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Commission des affaires économiques

Mercredi 10 novembre 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition, ouverte à la presse de M. Pascal Viné, dont la nomination en qualité de directeur général de l’Office national des forêts est envisagée par le Président de la République

– Information relative à la commission

En application de l’article 13 de la Constitution, la commission a auditionné M. Pascal Viné, dont la nomination en qualité de directeur général de l’Office national des forêts est envisagée par le Président de la République.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes réunis aujourd’hui pour nous prononcer sur la nomination envisagée par le Président de la République de M. Pascal Viné en qualité de directeur général de l’Office national des forêts. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, et dans l’attente de la promulgation de la loi organique et de la loi ordinaire prises en application de l’article 13 de la Constitution, nous avions certes procédé à des auditions « à blanc », non suivies d’un vote, de plusieurs candidats à diverses fonctions – Henri Proglio pour la présidence d’EDF, Yannick d’Escatha pour le CNES ou Jean-Paul Bailly pour La Poste. Maintenant que la loi a été promulguée, nous commençons aujourd’hui le véritable exercice. La nomination de 13 des 51 personnalités listées dans la loi organique doit faire l’objet d’un avis de notre commission. Conformément au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs des deux commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés. Il s’agit donc de décisions importantes, que nous devons prendre en notre âme et conscience.

Je rappelle que la présente audition est publique, que le scrutin est secret et doit avoir lieu hors de la présence du candidat, que le vote sera effectué par appel public et que le dépouillement aura lieu simultanément à l’Assemblée et au Sénat, aux alentours de 16 h 45.

Monsieur Viné, nombre d’entre nous vous connaissent personnellement, et nos relations ont toujours été confiantes. Nous sommes heureux de vous entendre aujourd’hui. Vous qui avez jusqu’à présent été davantage habitué aux fonctions de conseiller, êtes cette fois sous les feux de l’actualité. Je vous laisse vous présenter. Puis ceux de nos collègues qui le souhaitent vous interrogeront.

M. Pascal Viné. C’est un moment d’autant plus important pour moi que je suis le premier candidat à la direction d’un établissement public à être auditionné par votre commission dans le cadre de la nouvelle procédure. Je tiens à remercier le ministre de l’agriculture et le ministre d’État chargé de l’environnement d’avoir proposé mon nom pour ce poste de haute responsabilité qu’il serait un honneur pour moi d’occuper. Je ressens également une très grande émotion à m’exprimer devant votre commission où j’ai plutôt l’habitude que prenne la parole le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire, moi-même ne faisant que l’accompagner. Et c’est aussi une grande émotion pour le Lorrain que je suis, Vosgien de souche, qui a été bercé pendant toute sa jeunesse par les questions forestières, d’autant que l’École des forêts occupe à Nancy dont je suis originaire, une place toute particulière, d’être pressenti pour exercer les fonctions de directeur général de l’ONF

J’ai quarante-sept ans. Je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, avec une formation de base d’agronome. J’ai fait l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts en 1987. Je suis également titulaire d’un doctorat en environnement de l’université de Grenoble, ce qui m’a amené à travailler sur la cartographie forestière, en particulier sur celle des feux de forêt dans le Sud-est de la France et sur les grands incendies de 1990 dans le massif des Maures. J’ai en particulier étudié l’incidence des feux de forêt sur le régime des eaux dans les bassins versants méditerranéens. J’ai également occupé divers postes en administration territoriale – dans le département de l’Eure –, en administration centrale et en cabinet ministériel. J’ai eu l’occasion de travailler avec bon nombre d’entre vous pour des missions que j’ai effectuées auprès de différents ministres et même Premiers ministres. Je suis actuellement directeur de cabinet de Bruno Le Maire, après avoir été directeur général d’un établissement public à caractère scientifique et technologique, le CEMAGREF, institut de recherche en environnement qui traite également des questions forestières, emploie 1 300 personnes et dispose d’un budget annuel de 100 millions d’euros.

Je me propose de vous brosser un rapide tableau de la situation de l’ONF et de vous dire comment je vois les choses si vous m’accordez votre confiance pour en occuper le poste de directeur général, auprès d’Hervé Gaymard, président du conseil d’administration, que je salue. L’Office national des forêts, créé en 1966, est une très grande institution. Établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère chargé de la forêt et du ministère chargé de l’écologie, il est au cœur des enjeux de développement territorial et de développement durable, à l’heure où le Grenelle de l’environnement invite à « produire plus tout en préservant mieux ». C’est un acteur majeur de la filière forestière puisqu’il assure la gestion durable de 4,7 millions d’hectares de forêts domaniales et communales sur le territoire métropolitain et 6 millions d’hectares outre-mer, et assure 40 % des approvisionnements annuels nationaux en bois. L’ONF exerce également des missions d’intérêt général. Aucune réflexion sur son avenir ne saurait faire abstraction du contexte global de l’ensemble de la filière bois et forêt, française et européenne, puisque les enjeux agricoles ou forestiers sont désormais européens.

Pour remplir ses tâches, l’ONF peut s’appuyer sur un ensemble d’agents compétents – 6 600 fonctionnaires et 3 200 ouvriers forestiers, qui représentent 9 500 équivalents temps plein –, connus par tous les Français. Cette vaste communauté de travail est au contact quotidien de toute une partie de la population sur l’ensemble du territoire national, métropolitain et outre-mer. L’ONF dispose d’un budget de 750 millions d’euros, dont 30 % des produits proviennent des ventes de bois et 60 % des dépenses sont des charges de personnel. C’est un établissement en évolution permanente. Depuis les tempêtes de 1999, une politique plus rigoureuse de maîtrise des coûts y a été mise en place. Les structures, notamment de pilotage et de soutien, ont été rationalisées. Il n’y a plus que neuf directions territoriales, au lieu de vingt et une directions régionales en 2001. Les agences territoriales ont également été réduites. L’ONF a participé à la révision générale des politiques publiques. Des élus se demandent d’ailleurs s’il pourra, dans ces conditions, continuer à assurer ses missions de service public avec la même qualité.

L’ONF a plusieurs défis majeurs à relever. Internes tout d’abord : l’établissement possède une longue histoire et une très forte culture, sur lesquelles nulle réflexion quant à son avenir ne peut faire l’impasse. Il faut de même tenir compte des inquiétudes exprimées par les personnels. Le président Hervé Gaymard a proposé à son arrivée à la présidence du conseil d’administration un audit social qui sera lancé, si vous m’accordez votre confiance, dès que je serai en poste.

L’Office doit aussi relever des défis externes. Du fait du régime forestier, l’un des piliers de son fonctionnement, l’Office travaille au quotidien avec les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui ont signé le contrat d’objectifs 2007-2011 – le président Hervé Gaymard propose qu’elles signent aussi le prochain contrat 2012-2016. Des protocoles particuliers sont aussi conclus avec les communes forestières, comme celui pour les mille chaufferies bois en milieu rural.

L’ONF est un acteur majeur de la filière forêt-bois. Un certain nombre de partenaires, parmi les coopératives, les experts forestiers, les scieries, les entreprises de deuxième transformation et de travaux forestiers, sont inquiets quant au rôle et au poids de l’Office. Qu’ils se rassurent : le rôle de l’ONF n’est pas de se substituer aux différents acteurs, mais d’assurer ses missions de service public, de mener des actions commerciales dans certains secteurs, et surtout d’être un partenaire et un facilitateur du développement de la filière. Que ce soit dans le cadre du Fonds stratégique d’investissement récemment créé ou lors d’événements tels que la tempête Klaus, l’ONF se tient aux côtés des acteurs de la filière.

Les axes importants de son action ont été tracées, aussi bien dans le discours d’Urmatt du Président de la République, qui s’appuyait sur les conclusions du rapport de M. Jean Puech, que dans le volet forestier de la récente loi de modernisation de l’agriculture et la révision générale des politiques publiques. Ces lignes fortes guideront l’action de l’ONF au cours des prochaines années. D’autres pistes ont aussi été ouvertes, notamment par Hervé Gaymard dans le rapport qu’il a rendu il y a quelques semaines au Président de la République et dont les propositions sont en cours de discussion interministérielle.

Beaucoup s’interrogent sur le modèle économique de l’Office. Mais le bois a le vent en poupe – bois industrie, bois d’œuvre, bois énergie. C’est une fabuleuse opportunité. Le Grenelle de l’environnement a donné également de nouvelles perspectives à la filière : multiplier par dix l’incorporation du bois dans les constructions neuves, renforcer l’isolation thermique, développer l’usage du bois-énergie, sans parler du bois carbone… Il faudrait aussi s’intéresser davantage aux bâtiments en bois, trop peu nombreux en France.

L’ONF assure un service d’intérêt économique général (SIEG) de gestion des forêts publiques, validé par la Commission européenne en 2000. Son statut est donc parfaitement légitime et adapté. Le versement compensateur n’est nullement une aide d’État mais une contrepartie financière à l’exercice de missions de service public. La gestion des forêts publiques par un établissement unique permet une mutualisation, un regroupement de l’offre de bois et une stratégie d’investissement de très long terme permettant à la fois de valoriser au mieux ce patrimoine et le transmettre aux générations futures. L’ONF commercialise 13 millions de mètres cubes de bois, soit 37 % de la récolte totale en France, issus à peu près pour moitié des forêts domaniales et pour moitié des forêts communales. Depuis 1966, ce modèle de gestion a fait ses preuves, même si l’Office a été fortement déséquilibré par la crise économique de 2009, comme en attestent ses difficultés actuelles à redresser ses comptes. Il n’a pas empêché l’ONF d’avoir une démarche dynamique en matière économique, puisque celui-ci a créé des filiales, en particulier autour de l’énergie, mais aussi des marques communes, comme Forêt Énergie pour les plaquettes de bois. Ce modèle, qui a du sens et a montré son efficacité, n’en doit pas moins continuer à évoluer.

Au-delà de son importance économique, la forêt représente aussi un enjeu environnemental et social. Les forêts françaises accueillent chaque année 500 millions de visiteurs. L’ONF participe activement à la préservation de la biodiversité. Il a la certification environnementale ISO 14001 et l’ensemble des forêts domaniales sont sous label PEFC, le programme de reconnaissance des certifications forestières. Cinq cent mille hectares de forêts de l’ONF sont classés en réserve biologique et naturelle et 30 % des forêts publiques sont couvertes par Natura 2000. L’ONF tient toujours compte, dans ses aménagements forestiers, de l’impératif de préserver la biodiversité et les sols. Il est également confronté au défi majeur du changement climatique, puisque la forêt représente un paramètre-clé d’atténuation et d’adaptation en la matière.

J’en viens à la question du modèle de gouvernance de l’ONF. Certains trouvent le mécanisme actuel de décision un peu lourd – le conseil d’administration mérite sans doute d’être adapté, pour être plus réactif. Le rapport du président Gaymard formule des propositions dont il faut discuter. Lorsque j’étais directeur général du CEMAGREF, je travaillais aux côtés d’un président. Nous avons conclu en moins d’un an un contrat d’objectifs pour cinq ans. D’autres organismes fonctionnent, eux, avec un président-directeur général. L’essentiel me paraît résider plutôt dans l’entente entre le président et son directeur général. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut des règles de fonctionnement claires qui donnent leur rôle distinct aux tutelles, au conseil d’administration, à son président, au directeur général, aux organisations représentatives du personnel et à l’ensemble des partenaires.

Il faut une grande rigueur dans la méthode d’élaboration de la décision. J’y veillerai. La ligne stratégique a été fixée, je l’ai dit, dans le discours d’Urmatt. La voie pour y parvenir, c’est le contrat d’objectifs 2012-2016. Mon objectif dans les prochains mois sera de le mettre en place. Après le temps des études – les propositions sont aujourd’hui sur la table – il faudra prendre le temps du dialogue. Viendront ensuite le temps de la décision puis celui de la mise en œuvre. Je serai très attentif au respect de toutes ces étapes, comme je l’ai été dans mes fonctions de directeur général du CEMAGREF ou de directeur de cabinet de Bruno Le Maire. L’ONF a besoin de visibilité et de stabilité. C’est ce que je me propose de lui donner avec votre aide, avec celle du président Hervé Gaymard et avec celle de l’ensemble des personnels de l’établissement.

Si vous m’accordez votre confiance, outre conclure le contrat d’objectifs, il me faudra établir très vite des contacts. Une réunion est prévue dès décembre avec l’encadrement de l’établissement. Des rencontres devront aussi avoir immédiatement lieu avec les organisations syndicales et sur le terrain. Si je connais les enjeux forestiers, je n’ai jamais travaillé à l’ONF et la première des choses à faire me semble de rencontrer les acteurs au plus près du terrain, en métropole et outre-mer. Il faudra également rencontrer les partenaires de la filière, transformateurs, propriétaires privés ou organisations non gouvernementales, que j’ai déjà eu l’occasion de recevoir plusieurs fois dans l’exercice de mes fonctions actuelles. Enfin s’ouvrira tout aussi vite la discussion du budget, enjeu crucial pour l’établissement.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie. J’observe que Hervé Gaymard, dont je suis heureux qu’il soit venu en début de séance vous saluer, monsieur, s’est maintenant retiré. Je le remercie de cette courtoisie car il n’aurait pas été bon que nous siégions en sa présence et fatalement donc sous son influence, même s’il n’avait bien sûr dit mot.

Un nouveau contrat d’objectifs doit être conclu en 2012 et l’on sait que la vente de bois est essentielle pour l’équilibre financier de l’ONF. Mais les forêts sont aussi des espaces de loisirs, qui accueillent un nombre considérable de visiteurs. Il ne faudrait pas que le souci de rentabilité financière compromette la qualité de l’accueil du public, notamment dans les forêts publiques péri-urbaines, ce qui a malheureusement été le cas depuis quelque temps. On a beaucoup de mal à redresser la barre. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Pourriez-vous par ailleurs nous préciser votre idée des relations entre le directeur général de l’ONF, si vous êtes nommé à cette fonction, et le conseil d’administration ?

M. Gosnat m’a demandé à intervenir pour une déclaration liminaire avant que je donne la parole aux porte-parole des autres groupes.

M. Pierre Gosnat. J’ai trouvé l’exposé de M. Viné très intéressant. Néanmoins, les députés communistes et du parti de gauche n’assisteront pas à la suite de cette réunion parce qu’ils sont en désaccord total avec cette procédure qui conduit à renforcer encore les pouvoirs du Président de la République. Notre commission est réduite au rôle de chambre d’enregistrement. Il faudrait rassembler 60 % des députés pour faire barrage à la décision du Président de la République qui, de fait, impose son choix à la tête d’un organisme aussi important que l’ONF. C’est pourquoi, tout en remerciant encore M. Viné de sa présentation, nous ne restons pas.

M. le président Patrick Ollier. Je ne comprends pas cette position, surtout venant de vous, qui avez habituellement une analyse si pertinente de nos institutions. C’est exactement l’inverse : alors que jusqu’à présent le Président de la République et le Premier ministre nommaient les hauts dirigeants des établissements publics ou sociétés nationales sans avoir à prendre l’avis de personne, le nouvel article 13 de la Constitution donne maintenant au Parlement la possibilité de s’exprimer. C’est une avancée que la majorité et l’opposition ont, ensemble, conquise de haute lutte – parce que nous tenons tous à avoir notre mot à dire. L’opposition ne peut pas soutenir que cette procédure nous retire du pouvoir : elle nous en donne un nouveau, que vous exercerez tout à l’heure par un vote à bulletin secret. La Commission ne donne pas un avis : si elle vote contre la nomination de M. Viné, celui-ci ne sera pas nommé, comme cela arriva, au décours d’une procédure similaire requise par la loi relative aux OGM, à M. Darlix, candidat malheureux à la présidence du Haut conseil sur les biotechnologies.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Gosnat regrette que nous n’en soyons qu’à une première étape de ce progrès démocratique. La prochaine sera que le Parlement approuve la désignation, au lieu d’avoir seulement la possibilité de la refuser à une majorité qualifiée – cette question avait déjà fait débat lors de la révision constitutionnelle. En attendant, nous comptons bien nous servir de ce début de progrès qu’a obtenu la majorité.

M. le président Patrick Ollier. Un droit de veto sur une nomination revient exactement au même que son approbation. (Dénégations des députés du groupe SRC). En tout cas, c’est un énorme progrès.

M. François Brottes. Nous préférerions nettement le principe d’une approbation à la majorité simple que celui d’un refus à la majorité qualifiée, mais celui-ci est toujours mieux que pas d’avis du tout… Nous nous félicitons par ailleurs que cette audition soit publique et retransmise.

L’Office national des forêts est une institution qui a des siècles de références et perdurera des siècles encore, je l’espère. Il faut donc n’y toucher qu’avec beaucoup de prudence. Les arbres mettent beaucoup plus de temps à pousser que ne dure un mandat de Président de la République ou de député, et ce ne sont pas des politiques circonstancielles comme la RGPP qui doivent les mettre en péril. C’est la première fois que le Secrétaire général de l’Élysée n’est pas le président de l’Office national des forêts – c’était la tradition. Je comprends que M. Guéant ait tant à faire qu’il ait délégué cette fonction à M. Gaymard, mais cela n’augure-t-il pas d’un changement fondamental de statut ?

Concernant vos capacités, monsieur, votre expérience et les postes que vous avez occupés parlent d’eux-mêmes. Tout juste peut-on trouver étrange qu’à la veille d’un remaniement ministériel, le directeur de cabinet d’un ministre soit pressenti pour exercer de nouvelles fonctions…

Hervé Gaymard, dans son rapport, recommande la stabilité institutionnelle, autrement dit le maintien du régime forestier. Est-ce bien votre projet ? Il y avait eu au temps de M. Raffarin une volonté de mettre à bas tout l’édifice, en transférant les compétences de l’ONF aux régions. En tant qu’ancien rapporteur de la loi d’orientation forestière, je pense que l’Office est un atout pour notre pays, y compris pour la forêt privée, et qu’il ne faut surtout pas le démanteler. L’idée d’Hervé Gaymard de modifier la gouvernance en nommant un PDG en lieu et place d’un président et d’un directeur général, ne traduit-elle pas une volonté de privatisation et n’augure-t-elle pas d’une évolution comme à France Telecom ? Pour régler le problème financier des pensions des agents de l’Office, énorme problème pour les douze ou quinze mois à venir, ne s’orienterait-on pas vers une soulte à la France Télécom qui augurerait d’un changement fondamental de statut ? Je reconnais intenter là un procès d’intention, mais vous devez nous éclairer sur cette question majeure.

Quelles relations pensez-vous que l’ONF doive entretenir avec les communes forestières ? Le versement compensateur ne peut pas être l’otage de la RGPP. Il y a un plancher en dessous duquel les missions d’intérêt général de la forêt ne peuvent plus être assumées. La vente de bois ne peut suffire à financer le fonctionnement de l’Office et l’entretien des forêts. D’une part, on ne peut pas surexploiter la forêt. D’autre part, elle remplit d’autres fonctions que la simple production de bois, dont certaines non marchandes. C’est un espace de loisirs, de préservation de l’environnement et du climat, mais aussi une protection contre les risques naturels. Il est donc très important que le versement compensateur ne descende pas en dessous de son niveau actuel. Tout le monde n’est pas conscient de l’enjeu que représente la forêt – le quart du territoire national – pour la sécurité de certaines populations. J’aimerais d’ailleurs savoir ce que vous entendez préserver des missions régaliennes du service de restauration des terrains en montagne (RTM), qui certes ne concernent qu’une poignée de départements français mais sans lesquelles beaucoup d’habitants de montagne courraient de graves dangers, pour leur vie même.

Dernière question, plus anecdotique mais non moins importante. En 2003, M. Gaymard, alors ministre de l’agriculture, avait conclu à l’impossibilité juridique de la vente de la forêt de Compiègne. Je ne pense pas que l’état du droit ait changé. Quelle est votre position sur la question de l’aliénation du domaine forestier public en général, et d’une partie de la forêt de Compiègne en particulier ? Je comprendrais que vous ne puissiez pas entrer dans les détails, mais j’aimerais connaître votre position sur le principe. Des brèches ont été ouvertes qui sont inacceptables, s’agissant de la forêt publique, bien collectif qui appartient à tous les Français.

M. Michel Raison. La démonstration n’est plus à faire de l’importance de l’Office national des forêts dans notre pays et de la qualité du travail qu’il accomplit depuis des décennies – il suffit de voir l’état des forêts qu’il gère, les anciennes « forêts soumises », par rapport à la moyenne des forêts privées. Cela n’exclut pas néanmoins des évolutions dans son fonctionnement. Une des missions du nouveau directeur sera d’appliquer le rapport que vient de rendre le président du conseil d’administration, à commencer par l’audit social.

Les matières premières se raréfiant sur notre planète, la forêt prend plus d’importance que jamais, y compris pour la fourniture d’énergie. Le bois énergie et le bois d’œuvre en arrivent même à se faire concurrence. Il faudrait pouvoir gérer notre forêt nationale de manière beaucoup plus pointue. Le projet de loi de modernisation agricole donnait à l’ONF la possibilité d’intervenir plus largement dans la forêt privée, mais le Parlement, en accord avec l’Office, n’a pas souhaité l’autoriser. Dès lors, comment entendez-vous rapprocher l’Office des acteurs de la forêt privée ? La ressource nationale en bois dépend de la forêt dans son ensemble, publique et privée, et on aurait intérêt à ce que les deux nouent des liens plus étroits.

Vous avez parlé d’audit social et de contacts que vous prendriez très vite avec les salariés, avec les ONG mais aussi avec le terrain. La tâche est vaste. Il suffit de penser à la multitude d’entreprises concernées ! Un certain nombre de professionnels de la transformation du bois, en particulier les scieries, parce qu’elles sont souvent aussi des acheteurs de bois, commencent à avoir des problèmes avec l’ONF. Vous aurez donc besoin, pour améliorer le fonctionnement de l’ensemble, d’un audit approfondi également sur les relations entre l’ONF et le secteur aval. Cela me paraît urgent. Y consacrerez-vous une part aussi importante de votre temps qu’à l’audit social ?

Pour conclure, connaissant vos qualités et votre expérience, je ne peux qu’encourager les députés de tous les groupes à approuver votre nomination.

Mme Anny Poursinoff. Merci, monsieur Viné, de votre exposé. Je suis moi aussi d’origine lorraine et fortement attachée la forêt. Vivant en Ile-de-France depuis quarante ans, je sais l’importance des forêts péri-urbaines, lieu de ressourcement psychique pour les onze millions de Franciliens. De nombreux habitants des Yvelines m’ont alertée sur les coupes à blanc effectuées sur de grandes parcelles, en particulier dans les forêts de Marly et de Rambouillet. Ils exigent un moratoire sur ces coupes et que les parcelles abattues soient replantées. Quel rôle voyez-vous pour les associations de protection de l’environnement ? Comment faire pour qu’elles soient mieux entendues par l’ONF ?

Pour ce qui est des équipes de l’Office, l’audit social qui est prévu est d’une extrême importance. On dénombre en effet un nombre important de suicides dans la profession. Il faut endiguer cette vague. Les agents demandent avec insistance une visibilité à long terme et une stabilité, qui ne pourront pas être obtenues sans les moyens financiers adéquats. Or, l’ONF ne peut trouver son équilibre économique dans la seule vente du bois, même si sur le plan écologique, on ne peut qu’être heureux d’une filière bois dynamique et efficace. Comment comptez-vous équilibrer le budget de l’ONF ? Enfin, le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite s’appliquera-t-il aux 9 500 équivalents temps plein de l’ONF ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous avez parlé, monsieur, de renouer le dialogue avec les syndicats. Le climat est actuellement assez dur à l’ONF. Toutes les organisations syndicales nous disent que la diminution du nombre d’agents rend les missions de service public difficiles à remplir. Que comptez-vous faire pour conforter ces missions ?

Le bois est une filière d’une grande importance au niveau national. Comment voyez-vous la coopération entre l’ONF et l’INRA pour développer la recherche, notamment sur les écosystèmes forestiers et l’utilisation du bois ?

Le Grenelle de l’environnement a souligné le rôle de la forêt comme moyen de lutte contre les gaz à effet de serre. Il y a notamment été question d’élargir à la forêt le système des quotas d’émission. Certains considèrent qu’ils ne peuvent pas être comptabilisés, mais la question est controversée. Qu’en pensez-vous ?

M. Alfred Trassy-Paillogues. Beaucoup d’élus qui ont à négocier avec l’ONF, y compris pour de petites parcelles, se heurtent à un véritable État dans l’État et trouvent que la négociation est pratiquement impossible. Qu’en pensez-vous ?

La promotion du bois énergie, si à la mode, n’est-elle pas une fausse bonne idée ? Dans ma circonscription, l’entreprise Linex, qui fabrique des panneaux de particules, s’approvisionnait jusqu’à présent en bois dans un rayon de 50 kilomètres. Elle est maintenant obligée de faire 450 ou 500 kilomètres, et pourtant ses panneaux stockent une tonne de CO2, alors que faire brûler l’équivalent en bois en produit une tonne ! Et voilà que l’Angleterre va utiliser des millions de tonnes de bois au motif de produire une énergie dite « renouvelable »… Ne faudrait-il pas se calmer dans l’utilisation du bois énergie ?

Mme Frédérique Massat. Je suis élue d’un département de montagne, l’Ariège, où la forêt est un enjeu non seulement économique mais aussi social et environnemental. Je suis donc souvent en relation avec les agents de l’ONF. La réorganisation de l’Office a provoqué un mal-être au travail tout en perpétuant la dérive financière de l’établissement, avec d’un côté le développement de structures commerciales et de l’autre, le parent pauvre, les structures polyvalentes – en particulier les agences territoriales. La fusion des agences départementales vide les territoires, comme je le constate dans mon département. La réorganisation s’est traduite par une modification des domaines de compétence, d’intervention et d’expérience des agents polyvalents, dépossédés de leur savoir-faire, et par une dégradation de leurs conditions de travail. Le taux de suicides au travail est plus élevé à l’ONF qu’à France Télécom. Dès 2005, une enquête IPSOS avait révélé ce mauvais climat social. Que comptez-vous faire pour l’améliorer ? Vous avez évoqué un audit social, mais il faut d’ores et déjà songer à réactiver un dialogue social aujourd’hui dans l’impasse.

Par ailleurs, si la production forestière est fortement mise en avant, la dimension sociale et environnementale est quelque peu oubliée. Sur le terrain, la baisse des effectifs et la recentralisation compromet le travail avec les communes forestières et les professionnels de la forêt. Que proposez-vous pour contrecarrer cette dérive ?

M. François Loos. L’utilisation du bois en tant qu’énergie n’est bonne que jusqu’à un certain point. Quelle à votre avis la juste proportion ? Serait-il possible d’établir un paradigme à partir duquel faire les choix ? Nous sommes devant de réels problèmes pour lesquels une approche qualitative ne suffit pas. Il faut une solution réellement équilibrée. Par ailleurs, quelles essences est-il recommandé de planter ? Pour avoir assisté dans ma région à une réunion entre les scieurs et l’ONF, je sais que leurs points de vue peuvent être très divergents. Il faudra bien arbitrer. Peut-on donner des directives claires sur les essences à planter pour les différents massifs ?

M. Germinal Peiro. Je n’insisterai pas sur le fait que le personnel de l’ONF est aujourd’hui extrêmement perturbé. Comment comptez-vous rétablir le dialogue social dans l’établissement ? Par ailleurs, quelles seraient, selon vous, monsieur, les deux actions prioritaires à mener pour relancer sur le plan national une véritable politique forestière qui s’intègre dans un projet durable ?

M. Francis Saint-Léger. M. Trassy-Paillogues a parlé « d’État dans l’État ». Il est vrai que les relations avec les communes et certaines associations, en particulier les sociétés de chasse, sont souvent tendues sur le terrain et que le dialogue avec l’ONF est très difficile. C’est le cas de façon quasi-permanente dans mon département de la Lozère, où la forêt domaniale est très importante. Comptez-vous vous investir pour restaurer le dialogue et des relations de confiance avec les acteurs territoriaux ?

M. William Dumas. Mon département, le Gard, est couvert à moitié de forêts. Depuis quinze ans, avec la crise de la viticulture, cette surface a augmenté de 20 %. Les élus du Parc national des Cévennes et de son aire d’adhésion ont déposé une demande de classement de la zone Causses-Cévennes au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le développement de l’agropastoralisme est un atout important pour cette zone. Les communes veulent valoriser des ceintures vertes et protéger leur foncier non bâti. Nos exploitations comptent deux à trois cents hectares de pâturages et nos bergers entretiennent et surveillent de grands espaces, ce qui y limite considérablement les risques d’incendies. L’installation d’un élevage de chèvres vaut l’équivalent de dix heures de Canadair ! L’ONF participe activement à tous les programmes de surveillance incendie. Comptez-vous accroître les partenariats avec les communes et les agriculteurs pour l’entretien des paysages et le maintien des populations rurales ?

Je me joins par ailleurs à la question de Mme Massat au sujet du climat social au sein de l’ONF et des suppressions d’emplois. Enfin, et alors que le budget pour 2011 de l’agriculture fait la part belle au développement de l’énergie bois, pensez-vous que l’externalisation de la production et les réductions de personnel soient les voies les plus indiquées pour gérer durablement nos forêts et maintenir l’emploi en zone rurale ?

M. Philippe-Armand Martin. L’enjeu de la filière bois est de taille. Le plus grand massif forestier français, celui des Landes de Gascogne, comptait un million d’hectares, en tout cas jusqu’à la tempête de 2009 puisque depuis, 80 % sont partis en brindilles. L’État a beaucoup donné, à répartir entre les différentes collectivités. Or, le massif forestier landais est en majorité propriété privée – heureusement d’ailleurs, car l’État ne pourrait assumer seul son entretien, très coûteux. En outre, après la tempête, les arbres restants ont été attaqués par des scolytes, petits scarabées qui se multiplient très vite et provoquent la mort des arbres. Le prix du bois a chuté, et les propriétaires se sentent aujourd’hui abandonnés. L’exemple des Landes est particulièrement parlant, mais n’oublions pas que plus de onze millions d’hectares sur l’ensemble du territoire national appartiennent à des propriétaires privés. Que comptez-vous faire en leur faveur, pour qu’ils ne cèdent pas au découragement ?

M. Jean Gaubert. Ma première question a trait à la gouvernance des filiales de l’ONF. Si vous êtes, monsieur Viné, nommé directeur général de l’Office, comment comptez-vous les contrôler ? Quel rôle pensez-vous qu’elles puissent jouer dans la valorisation du bois et la constitution d’une véritable filière bois en France ? Trop de bois abattu en France est traité à l’étranger. Or, il ne s’agit pas seulement de gérer la forêt, mais aussi « l’après-forêt ».

Enfin, comment comptez-vous parvenir à régler les conflits d’usage qui peuvent se faire jour entre usagers de la forêt, notamment entre promeneurs et chasseurs ? Ceux qui ont loué une chasse considèrent parfois qu’ils sont les seuls à avoir le droit de pénétrer dans la forêt pendant la partie. C’est un vrai problème, surtout dans le cas de la chasse à courre dont je ne peux résister à vous donner ma description : des serfs qui courent derrière des cavaliers qui courent derrière des chiens qui courent derrière un cerf.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Michel Raison a posé en partie la question que je souhaitais poser sur les relations à établir entre forêt publique et forêt privée. Il faudra inciter à un remembrement des espaces boisés privés afin d’en améliorer la productivité et la rentabilité. Contrairement à ce que certains peuvent croire, une forêt se cultive et il est parfois nécessaire de couper à blanc pour replanter dans de meilleures conditions et parfois changer d’essences. Alors même que notre forêt se classe parmi les toutes premières en Europe par sa surface qui s’accroît encore, ne trouvez-vous pas paradoxal que la France soit obligée d’importer du bois ?

Mme Marie-Lou Marcel. Lors d’un déplacement dans les Vosges en décembre 2008, Nicolas Sarkozy avait réaffirmé son intérêt pour la forêt et la filière bois et regretté que celle-ci soit sous-exploitée. Il avait alors confié à Jean Puech l’élaboration d’un rapport qui, je n’hésite pas à le dire, a manqué d’ambition. Le rapport d’information consacré en 2009 par le sénateur Joël Bourdin à l’ONF porte, quant à lui, un diagnostic sombre sur l’établissement, pointant notamment la détérioration de sa situation financière et la faible implication de l’État dans la définition de ses objectifs prioritaires. Quel jugement portez-vous sur ce rapport sénatorial ?

Pourriez-vous nous dire quel état d’esprit règne aujourd’hui parmi les agents de l’ONF, notamment au siège à Compiègne ? Que pensez-vous des nouvelles méthodes de management en vigueur dans l’établissement, caractérisées par une pression accrue qui fait craindre à certains un malaise aussi profond qu’à France Télécom ou à la Poste ?

Pourriez-vous enfin nous préciser l’implication financière et politique de l’État au sein de l’ONF ?

Mme Laure de La Raudière. Les acteurs de la forêt privée craignent une éventuelle concurrence déloyale de l’ONF, à même de pratiquer des prix plus avantageux grâce aux financements dont il bénéficie par ailleurs pour ses activités de service public. Pourriez-vous les rassurer ?

Ne pensez-vous pas qu’une plus grande transparence de la part de l’ONF favoriserait des relations plus harmonieuses entre l’établissement et les collectivités ?

Mme Pascale Got. Après les deux tempêtes de 1999 et de 2009, une autre catastrophe menace aujourd’hui le massif forestier des Landes et de Gironde, l’invasion des scolytes qui ravagent les arbres. Des quantités considérables de bois vont devenir inutilisables. Quel soutien peut-on attendre de l’ONF dans cette crise phytosanitaire ?

Enfin, l’ONF s’associera-t-il au traitement du recul du trait de côte, notamment en Aquitaine où une partie du domaine forestier public longe le littoral ?

M. Jean Proriol. Je voudrais, à mon tour, revenir sur les difficultés d’approvisionnement que rencontrent les scieries, les entreprises de fabrication de panneaux de particules et les autres industries de transformation du bois. Les agents de l’ONF n’ont-ils pas tendance à toujours trouver qu’un arbre est trop beau pour être abattu ? L’Office est-il prêt à mettre plus de bois à la disposition de nos industries, ce qui serait encore plus nécessaire si on souhaite encourager les constructions à ossature bois ?

Les bois du Nord ont une excellente réputation auprès de leurs utilisateurs et même si les importations de bois africains marquent le pas, en partie d’ailleurs parce que les pays concernés tentent désormais de conserver leurs ressources, notre pays continue d’importer beaucoup de bois. Pensez-vous qu’il faille laisser aussi grande ouverte la porte à ces importations qui concurrencent notre production nationale ?

Tous les bois de l’ONF sont-ils certifiés ?

Enfin, on parle du remembrement depuis des décennies. Jeune parlementaire chargé d’une mission sur la forêt en 1978, lorsque j’abordais le sujet, notamment dans le Massif central, je me heurtais à une farouche hostilité de la part des forestiers. Que pensez-vous de la disposition prise qui fait obligation à tout notaire, lors de la vente d’une parcelle de forêt, de prendre contact avec tous les propriétaires riverains pour vérifier s’ils ne seraient pas acquéreurs ? La procédure est longue et complexe. L’ONF est-il concerné ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Les élus de montagne savent mieux que quiconque l’importance du dispositif RTM – qui fête cette année ses 150 ans. Le président Hervé Gaymard nous a quelque peu rassurés sur le sujet lors du récent congrès des élus de la montagne à Pontarlier. Cela étant, ce dispositif n’existe pas en Corse. Y remédierez-vous si vous êtes nommé directeur général ?

Outre le remembrement, quelles sont vos idées pour améliorer l’exploitation, notamment conjointe avec l’ONF, des forêts privées dans les massifs sous-exploités, comme c’est le cas du massif pyrénéen ?

Après les désastres causés par les tempêtes de 1999 et 2009 dans la forêt landaise, nous voyons non sans inquiétude les fermes photovoltaïques proliférer sur les milliers d’hectares dévastés. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

M. le président Patrick Ollier. Notre collègue François Brottes sollicite, au nom du groupe SRC, une suspension de séance, que je lui accorde bien volontiers.

La séance, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 10 heures 45.

M. le président Patrick Ollier. Nous allons maintenant entendre les réponses de M. Viné.

M. Pascal Viné. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de vos questions qui m’éclairent sur les problèmes que vous rencontrez et les interrogations qui sont les vôtres. Si vous m’accordez votre confiance pour que je sois le futur directeur général de l’ONF, toutes vos observations me seront des plus utiles. Il est essentiel d’écouter les parlementaires avant de prendre des fonctions telles que celle qu’il est envisagé de me confier. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la nouvelle procédure prévue par la Constitution.

Beaucoup d’entre vous, Mme Poursinoff, M. Le Déaut, Mme Massat, M. Peiro, M. Dumas, Mme Marcel, ont abordé la question des personnels et pointé des difficultés particulières. Je prends la question très au sérieux. La situation est tendue. J’ai la conviction qu’il nous faut, au-delà de l’audit social déjà commandité par le président du conseil d’administration, rétablir le dialogue social avec les organisations syndicales représentatives et échanger davantage avec elles. Je suis disposé à consacrer autant de temps qu’il le faudra à ce dialogue. Je l’ai fait lorsque j’étais directeur général du CEMAGREF, je l’ai fait dans mes fonctions de directeur de cabinet du ministre de l’agriculture, je le ferai à l’ONF.

Il faudra aussi dialoguer avec tous les acteurs de la filière, de la production jusqu’à la transformation. Il n’est pas acceptable que la balance commerciale d’un pays dont près d’un tiers du territoire est recouvert de forêts soit déficitaire de quelque six milliards d’euros sur le poste bois. Les relations entre un établissement public comme l’ONF et les autres acteurs de la filière ne devraient pas être tendues, comme plusieurs d’entre vous l’ont déploré. Il faut améliorer ces relations, approfondir le dialogue et parvenir à des objectifs partagés. L’élaboration du contrat d’objectifs doit en être l’occasion. Je militerai pour une approche globale de la filière forestière française car il importe, vous l’avez dit, de raisonner sur le long terme. La filière ne peut pas continuer de fonctionner comme aujourd’hui avec deux interprofessions, l’une d’amont, l’autre d’aval – l’ONF est membre de l’interprofession France Bois Forêt.

Il faudra également approfondir le dialogue avec les élus, notamment les maires. Je connais bien le président de la fédération des communes forestières, M. Jean-Claude Monin, avec lequel j’entretiens des relations de confiance. Je souhaite, comme l’a proposé Hervé Gaymard, que le prochain contrat d’objectifs associe ces communes. Cela permettrait d’ailleurs d’aborder d’emblée la question, déterminante, du financement, évoquée notamment par M. Brottes. Le versement compensateur avait été sanctuarisé dans le précédent contrat d’objectifs. Le sera-t-il dans le prochain ? La question demeure posée. Se pose également la question des frais de garderie, sur lesquels beaucoup s’interrogent et qui ont fait l’objet d’observations de la Cour des comptes. L’Inspection générale des finances, le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et le conseil général de l’environnement et du développement durable mènent actuellement une mission conjointe sur ces sujets. Il s’agit d’ouvrir de nouvelles pistes, non de remettre en cause un dispositif qui fonctionne. Je suis personnellement très attaché au maintien d’un dispositif homogène de gestion des forêts publiques par un établissement unique, avec un appui de l’État.

Le dialogue devra aussi s’étendre aux acteurs de la recherche. M. Le Déaut a évoqué les relations existant déjà entre l’INRA et l’ONF. Je serai extrêmement attentif au renforcement des liens entre l’ONF, l’ensemble de la filière et le monde de la recherche agricole, que je connais bien pour avoir été directeur général du CEMAGREF. Mes expériences antérieures devraient me faciliter la tâche.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question de la gouvernance de l’ONF. Chaque acteur doit jouer pleinement son rôle et l’équilibre entre tous doit être respecté. La question, posée par Hervé Gaymard, de savoir s’il est plus pertinent d’avoir un président et un directeur général, ou un président-directeur général cumulant les deux fonctions, devra être traitée dans le cadre du prochain contrat d’objectifs. La réunion des deux fonctions n’est pas la panacée. Ce n’est en tout cas pas pour moi un sujet majeur. L’essentiel me paraît plutôt résider dans la qualité des relations entre le président et le directeur général. Lorsqu’ils s’entendent bien, tout se passe bien, comme j’en ai fait l’expérience au CEMAGREF où, avec Thierry Klinger, président du conseil d’administration, nous avons élaboré sans aucune difficulté un contrat d’objectifs, partagé avec les personnels. Le fonctionnement du conseil d’administration constitue, lui, en revanche une vraie question. Certains jugent qu’avec 28 membres, il est trop important et manque de réactivité. Certains pensent aussi qu’il traite de sujets qui ne relèvent peut-être pas de sa compétence. Il faudra en débattre avec toutes les parties intéressées, au premier rang desquelles les élus.

La mobilisation de la ressource bois et le bon équilibre à trouver entre l’exploitation du bois-énergie, du bois d’industrie et du bois d’œuvre, sont des sujets essentiels. Parti a été pris à un moment de tirer l’offre par la demande, ce qui fait le beau jeu des importations en provenance des autres pays européens ou plus lointains. Monsieur Peiro, qui m’avez demandé quelles seraient mes deux priorités, en voici une : travailler avec l’ensemble de la filière à mieux mobiliser nos ressources forestières nationales.

Je ne souhaite pas qu’on rouvre le débat, que l’on a eu très largement lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture, sur l’intervention de l’ONF dans les forêts privées. Je suis convaincu qu’on peut travailler en bonne intelligence et en bonne coordination, comme on l’a fait après la tempête Klaus avec les communes et les coopératives. Il n’y aura pas de problème si on réussit à instaurer des relations de confiance entre tous, chacun à sa place. A sa place, toute sa place, mais rien que sa place, l’ONF doit travailler avec les autres acteurs économiques, notamment les trois millions et demi de propriétaires forestiers privés qui possèdent les trois quarts de la forêt nationale. Il doit être un facilitateur pour la filière. Soyez en tout cas assurés que je prendrai ce dossier à bras-le-corps et que nous en discuterons avec les personnels et avec les acteurs concernés.

Les problèmes phytosanitaires apparus après le passage de la tempête Klaus dans le Sud-Ouest concernent au premier chef le ministère chargé de la forêt. Bruno Le Maire a indiqué aux propriétaires privés que l’État va débloquer dès à présent sept millions d’euros pour que soient broyés les bois des parcelles infestées ou pouvant l’être par le scolyte, de façon à endiguer la propagation de la maladie causée par cet insecte ravageur. Après qu’on a débloqué 134 millions d’euros pour aider au dégagement des arbres abattus, facilité l’octroi de 250 millions d’euros de prêts bonifiés pour les entreprises, prévu 450 millions d’euros pour la reconstitution des massifs sinistrés et mobilisé autant d’énergies, il serait vraiment dommage que tous ces efforts se trouvent réduits à néant du fait de ce redoutable parasite. Ce serait comme si après la tempête Xynthia, on avait aidé les agriculteurs à remettre en état leurs parcelles inondées sans parallèlement reconstruire les digues ! Soyez pleinement rassurés, madame Got et monsieur Martin : l’ONF prendra toutes ses responsabilités.

Madame Robin-Rodrigo, le développement des fermes photovoltaïques nous préoccupe. La loi de modernisation de l’agriculture pose certaines barrières. Il nous faut être très vigilant.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question des filiales de l’ONF. Si je suis nommé directeur général, je prêterai la plus grande attention à leur fonctionnement. Je m’en suis déjà entretenu avec l’ancien directeur général, Pierre-Olivier Drège. Tout en restant dans son rôle d’établissement public acteur majeur de la politique forestière nationale, l’ONF doit aussi savoir accompagner certaines initiatives privées. La forêt française a tout intérêt à ce que des entreprises et des acteurs privés puissants soient en mesure de prélever le bois, le transformer puis le vendre.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les conflits d’usage qui pouvaient se faire jour entre usagers de la forêt, notamment dans les forêts péri-urbaines où nos concitoyens ne comprennent pas toujours le pourquoi des coupes à blanc, comme l’a souligné Mme Poursinoff. Un dialogue renforcé et une meilleure information devraient permettre de résoudre ces conflits, et mieux, de les prévenir. Des choix sont toujours nécessaires : l’important est de bien les expliquer. Ce renforcement indispensable du dialogue serait ma deuxième priorité, monsieur Peiro.

Le dispositif RTM est un sujet majeur pour les élus de la montagne, vous avez raison, monsieur Brottes et madame Robin-Rodrigo. J’y ai été sensibilisé pour avoir travaillé avec le CEMAGREF dans le Sud-Est de la France et avoir fait ma thèse de doctorat à Grenoble. L’ONF doit continuer de jouer pleinement son rôle. Bruno Le Maire et Jean-Louis Borloo ont lancé une mission afin d’assurer la pérennité des actions RTM.

Monsieur Proriol, toutes les forêts domaniales et une grande partie des forêts communales sont déjà certifiées PEFC.

Un dernier mot sur Compiègne, monsieur Brottes. La décision de délocaliser le siège parisien de l’ONF à Compiègne, officialisée en mars dernier, avait déjà été prise depuis un certain temps. Il ne m’appartient pas de la commenter. Pour ce qui est de l’aliénation par l’ONF d’une parcelle lui appartenant au profit de la société des courses de Compiègne, il y a eu débat entre le ministère du budget et le ministère de l’agriculture. Un équilibre a pu être trouvé avec la garantie d’une reconstitution du potentiel forestier en dehors de l’hippodrome. Cela pose la question plus générale de la gestion à long terme des forêts domaniales, qui se trouve également posée après certaines restructurations militaires. De nombreuses communes font part de leur souhait de reprendre certaines zones forestières après la fermeture de certains sites. Il serait bon, me semble-t-il, de repréciser la doctrine. Je suis, comme vous, très attaché au respect de la lettre de la loi. Il faut une approche à la fois pragmatique, respectueuse du droit comme des enjeux à long terme, et permettant de trouver des équilibres territoriaux satisfaisants à la fois pour les élus locaux et pour l’État. C’est là encore par le dialogue qu’on y parviendra. Nous serons en tout cas très attentifs à l’avis des parlementaires.

Je vous prie de m’excuser si je n’ai pas répondu à toutes les questions qui m’ont été posées. Je tiens à vous redire combien notre échange a été intéressant pour moi. Vos observations me seront de la plus grande utilité si vous m’accordez votre confiance. Sachez que je serai en permanence à l’écoute des parlementaires et des élus locaux pour que nous relevions ensemble le triple défi économique, environnemental et sociétal de notre forêt.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie, monsieur Viné, de ces réponses précises et approfondies. Avant que nous ne procédions au vote, M. Brottes m’a demandé à intervenir.

M. François Brottes. Dans la procédure actuelle de consultation du Parlement sur la nomination de certains responsables d’établissements publics, la seule latitude qui lui est laissée est de s’opposer aux nominations proposées, à condition de réunir les voix de trois-cinquièmes des parlementaires en ce sens. Nous ne voterons pas contre la nomination de M. Viné à la tête de l’ONF parce que nous n’avons aucune réserve sur ses compétences pour occuper ces fonctions, mais nous nous abstiendrons pour marquer que beaucoup d’interrogations demeurent : application de la RGPP à l’ONF, climat social au sein de l’établissement, évolution de la gouvernance, voire du statut, de l’Office. Par cette abstention, nous signifions, monsieur, notre intérêt pour votre candidature mais aussi nos doutes quant à votre capacité d’agir librement. Nous craignons en effet que vous puissiez avoir à appliquer un projet qui vous serait imposé.

M. le président Patrick Ollier. Il ne m’appartient pas de commenter les intentions de vote de votre groupe, monsieur Brottes. Mais M. Viné eût été, me semble-t-il, davantage encouragé par un vote favorable de votre part sur sa nomination que par votre abstention.

M. Pascal Viné quitte la salle.

Il est procédé au vote sur sa nomination par appel nominal et à bulletin secret.

La séance est levée à 11 heures 15.

◊ ◊

Information relative à la commission

La commission a désigné M. Sébastien Huyghe rapporteur sur la proposition de loi visant à lutter contre les « marchands de sommeil » (n° 2597).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 10 novembre 2010 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Pierre Decool, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, M. Antoine Herth, M. Sébastien Huyghe, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Lenoir, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, Mme Josette Pons, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Gabriel Biancheri, M. Jean-Pierre Grand, M. Henri Jibrayel, M. Pierre Lasbordes, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, M. Kléber Mesquida, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, M. Hervé Gaymard, Mme Catherine Quéré, M. Max Roustan