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Commission des affaires économiques

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 65

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Examen de la proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes et d’application immédiate en faveur du logement (n° 3294) (M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur)

– Amendements examinés par la commission

– Examen de la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté (n° 3297) (M. François Pupponi, rapporteur)

– Amendements examinés par la commission

La commission a examiné la proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes et d’application immédiate en faveur du logement (n° 3294) sur le rapport de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur.

M. le président Serge Poignant. Nous examinons ce matin deux propositions de loi déposées par les membres du groupe socialiste, radical et citoyen, sur deux thèmes connexes, le logement et la ville. Il s'agit, d'une part, de la proposition de loi n° 3294 visant à prendre des mesures urgentes et d'application immédiate en faveur du logement, dont le rapporteur est M. Jean-Yves Le Bouillonnec ; d'autre part, de la proposition de loi n° 3297 visant à prendre des mesures d'urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, dont le rapporteur est M. François Pupponi. Nos deux rapporteurs, qui ont procédé à plusieurs auditions, nous présenteront successivement leur proposition de loi respective et les amendements qu'ils ont déposés.

Pour chaque texte, comme à l’accoutumée, les orateurs représentant les groupes puis les autres orateurs pourront s'exprimer après l'intervention du rapporteur ; nous passerons ensuite à l'examen des amendements puis au vote.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Mes remerciements vont à tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de la proposition de loi que je vous présente au nom du groupe socialiste, radical et citoyen. Je vous invite vivement à vous reporter au rapport qui sera publié dans les prochains jours ; y figurera en effet la compilation d’éléments relatifs au logement jusqu’alors peu accessibles car très dispersés. Notre proposition est fondée sur ces éléments - autrement dit sur la réalité de la crise du logement. Pour autant, elle ne prétend pas résoudre l’ensemble des difficultés auxquelles notre pays est confronté à ce sujet. Pour cela, il faudra une démarche de fond qui suppose de revoir le rôle de l’État en ce domaine et les moyens qu’il y consacre, ainsi que la cohérence de l’action des différents intervenants que sont les constructeurs, les financeurs et les collectivités territoriales. Par cette proposition, nous entendons améliorer une situation qui, bien que connue, ne suscite pas l’attention nécessaire, bien que le logement soit devenu, avec l’emploi et la santé, l’une des principales préoccupations des ménages.

Et pour cause ! Selon le rapport 2011 de la Fondation Abbé Pierre, au moins 10 millions de personnes sont concernées par la crise du logement, 3,6 millions de personnes sont mal logées et 5 millions vivent dans une situation de grande fragilité. La nouveauté, c’est que les plus pauvres ne sont plus les seuls frappés : les classes moyennes éprouvent également des difficultés croissantes en raison de l'envolée des loyers et des charges. C’est que, selon une étude de l'OCDE, les dépenses courantes des ménages en logement, nettes des aides personnelles, représentent en moyenne, sur les dix dernières années, 21 % de leur revenu disponible, et l'investissement résidentiel 27 % de l'investissement total domestique. Une autre étude, récemment publiée par l'INSEE, montre que depuis un demi-siècle la part consacrée au logement dans le revenu brut des ménages a plus que doublé, passant de 9,1 % en 1959 à 21,6 % en 2009 – et c’est de moyenne qu’il s’agit là.

Aussi est-il nécessaire de refonder une politique publique du logement sur les principes de la solidarité et de la responsabilité de l'État pour garantir à tous nos concitoyens un habitat digne. Nous vous proposons d’agir en priorité sur le niveau des loyers ; la production massive de logements socialement accessibles ; la libération du foncier ; la lutte contre la vacance des logements ; l'amélioration des rapports locatifs ; l'accession véritablement sociale à la propriété par le recentrage du prêt à taux zéro sur les ménages modestes.

Je vous l’ai dit, depuis un demi-siècle, la part consacrée au logement dans le revenu des ménages a plus que doublé, pour s’établir à 21,6 % en 2009. En 2010, l'inflation a progressé de 1,5 % mais les loyers de 2,5 %. En réalité, il y a deux marchés locatifs en France : des bassins d'habitation où une offre est disponible – et même la vacance – et d'autres zones où il est nécessaire de construire. À Paris, le loyer moyen s'établit à 22,40 euros le m2. En Île-de-France, il est compris dans une fourchette de 13 euros – en Seine-et-Marne – à 18,60 euros – dans les Hauts-de-Seine. Il est de 14,10 euros à Nice, 13 euros à Lille, 12,10 euros à Bordeaux et à Lyon, 11,40 euros à Toulouse, 11,30 euros à Nantes.

Pour mettre un terme à la hausse des loyers du secteur privé et redonner du pouvoir d'achat aux ménages, il faut rétablir un dispositif qui existait dans la loi de 1989 et plafonner les augmentations de loyer lors des relocations. Le dernier rapport du préfet de la région Île-de-France au Comité régional de l’habitat fait état d’une évolution éloquente. En prenant pour base 100 les relevés faits en janvier 1998 pour tous les critères considérés, ce rapport indique en effet qu’en janvier 2010, le loyer dans le parc social s’établit à 130, l’indice du coût de la construction à 140, les loyers à la relocation en province s’établissaient à 160, en proche banlieue parisienne à 205 et à 260 à Paris ! Voilà pourquoi nous voulons intervenir.

Nous voulons par ailleurs renforcer l’application des dispositions de l'article 55 de la loi SRU par plusieurs mesures : fixation à 25 % du quota de logements sociaux à construire ; extension du champ des communes concernées - pour répondre à la demande des maires des communes rurales situées à la périphérie des grandes villes qui disent ne pas avoir actuellement les moyens d’intervention nécessaires pour maintenir la population sur leurs territoires ; appui à la construction de logements très sociaux par l'affectation d'un coefficient différent selon les types de logements construits – car il est inutile de se dissimuler que l’on construit actuellement davantage de PLS que de PLAI ; renforcement des pouvoirs du préfet en cas de carence de la commune ; interdiction de logements des demandeurs « DALO » dans les communes comprenant plus de 50 % de logements sociaux.

La charge foncière représente une part considérable du coût des logements. Aussi, pour accroître les moyens consacrés aux réserves foncières, nous proposons que l'État applique une décote sur les terrains qu'il cède lorsque ces terrains serviront à la réalisation de logements dont un quart au moins seront des logements sociaux. Nous attendons avec impatience la signature des ordonnances en préparation au ministère du logement ; dans l’intervalle, nous proposons d’assouplir le droit de l'urbanisme pour permettre de combler « les dents creuses » en autorisant le rehaussement des immeubles pour coordonner l'alignement du faîtage. Enfin, pour assurer la maîtrise foncière, nous proposons la création dans chaque région d’un établissement foncier régional et d’un seul, car on voit que la dualité qui existe en Île-de-France pour des raisons politiciennes fait perdre de l’efficacité au dispositif.

Nous proposons aussi quatre mesures destinées à diminuer la tension sur le parc privé en décourageant la vacance. La première est la majoration de la taxe d'habitation sur les logements vacants. La deuxième est de rendre obligatoire la transmission – actuellement facultative – par l'administration de la liste des logements vacants aux collectivités locales, une information capitale pour améliorer notre connaissance de l'offre potentielle. Nous proposons aussi la création d'une taxe annuelle sur les locaux à usage professionnel vacants depuis plus d'un an en Île-de-France – taxe progressive en fonction de la durée de vacance – ainsi qu’une exonération d'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession de bureaux dans les zones tendues, lorsque le cessionnaire s'engage à les transformer en logements sociaux.

Pour produire massivement des logements adaptés aux besoins, nous proposons de programmer 750 000 logements sociaux sur cinq ans. Certains ne manqueront pas de crier à l’utopie – mais en est-ce vraiment une ? Il n’est pas utopique de vouloir que chacun puisse se loger. Je me dois de souligner que les opérations de rénovation urbaine ont accentué l’insuffisance de l’offre de logements puisque, six ans durant, plus de logements ont été démolis que de logements construits, la situation ne s’étant inversée, pour la première fois, qu’en 2010 ; en région parisienne spécifiquement, où la situation s’était renversée en 2009, les opérations de rénovation urbaine ont à nouveau conduit à la réduction du nombre de logements sociaux l’année dernière.

Nous soulignons ensuite qu’il n’est pas de construction de logements sociaux possible sans requalification de la participation de l'État – je rappelle à ce sujet que la participation de l'État aux PLUS est tombée de 2 000 euros il y a six ans à 800 euros : voilà quelle est la réalité !

Nous voulons aussi sécuriser les rapports locatifs. Comme il est prévu dans la loi SRU sans que cela soit appliqué à ce jour, le préfet, ayant constaté la carence d’une commune, pourra conclure une convention avec des organismes agréés pour mettre à disposition de demandeurs jugés prioritaires au titre de la loi DALO des logements appartenant à des propriétaires privés. Les communes concernées contribueront au financement de ce dispositif.

Nous proposons encore la création d'un fonds de garantie universel et mutualiste contre les risques locatifs, le dispositif actuel, assurantiel et volontaire, étant regrettablement inefficace.

Afin de lutter contre les marchands de sommeil, nous proposons la création d’un permis de louer.

Enfin, nous proposons de recentrer le prêt à taux zéro en le réservant aux ménages modestes. Le secteur bancaire s’inquiète en effet du dispositif actuel de prêt à taux zéro, ainsi conçu qu’il n’est pas affecté au public qui devrait en bénéficier.

Tels sont les points principaux de notre proposition. Je présenterai ultérieurement deux amendements.

M. Michel Piron. Le groupe UMP, au nom duquel je m’exprime, constate que la proposition de loi du groupe SRC ne remet pas en cause les outils que nous avons créés : elle ne récuse pas la politique suivie jusqu’à présent et qui a donné des résultats, mais propose des ajustements. Les auteurs du texte s’interrogent sur les raisons de ces crises du logement géographiquement circonscrites et sur les moyens qui permettraient d’y mettre fin. La rénovation urbaine a été évoquée ; nous étions bien peu nombreux, à l’origine, à soutenir le principe de la démolition-reconstruction, défini par beaucoup comme utopique et qui est pourtant devenu réalité. Bien des élus locaux, de toutes tendances, se sont saisis de cet outil, et j’entends l’évocation qui en a été faite comme un hommage indirect rendu à notre politique du logement…

M. Henri Jibrayel. Est-ce à dire que le groupe UMP s’apprête à voter la proposition ?

M. Michel Piron. Encore devrions-nous pour cela nous accorder sur les moyens de résoudre ces crises, et sur ce point nous divergeons. En premier lieu, j’y insiste, il n’y a pas en France une crise du logement, mais des crises géographiquement délimitées et qui sont de différentes natures. Et en certaines régions, à l’inverse de ce qui se passe en Île-de-France ou dans le Genevois, on trouve au contraire d’importants parcs de logements vides. Il faut tenir compte de ces situations contrastées pour éviter de prendre des mesures uniformes qui ne seraient pas nécessairement utiles en tous points du territoire – ainsi des établissements fonciers régionaux.

L’envolée des loyers, singulièrement en Île-de-France, est certes un problème majeur, mais en quoi l’encadrement des loyers renforcerait-il l’offre ?

Je salue l’honnêteté intellectuelle avec laquelle le rapporteur a présenté la programmation de 750 000 logements sociaux sur cinq ans – soit 150 000 par an – comme une utopie. Les derniers chiffres disponibles font état de la production de 120 000 logements sociaux, un nombre inégalé depuis plus 25 ans. L’effort souhaité est donc déjà largement consenti.

On peut en effet considérer que porter de 20 à 25 % la proportion obligatoire de logements locatifs sociaux répondrait aux attentes dans certaines communes. Mais ce ne serait pas le cas en tous lieux, car tout dépend du niveau des loyers et donc de l’accessibilité au logement – et l’on sait que les logements privés sont parfois offerts à un prix inférieur aux logements publics.

Pour ce qui est de la mobilisation des logements vacants, un outil existe déjà – la taxe sur les logements vacants.

Les remarques du rapporteur sur la conduite de la rénovation urbaine sont injustifiées : comment, dans un tel schéma, faire autrement que de démolir avant de reconstruire ? Le nombre de logements disponibles était inéluctablement appelé à baisser dans un premier temps, mais l’on est entré dans une phase nouvelle. Ces opérations demandent du temps, vous le savez comme moi.

Vous l’aurez compris, nos divergences d’appréciation sont nombreuses. Le groupe UMP rejettera donc, au fil de la discussion des articles, les ajustements qui ne lui paraissent pas de nature à produire les résultats escomptés.

M. le président Serge Poignant. Notre ordre du jour ne nous permettra pas de discuter dans le détail les articles qui ne font pas l’objet d’amendements.

M. Michel Piron. Dans ce cas, le groupe UMP, considérant que les mesures présentées ne permettront pas d’atteindre les objectifs visés, votera contre la proposition en l’état. Nous reprendrons la discussion en séance publique.

M. Daniel Goldberg. Le groupe SRC se prenait à espérer que M. Michel Piron n’en viendrait pas à cette funeste conclusion, puisque le groupe UMP partage notre constat – qui est le constat d’échec de la politique menée depuis 2002 pour répondre aux besoins provoqués par ces différentes crises du logement. Il faudra en particulier dresser le bilan exact des opérations de démolition-reconstruction, pour savoir si le principe du « un logement pour un logement » a effectivement été respecté – y compris pour les différents types de logements considérés. On constate ainsi que de grands logements familiaux sont démolis et que sont ensuite reconstruits de petits logements qui n’accueillent pas le même type de familles, ni des ménages disposant de revenus du même type que les locataires précédents.

Si le groupe SRC présente cette proposition, c’est que la crise de l’offre de logements, constatée par tous, est telle que toute personne ne disposant pas de revenus plus que confortables ne trouve pas à se loger. La classe moyenne est touchée – et par cette notion j’entends un ménage percevant deux salaires médians, soit quelque 1 600 euros pour chaque membre du couple. C’est aux besoins de cette catégorie de la population que la politique suivie depuis dix ans ne répond pas. Il convient donc de jouer sur le pouvoir d’achat et de produire en abondance des logements sociaux abordables et équitablement répartis sur le territoire. C’est ce que nous proposons. L’urgence est avérée pour les familles que les élus, toutes tendances confondues, reçoivent dans leurs permanences, et pour lesquels ils ont le plus grand mal à trouver des solutions.

Il faut dire que depuis le début de la législature, nous avons assisté à une série de revirements spectaculaires. Pour commencer, on nous a expliqué que la solution viendrait des prêts hypothécaires, dont on a vu les résultats désastreux aux États-Unis. Ensuite est venu le mythe des Français tous propriétaires, qui a provoqué une dépense d’argent public à mauvais escient. Puis ont été votées les dispositions de la loi Boutin, qui ont démobilisé tous les acteurs : siphonage des ressources du 1 % logement, affectation d’une partie du produit de la taxe dévolue au projet « Grand Paris » au financement de la « bosse » de l’ANRU… Et que dire du faible rôle de l'État dans l’application de la loi DALO et dans l’utilisation du contingent préfectoral ?

Cette proposition de loi, élaborée en concertation avec ceux qui agissent pour défendre les droits des locataires, et qui met en œuvre des leviers précis, apporte des réponses concrètes à un problème grave, qui vaut au Gouvernement un carton rouge de la Fondation Abbé Pierre.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous saluons tout d’abord la présentation par le groupe SRC d’une proposition de loi d’envergure. Nous sommes contents qu’il y ait un véritable équilibre entre les projets et propositions de loi. Il s’agit d’ailleurs ici d’un véritable projet gouvernemental. Sur le fond, nul ne peut rester indifférent à l’envolée des prix des loyers, au fait que le budget « logement » représente en moyenne 21 % du revenu disponible des familles, ni à ce que, selon la Fondation Abbé Pierre, 10 millions de personnes subissent la crise du logement. Cependant, la proposition qui nous a été présentée pèche par la méthode. D’une part, rien ne nous est dit ni de son coût, ni de son impact sur les finances publiques, ni de son mode de financement. On constate d’autre part une absence criante de coordination entre ce texte et les lois structurantes qui ont été adoptées, singulièrement les lois Grenelle I et II et la loi de modernisation agricole, dont un volet concerne le foncier. Pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre ne participera pas au vote.

Pour autant, nous jugeons intéressantes certaines mesures proposées : ainsi du renforcement de la loi SRU avec le passage de 20 à 25 % de logements locatifs sociaux dans les communes considérées, ou encore de l’augmentation de la taxe sur les logements vacants en centre ville. D’autres dispositions nous paraissent plus contestables – par exemple la création obligatoire d’un établissement public foncier régional, dont il est précisé qu’il ne peut y avoir qu’un par région. Nous considérons pour notre part que la possibilité d’établissements fonciers locaux doit demeurer.

M. le rapporteur. Je rappelle que nous parlons ici des établissements publics fonciers d’État.

M. Pierre Gosnat. Par cette proposition de loi, le groupe socialiste, radical et citoyen dresse le constat grave mais réaliste de la crise du logement – une crise qui est nationale – et surtout le tableau de la déficience de la politique du Gouvernement. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine font le même constat ; c’est ce qui nous a conduits à déposer le 15 mars dernier sur le bureau de l’Assemblée une proposition de loi « établissant un programme d’urgence pour le logement et de lutte contre la spéculation immobilière ». De fait, les déclarations incantatoires du secrétaire d’État au logement et les contrevérités ne suffisent pas à masquer la réalité : la crise du logement n’a jamais été aussi profonde. Quel élu n’y est pas confronté ? Comment ne pas tenir compte du dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui souligne le manque de 900 000 logements, le fait que 700 000 personnes sont privées d’habitation personnelle, que 3,6 millions de nos concitoyens sont très mal logés et que 5 millions de personnes vivent dans une situation de grande fragilité ?

Derrière ces chiffres, qui signalent le délitement progressif d’un des piliers du socle républicain, il y a des vies sacrifiées, et toute une partie du peuple se trouve en situation précaire : il ne s’agit pas seulement de phénomènes régionaux, même si la tendance est amplifiée dans certaines régions dont l’Île-de-France. On ne peut justifier cette dégradation par l’argument de la crise économique, quand, avec des prix qui atteignent jusqu’à 8 000 euros au mètre carré en Île-de-France, les profits du secteur immobilier n’ont jamais été aussi exorbitants. Il s’agit bien du résultat de choix politiques qui, depuis 2007, ont été ceux que l’on sait : baisse drastique du budget de l'État, assèchement du financement des programmes de renouvellement urbain, vote de la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion – dite loi MOLLE – qui a pour fondement le racket du 1 % logement, des organismes HLM et des locataires eux-mêmes… Comment le nier ? Et que dire de l’acharnement idéologique à cause duquel le Gouvernement s’est employé à vouloir faire de tous les Français des propriétaires par le biais d’une politique aussi coûteuse qu’inefficace, dont même les professionnels de l’immobilier reconnaissent l’échec ? Ce matin encore, un article du quotidien les Échos confirmait cette situation.

La proposition de nos collègues du groupe SRC distingue clairement l’approche mercantile du logement – celle de la droite – de la politique publique visant à assurer le droit au logement. Elle décline une série de mesures que nous approuvons, dont l'encadrement des loyers à la relocation pour les logements neufs et vacants. On peut certes regretter que cette mesure n'ait pas d’effet sur le niveau actuel, prohibitif, des loyers sur le marché privé. Les députés communistes proposent pour leur part une fixation réglementaire de l'ensemble des loyers. Pour autant, la mesure présentée nous agrée, tout comme la programmation de la construction de 750 000 logements sociaux, la création d'une garantie des risques locatifs, la réforme de la loi SRU avec le passage à 25 % de la proportion de logements sociaux obligatoires et la création d'un coefficient de pondération dans le calcul de ce pourcentage selon le type de logements sociaux envisagés.

Nous aurions préféré que cette proposition aille plus loin. Ainsi, la question des expulsions n'est pas abordée et les dispositions contestables de la loi MOLLE ne sont pas revues – baisse des plafonds de ressources, vente du patrimoine HLM, affectation du produit du 1 % logement… Enfin, la centralisation intégrale de la collecte du livret A à la CDC nous paraît indispensable. Ces différences d'approche permettront une discussion riche et productive. Dans cet esprit, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient la proposition.

M. Kléber Mesquida. Je déplore que cette discussion se déroule en l’absence du ministre. Je tiens à souligner que la crise du logement atteint aussi les zones rurales. Ainsi, la croissance démographique est telle dans le Languedoc-Roussillon que nous ne pouvons accueillir tout le monde dans les villes. Il en résulte une recrudescence de la demande de logements à la campagne. Les nouveaux locataires se trouvent ainsi doublement pénalisés : ils sont contraints d’habiter des logements jusqu’alors vacants et pour cette raison inconfortables mais dont le loyer, par ricochet, n’est pas si bon marché, et qui sont situés à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de travail, où ils doivent se rendre en voiture alors que le prix des carburants flambe. Leur pouvoir d’achat s’en trouve sensiblement diminué. Je regrette que l’éco-prime de 2 000 euros versée par l’ANAH aux propriétaires qui engagent des travaux permettant de réduire les charges énergétiques de leurs locataires ait été supprimée. Faute de budget, le couperet est tombé : les dossiers déposés en 2010 ont été refusés. Or, l’absence de rénovation des habitations en zones rurales renforce la demande d’habitat urbain, avec les conséquences que l’on sait.

M. Jean-Louis Léonard. Une étude parue avant-hier, émanant d’un organisme qu’on ne peut soupçonner de faiblesse à l’égard du Gouvernement, indique que 92 % des Français sont parfaitement satisfaits de leur logement. Cessons donc de présenter la situation comme catastrophique, même s’il existe un problème dans le secteur des HLM.

Votre proposition de loi ne règle en rien les difficultés soulevées par la gestion des logements, et la même étude précise que 44 % des logements du parc HLM sont extrêmement mal gérés : on constate une totale inadéquation entre le logement et le logé. Des personnes peuvent rester, pendant vingt ou trente ans, dans un logement aidé alors que leur situation familiale et financière a forcément évolué. C’est ainsi que des logements familiaux se trouvent attribués à des personnes seules. On aurait pu, en ce domaine, espérer davantage de réalisme de votre part.

Vous proposez d’élargir aux communes situées hors d’Île-de-France dont la population est au moins égale à 1 500 habitants le champ d’application de la carence. C’est une suggestion intéressante, mais pourquoi ne pas l’adapter à l’agglomération ? C’est précisément ce qui manque à la loi SRU : la capacité de gérer le logement sur un territoire et pas seulement dans une commune ; on crée ainsi des ghettos. Dans une même agglomération, une commune comptant 3 499 habitants n’est soumise à aucune obligation, tandis que celle qui en compte 3 500 se voit imposer le seuil de 20 % de logements sociaux. La proposition de loi donnait l’occasion de définir un dispositif plus réaliste et de rompre avec le système inapplicable d’une gestion des stocks : certaines communes n’atteindront jamais le seuil des 20 % de logements sociaux car elles ne disposent même pas des terrains nécessaires pour parvenir à un taux de 10 %, sauf à ne construire que ce type de logements. Et dans les zones littorales, même ce dernier seuil est irréalisable. Or, avec les programmes locaux de l’habitat, en gérant les logements sociaux en flux, on parvient à un seuil de 40 %, ce que la proposition de loi n’évoque même pas.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le groupe UMP éprouve décidément bien des difficultés avec la question du logement. Ses représentants continuent d’affirmer que tout ne va pas si mal dans le meilleur des mondes, mais la réalité est tout autre. En notre qualité de députés, nous rencontrons tous, sauf dans quelques zones privilégiées, des personnes confrontées à de graves problèmes de logement. Les causes en sont presque mécaniques : la décohabitation, l’allongement de la durée de vie, la sous-production de logements, l’évolution des normes relatives à l’habitat, de plus en plus exigeantes…

Le constat est alarmant. Nous ne le dressons pas pour des motifs politiques : la Fondation Abbé Pierre le formule dans les mêmes termes.

Cette proposition de loi a été élaborée par des élus à partir d’observations sur le terrain et d’expériences locales réussies. Pour une fois, son dispositif correspond exactement à ce qu’il faut faire. Il est ambitieux mais ne saurait cependant tout résoudre.

L’envol du niveau des loyers est devenu un problème tel que des chefs d’entreprise assurent qu’il exerce un effet d’éviction sur les salariés dans certains territoires. Cela vaut, par exemple, pour les trois quarts de la région Rhône-Alpes. Il faut donc mettre un terme à cette spirale infernale : les loyers augmentent, entraînant à leur suite le prix du foncier et le coût de la construction. Comme on ne peut revenir sur les baux déjà signés, il faut instaurer un système calant les prix à un niveau raisonnable. Les colocations, que pratiquent de plus en plus les étudiants et les jeunes travailleurs, deviennent scandaleuses : les propriétaires bailleurs s’enrichissent ainsi à très bon compte, en affectant à cette formule des logements qui n’étaient pas conçus pour cela.

La nécessaire libération d’espaces fonciers soulève une interrogation particulière : outre les réserves détenues par l’État, d’autres appartiennent à de grandes entreprises publiques, notamment Réseau ferré de France. Or celle-ci les valorise de façon excessive. Que peut-on faire ?

M. Thierry Benoit. Je regrette que la proposition de loi ne fasse pas suffisamment référence à la nécessité d’optimiser le parc existant, justement pour maîtriser la consommation de foncier. On parle beaucoup de construction de logements et on fait trop peu de cas du parc locatif, public comme privé.

En matière de rénovation urbaine, il conviendrait, non pas de contraindre les propriétaires privés, mais d’engager une réflexion entre eux et la collectivité afin de définir les mesures indispensables à la réhabilitation de l’habitat en milieu rural. Le besoin est important.

Faire passer de 20 à 25 % la proportion obligatoire de logements sociaux jusque dans les communes rurales de 1 500 à 3 500 habitants soulève la question du déplacement et du transport des populations concernées, débat que nous avons eu à propos de l’habitat locatif rural dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

J’émets donc les plus grandes réserves à l’égard de cette proposition de loi.

M. François Brottes. Le représentant du groupe UMP nous a expliqué que cette proposition de loi se limitait à amender les textes déjà votés par la présente majorité. Je lui rappelle qu’il existe une loi, dite SRU, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé lorsque nous avions la majorité et que la majorité actuelle n’a eu de cesse de détricoter depuis qu’elle est aux affaires. Souvenez-vous de l’abbé Pierre venu dans les tribunes du public de l’hémicycle dénoncer la remise en cause de l’article 55 de la loi SRU ! Les autres exemples ne manquent pas, car vous avez toujours voulu réduire l’obligation de mixité sociale instaurée dans nos agglomérations, ce qui a considérablement entravé le développement du logement social dans notre pays. Vous avez pris comme alibi la loi sur le droit au logement opposable. Nous avons voté ce droit universel comme un très beau principe, mais il ne pouvait s’appliquer que là où existent des solutions concrètes – ce qui exonère toutes les communes qui ne peuvent en fournir. En d’autres termes, vous avez continuellement fait vôtre le dicton « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. »

Aujourd’hui, il faut aller au-delà de la loi SRU, notamment en matière de mixité sociale, impliquer toutes les communes de plus de 1 500 habitants et porter de 20 à 25 % le seuil de carence en matière de logements sociaux.

Le logement social n’exige pas forcément une construction neuve : on peut parfaitement réhabiliter l’habitat ancien privé. La rénovation des logements destinée à améliorer leur isolement thermique permettra, moyennant un soutien public, de passer des accords avec les détenteurs de parcs privés et de les transformer en logements sociaux.

Notre ambition est grande car l’urgence sociale est avérée : il faut aider à se loger de nombreux Français qui ne peuvent y parvenir seuls.

M. le rapporteur. Je remercie M. Michel Piron pour ses propos mesurés. Quand on dépose une proposition de loi, on espère y faire adhérer tous ses collègues ; vous vivrez cela l’année prochaine, quand vous serez redevenus l’opposition…

La politique du logement actuellement menée est la pire qui soit. Si elle n’est pas directement responsable de la pénurie de logements, elle est coupable de ne pas y avoir remédié. C’est ce qu’a indiqué très justement M. Daniel Goldberg.

L’État a commis la faute de ne pas rester partenaire des actions conduites pour résoudre la crise du logement. Les dernières lois adoptées, telles la loi de mobilisation et de lutte contre l’exclusion et les lois de finances, ont désactivé sa participation. On a pillé les crédits immobiliers, on a pillé le 1 % logement, dès lors incapable de remplir ses objectifs en faveur des salariés, et l’on a essayé de piller les réserves des bailleurs sociaux, avec un budget de l’État qui, chaque année, a réduit l’aide à la pierre : cette année, elle s’élèvera à 400 millions d’euros seulement.

La culpabilité du Gouvernement est avérée dès lors que celui-ci refuse de tenir compte de la réalité de la crise. Il a agi ainsi en raison de sa conception libérale du secteur du logement, considéré comme un bien parmi les autres, destiné à produire de la richesse et à s’ajuster selon la loi du marché, sans intervention publique. Or le logement constitue un bien premier : outre qu’il confère une dignité, c’est la première étape d’une intégration dans les systèmes de santé et d’éducation. Il ne s’agit pas seulement de se loger mais d’habiter.

Tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’il faut atteindre le seuil de 25 % de logements sociaux. Il n’en a jamais été autant construit : 130 000 par an. Mais près de 20 000 relèvent de l’Icade, et 23 000 correspondent à des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, accessibles à plus de la moitié des demandeurs. On construit donc 90 000 logements pour l’autre moitié. Ce déséquilibre résulte de ce que l’État finance le PLAI à hauteur de 10 000 euros et les prêts locatifs à usage social, les PLUS, à hauteur de 800 euros seulement. Cherchant à réduire les subventions budgétaires, il valide ainsi des logements auxquels il n’apporte pas d’aide financière.

Le problème de fond consiste donc à replacer le budget de l’État dans une stratégie visant à résoudre les problèmes de logement des demandeurs les plus nombreux. Comment peut-on le faire, a demandé M. Jean Dionis du Séjour ? Je vous invite à considérer, dans l’effort financier public consenti en faveur du logement, la part qu’ont pris, au cours des dix dernières années, les avantages fiscaux et l’aide à l’investissement locatif sans contrôle des loyers.

C’est pourquoi nous proposons de réserver le prêt à taux zéro, le PTZ, aux accédants à la propriété à revenu moyen, afin de ne pas gaspiller l’argent public en aidant des ménages qui n’ont pas besoin de ce dispositif. Nous réaliserons en même temps des économies : ainsi réformé, le PTZ ne coûterait que deux milliards au lieu de trois, et quatre dans deux ans. Pendant ce temps, l’État et les collectivités publiques consacrent chaque jour un million d’euros au financement de l’hébergement d’urgence soit, sur une année, le montant de l’aide à la pierre. En doublant celle-ci – la portant donc à 700 millions – et en réduisant d’autant les avantages accordés aux investissements locatifs, on pourrait construire 20 000 PLAI supplémentaires par an, et résoudre ainsi le problème des accédants les plus défavorisés, la plupart des demandeurs du droit au logement selon la « loi DALO ».

L’État a fait de la politique du logement un instrument de la régulation budgétaire : c’est cela qu’il faut revoir de fond en comble.

Quand l’État n’intervient plus en tant que partenaire, il incite les autres acteurs à arrêter une stratégie de défense. Je vous invite à étudier le sondage effectué par l’Union sociale de l’habitat, qui traduit l’excellente image qu’ont les Français du logement social, surtout ceux qui y habitent. Quatre-vingt-douze pour cent de nos concitoyens le considèrent comme un instrument indispensable pour résoudre la crise du logement. Car le logement social n’est plus un outil au service des plus pauvres : il est devenu un instrument de soutien à une bonne partie de la population. Or la politique du Gouvernement est de le réduire.

Nous n’avons pas contesté le mécanisme de la loi de programmation pour la rénovation urbaine mais nous avons affirmé que l’État devait rester partenaire, dans le cadre d’un tour de table où il apportait 6 milliards d’euros, de même que les autres acteurs. Dix ans plus tard, nous constatons que l’État ne verse que 900 millions d’euros. Ce budget n’est pas conforme à la loi du 1er août 2003. C’est pourquoi il faudra probablement élaborer un deuxième plan de rénovation urbaine, assorti de nouveaux instruments de participation de l’État.

RFF est effectivement concerné par la libération d’emprises foncières ; nous en avons tenu compte dans la proposition de loi.

Nous avons également porté à 10 % le niveau de l’obligation de logements sociaux en territoire rural, à la demande des maires de communes rurales.

La centralisation à 100 % de la collecte du Livret A pose un problème d’ordre européen.

Il faut revoir les plafonds de logements sociaux dans le cadre de la loi MOLLE, du fait de l’augmentation de la précarité.

S’agissant enfin du régime des expulsions, j’ai déposé deux amendements, volontairement dissociés du texte initial afin que nous en délibérions ici.

La Commission en vient à l’examen des articles.

titre 1er : Freiner l’envolée des loyers

Article 1er : Encadrement des loyers

La commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Affectation des aides à l’investissement locatif aux logements dont les loyers sont de niveau social intermédiaire

La commission rejette l’article 2.

titre ii : produire massivement des logements adaptÉs sur l’ensemble du territoire dans le respect de la mixitÉ

CHAPITRE IER : RENFORCER LA MIXITÉ SOCIALE

Article 3 : Obligation de réalisation d’un tiers de logements sociaux dans toutes les opérations de plus de 12 logements dans les communes faisant l’objet d’un constat de carence

La commission rejette l’article 3.

Article 4 : Obligation de réaliser 25 % de logements sociaux et extension du champ des communes soumises à l’article 55 de la loi SRU

La commission rejette l’article 4.

Article 5 : Augmentation du prélèvement effectué par logement social manquant au titre de l’article 55 de la loi SRU

La commission rejette l’article 5.

Article 6 : Substitution automatique du préfet aux maires défaillants en cas de constat de carence au titre de l’article 55 de la loi SRU

La commission rejette l’article 6.

Article 7 : Application d’un coefficient différencié aux différents types de logements sociaux au titre du décompte prévu par l’article 55 de la loi SRU

La commission rejette l’article 7.

Article 8 : Obligation pour les communes faisant l’objet d’un constat de carence de reloger les demandeurs de logement au titre du DALO

La commission rejette l’article 8.

Article 9 : Interdiction de reloger des demandeurs de logement au titre de la loi DALO dans des communes comportant plus de 50 % de logements sociaux

La commission rejette l’article 9.

CHAPITRE II : AGIR POUR LIBÉRER DU FONCIER

Article 10 : Décote sur les terrains publics en vue de réaliser des programmes comportant 25 % de logements sociaux

La commission rejette l’article 10.

Article 11 : Rapport sur les dispositifs susceptibles de libérer du foncier

La commission rejette l’article 11.

Article 12 (article L. 127-2 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Possibilité de dépasser le coefficient d’occupation des sols pour permettre l’alignement du faîtage d’un immeuble sur les immeubles mitoyens en vue de réaliser des logements sociaux

La commission rejette l’article 12.

Article 13 : Obligation de créer des établissements fonciers régionaux

La commission rejette l’article 13.

CHAPITRE III : LUTTER CONTRE LA VACANCE

Article 14 : Taxe annuelle sur les logements vacants

La commission rejette l’article 14.

Article 15 : Obligation de transmission aux collectivités locales de la liste des logements vacants

La commission rejette l’article 15.

Article 16 : Taxe annuelle sur les locaux à usage professionnel vacants

La commission rejette l’article 16.

Article 17 : Exonération d’impôt sur les plus-values dégagées lors de la cession de bureaux à transformer en logements

La commission rejette l’article 17.

CHAPITRE IV : PRODUIRE MASSIVEMENT DU LOGEMENT ADAPTÉ

Article 18 : Rapport sur la programmation de 750 000 logements sociaux sur 5 ans

La commission rejette l’article 18.

Article 19 : Fixation du taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable à 70 % minimum

La commission rejette l’article 19.

titre iii : conforter la relation bailleur/locataire

Article 20 : Intermédiation locative dans les communes faisant l’objet d’un constat de carence au titre de l’article 55 de la loi SRU

La commission rejette l’article 20.

Article 21 : Rapport sur la mise en place d’un fonds de garantie universel et mutualiste contre les risques locatifs

La commission rejette l’article 21.

Article 22 : Création d’un permis de louer

La commission rejette l’article 22.

Après l’article 22

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CE 1 et CE 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Outre que les expulsions ont des conséquences désastreuses pour ceux qui les subissent, elles augmentent le nombre des personnes bénéficiant d’un droit prioritaire en vertu de la « loi DALO ». C’est aberrant. Nous proposons donc deux amendements à ce sujet. Le premier pose le principe qu’aucune expulsion de locataires débiteurs de bonne foi ne peut être entreprise sans qu’un relogement soit prévu. Le deuxième amendement rétablit le délai d’exécution des décisions de justice en matière d’expulsion à ce qu’ils étaient avant la loi MOLLE, pour rendre effectives les procédures de relogement au lieu de prendre le risque d’envoyer les gens à la rue.

La Commission rejette les deux amendements.

titre iv : permettre une accession sociale À la propriÉtÉ

Article 23 : Plafonnement des ressources dans le cadre d’une opération d’accession sociale à la propriété

La commission rejette l’article 23.

titre v : Divers

Article 24 : Suppression du plafonnement au mètre carré du supplément de loyer de solidarité

La commission rejette l’article 24.

Article 25 : Outil statistique national

La commission rejette l’article 25.

Article 26 : Gage financier

La commission rejette l’article 26.

Elle rejette ensuite l’ensemble de la proposition de loi.

◊ ◊

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Article additionnel après l’article 22

Amendement CE 1 présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur :

Insérer l’article suivant :

« L’accord du préfet de police de prêter le concours de la force publique à l’exécution d’une décision d’expulsion pour dette de logement pour des occupants de bonne foi est subordonné à l’engagement par les pouvoirs publics d’une démarche de relogement des occupants. »

Article additionnel après l’article 22

Amendement CE 2 présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur :

Insérer l’article suivant :

« Dans la première phrase de l’article L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation, les mots « un mois ni supérieure à un an » sont remplacés par les mots : « trois mois ni supérieure à trois ans ».

◊ ◊

Puis la commission a examiné la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté (n° 3297) sur le rapport de M. François Pupponi, rapporteur.

M. François Pupponi, rapporteur. Nous nous sommes fondés sur un constat assez simple, découlant en partie du rapport que nous avons remis, M. François Goulard et moi-même, sur la politique de la ville et l’aide aux quartiers défavorisés : en trente ans, la France n’a pas été capable de régler les problèmes sociaux qui se manifestent dans les quartiers dits en difficulté, traduisant ainsi une sorte d’impuissance de la République à aborder efficacement ces territoires relégués. Tous les rapports, y compris celui de l’Observatoire national des zones urbains sensibles (ONZUS) pour 2010, le démontrent : la situation sociale s’est même dégradée au cours de ces trente années, malgré tous les efforts accomplis par les gouvernements successifs, l’importance des investissements réalisés, en particulier par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les moyens considérables mis en œuvre. Malgré cela, le manque d’efficacité est criant.

Devant l’échec des politiques menées au cours des dernières années, il nous est apparu urgent, non de préparer un nouveau plan en faveur des banlieues ni d’aborder tout le champ d’intervention des politiques publiques dans les territoires concernés, mais de proposer, selon quatre axes prioritaires, une politique d’urgence permettant d’éviter une nouvelle dégradation et de mettre en œuvre, à moyen et long terme, des actions publiques adaptées aux besoins.

Ces quatre axes concernent la gouvernance, la péréquation, l'emploi et le renouvellement urbain, l’idée étant d’intervenir de façon cohérente, concomitante et efficace sur chacun d’eux.

Concernant la gouvernance, il nous paraît important de bien définir les territoires, en distinguant deux catégories au niveau national : certaines villes sont des quartiers et d’autres ont des quartiers. Ainsi, lorsque 80 % de la population d’une ville se situe en zone urbaine sensible (ZUS), c’est évidemment sur l’ensemble du territoire communal qu’il faut intervenir. Lorsque, en revanche, une ZUS ne représente qu’une petite minorité dans une ville, il ne faut intervenir que dans le quartier correspondant. L’idée consiste donc à considérer soit une ville dans sa globalité, soit un quartier faisant partie d’une ville. Ce double zonage étant déterminé, un contrat unique de promotion sociale et territoriale sera proposé. Il portera sur le fonctionnement comme sur l’investissement, engagera l’ensemble des partenaires en relation avec la collectivité compétente, municipalité ou intercommunalité au niveau d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), figera la totalité des crédits pour les six années du mandat électif municipal, permettant ainsi de disposer d’une bonne visibilité d’intervention sur le territoire. On pourra fusionner les instances agissant dans ces quartiers, au moins l’ANRU et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), la question se posant aussi pour l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Notre volonté n’est pas de mettre en cause tel ou tel organisme, mais de favoriser la cohérence des interventions sur l’ensemble des territoires.

Nous proposons aussi que la politique de la ville et des quartiers soit directement rattachée au Premier ministre, seul garant de l’intervention harmonieuse de tous les ministères concernés, car nous avons constaté dans ces territoires un manque d’intervention du « droit commun ».

La péréquation financière est indispensable pour remédier à l’inefficacité induite par la concentration des populations les plus fragiles dans les villes qui ont le moins de moyens pour s’en occuper. C’est d’ailleurs le cas de l’ANRU, dont tout le monde salue l’efficacité. Mais si nous continuons le renouvellement urbain des quartiers, ainsi que nous le proposons, et que les communes et les quartiers rénovés ne disposent pas des moyens d’entretenir ce qui a été réalisé par l’ANRU, dans quelques années, les investissements s’en trouveront dégradés et l’espoir qui était né sera mis à mal. L’effet sur les populations concernées serait catastrophique et contreproductif.

La péréquation représente aujourd’hui environ 3,8 milliards d’euros. Nous proposons de doubler ce montant, avec une répartition équivalente entre péréquation verticale et péréquation horizontale. L’État doit redéfinir ses relations avec les collectivités locales et faire en sorte que des dotations plus importantes soient attribuées aux villes les plus en difficulté. Il faut aussi que les villes bénéficiant de ressources élevées partagent leur richesse. On ne saurait supporter davantage les distorsions actuelles de ressources et de charges entre les communes les plus riches et les plus pauvres. Il faut donc amplifier la mise en œuvre du principe de la péréquation, au-delà de ce qui a déjà été réalisé avec la dotation de solidarité urbaine (DSU).

De nombreuses politiques publiques ont été mises en œuvre, mais elles ont souvent oublié la problématique de l’emploi. Il est inacceptable que 42 % des moins de 25 ans soient au chômage dans ces territoires, contre 22 % seulement hors des ZUS. D’une façon plus générale, le chômage des populations concernées constitue un fléau pour la République. Le manque d’emplois favorise en effet le développement de l’économie souterraine et parallèle, gangrenant peu à peu tous ces territoires.

C’est pourquoi nous formulons une triple proposition : maintenir des dispositifs pouvant être assimilés à des zones franches, à savoir des aides fiscales et sociales permettant, au moins, de conserver les activités existantes, voire d’en créer. Les zones franches ont fait la preuve de leur efficacité. On peut espérer, dans un deuxième temps, favoriser l’emploi des habitants en dehors de leurs quartiers, car on ne pourra éradiquer le chômage par des dispositifs limités à ces quartiers. Il faudra instaurer pour cela des mécanismes d’accompagnement. Il convient enfin de lutter contre les discriminations et notamment sanctionner la discrimination à l’adresse.

Le renouvellement urbain exige de passer du Programme national de rénovation urbaine 1 (PNRU 1) au PNRU 2. Se pose toutefois la question de l’achèvement du financement du premier. Les années 2012 et 2013 seront très difficiles, du fait de la fameuse « bosse » de l’ANRU. Le PNRU 2, dont le financement ne se situerait pas nécessairement à la même hauteur que le précédent, devrait au moins permettre de terminer la rénovation des quartiers déjà engagée dans le cadre du PNRU 1 mais qui n’a pu faire l’objet d’un financement complet. On constate, en effet, en visitant certains des quartiers concernés, que la moitié seulement des travaux a été réalisée. Il faudra cependant modifier aussi certains des critères d’intervention du PNRU et de l’ANRU afin d’être plus efficient en matière de copropriété : on ne peut se contenter d’intervenir sur les seules copropriétés dégradées et sur l’habitat social public. Nous devrons lutter non seulement contre l’habitat insalubre et indigne, mais aussi faire en sorte, en écho à une proposition de loi de notre collègue M. Serge Letchimy, que soit également pris en compte le logement dans les départements d’outre-mer, problème délicat et douloureux.

Il faudra enfin veiller à ne pas attribuer, dans ces quartiers renouvelés, de logements de la « loi DALO » car le PNRU ne saurait avoir pour conséquence de créer de nouveaux ghettos. On ne peut en effet continuer d’envoyer les populations déjà les plus fragiles dans les zones qui sont aussi les plus défavorisées.

M. Michel Piron. Le groupe UMP ne peut approuver cette proposition, non en raison de ses intentions ou de ses objectifs, mais de certaines de ses modalités.

À l’article 5, la prolongation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et le passage au PNRU 2 ne tiennent pas compte du rôle croissant de l’intercommunalité.

Votre proposition de fusion entre l’ANRU, l’ACSE et EPARECA me surprend d’autant plus que le rapport que vous avez remis avec M. François Goulard ne la préconisait pas. Les savoir-faire de ces différents organismes sont bien distincts les uns des autres : l’approche commerciale et artisanale de l’EPARECA n’est pas du même ordre que celle de l’ANRU.

Vous avez souligné, et je vous en suis reconnaissant, qu’un effort avait déjà été accompli en matière de péréquation, par le moyen de la DSU. Dans le cadre du Comité des finances locales (CFL), nous avons travaillé à une meilleure péréquation, à la fois verticale et horizontale. Je tiens à rappeler que cette dernière, instaurée par nos soins, prend aujourd’hui un essor remarquable : il est prévu que 2 % du total des recettes fiscales des communes et des EPCI alimenteront en 2015 le Fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, au terme d’une progression qui aura fait passer ce prélèvement de 0,5 % en 2012 à 1 % en 2013 et 1,5 % en 2014. Le montant de la péréquation dépassera alors le milliard d’euros. Il s’agit là d’un effort considérable.

À l’article 12, vous semblez vouloir exclure d’emblée du nouveau dispositif les transferts d’entreprises. Il peut, certes, produire des effets d’aubaine mais ne jetons pas l’enfant avec l’eau du bain et tenons compte des effets positifs du mécanisme pour l’activité dans les quartiers. En la matière, la prudence s’impose.

À l’article 16, vous voudriez conditionner l’exonération de charges sociales et fiscales à l’emploi de personnes issues des ZUS. Au nom même de la mixité sociale et, plus encore, de la nécessité d’accroître l’activité dans ces quartiers, cette mesure me semble s’éloigner de l’objectif qu’elle vise et risque même de se révéler nuisible.

Ces différents points justifient donc que nous désapprouvions votre proposition de loi, tout en saluant malgré tout l’objectivité avec laquelle vous avez traité l’action de l’ANRU et les efforts déployés par le gouvernement en matière de péréquation.

M. le président Serge Poignant. Je profite de l’occasion pour vous prier de bien vouloir excuser l’absence de notre collègue, M. Gérard Hamel, président de l’ANRU et précisément retenu par un conseil d’administration de cet organisme.

M. Henri Jibrayel. En matière de logement social, le constat est accablant et le bilan de la politique du Gouvernement, chaotique. Les promesses faites par M. Nicolas Sarkozy après les événements de 2005 n’ont pas été tenues. Le plan Espoir Banlieues de Mme Fadela Amara a échoué. La situation est véritablement catastrophique. C’est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi, afin de trouver des solutions immédiates. Elle est à la fois ambitieuse et peu coûteuse, avec la volonté d’éviter la coexistence de deux France : celle des quartiers difficiles et celle qui les ignore.

Dans les quartiers concernés, près de 600 000 jeunes sont au chômage. On déplore l’absence totale de volonté politique et financière de requalifier les grands ensembles. Tous les plans de sauvegarde, sur l’ensemble du territoire, ont été abandonnés. Des logements insalubres sont proposés par des marchands de sommeil en violation de toutes les normes de sécurité.

La proposition de loi comporte quatre orientations, que notre rapporteur a présentées : la gouvernance, la péréquation, l’emploi et la requalification urbaine. C’est pourquoi, je vous invite à adopter ce texte, qui permettra d’éviter l’explosion sociale vers laquelle nous nous dirigeons. À Marseille, les bailleurs ont démissionné, la volonté politique a disparu et on ne compte que deux projets de l’ANRU pour toute la ville.

De 2007 à 2012, vous n’avez fait que des promesses et des discours, sans rien réaliser. Vous portez une lourde responsabilité.

M. Daniel Paul. Le texte que nous examinons s'inscrit dans le prolongement du rapport publié en 2010 par MM. François Goulard et François Pupponi et intitulé Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante, qui décrivait « un contexte très défavorable à la prise en compte prioritaire des problématiques de politique de la ville » et utilisait l’expression sans équivoque d'« État appauvri ».

L’un des mérites de cette proposition de loi est de pointer du doigt la dégradation de la situation des quartiers populaires depuis 2003. À l'exception notable de l'ANRU, la politique de la ville menée par la droite depuis près de dix ans a débouché incontestablement sur un échec. Comme l’indique l'exposé des motifs, un tiers des 5 millions d'habitants des quartiers dits « sensibles » vivent sous le seuil de pauvreté. Il n'y a en la matière aucune fatalité et il faut bien comprendre la responsabilité du Gouvernement face à ce qui représente un enjeu en matière de cohésion sociale. Que ce soit au plan économique avec l'explosion du chômage, au plan social avec la montée de la pauvreté, au plan sociétal avec le culte nauséabond de l'argent roi, au plan culturel avec la stigmatisation des étrangers et le débat sur l'identité nationale, tout dans la politique du Gouvernement a œuvré à la dégradation de la situation. La baisse drastique de 40 % du budget alloué à la ville est en ce sens désastreuse.

La proposition de loi de nos collègues socialistes, qui établit un plan d'urgence pour nos quartiers, a le mérite d'aborder la question de la politique de la ville dans sa globalité. De fait tout ne peut pas lui être imputé. L'enjeu que représentent les quartiers populaires est global. Il pose une question de droit commun, d’ailleurs rappelée dans l'article 1er : nous ne réglerons pas la question des quartiers sensibles sans un retour massif des financements d'État. Or, aujourd'hui, les maires et les communes se retrouvent bien seuls.

C'est pourquoi je trouve intéressante la proposition d'une politique de la ville gérée directement par le Premier ministre, tout comme les mesures financières déclinées dans le second chapitre de cette proposition de loi. Je pense notamment à l'article 8, qui prévoit la fixation dans le projet de loi de finances d'objectifs chiffrés et financés en matière de réduction des inégalités, ou encore au chapitre 4, qui traite du financement de l'ANRU et d'un PNRU 2.

Sur la question de la péréquation et de la solidarité financière entre communes, les pistes présentées par nos collègues socialistes sont intéressantes, comme l'augmentation du fonds de péréquation, abondé à hauteur de 2,5 % des recettes fiscales des communes, ou la valorisation du fonds de solidarité de la région Île-de-France. Je regrette cependant le manque de précision entourant la réforme des dotations de l'État telle que proposée par la proposition de loi et visant à dégager 1,5 milliard d’euros. Il faudrait que nous menions une réflexion sur les critères qui président à la péréquation. Aujourd'hui, en effet, certaines villes qui ne jouent pas le jeu de la mixité sociale et qui ont parallèlement de faibles rentrées fiscales bénéficient de moyens liés à la péréquation. Ce n'est pas acceptable.

Enfin, sur la question de la géographie prioritaire, le texte tel que présenté reste dans la généralité, ce qui rend impossible tout avis définitif. Cela est aussi vrai pour les articles concernant les politiques d'emploi dans ces quartiers, comme l'article 13. J’alerte à ce propos mes collègues socialistes sur la mise en place d'une géographie prioritaire trop resserrée qui se constituerait au détriment de communes jugées « pas assez pauvres », mais pour qui les financements d'État sont indispensables. Il nous faut mener une réflexion commune et globale sur la géographie prioritaire, sans en masquer les limites. Encore une fois, celle-ci se révélera inutile sans un engagement financier de l'État en matière de réduction des inégalités sur l'ensemble du territoire.

Sur le fond de ces quelques remarques, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront pour cette proposition de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Cette proposition de loi est d'une envergure et d’une qualité qui correspondent bien aux enjeux. La condamnation que nous venons d'entendre me semble cependant un peu sévère. Pour avoir été au pouvoir, la gauche sait bien – et le maire de Sarcelles avec elle – qu'il n'est pas facile de résoudre le problème des banlieues. Il faut, dans ce domaine, beaucoup d'humilité.

Je tiens également à saluer, comme l'a fait le rapporteur dans un esprit républicain, la création de l’ANRU par Jean-Louis Borloo. C’est un outil remarquable, qu’il conviendra de prolonger. À ce titre, je trouve intéressante l’idée d’un PNRU 2, plus adapté.

Il faut donc prendre cette proposition de loi au sérieux et la discuter d’une manière approfondie. Cependant, les centristes ne la voteront pas, car ils ont deux critiques de fond à lui opposer.

Tout d'abord, elle est trop parisienne et trop métropolitaine. Il est en effet inquiétant de lire, page 7, que, « [d]ans l'optique d'une réforme, le rapport proposé devra donc notamment s'attacher à décliner (…) une géographie prioritaire renforcée, recentrée » et « une géographie prioritaire qui distingue la situation de villes qui sont des quartiers défavorisés de celle de villes qui ont quelques quartiers défavorisés ». Il est en effet clairement prévisible que le dispositif traitera les très grands ensembles et oubliera un certain nombre de villes, notamment les villes moyennes – or, en Aquitaine, par exemple, les quartiers de Bordeaux ont un niveau de revenu supérieur à celui des quartiers sensibles d'Agen. Il faut donc appliquer des critères sociaux, et non pas géographiques ou de taille. Nous rejoignons en ce sens l'analyse de M. Daniel Paul. La misère et la souffrance ne sont pas forcément les plus grandes dans les grands ensembles parisiens.

Par ailleurs, cette loi nous semble trop jacobine, en ce que les réponses qu'elle propose reposent toujours sur l'État, que ce soit en matière de financement ou de gouvernance, avec la montée en puissance des préfets. Alors qu’il est inévitable que, dans la prochaine décennie, l'État et les départements disposent de moins d'argent, c’est autour des collectivités qui auront des moyens financiers – agglomérations et régions – qu'il faudrait construire une gouvernance.

Pour ces deux raisons, je le répète, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Bernard Gérard. En ma qualité de président de l’EPARECA, j’ai trouvé les observations de certains de nos collègues très sévères et injustes. Depuis que j’ai pris mes fonctions, j’ai vu passer la RGPP 1 et la RGPP 2, les inspections de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de la Direction générale des finances, ainsi que les rapports parlementaires des sénateurs et des députés : la fusion avec l’ANRU, que certains ont pu envisager, s’est révélée être une fausse bonne idée. Comme l’a en effet rappelé M. Piron, l’EPARECA est seul à disposer de prérogatives de puissance publique qui lui permettent d’aller jusqu’à l’expropriation de fonds de commerce à réhabiliter dans les quartiers en difficulté, ce qui assure la cohérence de son action.

Cette action n’est nullement négligeable. En effet, l’EPARECA, créé en 1996 et mis en œuvre en 1999, traitait initialement trois dossiers par an. Ce chiffre est désormais de 10 pour le dernier contrat d’objectifs et de moyens. Cent dossiers ont été traités, qui concernent 100 villes, et il en reste encore une petite centaine à traiter. L’intervention de l’État représente aujourd’hui 10,5 millions d’euros par an, mais l’EPARECA s’autofinancera à partir de 2014.

Opérateur public, l’EPARECA gère pendant 4 ou 5 ans les commerces réhabilités, qui bénéficient de loyers soutenables en fonction de leur chiffre d’affaires et de la nature de leurs activités, ce qui permet de les remettre très vite sur le marché et d’apporter de l’emploi dans les quartiers en difficulté. Ce serait une erreur que de vouloir supprimer un outil unique que nous envient plusieurs pays européens. Irait-on proposer à l’ANRU une fusion avec les sociétés d’HLM au motif qu’elles font le même travail ? Toutes les études réalisées sur l’EPARECA ont convenu qu’il s’agissait d’un outil original et précieux pour la réhabilitation des quartiers en difficulté.

M. François Brottes. Je rappelle à ceux qui reprochent à ce texte d’être trop parisien ou trop axé sur les villes que, bien que déposées sur des thématiques distinctes, nos propositions ont une cohérence d’ensemble. Nous avons en effet proposé le bouclier rural, qui vise à permettre aux populations des campagnes et des villes moyennes de ne pas subir la RGPP et la désertification qui l’accompagne et à établir des partenariats entre villes et campagnes. La proposition de loi relative au logement que nous venons d’examiner prévoit l’abaissement des seuils pour les communes de moins de 1 500 habitants. Ainsi, la politique de la ville et des quartiers est l’affaire de tous et le pacte républicain suppose que l’on s’intéresse à toutes les questions.

Tous les quartiers n’ont pas les mêmes caractéristiques et la situation est plus cruelle dans les quartiers en difficulté de l’Île-de-France, de Marseille, de Lyon ou de Toulouse que dans ceux de villes moyennes. Il faut prendre d’urgence des mesures draconiennes de discrimination positive car, lorsqu’il n’y a plus aucune espérance et que les moyens manquent, une explosion est possible. Une approche ciblée est donc nécessaire, mais elle n’est pas incohérente avec l’ensemble des autres aspects d’une politique des territoires.

M. le rapporteur. Monsieur Piron, pour ce qui est de l’intercommunalité, je proposerai un amendement à l’article 5 tendant à assurer que le président de l’intercommunalité soit signataire du contrat unique.

En matière de péréquation, la loi de finances témoigne d’une volonté d’aller dans le bon sens, mais les difficultés surgissent toujours au moment où il faut payer – et cela sur tous les bancs. Cette réforme est pourtant fondamentale et il est indispensable de donner aux communes les plus pauvres les moyens de mettre en œuvre des politiques sociales dans ces territoires.

Les zones franches urbaines ont donné lieu à des effets d’aubaine au sein d’une même ville, en incitant des entreprises ou des commerces – notamment les professions libérales, en particulier médicales – à se délocaliser des quartiers anciens vers les quartiers voisins. Il faut éviter de désertifier ainsi une partie du territoire et maintenir l’activité dans les quartiers ou elle existe tout en permettant la création de micro-entreprises dans les quartiers en difficulté.

Pour ce qui concerne l’emploi, il s’agit de créer de l’activité afin que les habitants des quartiers puissent y travailler, mais aussi de leur permettre d’avoir, comme les autres, accès à l’emploi hors de ces quartiers, qui ne doivent pas être « ghettoïsés » – ce qui était l’un des effets négatifs des zones franches. La discrimination est une réalité et certaines entreprises hésitent à embaucher des habitants de ces territoires. Il faut, pour régler le problème du chômage dans ces territoires, permettre à leurs habitants de travailler aussi ailleurs.

J’en viens, monsieur Dionis du Séjour, à la géographie prioritaire. Dans les villes dont 80 % ou 90 % du territoire est classé en ZUS – et dont les 10 % ou 20 % restants connaissent généralement aussi une situation sociale difficile –, il convient d’intervenir sur l’ensemble du territoire communal. En revanche, il faudra bien évidemment s’occuper aussi d’un quartier en difficulté de 5 000 habitants dans une ville de 200 000 habitants. La question est donc de savoir si l’intervention se fait à l’échelle de la ville ou du quartier. L’un des torts de la politique de la ville a jusqu’à présent eu tort de ne pas tenir assez compte des situations particulières, qui appellent des interventions différentes.

Il faudra en revanche éviter le saupoudrage de l’action publique. Il n’est, par exemple, pas raisonnable que 750 communes de plus de 20 000 habitants sur 900 touchent la dotation de solidarité urbaine (DSU).

Le dispositif proposé n’est pas à proprement parler « métropolitain » ou « parisien », mais bon nombre de grands ensembles en grande difficulté sont concentrés en région parisienne. Il y a une spécificité francilienne, qui démontre d’ailleurs l’incapacité de la région capitale à prendre en compte ces quartiers défavorisés. La solidarité intercommunale et la prise en compte de ces quartiers sont une réalité hors région parisienne, mais pas en Île-de-France, où cohabitent des agglomérations très pauvres et très riches.

En matière de contractualisation, notre proposition n’est guère « jacobine » : elle consiste à passer à une nouvelle phase, encore plus efficace, de la décentralisation. De fait, une fois un contrat conclu entre l’État et la commune, c’est à cette dernière qu’il incombe de mettre en œuvre le contrat. C’est précisément aujourd’hui que la situation est jacobine, car l’État attribue des dotations dont le préfet demande des comptes au maire. Nous demandons des moyens pour les communes, un contrat clairement défini en début de mandat municipal et une mise en œuvre des politiques par les élus locaux, avec des critères d’évaluation régulière de l’efficacité de ces politiques.

Pour ce qui concerne l’EPARECA, il conviendrait de ne pas multiplier les intervenants pour la mise en œuvre d’un même projet. Un document unique signé par un petit nombre d’intervenants serait plus efficace et témoignerait d’une meilleure gouvernance dans ces territoires.

La Commission en vient à l’examen des articles.

CHAPITRE IER : NOUVELLE GOUVERNANCE ET ZONAGE RÉNOVÉ

Article 1er : Rôle de l’État comme garant de la proximité et de l’égal accès des citoyens aux services publics

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Définition de la politique des villes et des quartiers en difficulté

La Commission est saisie de l’amendement CE 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à préciser que les habitants sont associés à l’élaboration des politiques.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Réunion semestrielle du comité interministériel des villes et évaluation des résultats de la politique des villes et des quartiers en difficulté

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 : Réforme globale de la géographie prioritaire

La Commission rejette l’article 4.

Article 5 : Contrat de promotion sociale et territoriale

La Commission est saisie de l’amendement CE 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à préciser que les contrats proposés doivent déterminer la mise en œuvre des politiques de droit commun.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à préciser que le président de l’intercommunalité est systématiquement signataire du contrat de cohésion sociale.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Article 6 : Cofinancement des projets mis en œuvre dans le cadre des contrats de promotion sociale et territoriale

La Commission rejette l’article 6.

Article 7 : Fusion de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

La Commission rejette l’article 7.

Chapitre II : Pour une véritable solidarité financière et la réduction des inégalités territoriales

Article 8 : Fixation en loi de finances d’un objectif chiffré de réduction des inégalités territoriales et des moyens pour l’atteindre

La Commission rejette l’article 8.

Article 9 : Objectif de ressources du fonds national de péréquation

La Commission rejette l’article 9.

Article 10 : Fixation du montant du fonds de solidarité des communes d’Île-de-France à 270 millions d’euros par an

La Commission rejette l’article 10.

Article 11 : Augmentation des dotations de péréquation des communes

La Commission rejette l’article 11.

Chapitre III : Emplois des habitants de ces quartiers

Article 12 : Mesures concernant le dispositif des zones franches urbaines

La Commission rejette l’article 12.

Article 13 : Rapport sur le désenclavement par l’emploi des territoires prioritaires

La Commission rejette l’article 13.

Article 14 : Inscription du lieu de résidence parmi les discriminations

La Commission rejette l’article 14.

Article 15 : Critère de l’insertion sociale et professionnelle dans la commande publique

La Commission rejette l’article 15.

Article 16 : Conditionnement de certaines subventions publiques à des actions d’insertion sociale

La Commission rejette l’article 16.

Chapitre IV : Pour la poursuite du renouvellement urbain et social des villes et des quartiers

Article 17 : Financement de l’ANRU

La Commission rejette l’article 17.

Article 18 : Programme national de rénovation urbaine 2

La Commission est saisie de l’amendement CE 4 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement intègre la prise en compte de l’habitat informel dans le PNRU2.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à insister sur la nécessité d’intervenir dans le domaine de l’éducation en prévoyant la rénovation des établissements scolaires.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle rejette l’article 18.

Article 19 : Convention obligatoire entre l’État et les organismes en cas de carence communale aux engagements figurant dans le programme local de l’habitat

La Commission rejette l’article 19.

Article 20 : DALO et objectif de mixité sociale

La Commission rejette l’article 20.

Article 21 : Gage

La Commission rejette l’article 21.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

◊ ◊

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 présenté par M. François Pupponi, rapporteur :

Article 2

Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :

« La politique des villes et des quartiers en difficulté est élaborée en concertation étroite avec ses habitants. A cette fin, l’État et les collectivités territoriales définissent les modalités d’association et de participation des habitants à cette politique ».

Amendement CE 2 présenté par M. François Pupponi, rapporteur :

Article 5

A la seconde phrase de l’alinéa 2, après le mot : « local, », insérer les mots : « qui fixe les modalités d’intervention des politiques de droit commun et ».

Amendement CE 3 présenté par M. François Pupponi, rapporteur :

Article 5

A l’alinéa 7, après les mots : « le maire, », supprimer les mots : « le cas échéant, ».

Amendement CE 4 présenté par M. François Pupponi, rapporteur :

Article 18

A la première phrase de l’alinéa 5, après les mots : « lutte contre l’habitat indigne », insérer le mot : «, informel ».

Amendement CE 5 présenté par M. François Pupponi, rapporteur :

Article 18

A la première phrase de l’alinéa 5, après les mots : « la réhabilitation et la démolition d’équipements publics ou collectifs », insérer les mots : «, notamment la rénovation des groupes scolaires ».

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 4 mai 2011 à 10 h 15

Présents. - M. Alfred Almont, M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Christian Blanc, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Yannick Favennec, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. René-Paul Victoria, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. François Loos

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Goldberg, M. Marc Goua