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Commission des affaires économiques

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 66

Présidence de M. Serge Poignant Président et de M. Serge Grouard Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur les suites de l’accident de Fukushima.

Lors d’une réunion commune avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, la commission a auditionné Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur les suites de l’accident de Fukushima.

M. le coprésident Serge Poignant. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau. Un mois et demi après le séisme et le tsunami qui ont ravagé le Japon et provoqué l’accident nucléaire de Fukushima, nous sommes toujours sous le choc. Les commissaires ayant encore de nombreuses questions à vous poser, il nous a semblé nécessaire de procéder à une nouvelle audition.

La situation reste critique au Japon. Comment réagissez-vous au plan d’action présenté par TEPCO, qui vise à obtenir un arrêt à froid d’ici à neuf mois ? Quel sera le rôle joué par AREVA, choisie pour décontaminer l’eau radioactive se trouvant sur le site ?

Il faudra également tirer les leçons de cet accident pour le parc électronucléaire français. Cela passe, dans un premier temps, par un audit de la sûreté de nos centrales. Pouvez-vous nous préciser le contenu de son cahier des charges ? Inclura-t-il, comme certains le réclament, une réflexion sur la sous-traitance ? Sera-t-il « calé » sur celui que présenteront les autorités européennes ? Quelles seront les procédures garantissant que l’on tirera aussi des enseignements à long terme ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les commissaires, je n’avais pu participer à la précédente audition car j’accompagnais le Président de la République au Japon. Depuis lors, la situation a évolué, notamment en matière d’audit de sûreté et de travaux internationaux.

L’incident nucléaire de Fukushima n’est pas clos. Il durera probablement encore des mois. On ne pourra le considérer comme achevé – s’agissant de l’accident à proprement parler – que lorsque sera rétabli un circuit de refroidissement des réacteurs pérenne, c’est-à-dire fermé. Ce n’est toujours pas le cas. L’eau se trouvant, dans ce type de réacteur à eau bouillante, au contact direct du cœur – contrairement aux réacteurs à eau pressurisée utilisés en France, où il y a un échange thermique entre un circuit primaire et un circuit secondaire –, elle ressort contaminée. Pour l’heure, il faut donc la stocker en vue d’une décontamination ; et pour libérer de nouvelles capacités de stockage, les Japonais sont obligés de rejeter dans l’océan la part la moins contaminée.

La situation peut être aujourd’hui considérée comme stationnaire – ce qui est en soi une bonne nouvelle, puisque plus le temps passe, plus le réacteur se refroidit. Elle reste toutefois fragile, notamment en raison de la présence de combustible irradié dans les piscines, et parce que l’éventualité d’un nouveau séisme n’est pas à exclure. Or le site est fragilisé.

Deux questions se posent, par conséquent : quand réussira-t-on à rétablir un circuit fermé ? Que faire de l’eau contaminée, si l’on veut éviter de la rejeter dans l’océan ?

C’est sur ce deuxième point que la France, à travers un consortium EDF-AREVA-CEA, a fait une offre de service, pour réaliser des prélèvements et des analyses de l’eau contaminée à l’aide de robots. Les Japonais ont accepté cette offre et ont, par ailleurs, signé un contrat avec AREVA pour le traitement sur place des eaux contaminées, grâce à une technologie développée lors du démantèlement des installations de Marcoule.

Je profite de cette audition pour vous transmettre mes impressions au retour du Japon. J’ai ressenti, chez tous mes interlocuteurs, une grande inquiétude d’être mis au ban du monde à cause de cet accident. Dans les camps de réfugiés, les gens craignent d’être stigmatisés et vivent leur statut de victimes de manière honteuse. Au Gouvernement, on craint que les produits d’exportation ne soient plus acceptés, que les étrangers ne veuillent plus venir, bref, qu’à la catastrophe naturelle et nucléaire s’ajoute une deuxième peine, économique. Nous leur avons proposé une sorte de contrat de confiance, une multiplication des contrôles devant permettre de rassurer leurs clients et d’éviter le rejet systématique des produits japonais.

Cela nous a amenés à mettre en place un contrôle systématique sur les produits alimentaires japonais – dont les quantités sont au reste assez modestes – et un contrôle par échantillonnage sur les autres. À ce jour, aucune anomalie significative n’a été relevée. En revanche, certains secteurs de notre économie peuvent être soumis à une certaine pression en raison des événements : par exemple, beaucoup de leurs pièces venant du Japon, les constructeurs automobiles, qui travaillent en flux tendus, sont actuellement confrontés à des problèmes d’approvisionnement.

La contamination aux abords de la centrale est plus importante qu’on ne le croyait dans les premiers jours. Toutefois, il convient d’être précis en la matière, car les chiffres globaux, pour intéressants qu’ils soient, ne reflètent pas nécessairement la réalité en tous lieux. Quand on dit que la radioactivité relâchée par la centrale de Fukushima représente 10 % de celle de Tchernobyl, cela n’épuise pas le sujet, car le vrai problème est de savoir quelle est la durée de vie des radionucléides et si la contamination se fait en cercles concentriques ou en taches de léopard. On a mis en place une zone d’exclusion autour de Fukushima, mais les premières analyses tendent à montrer que la contamination serait plutôt en étoile, en raison de l’action des vents et de la pluie. Il faudrait procéder à des évaluations plus précises pour déterminer en chaque endroit jusqu’à quelle échéance des mesures de protection de la population s’imposeront, ou quelles activités y seront possibles. Ce qui est certain, c’est qu’il existe une vaste zone dans laquelle il sera difficile de vivre durant de nombreuses années. D’ailleurs, la zone d’exclusion autour de Tchernobyl existe toujours au bout de vingt-cinq ans et, même si les deux accidents ne sont pas tout à fait comparables, il est à craindre qu’en termes de contamination, l’accident de Fukushima ne fasse très longtemps sentir ses effets.

L’évolution des masses d’air contaminées a été suivie avec beaucoup d’attention par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et par ses homologues des autres pays. Les mesures et les modélisations réalisées par les uns et les autres sont cohérentes ; elles aboutissent à la conclusion que les niveaux détectés, non seulement en Europe, mais aussi aux Antilles et à Saint-Pierre-et-Miquelon sont négligeables et ne présentent aucun risque sanitaire. Contrairement à Tchernobyl, il ne s’agit pas d’un « nuage », mais plutôt de traces de radioactivité. Compte tenu des défauts de communication des autorités au moment de l’accident ukrainien, nous avons néanmoins tenu à ce que les Français soient informés.

Les événements au Japon nous ont conduits à nous interroger sur nos propres centrales. C’est pourquoi le Premier ministre a demandé, par une lettre du 23 mars adressée au président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un audit sur l’ensemble des installations nucléaires civiles de base – en priorité les réacteurs mais cela concerne également La Hague. Il a été demandé à l’ASN d’élaborer un cahier des charges. Des échanges ont eu lieu entre elle et le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui vient de lui rendre son avis. Celui-ci sera pris en compte dans le cahier des charges prescrit aux exploitants, lesquels devront remettre un dossier en septembre. L’ASN rendra un premier avis global avant la fin de l’année, puis débutera un audit centrale par centrale, qui sera nécessairement plus long.

Ce travail sera décliné à l’échelon européen. Même si le cahier des charges de l’audit européen n’est pas encore défini et pourrait être légèrement différent du nôtre, l’objectif est identique dans les deux cas : il s’agit d’accroître la sûreté nucléaire. Le Président de la République a souhaité que ce soit l’une des premières préoccupations du G 8, lors de sa réunion de Deauville à la fin de mai : la France proposera une déclaration des chefs d’État sur le sujet. Les étapes suivantes seront, dans le cadre de la présidence française du G 20, une réunion interministérielle le 7 juin et une réunion des autorités de sûreté nucléaire le lendemain, à Paris. Nous tâcherons de profiter de la dynamique enclenchée dans le cadre du G 8 pour présenter aux pays du G 20 des mesures en faveur d’une meilleure sûreté nucléaire, notre but étant de les soumettre à la réunion de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui se tiendra du 20 au 24 juin à Vienne. Nous proposons notamment la création d’une force d’intervention mutualisée pour intervenir rapidement en cas d’accident, au niveau mondial et régional, sur le modèle de ce qui se fait pour les feux de forêt en Europe. Nous incitons également au renforcement de l’indépendance des autorités de sûreté : si la France, qui a beaucoup appris de Tchernobyl, bénéficie d’une autorité de sûreté indépendante, ce n’est pas le cas de tous les pays ; l’AIEA, qui se contentait jusqu’à aujourd’hui d’exiger que les autorités de sûreté aient « un comportement indépendant », est prête à nous soutenir dans ce combat. De plus, nous souhaiterions imposer une certification des modèles de réacteurs avant leur installation ; aujourd’hui, seuls les États-Unis le font.

S’agissant de l’intervention des prestataires, cette question ayant été soulevée par l’ASN avant l’accident de Fukushima, le cahier des charges de l’audit comprend d’ores et déjà des éléments sur le mode de relations entre l’opérateur et ses sous-traitants, y compris en cas de sous-traitance « en cascade ». Il s’agit d’un des points sur lesquels nous envisageons d’aller plus loin que l’audit européen.

M. Jean Gaubert. Nous parlerons en effet longtemps de ce dossier, car il faudra encore du temps avant que la situation ne se stabilise, et il y aura beaucoup d’enseignements à tirer. Certes, nous n’avons ni les mêmes centrales, ni les mêmes risques qu’au Japon. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher de nous poser la question de la sécurité de nos installations. Il importe de ne pas donner à nos concitoyens le sentiment qu’on leur cache des choses.

En premier lieu, pouvez-vous préciser les paramètres qui seront utilisés pour faire l’audit de sûreté de nos centrales ? Est-il vrai que l’on ait prévu des tremblements de terre d’intensité relativement faible dans des zones pour lesquelles la nouvelle carte de la sismicité est moins optimiste, et que l’éventualité de raz-de-marée n’ait pas toujours été prise en compte ?

On ne pourra pas dire que les organisations syndicales, en particulier celles d’EDF, n’aient pas appelé depuis très longtemps l’attention du Gouvernement sur le problème de la sous-traitance. La première fois qu’il est venu ici en tant que président d’EDF, M. Proglio nous avait dit qu’en six ans, six points de disponibilité du parc de production d’électricité avaient été perdus à cause d’économies faites sur ce poste. N’aurait-on pas cherché à faire du cash pour les actionnaires au détriment de la qualité de cette sous-traitance ? Et que dire de l’exposition aux rayonnements, proprement scandaleuse, de certains agents de sociétés extérieures, qui n’ont parfois pas de compétence particulière pour travailler en milieu nucléaire ? On sait bien que, pour répondre à un appel d’offre à moindre prix, la solution est de respecter le moins de règles possible. Nous n’échapperons pas à un débat sur le choix entre la production de liquidités à court terme et la sécurisation à long terme de nos centrales, et je ne doute pas que les organisations syndicales d’EDF auront à cœur d’y peser.

Il faudrait également s’interroger sur la nature de notre mix énergétique, ainsi que sur la vitesse de la transition que nous appelons de nos vœux. Il est facile de dire qu’il faut arrêter le nucléaire, encore faut-il savoir par quoi on le remplace. Une telle transition ne s’improvise pas.

Enfin, s’il convient de ne pas infliger une « double peine » à nos amis japonais, nous devons également protéger notre population et respecter les règles de précaution, notamment en matière alimentaire. D’ailleurs, lorsque nous avons connu des incidents sanitaires, comme la crise de la vache folle, ou d’autres, beaucoup plus graves, comme la présence de salmonelles dans certains produits, ils n’ont pas hésité à fermer immédiatement leurs frontières.

M. Yanick Paternotte. Merci, madame la ministre, de revenir nous parler de ces deux accidents effroyables qu’ont été le tremblement de terre, puis le raz-de-marée. On a l’impression que les médias ne s’intéressent plus à cette catastrophe. Pourtant, comme vous l’avez signalé, l’incident n’est pas clos.

Il convient de saluer l’évolution des mentalités : on est passé d’une information sous embargo à une transparence de bon aloi. L’Agence de sûreté nucléaire française me semble un gage d’indépendance, y compris pour ce qui est des relations avec la sous-traitance.

Cela étant, qu’en est-il de la contamination marine, sachant que les habitudes alimentaires japonaises sont étroitement liées à la pêche, et de la biodiversité aux abords de la centrale ?

Ensuite, l’enchaînement de la catastrophe est en grande partie dû à la défaillance du circuit de refroidissement en eau, lui-même lié à une perte d’auto-alimentation électrique. Qu’en est-il en France ? Existe-t-il des doubles circuits ?

M. le coprésident Serge Poignant. Je note qu’une dépêche de ce jour signale que la radioactivité a assez nettement augmenté à quinze kilomètres en mer.

M. Jean Dionis du Séjour. Que signifie un « audit général » ? Je ne perçois pas bien la différence entre les deux phases de l’audit : ne faut-il pas nécessairement examiner la situation dans chaque centrale ?

Il existait un quasi-consensus sur la prolongation de l’exploitation de nos centrales. Où en est-on aujourd’hui ? Comment audit et plans de maintenance s’articulent-ils ?

L’EPR sort-il renforcé de l’accident de Fukushima ? Autrement dit, s’il y avait eu des EPR au Japon, aurait-on limité les dégâts ?

En 2005, lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur l’énergie, nous n’avions pas traité à fond le problème du bouquet énergétique français ; les questions liées au nucléaire étaient perçues comme taboues. Ces aspects n’ont pas non plus été évoqués dans les lois Grenelle I et II. Cet accident ne nous oblige-t-il pas à définir des objectifs en la matière, ainsi que de fixer des délais ? Le moment d’un vrai débat sur l’évolution du bouquet énergétique français n’est-il pas arrivé ?

M. Daniel Paul. Ce qui s’est passé à Fukushima a soulevé une très forte émotion dans notre pays, nul ne peut le nier. Cet accident confirme en tout cas l’incompatibilité du nucléaire et de la course aux profits financiers.

M. Jean Dionis du Séjour. Et Tchernobyl ?

M. Daniel Paul. Mais, cher collègue, je n’ai jamais dit que le fait qu’un système soit public suffisait à le rendre vertueux !

Quoi qu’il en soit, il convient de franchir une nouvelle étape pour renforcer la sûreté et la sécurité du nucléaire.

L’accident montre également l’incompatibilité du low cost et de la sécurité nucléaire et légitime nos interrogations concernant Abou Dhabi. Il importe de procéder à un contrôle renforcé de nos centrales, en tirant les premières leçons de ce qui s’est produit au Japon et en réévaluant les risques de séismes et d’inondations.

L’accident souligne enfin la nécessité de renforcer les normes de sécurité et les conditions de fonctionnement des centrales. Tout le monde est d’accord : il faut en finir avec les « nomades du nucléaire » et, comme le demandent l’ensemble des organisations syndicales d’EDF, intégrer les sous-traitants. Quel qu’en soit le coût, il s’agit d’une condition sine qua non pour améliorer la sécurité et la sûreté. Il faut également œuvrer, comme vous l’avez dit, en faveur de l’adoption de normes mondiales, s’imposant à tous les pays : les accidents ne connaissent pas les frontières et aucun pays au monde ne peut être indépendant en matière nucléaire.

Notre position est claire : aucune dérogation ne doit être accordée quand un réacteur ou une centrale ne respecte pas les normes, quand bien même la mise aux normes dépasserait nos possibilités techniques et financières. En revanche, dès lors qu’une centrale sera arrêtée, tout devra être mis en œuvre pour trouver des solutions de remplacement, en termes d’emploi et de fiscalité, dans la région concernée.

Nous sommes partisans d’un grand débat sur le nucléaire et sur la composition du mix énergétique français. Celle-ci n’est pas gravée dans le marbre : elle est le résultat d’une histoire ; toutefois, il ne serait pas sérieux de prétendre que l’on peut, d’une pichenette, remplacer ou supprimer l’énergie nucléaire. Il faut tout mettre sur la table, y compris les conséquences qu’aurait une telle décision sur le prix de l’électricité, sur la consommation et sur la continuité de la fourniture d’énergie. Rappelons que l’énergie éolienne coûte aujourd’hui quatre fois plus cher que l’énergie nucléaire !

Enfin, comment allez-vous imposer à l’opérateur historique de faire de la maintenance préventive, sans que, comme cela se passe aujourd’hui, l’on attende que la centrale ait atteint un niveau d’incidents tel qu’il faille l’arrêter. La France est l’un des seuls pays au monde à procéder de cette manière – ce qui a contribué à la sous-disponibilité actuelle de nos centrales.

M. Yves Cochet. Je pense quant à moi qu’il est assez facile d’imaginer un avenir sans nucléaire ; d’ailleurs, de nombreux pays, dont l’Allemagne, veulent en sortir.

Mais j’en viens à mes questions. Disposez-vous de renseignements précis sur la nature des radionucléides présents dans l’eau à Fukushima et sur la durée de leur demi-vie ?

En France, on avait jusqu’à aujourd’hui une approche probabiliste du risque, fondée sur une sorte d’espérance mathématique calculée sur la base, d’un côté, de la probabilité très faible d’un accident majeur, de l’autre, de coûts humains, environnementaux et financiers qui peuvent atteindre des sommets – il serait bien difficile par exemple d’évaluer le coût, vingt-cinq ans après, de Tchernobyl ! Évidemment, le résultat ne peut qu’être instable.

L’audit emploiera-t-il cette méthode « sacrificielle » ou privilégiera-t-il une approche conceptuelle, prenant en considération l’ensemble des accidents possibles, qu’ils soient d’origine naturelle – je rappelle qu’en 2003, au moment de la sécheresse, il avait fallu refroidir la centrale de Fessenheim avec un jet d’eau ! – ou humaine. Or le projet de la Commission européenne ne tient même pas compte du risque de terrorisme ! De même, il conviendrait d’envisager d’autres éventualités, notamment les accidents technologiques ; à cet égard, l’annonce de la construction d’un terminal méthanier à quelques kilomètres de Gravelines est plutôt inquiétante.

Après l’accident de Fukushima, les Japonais ont décidé de relever leurs normes d’exposition aux radiations. Madame la ministre, pouvez-vous nous garantir qu’une telle procédure est à tout jamais exclue en France, même en cas d’accident grave ?

Enfin, le défaut de conception du système de contrôle-commande du réacteur EPR, qui avait été signalé par l’ASN, a-t-il été corrigé ?

M. Claude Gatignol. Madame la ministre, êtes-vous en contact direct avec le gouvernement japonais et disposez-vous d’informations précises sur l’évolution de la situation dans la centrale de Fukushima et dans ses environs, en faisant la distinction entre le dépôt en surface de radioéléments et l’imprégnation des terres par l’eau de mer, qui les rendront infertiles pour de nombreuses années ?

L’aide technique que le Japon a sollicitée auprès d’AREVA concerne-t-elle le seul traitement de l’eau contaminée ou s’agit-il d’intervenir également sur les combustibles présents dans les réacteurs et dans les piscines ? Utilisera-t-on les brevets déposés par le CNAM, le CEA et AREVA sur des résines capables de capter des radioéléments comme le césium et le strontium ? Quel est le degré d’exposition aux rayonnements des agents de TEPCO et des autres intervenants ? Les services français spécialisés en médecine nucléaire, qui sont parmi les meilleurs au monde, ont-ils été sollicités ? Une coopération est-elle prévue avec l’IRSN ?

Les experts français ont-ils reçu des éléments d’analyse sur la gestion de la situation de crise et sur les décisions, a priori critiquables, prises par TEPCO ?

Il semble que l’accident ait été provoqué, non par le séisme, mais par le tsunami. Existe-t-il en France un risque majeur de submersion ? Nos équipements de secours sont-ils protégés contre cette éventualité ?

Mme Catherine Quéré. La catastrophe que vient de subir le Japon a permis au monde entier, et à la France en particulier, de prendre conscience du danger que représente le nucléaire. Nous savions tous que cette source d’énergie était aussi une source d’inquiétude, et nombre d’entre nous avaient depuis longtemps mesuré le danger potentiel représenté par les centrales nucléaires, non seulement du fait de leur vieillissement, mais aussi parce qu’elles produisent des déchets à la nocivité « durable », puisqu’elle se mesure en milliers d’années.

La soudaineté et la violence de cette prise de conscience doivent impérativement déboucher sur un changement de la stratégie énergétique de la France. Certes, nous avons aujourd’hui besoin d’un audit sur les centrales, mais nous ne pouvons continuer à miser sur le « tout nucléaire ». Il est temps de mettre en place des protocoles de sortie du nucléaire et de se tourner vers des sources d’énergie moins dangereuses – même si le risque zéro n’existe pas – et moins nocives, pour les hommes et pour la planète.

Vous nous avez dit, madame la ministre, que l’on avait beaucoup appris de Tchernobyl. J’espère que nous apprendrons beaucoup de Fukushima, et que vous allez prendre clairement position en faveur d’une diminution de la part du nucléaire, voire de sa disparition progressive, et vous engager en faveur des énergies renouvelables, afin de ne pas condamner nos enfants, nos petits-enfants et nous-mêmes à subir de futurs Fukushima. Bref, à quand un grand débat sur le nucléaire ?

M. Bertrand Pancher. Quels que soient les efforts consentis, nous allons être confrontés à un scepticisme croissant à l’égard du nucléaire civil, scepticisme d’autant plus fort que nos concitoyens n’ont jamais eu l’occasion de s’exprimer sur un sujet que l’on estime relever du domaine régalien. J’en veux pour preuve le témoignage de Marcel Boiteux, ancien président d’EDF, sur les conditions de lancement de la filière en 1973. Dans son livre Haute tension, il raconte qu’il a reçu un samedi matin un coup de fil lui demandant combien de centrales nucléaires pouvaient être créées en un an en France ; après en avoir discuté avec ses collaborateurs, il répondit sept, pour être sûr d’en obtenir quatre. Deux jours après, le Gouvernement annonçait qu’il lançait la construction de sept tranches par an !

Un peu plus d’un an après l’explosion de la plateforme offshore Deepwater Horizon, nous examinions ce matin une proposition de loi tendant à interdire l’exploitation des gaz de schiste en France. Il y a quelques mois, plusieurs commissaires se sont opposés sur la question des éoliennes. Voilà pourquoi j’ai déposé, madame la ministre, une proposition de loi visant à organiser un vaste débat public sur l’énergie en France. Quel coût de l’énergie accepterions-nous ? Quelle indépendance énergétique souhaitons-nous ? À quels risques sommes-nous exposés ? Quelles énergies désirons-nous pour demain ? Je souhaiterais connaître votre opinion sur cette proposition.

Se pose également la question de l’organisation de débats locaux sur les centrales nucléaires existantes. Je pense qu’il conviendrait notamment de restructurer les commissions locales d’information (CLI) et d’accroître leurs moyens financiers. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Plisson. M. Lacoste, président de l’ASN, l’a dit et répété : « Personne ne peut garantir qu’il n’y aura pas d’accident nucléaire en France ». Or, le Président de la République a affirmé hier à Gravelines que Fukushima n’était pas un accident nucléaire et que la France continuerait à investir dans cette filière. Par ailleurs, les dispositions de la loi « Grenelle II », qui ont considérablement durci les conditions d’installation des éoliennes, et les baisses successives des tarifs de rachat de l’énergie photovoltaïque ont porté un coup mortel aux filières industrielles des énergies renouvelables. Ainsi, à Blanquefort, en Gironde, un projet de cluster, qui devait aboutir à la création de 300 emplois, a été gelé.

Madame la ministre, au moment où l’Allemagne prépare sa sortie du nucléaire, doit-on interpréter les propos du Président de la République comme l’engagement que la durée de vie des centrales en fonctionnement sera prolongée ou que le programme d’installation de nouvelles centrales de type EPR sera poursuivi ? Doit-on en déduire que le Gouvernement n’envisage pas de revenir sur les dispositions défavorables aux énergies renouvelables ? Enfin, doit-on interpréter l’annonce d’un audit financier par la Cour des comptes comme une prise de conscience que le coût de l’énergie nucléaire avait été considérablement sous-évalué ?

M. Jean-Louis Léonard. En 1999, la centrale du Blayais, située sur l’estuaire de la Gironde, a été submergée par la tempête. Puis, lors de la tempête Xynthia, bien que les digues aient été surélevées, on a atteint, voire dépassé, les niveaux de sécurité. Un accident est donc possible.

Existe-t-il une modélisation des accidents et, si oui, prévoit-elle l’ensemble des conséquences, même les plus lourdes, notamment sur les centrales situées près des fleuves et des estuaires ? Ne pourrait-on rendre publique une telle modélisation globale ? Je suis convaincu que nos concitoyens sont prêts à recevoir ces informations.

Mme Frédérique Massat. Nicolas Sarkozy a proposé hier un acte II du Grenelle, sur la sobriété énergétique. Cette question avait pourtant été largement abordée par les lois Grenelle I et Grenelle II ; malheureusement, il semble que des retards aient été pris dans l’élaboration des décrets d’application… Dans ces conditions, à quoi ressemblerait un acte II, sachant d’autre part que le projet de contribution climat-énergie a été abandonné ?

Le Gouvernement va-t-il organiser le grand débat sur la politique énergétique du pays que nos concitoyens réclament ?

L’Agence internationale de l’énergie atomique aurait averti le Japon des risques auxquels étaient exposées ses centrales en cas de séisme. De toute évidence, si c’est le cas, elle n’a pas été écoutée. Le rôle de cette institution paraît de toute façon limité. Comment la France pourrait-elle contribuer à asseoir son autorité et à accroître ses pouvoirs ?

Quant à l’ASN, gendarme du nucléaire, elle a été accusée d’en faire trop par un membre du Gouvernement, qui aurait ajouté qu’il conviendrait de réexaminer sa mission, suivant la recommandation du rapport Roussely. Que pensez-vous de cette proposition ?

De même, l’IRSN a vu son budget réduit de 30 millions, diminution certes compensée par le versement d’une contribution à la charge de l’exploitant. À combien se monte le soutien financier de l’État aux autorités nucléaires ?

Enfin, le tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) a été fixé, il y a quelques jours, à 40 euros ; il passera à 42 euros en 2012. La décision du Gouvernement a-t-elle été influencée par la catastrophe du Japon ?

M. Jean-Pierre Nicolas. La catastrophe de Fukushima, effroyable, nous rappelle que le risque zéro n’existe pas. En 1975 déjà, la rupture du barrage de Banqiao avait provoqué 30 000 morts et l’OCDE indique que la filière charbon-pétrole a fait 42 000 morts entre 1970 et 2000. Pour autant, nous devons être inflexibles en matière de sécurité nucléaire. Celle-ci ne peut être l’apanage d’un seul pays : elle doit être européenne et mondiale. Il faut se poser sans tabou la question de l’indépendance et de la transparence des autorités de contrôle.

Dans ce domaine, la France peut montrer l’exemple, grâce à l’ASN et à ses opérateurs nationaux, reconnus dans le monde entier pour leur professionnalisme. À ce sujet, j’ai été très étonné d’entendre M. Lacoste déclarer que les acteurs publics montraient plus de réticence que les acteurs privés à mettre en œuvre les recommandations de l’ASN. Que pensez-vous faire pour remédier à cette situation ?

M. William Dumas. Le chef de l’État vient de confirmer le choix du nucléaire pour notre pays. Or, lors des différentes auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons noté que l’impératif de rentabilité avait tendance à prévaloir sur celui de sécurité. Quelles mesures techniques et financières le Gouvernement va-t-il imposer aux exploitants afin de garantir la sécurité et d’assurer la transparence d’un secteur où règne trop souvent le secret ?

En Allemagne, la presse a annoncé une sortie rapide du nucléaire. Quelles seront les conséquences de ces divergences sur l’harmonisation européenne des règles de sécurité ?

L’Allemagne sera-t-elle été associée à l’audit de sûreté sur les centrales françaises, comme l’a proposé François Brottes lors de la réunion du 30 mars ?

M. Lionel Tardy. La catastrophe de Fukushima a mis en évidence le problème de la sûreté des piscines d’entreposage du combustible usé, qui ne sont jamais pourvues d’enceintes de confinement. Les Japonais ont tout fait pour éviter que le combustible entreposé dans les piscines 3 et 4 ne sorte de l’eau, dont le niveau baissait en raison de l’évaporation consécutive à la panne des systèmes de refroidissement.

De ce point de vue, l’EPR n’apporte pas de solution nouvelle. La France concentre la plus grande partie de son combustible usé dans les 48 000 mètres cubes d’eau des piscines de La Hague – à comparer aux 1 000 mètres cubes de la piscine du réacteur 4 de Fukushima ! S’il y a un pépin là-bas, on dispose d’environ une semaine pour réagir ; mais qu’est-il prévu en cas de rupture de l’alimentation électrique dans les centrales ?

M. Christophe Bouillon. Nous devons impérativement tirer tous les enseignements de l’accident, en France comme à l’échelon international, qu’il s’agisse de ses origines, de ses conséquences ou de la gestion de la crise. C’est pourquoi nous avions réclamé très tôt un audit qui soit à la fois strict et utile.

Strict : nous avions trois exigences, qui étaient l’élargissement du périmètre de l’audit aux piscines de stockage – vous y avez répondu –, l’élargissement du champ d’analyse des risques, avec notamment la prise en compte des événements climatiques extrêmes, de leur effet cumulatif, des actes de malveillance et des problèmes de sous-traitance, et une approche pluraliste, grâce à l’intervention d’experts associés et de spécialistes d’autres pays.

Utile : si l’on veut être sérieux, on ne peut pas prendre de décision avant que l’audit ne soit terminé et dire, dès aujourd’hui, que rien ne changera ! C’est pourquoi il faut un moratoire.

Lorsqu’on disposera d’un audit de qualité et des analyses de la Cour des comptes, on pourra organiser un grand débat national sur le nucléaire. C’est ce que nous vous demandons avec insistance, comme nous vous demandons de confier à la représentation nationale les éléments contenus dans le rapport Roussely et les décisions prises lors du dernier Conseil de politique nucléaire.

Vouloir plus de transparence et de sécurité, ce n’est pas être « moyenâgeux », bien au contraire : c’est défendre l’esprit critique, c’est-à-dire les Lumières.

M. André Chassaigne. Le directeur de l’AIEA voudrait que lui soit confié, en matière de sûreté des installations, le même pouvoir coercitif que celui qu’il exerce en matière de lutte contre la prolifération. La France est-elle d’accord avec cette proposition ?

Par ailleurs, il serait bon d’examiner la situation des 20 000 employés des entreprises sous-traitantes qui, en France, cumulent de petites doses de radiations, sans que ces expositions soient mesurées, sans conscience des risques encourus, et sans bénéficier, comme les agents EDF, d’un suivi médical. Va-t-on enfin les prendre en considération comme il convient et réaliser, comme l’a demandé Daniel Paul, l’intégration de ces sous-traitants ?

Deux exemples récents nous font craindre au contraire un accroissement de la part concédée au secteur privé : le 28 mars 2011, le conseil de surveillance d’AREVA a décidé de lancer une procédure de vente d’une partie des actions détenues par le CEA ; par ailleurs, la même entreprise veut sous-traiter à un groupement d’intérêt économique, constitué avec Dalkia, le traitement des déchets nucléaires de Beaumont-Hague. On encourage donc le recours à la sous-traitance, au lieu de conforter le caractère public de ce secteur.

Mme Annick Le Loch. Vos propos, madame la ministre – qui me paraissent en contradiction avec ceux du Président de la République – sont édifiants : ils montrent bien l’absence de maîtrise du nucléaire. Il est assez angoissant, en effet, de vous entendre dire que personne ne sait quand l’accident de Fukushima sera clos, que la contamination n’est pas maîtrisée et qu’il existe de larges zones dans lesquelles il sera impossible de vivre avant longtemps.

Le Président de la République a annoncé un audit financier de la filière nucléaire par la Cour des comptes ; vous venez d’indiquer que l’audit sur la sûreté serait le plus complet possible, avec un cahier des charges précis : tous les aspects de la filière seront pris en compte, y compris le démantèlement, le traitement et le stockage des déchets. Comment, concrètement, va-t-on procéder ?

Dans le Finistère, la centrale de Brennilis, arrêtée depuis vingt-cinq ans, est en cours de démantèlement depuis plus de dix ans. Les centres de stockage n’existant pas encore, le processus ne peut aboutir. Dans ces conditions, comment peut-on établir un cahier des charges précis permettant d’évaluer le coût réel de la filière ?

M. Jacques Le Nay. La catastrophe de Fukushima sera lourde de conséquences, non seulement pour les populations directement concernées, mais pour le monde entier. Elle aura en particulier un impact important sur la pêche dans un large périmètre. Comment les risques encourus sont-ils évalués et quelles sont les mesures prises par le Japon et par les autres pays concernés par la consommation de poissons provenant des eaux contaminées ?

Mme Geneviève Gaillard. Nos concitoyens sont inquiets, concernant non seulement Fukushima, mais également la filière nucléaire française. Ils s’interrogent sur ce qui peut arriver aux générations futures. Il convient qu’un grand débat national sur la stratégie énergétique de la France soit organisé le plus rapidement possible, et qu’il ne fasse pas l’impasse sur le nucléaire. Nos concitoyens, qui souhaitent sortir du nucléaire, n’ont pas été rassurés par les propos du Président de la République.

On a bien senti, madame la ministre, que vous étiez vous aussi consciente des problèmes posés par cette source d’énergie. Personne, dans cette salle, ne nie le caractère extrêmement dangereux de ces technologies que nous ne maîtrisons pas ; on pourra prendre toutes les mesures imaginables, on ne sera jamais à l’abri d’une catastrophe. L’audit de sûreté envisagera-t-il les pires scénarios ?

Enfin, il revient aux collectivités territoriales de distribuer les pastilles d’iode. Existe-t-il un véritable plan de prévention des risques ? Les médecins sont-ils formés à ces questions ? Les dernières pastilles qui nous ont été fournies à Niort étaient périmées depuis plusieurs années et l’on nous a dit de ne pas les distribuer aux personnes de plus de soixante ans !

Mme la ministre. En effet : cela ne servirait à rien !

Mme Geneviève Gaillard. Peut-être, mais il faudra l’expliquer à nos concitoyens le jour où on en aura besoin !

Mme Claude Darciaux. Il y aura de toute évidence un avant et un après Fukushima. En France, un audit de sûreté va être réalisé, mais je tiens à signaler que nous autres, parlementaires, sommes avertis très tardivement des anomalies détectées par EDF ou par l’ASN sur les systèmes de sécurité des centrales ; certains incidents nous ont été révélés plus de six mois après, ce qui pose un vrai problème d’information et de transparence. Comme mes collègues, je réclame un grand débat national sur le nucléaire et sur le mix énergétique.

Par ailleurs, ira-t-on vers un renforcement de la sécurité, sachant que les standards en vigueur à la date de construction des centrales sont aujourd’hui dépassés ? Envisage-t-on le démantèlement des centrales dont l’audit montrerait que leur sécurité n’est plus assurée ? Si oui, avec quels moyens financiers ?

L’audit prendra-t-il en considération la multiplicité des risques, leur effet cumulatif et les conséquences du changement climatique ? Abordera-t-il la question des déchets et des matériaux contaminés ?

Enfin, comment concilier le coût et la sûreté à court terme, eu égard aux conséquences financières de Tchernobyl ?

M. Germinal Peiro. Alors que l’Allemagne et l’Italie annoncent leur volonté de sortir du nucléaire, et que la Grande-Bretagne s’engage dans la construction d’une plateforme éolienne off shore de très grande puissance, le Président de la République a indiqué hier qu’un moratoire serait un choix irresponsable, irréfléchi, irraisonnable, qui serait celui du passé et du Moyen Âge. Il a également affirmé que l’abandon du nucléaire coûterait 45 milliards d’euros à notre pays et ferait quadrupler le prix de l’électricité. Madame la ministre, confirmez-vous ces chiffres ? Dans l’affirmative, rapportée au budget de notre pays et à l’augmentation du coût des carburants depuis trente ans, la facture ne serait pas si élevée que cela !

Lors du débat sur les OGM, vous aviez eu la franchise et le courage de dire que, pour vos enfants, vous préfériez acheter des produits sans OGM. Au fond de vous, pour nos enfants et nos petits-enfants, pensez-vous qu’il soit raisonnable de continuer la politique pro-nucléaire actuelle ?

M. le coprésident Serge Grouard. S’agissant de la modélisation, quels seront les paramètres retenus pour le calcul des risques ? Seront-ils utilisés indépendamment les uns des autres ou cumulés ?

Mme la ministre. Le cadre de référence des audits n’est pas encore définitivement fixé. Jusqu’à présent, on étudiait l’hypothèse d’un arrêt de la source électrique, d’une perte de la source froide, d’un risque sismique. La nouveauté, à Fukushima, c’est que l’accident a été provoqué par le cumul de ces trois événements. Cette éventualité sera donc pour la première fois prise en compte dans le cadre de l’audit de l’ensemble de nos centrales. De même, on prendra en considération « l’effet de falaise », c’est-à-dire la possibilité qu’il se produise un événement d’une ampleur telle qu’il provoque une dégradation rapide et irrémédiable de l’état d’un réacteur.

D’une manière générale, nos dispositifs de sûreté sont conçus, non seulement pour répondre à un problème donné, mais pour améliorer la robustesse globale des installations ; on veille à ce que le système dispose de plusieurs solutions de rattrapage. L’audit sera organisé de manière à répondre à cette exigence.

Pour évaluer le risque sismique pesant sur une centrale, on prend en considération à la fois le tremblement de terre le plus anciennement connu par des documents, dont on multiplie la puissance par cinq – c’est-à-dire que l’on ajoute 0,5 sur l’échelle de Richter, qui est logarithmique –, et les paléoséismes, c’est-à-dire les séismes encore plus anciens dont on peut retrouver la trace archéologique. Par exemple, à Fessenheim, le paléoséisme est d’une puissance inférieure à celle du séisme de référence – celui de Bâle de 1356 –, mais la situation est inverse pour le Tricastin. Ces informations sont publiées pour chaque centrale. Les données seront révisées à l’occasion de l’audit, mais celui-ci, je le répète, ne se limitera pas au risque sismique isolé.

Le problème de la sous-traitance avait été soulevé par l’ASN avant même l’accident de Fukushima – j’y vois, pour ma part, une preuve de l’indépendance de cet organisme, qui est chargé de l’inspection du travail dans les centrales nucléaires. EDF fait actuellement appel à 20 000 prestataires et sous-traitants. L’année dernière, l’ASN a considéré que cette situation n’était pas satisfaisante, d’autant que la surveillance des entreprises prestataires n’avait pas été améliorée depuis 2009 et que la sous-traitance en cascade tendait à se développer.

Ces questions seront incluses dans l’audit : le cahier des charges – qui n’est pas encore validé – comprend pour l’instant quatre points relatifs au recours à des entreprises prestataires. On demande à l’opérateur de décrire le champ des activités concernées et de justifier le recours à la sous-traitance ; les modalités de choix des prestataires, notamment les exigences en matière de qualification des entreprises sélectionnées ; les dispositions prises pour assurer de bonnes conditions d’intervention, et notamment en matière de radioprotection ; enfin, les modalités de surveillance des activités sous-traitées, en particulier la manière dont l’exploitant continue d’assumer sa propre responsabilité en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

S’agissant du mix énergétique, je trouve que les propos du Président de la République ont, comme souvent, été caricaturés. Il a pourtant dit très clairement que ce bouquet incluait à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables, et il a renouvelé l’engagement de porter à 23 % la proportion des secondes d’ici à 2020. Je rappelle que l’on part de 10 %, qui correspondent essentiellement à de l’hydroélectricité ; il reste donc 13 % à créer de toutes pièces.

Nous avons commencé à le faire. Nous allons lancer, à la fin du mois de mai, un appel d’offres pour la production de trois gigawatts en éolien offshore, grâce à quoi nous espérons créer 20 000 emplois sur la façade atlantique. Cela nous permettra de nous positionner parmi les leaders mondiaux des équipements d’éolien offshore et de conjuguer les objectifs environnementaux et les objectifs en termes d’emploi – ce qui était l’un des problèmes de la filière photovoltaïque. Le Président de la République a d’ailleurs déclaré que les énergies renouvelables devaient être un domaine d’excellence, comme le nucléaire.

En outre, nous devons mettre en œuvre l’acte II du Grenelle, un plan national pour la sobriété énergétique. L’énergie la moins chère, et la meilleure pour l’environnement, est celle que l’on ne consomme pas : je crois que nous pouvons tous tomber d’accord sur ce point.

Nous sommes en train de rédiger les décrets d’application du Grenelle de l’environnement – dont 135 décrets en Conseil d’État –, qui doivent être publiés avant la fin de l’année : c’est un travail énorme. Pourtant, on peut d’ores et déjà prévoir d’aller encore plus loin sur certains points. Pour ne citer qu’un exemple, tous les permis de construire de bâtiments collectifs déposés cette année anticipent déjà la réglementation thermique pour 2012.

Lancer l’acte II du Grenelle de l’environnement ne veut donc pas dire que l’acte I ait été un échec, mais que l’enjeu est tel qu’il faut accélérer le rythme. De surcroît, il serait bon de profiter de l’opportunité offerte par le Grand emprunt pour aller plus loin en matière de sobriété énergétique.

Autre décision majeure : le Président de la République a annoncé lundi, lors d’un déjeuner avec les ONG du Grenelle de l’environnement, qu’il y aurait un audit de la Cour des comptes sur le coût de la filière nucléaire, démantèlement inclus. Il s’agit d’une réponse à une demande ancienne des associations environnementales. Que la tâche soit confiée à la Cour des comptes souligne l’importance accordée à ce projet. On dispose déjà de premiers éléments d’appréciation. Ainsi, au 31 décembre 2009, le démantèlement des 58 réacteurs en exploitation était inscrit pour 8,7 milliards d’euros dans les provisions actualisées de l’exploitant. Ce montant, calculé sur la base de ce qu’a coûté le démantèlement de la centrale de Dampierre, est comparable à ce qui se fait aux États-Unis. Il ne tient toutefois pas compte des frais de stockage, actuellement en cours de réévaluation, qui représenteraient entre 16 et 20 milliards d’euros.

Monsieur Gaubert, j’ai dit aux Japonais qu’il était de leur intérêt que nos contrôles sur leurs produits soient très stricts. Cela ne leur fait pas plaisir, mais cela évitera une inquiétude généralisée à l’égard du made in Japan.

Monsieur Paternotte, les données dont nous disposons sur la contamination marine sont très parcellaires. Il semble qu’elle soit sensible jusqu’à plus de trente kilomètres, dans des proportions de plus de 100 becquerels par litre ; elle resterait en surface et se déplacerait lentement vers le sud.

S’agissant des poissons, les niveaux de contamination sont globalement inférieurs aux niveaux maximaux admis, mais ils varient beaucoup d’une espèce à l’autre : les lançons, par exemple, sont très contaminés. En revanche, nous ne disposons encore d’aucune donnée sur la biodiversité.

Au début de l’accident, les experts ont expliqué que les centrales à eau bouillante étaient plus dangereuses que celles à eau pressurisée. Mon sentiment, c’est qu’il s’agit d’un débat daté, qui n’intéresse que les experts, et que quand une centrale perd simultanément sa source froide et sa source électrique, il y a de toute façon du « souci à se faire », qu’elle soit à eau bouillante ou à eau pressurisée. Certes, la situation peut varier selon les caractéristiques techniques, et Fukushima rencontre certainement de ce point de vue des problèmes spécifiques. Par ailleurs, les centrales françaises ont été dotées, au fil des années, de systèmes passifs supplémentaires, avec des pompes et des alternateurs. Toutefois, il ne faut pas se cacher que la perte simultanée de la source froide et de la source électrique serait un problème partout. C’est précisément un sujet à approfondir dans le cadre de l’audit.

Si l’on va procéder d’abord à un audit général, puis à un audit centrale par centrale, monsieur Dionis du Séjour, c’est parce que des questions génériques se posent pour nos centrales qui ont été construites « en série » ; nous devons ensuite examiner les problèmes type de réacteurs par type de réacteurs avant d’aller voir de plus près comment ils sont exploités sur chaque site. On procède d’ailleurs de la même manière pour la prolongation de la durée de vie des centrales, avec une double autorisation, d’abord par modèle, puis par réacteur. Au Tricastin, cela a été fait à la fin de 2010. À Fessenheim, la revue du réacteur n° 2 est prévue pour l’été. Le Président de la République a précisé lundi aux ONG que la décision définitive concernant l’arrêt ou la prolongation de l’exploitation de cette centrale serait prise à l’issue de l’audit – sinon à quoi servirait-il ?

L’EPR sort-il renforcé de la catastrophe de Fukushima ? Ce qui est certain, c’est que chaque réacteur est différent. Par exemple, l’EPR comporte un récupérateur de corium, qui permet d’éviter, en cas de fusion du cœur, que le corium ne s’échappe et ne contamine la nappe phréatique. Il est donc prévu des dispositifs de gestion de l’accident qui n’existent pas sur les autres réacteurs ; c’est d’ailleurs pour cela que l’EPR est cher.

La baisse de disponibilité des centrales est une réalité, mais elle serait liée, selon les experts, à un défaut d’investissements au début des années 2000. Ces investissements sont aujourd’hui en forte relance.

Monsieur Cochet, il y a deux radionucléides présents dans l’eau à Fukushima : de l’iode, dont la demi-vie est très courte, et du césium, dont la demi-vie est de l’ordre de trente ans. À Tchernobyl, où une explosion a été à l’origine de l’accident, les radionucléides dangereux et très lourds qui étaient présents dans le cœur, comme le plutonium ou le strontium, ont été propulsés à plusieurs kilomètres de la centrale. À Fukushima, cela ne s’est pas produit. Selon les informations dont nous disposons, les radionucléides sont restés dans le cœur ou autour, ce sont plutôt des aérosols qui se sont échappés.

Je sais bien que l’approche probabiliste est critiquée par les experts, mais il est faux de dire qu’elle est la seule utilisée aujourd’hui. Pour ce qui le concerne, l’audit obéira à une démarche dite déterministe.

S’agissant de Gravelines, je vais saisir l’ASN, non à cause du terminal méthanier, mais à cause du dépôt pétrolier de Total. Pour le reste, nous étudions bien évidemment les interactions entre des installations voisines.

En France aussi, il est prévu qu’en cas d’accident nucléaire, on puisse augmenter la limite d’exposition pour les travailleurs. Aujourd’hui, la dose maximale autorisée est de 1 millisievert pour un particulier – en dehors des doses reçues en médecine – et de 20 millisieverts pour un travailleur du nucléaire. En cas d’accident, elle peut être portée à 100 millisieverts, voire à 300 si le travailleur est volontaire.

Au Japon, l’exposition des travailleurs aux rayonnements semble avoir été globalement bien gérée : il y a eu peu de dépassements de la limite de 250 millisievert. De ce fait, le terme de « liquidateur » est impropre : cela n’a rien à voir avec les interventions qui ont eu lieu à Tchernobyl. Il reste que cette exposition n’est pas neutre et qu’elle a même été qualifiée d’« héroïque » par la présidente de l’IRSN.

S’agissant du contrôle-commande de l’EPR, l’ASN a donné quitus à AREVA pour ce défaut.

Oui, monsieur Gatignol, nous avons des contacts directs avec le Japon, mais ils sont un peu laborieux. C’est pourquoi nous utilisons plusieurs canaux – le canal diplomatique officiel, le canal industriel et le canal des chercheurs et des experts – afin d’avoir une meilleure compréhension des événements.

Il est normal que la France n’ait pas été sollicitée dans les premiers jours, puisqu’il n’y a pas de réacteur à eau bouillante dans notre pays. En revanche, nous savons gérer l’eau contaminée. AREVA n’a pas été la seule à proposer une aide technique : tous les acteurs français du nucléaire l’ont fait. Pour l’analyse radiologique, nous avons mis à la disposition de TEPCO des équipements et proposé une formation à son personnel ; nous avons mis en avant nos compétences en robotique, pour prélever et traiter les effluents ; nous avons proposé notre aide pour la dépollution des sols et la gestion de la zone contaminée. L’IRSN, qui dispose d’une représentation permanente sur le site de Tchernobyl, a en effet développé une compétence très particulière dans le domaine de l’épidémiologie et de la dynamique de la contamination de la faune, du sol et de la flore par des radioéléments. Sur ce point, la coopération avec les Japonais est moins avancée, mais il est vrai qu’ils sont encore dans la gestion de crise. Nous avons également proposé notre savoir-faire en médecine nucléaire ; toutefois, l’exposition des travailleurs ayant été bien traitée, il ne semble pas y avoir de besoins dans ce domaine.

Monsieur Pancher, les commissions locales d’information (CLI) sont financées, sur projet, par l’ASN, par les conseils généraux et, éventuellement, par d’autres collectivités. La loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire permet également de flécher vers ces commissions la taxe sur les installations nucléaires de base. Cette disposition n’a pas été encore mise en œuvre faute de besoin avéré, mais, hier, le maire de Gravelines en a fait la demande pour sa CLI.

Monsieur Plisson, je ne veux pas nourrir la polémique sur les énergies renouvelables. Je répète que, quel que soit le point de vue que l’on ait sur l’avenir de la filière, un désinvestissement dans le nucléaire serait problématique du point de vue de la sûreté, car il y aurait un déficit d’ingénieurs qui se préoccuperaient de l’état de nos centrales. C’est d’ailleurs le sens du message qu’a délivré hier le Président de la République. Quoi qu’on pense de l’EPR, les projets actuels irriguent tout un écosystème universitaire et industriel.

Monsieur Léonard, il existe des modélisations des conséquences des accidents sur l’atmosphère, mais pas en ce qui concerne les estuaires. Peut-être faudrait-il se pencher sur la question. En tout cas, les modélisations qui ont été faites sont publiques. Il faut également savoir que, grâce à l’IRSN, la France est le pays le plus avancé au monde en la matière. Nous souhaitons mettre cette compétence à la disposition des Japonais.

Madame Massat, nous sommes favorables au renforcement des pouvoirs de l’AIEA. Je l’ai dit à son directeur général, Yukiya Amano, qui était de passage en France la semaine dernière. Créer une dynamique en ce sens fait partie de nos objectifs pour les prochains sommets du G 8 et du G 20 ainsi que pour la conférence de Vienne.

Je ne trouve pas que l’ASN en fasse trop. Nous n’envisageons pas de revoir ses compétences à la baisse ; au contraire, nous souhaitons promouvoir à l’international ce modèle d’autorité indépendante garante de la sûreté nucléaire. De surcroît, l’audit entraînera probablement un renforcement de l’institution.

Il n’y a pas eu réduction du budget de l’IRSN, mais substitution d’une taxe à une part de financement d’État ; il est en effet bon que les exploitants payent une partie des coûts générés par leur activité. J’envisage même de proposer une réorientation de certains crédits des investissements d’avenir vers la sûreté nucléaire, pour couvrir les frais liés à l’accident et à l’audit.

S’agissant du tarif de l’ARENH, ce dossier ne relève pas de la compétence du ministre de l’écologie. Pour ce que j’en sais, le retour d’expérience de l’accident de Fukushima n’a pas été pris en considération, pour la bonne raison qu’il n’a pas encore été effectué.

Monsieur Nicolas, les propos de M. Lacoste ne me surprennent guère, dans la mesure où cela correspond à une logique d’acteurs. Il reste que les préconisations de l’ASN s’imposent à tous, publics comme privés. Parfois, comme à Gravelines, nous sommes même demandeurs.

Monsieur Dumas, le Président de la République a confirmé que l’audit français serait ouvert à une multitude d’expertises, sous la direction de l’ASN, et des expertises croisées sont prévues dans le cadre de l’audit européen. Il est donc possible que des experts allemands viennent chez nous. Toutefois, la définition du cadre de référence de l’audit est beaucoup moins avancée à l’échelon européen qu’en France – ce qui risque de poser un problème si l’on veut avoir les résultats des stress tests avant Noël. Par ailleurs, des démarches de ce type existent déjà : ainsi, l’autorité de sûreté suisse est régulièrement invitée sur le site de Fessenheim.

Monsieur Tardy, les piscines étant des installations nucléaires de base, elles seront concernées par l’audit de sûreté. On examinera à cette occasion ce qui peut se passer en cas de coupure d’eau ou d’électricité. On peut d’ores et déjà remarquer que chaque réacteur possède une réserve d’eau très importante et qu’il existe des procédures dites « ultimes » permettant de réalimenter les piscines directement à partir de la mer ou du fleuve.

Monsieur Le Nay, s’agissant des poissons contaminés, le ministère de l’agriculture a mis en place un contrôle intégral, qui va plus loin que la recommandation de prudence faite par la Commission européenne.

Madame Gaillard, la date de péremption figurant sur les pastilles d’iode résulte d’une obligation légale. Toutefois, il s’agit, par définition, d’iode stable et son efficacité n’est donc pas en cause.

M. le coprésident Serge Poignant. Madame la ministre, au nom de tous les commissaires, nous vous remercions pour vos réponses très complètes.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 4 mai 2011 à 16 h 15

Présents. - M. Alfred Almont, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues

Excusés. - M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. François Loos

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Christophe Bouillon, M. Christophe Caresche, M. André Chassaigne, M. Yves Cochet, Mme Claude Darciaux, M. Lucien Degauchy, M. Olivier Dosne, M. Paul Durieu, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Le Nay, M. Alain Marty, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud