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Commission des affaires économiques

Mercredi 9 février 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 43

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Examen de la proposition de loi relative à la neutralité de l’internet (n° 3061) (M. Christian Paul, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi tendant à rendre obligatoire l’étiquetage nutritionnel (n° 3060) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur)

proposition de loi relative à la neutralité de l’internet (n° 3061)

La Commission examine tout d’abord, sur le rapport de M. Christian Paul, la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à la neutralité de l’Internet (n° 3061 rectifié.)

M. le président Serge Poignant. Avant de passer la parole à notre collègue Christian Paul, auquel je souhaite la bienvenue dans notre Commission qu’il a rejointe pour y rapporter cette proposition de loi du groupe SRC, je rappelle que notre Commission a constitué en septembre dernier une mission d’information sur la neutralité de l’Internet et des réseaux, présidée par Mme Corinne Erhel, Mme Laure de La Raudière en étant rapporteure. Cette mission, qui a déjà effectué un important travail, qu’elle poursuit à ce jour en bonne intelligence entre majorité et opposition, aborde ce sujet sous l’angle des infrastructures de réseaux alors que la mission d’information commune relative aux droits de l’individu dans la révolution numérique, créée par la Commission des lois et par la Commission des affaires culturelles, l’aborde, elle, plutôt sous l’angle des contenus. C’est d’ailleurs pourquoi la présente proposition de loi a été renvoyée à notre Commission. L’opposition est bien entendu libre de choisir les textes qu’elle souhaite faire inscrire à l’ordre du jour mais sans doute eût-il été plus logique que celui-ci fût examiné après la publication des conclusions définitives de la mission d’information.

M. Christian Paul, rapporteur. Comme tout texte relatif à Internet, cette proposition de loi, qui sera débattue en séance publique la semaine prochaine, revêt sous une apparence technique un caractère éminemment politique mais aussi une grande importance économique, l’économie numérique constituant aujourd’hui un continent entier de l’économie réelle.

Le débat sur la neutralité de l’Internet ne se limite pas à nos frontières. Il est européen, et même mondial puisqu’aux États-Unis, cette question fait depuis quelques années l’objet d’intenses discussions entre les acteurs économiques, l’autorité régulatrice et l’État – le président Obama s’est d’ailleurs clairement prononcé sur le sujet.

Qu’est-ce donc qu’Internet ? Un bien commun d’un nouveau type, informationnel, créé au fil des ans par l’agrégation des réseaux d’une multitude d’acteurs publics et privés. Avec une telle architecture, personne n’a véritablement le contrôle de ce réseau, dont l’une des caractéristiques est qu’il recèle beaucoup plus d’intelligence à ses extrémités, au niveau des utilisateurs, qu’en son cœur.

S’agissant précisément du sujet de cette proposition de loi, la réflexion des juristes américains étant en avance en la matière sur celle de leurs collègues européens, je reprendrai la définition de Lawrence Lessig, que nous avons eu l’occasion d’entendre à l’Assemblée il y a une dizaine d’années : la neutralité de l’Internet signifie que tous les contenus doivent être traités de la même façon et acheminés à la même vitesse sur les réseaux qui le composent, dont les propriétaires ne doivent opérer aucune discrimination. C’est cette vision, aujourd’hui largement reprise en Europe, qui inspire nos travaux.

Cette architecture de réseau, neutre, ouverte, la plus libre possible, a permis qu’Internet se développe comme espace de liberté d’expression, de communication, d’innovation et d’échanges, marchands et non marchands. Dans cette logique, les fournisseurs d’accès doivent faire preuve de modestie, car ils ne font que transporter les informations, tout en garantissant la meilleure qualité de service possible, à la fois aux internautes et aux éditeurs de contenus.

Assurer la neutralité de l’Internet, c’est veiller à ce que l’accès n’en soit pas biaisé – à réseau identique s’entend : nous ne traitons pas ici de la fracture numérique. Il s’agit de savoir si, dans le futur, Internet sera une autoroute fluide, où l’on pourra circuler librement, ou au contraire un ensemble de voies cloisonnées où l’internaute devra se contenter de la bande d’arrêt d’urgence que constituera le web public résiduel, toutes les autres voies ayant été privatisées ou confisquées.

S’il importe de légiférer dès aujourd’hui, c’est que cette neutralité est d’ores et déjà mise à mal et qu’il faut contrer cette évolution inquiétante.

Le premier risque est qu’on ne donne la priorité à certains contenus au détriment d’autres, pour des raisons économiques. Le deuxième est que le réseau ne soit géré de façon discrétionnaire en cas de congestion du trafic. Nul ne nie que des mesures de décongestion puissent être nécessaires, mais celles-ci doivent demeurer exceptionnelles et être encadrées. Et surtout, il convient d’inverser la charge de la preuve en demandant aux opérateurs, avant toute mesure de la sorte, de démontrer qu’il y a bien congestion du trafic et que leurs efforts d’investissement ne permettent pas d’y faire face – étant entendu que le régulateur doit avoir son mot à dire. Le dernier risque est que certains contenus ne soient filtrés, en l’absence de tout contrôle d’une autorité judiciaire. Ne voulant pas relancer ici le débat que nous avons eu lors de l’examen de la LOPPSI 2 et auparavant, de la loi HADOPI, je rappellerai seulement que le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui aurait permis que l’accès à Internet puisse être coupé sans contrôle du juge.

Tous les acteurs ont leurs intérêts, qui peuvent aller à l’encontre de ce principe de neutralité : les fournisseurs de services qui souhaitent disposer d’un accès privilégié au public, quitte à bloquer les services concurrents ; les fournisseurs de services intermédiaires, notamment les services de cache, qui peuvent être tentés de les proposer de façon discriminatoire à leur clientèle ; les fournisseurs d’accès qui ont intérêt à instaurer des dispositifs de contrôle et de péage ; enfin, les ayants droit qui souhaitent filtrer les échanges de contenus sous droit d’auteur.

C’est en raison de toutes ces menaces que nous avons mis en chantier la présente proposition de loi cet été, à un moment où nous étions d’autant plus inquiets que les réactions à cette situation nous apparaissaient bien tièdes, certains soutenant, y compris au sein du Gouvernement, qu’il était urgent de ne rien faire.

Le troisième paquet « Télécom », qui va être prochainement transposé, comporte certes des dispositions intéressantes comme l’amélioration de la transparence sur la gestion du trafic ou encore la possibilité nouvelle donnée à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, de fixer des exigences en matière de qualité de service. Mais il semble, hélas, qu’on s’oriente vers des exigences minimales, jugées suffisantes, comme si on avait d’une certaine façon d’ores et déjà abdiqué.

Il importe d’affirmer le principe de neutralité de l’Internet, quitte à autoriser ensuite des exceptions pour des raisons techniques ou même économiques. La timidité de la France est inquiétante, comparée au volontarisme des États-Unis. L’autorité régulatrice américaine, homologue de l’ARCEP, a clairement dit que les entorses à la neutralité pourraient pénaliser l’innovation et l’investissement dans le secteur de l’Internet et constituer des « barrières à l’entrée », dommageables pour beaucoup d’acteurs, notamment pour les start-up.

C’est pourquoi l’article 1er de notre texte pose ce principe de neutralité, entendu comme l’interdiction de discriminations liées aux contenus, aux émetteurs ou aux destinataires des échanges numériques de données. Les articles 2 et 3 ont pour objet de rendre effectif le droit des internautes à connecter les équipements de leur choix au réseau. L’article 4 encadre le filtrage ou le bridage d’Internet et l’article 6 l’acheminement de certains flux de données. L’article 5 impose des mesures de transparence sur l’interconnexion. L’article 7, enfin, institue une sanction financière en cas de manquement à ces règles.

Je proposerai en outre par voie d’amendement que soit instauré pour les internautes un véritable droit à la connexion et pour les fournisseurs d’accès un devoir de proposer à chacun une offre raisonnable.

Il ne me viendrait pas à l’esprit de comparer la France à la Tunisie ni à l’Égypte où l’accès à Internet a été récemment coupé pour exercer une censure politique. Mais on a vu au moment de l’affaire Wikileaks comment cette tentation, en dehors de toute procédure judiciaire, pouvait aussi exister dans notre pays. L’expérience ayant montré, s’agissant d’Internet, que mieux valait prévenir que guérir, nous souhaitons dès aujourd’hui prendre date. Une régulation a posteriori est insuffisante dans un univers en évolution aussi rapide.

La mission d’information sur le sujet poursuivra ses travaux qui enrichiront notre compréhension collective des enjeux. Mais agissons dès aujourd’hui. Je mets surtout en garde sur la façon dont serait comprise l’exigence de non-discrimination si elle se limitait à l’obligation d’assurer un accès non discriminatoire à différents niveaux de qualité de service, au lieu de garantir un traitement homogène des flux de données. La première conception conduirait à un Internet à deux vitesses, avec un web public résiduel. C’est précisément ce dont nous ne voulons pas et que l’affirmation du principe de neutralité doit empêcher.

Mme Laure de La Raudière. Je balance entre deux sentiments. D’un côté, je regrette que l’examen de cette proposition de loi ait lieu avant que la mission d’information dont je suis rapporteure ait achevé ses travaux et que la Commission européenne n’ait rendu son livre blanc sur le sujet. De l’autre, je suis heureuse que le groupe SRC nous donne une occasion complémentaire d’évoquer les enjeux cruciaux d’Internet pour notre société, pour notre démocratie et pour notre économie.

Cette proposition de loi comporte des éléments très positifs. Internet constitue en effet un bien collectif, d’ailleurs reconnu comme tel par le Conseil constitutionnel, et qu’il est essentiel de préserver. On dénombre d’ores et déjà 35 millions de personnes reliées à Internet par le « fixe » et on sait que demain, tous les téléphones mobiles, au nombre déjà de 75 millions, permettront de s’y connecter.

C’est le groupe UMP qui, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, en décembre dernier, a demandé un rapport sur la neutralité de l’Internet. Et c’est à ma demande que notre Commission a créé une mission d’information sur le sujet, d’autant plus utile que le troisième paquet « Télécom » sera transposé par voie d’ordonnance.

S’il faut inscrire dans la loi le principe de neutralité et si sa définition comme exigence de non-discrimination fait consensus, nous préférerions à l’article 1er la rédaction figurant dans le pré-rapport de la mission d’information. Je fais par ailleurs observer qu’un amendement adopté au Sénat à l’initiative du sénateur Retailleau sur le projet de loi de ratification par ordonnance du paquet « Télécom » a précisément pour objet d’inscrire dans la loi ce principe de non-discrimination.

Nous sommes d’accord sur la nécessité d’encadrer le filtrage. Sauf décision contraire d’un juge, l’accès à Internet doit être total et un filtrage ne doit être possible qu’à l’initiative de l’internaute, par des dispositifs de type contrôle parental.

Au-delà de ces points, cette proposition de loi pose problème. Si elle protège l’Internet d’aujourd’hui, c’est-à-dire d’hier tant les évolutions sont rapides, elle entrave le développement de celui de demain, notamment des services « managés » comme il en existe déjà avec la téléphonie ou la télévision sur IP (Internet Protocol). Elle est trop centrée sur les fournisseurs d’accès (FAI). Aujourd’hui, Internet dépend aussi d’une multitude d’intermédiaires techniques – opérateurs de transit, CDN (content delivery network)… – qui vendent notamment de la qualité de service et précisément la différenciation que vous semblez souhaiter interdire. Imposer ces obligations nouvelles aux seuls FAI les défavoriserait.

Votre proposition n’est pas non plus assez protectrice. D’une part, elle ne couvre pas tous les acteurs ; d’autre part, elle n’impose pas de qualité de service suffisante, alors qu’il s’agit d’un point crucial. Il faut, tout en garantissant un Internet public de qualité, permettre sur le reste de la bande passante disponible les innovations relatives aux services « managés ». La qualité de service peut certes varier selon les usages : elle doit être définie par l’ARCEP et actualisée pour permettre le développement harmonieux des deux types d’innovations, pour l’Internet public mais aussi pour les services managés. Il est vrai que, jusqu’à présent, elles ont surtout eu lieu sur l’Internet public mais pourquoi exclure qu’il y en ait d’aussi fondamentales venant de ces services ? Je pense en particulier aux réseaux mobiles où il faudra résoudre la quadrature du cercle en répondant à l’augmentation des trafics avec des ressources, par nature, beaucoup plus restreintes que pour le fixe.

Le groupe UMP est très attaché à la neutralité de l’Internet. Sa vision en est néanmoins quelque peu différente de la vôtre. La mission d’information a encore beaucoup d’interrogations. C’est d’ailleurs pourquoi elle a adressé son pré-rapport aux quatre-vingts acteurs qu’elle a consultés – PME, FAI de toutes tailles, CDN… Nous souhaitons en effet recueillir leur avis sur le dispositif législatif qui leur paraît le mieux à même de protéger cette neutralité.

Mme Corinne Erhel. Il faut se féliciter qu’on s’intéresse autant aujourd’hui à la neutralité d’Internet, des réseaux ou encore des moteurs de recherche.

Je ne reviens pas sur le calendrier : cette proposition de loi a été élaborée l’été dernier, à l’initiative de Christian Paul, avant que ne soit installée la mission d’information. J’observe simplement que la plupart de ses dispositions – absence de bridage pour garantir la liberté de choix de l’internaute, gestion non discriminatoire du trafic pour assurer l’égalité de traitement entre tous les utilisateurs d’Internet, clarification des modalités de l’interconnexion – concordent avec les objectifs définis par la mission dans son pré-rapport.

Il est indispensable de protéger l’espace public que constitue Internet et de poser, comme le fait l’article 1er, le principe de sa neutralité. Il est proposé de rendre ce principe contraignant pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les intermédiaires techniques et pas seulement pour les FAI, et d’encadrer strictement le filtrage. Cela fait également partie de nos propositions.

Toutes ces dispositions, de la proposition de loi comme de notre rapport d’étape, sont en rupture totale avec celles de l’article 4 de la LOPPSI et avec celles de la loi HADOPI.

Protéger la neutralité de l’Internet, c’est aussi protéger la liberté de communication qu’il permet, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision concernant la loi HADOPI. Comment ne pas évoquer le rôle majeur qu’il a joué récemment en Tunisie et en Égypte ? C’est un outil puissant au service de la démocratie et nul ne peut nier sa dimension sociétale.

Sur le plan économique, nous avons le devoir de permettre à tous les acteurs d’innover. Les innovations doivent pouvoir continuer de se développer sur Internet comme cela a été le cas ces dernières années mais, dans la mesure où nul ne sait où auront lieu celles de demain, il ne faut pas interdire que ce puisse être aussi sur les réseaux.

Des questions demeurent en suspens, comme la notion de qualité suffisante. Il existe aussi plusieurs conceptions de la non-discrimination. Celle-ci peut s’entendre comme un acheminement différencié en fonction des besoins de qualité de service des différents types de flux – mails, search, vidéo… – mais aussi comme l’acheminement homogène de tous les flux ou encore comme un accès non discriminatoire aux offres d’acheminement avec différents niveaux de qualité de service.

En tout état de cause, la neutralité de l’Internet est un sujet complexe, éminemment politique, qui concerne l’ensemble des acteurs de l’univers numérique mais aussi les citoyens. Il est important que cette proposition de loi en affirme de manière forte le principe. La mission d’information, quant à elle, poursuivra ses travaux sur de nombreux autres sujets, comme le partage de la valeur ajoutée dans l’ensemble du secteur.

M. Jean Dionis du Séjour. Oui, il existe un problème de neutralité de l’Internet. Le temps est révolu où celui-ci avait une capacité très supérieure aux usages qui en étaient faits. L’équilibre entre l’offre et la demande est aujourd’hui beaucoup plus tendu et va sans doute se rapprocher de ce qui existe dans le secteur de l’énergie. La saturation n’interviendra pas sur le fixe, mais sur le mobile. L’une des critiques que j’adresse à cette proposition de loi est précisément d’être trop générale et pas assez ciblée sur l’Internet mobile. On estime que, dans les cinq ans à venir, les usages de celui-ci, avec les tablettes et les smartphones, seront multipliés par trente quand les capacités ne pourront l’être au maximum que par douze. Il faudra donc établir des priorités. Cette gestion passera par une différenciation dans les offres commerciales. Il faut à la fois consacrer Internet comme utilité essentielle – il a été reconnu comme tel à la fois par le Conseil constitutionnel et par les instances européennes – et ne pas entraver le développement des services gérés, qui seront indispensables et d’ailleurs existent déjà.

Si l’article 1er du texte, de portée générale, ne soulève pas de problèmes, l’article 3 en revanche manque de clarté. Il faudrait poser plus clairement l’obligation d’une qualité suffisante d’Internet en tant qu’utilité essentielle tout en reconnaissant l’intérêt des services gérés.

L’article 4 définit très précisément les conditions dans lesquelles peut être opéré un filtrage, notamment sur décision d’une autorité judiciaire. C’est nécessaire, mais il faudrait veiller à la cohérence de ces dispositions avec celles de la loi sur la confiance en l’économie numérique. Celle-ci dispose en effet que lorsqu’un internaute signale à un opérateur technique un contenu contestable, cet opérateur a le devoir de bloquer l’accès.

Enfin, cette proposition de loi est trop exclusivement tournée vers les fournisseurs d’accès. Les fournisseurs de contenus sont également concernés : le trafic n’est-il pas aujourd’hui constitué pour 51 % par de la vidéo, en provenance majoritairement d’opérateurs comme YouTube et Google ?

En conclusion, cette proposition de loi ouvre le débat. Mais le fait-elle au moment opportun, alors qu’étaient organisées hier seulement les deuxièmes rencontres parlementaires sur l’économie numérique et que la mission d’information poursuit toujours ses travaux ? Les députés du Nouveau Centre souhaitent prendre un peu de temps avant de se déterminer.

M. Daniel Paul. Les réseaux sont aujourd’hui au centre d’un conflit. D’un côté, certains acteurs veulent en préserver autant que possible la gratuité ainsi que la liberté d’organisation et d’utilisation, en même temps qu’y garantir la liberté d’expression. De l’autre, certains souhaitent en faire un espace toujours plus marchand, contrôlé par de grands groupes ou par des instances politiques.

C’est pourquoi il était important que le législateur se saisisse de la question cruciale de leur neutralité, soulevée à la fois par les internautes, par les acteurs de l’Internet, par les instances européennes, par le Parlement et par le Gouvernement.

Une mission d’information interne à notre Commission va prochainement rendre ses conclusions sur le sujet. La présente proposition de loi est pleinement en phase avec ce travail effectué sous la direction de nos collègues Corinne Erhel et Laure de la Raudière.

Nous sommes, pour notre part, très attachés à la neutralité des réseaux, qui garantit aux usagers du bien commun que constitue Internet un égal accès aux contenus, alors que certaines firmes souhaiteraient le restreindre pour en retirer un profit. Les exemples sont innombrables. Citons seulement la « gestion de priorité », pratique par laquelle un opérateur bride volontairement la qualité de la navigation pour rendre payant l’accès à la qualité normale : en 2008, Orange bridait ainsi le débit de son réseau 3 G +, afin de ne pas avoir à supporter d’éventuels surcoûts liés à un mauvais dimensionnement.

Il faut impérativement contrer les stratégies de certains acteurs privés qui, pour accroître leurs profits, mettent ainsi progressivement à mal l’universalité des réseaux. La recherche de la rentabilité à tout prix nuit à la qualité de l’accès des utilisateurs aux réseaux de communication en ligne. Inscrire dans notre droit le principe de la neutralité des réseaux, c’est permettre aux usagers de ne pas pâtir de ces stratégies, contraires à l’intérêt général. La privatisation totale du secteur des télécommunications n’est pas étrangère à la situation. La disparition de tout acteur public et l’absence de réelle régulation du marché par l’État ont conduit à une entente entre les grandes entreprises qui se partagent un marché oligopolistique, à des distorsions de concurrence et à de multiples atteintes à la neutralité des réseaux.

Pour autant, le contrôle des réseaux par les acteurs publics ne serait pas souhaitable – l’exemple de la récente révolution en Égypte nous le rappelle si besoin était. En difficulté face à la révolte du peuple, le régime de Moubarak a tout simplement coupé la quasi-totalité des accès à Internet dans le pays. Cette pratique totalitaire a été rendue possible par le caractère fortement oligopolistique du marché de l’Internet égyptien, concentré, comme en France, entre les mains d’un très petit nombre d’acteurs.

Face au risque de contrôle et de filtrage indu des réseaux par les autorités, invoquant l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », le Conseil constitutionnel déclarait dans sa décision du 10 juin 2009 « qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services. » C’est dans cet esprit que nous devons légiférer. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, ainsi que, je le pense, les députés Verts, voteront donc cette proposition de loi.

M. Philippe Armand Martin. L’article 7 de la proposition dispose que la personne qui continuerait après deux avertissements de porter atteinte à cette neutralité sera passible d’une amende pouvant aller d’un euro à dix millions d’euros selon ses ressources. Est-ce à dire en effet qu’une personne sans ressources pourrait réitérer ses manquements sans jamais risquer davantage qu’une amende d’un euro ?

M. François Brottes. Si le groupe socialiste n’a pas attendu la fin des travaux de la mission d’information, c’est qu’il fallait parer à plusieurs menaces pesant sur la neutralité de l’Internet. Tout d’abord, il y a eu l’adoption de la loi HADOPI, sur laquelle nous reviendrons si la majorité nous échoit. Ensuite, il y a de cela quelques mois, nous avons entendu le ministre compétent, M. Éric Besson, dire sa volonté de réguler le secteur en permettant au Gouvernement d’interdire tel accès à tel service sur le territoire national. Enfin, on assiste entre les fournisseurs d’accès et les fournisseurs de services à une vive concurrence qui pourrait conduire à la création d’un monopole privé.

Si une régulation technologique est nécessaire, dans la mesure où l’on ne peut toujours transmettre au même moment de grandes quantités de données avec la même qualité de service, elle ne doit pas porter atteinte à la neutralité du contenu. En revanche, il ne saurait y avoir de régulation pour des raisons politiques ou économiques. Abstraction faite de la question posée par la fracture numérique entre territoires, que cette proposition de loi n’aborde pas, la neutralité de l’Internet doit être assurée partout où l’accès à celui-ci est possible. Il y avait indéniablement urgence à la protéger et je ne doute pas que nos collègues de la majorité, s’ils souhaitent effectivement la garantir, voteront en faveur de ce texte.

M. le président Serge Poignant. La Commission européenne devant bientôt rendre publiques ses orientations et, surtout, la mission d’information en cours – qui a, je le répète, fait un travail considérable – devant remettre ses conclusions en mars, je considère, en tant que président de la Commission, qu’il eût été plus sage d’attendre cette échéance pour débattre de cette proposition de loi.

Mme Anne Grommerch. Le service universel d’accès à Internet à haut débit est une bonne chose, mais sa mise en œuvre posera beaucoup de problèmes techniques : une étude d’impact a-t-elle été réalisée à ce sujet ?

Mme Frédérique Massat. Si l’on peut à la rigueur discuter de l’urgence d’adopter une loi sur le sujet, la neutralité du Net fait indéniablement débat aujourd’hui, d’autant que le ministre Éric Besson explique qu’elle signifierait la fin de services tels que la téléphonie ou la télévision sur IP et qu’il prône une gestion modulée du trafic par les FAI, qui pourraient faire payer les plus gros utilisateurs. Ces propos font craindre un Internet contrôlé par l’État et par les industries des télécommunications, au détriment des libertés fondamentales et du potentiel démocratique que recèle ce média. Cela dit, je remercie Laure de La Raudière et Corinne Erhel pour leur pré-rapport.

Monsieur le rapporteur, le texte maintient-il les services gérés actuels ?

M. le rapporteur. À vous écouter tous, j’ai deux motifs de satisfaction. En premier lieu, notre réunion montre l’importance de cette question pour la liberté d’expression et pour la démocratie – deux valeurs qui ont inspiré cette proposition de loi – car l’Internet n’est pas seulement un outil de création de richesses !

En second lieu, je constate que plus personne aujourd’hui ne met en doute la nécessité d’inscrire dans une loi le principe de neutralité du Net, ce qui constitue une avancée importante par rapport à la situation qui prévalait il y a seulement six mois. Quitte à ne pas s’accorder sur l’intensité des menaces que j’évoquais précédemment, tous ont compris que nous étions confrontés à un risque, qu’il convient d’endiguer.

Concernant la définition de la neutralité évoquée par Laure de La Raudière, je constate que celle qui figure au point 2, dans l’introduction du pré-rapport – et qui repose sur le principe de non-discrimination – est identique à celle de la proposition de loi, mais que celle qu’on trouve au point 23 du document laisse le champ ouvert à la discrimination dans la mesure où elle limite l’exigence de non-discrimination à l’accès « aux différents niveaux de qualité de service ». Cela peut conduire à un Internet à plusieurs vitesses ou de plusieurs qualités et je crains que la notion de qualité suffisante à laquelle on finit ainsi par aboutir ne se réduise à une qualité minimale. Pour autant, je ne sais si ce désaccord recouvre une vision différente de l’avenir du Net.

Il me semble cependant que c’est le cas s’agissant des services gérés, notion très floue et peu opératoire, que la mission d’information pourrait nous aider à mieux définir. Le développement de ces services, s’il était massif et invasif, risquerait de nuire à l’innovation dans les contenus et dans les services – ce que vous avez implicitement reconnu, puisque c’est au cœur du réseau que vous situez l’intérêt pour certains opérateurs de développer des applications permettant de « manager » les services. Si l’on met en place des voies d’acheminement privilégiées, les petites entreprises, notamment les start-up, et les particuliers n’auront pas forcément les capacités d’accès, faute de moyens financiers.

Se pose aussi la question de l’utilité de certains de ces services gérés. À ce sujet, je tiens à dire que la promesse de l’Internet n’est pas épuisée : nous ne défendons pas l’Internet d’hier, mais une vision, différente de la vôtre, de l’Internet de demain. De plus en plus, l’accès à la téléphonie se fait par Internet, mais cela peut donner lieu à des services gérés – relativement coûteux – ou à l’innovation mondiale qu’a par exemple constitué Skype, qui a permis à des millions de Français de réduire considérablement leur facture téléphonique. L’innovation, qui est une nécessité évidente, n’est donc ni bonne ni mauvaise en elle-même : tout dépend de son objet – à quoi elle sert, quels intérêts elle sert et ce qu’elle permet de réaliser.

Quant aux serveurs de stockage, ou CDN, ils doivent être encadrés de manière à offrir de la qualité de service sans mettre en cause l’architecture du réseau, ni la pervertir.

En réponse à Corinne Erhel, je dirai qu’il importe en effet d’approfondir la réflexion sur l’idée de qualité de service suffisante : on peut prévoir la nécessité d’une qualité de service – que nous pouvons reconnaître au travers du droit à la connexion, objet d’un des amendements que je vous proposerai tout à l’heure. Pour le reste, je suis d’accord avec ce qu’elle a dit.

Monsieur Dionis du Séjour, je vous invite à vous reporter au débat qui a lieu aux États-Unis, même si l’économie des télécommunications et d’Internet dans ce pays n’est pas la même qu’en France. Le régulateur américain a choisi, à la fin de l’an dernier, de fixer des règles différentes pour les réseaux fixes et pour les mobiles, chacun ayant son économie propre. Les opérateurs français ont semblé vouloir agir vite s’agissant des seconds, en mettant en cause la neutralité de l’Internet, alors que la Federal Communications Commission (FCC) et le gouvernement américain témoignent d’une volonté de défendre fermement ce principe.

La proposition de loi se concentre en effet sur les FAI, parce que c’est là que se pose le problème le plus urgent, mais elle porte aussi sur la totalité de l’économie de l’Internet. Le ministre de l’industrie a indiqué hier qu’il fallait que Google finance les réseaux. Or, les éditeurs, tels DailyMotion ou YouTube, le font déjà et de nombreux petits éditeurs nous disent qu’ils ont beaucoup de difficultés à mettre en place des services innovants parce que le coût d’accès est trop élevé. De fait, ils sont confrontés à une triple contrainte : respect du droit d’auteur, tarifs rédhibitoires pour l’accès au catalogue et coût de l’accès à la bande passante. Nous devons donc prendre en compte l’écosystème complet de l’économie numérique.

Quant aux sanctions, elles sont nécessaires. La question principale n’est pas celle du montant minimal de l’amende, monsieur Philippe Armand Martin, elle est bien plutôt de savoir comment avoir prise sur les grands acteurs qui réorganisent le réseau – ce à quoi le Parlement n’est d’ailleurs pas suffisamment attentif, d’où notre signal d’alerte. Je vous proposerai un amendement à l’article 7 pour améliorer le dispositif prévu.

S’agissant de l’intégration du haut débit au service universel, aucune étude d’impact spécifique n’a été réalisée, mais nous menons depuis plusieurs années des études dans différentes instances sur le développement du haut débit – j’anime, par exemple, ce travail au sein de l’Association des régions de France. Nous avons le sentiment que le déploiement du haut et du très haut débit en France n’est pas sérieusement piloté et que l’investissement national est notoirement insuffisant. Les annonces des opérateurs la semaine dernière n’ont vraiment pas suffi à nous rassurer sur ce point.

La proposition de loi est restrictive à l’égard des services gérés, non pas qu’elle les interdise, mais en ce qu’elle tend à les encadrer, ne serait-ce que parce que certains d’entre eux seront très vite dépassés par les innovations. La loi n’a pas pour objet de sanctuariser les innovations d’aujourd’hui au détriment de celles de demain. Il n’y a pas de raison d’autoriser la « priorisation » du trafic sur un simple fondement commercial, ce qui reviendrait à privatiser le réseau.

On peut, pour rendre compte de ce débat sur la neutralité d’Internet, recourir à la métaphore de la ville : dans la ville comme sur Internet existent des petits commerces et des grandes surfaces. Mais ni l’une ni l’autre ne doivent devenir une immense galerie marchande, par privatisation progressive de l’espace public. De même que le groupe socialiste, je ne suis pas hostile à la liberté du commerce et de l’industrie mais Internet doit être une ville neutre, ouverte à tous, où l’innovation peut se développer et où la démocratie a sa chance.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er :

La Commission est saisie de l’amendement CE 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que le principe de neutralité s’applique à toutes les communications électroniques, y compris donc la diffusion de programmes audiovisuels, et non aux seuls échanges numériques de données.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 1er.

Après l’article 1er.

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Elle examine d’abord l’amendement CE 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de consacrer explicitement le droit d’utiliser Internet librement : à cette fin, il dispose que les fournisseurs d’accès à Internet doivent laisser les utilisateurs finals choisir les informations qu’ils souhaitent échanger et les matériels à l’aide desquels ils se connectent au réseau. Il s’agit d’encadrer de façon stricte les exceptions à ce principe, en précisant que les seuls cas légaux de « bridage » de l’accès à Internet sont les mesures de gestion de trafic exigées par la sécurité du réseau et les mesures de blocage ordonnées par un juge.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE 4, également du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à empêcher les fournisseurs d’accès à Internet d’utiliser les box qu’ils mettent à la disposition de leurs abonnés pour contrôler l’usage que ceux-ci font de leur connexion. Il permet à l’ARCEP d’établir précisément les caractéristiques des box et exige que les équipements de connexion ne présentent que des fonctionnalités strictement nécessaires à l’accès au réseau.

Mme Laure de La Raudière. Votre amendement exclut la possibilité pour les opérateurs d’offrir des services concernant les éléments de réseau qu’ils fournissent à leurs clients : il empêche en particulier la VoIP (« Voice over IP » ou téléphonie IP) et la ToIP (« Telephony over Internet Protocol » ou téléphonie par Internet) sur les box. J’y suis donc défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement est très important : il tend à créer un véritable droit à la connexion. Celui-ci matérialise le droit d’accès à Internet, qui permet l’exercice des libertés fondamentales – liberté d’expression, de communication et de formation –, conformément à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi HADOPI. Son caractère effectif permettrait d’éviter la censure politique mais aussi de poursuivre les progrès en matière de haut débit dans les zones urbaines et rurales qui en sont dépourvues ou disposent d’une qualité insuffisante, inférieure à 1 mégabit. Par ailleurs, il empêcherait de couper dans n’importe quelle condition la connexion des internautes. Je pense que chaque groupe politique devrait retenir au moins un de ces trois motifs pour adopter l’amendement – qui devrait satisfaire les démocrates et les ruraux comme les défenseurs de la création culturelle.

M. Jean Dionis du Séjour. Je suis réservé sur l’interdiction faite aux fournisseurs d’accès de restreindre le débit d’accès à Internet de leurs abonnés sauf « décision d’une autorité judiciaire indépendante. ». L’Internet mobile va bientôt être saturé ; pour y remédier, il faudra continuer à investir, mais cela ne suffira pas : il faudra aussi, inévitablement, gérer le trafic. Or, on ne pourra chaque fois qu’il y aura lieu de le faire demander une autorisation au juge.

M. le rapporteur. Il ne faut pas créer de faux débat : cet amendement ne prévoit pas de demander au juge l’autorisation de prendre des mesures de gestion du trafic ; il empêche de déconnecter un usager.

M. Jean Dionis du Séjour. Il dit : « restreindre le débit d’accès » !

M. le rapporteur. Mais cela ne concerne pas la gestion du trafic.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 :

La Commission rejette l’article 2.

Article 3 :

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 :

La Commission rejette l’amendement de coordination CE 5 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 4.

Article 5 :

La Commission rejette l’article 5.

Article 6 :

La Commission est saisie de l’amendement CE 6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que le choix d’utiliser une classe de service doit revenir à l’abonné mais que les FAI pourront saisir l’ARCEP pour être autorisés à ne pas transmettre prioritairement des types de flux qui ne le requièrent pas.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CE 7 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’alinéa 3 de l’article disposait que certains flux pourraient être transmis prioritairement « sur décision d’une autorité judiciaire indépendante » ; or, il n’existe pas aujourd’hui de base légale permettant à un juge de prendre une telle décision. Il est donc proposé de supprimer cet alinéa.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 6.

Article 7 :

La Commission examine l’amendement CE 8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à substituer – essentiellement pour des raisons techniques – une sanction administrative à la sanction pénale initialement alignée sur le dispositif de « riposte graduée » institué par la loi HADOPI. Celui-ci étant difficile à appliquer dans le cas de la neutralité, une procédure de sanction administrative confiée à l’ARCEP nous a semblé préférable, étant entendu que l’amende prévue serait proportionnée à la gravité du manquement et à la situation financière des opérateurs.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’article 7.

Article 8 :

La Commission rejette l’article 8.

M. Jean Dionis du Séjour. En définitive, faute d’y retrouver clairement l’architecture à laquelle il est attaché – Internet utilité essentielle, d’une part, et services gérés, d’autre part –, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi, quitte à revoir cette position en séance publique si le rapporteur levait alors nos doutes.

La Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

◊ ◊

La commission a examiné la proposition de loi tendant à rendre obligatoire l’étiquetage nutritionnel (n° 3060) sur le rapport de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cette proposition de loi vise à rendre obligatoire un étiquetage nutritionnel pour toutes les denrées alimentaires destinées à être livrées en l’état au consommateur final. En la matière, il y a urgence à statuer, la progression de l’obésité posant un véritable problème de société, qui justifierait que nous nous retrouvions tous ensemble pour y faire face.

Nous sommes en effet confrontés à un grave problème de santé publique, non dépourvu d’incidences économiques : l’épidémie d’obésité et de diabète cause de plus en plus de morts chaque année et a un coût budgétaire important. L’une des parades utilisées dans de nombreux pays est l’étiquetage nutritionnel obligatoire ; mis en place aux États-Unis depuis 1994 en vertu du Nutrition labelling and education Act du 8 novembre 1990, il est également en vigueur au Québec, au Canada, au Brésil, en Nouvelle-Zélande, en Argentine, en Australie, en Israël, en Malaisie, au Paraguay et en Uruguay.

L’indice de masse corporelle (IMC), égal au rapport entre le poids et la taille au carré, mesure l’adéquation du poids à la taille. Compris entre 18,5 et 24,9, il est considéré comme normal ; entre 25 et 30, il témoigne d’un surpoids et, au-delà, d’une obésité. À ce jour, 31,9 % de nos compatriotes sont en surpoids et 14,5 % sont obèses. De plus, leur nombre augmente rapidement : de 5,9 % par an, en moyenne, au cours des douze dernières années.

La mauvaise alimentation due à la prépondérance d’aliments sucrés, salés et gras ne manque pas d’entraîner des désordres physiologiques multiples lorsqu’elle s’ajoute à l’insuffisance d’exercices physiques. L’apport de sodium est en particulier très excessif dans les pays occidentaux puisque la moitié des adultes et le quart des enfants y absorbent plus de huit grammes de sel par jour quand le besoin quotidien est inférieur à deux grammes. Or, plusieurs études ont démontré que l’on ne pouvait lutter efficacement contre le surpoids, contre l’obésité, contre l’hypertension artérielle et contre divers cancers digestifs qu’en conjuguant plusieurs moyens : l’éducation de la population, l’amélioration du dépistage et de la qualité nutritionnelle des aliments – dans les collectivités notamment –, la promotion de l’activité physique et celle de la consommation de produits non transformés, mais aussi l’information du consommateur par l’étiquetage nutritionnel, dont l’importance ne saurait être sous-estimée.

Le très bon rapport d’information remis en septembre 2008 par Valérie Boyer, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la prévention de l’obésité, préconisait entres autres recommandations « un étiquetage fondé sur le profil nutritionnel des produits alimentaires ». Un an plus tard, notre collègue déposait une proposition de loi tendant à déclarer la lutte contre l’obésité et le surpoids grande cause nationale. Le programme national pour l’alimentation (PNA) présenté le 28 septembre dernier tendait, quant à lui, à renforcer l’information des consommateurs sur la composition nutritionnelle des denrées préemballées, tandis que le Livre blanc de 2007 de la Commission européenne, appelant à définir une stratégie européenne pour conjurer les problèmes de santé liés à la nutrition, à la surcharge pondérale et à l’obésité, précisait que l’étiquetage nutritionnel est « de nature à aider les consommateurs à opérer parmi les aliments des choix bénéfiques pour leur santé ». Le Président de la République, en ce qui le concerne, a présenté au mois de mai 2010 un plan triennal de renforcement de la lutte contre l’obésité et, enfin, lors de ses vœux du 11 janvier 2011, le ministre de la santé Xavier Bertrand a déclaré que cette lutte constituait « plus que jamais une priorité de notre politique de santé publique ».

Tout converge donc pour que des mesures additionnelles soient prises permettant d’améliorer l’information et la prise de conscience des consommateurs. L’efficacité de ces mesures est d’ailleurs certaine : par des enquêtes d’opinion, nous savons que 95 % des Français souhaitent qu’un tel étiquetage soit rendu obligatoire et que, lorsqu’il est effectif, 58 % des femmes et 46 % des hommes le lisent avec attention et en tiennent compte. Aux États-Unis, l’étude Moorman, réalisée en 1996, a démontré qu’il contribuait à élever le niveau des connaissances nutritionnelles. D’autres études ont également montré qu’il entraînait effectivement une baisse de la consommation de lipides, de graisses saturées et de sodium, une réduction de l’apport calorique et du cholestérol, ainsi qu’une augmentation de la consommation de fruits et légumes.

Conformément à une directive européenne de 1990, cet étiquetage est actuellement facultatif, hormis les cas où l’étiquetage comporte une allégation nutritionnelle, et, comme par hasard, ce sont les produits comportant le plus de risques qui en sont dénués : en effet, on ne le trouve que très rarement sur les mayonnaises, chocolats, biscuits sucrés, pâtes à tarte, bonbons, huiles d’olive, beurres et sirops de fruits !

Alors que l’étiquetage existant apporte un certain nombre d’indications sur la date limite de consommation ou sur le poids des produits, l’étiquetage nutritionnel renseigne sur la valeur énergétique et sur la part des glucides, des lipides, des protéines, des fibres alimentaires, du sodium et de certaines vitamines et sels minéraux.

J’ajoute que cet étiquetage facultatif peut devenir obligatoire si nous en décidons ainsi, l’article 169 du Traité sur le fonctionnement de l’Union disposant que les mesures arrêtées par celle-ci en faveur des consommateurs « ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes », ces dernières devant seulement être compatibles avec les traités et notifiées à la Commission. Rien, en droit, ne s’oppose donc à une telle évolution.

Je précise, enfin, que les incidences économiques des problèmes nutritionnels ne sont pas négligeables puisque les effets de l’obésité et du surpoids « coûtent » 7 % de l’ONDAM, soit 10 milliards par an, dépense d’ailleurs appelée à augmenter au fil du temps.

Je souhaite donc que cette proposition de loi soit adoptée pour permettre à nos concitoyens d’effectuer des choix alimentaires plus raisonnés. Nous donnerions ainsi l’exemple à d’autres pays européens, ce qui ne manquerait pas de conforter l’émergence d’un « consommateur citoyen » que tous réclament.

M. Pierre Gosnat. S’inscrivant dans le cadre défini par une directive européenne, cette proposition de loi tend à faire apparaître sur les étiquettes la valeur énergétique d’un produit alimentaire et la quantité de protéines, de glucides et de lipides, voire d’acides gras ou saturés, de fibres et de sodium qu’il comporte.

Dans l’exposé des motifs, nos collègues socialistes expliquent qu’ils souhaitent lutter ainsi contre l’obésité et il est vrai que ce phénomène prend dans notre pays une ampleur inquiétante. En effet, selon l’INSEE, notre pays compterait huit millions d’obèses – dont deux millions d’enfants – et 32,4 % d’adultes seraient en surpoids ; parmi les enfants, 62 % surconsommeraient du sucre et 60 % des graisses. Nous sommes donc confrontés à un véritable problème de santé publique car, au-delà des désagréments physiques et psychologiques, cette situation entraîne maladies vasculaires, diabète, hypercholestérolémie ou hypertension.

Face à de tels fléaux, cette proposition de loi va donc dans le bon sens même si, selon nous, elle ne s’attaque pas vraiment aux racines du mal. Elle s’inscrit en effet dans une logique de communication et d’information, prolongeant notamment les différentes campagnes de publicité de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, sur le thème « Mangez cinq fruits et légumes par jour » ou « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ». Or, si le bien-fondé de ces campagnes est incontestable, leurs effets demeurent marginaux, un consommateur informé ne privilégiant pas forcément une nourriture équilibrée – l’étiquetage nutritionnel très voyant des hamburgers de McDonald, par exemple, est loin de constituer un frein à leur consommation. En outre, quelle efficacité aura cet étiquetage aussi longtemps que la publicité alimentaire en direction des enfants ne sera pas plus strictement encadrée ?

L’information nutritionnelle est un peu l’arbre qui cache la forêt, les principales causes de l’obésité étant avant tout, outre la sédentarité, la « malbouffe ». Avant même de regarder les apports nutritionnels d’un aliment, un consommateur s’intéresse à son prix ! Le pouvoir d’achat a donc une influence considérable sur l’alimentation. Selon une étude de l’Institut de veille sanitaire publiée le 26 mai 2009, les enfants issus de milieux défavorisés consomment moins de fruits et de légumes que les autres. Le niveau socioculturel et le pouvoir d’achat des parents jouent ainsi beaucoup dans les phénomènes d’obésité infantile. Dans une étude récente, l’INSEE confirme que ceux-ci sont dramatiquement plus développés dans les classes populaires. Olivier Andrault, d’UFC-Que choisir, synthétise bien la situation : « C’est le phénomène du paradoxe alimentaire : plus on est pauvre, plus on est gros. » Il note, de surcroît, que les familles dont le pouvoir d’achat est faible s’orientent plus facilement vers des produits au lourd potentiel énergétique par peur du manque de ressources.

La lutte contre l’obésité implique donc de prendre des mesures drastiques : outre une action sur le pouvoir d’achat, il conviendrait d’imposer des normes de production plus strictes aux industriels du secteur alimentaire.

Ces réserves posées, l’intérêt de la proposition de loi n’est pas contestable et, de ce fait, le groupe GDR la votera.

M. Daniel Fasquelle. Si nous pouvons partager l’objectif de ses auteurs, cette proposition de loi ne nous semble pas pour autant opportune. En effet, des discussions sont en cours au sein de l’Union européenne depuis le mois de janvier 2008, un accord politique a été signé au mois de décembre 2010 et il devrait être possible d’adopter – comme le souhaite la présidence hongroise de l’Union –, d’ici au mois de juin prochain, un règlement européen se substituant à deux directives, de 1990 et de 2000.

Ce projet de règlement renforcera l’étiquetage nutritionnel obligatoire, mais il est plus nuancé que la proposition de loi en prévoyant une liste de produits exemptés et une application progressive sur cinq ans, délai raisonnable compte tenu des contraintes supplémentaires qui seraient imposées aux industriels. J’ajoute que, en vertu de la directive de 1998, nous devrions notifier à Bruxelles l’adoption de cette proposition et que la Commission ne manquerait pas alors de nous opposer la prochaine adoption de ce règlement. D’autre part, le texte de nos collègues socialistes entraînerait un handicap compétitif pour nos industriels, ce nouvel étiquetage ne s’imposant pas à leurs concurrents étrangers : mieux vaut jouer le jeu de l’harmonisation.

Pour ces raisons, tant juridiques qu’économiques, le groupe UMP ne votera pas la proposition de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Les centristes, eux, la voteront. Les arguments du rapporteur sont en effet de poids : outre qu’il s’agit là d’un véritable enjeu de santé publique, la qualité de l’étiquetage en serait améliorée et le précédent des États-Unis et d’autres grands pays offrent des gages d’efficacité. Quant au projet européen de règlement dont a fait état M. Fasquelle, il ne saurait aboutir à une application effective de la mesure avant trois ou quatre ans – le temps nécessaire pour élaborer la directive et pour la transposer. Ce serait attendre bien longtemps !

M. Jean Gaubert. En écoutant M. Fasquelle, je me disais que j’avais bien affaire à un juriste qui, faute d’arguments de fond, use d’arguments formels et dilatoires. Ce n’est pas la première fois qu’on loue ainsi une proposition pour aussitôt déclarer qu’elle ne vient pas au bon moment ! En fait, faute de pouvoir dire qu’un texte qui vous embarrasse est mauvais, vous jouez la montre. Ici, vous nous demandez d’attendre trois, quatre, cinq ou six ans, en négligeant le fait que, pendant ce temps, les dégâts de la malnutrition s’accumuleront.

Il n’y a pas de raison de mesurer l’information donnée au consommateur : il doit savoir ce qu’il achète ! Alors que tout le monde a sans cesse le mot de « liberté » à la bouche, pourquoi n’aurait-il pas celle de vérifier la qualité de son alimentation ?

Mais la question posée est aussi celle de la concurrence : chacun sait qu’il revient beaucoup moins cher d’ajouter des graisses plutôt que de la chair dans un plat à base de viande et que, grâce à un surplus de sel dans un plat cuisiné, la date de péremption peut être repoussée. Faute d’un étiquetage nutritionnel obligatoire, ces pratiques pourront continuer tandis que les industriels qui font un effort pour proposer des produits de qualité risquent de se décourager. Les plus fragiles de nos concitoyens resteront alors condamnés aux produits de bas de gamme, comme l’a relevé M. Gosnat.

Le groupe SRC votera donc cette proposition de loi, pour des raisons qui vont bien au-delà de toute considération politique.

M. Yannick Favennec. L’alimentation joue un rôle important pour préserver la santé et réduire les risques de maladies chroniques. Aussi, afin de se nourrir d’une façon équilibrée, le consommateur doit-il choisir ses aliments en toute connaissance de cause – ce qui est bien entendu beaucoup plus facile si l’étiquetage lui fournit des informations sur la composition et sur la valeur nutritionnelle des produits. Si donc je suis favorable à l’obligation d’un tel étiquetage pour les produits préemballés, je note toutefois que son efficacité suppose une éducation à la nutrition : pour faire des choix éclairés, le consommateur doit comprendre ces informations nutritionnelles. Or, s’il est vrai qu’il accorde désormais plus d’attention aux indications portées sur les emballages des produits alimentaires, relatives notamment à leur composition, il ne dispose malheureusement pas de la compétence lui permettant d’en tirer des conclusions sur la qualité nutritionnelle de ces produits : en d’autres termes, il est impossible pour le consommateur moyen d’apprécier comment un aliment élaboré du commerce doit être intégré dans son menu pour que son alimentation soit saine et équilibrée.

Je suis convaincu que l’étiquetage des denrées alimentaires devrait constituer un élément prépondérant dans l’information préalable du consommateur, afin de lui permettre de choisir de façon autonome les produits nécessaires à une alimentation adaptée à ses besoins. Mais, en l’état, le constat est sans appel : tel qu’il se présente aujourd’hui sur les conditionnements, l’étiquetage nutritionnel des produits transformés est à la fois difficilement lisible, trop dense et trop détaillé pour les références dont dispose le consommateur. Il est donc essentiel de concevoir un étiquetage clair, attractif, plus visuel, plus graphique et surtout accessible à tous, y compris aux personnes qui ne savent pas ou ne peuvent pas lire. Cette proposition de loi n’aura de sens qu’au prix de cette information claire et uniforme.

M. François Brottes. Excusez-moi d’employer cette expression quelque peu triviale, mais, en vous entendant, j’ai vraiment l’impression d’avoir à faire au « bal des faux-culs » ! Il est tout de même incroyable de prétendre que le texte est inutile parce qu’il ne prévoit pas la mise en place de formations et qu’il ne faudrait pas le voter parce qu’il viendrait trop tôt ! Je ne pensais pas que des réactions aussi politiques étaient possibles sur une proposition de bon sens, qui nous paraissait de nature à faire consensus.

Tout le monde en est d’accord : sans pédagogie, nul ne comprendra les indications nutritionnelles et sans transparence, il est impossible de garantir la qualité des produits. Mais tel n’est pas en fait votre propos : vous défendez des industriels qui nous font manger des cochonneries et qui n’apprécieront pas que ce soit dit. Or, face à la concurrence, ceux qui parmi eux travaillent bien ont tout intérêt à la transparence – voyez par exemple le succès de l’alimentation « bio » ! Et les autres gagneront plus à cette transparence qu’en cachant la saleté sous le tapis. Ne prenons donc pas les consommateurs pour des imbéciles : ce n’est pas parce qu’ils ne bénéficient pas de séances de formation qu’ils ne sont pas capables de faire la différence entre une alimentation équilibrée et une alimentation graisseuse !

Cosignez donc cette proposition de loi plutôt que de la contrecarrer en utilisant des arguments irrecevables !

M. Michel Lejeune. Cette proposition de loi va dans le bon sens mais, parce qu’elle est trop limitée, je ne la voterai pas. Sans doute devrions-nous d’ailleurs profiter de sa discussion pour réfléchir plus globalement aux problèmes d’étiquetage en veillant, par exemple, à ce que soit systématiquement précisée l’origine des denrées ainsi que des matières premières.

De la même manière, s’agissant de la viande, il me semblerait intéressant de mentionner la méthode d’abattage des animaux, qu’elle soit hallal ou casher : un musulman ou un juif doivent savoir s’ils peuvent ou non la consommer.

Mme Frédérique Massat. Je voterai bien entendu cette proposition de loi dont l’application est d’autant plus urgente que, si nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ces questions à propos de la loi relative à la modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP), il n’en était rien résulté de concret. Quant à l’Europe, si elle a effectué un certain nombre d’avancées, celles-ci sont pour nous insuffisantes : le lobby de la confédération des industries agro-alimentaires de l’Union a su mettre en œuvre, une obligation d’étiquetage pouvant entraîner une baisse de la vente de certains produits dont les qualités nutritionnelles sont relativement faibles.

J’ajoute que si 90 % des Britanniques connaissent aujourd’hui les qualités nutritionnelles des différents aliments qu’ils consomment, ils le doivent à la présence d’un code de couleurs qui a d’ores et déjà fait la preuve de son efficacité.

Si cette proposition de loi est adoptée, monsieur le rapporteur, dans quel délai les industriels devront-ils appliquer ses dispositions ?

Enfin, la directive européenne actuelle comporte-t-elle des précisions relatives à la lisibilité des mentions, en particulier à la taille des caractères employés ?

M. Philippe Armand Martin. Nous en convenons tous : le consommateur doit savoir ce qu’il mange. Pour autant, cette proposition de loi permettra-t-elle de résoudre le problème de l’obésité ? J’en doute.

Aujourd’hui, la fonction des étiquettes me semble détournée dans la mesure où on en fait de plus en plus des supports d’informations sur la politique sanitaire et des instruments de prévention. Ainsi s’ajouteraient aux obligations communautaires celles qui relèvent de chaque État : après la mention des ingrédients ou des calories, quelle sera la prochaine étape ? Loin de nous donner les moyens de mener une vraie politique d’éducation à la bonne alimentation, nous nous donnons bonne conscience en saturant les étiquettes d’informations. À la fin, le consommateur n’y comprendra plus rien et nous aurons l’effet inverse de celui qu’on recherche : une désinformation !

Par ailleurs, les coûts supplémentaires d’un tel affichage seraient considérables pour les producteurs puisque les valeurs nutritionnelles et les ingrédients ne sont jamais identiques.

Outre que régler un problème tel que celui de l’obésité suppose de travailler en amont, dans le domaine de l’éducation, mieux vaudrait œuvrer avec le Parlement européen sur le projet de règlement plutôt que de légiférer pour la seule France.

Mme Anny Poursinoff. L’apposition sur les étiquettes d’un « feu tricolore » – au rouge pour une forte teneur en graisses et en sucres, à l’orange pour une teneur moyenne et au vert pour un produit de qualité – a été refusée à seulement deux voix de majorité au Parlement européen, le lobby du secteur agroalimentaire ayant pesé de toute sa force contre cette disposition. C’est d’autant plus dommageable qu’un tel procédé avait le mérite d’être lisible, et donc efficace. Ne pourrait-on pas le reprendre en France?

Nous aurions également souhaité que la présence de nanomatériaux ou d’OGM soit signalée sur les emballages : tel n’a pas été le cas non plus.

Par ailleurs, si l’éducation à la nutrition est importante et si le pouvoir d’achat influe en effet fortement sur les choix alimentaires des consommateurs, cette proposition de loi n’en constitue pas moins un premier pas dans la bonne direction. Les députés Verts voteront donc en faveur de cette proposition.

M. William Dumas. Comme l’a dit Mme Massat, si une part importante de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche était consacrée à l’alimentation et à la santé publique, les députés de la majorité ont en l’occurrence seulement souhaité donner une impulsion en matière d’étiquetage sans imposer quoi que ce soit. Certains industriels du secteur agroalimentaire, plus soucieux de profits que de santé publique, continuent donc à produire des aliments gras et sucrés alors que les personnes obèses et en surpoids constituent presque 50 % de la population et que le coût des pathologies induites s’élève à 10 milliards. Il est urgent de prendre le taureau par les cornes et de rendre obligatoire cet étiquetage nutritionnel !

Monsieur Lejeune, dans ma circonscription, l’abattage hallal est répandu de même que les caves coopératives qui produisent des vins cascher : lorsque le marché est là, les producteurs savent être au rendez-vous.

Mme Anne Grommerch. Il me semble plus important de trouver des mesures efficaces pour lutter contre l’obésité que de se donner bonne conscience. Or, si l’étiquetage est aujourd’hui peu clair et difficile à lire, peut-on croire que l’obligation de porter des mentions nutritionnelles suffira à toucher les publics concernés quand on connaît le taux d’illettrisme dans notre pays et quand on sait que ces populations sont les plus défavorisées ? L’utilisation d’un code de couleurs me semblerait en revanche intéressante, en effet. Essayons donc de toucher tout le monde, en recherchant des moyens réellement efficaces !

Mme Annick Le Loch. J’adhère à cette proposition de loi car je suis favorable à tout ce qui peut renforcer l’information des consommateurs et contribuer à résoudre les problèmes de santé publique.

Dans ma circonscription, encouragées par l’État dans le cadre du programme national nutrition-santé (PNNS), des entreprises du secteur agroalimentaire se sont engagées en faveur d’une amélioration de la qualité nutritionnelle. L’une d’entre elles, en particulier, a rédigé une « charte d’engagement volontaire de progrès nutritionnel » mais, malgré ses efforts pour obtenir que ses productions disposent d’un étiquetage adéquat à l’horizon de 2013, la reconnaissance gouvernementale semble nulle. Alors que certains grands groupes sont mis sur le devant de la scène, des PME méritantes ne sont donc pas valorisées. En attendant l’application de cette proposition de loi, ne pourrait-on pas mettre davantage en lumière ce qu’elles ont accompli ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Comme l’a dit M. Brottes, c’est le « bal des faux-culs », qui font suivre l’expression de leur compassion hypocrite d’arguties dilatoires ! Si les Français ne comprennent rien aux étiquetages, que ne supprimez-vous les notices dans les boîtes de médicaments ? Allez jusqu’au bout de votre logique !

Contrairement à ce que dit M. Fasquelle, il n’est pas urgent de ne rien faire au prétexte que l’Europe va tout faire ! L’industrie agroalimentaire française, en raison de ses spécificités, ne doit pas se laisser imposer des normes par d’autres pays de l’Union. Souvenez-vous du débat autour de la composition du chocolat ou des fromages au lait cru ! Arrêtons l’hypocrisie ! Vous êtes manipulés par quelques lobbies qui ne veulent pas dire leur nom ! Et dire que, naïvement, nous pensions que vous soutiendriez ce texte ! Nous n’ignorons pas qu’il ne réglera pas tous les problèmes et que ce n’est qu’une base à partir de laquelle il restera tout un travail d’éducation à mener mais, vous, vous ne voulez rien savoir ! Vous serez comptables de vos choix devant les Français.

M. Francis Saint-Léger. Il me paraît louable de renforcer l’information nutritionnelle, mais je suis d’avis, comme Yannick Favennec, que nous avons aussi besoin d’une démarche pédagogique et éducative.

J’ai, par ailleurs, quelques doutes sur ce texte : les produits industriels ne seront pas les seuls visés. Or je ne vois pas comment les commerçants et les petits artisans pourront s’adapter. Faisons preuve de bon sens et de pragmatisme, comme nous y incitait tout à l’heure François Brottes. Ce texte ne me paraissant pas applicable, je ne le voterai pas.

M. Daniel Fasquelle. Cette proposition de loi imposerait aux industriels de recourir à deux types d’étiquetage. L’industrie agroalimentaire du Nord-Pas-de-Calais devrait ainsi employer un type d’étiquettes pour les produits à destination de sa propre région et un autre type pour les produits exportés en Belgique. Il y aurait, en outre, deux types d’étiquettes dans les rayons français, car la proposition de loi ne s’appliquera qu’aux industriels de notre pays.

Mais laissons cela de côté, car vous êtes fâchés depuis bien longtemps avec l’économie, et venons-en aux aspects juridiques : il n’existe pas de délai de transposition pour les règlements européens. C’est précisément leur intérêt par rapport aux directives. Nous n’aurons donc pas à attendre quatre ou cinq ans, comme j’ai pu l’entendre : si le règlement est adopté en juin, il sera publié en juillet et dès lors applicable. Nous avons, en outre, la certitude que cette proposition de loi sera écartée par Bruxelles au motif qu’un règlement est en cours de préparation.

Vous nous avez accusés d’hypocrisie et d’autres maux encore, employant des termes que je n’aime guère entendre ici – il me semble, en effet, que nous nous devons un respect mutuel. En ce qui vous concerne, chacun peut observer l’incroyable distorsion entre la position des socialistes français à Paris et celle qu’ils défendent à Bruxelles. Vous y soutenez la proposition d’un règlement communautaire, dont l’application serait étalée dans le temps afin de laisser aux industriels le loisir de s’adapter. Pourquoi nous proposer aujourd’hui un texte qui va dans un tout autre sens ? Nous sommes ici pour légiférer sérieusement, et non pour adopter des postures.

Ce texte n’ayant aucune chance d’aboutir même si nous l’adoptons, je vous suggère donc de le retirer.

M. Jean Gaubert. Il faut croire que nous ne fréquentons pas les mêmes entreprises agroalimentaires. J’ai pu constater, pour ma part, que les industriels font déjà varier l’étiquetage en fonction des pays de destination. L’entreprise « Les Gavottes » utilise, par exemple, un étiquetage particulier pour les États-Unis. Il en irait de même pour des expéditions à destination du golfe Persique.

M. le rapporteur. Il va de soi, monsieur Gosnat, que ce texte ne suffira pas à corriger l’ensemble des problèmes liés aux défaillances nutritionnelles, mais il y contribuera grandement. Des études ont, en effet, démontré l’efficacité d’un tel étiquetage. Il ne serait certes pas mauvais d’aller plus loin, mais il est préférable, d’un point de vue pédagogique, de commencer par un nombre limité d’informations.

Selon un adage bien connu, « ce qui se mesure s’améliore ». À partir du moment où l’industrie agroalimentaire détaillera la composition de ses produits, il y aura une tendance naturelle à la réduction des éléments néfastes grâce au jeu de la concurrence : entre deux produits comparables, les consommateurs choisiront naturellement celui dont la composition est la meilleure.

Nous pourrions, bien sûr, adopter des mesures plus drastiques, mais cela réduirait les chances de parvenir à une adoption rapide de ce texte qui va dans le sens d’une plus grande vertu.

Si vous souhaitez vraiment œuvrer en faveur de la santé de nos concitoyens, monsieur Fasquelle, rejoignez-nous en cosignant cette proposition de loi, comme François Brottes l’a suggéré. Sur un enjeu de société et de santé publique aussi important, et qui plus est dépourvu de toute dimension politicienne, je suis disposé à tout faire pour que vous puissiez vous associer à ce texte. Je vois mal, au demeurant, comment vous pourriez vous démarquer des engagements du Président de la République et du ministre de la santé, qui nous exhortent publiquement à lutter contre l’obésité et le surpoids !

Une discussion est effectivement engagée au niveau européen depuis janvier 2008, et il y a eu des avancées : un accord politique, en date du 7 décembre dernier, prévoit l’adoption d’un texte avant la fin du mois de juin 2011, en principe. Vous avez toutefois reconnu que ce règlement sera vraisemblablement en retrait par rapport aux mesures que nous vous soumettons. Nous n’avons aujourd’hui aucune certitude sur ce qui sera proposé, et l’on peut craindre que l’on n’avance guère en réalité. Anny Poursinoff a rappelé que le dispositif des « feux tricolores », qui n’a pourtant rien de révolutionnaire, a été rejeté à la suite de diverses pressions.

Nous ne sommes pas aujourd’hui en position de leader mondial dans le domaine de l’information nutritionnelle, car d’autres pays nous ont précédés depuis près de deux décennies, mais nous pouvons l’être en Europe en montrant le chemin du bon sens, de la vertu et de la santé publique. Si nous sommes exemplaires, d’autres pays européens, puis la Commission, finiront par nous suivre. Cela ne se produira peut-être pas dès juin 2011, mais il y aura un effet d’entraînement.

J’ajoute que notre proposition de loi ne constituera nullement un handicap pour les industriels français : elle s’appliquera à tous les produits vendus dans notre pays, quelle que soit leur origine ; tous porteront les mêmes mentions. Quant au calendrier, en quoi serait-il une contrainte ? Ce n’est pas la loi qui le définira : il reviendra au ministre de préciser les conditions d’une application qui sera évidemment progressive. L’obligation ne vaudra que pour les produits mis sur le marché après une certaine date. Tous ceux qui sont déjà en stock y échapperont. Nous faisons donc œuvre pour l’avenir.

Cela étant, la santé publique de nos concitoyens s’améliorera d’autant plus vite que nous commencerons à agir rapidement et le seul danger que j’entrevois, en réalité, serait de ne pas statuer maintenant. Faut-il rappeler que nous avons dû attendre entre cinq et huit ans de plus que d’autres pays pour retirer du marché le Mediator ? Ne prenons pas le même retard en matière d’information nutritionnelle.

À Yannick Favennec, qui rappelait à quel point l’éducation nutritionnelle est souhaitable, je répondrai qu’elle existe déjà, bien qu’elle soit insuffisante, et que ses effets seront amplifiés dès lors que les consommateurs disposeront de données précises, c’est-à-dire dès que l’étiquetage nutritionnel sera en vigueur. Mais nous ne pouvions pas prévoir l’organisation d’une éducation nutritionnelle avec des moyens conséquents et nouveaux dans ce texte, car nous nous serions heurtés ce faisant à l’article 40 de la Constitution.

Nous partageons naturellement le vœu, formulé par Michel Lejeune, que l’étiquetage soit plus général. Plus il sera complet, plus ses bénéfices seront importants, mais il ne faudrait pas que trop d’information tue l’information. Pour des raisons pédagogiques, mieux vaut commencer par fournir à nos concitoyens un nombre réduit de données simples à comprendre. La plupart d’entre eux savent ce que sont le sel, les lipides, les glucides et les protéines : il faut donc avancer progressivement. 

J’ajoute que si la directive de 1990 nous permet d’introduire un certain nombre d’informations nutritionnelles, elle nous interdit d’imposer des spécifications plus détaillées. Je ne doute pas que la situation évolue au niveau européen mais, pour le moment, il faut s’en tenir au cadre en vigueur.

Mme Grommerch s’interroge sur l’effet des mesures qui vous sont proposées. Évitons les éléments subjectifs et les craintes virtuelles. Appuyons-nous plutôt sur les données scientifiques : cela fait plus de dix ans qu’on accumule une expérience dans ce domaine. Des études scientifiques ont démontré que l’information nutritionnelle permet une réduction de la consommation de junk food, y compris chez les populations les plus défavorisées – je pense, par exemple, aux habitants noirs ou hispaniques des quartiers défavorisés des États-Unis.

Nous nous honorerions, mes chers collègues, de nous retrouver autour de cette proposition de loi, quitte à ce qu’elle soit amendée afin que tous puissent se l’approprier. Nous devons envoyer un signal fort à nos concitoyens.

La Commission examine l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

La Commission rejette l’article unique, ce qui vaut rejet de la proposition de loi.

——fpfp——

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA NEUTRALITÉ DE L’INTERNET (N° 3061)

Amendement CE 1 présenté par M. Christian Paul :

Article 1er

À la seconde phrase de l’article 1er, substituer aux mots : « échanges numériques de données », les mots : « communications électroniques ».

Amendement CE 2 présenté par M. Christian Paul, rapporteur :

Article additionnel après l’article 1er

Les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne sont tenues de donner aux utilisateurs finals :

– la possibilité d’envoyer et de recevoir les contenus de leur choix, ainsi que de diffuser et d’utiliser les applications et les services de leur choix, sauf restriction nécessitée par des motifs de sécurité ou ordonnée par une autorité judiciaire indépendante ;

– la possibilité de connecter le matériel et d’utiliser les programmes de leur choix.

Amendement CE 3 présenté par M. Christian Paul :

Article additionnel après l’article 1er

À compter du 1er janvier 2015, la composante du service universel des communications électroniques visée au 1° de l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques fournit à tous un accès à internet à un débit d’au moins 1 Mbits. Le financement des coûts liés à ce service est pris en charge suivant les modalités prévues à l’article L. 35-3 du même code.

Les personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne ne peuvent restreindre le débit d’accès à internet de leurs abonnés que sur décision d’une autorité judiciaire indépendante.

Amendement CE 4 présenté par M. Christian Paul :

Article additionnel après l’article 1er

Les personnes dont l’activité est d’offrir des services de communication au public en ligne ne peuvent mettre à la disposition de leurs abonnés des équipements de connexion au réseau restant leur propriété que si ces équipements ont été agréés par l’Autorité des communications électroniques et des postes.

L’autorité détermine les spécifications fonctionnelles permettant à ces équipements de fournir les services strictement nécessaires à l’accès au réseau de communication électronique, à l’exclusion de tout autre service. Elle rend publiques ces spécifications. L’agrément est délivré par l’autorité à la demande des personnes dont l’activité est d’offrir des services de communication au public en ligne pour les équipements présentant les seules spécifications fonctionnelles précitées.

Amendement CE 5 présenté par M. Christian Paul :

Article 4

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « échanges numériques de données », les mots : « communications électroniques ».

Amendement CE 6 présenté par M. Christian Paul :

Article 6

1° Après le mot : « données », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 1 :

«  qu’à condition de laisser leurs abonnés choisir les flux de données transmis prioritairement. Ils ne peuvent empêcher la transmission prioritaire de certains flux qu’à condition que les usages que ces flux supportent ne requièrent manifestement pas cette priorité et après l’accord explicite de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dans un délai de 90 jours suivant leur demande. »

2° En conséquence, supprimer l’alinéa 2.

Amendement CE 7 présenté par M. Christian Paul :

Article 6

Supprimer l’alinéa 3.

Amendement CE 8 présenté par M. Christian Paul :

Article 7

Rédiger ainsi cet article :

« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part de toute personne physique ou morale, aux obligations définies dans la présente loi, dans les conditions définies ci-après :

1° En cas de manquement d’une personne physique ou morale aux obligations définies dans la présente loi, celle-ci est mise en demeure par le directeur des services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans un délai d’un mois. L'autorité motive et rend publique cette mise en demeure ;

2° Lorsque la personne ayant commis le manquement ne se conforme pas à la mise en demeure prévue au 1°, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, sans qu’il puisse excéder 10 000 000 d’euros. Le montant de la sanction prend notamment en compte l’impact économique et social du manquement ; le chiffre d’affaires du contrevenant dans le cas d’une personne morale ou ses ressources dans le cas d’une personne physique ; les avis éventuels de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’Autorité de la concurrence, que le président de l’Autorité de régulation des postes et des communications électroniques peut saisir à cette fin. La sanction est prononcée après que l’intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et, le cas échéant, les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l'autorité et de présenter ses observations écrites et verbales. Elle est recouvrée comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est motivée, notifiée à l'intéressé et publiée au Journal officiel. Elle peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de suspension présentée conformément à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d'État. »

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 9 février 2011 à 10 h 15

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Christian Blanc, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Christian Paul, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Louis Touraine, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean-Claude Lenoir, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau