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Commission des affaires économiques

Mercredi 26 janvier 2011

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Henri Proglio, président-directeur général d’EDF

La commission a auditionné M. Henri Proglio, président-directeur général d’EDF.

M. le président Serge Poignant. Dans la série de nos auditions consacrées à l’avenir de la filière nucléaire française, nous entendons donc aujourd’hui le président-directeur général d’EDF, M. Henri Proglio.

Le rapport Roussely recommande qu'EDF devienne l’« architecte ensemblier » de cette filière. Cette position de chef de file peut paraître légitime au vu de l'ampleur du parc nucléaire exploité par EDF : en 2009, ses 58 réacteurs ont produit 71 % de l'électricité française, et jusqu'à 96 % en janvier. Toutefois, les conclusions de ce même rapport ont suscité de nombreuses interrogations, voire des contestations. Il importe donc que vous présentiez, monsieur le président, votre vision de la filière nucléaire française et la stratégie d'EDF en la matière.

Que pensez-vous de l'idée d'une « équipe de France du nucléaire » ? Êtes-vous favorable à une collaboration plus poussée avec AREVA ? Cette collaboration peut-elle aller jusqu'à une prise de participation au capital de cette société ? Quels sont les pays dans lesquels vous comptez exploiter des centrales nucléaires ? Selon quelle technologie, pour combien de réacteurs et avec quels partenaires ? S’agissant, à ce dernier propos, de la Chine, quelles retombées attendez-vous de ce partenariat particulier pour l’emploi en France ?

Quelle place êtes-vous prêt à accorder à votre concurrent, GDF-Suez, sur le marché français ? M. Gérard Mestrallet nous a présenté ses propositions : alors qu'EDF serait leader pour l'exploitation du réacteur à eau pressurisée européen (EPR) de Penly et que GDF- Suez y serait associé, les rôles seraient inversés pour l’implantation d’un réacteur ATMEA dans la vallée du Rhône. Êtes-vous favorable à un tel accord ? À la suite du retrait de GDF- Suez du projet de Penly, comment financerez-vous la construction de ce réacteur ?

Mes collègues vous poseront certainement d’autres questions, par exemple sur le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), dans le cadre de la loi NOME, et sur votre analyse de l’échec subi à Abou Dabi…

M. Henri Proglio. Je répondrai à toutes sans détour : vous savez que je ne suis pas spécialement reconnu pour mes qualités de diplomate !

Je vois dans cette audition le signe de l’intérêt que porte l'Assemblée nationale au secteur électronucléaire, qui constitue en effet un des fleurons de notre industrie, et je suis donc particulièrement heureux d’exposer devant vous l’ambition que je nourris pour lui, en ces mois d'hiver où la demande d'électricité est soutenue et où nous venons de démontrer notre capacité à mettre simultanément en ligne nos 58 tranches nucléaires, auxquelles s’ajoutent nos 16 tranches britanniques. Notre taux de disponibilité a donc atteint un niveau remarquable et, malgré un froid battant tous les records depuis quarante ans, nous avons été globalement exportateurs d’énergie en 2010. Je rends hommage aux équipes qui ont permis cette performance.

À mes yeux, la situation de la filière électronucléaire est simple et il serait facile de retrouver l’unité de sens et d'action qui avait prévalu lors de la construction de notre parc nucléaire.

Il s'agit de savoir qui est le mieux placé pour accompagner les pays et les acteurs qui font le choix du nucléaire, et pour faire valoir les atouts de l'industrie française. La meilleure façon de répondre à cette question est d'interroger ces pays et ces acteurs car ils savent très bien ce qu'ils attendent. Je puis témoigner des besoins qu'ils expriment à EDF.

Ces acteurs sont de deux sortes.

Les Chinois, les Russes et les Coréens constituent le nouveau triangle nucléaire mondial, ayant, en partie, pris le relais des Américains, des Européens et des Japonais qui dominèrent le secteur au cours des années soixante-dix et quatre-vingt. Sur 62 réacteurs effectivement en construction aujourd'hui dans le monde, ils en pilotent 44. Ils ont fait sans état d'âme leur propre choix nucléaire. Ils disposent d'un programme, d'une industrie et des moyens financiers nécessaires. Leurs chantiers sont conduits par des électriciens qui, comme EDF, disposent de leur propre ingénierie de conception et de réalisation. Ils n'ont pas besoin de nous pour construire des centrales nucléaires, chez eux ou dans le monde. La seule chose qui manque à la Chine et à la Corée, c'est l'expérience de l'exploitation. Or il se trouve qu’EDF dispose de cet atout considérable, du moins pour la filière à eau pressurisée.

Nous avons donc un intérêt réciproque à bâtir ensemble. C’est ce que nous faisons avec nos partenaires chinois qui, depuis trente ans, ont construit leur parc sur la base de la filière française, dont ils poursuivent l'amélioration. Nous leur apportons notre expérience de 1 450 années-réacteur. En contrepartie, nous sommes associés à leur programme, ce qui est vital à un moment où les programmes occidentaux sont à l’étiage. L'industrie française – AREVA et Alstom, bien sûr, mais d’autres aussi – y intervient pour nombre de composants.

La deuxième catégorie d'acteurs est celle de nombreux pays qui souhaitent démarrer un projet nucléaire, ou redémarrer un programme après un long moratoire. Ils n'ont souvent pas, ou plus, d'expérience industrielle, ils ne disposent pas toujours de cadre réglementaire adapté ni de toutes les technologies, ils sont assez désemparés devant la gestion des charges à venir, notamment en matière de déconstruction et de traitement des déchets. Ils ont donc davantage besoin d'expérience et de conseils que de produits. C’est pourquoi ils se tournent vers EDF qui leur apporte l'atout essentiel de l'industrie nucléaire française : le retour d'expérience du plus grand parc électronucléaire du monde, pour chaque phase : construction, exploitation, voire démantèlement.

La capacité d’EDF, premier exploitant nucléaire au monde, se monte à 74 gigawatts, soit près du triple de celle du russe Rosenergoatom et le quintuple de celle du principal exploitant américain. Aucun autre acteur ne dispose aujourd'hui d'une telle expérience et, bien évidemment, pas les constructeurs. C'est pourquoi les Anglais, les Italiens et les Hollandais ont voulu s'associer à notre entreprise pour engager le redémarrage de leurs programmes nucléaires.

EDF n'est pas seulement un exploitant, elle est aussi le concepteur et le constructeur de ses centrales. Remplissant les missions d'architecte-ensemblier, son ingénierie réalise ou contrôle les études de conception, passe les contrats de fabrication, supervise le montage et les essais sur site. Essentielle, la complémentarité entre exploitation et ingénierie permet seule de maîtriser pleinement la complexe technologie nucléaire. Elle est au cœur du succès historique du nucléaire français car on n’exploite bien que ce que l'on a construit et on construit d'autant mieux que l'on a déjà exploité. Cette expérience couplée de constructeur et d'architecte-ingénieur intéresse nos partenaires au plus haut point.

Plus largement, EDF peut apporter son conseil sur tous les éléments nécessaires à la réussite d'un projet nucléaire : sur le cadre réglementaire permettant de sécuriser l'investisseur et l'ensemble des parties prenantes, sur le choix des sites pouvant héberger une centrale, sur les conditions socioéconomiques de son acceptation locale, sur la sécurisation de sa déconstruction et du stockage ultime de ses déchets, sur son intégration dans le réseau électrique, enfin sur la qualification des ressources humaines.

Cette connaissance, appartenant à la fois à l'exploitant et à l'investisseur, ne saurait être apportée par celui qui n’est que constructeur. Et ce rôle de « premier contact » ou de « premier partenaire » nous permet de gagner la confiance de nos interlocuteurs et favorise notre implication dès lors que le projet se concrétise. Notre proposition peut ainsi s'adapter à la diversité des situations pour accompagner les pays et les acteurs qui ont fait le choix du nucléaire, dans le cadre d’un système d'alliances modulable. Ainsi, EDF n'est pas nécessairement investisseur : elle peut se borner au rôle d’« assistant au maître d'ouvrage », afin d’apporter à celui-ci ses conseils aussi bien dans la phase de construction que durant celle d'exploitation. Notre rôle est avant tout industriel, notre vocation est d'apporter notre expérience.

C'est le sens, depuis des décennies, du partenariat d’EDF avec China Guangdong nuclear power Group (CGNPG). De nombreuses entreprises françaises tirent aujourd'hui parti du programme chinois. C'est aussi le sens de notre projet en Grande-Bretagne, dans un montage entre notre filiale EDF Energy et l'opérateur Centrica, en relation étroite avec le gouvernement britannique. C’est encore le sens des accords signés avec l’Italien ENEL qui participe au chantier de Flamanville 3 et nous associe à son projet national. Ce doit, enfin, être le sens de l'ensemble des contacts que nous nouons à travers le monde.

Ce positionnement nous permet d’emmener avec nous nos partenaires de l'industrie nucléaire française, au cas par cas : l'équipe française doit s’adapter à chaque situation, s’immerger dans un réseau d'alliances internationales et respecter le droit de la concurrence. En Italie, le développement d'une industrie nucléaire transalpine fait partie du programme du gouvernement. Des accords ont été signés dans ce sens entre AREVA, Ansaldo, ENEL et EDF.

Notre stratégie intègre pleinement AREVA, de même que l'ensemble des constructeurs, souvent français ou européens, avec lesquels nous avons édifié et entretenons maintenant le parc français. Dans notre logique industrielle, nous avons intérêt à travailler avec le constructeur historique de nos réacteurs : nous pourrons ainsi tirer ensemble le meilleur parti de nos expériences et de nos synergies.

Les positionnements d'EDF et d'AREVA sont complémentaires. EDF est un électricien qui produit chaque année des centaines de milliards de kilowattheures nucléaires à partir de centrales qu’elle a conçues et construites en France. AREVA est un fabricant de chaudières et un fournisseur de services autour du combustible de même qu’Alstom est un fabricant de turbogénérateurs.

La France doit rapidement disposer d'une gamme diversifiée de réacteurs, permettant de répondre aux différents besoins mondiaux et préparant, à très long terme, le renouvellement de notre parc dans des conditions optimales de sûreté et de compétitivité.

Aussi EDF a-t-elle choisi de poursuivre l'optimisation de l'EPR en profitant du retour d'expérience des chantiers de Flamanville 3 et d'Olkiluoto 3 avec AREVA. Ce retour est déjà exploité à Taishan, en Chine. Le retour de Taishan sera lui-même exploité pour nos projets d'Hinkley Point, en Grande-Bretagne, et de Penly 3, en Normandie.

Parallèlement, nous avons besoin d'un réacteur de 1 000 mégawatts qui bénéficie de l'expérience accumulée par le parc français, avec pour objectif la sûreté des nouveaux réacteurs.

Je n'envisage pas de mener ces projets sans y associer nos partenaires industriels historiques.

Enfin, il ne faut pas oublier notre parc existant, fort de 74 réacteurs dont 58 en France, et envié du monde entier. Ses besoins d'investissements sont aujourd'hui considérables et constituent autant de promesses pour notre industrie, nos emplois et nos jeunes. Il joue un rôle majeur dans la sécurité énergétique du pays et dans la compétitivité de son électricité. Il permet à la France de bénéficier d’un taux d'émissions de dioxyde de carbone parmi les plus faibles d’Europe, toutes origines confondues. Il est au cœur de la « référence française » sur le plan international.

Ce parc entre aujourd'hui dans une phase clé : la majorité des tranches va prochainement franchir le cap décisif des trente ans, ce qui, dans une industrie lourde comme la nôtre, correspond au renouvellement des gros composants. S’ouvre la période du « grand carénage », au sens où de gros équipements comme les générateurs de vapeur, les alternateurs, les transformateurs, doivent être remplacés, comme l’ont déjà fait nos homologues américains et européens. Nous avons pris du retard en la matière. Celui-ci est sans impact sur la sûreté mais occasionne de sévères avaries et grève nos performances.

Nous avons par ailleurs le projet de porter à soixante ans au moins la durée de fonctionnement de nos réacteurs, comme l'ont fait beaucoup de nos homologues. Cela nécessitera des investissements lourds, des innovations et de la recherche. C’est une ambition pour l'ensemble du groupe EDF.

Ainsi, au Royaume-Uni, EDF a engagé un programme d'investissements visant à allonger la durée de fonctionnement des tranches nucléaires. À la fin de 2010, nous avons annoncé la prolongation de cinq ans de deux de nos centrales anglaises. Dans le cas de Sizewell B, dont la technologie est similaire à celle du parc français, nous visons aussi une durée de fonctionnement de soixante ans.

S’offre là, pour l’industrie française une opportunité considérable, à laquelle nous avons commencé à travailler depuis un an : il y va de plusieurs dizaines de milliards d'euros pour les années qui viennent, et de l'équivalent d'un à deux réacteurs neufs par an au plus fort de la période. Pour la saisir, nous devons retrouver la capacité de produire l'ensemble des composants nécessaires à l'échelle de temps envisagée, mais aussi reconstituer la main-d'œuvre qualifiée indispensable : notre industrie, qui comporte plus de 100 000 emplois directs et autant d’emplois indirects, s'est construite avec des hommes et des femmes qui commencent à partir à la retraite.

Nous proposons, pour le parc existant, de réinventer ce que nous avons su faire pour le créer : une politique industrielle porteuse d'investissements dans des capacités de production, de recrutement et de formation.

Pour anticiper le renouvellement des générateurs de vapeur des vingt tranches de 1 300 mégawatts du parc français, EDF veut tirer les enseignements des difficultés rencontrées sur le palier des 900 mégawatts. Aussi bien avons-nous engagé, dès 2010, des consultations avant que des avaries ne surviennent. L’appel d'offres en cours représente un marché de plusieurs milliards d'euros qui garantit une activité de fabrication et de montage pendant plus de dix ans. Car, hautement techniques, la fabrication, l’assemblage et le montage des composants relèvent de la prouesse. Ainsi, la rénovation du parc existant emporte avec elle des promesses aussi importantes qu’avec le nucléaire neuf, tant en termes d'anticipation que de besoins d'expertise, d'innovation, de tissu industriel et d'emploi.

D'ores et déjà, EDF se place, et de loin, au rang de premier investisseur industriel en France et en Europe.

Encore faut-il disposer des moyens, notamment financiers, de nos besoins. En application de la loi NOME, il me paraît essentiel que le prix auquel la production nucléaire sera cédée à nos concurrents, de même que le niveau des tarifs réglementés destinés au client final, couvrent les coûts du nucléaire existant, nous permettant de financer notre programme de maintenance lourde et de prolongation de notre parc. Le coût complet du nucléaire installé au sens de la loi, c'est-à-dire de son cycle complet, de sa construction à son démantèlement, se situe entre 45 et 46 € par mégawattheure. Néanmoins, dans une phase de transition, et afin de permettre aux clients de démarrer en parfaite continuité avec le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TARTAM), nous avons accepté que l'ARENH débute à 42 € pour rejoindre ensuite le point d'équilibre. Ne pas vendre au-dessous de notre coût de revient permettra aux clients situés en France de conserver des prix compétitifs par rapport au reste de l'Europe.

J’évoquerai enfin le dossier stratégique de l'aval du cycle.

Vous savez à quel point l'existence de solutions opérationnelles pour la gestion des déchets nucléaires conditionne – ce qui est normal – l'acceptation par les Français du développement de l’industrie nucléaire nationale dans la durée. Sur ce sujet, vous avez entendu, la semaine dernière, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Se plaçant dans une logique d'industriel responsable à long terme, EDF met tout en œuvre pour atteindre l'ensemble des objectifs visés par la loi de programme du 28 juin 2006, relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

Le respect de ces objectifs renforcera la cohérence d'ensemble, à laquelle EDF est très attachée, de l'édifice industriel nucléaire français.

Beaucoup a déjà été fait, notamment sur les plans scientifique et politique. Suivant un processus par étapes, nous abordons maintenant la phase de la conception industrielle, essentielle en vue de l'échéance de la demande d'autorisation de création du stockage géologique que la loi fixe à 2015. EDF, responsable des déchets produits par ses installations, apportera tout son concours pour la franchir avec succès. Elle souhaite, dans ce but, une coopération de l'ensemble des acteurs de la filière, dans le respect des responsabilités de chacun.

Par le parc national existant comme par son développement international, le nucléaire constitue une chance pour la France. Qu’elle s’en saisisse comme elle s’en est saisie dans les années soixante-dix ! Qu'elle s'organise, comme elle a su s'organiser, très simplement à l'époque, avec une répartition claire des responsabilités ! Qu'elle sache à la fois faire valoir son industrie et nouer des alliances pour tirer profit de la nouvelle donne mondiale ! Nous sommes attendus, dans le monde, en raison de l'expérience dont nous disposons, comme en France par chacun de nos clients concitoyens et de nos jeunes susceptibles d’y trouver mieux qu'un emploi : un vrai métier industriel.

M. Claude Gatignol. Cet hiver, notre consommation d’électricité a passé la barre des 95 000 mégawattheures et il n’est pas exclu que celle des 100 000 soit franchie l’hiver prochain. Nos capacités de production, en base, n’atteignent bien sûr pas ce niveau. Quelle réponse pouvez-vous donc apporter aux pics de consommation ? Le temps n’est-il pas venu de lancer, au-delà de Flamanville 3 et de Penly, un programme permettant de couvrir nos besoins, voire, peut-être, d’exporter ?

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) indique qu’aujourd’hui seuls les réacteurs dits de génération III+ sont constructibles. Quels sont, en la matière, les choix d’EDF, sachant que la puissance de l’EPR est considérable ? L’entreprise envisage-t-elle de « faire son marché » auprès des constructeurs pour acquérir de nouveaux réacteurs ? Ferez-vous des choix techniques différents pour les futurs réacteurs du parc français, soumis au contrôle de l’ASN, et pour ceux des autres pays ?

Le président de notre Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a récemment présenté un rapport sur la gestion des matières et des résidus industriels radioactifs. Quelle est votre position concernant l’aval du cycle ? Le financement de la gestion complète des déchets implique des prélèvements sur votre chiffre d’affaires : comment allez-vous procéder pour constituer les provisions nécessaires ?

Un rapport, également récent, du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, a fait le point sur les différents types de combustibles. Quelle est la position d’EDF à cet égard, particulièrement pour ce qui est de son approvisionnement ?

Quels nouveaux contrats internationaux envisagez-vous pour poursuivre votre développement ?

La production d’électricité, en France comme à l’étranger, dépend aussi des ressources hydrauliques. Des concessions arrivent à échéance dans ce secteur : quelle sera votre attitude à ce sujet ?

Enfin, vous êtes maintenant, monsieur le président, bien installé à la tête d’EDF. Votre analyse de l’évolution des coopérations et des partenariats de l’entreprise est-elle la même que lors de votre arrivée ?

M. François Brottes. Les auditions de M. Henri Proglio sont rarement décevantes ! Pour ma part, je commencerai par quelques questions relevant de ce qu’on pourrait appeler « l’énergie racontée aux enfants ».

Croyez-vous vraiment aux énergies renouvelables ?

Croyez-vous vraiment aux vertus de la loi NOME pour le consommateur ?

Croyez-vous à l’avenir de Mme Anne Lauvergeon en dehors de la fabrication de chaudières ?

Croyez-vous que le gaz ait plus d’avenir que le nucléaire, et pas seulement aux États-Unis ?

Pour en venir à des points plus techniques, jugez-vous raisonnable d’avoir cédé des actifs de RTE, filiale d’EDF à 100 %, pour financer le démantèlement futur des centrales nucléaires, alors qu’une directive européenne exige l’étanchéité entre le transporteur et la maison mère ?

Vous avez estimé à 42 euros par mégawattheure le prix de cession nécessaire pour couvrir le coût complet du nucléaire installé. Vous êtes-vous mis d’accord avec M. Champsaur avant d’avancer ce montant ?

Que pensez-vous de la volonté des grands opérateurs industriels de devenir eux-mêmes fournisseurs d’énergie ? A priori, ils seront vos clients et court-circuiteront vos concurrents potentiels, ce qui ne devrait pas trop vous gêner…

Comment regardez-vous les difficultés rencontrées par Électricité réseau distribution France (ERDF) ?

Allez-vous abandonner les concessions hydrauliques, ou tenterez-vous de les conserver ?

Enfin, quel jugement portez-vous sur l’efficacité de vos services pour gérer l’accès des plus démunis au tarif social de l’électricité ?

M. Daniel Paul. Je ne suis pas sûr que Mme Anne Lauvergeon serait heureuse d’être qualifiée de fabricante de chaudières…

La libéralisation, lancée il y a quelques années et qui, actuellement, s’accentue en France comme ailleurs, ne nuit-elle pas à la cohésion de « l’équipe de France du nucléaire » ? Dans les années soixante à quatre-vingt, toutes les entreprises qui la constituaient étaient pilotées par l’État, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Où en est-on actuellement de la disponibilité des centrales nucléaires en France ? Avez-vous constaté une amélioration depuis l’audition où vous aviez abordé le sujet devant cette même Commission ?

Où en est-on du démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis, en Bretagne ?

Le nucléaire représente une solution pour la production énergétique de base, mais il faut aussi faire face aux « pointes » de consommation, qui se produisent maintenant aussi bien en été qu’en hiver. EDF a-t-elle l’intention de moderniser à cet effet un certain nombre de centrales thermiques à flamme et de rester présente dans le secteur hydraulique ? Vieux de trente ans, le projet de Redenat a-t-il ainsi des chances de se concrétiser enfin ? Cela impliquerait de conserver les concessions de barrages en amont et en aval du site, sans lesquelles ce projet n’aurait plus de sens.

Le tarif de 45 ou 46 euros que vous avez évoqué intègre-t-il le coût de gestion des déchets, en d’autres termes le coût complet du cycle nucléaire ?

Enfin, quel bilan pouvez-vous dresser des « opérations extérieures » d’EDF, aussi bien aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, en termes de résultat ou de retour sur investissement ?

M. Jean Dionis du Séjour. M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF-Suez, a indiqué à notre Commission, à propos de l’ARENH, que le prix du mégawattheure s’établissait à 30 ou 31 euros. Il s’est notamment appuyé sur le prix de revient pour Electrabel et sur le prix de revente interne à EDF, entre la production et la commercialisation, qui s’élève à 35 euros. Notre groupe centriste avait, depuis longtemps, vu venir ce conflit, dont l’enjeu se monte à 600 millions d’euros. L’État va devoir le trancher dans de mauvaises conditions puisqu’il est l’actionnaire principal d’EDF. Que proposez-vous pour réduire cette énorme différence entre votre position et celle de votre partenaire et concurrent ? Comment l’État pourra-t-il se sortir de cette affaire avec un minimum de cohérence et de dignité ?

Concernant l’échec français à Abou Dabi, je retiens que les Coréens ont soumis une offre dont le prix était de 40 % inférieur au nôtre. Comment expliquez-vous cet écart ? Les Coréens ont-ils fait du dumping commercial ? Leur opération est-elle reproductible ? Ont-ils réalisé des économies sur la sécurité ?

Au sein de la commission Charpin sur le photovoltaïque, l’action d’EDF a souvent été critiquée car l’entreprise semble être à la fois juge et partie en matière d’énergies renouvelables : juge parce qu’à travers ERDF, elle instruit les demandes de raccordement de ses concurrents – et, à cet égard, on lui reproche notamment de trop longs délais, d’instruction comme de réalisation des travaux – et partie puisque EDF Énergies nouvelles compte pour 30 % dans la « liste d’attente ». N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêts et, en tout cas, une situation à clarifier ? Ne faudrait-il pas s’inspirer de la législation allemande, beaucoup plus sévère avec E.ON que la nôtre avec EDF ?

M. Jean-Claude Lenoir. S’il est un pays où le nucléaire peut être fortement relancé à brève échéance, c’est le Brésil. Sa présidente, Mme Dilma Rousseff, a déjà annoncé des décisions en ce sens. Quelles initiatives êtes-vous disposé à prendre pour participer au développement de cette filière ?

Notre Commission entendra bientôt le candidat pressenti pour présider la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui serait composée de façon à assurer à une forte continuité. Cela vous préoccupe-t-il ou vous rassure-t-il ?

Une part importante des énergies renouvelables relève aujourd’hui d’EDF. Je ne reviendrai pas sur la question du photovoltaïque, soulevée par M. Dionis du Séjour, mais comment voyez-vous l’avenir de l’énergie éolienne, au lendemain de l’annonce faite par le Président de la République ?

Enfin, comme d’autres électriciens, EDF est également gazier : quelles sont ses perspectives de développement dans ce secteur ?

Mme Frédérique Massat. Notre Commission des affaires économiques devient un terrain où AREVA, GDF-Suez et EDF échangent par auditions parlementaires interposées d’étonnantes civilités !

Ainsi, alors que M. Gérard Mestrallet nous présentait un montant de 35 euros comme un coût d’accès normal à l’électricité nucléaire, vous évaluez, vous, ce coût à 42 euros. Que va-t-il se passer pour EDF s’il est fixé en dessous de ces 42 euros ?

Il y a quelques semaines, sous le titre « Nucléaire, la pétaudière française », un journal expliquait que nos concurrents étrangers emportaient des marchés tandis que nos opérateurs nationaux se déchiraient. « Entre Proglio et Mestrallet, écrivait-il, il n’est pas question de saine concurrence, mais de guerre ouverte ». Qu’en pensez-vous ?

Mme Anne Lauvergeon, lors de son audition, présentait les choses en ces termes : « Air France doit-il fabriquer ses propres avions ? Posez la question à son président, il vous répondra : chacun son métier ! (…) Si rien ne s’oppose à ce qu’un électricien fabrique ses propres réacteurs, il s’agit là aussi de métiers différents. » « Si EDF occupait une place dans la gouvernance d’AREVA, a-t-elle dit aussi, tous nos clients électriciens considéreraient que la libre concurrence ne s’exerce plus. » Comment réagissez-vous à ces remarques ?

Selon un récent rapport parlementaire, certains opérateurs, tels qu’EDF, AREVA, et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), chercheraient à remettre en cause la compétence de l’ANDRA, notamment pour l’enfouissement des déchets. Quelle est votre position à cet égard ?

Enfin, ne pouvez-vous nous dire un mot aussi de la qualité des réseaux ?

M. Francis Saint-Léger. Lors de son audition, en septembre dernier, l’ancien président d’EDF, M. François Roussely, a insisté sur l’importance des ressources humaines, rappelant comme vous l’avez fait qu’une majorité des salariés d’EDF qui ont travaillé à la construction des dernières centrales nucléaires prennent, ou vont prendre, leur retraite. Partagez-vous son inquiétude quand il craint un manque de renouvellement des compétences et une formation insuffisante ? Pensez-vous, comme lui, que le défaut d’expérience des personnels pourrait, à terme, constituer un handicap pour votre entreprise ?

M. Kléber Mesquida. Il y a quelque temps, Mme Christine Lagarde nous indiquait que le consommateur allait subir une nouvelle augmentation du prix de l’électricité en raison d’un ajustement à la hausse de la taxe dite de contribution au service public de l’électricité (CSPE). On a institué en 2003 cet impôt, car c’en est bien un à mon sens, afin de compenser, pour EDF, les charges liées au rachat de l’énergie mais, en deux ans, le marché du solaire s’est emballé. EDF a-t-elle prévu de réajuster ses tarifs en fonction de la hausse envisagée de cette taxe, et à quelle échéance ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Tous les membres de « l’équipe de France du nucléaire » s’accordent à considérer que celui-ci est porteur d’avenir dans le monde.

Vous nous avez indiqué que le parc existant suscitait autant d’espoir que le neuf. Cependant, alors que le taux de disponibilité des réacteurs d’EDF est globalement de l’ordre de 75 %, l’un de vos concurrents affirme que le sien est proche de 90 %. Or un point de disponibilité représente environ 200 millions d’euros. Dans ces conditions, l’écart entre le prix de l’ARENH que vous avancez et celui qu’avance votre confrère ne provient-il pas de cette différence de taux de disponibilité ?

Quel bilan tirez-vous de l’opération EnBW après que Bruxelles a imposé de mettre 6 000 mégawatts sur le marché et que, le pacte d’actionnaires ayant été rompu, les Allemands ont récupéré la part d’EDF dans cette entreprise ? Et où en êtes-vous des négociations avec Edison ?

M. William Dumas. Dans Les Échos de la semaine dernière, M. Patrick Boissier, président-directeur général de DCNS, évoquait le développement d’un réacteur nucléaire sous-marin de petite puissance, dénommé Flexblue, en partenariat avec EDF, AREVA et le CEA. Confirmez-vous votre participation à ce programme ?

M. Jean-Paul Anciaux. Ne jouons-nous pas à front renversé ? Les questions posées par mes collègues donnent l’impression que socialistes et communistes défendent les intérêts d’entreprises comme AREVA et GDF-Suez, tandis que les députés de l’UMP défendent plutôt EDF. Mais ce n’est qu’une boutade…

La France dispose d’entreprises performantes dont chacune a ses spécificités et une histoire et une culture propres, mais qui sont également complémentaires. Il est donc déplorable qu’à travers des propos tenus ici et là, parfois avec la volonté de nuire, on arrive à une situation telle que la presse puisse parler de « pétaudière électronucléaire française. » Une telle situation engage la responsabilité d’un grand nombre de dirigeants et ceux d’EDF n’y échappent pas.

AREVA est un concepteur, un constructeur et un prestataire de services. Pour EDF, c’est à la fois un fournisseur, un concurrent et un partenaire. Comment concevez-vous vos relations à ces trois égards ?

D’autre part, quels critères détermineront le choix de vos fournisseurs pour le renouvellement des générateurs de vapeur ?

M. Jean Gaubert. Les différents opérateurs tiennent à peu près le même discours sur la filière électronucléaire : chacun convient de la nécessité de travailler ensemble… à la condition de tenir le rôle de capitaine entraîneur de l’équipe ! Des stratégies à géométrie variable, en fonction de la demande du client, ne seraient-elles pas tout aussi efficaces si l’on parvenait à une bonne coordination entre tous ?

Quand vous êtes arrivé à la tête d’EDF, monsieur le président, nous caressions l’espoir que le management de l’entreprise se stabiliserait enfin et que les relations avec les collectivités locales en seraient d’autant facilitées. Mais au bout d’un an, cette stabilisation n’a pas eu lieu. Nous avons à peine rencontré une fois certains interlocuteurs qu’ils sont déjà partis ailleurs, et les modes de fonctionnement de l’entreprise paraissent encore plus tendus qu’auparavant. Pour nous, c’est un bras de fer permanent.

Alors que les conflits avec les clients augmentent également, le service contentieux de l’entreprise a récemment déménagé, ce qui rend les communications très difficiles : des courriers se perdent, y compris des courriers de parlementaires …

Nous avons donc, au bout d’un an, le sentiment qu’aucun progrès n’a été réalisé dans ces domaines.

M. Alain Suguenot. L’échec d’Abou Dabi a peut-être montré que nous proposions des centrales nucléaires de trop grande taille et que nous aurions intérêt à imaginer des centrales de moyenne gamme. Pensez-vous qu’une telle stratégie soit viable ? Peut-on, du même mouvement, travailler au renouvellement du parc français et poursuivre ce deuxième objectif ?

Lors de la première réunion de concertation sur le photovoltaïque, nous avons pris la mesure de l’encombrement provoqué par l’engouement que cette filière a suscité – et qui a justifié un moratoire. On a constaté qu’EDF Énergies nouvelles représentait non seulement 15 % de la file d’attente chez ERDF, mais 75 % chez RTE. Certains reprochent à l’État de se plaindre de ne plus maîtriser la situation alors qu’il est actionnaire de ceux qui peuvent asphyxier le système. Quelle est votre analyse ?

Enfin, que pensez-vous de la nocivité, évoquée par certains, du tellure de cadmium ? Dans ces conditions, pourquoi donnez-vous la priorité aux centrales au sol, également contestées en raison de leur emprise sur les territoires ?

Mme Pascale Got. Il semble qu’une divergence vous oppose à l’ANDRA sur les projets de stockage profond des déchets nucléaires. Vous dénoncez le coût exorbitant du projet de la Meuse et vous mettez en avant d’autres solutions techniques. En d’autres termes, vous aimeriez sans doute vous substituer à cette agence. Pourquoi cette attitude contraire à la loi ? Peut-on confier la sécurité, ne serait-ce qu’en partie, aux industriels sans céder à la logique du marché et au souci de rentabilité à court terme ?

M. Franck Reynier. Vous avez mentionné l’intérêt qu’il y aurait pour EDF à développer un réacteur de 1 000 mégawatts. Vous avez par ailleurs insisté sur l’expérience détenue par EDF. Pour bénéficier pleinement de celle-ci, ne croyez-vous pas urgent d’installer un tel réacteur en France afin de pouvoir ensuite le vendre à l’étranger ?

Quels marchés prospectez-vous actuellement dans le monde ? De nouvelles tranches nucléaires pourraient-elles être installées à Taishan et dans d’autres pays ?

Le Président de la République vient d’annoncer un appel d’offres pour l’implantation d’éoliennes en mer. EDF Énergies nouvelles y répondra-t-elle ? Comptez-vous investir pour le développement d’une filière industrielle dans ce secteur ?

Mme Marie-Lou Marcel. Vous vous êtes félicité de la remontée à plus de 78 % du taux de disponibilité des centrales françaises et de la réduction des temps de coupure électrique en 2010, après des années de dégradation. Au-delà de ces chiffres, dans quel état se trouve le parc de production français et quelle est la situation de la distribution, qui est habituellement considérée comme le point faible du dispositif ?

Par ailleurs, où en sont vos relations avec AREVA et le projet d’accroître votre participation au capital de cette entreprise ? Alors que Nicolas Sarkozy avait souhaité ce rapprochement entre vos deux sociétés, on assiste à une campagne de dénigrement d’Anne Lauvergeon, dont le départ semble attendu, sinon souhaité. Présentant le Rapport sur l’évaluation du plan national triennal de gestion des matières et déchets réactifs qu’ils ont rédigé pour le compte de l’OPECST, nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille dressent pourtant d’elle un portrait flatteur ; ils estiment qu’elle a fait d’AREVA « le leader mondial de son secteur », que son remplacement à la tête de l’entreprise serait « contre-productif », et qu’un éventuel regroupement des activités nucléaires autour d’EDF serait « un frein plutôt qu’une aide au développement international » de la filière nucléaire française. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Armand Martin. Que représentent les exportations d’électricité pour EDF ? Quels sont les principaux pays importateurs ?

Il existe actuellement un débat entre l’ANDRA et EDF sur la construction d’un nouveau centre de stockage géologique en profondeur des déchets nucléaires. Quelle est votre position en matière de retraitement des déchets de haute et de moyenne activité à vie longue ?

La perte du marché d’Abou Dabi au profit des Coréens a mis en évidence une concurrence entre EDF et AREVA. Pourtant, l’État a toutes les cartes en mains pour mettre en ordre de bataille l’industrie nucléaire française, au moment où l’on observe une relance de l’atome civil, puisqu’il contrôle à 84 % EDF, à 36 % GDF-Suez et à 90 % AREVA. Comment expliquez-vous ces dissensions ?

M. Jean-Michel Villaumé. Allez-vous répondre à l’appel d’offres pour la construction de 600 éoliennes off shore annoncé hier par le président de la République ?

La Tribune a consacré dernièrement un article aux industriels gros consommateurs d’électricité qui, comme Rhodia ou ArcelorMittal, envisagent de devenir en France leur propre électricien. En prenant le statut de fournisseur d’électricité, ils pourront acheter, sans intermédiaire, l’électricité nucléaire qu’EDF sera obligée de leur céder pour ainsi dire à prix coûtant. Cela vous inquiète-t-il ?

Vous développez avec AREVA et le CEA un projet de réacteur sous-marin de faible et de moyenne puissance, appelé Flexblue. Ce projet marque-t-il l’émergence d’une offre low cost dans le secteur nucléaire civil ? Ne peut-on craindre des retombées sur l’environnement marin ?

M. Louis Cosyns. Hier, le président de la République a annoncé le lancement d’un premier appel d’offres pour la construction d’éoliennes au large des côtes françaises. EDF Énergies nouvelles et Alstom ont conclu la semaine dernière un accord afin de répondre ensemble à l’appel à projet. EDF Énergies nouvelles projette-t-elle de développer son parc éolien, terrestre ou off shore ? Quels sont les avantages de ce dernier ?

Pouvez-vous dresser un état des lieux du réseau électrique français ? La modernisation des réseaux de distribution reste-t-elle une priorité pour ERDF ? Quels sont les investissements dédiés à leur entretien et à leur rénovation ?

Mme Geneviève Fioraso. Représentant l’OPECST au conseil d’administration de l’ANDRA, je souhaite que l’on aboutisse à une position médiane entre le point de vue industriel, quelque peu « tunnelier », et la solution très sophistiquée de l’ANDRA, afin que l’on puisse aménager le centre d’enfouissement des déchets radioactifs. Dans le cas contraire, on risquerait de décrédibiliser notre « retour d’expérience » en matière de sûreté, si utile pour notre développement international.

J’ai assisté lundi dernier, avec Serge Poignant, à la réunion de la commission Charpin. Ce que demandent les PME-PMI, c’est qu’EDF joue davantage son rôle d’opérateur fédérateur dans le secteur du photovoltaïque, sachant qu’on peut envisager un système de tarification à l’allemande, avec un « corridor », ce qui permettrait d’éviter une augmentation de la CSPE. Il serait dommage de se priver, sur ce segment, de la puissance industrielle et des capacités de recherche d’EDF : nous risquerions de le regretter dans quelques années. Quels sont donc vos projets dans ce domaine ?

Vous avez dit que son expérience faisait la force de la France. Pourtant, alors que nous avons perdu le marché d’Abou Dabi, l’Autorité de sûreté nucléaire semble vouloir partager son savoir-faire avec la Corée. Cette stratégie n’est-elle pas dangereuse ?

Le changement annoncé des générateurs de vapeur et des alternateurs va certainement provoquer de nouvelles embauches à EDF, puisqu’il semble y avoir eu un déficit de compétences techniques durant les précédentes présidences. En tant qu’opérateur public, allez-vous donner l’exemple et mettre en place des plans d’insertion, notamment à destination des jeunes éloignés de l’emploi ? Avez-vous des indications chiffrées à nous transmettre sur ce point ?

Mme Annick Le Loch. J’aimerais, comme M. Paul, savoir où en est le démantèlement de la centrale de Brennilis.

D’autre part, qu’a décidé le groupe EDF quant à la prise en compte du bilan carbone des cellules photovoltaïques retenues par EDF Énergies nouvelles pour les projets d’installation ?

Qu’attendez-vous du développement des compteurs et réseaux intelligents ? Quelles sont les perspectives d’économie pour le consommateur ?

M. Jean Proriol. Où en est le Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ), qui alimente les syndicats départementaux et auquel nous tenons ?

M. Henri Proglio. La France est en train de construire son autosuffisance électrique. Elle a été exportatrice nette d’électricité en 2010, bien que des records de froid aient été battus au cours de l’hiver. La centrale de Flamanville est en construction, celle de Penly est programmée. Des capacités complémentaires sont à mettre en œuvre dans le secteur hydraulique et nous continuerons à renforcer nos capacités thermiques, très utiles en pointe. Nous allons par ailleurs bénéficier de l’apport des énergies renouvelables, certes aléatoires et dont la capacité de production peut difficilement être anticipée, mais qui représentent un investissement considérable pour le pays. Bref, EDF investit dans toutes les technologies et est capable d’anticiper les besoins futurs : pour l’heure, il n’est guère de besoins nouveaux qui ne soient pas couverts à moyen terme.

D’autre part, les capacités d’exportation offertes par les interconnexions restent réduites – même si, en 2010, malgré la période de froid, nous avons exporté quelque 30 térawattheures, soit 8 % de la production.

Puisque nous étions importateurs l’an dernier, cela signifie que l’efficacité de l’outil existant a été améliorée, grâce à une meilleure disponibilité au moment où l’on en a besoin. Il convient en effet de distinguer le coefficient de disponibilité, qui est une moyenne annuelle, et l’efficacité du parc. Par exemple, si l’on réduit les arrêts programmés sur une centrale, on améliorera le coefficient de disponibilité immédiat sur un exercice de référence au détriment de la capacité globale du parc à moyen terme. À l’inverse, nous avons prolongé cette année l’arrêt programmé de la centrale du Bugey : le coefficient de disponibilité en a été réduit d’un point, mais cette décision a été prise pour des raisons industrielles, et la centrale était opérationnelle pour l’hiver. L’optimisation comptable n’est pas toujours synonyme d’efficacité industrielle à moyen et long termes.

Le parc nucléaire français est en bon état et sa disponibilité s’améliore. Cette année, sont programmées neuf visites décennales, c’est-à-dire des arrêts longs destinés à allonger la durée de vie des réacteurs ; il n’empêche que, selon nos prévisions, le coefficient moyen de disponibilité du parc existant devrait encore s’améliorer en 2011. Il est donc mensonger de prétendre que le coût de la production nucléaire française est imputable à une mauvaise gestion. Si l’électricité est 40 % moins chère en France que dans le reste de l’Europe, ce n’est pas le fruit du hasard ! Et si quelqu’un est capable de vendre sa production à 30 ou 35 euros le mégawattheure, j’achète tout de suite ! Halte aux contrevérités et aux stupidités !

M. Jean-Paul Anciaux. Il va falloir trancher entre M. Mestrallet et vous !

M. Henri Proglio. S’il y a une grande braderie, j’achète. Le nucléaire français n’est pas en solde : ce n’est pas parce que nous avons des contraintes budgétaires que nous devons brader notre outil industriel. En tout cas, ne comptez pas sur moi pour le faire ! Je ne suis pas là pour laisser piller le patrimoine national, ni pour vendre l’électricité, qui est un produit industriel, à un prix inférieur à son coût de revient !

Nous avons justifié notre position. Des engagements ont été pris envers notre entreprise avant le remaniement ministériel. L’Assemblée nationale et le Sénat ont voté une loi qui prévoit, premièrement, que le prix de l’ARENH devra couvrir le coût de revient économique complet, incluant les investissements nécessaires pour l’allongement de la durée de vie des centrales – mais pas le coût du renouvellement du parc – ; deuxièmement, que le prix initial sera fixé en cohérence avec le TARTAM, actuellement de 42 euros. C’est pourquoi nous avons accepté une diminution de 46 à 42 euros du prix de cession initial, moyennant ensuite une évolution tarifaire permettant de rejoindre le niveau du coût de revient global en quatre ans.

Cet effort coûtera 10 milliards d’euros à EDF au cours de ces quatre ans de transition : le cadeau me paraît suffisant, et je ne vois pas pourquoi la nation actionnaire accepterait d’aller plus loin ! Halte aux mensonges. Le prix de 31 euros avancé par certains ne tient pas compte des investissements initiaux ; en les intégrant, on arrive à 47,50 euros. Si l’on avance des chiffres, il faut être concret pas dans l’imaginaire ! Un prix de 45 euros valoriserait les 58 tranches existantes du parc nucléaire français à 50 milliards d’euros, soit un niveau très sensiblement inférieur à la valeur boursière des comparables, y compris de ceux qui tiennent ces propos. Vu le niveau de valorisation des sociétés qui ont une activité de ce type et le prix auquel nous avons acquis British Energy, il serait stupide de faire cadeau de ce patrimoine national à nos concurrents et je ne vois pas pourquoi la France serait la plus abruties des nations du monde ! En tout cas, cela ne fait pas partie de ma feuille de route. Je n’ouvrirai pas le bilan au pillage. Je ne ferai pas travailler 170 000 personnes pour cela. Je ne l’accepterai pas.

Par ailleurs, qu’il s’agisse des nouvelles technologies développées avec DCNS ou des installations terrestres traditionnelles, il n’y a pas et il n’y aura jamais de nucléaire low cost. Aucun responsable digne de ce nom au monde – non seulement au niveau des États et des organismes de contrôle, mais aussi des entreprises – n’accepterait que la sécurité ne soit pas la première de ses responsabilités ! En aucune façon, nous ne sommes en train de chercher à fabriquer du nucléaire low cost dans quelque pays que ce soit.

La question des niveaux de sûreté est plus complexe. Aujourd’hui, certaines autorités de sûreté sont plus exigeantes que d’autres, ce qui perturbe la compétition mondiale. Il faudrait que les différentes autorités parviennent à une standardisation de ces niveaux de sûreté à l’échelle mondiale.

Nous sommes extrêmement attentifs à nos approvisionnements en uranium. Pour l’heure, nous les avons sécurisés pour environ vingt ans. Je considère que c’est insuffisant, et que nous devons poursuivre notre effort. Cela étant, le sujet du combustible nécessiterait un exposé en soi.

Ce que j’ai dit sur la sûreté vaut bien évidemment pour les déchets. Il n’est pas question qu’EDF se substitue à qui que ce soit en matière de contrôle ; il existe en France des institutions qui en sont chargées, en particulier l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. En même temps, il convient d’être attentifs aux répercussions des normes de sûreté sur les coûts de revient. Comment faire pour respecter ces normes tout en évitant un dérapage de 300 % en trois ans des sommes à provisionner, ce qui aurait inévitablement des répercussions sur le prix de l’énergie ? Nous sommes en discussion avec l’ANDRA pour trouver une solution acceptable par tous et je pense que nous finirons par y parvenir.

Mme Geneviève Fioraso. Y a-t-il des échéances ?

M. Henri Proglio. Le calendrier n’est pas extensible à l’infini : il faut bien que le stockage profond soit réalisé. Il reste que le parc nucléaire français existe depuis quarante ans ; les déchets existent, ils sont répertoriés, on sait où ils sont stockés et comment il faut les traiter.

S’agissant de la filière nucléaire, soyons clairs : je ne suis pas un Grandgousier qui souhaiterait tout absorber. Il ne faut pas croire tout ce que dit la presse ! La filière nucléaire a permis à la France de construire, dans des délais remarquables, le premier parc mondial, dont l’efficacité économique n’est pas à démontrer. EDF l’a conçu, elle l’a financé et elle l’exploite depuis maintenant quarante ans, en partenariat avec un certain nombre d’industriels, comme AREVA ou Alstom, qui constituent l’industrie française du nucléaire.

L’avenir en France est à la maintenance du parc existant et au développement des centrales programmées, rien de plus, car notre pays n’a pas de gros besoins, identifiés, en capacités supplémentaires. Si quelqu’un veut en créer dans telle vallée, libre à lui, mais qu’il ne compte pas sur moi pour garantir le rendement de cette centrale ou pour contribuer à son financement ou à sa construction. Je m’occupe du financement des seuls ouvrages d’EDF – et ce n’est pas la défection de tel ou tel qui retardera nos investissements : EDF est assez grande pour développer et construire ses ouvrages elle-même.

Donc oui à la concurrence, mais que chacun prenne ses responsabilités et en assume les risques ! EDF assure aujourd’hui la gestion de 74 réacteurs nucléaires dans le monde, construit la centrale de Flamanville, est partenaire à 30 % dans la construction de celle de Taishan, est le seul constructeur d’EPR au monde, possède sa propre ingénierie et est le seul opérateur électrique européen à l’ouest de l’Elbe capable de concevoir et de construire ses équipements. C’est une des forces de notre pays, dont je suis le dépositaire. Je ne vois pas pourquoi on démantèlerait cet héritage.

Il convient au contraire de se demander comment le faire fructifier, dans le monde du nouveau nucléaire. Celui-ci se situera vraisemblablement en Asie, en Amérique latine, dans une certaine mesure en Afrique – notamment en Afrique du sud –, au Moyen-Orient, en Turquie. Pour les États-Unis, il faudra en revanche attendre un peu : la chute des prix du gaz et la diminution de la consommation due à la crise y ont mis à mal la compétitivité du nucléaire, et les réglementations susceptibles de l’améliorer, notamment en prenant en compte le coût du CO2, tardent, de sorte qu’il n’y aura pas de relance rapide. Nous devons toutefois maintenir notre présence et notre compétitivité sur ce territoire et nous tenir prêts à saisir toute opportunité, suivant l’attitude des autorités américaines, fédérales mais aussi locales.

Quant à nos concurrents, ce sont les Coréens, les Chinois, les Japonais et les Russes, ces derniers désormais associés aux Allemands. On parle toujours d’Abou Dabi, mais il y eut aussi la Turquie, le Vietnam et la Bulgarie : la filière française n’était pas sur ces champs de bataille. D’où les chiffres que j’ai cités sur les constructions nouvelles.

Dans ce cadre, quelles sont nos missions ? Une possibilité est de considérer EDF comme une entreprise « stand-alone », gérée en fonction de ses propres ambitions et de ses propres intérêts. En l’occurrence, nous sommes gestionnaires d’un service public de l’énergie intégré et efficace, associant la production, la distribution, le transport, les services et l’optimisation énergétique. C’est ce qui a commandé notre action jusqu’à présent, c’est ce qui porte le développement du groupe, et c’est ce qui nous amènera à renforcer nos positions en Italie, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Europe centrale et du sud, en Asie et, vraisemblablement, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Amérique du nord.

J’ai la certitude qu’EDF bénéficie actuellement, en tant que concepteur, maître d’ouvrage délégué, assistant à la maîtrise d’œuvre et opérateur, de perspectives de développement sur de nombreuses années. Nous n’avons nul besoin d’être des industriels stricto sensu : nous pouvons également être opérateurs sur des installations construites par d’autres – il existe dans le monde des industriels capables de construire les équipements nécessaires aux centrales nucléaires et nous pouvons fort bien intervenir comme assistants au maître d’ouvrage ou comme experts sur des centrales construites par les Russes, les Coréens, les Chinois ou les Japonais, tout en affirmant notre présence et notre savoir-faire.

L’autre possibilité, c’est de voir en EDF une entreprise citoyenne, consciente de ses responsabilités à l’égard de son pays, et dont le seul objectif ne peut être la valorisation boursière. Une société cotée en bourse doit travailler pour l’ensemble de ses actionnaires sans oublier d’être patriote. Dans le cas présent, EDF est solidaire d’une industrie nationale qui, pour améliorer sa compétitivité au plan international, doit pouvoir tirer profit de notre notoriété, de notre retour d’expérience, de notre présence dans le monde entier et de la référence que constitue le premier parc nucléaire mondial.

La maison dans laquelle j’exerçais naguère était le premier opérateur mondial en matière de gestion de l’eau et des déchets, qu’ils soient ménagers ou industriels. Elle est devenue le premier constructeur mondial d’usines de traitement de l’eau et de traitement des déchets sans avoir jamais fabriqué aucun équipement, uniquement grâce au retour d’expérience et à l’expertise. À l’époque, nous avions la fierté d’avoir tiré l’industrie française dans ces secteurs. Alors, qu’on ne me dise pas que, dans le nucléaire, parce qu’on est concepteur-opérateur, on ne peut pas vendre à un autre électricien des ensembles industriels que l’on aurait conçus et exploités ! D’ailleurs, je remarque que, parmi nos compétiteurs, les Coréens, les Russes et les Chinois sont des électriciens. Regardons la réalité en face !

L’ambition d’EDF n’est pas de contrôler qui que ce soit. Mais de deux choses l’une : soit il existe une réelle solidarité et la volonté d’affirmer l’expertise d’une filière afin de sauvegarder l’industrie française, soit EDF fera sa route en stand-alone.

J’attends que les décisions de principe soient prises. En ce qui me concerne, je pense que l’intérêt du pays serait d’aboutir à une convergence. EDF a déjà prouvé dans de nombreuses circonstances qu’elle pouvait être un partenaire ; c’est notamment le cas, depuis vingt ans, en Chine, où notre technologie a tiré notre industrie.

Nous sommes – et de très loin ! – le principal client d’AREVA. Sommes-nous son fournisseur ? Non. Sommes-nous son partenaire ? On l’a été.

M. Jean-Paul Anciaux. Qui est le concepteur de l’EPR ?

M. Henri Proglio. Pour ce qui concerne la partie réacteur, la joint-venture d’origine regroupait EDF, Siemens et AREVA.

J’en viens aux énergies renouvelables et à la première d’entre elles : l’hydraulique. Je le répète : il n’est pas question de donner quoi que ce soit à nos concurrents. Nous répondons aux appels d’offres pour les gagner, non pour les perdre ou pour partager.

Nous souhaitons développer l’hydraulique, maintenir notre expertise et accroître notre patrimoine. La centrale de Nam Theun 2, au Laos, que je viens d’inaugurer, est la plus belle réalisation en matière hydraulique de ces vingt dernières années. L’essentiel de l’énergie est vendu à la Thaïlande, ce qui a permis au Laos d’enregistrer cette année une croissance de 3 % de son PIB. Il s’agit d’un remarquable exemple de développement économique et de développement durable, dont nous pouvons être fiers. À mes yeux, cela prouve qu’EDF doit garder la carte hydraulique, secteur dans lequel elle a fait référence dans le monde durant des années, au même degré que dans le nucléaire.

De même, il se construit aujourd’hui une centrale thermique à flamme par jour dans le monde, et une par semaine en Chine. Comment EDF pourrait-elle renoncer à être compétente dans ce domaine ? J’ai donc demandé qu’on relance le thermique à flamme, particulièrement en ce qui concerne la R&D et en Europe centrale. Je veux qu’EDF fasse partie des grands opérateurs mondiaux du secteur.

En tant que premier électricien mondial, nous avons aussi vocation à être compétents dans les énergies nouvelles, qu’il s’agisse de l’éolien terrestre, de l’éolien en mer – EDF Énergies nouvelles et Alstom ont d’ailleurs annoncé leur partenariat pour répondre à l’appel d’offres sur le off shore – ou du photovoltaïque. Toutefois, il faut maîtriser les technologies et se poser la question de l’acceptabilité économique de ces nouvelles sources d’énergie, sachant que l’éolien est de deux à quatre fois plus cher que notre production actuelle, et le photovoltaïque de dix à quinze fois. Les gains de productivité ne sont pas attendus avant une dizaine d’années, dans des proportions qui, sauf pour l’éolien terrestre, ne permettent pas d’envisager que l’on puisse se passer un jour de subventions. Tous les spécialistes s’accordent sur ce point.

Les subventions et les tarifs pratiqués ont fait exploser nos coûts en raison de l’insuffisance de la compensation qui nous est versée via la CSPE. Le déficit est passé de 600 millions en 2008 à 1,6 milliard en 2009 et à 3 milliards en 2010 ; il était prévu à 7,5 milliards en 2012 et à 10 milliards en 2015. Il y avait donc toutes raisons de s’interroger sur la rationalité du système !

L’augmentation de 3 % de la CSPE au 1er janvier n’est qu’une première étape du rattrapage. L’État a fait ses choix – nous ne sommes là que pour les éclairer. Je ne dis pas que nous n’avons pas besoin d’énergies alternatives, mais il faut prendre conscience que leur rendement est aléatoire et leur coût élevé. Quoi qu’il en soit, j’ai demandé à EDF Énergies nouvelles, qui est le premier acteur photovoltaïque dans le monde et l’un des tout premiers dans le domaine éolien, de poursuivre ses investissements à l’international plutôt que sur le territoire national.

Dans le secteur gazier, nous avons vocation à être un acteur plus important demain qu’hier. Nous disposons déjà d’une position forte en Italie et nous sommes en train d’élaborer une stratégie mondiale, qui passera par des accords internationaux, notamment avec les grands producteurs de l’est et du sud, et par des investissements dans les infrastructures de transport et de liquéfaction. Nous essayons actuellement d’anticiper l’évolution des prix du gaz au cours des trente années à venir ; il s’agit d’un travail assez complexe, dont les conséquences industrielles ne seront pas négligeables – mais j’en parlerai à une autre occasion.

En matière de distribution, j’assume mes responsabilités : je sais que tout n’est pas parfait. Si certains sujets ne sont pas convenablement traités, j’en suis désolé, mais il reste beaucoup de choses à faire. Quant aux fonds qui y sont consacrés, il ne m’appartient pas de commenter des décisions prises par l’État.

Toutefois, nous avons une ambition forte en la matière. ERDF y consacre pratiquement 3 milliards d’euros d’investissements annuels. Nous devons concilier les objectifs de sécurisation du réseau, d’adaptation aux énergies alternatives – une charge particulièrement lourde – et de renforcement ponctuel des capacités. Nous y travaillons avec constance et détermination.

S’il y a une évolution en faveur du nucléaire au Brésil, nous y serons associés, j’espère, avec la filière industrielle française.

S’agissant des ressources humaines, je suis d’accord avec François Roussely : nous avons besoin d’un renouvellement important de nos compétences. Ma première décision à la tête du groupe fut la création d’un grand campus afin de permettre l’éclosion de nouvelles compétences, la valorisation des acquis professionnels, la transmission de l’expérience, l’insertion et la mise en place de filières professionnelles ; cela a abouti au cours de l’exercice 2010 à la signature d’un accord avec l’ensemble des organisations syndicales. Il s’agit d’un effort auquel nous consacrons – de même qu’à la recherche – des investissements considérables.

S’agissant du démantèlement de la centrale de Brennilis, les retards sont dus à des problèmes juridiques, non techniques.

Nous alimentons en liquidités le fonds de démantèlement, qui s’élève aujourd’hui à 14,5 ou 15 milliards d’euros. Ce fonds est géré de façon rigoureuse par des spécialistes, qui investissent dans des actifs financiers. RTE est une filiale à 100 % du groupe qui bénéficie, par la loi, d’une indépendance totale. Je n’ai aucun droit de regard sur ses tarifs ni sur ses investissements, et je ne dispose que d’un droit de proposition pour la nomination de ses dirigeants. RTE faisant partie du secteur régulé, le rendement de ses titres est garanti. Il eût été absurde que le fonds de démantèlement, qui investit pour partie dans du régulé international, n’investisse pas dans du régulé français. D’où l’affectation à ce fonds, avec l’accord des pouvoirs publics, d’une partie des titres RTE. Cela permettra tout à la fois de préserver l’indépendance de ce dernier, d’assurer un rendement garanti au fonds de démantèlement et d’alléger d’autant le montant des investissements financiers d’EDF en maintenant ces actifs sur le territoire national. La Commission est d’accord.

S’agissant du projet de Station de transfert d’énergie par pompage (STEP) de Redenat, je répondrai par écrit à M. Paul.

Les réseaux intelligents représentent 4,5 milliards d’investissements. Nous en sommes à la phase de développement du pilote. Le projet sera mis en œuvre dès que nous aurons obtenu l’accord formel des pouvoirs publics, ce qui ne saurait tarder.

Notre souci est toutefois d’éviter que ces investissements massifs ne se traduisent par une explosion du tarif d’utilisation du réseau public de distribution d’électricité (TURPE) et de la CSPE, car il ne faudrait pas que le tarif de l’énergie ne soit que le reliquat du tarif intégré, une fois déduit le coût des autres facteurs. Je me bats pour éviter les dérives et accroître notre efficacité économique, mais celle-ci ne doit pas nécessairement se traduire par une amélioration du compte de résultat d’EDF : il importe aussi que le prix de l’électricité reste un atout pour notre pays dans la compétition européenne et mondiale. Si les réseaux intelligents peuvent apporter une réponse aux besoins de pointe dans la mesure où ils favoriseront l’efficacité énergétique, je ne souhaite pas pour autant que cet investissement provoque une augmentation inconsidérée des éléments constitutifs du tarif intégré, car cela nous mettrait dans une position délicate vis-à-vis de nos concitoyens.

Si de gros consommateurs souhaitent devenir des opérateurs, la décision leur appartient ! En ce qui me concerne, je le répète encore une fois, jamais je ne ferai de cadeau à la concurrence. Je ne vois pas à qui cela profiterait, sinon à des intérêts divergents de ceux de nos concitoyens. Et cela aurait des conséquences désastreuses sur l’équilibre économique de notre entreprise, qui n’aurait d’autre solution que de demander une hausse des prix, renforçant ainsi le pillage organisé. Je ne veux pas assister à un tel spectacle.

Nous sommes déjà obligés de vendre pendant vingt ans 25 % de notre production d’électricité au coût de revient, sans marge, simplement parce que nous sommes trop efficaces : que l’on ne nous inflige pas une double peine ! Et que la concurrence, qui n’aura aucun investissement à faire et profitera de notre production au prix de revient, se débrouille !

Quoi qu’il en soit, on ferait bien peu de cas de l’expertise que nous avons accumulée si l’on considérait que de gros clients sont aussi compétents que nous. Mon objectif est précisément de renforcer encore cette compétence, grâce notamment aux projets de centre de formation et de centre de recherche sur le plateau de Saclay, où des jeunes de banlieue seront appelés à côtoyer des polytechniciens et des chercheurs.

C’est une histoire que nous écrirons ensemble, et je vous donne rendez-vous pour la suite.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir répondu si longuement à nos questions et d’avoir affirmé vos convictions avec tant de force.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 26 janvier 2011 à 10 h 30

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Gérard Hamel, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - Mme Anny Poursinoff, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Lionel Tardy

Assistaient également à la réunion. - M. Christian Blanc, Mme Marie-Line Reynaud