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Commission des affaires économiques

Mardi 14 décembre 2010

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition de Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

La commission a auditionné Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

M. le président Serge Poignant. Nous recevons aujourd’hui Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), fonctions que vous occupez madame depuis le mois d’avril 2009.

La DGCCRF est une administration qui a une longue histoire depuis la création d’un service de la répression des fraudes, et qui est à la fois très bien perçue et appréciée du public pour son action au service des consommateurs, à l’encontre des contrefaçons, des abus de position dominantes et des produits dangereux. En période de crise économique votre action apparaît encore plus nécessaire pour permettre le fonctionnement vertueux de la concurrence en faveur des consommateurs et des entreprises.

Je rappelle que la loi de modernisation économique du 4 août 2008 a modifié les attributions de la DGCCRF en établissant une nouvelle répartition des compétences, notamment pour ce qui concerne le contrôle des concentrations, et une coopération renforcée avec l’autorité de la concurrence. Surtout, la réforme des services déconcentrés de l’Etat a conduit au rapprochement des services de la CCRF avec d’autres services de l’Etat. Ainsi, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) constituent désormais les services déconcentrés communs au ministère chargé de l’économie et au ministère chargé du travail. De même, à l’échelon départemental, les services de la CCRF sont-ils intégrés à des directions départementales interministérielles de la protection de la population (DDPP) ou de la cohésion sociale et de la protection de la population (DDCSPP).

Les rôles que sont amenés à jouer les préfets de région et les préfets de département ont pu susciter quelques inquiétudes sur la capacité des services de la CCRF à conserver une certaine autonomie de choix de ses contrôles. Mais je suis certain, Mme la Directrice, que vous pourrez rassurer la commission sur ce sujet et nous éclairer à cette occasion sur les options retenues dans le cadre de la Directive nationale d’orientation pour 2011.

Sur le plan organisationnel je souhaiterais savoir si les outils informatiques nécessaires ont été mis en place au sein des nouveaux services déconcentrés.

En matière de concurrence, pouvez vous nous faire un premier bilan de la mise en place des brigades LME qui ont été mises en place par Mme Christine Lagarde et M. Luc Châtel en juin 2009 et qui sont en charge de la vérification de la bonne application des nouvelles règles en matière de délais de paiement et de négociation commerciale ? Je pense tout particulièrement à la délicate question du déséquilibre significatif qui fait actuellement l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le conseil constitutionnel.

Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Je vous remercie M. le président de me donner l’occasion de présenter l’action de la DGCCRF devant votre commission. J’insisterai bien entendu sur la mise en application de la LME mais je souhaite également, comme vous m’y avez invité, revenir sur le contexte qui a beaucoup marqué la DGCCRF depuis deux ans qui concerne les relations avec l’Autorité de la concurrence et la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat.

En ce qui concerne tout d’abord les relations avec l’Autorité de la concurrence et la nouvelle répartition des compétences, le bilan que l’on peut dresser après 18 mois d’exercice est celui d’un équilibre entre les deux entités dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités. La coopération fonctionne d’autant mieux entre nous qu’une partie des agents de la DGCCRF, dont la rapporteure générale, a rejoint les services de l’Autorité de la concurrence et que, réciproquement, plusieurs rapporteurs ont rejoint nos services. Il existe donc des liens étroits entre nous. Pour illustrer cette proximité il convient de rappeler que la DGCCRF est présente, en qualité de commissaire du gouvernement, à l’ensemble des réunions de l’Autorité de la concurrence en matière de concentration et de pratiques anticoncurrentielles. Depuis la mise en œuvre de la réforme, ce sont toujours les services et les équipes territoriales de la DGCCRF qui collectent les indices de pratiques anticoncurrentielles qui font ensuite l’objet d’une remontée à l’échelon national et qui sont systématiquement transmis à l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a la possibilité de se saisir de ces dossiers et d’en approfondir la problématique ou de nous laisser prendre en charge les enquêtes. En pratique, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’environ un tiers des dossiers et sur les dossiers restants qui ont donné lieu à un rapport de la part de la DGCCRF, l’Autorité a de nouveau souhaité se charger des suites à donner dans un tiers des cas. Très logiquement l’Autorité se réserve le traitement des dossiers le plus conséquents et nous laisse traiter les affaires de portée locale, cette répartition des tâches permet une couverture très satisfaisante de l’ensemble des affaires.

En ce qui concerne maintenant la réforme territoriale des services de l’Etat, elle a conduit à créer des directions régionales et départementales interministérielles en regroupant les services CCRF avec ceux du travail à l’échelon régional et avec les services vétérinaires et de la cohésion sociale à l’échelon départemental. Cette réforme est encore jeune puisqu’elle n’est entrée en vigueur que depuis un an, les nouveaux directeurs ayant été nommés aux mois de novembre et décembre 2009. Pour assurer le pilotage de ces services la DGCCRF a élaboré comme chaque année une directive nationale d’orientation (DNO) qui fixe les grandes thématiques des actions de contrôle qu’il ait demandé aux services déconcentrés de mener au titre des politiques de la concurrence et de la consommation. A partir de ces orientations sont définies une série d’enquêtes confiées aux directions régionales, en particulier pour ce qui concerne les relations inter entreprises et les politiques de concurrence, et aux directions départementales pour ce qui concerne les relations entre les consommateurs et les entreprises ainsi que les politiques de consommation. Cette directive nationale d’orientation pour 2010 s’est traduite par un peu plus de 200 enquêtes. On peut relever qu’en dépit des contraintes liées à la mise en place de ces nouvelles entités en matière d’informatique et de locaux notamment, les services se sont mobilisés pour parvenir, surtout à compter du deuxième semestre, à un résultat comparable aux exercices précédents. Certaines imperfections demeurent en ce qui concerne les outils informatiques mais elles seront corrigées très rapidement.

S’agissant de la question, qui a été soulevé par différents intervenants, des rapports avec les préfets qui sont les patrons des services régionaux et départementaux, il apparaît que les interrogations théoriques ont laissé place à une situation satisfaisante dans la pratique. Les préfets ont été consultés lors de l’élaboration de la directive nationale d’orientation pour 2010 afin de les associer à la définition des grandes lignes de cette directive. Il est intéressant de noter que plusieurs d’entre eux ont fait des propositions d’inscription de thèmes et que cette tendance s’est trouvé amplifier pour la préparation de la directive pour 2011. Cela témoigne de l’intérêt qu’ils portent à cette procédure et de leur adhésion à cette logique de programmation. Celle-ci conduit à déterminer environ les 2/3 de l’activité des services, la part restante relevant des initiatives déconcentrées en lien avec les spécificités locales. Cet équilibre permet la coexistence d’actions d’envergure nationale et la prise en compte des réalités locales.

Les « brigades LME » ont été créées, je le rappelle, en juin 2009 ; elles ont depuis été renforcées sur le terrain (passant de 80 à 120 ETPT) afin de s’assurer de l’application effective de la LME. On a par ailleurs désigné un chef de file par région et par département afin qu’ils puissent être de vrais interlocuteurs de proximité, interface entre l’administration centrale et les PME. C’est un soutien technique qui prend une importance croissante. Sur l’année 2009, les brigades ont ainsi établi plus de 300 fiches (qui sont autant des demandes d’action que d’explication) qui donnent ensuite lieu à enquêtes. Dans ce cadre, la DGCCRF mène, depuis quelque temps déjà, deux grandes enquêtes au plan national qui concernent respectivement les délais de paiement ainsi que les relations entre la grande distribution et leurs fournisseurs, en sus des enquêtes particulières pouvant être conduites sur tel ou tel point. Pour l’année 2011, ces deux enquêtes nationales sont reconduites et une autre enquête nationale va être diligentée sur les relations qui existent dans certains secteurs (plus spécifiquement le bâtiment, l’automobile et l’aéronautique) entre donneurs d’ordres et sous-traitants, dans la droite ligne du rapport que le Médiateur aux relations inter-entreprises industrielles, M. Jean-Claude Volot, a rendu il y a quelques mois.

M. Sylvain Leclerc, chargé du bureau des affaires juridiques et des pratiques restrictives de concurrence. Si l’on examine le nombre de contentieux depuis 2001, année où la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) a été adoptée, on constate une hausse continue du contentieux civil (relatif notamment à la fausse coopération commerciale), notamment depuis 2005. Ainsi, en 2005, les tribunaux de commerce ont rendu 16 décisions sur ce point, 21 décisions en 2006, 29 en 2007, 34 en 2008 et 28 en 2009. Quant aux amendes prononcées, elles représentent un montant cumulé de 300 000 euros en 2005 pour atteindre 1,5 millions en 2008 et 4,5 millions en 2009. On constate également un nombre croissant de demandes en restitution d’indu : actuellement, cela concerne une somme globale de 76 millions d’euros en cours de traitement, auxquels il faut ajouter 23 millions effectivement rendus.

On constate également une augmentation du contentieux pénal : en 2009, 377 procès-verbaux ont ainsi été établis dont 157 ont aujourd’hui abouti, ce qui représente un montant cumulé d’amendes de plus d’un million d’euros.

Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Sur un autre sujet, je rappelle que la question prioritaire de constitutionnalité relative au « déséquilibre significatif » a fait l’objet d’une audition ce matin même devant le Conseil constitutionnel. On attend maintenant sa réponse définitive, d’ici un mois, pour savoir ce qu’il adviendra de cette notion qui a pour nous l’avantage d’être assez large et de couvrir ainsi un champ de pratiques relativement important.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie Madame la directrice et je passe maintenant la parole aux représentants des groupes.

M. Jean Gaubert. Je vous remercie pour cet exposé mais je souligne immédiatement que, depuis que je siège dans cette commission (cela fait treize ans), on entend les mêmes réponses : lorsqu’on pose à un directeur d’administration centrale, la question de savoir comment leur administration fonctionne, on entend invariablement la même réponse selon laquelle elle fonctionne bien…

Sur les moyens dévolus à la DGCCRF, j’aurais souhaité savoir combien d’agents rémunère votre direction et combien d’agents sont effectivement à son service ? C’est une question importante car les tâches dévolues aux uns et aux autres ne sont pas toujours clairement définies sur le terrain…

J’aurais également aimé avoir votre point de vue sur le rôle du préfet dans le cadre de la nouvelle organisation de la DGCCRF ; vos agents n’ont-ils pas parfois le sentiment que l’autorité préfectorale freine quelque peu leurs investigations ?

Sur les principes, je souhaite aborder le débat sur le point de savoir si la concurrence doit être considérée comme un moyen ou comme une fin en soi. Je constate en effet que l’on ne parle pas de « concurrence globale » : lorsque vous effectuez un contrôle, prenez-vous également en considération les effets sociaux, environnementaux, dans le temps… des pratiques anticoncurrentielles que vous pouvez être conduits à déceler ? De même, pour la concurrence déloyale, prenez-vous en compte l’ensemble des aspects induits ?

Les brigades LME sont-elles davantage saisies par les plaignants au fil du temps ? En effet, on sait qu’une des difficultés actuelles réside dans le fait que les personnes subissant les pratiques anticoncurrentielles hésitent à saisir la DGCCRF en raison d’une véritable peur des représailles.

Enfin, en ce qui concerne le contentieux civil, les condamnations prononcées sont-elles suffisamment dissuasives ? En d’autres termes, les comportements visés continuent-ils ou prennent-ils fin une fois les peines prononcées ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Je vous remercie également, madame la directrice générale, pour votre exposé qui montre que vous êtes désormais en phase opérationnelle après vous être réorganisés dans le cadre de la RGPP. On sait que vous êtes le gendarme des bonnes pratiques en matière de consommation et de concurrence, et ce de façon quotidienne comme vient encore de le monter votre action à l’égard des tapis-puzzle pour enfants. Vous avez renforcé le rôle des brigades LME et on ne peut que se féliciter des orientations ainsi suivies, à commencer par la prolongation des préconisations du rapport Volot. J’aurais trois questions à vous poser.

Tout d’abord, sur les soldes flottants, quels dispositifs particuliers comptez-vous prendre pour garantir leur véritable nature ?

Quelles garanties pouvez-vous également donner pour que les auto-entrepreneurs n’entraînent pas une concurrence déloyale à l’égard des autres acteurs économiques ?

Enfin, avez-vous mis en place des curseurs pour mieux définir le rôle de Google dans le secteur de la publicité ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaiterais avoir votre avis sur l’urbanisme commercial. Le Parlement travaille sur ce sujet depuis quelques mois mais, à votre avis, peut-on réguler ainsi la demande ou s’oriente-t-on vers une régulation plus large ?

Sur vos relations avec l’Autorité de la concurrence, vous avez indiqué que celle-ci traitait les contentieux les plus importants et que vous traitiez quant à vous ceux de plus petite ampleur : comment cette répartition s’est-elle effectuée et pour quelle raison ?

Quant au contentieux proprement dit, je suis très surpris par le faible nombre d’amendes que la DGCCRF a prononcées en 2009 (seulement 28 !) au regard du nombre de problèmes et d’infractions commises. Pourquoi y en a-t-il si peu ? Par ailleurs, je suis également surpris de leur faible montant (seulement 4,5 millions d’euros pour 28 amendes, soit une moyenne de 160 000 euros par sanction) même si celui-ci a augmenté : comment expliquez-vous cette évolution ?

M. Lionel Tardy. J’ai plusieurs questions à poser sur la téléprocédure, sur la dématérialisation et sur la présence sur internet et les réseaux sociaux. Où en est-on de la dématérialisation et des téléprocédures à la DGCCRF ? Quels sont les grandes orientations et les grands chantiers à venir en la matière ? Le site de la DGCCRF est certes riche et intéressant mais vous savez que sur Internet, il faut aller vers le consommateur et attirer son attention pour que l’information utile lui parvienne. C’est notamment nécessaire pour les rappels de produits et les alertes de sécurité. La mise en place d’une politique de présence de la DGCCRF sur internet et sur les réseaux sociaux est-elle prévue ? Un compte Twitter existe pour l’ensemble des services de Bercy : si oui, vous donne-t-il satisfaction ?

M. François Brottes. Quel regard portez-vous sur les contraintes qui s’imposent en termes de développement durable. Par exemple, dans la construction bois, celle de s’approvisionner en  bois local, ou pour maintenir une agriculture locale, celle d’approvisionner nos cantines avec de la production locale, ou encore celle des clauses d’insertion. Cela est parfois contradictoire avec des règles de concurrence libre et non faussée. Les agents de votre administration sont parfois enclins à la sévérité à l’égard de toute disposition favorable à des mesures de développement durable. Le législateur doit-il ou peut-il faire des aménagements législatifs pour introduire des contraintes qui nous sont chères ? C’est en effet la seule manière de maintenir ici une filière bois de proximité, là une paysannerie de proximité.

M. Francis Saint-Léger. Votre administration a connu un certain nombre de mutations et diverses missions ont été régionalisées. Si j’ai bien compris, au niveau départemental, vos services ont rejoint les services vétérinaires et les services de la cohésion sociale. Qu’en est-il de votre action au service des collectivités territoriales, en particulier pour les plus petites ? Pour ces dernières, vos missions de conseil ont toujours été importantes, appréciées et utiles. Assurez-vous toujours ces missions de proximité ? Si oui, dans quelles conditions et avec quels moyens ?

Mme Frédérique Massat. Les personnels nous ont fait part de leur malaise par rapport à la réforme territoriale, notamment en ce qui concerne les mutations forcées, certes dans un même territoire mais dans des services différents, ce qui entraîne une déperdition des savoirs et un manque de réactivité. La réorganisation du système informatique provoque un manque d’efficacité. L’ensemble de ces éléments engendre des souffrances au travail aux conséquences parfois dramatiques. Ces dysfonctionnements ont également des conséquences pour les consommateurs qui ne savent plus trop où trouver vos services. Les associations de consommateurs s’interrogent quant à l’efficacité de cette réforme. Dans le département de l’Ariège, il y avait auparavant 12 agents. Désormais, il n’y en a plus que 7, dont 5 qui sont effectivement sur le terrain. Peut-on correctement exercer sa mission avec cinq personnes ? La ministre de l’économie vous a confié une mission relative à la baisse à 5,5 % de la TVA dans la restauration : où en êtes-vous de vos contrôles ? Le Made in France nous a été présenté ici même par l’ancien ministre de l’Industrie : pourriez-vous expliquer la différence qui existe entre votre analyse de cette thématique et celle des douanes ? Comment cela va-t-il être mis en œuvre ? On évoque en effet la possibilité de légiférer en la matière.

La présence de formamide dans les tapis de jeu d’éveil pour les enfants a conduit à ordonner la suspension de leur commercialisation. Comment allez-vous procéder quant au contrôle et à la suspension effective de la commercialisation de ce produit ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Du point de vue de l’entreprise, on a l’impression que vos services suivent tout particulièrement la question des délais de paiement au transporteur : ne s’agit-il que d’une impression ou portez-vous effectivement une attention spécifique au suivi de cette filière ?

M. Jean-René Marsac. En matière de contrôle des concentrations et de lutte contre les positions dominantes, vous avez précisé que vous travaillez à partir d’indices : quels sont-ils ? Comment les procédures d’alerte fonctionnent-elles ? Quelles sont vos sources d’information ? Avez-vous une vision complète et réelle de ces phénomènes ? Quelles sont les suites données aux enquêtes en la matière ? Les procédures sont-elles adaptées pour lutter contre ces phénomènes ? Est-on dans la bonne dimension pour les contrôler ?

M. Michel Piron. Je souhaiterais vous interroger quant à vos moyens d’investigation et sur votre capacité à les mettre en œuvre dans deux domaines. Le premier est celui de l’offre commerciale : quels sont vos moyens pour en assurer le suivi qualitatif, et non seulement quantitatif ? De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de prix ? Le deuxième point a déjà été évoqué lors du débat sur l’urbanisme commercial : on voit bien comment un prix facial peut ne pas du tout correspondre au coût final. Faites-vous cette distinction dans le cadre de l’exercice de vos missions ? L’évaluation de ce coût final fait-elle partie de vos missions ? Quand, dans le cadre de l’urbanisme commercial, on essaye de revitaliser ou de favoriser les implantations de préférences dans les centralités urbaines, dans les centres de quartier ou au cœur des bourgs plutôt qu’en périphérie, on sait qu’on va engendrer des surcoûts d’installation mais, en même temps, des économies considérables pour le consommateur final qui va pouvoir trouver à proximité ce qu’il est obligé d’aller chercher, non seulement en périphérie mais parfois fort loin, au prix de déplacements parfois très coûteux. En d’autres termes, le coût de la marchandise achetée n’est pas le même pour le consommateur lorsqu’on y ajoute le coût des transports. Cette approche fait-elle partie de vos modèles de comparaison ou vous paraît-elle incongrue au regard d’une simple concurrence libre, sauvage et – de préférence – sommaire ?

M. Michel Lefait. Après une période de relative retenue, l’opérateur Google numérise et commercialise à nouveau, au mépris de toute autorisation et du droit des auteurs ou de leurs ayants droit, des ouvrages du patrimoine écrit européen non encore tombés dans le domaine public. Que comptez-vous proposer pour mettre un terme à cette forme de piratage et de spoliation de la propriété intellectuelle ?

M. Daniel Fasquelle. L’autorité de la concurrence a constaté dans un rapport récent qu’il y avait une trop grande concentration dans le domaine de la grande distribution et, par conséquent, une grande puissance d’achat excessive. Comment y mettre fin ? Les centrales se trouvent en face d’une multiplicité de producteurs. On en a débattu dans le cadre de la LMA et à Bruxelles la semaine dernière. Il est nécessaire que le droit de la concurrence évolue pour permettre aux producteurs, en particulier agricoles, de se rassembler pour être plus puissants dans les négociations à l’égard de la grande distribution. Le droit français pourrait évoluer indépendamment du droit européen pour l’éclairer ou en provoquer l’évolution. Qu’en pensez-vous ? Comment faire pour que les règles applicables aux pratiques commerciales soient enfin respectées par la grande distribution ?

Mme Jacqueline Maquet. Concernant les contrats des gestionnaires de terrain et des propriétaires de mobile-homes. On peut trouver dans ces contrats des clauses mais aussi des pratiques abusives à l’avantage des gestionnaires portant sur le non-renouvellement, l’augmentation disproportionnée des prix d’une année sur l’autre, l’obligation de changer de mobile-home, des clauses de revente avec obligation de contractualiser le mandat de vente et une commission forfaitaire pouvant aller jusqu’à 6000 euros. Ces contrats frappent trop souvent une population captive qui n’a pas forcément de grands moyens financiers. Le rapport Léonard-Got préconise 5 clauses à faire figurer à l’avenir  dans tous les contrats: quand ces clauses pourront-elles figurer dans tous les nouveaux contrats ? Quelles mesures contraignantes pouvez-vous mettre en œuvre ? Malgré la charte de transparence adoptée en 2008 par la Fédération, il reste encore beaucoup trop de problèmes et d’anomalies.

M. Bernard Gérard. Je m’intéresse à l’e-commerce et à la vente à distance car je viens d’une région du Nord, particulièrement concernée par ce problème. Lorsque l’on rentre dans un magasin ordinaire pour acheter, par exemple, un vêtement, la durée de vie d’un produit est celle de sa visibilité. Comment interprétez-vous une page web ? Quand on présente un produit sur le web, hors promotion, faut-il mettre une durée de validité, comme on doit le faire dans un catalogue ? Ou considérez-vous que lorsque l’on ne voit plus un produit sur le web, cela signifie qu’il n’y en a plus, auquel cas on n’est pas obligé d’indiquer une durée de validité. Les DDCCRF n’ont pas toutes la même opinion sur le sujet. Cela interpelle, étant donné le développement de l’e-commerce.

Mme Marie-Lou Marcel. Vous avez évoqué la réorganisation de la DGCCRF en application de la RGPP : cette réorganisation a créé des incompréhensions et des tensions entre les agents et les syndicats qui les représentent, d’une part, et leur direction d’autre part. Cette réorganisation se traduit par le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et donc par une baisse des effectifs de 6 % et à une baisse des crédits de 5 %. Un audit a été réalisé dans six départements-tests afin de mesurer l’efficacité de cette réforme. A cette occasion, bon nombre d’associations de consommateurs s’inquiètent du risque de moindre efficacité des actions de la DGCCRF. Qu’en pensez-vous ?

Comme chaque année, votre direction renforce ses contrôles face à l’augmentation des consommations des produits alimentaires et manufacturés durant les fêtes de fin d’année. Selon un communiqué de vos services, en date du 6 décembre, vous allez notamment vous attacher à vérifier que les différentes enseignes respectent les règles d’hygiène, de sécurité et de qualité des produits aujourd’hui en vigueur. En 2009, lors de la même opération, vous aviez contrôlé plus de 17 000 enseignes. Pourriez-vous nous donner les tendances de fond en matière de non respect des règles, notamment pour les fêtes de fin d’année.

M. Frédéric Lefebvre vous a sollicitée pour contrôler la toxicité des tapis de jeu d’éveil, à quel moment la DGCCRF rendra-t-elle ses conclusions ?

M. François Loos. Lorsqu’on parle de concurrence, on pense souvent à la situation européenne. Comment vos fonctions sont-elles exercées au niveau européen ? Y a-t-il un modèle européen de DGCCRF ? Tout le monde est-il au même niveau d’exigences en matière de concurrence et de répression des fraudes ? Les types d’organisation sont-ils comparables ?

Etant donné la multiplicité de vos missions et la diversité des questions qui sont posées, comment fixez-vous les priorités de votre action ? Manifestement, vous ne disposez pas d’effectifs suffisants pour faire tout ce qu’il y a à faire.

M. Jean Grellier. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) a introduit la notion de contractualisation. Cette contractualisation doit être mise en place entre les producteurs et les transformateurs, en fonction des accords qui pourront être obtenus au sein des filières et/ ou des interprofessions. C’est une nouvelle démarche dans le secteur agricole et dans le secteur agro-alimentaire (sauf peut-être dans le secteur coopératif), qui est loin de faire l’unanimité, en raison de l’organisation des filières et d’un manque de lisibilité. En effet, les décrets sont en cours de négociation. La DGCCRF jouera-t-elle un rôle dans la mise en œuvre, le contrôle et l’application de cette contractualisation ? De quelle manière et, le cas échéant, avec quels moyens ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Nous avons débattu d’une proposition de loi sur la vente à distance qui mettait très largement à contribution la DGCCRF : ce texte est actuellement au Sénat. Allez-vous le soutenir ?

M. le président Serge Poignant. Quels sont vos rapports avec les médiateurs sectoriels et la toute nouvelle commission de médiation de la consommation ?

Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Je vais tenter de répondre à vos questions par grandes thématiques. Je solliciterai également l’appui de Sylvain Leclerc au sujet de certains sujets. Je vous prie par avance d’excuser tout oubli, qui ne serait en aucun cas volontaire.

Je débuterai, monsieur le président, par la question de la médiation que vous venez d’évoquer. Il s’agissait d’un thème particulièrement cher à Hervé Novelli. Pour cette raison, lors des Assises de la consommation, en octobre 2009, il avait fortement incité les professionnels à suivre la voie de la médiation. Certains secteurs disposaient déjà de dispositifs adéquats. La réforme de l’Institut national de la consommation et des commissions de médiation qu’il a souhaité mettre en place prévoit ainsi une commission de la médiation exclusivement dédiée à la consommation. Sa mission n’est pas de mener des actions de médiation, mais de procéder à des évaluations des dispositifs existants, de recenser les bonnes pratiques en matière de médiation et éventuellement de contribuer à mettre fin à celles qui ne paraîtraient pas satisfaisantes. Elle a été créée par des dispositions législatives et réglementaires, et, si ses travaux débuteront réellement l’an prochain, une réflexion concernant ses modes d’action a déjà été entamée. Par ailleurs, en complément de cette commission chargée de superviser les dispositifs de médiation, Hervé Novelli a souhaité que les professionnels mettent en place des dispositifs de médiation dans les secteurs qui en étaient dépourvus, comme celui du tourisme et du voyage. L’objectif est qu’en 2012, tous les secteurs de la consommation disposent d’un dispositif de médiation, sectorielle ou par entreprise. Nous avons d’ores et déjà prévu plusieurs rendez-vous à la fin de l’année 2011 et en 2012, afin de dresser les premiers bilans. Nous travaillons déjà avec les structures de médiations existantes, par exemple dans le secteur de l’énergie ou celui des télécoms, afin d’échanger sur les techniques de médiation et l’évolution de la nature des litiges. Nous avons bien évidemment nos propres critères afin de cibler nos enquêtes sur certains secteurs ou opérateurs.

J’en viens à présent aux questions concernant la réforme territoriale. Vous avez été nombreux à m’interroger sur ce point. M. Jean Gaubert m’a notamment interpellé au sujet du rôle du préfet, au-delà de sa contribution à l’identification des priorités de la directive nationale d’orientation (DNO). Vous avez évoqué l’inquiétude de certains, qui craignent que le préfet soit un frein au cours des opérations d’investigation.

En ce qui me concerne, je n’ai pas constaté la moindre difficulté au cours des douze derniers mois. Nous avons des relations régulières avec les préfets de région ou de département, afin de leur expliquer les raisons du déclenchement de certaines enquêtes et de faciliter le travail au quotidien. De plus, j’ai demandé aux directions départementales de m’avertir de toute difficulté constatée, et ce afin d’assurer la fluidité du travail sur le terrain.

S’agissant de nos moyens, je dois rendre des comptes au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi concernant l’utilisation des ressources que le Parlement nous attribue. Je ne souhaite pas qu’elles soient utilisées pour d’autres missions que celles dont nous avons la charge. Jusqu’à présent, nous utilisions un dispositif informatique spécifique afin de suivre l’activité de nos services. Nous sommes toujours très vigilants à ce sujet. Néanmoins, nous travaillons également de concert avec le ministère de l’agriculture, et en particulier la direction générale de l’alimentation, afin que nos agents respectifs au sein des directions départementales rendent compte de leur activité sur l’outil informatique relevant du donneur d’ordre. Ainsi, si un agent des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF) travaille sur une mission « agriculture », il rend compte de son activité sur l’outil « agriculture », et inversement. Cette coopération permet de disposer d’une certaine traçabilité de l’activité de nos agents et de voir si une synergie se développe entre nos services. Les deux ministères partagent ainsi une approche cohérente au service de la transparence.

Permettez-moi à présent d’évoquer la perception de la réforme, sujet qui a suscité lui aussi de nombreuses questions. Mme Massat m’a interrogée sur le périmètre d’action des directions départementales et le rapprochement des services. Cette thématique n’est pas propre aux services CCRF, mais concerne également d’autres ministères. Nous avons expliqué à nos équipes les grandes lignes de la réforme, à savoir une meilleure lisibilité de l’action publique et de son organisation. Nos efforts de pédagogie ont vraisemblablement été insuffisants puisque la compréhension de la réforme a pris du temps.

Je voudrais vous rassurer : il n’y a eu aucune mutation forcée. Il s’agissait d’un engagement écrit de Christine Lagarde vis-à-vis des agents CCRF. Nous l’avons respecté. Ainsi, 95 % de nos agents travaillent sur les mêmes missions, exercées au même endroit. Certes, quelques agents CCRF ont dû choisir entre le lieu de leur résidence personnelle et le contenu de leur mission, mais nous avons tenu compte des situations individuelles. De plus, nous avons mis en place une cellule d’accompagnement des cadres au niveau national. En effet, du fait du resserrement des équipes d’encadrement, certains cadres n’ont pas trouvé de missions les satisfaisant.

Le système informatique ne fonctionne pas encore de manière optimale. Nos outils de reporting et de gestion ainsi que les sites intranet fonctionnent, mais il existe un problème d’interconnexion entre les différents supports. Je reconnais un petit retard à ce sujet.

Concernant la souffrance au travail, nous prêtons une attention particulière aux situations que nous signalent les équipes dirigeantes ou les organisations syndicales. Aucune comparaison avec d’autres situations médiatisées ne serait pertinente, même si, comme dans les autres administrations, nous contribuons à l’effort de réduction budgétaire de l’Etat. Nous suivons la tendance du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette situation, évidemment, est source de quelques difficultés. A propos du département de l’Ariège, je reconnais que dans certains départements, des réductions d’effectifs ont eu lieu. En conséquence, en 2011, nous ajusterons les thématiques d’enquête aux ressources disponibles.

Concernant nos priorités d’action, la DNO définit trois modalités d’actions. Premièrement, il s’agit de nos obligations vis-à-vis de la Commission européenne. Nous avons en effet une mission de surveillance des marchés qui implique quelques missions, comme des plans de surveillance et des plans de contrôle.

Deuxièmement, nous devons opérer un suivi de la mise en application de la loi de modernisation de l’économie (LME). Cela concerne les brigades LME et la recherche des pratiques anticoncurrentielles par les services départementaux. Ces dernières sont identifiées au travers d’enquêtes spécifiques ou par nos équipes de terrains. Ainsi, nos 2 600 agents, quelle que soit leur mission, sont chargés de détecter les pratiques anticoncurrentielles. Par la suite, si les indices sont suffisamment importants, soit nous menons des enquêtes en interne, soit nous déléguons ces affaires à l’Autorité de la concurrence. En effet, il y a un partage des compétences qui découle de textes législatifs. La DGCCRF prend en charge les enquêtes de niveau local tandis que l’Autorité de la concurrence instruit les enquêtes nationales.

Troisièmement, nous veillons au respect de la qualité, de la sécurité et de la loyauté à l’égard du consommateur. Ainsi, nos thématiques d’enquête varient selon deux types d’éléments. D’une part selon les évolutions réglementaires ou législatives. Ce sera ainsi le cas l’an prochain du crédit à la consommation suite à la réforme votée cette année. D’autres part selon les réclamations des consommateurs. Depuis 2007, nous avons mis en place une base de données, le « baromètre des réclamations » ; qui recense près de 100 000 plaintes par an. Cette base de données n’est pas un outil statistique, mais permet de classer les litiges par secteur et type de pratique. A titre d’exemple, à la suite de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie, nous avons reçu un grand nombre de réclamations concernant les pratiques de démarchages des opérateurs. Les services à domicile, et notamment le prix des réparations du matériel électroménager, est également l’un des sujets les plus litigieux qui nous est signalé.

J’en viens maintenant aux questions relatives à la concurrence. A nos yeux, la politique de concurrence se conçoit pour le bénéficie final du consommateur, qu’il s’agisse d’un bénéfice direct ou indirect. Dès lors, nous essayons de ne pas adopter de position dogmatique. En revanche, concernant le respect du droit de la concurrence, notre approche est différente si nous constatons des pratiques illégales de certains opérateurs, comme des cas d’entente par exemple. Dans ce cas, il est important de ne pas transiger. De manière plus concrète, au sujet du développement durable et de la protection des produits locaux, alimentaires ou non, nous sommes, je tiens à le rappeler, sous le regard permanent de la Commission européenne, dont l’approche des politiques de concurrence peut être qualifiée de « puriste ». Le législateur a essayé de favoriser certains produits, notamment par le biais des circuits courts. Permettez-moi de souligner deux éléments. D’abord, il me semble important de ne pas prêter le flanc à la critique communautaire dès la rédaction des textes. Ensuite, il est selon moi possible de favoriser certains produits par le biais des appels d’offre. Je pense notamment à la restauration scolaire. Même si des limites existent, la rédaction des cahiers des charges  - en introduisant certains éléments comme des critères de qualité ou la consommation de produits de saison -  pourrait selon moi satisfaire vos objectifs.

En ce qui concerne le chantier de l’application de la LMAP, deux projets de décret relatifs à la contractualisation portant respectivement sur le lait et les fruits et légumes ont été récemment examinés par l’Autorité de la concurrence et vont désormais passer devant le Conseil d’Etat. Nous sommes bien conscients que la contractualisation n’est pas toujours perçue avec beaucoup d’enthousiasme par un certain nombre de professions du secteur agricole qui peuvent douter de son efficacité à résoudre leurs difficultés. La loi prévoit une obligation de proposer un contrat à la charge de l’acheteur et c’est, le cas échéant, le défaut de proposition en ce sens qui pourra être sanctionné par les services de la concurrence.

La DGCCRF a participé à l’élaboration de ces textes avec le ministère de l’agriculture et attend désormais leur mise en application. Sur le fond, je pense que tout ce qui peut renforcer la puissance de vente des producteurs va dans le bon sens même si cela n’est pas de nature à résoudre tous les problèmes. La contractualisation peut être un élément de visibilité, notamment dans un contexte ou le devenir des quotas n’est pas arrêté, mais il est prématuré d’y voir une panacée à l’ensemble des difficultés du monde agricole.

Pour répondre à la question relative à nos homologues européens, on peut schématiquement distinguer trois types d’organisation. Le premier correspond aux cas où les organes en charge de la répression des concentrations et des pratiques anticoncurrentielles sont également en charge des questions de consommation, le second où il s’agit d’autorités distinctes comme c’est le cas dans notre pays et enfin les cas dans lesquels des rapprochements sont en cours. Les autorités n’ont donc pas toujours le même périmètre de compétence et le secteur qui connaît la plus grande harmonisation est celui de la lutte contre les concentrations et les pratiques anticoncurrentielles qui sont le plus souvent confiées à des autorités indépendantes vis-à-vis de l’administration.

M. Sylvain Leclerc, chargé du bureau des affaires juridiques et des pratiques restrictives de concurrence. Je répondrai aux questions relatives à la répression des pratiques restrictives de concurrence. En ce qui concerne tout d’abord la capacité des brigades LME à recevoir des plaintes de la part des fournisseurs, nous sommes tout a fait d’accord avec M. Jean Gaubert quand il indique que ceux-ci ne portent pas plainte par peur de mesures de rétorsion économique. On constate qu’ils ne portent pas plainte même s’ils sont déréférencés par l’acheteur car ils conservent l’espoir de revenir dans la négociation commerciale. Pour autant, nous observons un accroissement des plaintes reçues par la DGCCRF en lien avec leur anonymisation. Ce type de plainte donne lieu à une enquête générale dans le secteur d’activité concerné sans qu’apparaisse le nom du plaignant. La DGCCRF exerçant une mission de police économique il lui est en effet possible de protéger ses sources.

J’illustrerai la question de savoir si le contentieux civil est suffisamment dissuasif pour endiguer les pratiques anticoncurrentielles par l’exemple de la fausse coopération commerciale. Il a en effet suffi de quelques condamnations pour faire chuter durablement le taux de ces pratiques de 35 à 11 ou 12%, en excluant de ce décompte le phénomène des marge arrières qui ne sont pas interdites en elles mêmes et peuvent constituer un outil de travail efficace entre le fournisseur et le distributeur. Pour revenir sur une remarque de M. Dionis du Séjour quant au faible nombre de condamnations, je dirai qu’il suffit souvent de quelques décisions emblématiques pour modifier le comportement des acteurs. Ainsi dans l’exemple précitée de la coopération commerciale, quelques condamnations de distributeurs pour l’encaissement de marges indues, à hauteur de 76 millions d’euros dans un premier cas et de 23 millions d’euros dans un autre, ont permis de signifier aux distributeurs que nous disposions de l’arsenal juridique pertinent pour sanctionner de telles pratiques et ont eu un effet dissuasif incontestable. L’augmentation sensible du montant des amendes prononcées en matière de fausse coopération commerciale s’explique par la stabilité du texte de référence, issu de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qui a permis l’élaboration d’une jurisprudence efficace. On peut penser que la notion de déséquilibre significatif pourrait jouer un rôle important pour lutter contre la fausse coopération commerciale si elle franchit le cap du conseil constitutionnel et donne lieu par la suite à des développements jurisprudentiels. Il existe un temps judiciaire incompressible pour juger de l’adaptation d’une mesure juridique et la stabilité du texte est nécessaire à la réussite de ce processus.

Le secteur des transports ne fait pas l’objet d’une attention particulière pour le contrôle de l’application des délais de paiement mais il s’agit d’un régime dérogatoire puisque les délais de paiement sont plafonnés à 30 jours et que les sanctions sont de nature pénale et non pas civile.

J’en viens à la question fondamentale de la concentration de la grande distribution qui se trouve au cœur du sujet puisque notre intervention consiste à combattre les effets d’un rapport déséquilibré et que ce combat à toutes les chances d’être sans fin si l’on ne s’attaque pas au rapport lui-même. La situation se caractérise par l’existence d’un oligopsone puisque se trouvent face à face, d’un côté, des milliers de fournisseurs et, de l’autre, 6 ou 7 grandes centrales d’achat. Deux pistes sont envisageables pour améliorer la situation, la première qui a commence à être exploré par la loi LME, vise à introduire davantage de concurrence en amont en renforçant la négociabilité entre fournisseurs et distributeurs et en aval en agissant sur l’urbanisme commercial. L’idée étant que la capacité de négociation d’un fournisseur se trouvera renforcée si il se trouve face à une vingtaine de clients et non pas 6 ou 7 comme c’est le cas actuellement.

L’autre voie, complémentaire de la précédente, consiste à favoriser la concentration de l’offre en opérant le regroupement des producteurs au sein d’associations qui sont autorisées par Bruxelles. Cette tendance commence à se concrétiser dans la pratique mais se heurte à l’extrême hétérogénéité des fournisseurs qui peuvent aussi bien être de petites PME que des marques d’envergure nationale dont les intérêts peuvent évidemment diverger.

Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Pour répondre à M. Tardy, j’indique que nous sommes peu concernés par la question de la dématérialisation des procédures puisque nous ne sommes pas gestionnaires de procédures et que les enquêtes que nous menons débouchent soit sur des suites individuelles ou dans un secteur d’activité via les organisations professionnelles, soit sur des modifications des textes réglementaires ou des propositions de modification des textes législatifs. Les rappels de produits relèvent au premier chef de la responsabilité des fournisseurs en cas de danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs. La DGCCRF peut également intervenir en cas d’inertie des fournisseurs et elle met l’ensemble de ces informations à la disposition du public sur son site Internet. Elle peut, dans des cas particulièrement dangereux pour les consommateurs, relayer ces informations auprès de la presse. La DGCCRF ne dispose en revanche pas à ce jour de compte Twitter.

Le retrait du marché des tapis puzzle destinés aux jeunes enfants découle d’une initiative du ministre belge de la consommation qui a pris cette décision au vu des résultats d’analyses effectuées à Gand qui ont révélé la présence d’un certain nombre de substances à risque, dont le formamide qui est toxique pour la reproduction. Compte tenu des éléments qui nous ont été transmis par nos homologues belges, M. Frédéric Lefebvre a décidé de suspendre pour une durée de trois mois la commercialisation de ces tapis. Cette période doit permettre à la DGCCRF de réaliser ses propres analyses et de faire le point avec l’agence de sécurité sanitaire sur les éventuels autres produits contenant du formamide. L’ensemble de ces éléments conduira la DGCCRF à préconiser une solution plus pérenne pour les produits contenant cette substance. Concrètement le ministre a pris un arrêté hier pour suspendre la commercialisation des tapis puzzle et nous allons missionner nos équipes locales afin qu’elles aillent contrôler sur le terrain la bonne application de cette mesure.

Le caractère très évolutif de la consommation est à l’origine d’un travail en vue de la réalisation d’une nouvelle directive européenne pour la protection des consommateurs. Le projet d’origine, présenté en 2008, prévoyait une harmonisation maximale qui ne laissait aucune souplesse aux états membres pour aller éventuellement au-delà du niveau de protection communautaire, ni pour étendre le champ de la protection à de nouveaux secteurs émergents. Un compromis est en voie d’être trouvé sous l’égide de la présidence belge pour évoluer vers un texte de portée plus restreinte et qui laisse davantage d’initiative aux Etats. Nous sommes d’ailleurs en contact régulier avec les secteurs et avec les opérateurs pour évaluer les éventuels besoins de protection renforcée des consommateurs dans tel ou tel domaine.

La question de la durée de validité des produits en vente sur Internet fait partie d’une réflexion plus vaste sur le e-commerce et la protection des consommateurs que souhaite conduire Frédéric Lefebvre. En ce qui concerne la proposition de loi relative au commerce à distance, le gouvernement se retrouve très largement dans les dispositions du texte actuellement en navette.

L’action de la DGCCRF sur les prix concerne, d’une part, un certain nombre de tarifs qui sont réglementés car l’on considère que le libre jeu de la concurrence n’est pas satisfaisant et, d’autre part, le suivi des prix de produits de consommation courante qui font l’objet d’études sur la gamme des prix proposés pour un même produit ainsi que sur les produits effectivement achetés par les consommateurs. Toutes ces données sont disponibles sur le site Internet. Ces données permettent de mieux connaître les comportements des consommateurs et quelles sont leurs attentes. Il existe également, depuis la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, un observatoire de la formation des prix et des marges pour les seuls produits alimentaires. Cette démarche consiste à déterminer les marges et la formation de la valeur ajoutée à chaque étape d’une filière. Le choix pour initier cette démarche, qui est évidemment complexe, s’est porté sur la filière de la viande bovine.

Sur la baisse de la TVA dans le domaine de la restauration, l’action de la DGCCRF a consisté a réalisé une photographie des pratiques afin d’évaluer la part des restaurateur ayant décidé de suivre les dispositions du contrat d’avenir et de répercuter la baisse des prix et de vérifier que ceux qui se prévalent de ce contrat ont bien mis en œuvre l’ensemble des baisses afférentes. Il s’agissait d’informer le gouvernement sur la façon dont la mesure était appliquée sur le terrain par les restaurateurs.

Sur le « made in France » vous avez raison de souligner la différence d’approche entre les services de douane et la DGCCRF puisque le code des douanes s’appuie sur la notion de dernière ouvraison pour déterminer si la part de valeur ajoutée produite en France permet de se prévaloir d’une telle appellation alors que la DGCCRF estime qu’il est nécessaire de prendre en considération d’autres critères. A la demande de Mme Christine Lagarde il a été décidé d’adopter une approche convergente en se référant aux conclusions du rapport de M. Yves Jego au Président de la République. Cette démarche n’exclue évidemment pas le contrôle des pratiques déloyales de ceux qui s’attribuent cette appellation sans en remplir les conditions.

La DGCCRF n’est pas le service le mieux à même de répondre aux questions relatives aux auto entrepreneurs. Pour les autres questions qui ont trait aux soldes flottants, aux mobile-homes, à l’application des règles d’hygiène et de sécurité à l’occasion des fêtes de fin d’année ou à la position dominante de Google, je vous propose de répondre par écrit aux députés qui en sont à l’origine afin de ne pas poursuivre ce débat au delà du temps imparti.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie Mme la directrice pour l’ensemble de vos réponses à la fois très complètes et très précises. Comme vous l’avez constaté, nombreux sont les membres de cette commission qui s’intéressent à l’action de la DGCCRF et qui sont interpellés par nos concitoyens sur ces questions de consommation et de concurrence.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 14 décembre 2010 à 16 h 15

Présents. - M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Jean Grellier, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. - M. Gabriel Biancheri, M. Jean-Michel Couve, M. William Dumas, Mme Geneviève Fioraso, M. Louis Guédon, M. Michel Lejeune, M. Philippe Armand Martin, M. Michel Raison