n’est-elle jamais mise en place dans les Outre-Mer ? Enfin, quels sont les projets de réhabilitation de l’habitat prévus en Guadeloupe.

M. Patrice Verchère. Un rapport récent de l’IGF sur la Polynésie française vient d’être rendu public. Il juge grave la situation financière de la collectivité territoriale et préconise l’adoption urgente de mesures courageuses pour assainir ses finances. Quelles mesures envisagez-vous de prendre ?

Mme Annick Girardin. Le Gouvernement tient un discours ambitieux sur l’avenir et le développement de l’outre-mer qui ne se vérifie pas dans le budget. À Saint-Pierre-et-Miquelon, l’État a bien affecté des crédits suffisants pour le transport en fret mais les effets seraient bien meilleurs si les intéressés avaient été consultés. En ce qui concerne la question de la revalorisation des pensions dans le secteur privé, la sécurité sociale a unilatéralement pris sa décision sans tenir compte de la concertation qui a été conduite par le Gouvernement. Les crédits liés à la continuité territoriale sont tellement bas qu’ils permettraient, au mieux, à un Miquelonais, de prendre un sandwich à l’aéroport. De même, l’aide à la rénovation hôtelière s’est révélée totalement inefficace puisque élaborée sans tenir compte des réalités locales.

Mme Christiane Taubira. Je remercie le Président pour la rigueur avec laquelle il préside et pour l’attention qu’il accorde à toutes nos séances de commission. J’aurai trois questions à poser.

Madame la ministre, le budget de l’outre-mer n’a pas cessé de baisser sous votre Gouvernement. D’habitude, la baisse des crédits du budget de l’outre-mer est toujours camouflée par des changements de périmètre et des transferts de crédits d’autres ministères. Pour la première fois, le Gouvernement semble assumer cette baisse des crédits. Certes, vous essayez de la nuancer en nous expliquant que si les crédits de paiement baissent, les autorisations d’engagements restent stables. Cependant, cette baisse est reconnue, et c’est peut-être une tactique, essentiellement utilisée pour afficher que l’outre-mer participe à l’effort national. Il reste que les défis sont d’une autre nature et vous ne semblez pas les prendre en compte.

Prenons par exemple le problème des carburants et celui du coût de la vie. Vous répondez qu’il y a un observatoire des prix. Cependant, nous ne sommes guère avancés car nous constatons une hausse des prix et ensuite, il ne se passe rien.

En matière de politique du logement, vous affirmez que cela reste une priorité mais vous savez pertinemment qu’en introduisant un système de défiscalisation, le système de financement public a été fragilisé. Il n’y a qu’en outre-mer que le logement social ne relève pas exclusivement du budget de l’Etat mais qu’il est aussi soumis aux aléas des intentions de « défiscaliseurs ». La meilleure illustration de cette fragilisation réside dans l’observation de la Commission des finances qui indique que votre ministère n’a pas fourni le document budgétaire permettant de se prononcer sur les programmes de logement. Il y a par exemple des programmes de 80 logements qui sont en souffrance. En Guyane, dans quelles conditions l’Etat va-t-il céder des terrains aux bailleurs pour la construction de logements sociaux ? Nous y serons très attentifs car il n’y a plus, désormais, que trois bailleurs sociaux, dont le plus dynamique est un bailleur privé. S’agissant de la continuité territoriale, vous proposez de gérer la pénurie. Les critères que vous proposez vont rester internes à l’outre-mer. Ils ne prennent nullement en considération les distances alors que la seule comparaison possible concerne le territoire de la Corse. Il n’y a pas de commune mesure, en matière de dotations territoriales, entre le continent et la Corse, et entre la France métropolitaine et l’outre-mer. Enfin, j’attire votre attention sur la part de l’octroi de mer affectée au conseil général. Vous êtes probablement informée des deux amendements que j’ai déposés sur le projet de loi de finances.

M. François Brottes. En matière d’énergies renouvelables, la France ne doit pas s’appliquer à elle-même ce que la Commission européenne lui fait parfois subir en matière d’énergie : il y a une directive européenne qui impose à tout le monde le même système énergétique alors qu’en réalité, nous disposons, sur le territoire continental, d’un mix énergétique tout à fait particulier, avec une énergie nucléaire qui produit 80 % de ce que nous consommons. A ce titre, nous ne pouvons pas avoir la même approche en France qu’en Allemagne en matière d’énergies renouvelables. Or, l’outre-mer ne dispose pas d’énergie nucléaire. Dès lors, pourquoi appliquer le même coup de rabot à l’outre-mer qu’au continent en matière d’énergies renouvelables ? Cela n’est pas défendable. Madame la ministre, vous avez indiqué le 5 octobre, me semble-t-il, que l’effort de l’outre-mer s’élevait à 230 millions d’euros sur la niche fiscale en faveur de la production d’énergie photovoltaïque, en disant que cet effort était proportionné et juste. Ce dernier terme vous appartient. Proportionné, sûrement. Mais je le conteste car si l’on veut appliquer, en matière d’énergie, les mêmes règles dans les départements et territoires d’outre-mer qu’en métropole, on se trompe dans la mesure où le mix énergétique n’est pas du tout le même. Il me semble que l’on devrait reconsidérer la position relative à l’énergie photovoltaïque et l’énergie renouvelable, en général, en outre-mer, à l’aune du fait que le mix énergétique outre-mer n’a rien à voir avec celui du continent.

Mme la Ministre chargée de l’outre-mer. Puisque le budget est un acte politique, le budget de l’outre-mer ne résume pas, en soi, à l’action de l’État sur les territoires ultramarins. On ne mesure pas l’ambition de l’Etat à l’égard de l’outre-mer à travers ce seul budget.

La baisse n’est que de 0,6 % en autorisations d’engagement ; le budget 2011 pour l’outre-mer, parce qu’il demeure inscrit dans les mêmes enveloppes qu’au cours des années antérieures, permet au ministère de l’outre-mer d’avoir toute sa capacité d’intervention dans l’intérêt des territoires.

Plusieurs questions ont été posées concernant les zones franches d’activité et l’arrivée de commissaires au développement pour appuyer notre démarche et faire en sorte que ces territoires s’orientent vers un développement endogène, durable. Je vous annonce que ces commissaires ont été choisis. J’ai eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises au cours des réunions de bilan du conseil interministériel de l’outre-mer. J’ai expliqué la procédure de recrutement que j’ai choisie. Nous sommes actuellement en phase de nomination. Un délai a été accordé à ces personnes pour leur permettre de quitter leur entreprise pour prendre leurs fonctions. Cela devrait être imminent.

Les 20 millions d’euros de garantie pour la pêche et l’agriculture ont été évoqués : concernant le problème de perte de revenu des marins-pêcheurs et le problème du chlordécone, ainsi que l’ensemble des questions d’indemnisation, à la date d’aujourd’hui, les évaluations ne sont pas faites.

S’agissant de la circulaire relative au code des marchés publics pour favoriser le choix de petites et moyennes entreprises, c’était une des mesures préconisées par le CIOM, que nous avons mise en application. Elle a donc déjà été mise en œuvre. La circulaire n’a fait que prolonger le délai.

Le service militaire adapté a un rôle très important en outre-mer, c’est un des axes de la politique voulue par le chef de l’Etat. Comme vous le constatez dans le budget, les crédits de ce dispositif augmentent de 40 %. Toutefois, l’action en direction de la jeunesse n’est pas menée que par le ministère de l’outre-mer : elle l’est aussi par MM. Luc Chatel et par Marc-Philippe Daubresse dans le cadre du plan « Agir pour la jeunesse ». Il ne faut pas oublier que les autres ministères agissent et que nous suivons, dans les départements et régions d’outre-mer, un principe d’identité législative. A ce titre, toutes les mesures s’appliquent. C’est la raison pour laquelle, à titre d’exemple, on a créé en Guyane un internat d’excellence à Maripasoula. Il faut donc regarder cette politique de la jeunesse à travers l’action de l’ensemble des ministères.

En ce qui concerne l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), les deux opérations les plus importantes se situent à Pointe-à-Pitre et en Guyane.

S’agissant de la résorption de l’habitat insalubre, nous sommes très ouverts à la proposition de loi en cours de préparation, et qui devrait être prochainement soumise au Parlement, notamment par le député Serge Letchimy. Nous avons d’ores et déjà anticipé ces mesures puisque l’enveloppe consacrée à la résorption de l’habitat insalubre, dans le budget de l’outre-mer, est estimée à 65 millions d’euros.

Concernant la revalorisation des pensions à Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai indiqué cet après-midi que j’étais disposée à recevoir une délégation des représentants, de manière à réfléchir sur la conduite à tenir pour évaluer la situation, compte tenu de l’ordonnance et du décret ; il faut trouver une solution. Cette solution d’attente n’est souhaitable pour personne.

Le rapport Bolliet sur la Polynésie française a été fait à la demande du territoire. Aujourd’hui, il constitue une aide à la décision de la Polynésie française, notamment pour maîtriser ses dépenses publiques et limiter son déficit. C’est aussi un outil à destination de l’Etat qui a permis de poser un certain nombre de conditions à l’octroi du prêt qui devait être alloué par l’Agence française de développement.

Des questions ont été posées au sujet du carburant : la réforme a été engagée. Nous avons tenu compte des préconisations du rapport de la mission parlementaire sur le prix du carburant en outre-mer. Nous avons en effet aujourd’hui une nouvelle formule de prix. On peut aller plus loin. Le décret sera publié très prochainement. Sur la base de ce décret, nous déterminons la valeur chaque mois, ce qui permet d’en apprécier la variation depuis le mois de septembre, après le rattrapage qui a eu lieu en juillet-août Du fait de la variation, nous avons enregistré une baisse au mois de septembre puis une légère augmentation au mois d’octobre. Nous disposons donc aujourd’hui d’une formule de calcul qui permet d’assurer la transparence des chiffres. Beaucoup ont tiré un enseignement des préconisations de la mission parlementaire. Je me félicite que les présidents des trois collectivités aient considéré qu’il fallait conserver l’outil SARA (Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles), indispensable pour assurer l’approvisionnement de ces territoires.

Concernant la cession des terrains de l’Etat pour la réalisation des équipements publics, il est prévu, dans le cadre du projet de loi de finances, que l’Etat puisse céder ces terrains à titre gratuit. C’est aussi une mesure du CIOM.

La diminution du budget de l’outre-mer n’est nullement tactique : il est important que l’outre-mer participe à l’effort national. Cela montre que l’outre-mer partage cet effort et participe à la solidarité nationale. Cela montre à quel point l’outre-mer fait partie de la République et est capable de fournir cet effort.

Nous avons intérêt à regarder les problèmes de l’outre-mer de manière objective en ayant le souci de trouver des solutions et de mettre en avant les difficultés ou les correctifs à apporter. C’est ainsi que l’on pourra tenir un propos qui soit crédible en outre-mer et que l’on pourra, par la suite, conforter les budgets et l’action de l’Etat dans ces territoires.

S’agissant de l’énergie photovoltaïque, à l’instar de la LODEOM, des correctifs ont été apportés à la loi Girardin. Certes, les situations ne sont pas comparables entre la métropole et l’outre-mer et le rapport Charpin ne concernait pas l’outre-mer. Pour autant, s’agissant d’opérations particulièrement rentables du fait du tarif de rachat par EDF, il paraissait normal d’apporter des aménagements au dispositif. Ils ne sont pas demandés par l’Etat lui-même mais aussi par certaines collectivités, telles que la collectivité régionale de la Martinique qui a demandé par motion un encadrement du dispositif. Il y a notamment un conflit d’intérêt pour l’utilisation des terres agricoles. Il ne faut pas diminuer les terres agricoles utiles alors que nous menons par ailleurs une politique de développement de ces territoires par l’agriculture, notamment grâce au secteur de l’agronomie. Sur certains territoires tels la Guyane, la question du rachat ne se pose pas dans les mêmes conditions car il y a un problème de raccordement des sites isolés. La Commission des finances auditionnera les professionnels. Je serai particulièrement attentive à ce sujet et aurai l’occasion d’en parler à M. François Baroin, ainsi que je l’ai fait cet après-midi avec mon collègue Jean-Louis Borloo.

◊ ◊

Puis la commission a examiné pour avis les crédits de la mission Outre-mer pour le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) sur le rapport de M. Alfred Almont, rapporteur pour avis.

Suivant l’avis de M. Alfred Almont, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission Outre-mer pour le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 20 octobre 2010 à 16 h 15

Présents. - M. Alfred Almont, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, M. Daniel Fasquelle, M. Claude Gatignol, M. Bernard Gérard, M. Antoine Herth, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Lionel Tardy, M. René-Paul Victoria

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Gabriel Biancheri, Mme Geneviève Fioraso, M. Pierre Gosnat, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. François Loos, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Anny Poursinoff, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - Mme Chantal Berthelot, Mme Annick Girardin, M. Philippe Gosselin, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Victorin Lurel, Mme Jeanny Marc, M. Dominique Perben, M. Didier Quentin, Mme Christiane Taubira, M. Patrice Verchère