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Commission des affaires économiques

Mercredi 11 mai 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 68

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition de M. Pierre-Georges Dachicourt, président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)

La commission a auditionnéM. Pierre-Georges Dachicourt, président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM).

M. le président Serge Poignant. Nous sommes heureux d’accueillir M. Pierre-Georges Dachicourt afin d’évoquer avec lui plusieurs sujets d’importance, tant nationaux qu’européens, concernant la pêche.

Je souhaite la bienvenue à une délégation de la Commission économie et finances de l’Assemblée nationale de la République du Congo, conduite par son président, M. Sylvestre Ossiala.

Notre commission s’est particulièrement impliquée dans tous les sujets qui concernent la pêche, notamment dans le cadre de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) qui a réalisé plusieurs réformes importantes pour ce secteur. Nous souhaiterions, monsieur le président, connaître votre position sur les mesures adoptées et sur leur application, qu’il s’agisse de la gouvernance – avec la transformation des comités locaux en antennes locales, la répartition des compétences de gestion entre le comité national et les organisations de producteurs, la création du comité de liaison scientifique et technique – ou d’autres mesures comme l’encadrement des modalités de première vente.

Deux de nos collègues ont été chargés par le Gouvernement de missions relatives à la pêche : Louis Guédon, sur la compétitivité de la filière pêche, et Daniel Fasquelle sur le renouvellement de la flotte de pêche maritime française. La semaine dernière, Louis Guédon a remis son rapport au Premier ministre, dans lequel il formule des propositions extrêmement intéressantes. Nous souhaiterions à ce propos vous interroger sur les moyens de soutenir le métier de marin pêcheur, ainsi que sur les perspectives de constitution d’une interprofession et les projets de création d’une marque de distribution de la pêche française.

Enfin, nous aimerions connaître les orientations que vous souhaitez voir donner à la réforme de la politique commune de la pêche (PCP), sur laquelle la Commission européenne doit présenter des propositions en juillet prochain.

M. Pierre-Georges Dachicourt, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). Je vous remercie, ainsi que Daniel Fasquelle, d’avoir pris l’initiative de cette audition : c’est la première fois que le président du Comité national est ainsi auditionné au Parlement. Je m’en réjouis d’autant plus que les élus « terriens » me paraissaient depuis longtemps ne s’intéresser que d’assez loin au secteur de la pêche. Les élus du littoral connaissent mes convictions et mon acharnement à me battre pour ce beau métier, que j’ai moi-même exercé pendant près de quarante ans, que je suis fier de représenter et dont le poids économique, même s’il est difficile à mesurer, est important – y compris outre-mer.

L’homme fait partie intégrante de la biodiversité ; les pêcheurs exploitent cette biodiversité et transforment leurs prises prioritairement en nourriture. Plus de trois milliards d’humains dépendent de la pêche pour 15% de leurs apports en protéines.

Je voudrais vous présenter la flotte française et ses emplois associés, ses métiers, sa production, enfin sa place dans l’Union européenne. Faute de moyens, les statistiques relatives à la pêche française portent toujours sur l’année n-3, ce qui est bien regrettable.

La flotte française comptait 7397 navires en 2008. Depuis lors, environ 300 ont fait l’objet de plans de sortie de flotte, avec l’aide de l’Union européenne et, surtout, de l’État français – ce qui représente une diminution de 4 %. Au cours des vingt dernières années, nos capacités nationales de pêche ont été réduites de 50 %. Nous avons cassé beaucoup de bateaux et laissé beaucoup de vieux bateaux à l’eau.

Quand on détaille l’évolution du nombre de navires en métropole, on constate que les bateaux de plus de 24 mètres ont été peu concernés par les sorties de flotte – bien que, à Boulogne, nous ayons perdu plus de 70 % de la pêche hauturière et que les 30 % restants soient désormais détenus par des capitaux étrangers, ce qui constitue un réel gâchis pour notre économie : même si ces bateaux restent là pendant quelques années encore, leur sort à terme ne fait guère de doute… Les bateaux de 12 à 24 mètres ont été davantage affectés : on en comptait environ 1500 en 1995, il n’y en a plus que 700. Quant aux bateaux de moins de 12 mètres, on en dénombrait 4800 en 1995, moins de 3800 en 2008 – et la baisse continue.

Les statistiques relatives aux emplois de marins pêcheurs ne portent que sur la France métropolitaine car outre-mer, la pêche est souvent associée à une autre activité professionnelle. La petite pêche, qui compte le plus grand nombre de navires, occupe plus de 8000 marins à temps plein ; la pêche côtière, qui se fait sur les bateaux de 12 à 24 mètres embarquant quatre à six personnes, représente environ 3700 ou 3800 emplois ; la pêche au large, qui se fait sur des bateaux de 24 à 54 mètres, un tout petit peu plus. Quant à la grande pêche, qui représente environ un millier d’emplois, elle est pratiquée par les bateaux tels que les thoniers océaniques, dont nous avons une superbe flotte qui produit une grande partie du thon consommé dans notre pays. Actuellement malmenée par la piraterie qui sévit dans l’Océan indien, elle se déploie aussi dans l’Atlantique sud.

La répartition des effectifs entre les régions montre bien sûr la prépondérance de la Bretagne. Le poids des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon est assez important, avec la coexistence de très gros et de très petits bateaux.

J’en viens – deuxième point – aux métiers de la flotte française.

Les données relatives aux principaux engins utilisés par la flotte française, en métropole et hors Méditerranée, montrent l’importance du chalutage. Il est actuellement attaqué pour différentes raisons – équilibre écologique, émissions de carbone, consommation de carburants –, mais la France ne peut pas se passer de sa flotte chalutière, qu’il s’agisse des grands ou des petits navires. Il faut cependant lui apporter certaines améliorations, que nous allons nous attacher à réaliser au cours des années qui viennent. Pour le reste, le document que je vous ai fait distribuer distingue métiers de l’hameçon, fileyeurs, caseyeurs, senneurs, dragueurs, étant précisé que la polyvalence constitue l’une des caractéristiques de la pêche française.

Les petits bateaux représentent 75% du nombre de navires et 25% de l’approvisionnement national (hors outre-mer et Méditerranée). Les bateaux supérieurs à 12 m représentent quant à eux 25% de la flotte et 75% de la production : les proportions sont donc strictement inversées. Dans les petits bateaux, la qualité est primordiale.

Dans le détail des métiers par façade, nous avons mentionné la plongée sous-marine. Il existe en effet, en Bretagne nord, une dizaine de plongeurs, inscrits maritimes, qui pêchent les coquilles Saint-Jacques. Leur reconnaissance n’a été acquise qu’après bien des discussions, mais il me paraissait nécessaire de les inscrire dans l’économie littorale.

La carte des principales zones de pêche – établie à partir de la production par carré statistique – fait apparaître des zones de pêche très importantes à partir du nord-ouest de l’Ecosse, et surtout le long du littoral, en raison du grand nombre de petits bateaux. Cette pêcherie, qui contribue à l’aménagement du territoire, doit impérativement être préservée. La flottille de thoniers senneurs océaniques travaille surtout dans le sud de l’Atlantique, au large de pays que l’on peut dire « sensibles » ; des accords ont été conclus avec eux par l’Union européenne pour les pêcheries françaises. Dans l’Océan indien, les thoniers français sont principalement basés aux Seychelles ; leurs activités induites, notamment d’avitaillement et d’approvisionnement des hommes, ont une place importante dans l’économie de l’archipel.

Certaines espèces majeures se trouvent soumises à des quotas de captures. Mais dans la plupart des cas, nous sommes très loin de consommer nos quotas : nous laissons énormément de poissons à l’eau. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous avons diminué nos capacités sans penser à renouveler nos outils. Sur les quotas alloués à la France, 40 000 tonnes restent inutilisées parce que nous n’avons plus les moyens techniques de les pêcher. Dans le cas de la lotte, nous laissons ainsi plusieurs milliers de tonnes à l’eau, et nous en importons près de 10 000 des États-Unis, du Chili et de Chine.

Nos professionnels eux-mêmes ont trop souvent dénigré le métier de marin pêcheur. En le décrivant comme un travail misérable, on a découragé toute une génération de le choisir. Je cherche aujourd’hui à faire passer le message contraire. Il n’y a pas de honte à dire que le salaire moyen d’un homme d’équipage, tous types de pêche confondus, atteignait en 2010, année de sortie de crise, 2500 euros nets mensuels, pour 200 jours de travail par an. Certes le métier est dur physiquement, certes les marins pêcheurs rencontrent des difficultés, mais ce ne sont pas des galériens ! Les jeunes qui entrent dans notre profession doivent par ailleurs savoir qu’ils devront vivre avec les nouvelles règles que nous sommes en train de mettre en place. Si j’avais aujourd’hui à choisir un métier, ce serait celui-là ! Pour ceux qui veulent bien y croire, il y a encore beaucoup de choses à entreprendre et d’argent à gagner.

Concernant la non-consommation de nos quotas, on peut citer l’exemple du lieu noir. Alors que notre quota est de 22 500 tonnes, la pêche française – qui hier encore était exclusivement boulonnaise mais qui est passée sous contrôle étranger – est de moins de 8 000 tonnes. Des capitaux islandais, néerlandais et britanniques ont racheté l’ensemble de la flotte, attirés par la disponibilité des quotas. J’espère que les bateaux resteront dans le port de Boulogne-sur-Mer.

J’en arrive aux données relatives à la production de la pêche française.

La production qui passe par les halles à marée – il en existe encore une quarantaine, mais j’espère que des regroupements vont s’opérer – représente 206 000 tonnes, sur un total de pêche française de 450 000 tonnes, la différence correspondant à la vente directe et aux produits congelés. Le chiffre d’affaires des halles à marée s’élève à 557 millions d’euros, tandis que celui généré globalement par la pêche française est de 1,6 milliard d’euros, algues comprises. Dans le classement des halles à marée, Boulogne-sur-Mer arrive en tête : c’est bien sûr le premier port de pêche français, et j’en suis très fier.

Dans le tableau des valeurs de vente des espèces déclarées en halles à marée, la baudroie et la sole arrivent en tête, suivies par le bar, espèce actuellement non soumise à quota. La coquille Saint-Jacques, non seulement de Bretagne mais aussi en provenance de la Manche Est et de l’Atlantique, progresse également.

Le bilan de l’approvisionnement français en produits de la mer fait apparaître que si notre production dépasse les 600 000 tonnes, nous importons plus de 1,8 million de tonnes. Nos exportations, principalement à destination de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce, représentent environ les deux tiers de notre production. Il n’est pas normal d’atteindre un tel niveau d’importations alors que nous n’utilisons pas tous nos quotas. L’approvisionnement français est constitué à 58 % de poissons de pêche, à 9 % de poissons d’élevage, à 15 % de coquillages et crustacés de pêche et à 18 % de coquillages et crustacés d’élevage. L’élevage n’est pas concurrent de la pêche et peut constituer un apport non négligeable : il me paraît très important de valoriser cette filière en France, plutôt que de laisser la place à d’autres.

Dernier élément : la place de la France dans l’Union européenne.

Pour la flotte de pêche, la France est à la cinquième place. La Grèce se trouve à la première car elle répertorie tous ses bateaux à partir de deux mètres. L’Italie, qui est à la deuxième place, appareille aussi beaucoup de petits navires. C’est moins vrai pour l’Espagne et le Portugal, qui occupent les quatrième et cinquième places. Nous n’avons donc pas à rougir, mais nous devons néanmoins progresser.

En termes de production, la France est à la quatrième place. Là encore, nous n’avons pas à en rougir.

Quand on réfléchit à l’avenir du secteur, il faut penser non pas seulement aux hommes qui partent pêcher en mer, mais aussi à toute l’économie liée à leur activité et à leur présence sur le littoral. Dans les débats que vous pourrez avoir, ne l’oubliez pas ! Il faut croire à la pêche française et arrêter l’hémorragie. Nous essayons aujourd’hui de mettre sur pied une filière s’inscrivant dans une démarche de développement durable et offrant toute leur place aux jeunes.

M. le président Serge Poignant. Merci pour cette présentation et pour votre message à l’adresse des jeunes. Les questions qui vont vous être posées vous donneront l’occasion d’apporter quelques précisions sur l’application de la LMAP et sur la réforme de la PCP.

M. Daniel Fasquelle. Il est très important que notre commission réserve dans ses travaux une place à la pêche. Je félicite le président du CNPMEM de défendre avec beaucoup d’enthousiasme et de sincérité ce secteur – qui en a besoin, aussi bien à Paris qu’à Bruxelles.

Considéré à l’échelle nationale, le poids économique de la pêche est relativement modeste. Mais pour le littoral, il est déterminant, en termes d’emplois directs ainsi qu’indirects, notamment dans la transformation du poisson. La pêche a également des retombées pour l’économie touristique ; elle amène la vie dans nos ports et nos communes, elle fait partie de nos traditions. Nous devons la défendre.

Ce secteur essentiel est néanmoins confronté à de graves difficultés, du fait notamment de l’application de la PCP, que dénoncent de très nombreux marins pêcheurs. À l’aube de la définition d’une nouvelle politique commune, comment peser sur Bruxelles pour répondre enfin aux attentes de la profession ? Je pense en particulier aux quotas. Les marins pêcheurs n’y sont pas opposés sur le principe, ayant bien compris qu’ils avaient intérêt à préserver la ressource qui les fait vivre. Mais il faut instaurer un climat de confiance, disposer de constats scientifiques réellement partagés et mettre fin à l’approche annuelle qui prive de toute visibilité. La « foire aux quotas » qui se tient en fin d’année à Bruxelles n’est pas digne.

Le secteur de la pêche doit aussi remplir des missions nouvelles. Comment, dans le cadre du Grenelle de la mer, aller vers une pêche durable et mieux tenir compte des préoccupations écologiques ?

Comment faire en sorte que le prix du poisson évolue favorablement pour les marins pêcheurs ? Des contacts ont été pris avec les grandes et moyennes surfaces (GMS). Où en sont les discussions ?

La flotte de pêche vieillit de façon inquiétante. Les bateaux consomment de plus en plus de carburant, dont le prix ne cesse d’augmenter. Ils sont aussi de moins en moins sûrs. Les conditions de vie à bord ne sont pas dignes, ce qui contribue à expliquer que le métier attire peu. Si demain, on veut embarquer des observateurs scientifiques, éviter les rejets et développer le « pescatourisme » dans certaines parties du littoral, il faudra un nouveau type de bateau de pêche. Comment l’imaginez-vous ?

Enfin, il faut que la pêche attire les jeunes, ce qui nécessite d’en améliorer l’image. Vous vous employez à le faire et nous devons relayer vos messages à ce sujet. Mais l’offre de formation professionnelle est-elle suffisante ? Ne faut-il pas l’adapter aux nouvelles missions que devront remplir demain les marins pêcheurs ?

M. le président Serge Poignant. La réforme de la PCP et du mécanisme des quotas est une question particulièrement importante. Mme Maria Damanaki, commissaire européenne en charge des affaires maritimes et de la pêche, est favorable à la définition d’un rendement maximal durable et à la création d’un marché des quotas.

Mme Annick Le Loch. Il est exact que, jusqu’ici, on ne parlait pas beaucoup de la pêche à la Commission des affaires économiques. Or c’est un sujet très important, notamment pour notre alimentation. Les produits de la mer bénéficient d’une bonne image mais il en va différemment du métier de marin. Il nous faut défendre ce secteur et ses savoir-faire.

Dans le contexte général de réduction du nombre de navires, de perte d’attrait du métier de marin pêcheur et de diminution des ressources, la seule question qui vaille est de savoir si, demain, il existera encore une pêche française. Je l’espère, bien sûr, de tout cœur ; mais nous ne sommes guère consultés sur la préparation de la nouvelle PCP. Nous avons le sentiment qu’elle va s’imposer aux États et aux pêcheurs sans véritable concertation préalable, notamment avec les régions concernées. Comment exprimer nos positions face à une commissaire européenne qui entend remettre en cause la stabilité relative, imposer des quotas individuels transférables et interdire les rejets – ce qui limite considérablement la pêche ?

Pour préparer la nouvelle politique agricole commune, le préfet de la région Bretagne a pris l’initiative de créer un comité régional. Ne faudrait-il pas, en matière de pêche, s’inspirer de cette formule, aux niveaux national et régional, afin de réagir aux propositions de la Commission européenne ? Il en va de la survie de nos ports, de l’avenir des économies littorales et de notre alimentation.

Il est normal que le métier n’attire plus, dans un contexte de casse des outils de pêche et de flambée du prix du gasoil, sans possibilité de répercussion sur le prix de vente du poisson. Le métier me paraît réellement en danger. Les lycées maritimes éprouvent des difficultés à recruter et, bien souvent, leurs élèves ne se destinent pas à la pêche. Ne faudrait-il pas adapter la réglementation afin de revaloriser le métier de marin pêcheur ?

La « taxe poisson » n’est pas compatible avec le droit européen comme nous l’a indiqué récemment le ministre de l’agriculture, mais par quoi la remplacera-t-on ? Elle devait, en apportant 70 à 75 millions d’euros, financer le plan Barnier pour une pêche durable et responsable ainsi que les « contrats bleus ». Que deviendront-ils demain ?

Contrairement à ce qu’escomptait notre collègue député européen Alain Cadec, non seulement les aides de minimis ne seront pas doublées mais, d’un montant de 30 000 euros par bateau, elles seraient en outre remises en cause par le Gouvernement.

Le décret relatif au permis à points est en cours de préparation. Or celui-ci introduit de nouvelles contraintes, mal ressenties par les marins pêcheurs. Ne faudrait-il pas assouplir les contrôles en fonction de la taille des pêcheries et des bateaux ?

Le ministre attend beaucoup de l’interprofession en cours d’organisation. Où en sommes-nous ?

On pourrait évoquer encore bien d’autres sujets comme la conchyliculture, l’aquaculture, ou encore l’algoculture – que la France ne développe guère. Vous avez aussi évoqué le pescatourisme, qui participe de la diversification des activités. Or il semble que l’administration des affaires maritimes prépare un décret tendant à réduire la fréquentation des navires de pêche. Qu’en est-il précisément ?

M. Daniel Paul. Je remercie moi aussi notre président d’avoir organisé cette audition.

Comme Mme Le Loch, je déplore la conception libérale de l’économie de la pêche en Europe, que traduit le projet de quotas individuels et transférables.

Comment aider l’investissement dans les nouveaux bateaux sans encourir les foudres de l’Union européenne et en faisant en sorte qu’il serve les intérêts des régions et territoires ? Il ne s’agit pas d’aider des investissements « venant d’ailleurs », mais d’investir dans une filière de pêche régionale.

Je m’interroge aussi sur l’accroissement des activités d’élevage de poissons. En tant qu’élu de Haute-Normandie, j’ai été sollicité par des candidats à l’exploitation de grandes fermes d’élevage. Quelle est votre position à ce sujet ?

Que pensez-vous de l’éolien off-shore et de ses éventuelles incidences sur le maintien ou le développement de la pêche ?

Enfin, comment analysez-vous l’importance de la « pêche du dimanche », pratiquée par des vacanciers mais aussi par des ressortissants du littoral, officiellement pour leurs besoins personnels ? Il y a cinquante ans, dans la région de Bréhat, nous allions ainsi ramasser des ormeaux ; et vous avez vous-même évoqué la pêche sous-marine de coquilles Saint-Jacques. Considérez-vous comme certains marins pêcheurs que cette pêche du dimanche leur fait une concurrence déloyale ?

M. Jean Dionis du Séjour. Permettez-moi de jeter sur la pêche maritime un regard continental. Vu d’Agen, j’ai apprécié le discours du président du CNPMEM. Par sa promotion du métier de marin pêcheur, il m’a rappelé celui que l’on tient pour promouvoir l’agriculture. Il existe une liberté chez les paysans que, je pense, on retrouve chez les marins : « Homme libre, toujours tu chériras la mer » écrivait Baudelaire… J’ai aussi apprécié la tonalité patriotique du propos.

Je voudrais d’abord poser une question de consommateur : mangeons-nous de plus en plus de poisson ? Quelles sont les tendances lourdes en matière de consommation ? Vos souhaits pour le secteur correspondent-ils à ce que désirent les clients ? Comment vous adaptez-vous à leur attente, forcément évolutive – comme elle l’est dans le secteur des fruits et légumes, où l’on observe par exemple la forte diminution de la consommation de poires ?

Que pensez-vous de la « taxe poisson » ? Est-elle toujours utile ? Le ministre nous a dit qu’il travaillait à son remplacement, mais par quoi ? Comment trouver ailleurs 80 millions d’euros ? L’idée de aire participer la grande distribution au soutien de l’amont de la filière était pourtant intéressante.

Nous avons récemment débattu ici de la question des charges sociales patronales dans l’agriculture. Les employeurs français supportent un taux de charges de 41,5 %, alors qu’en Europe il est de 20% en moyenne. Fait-on le même constat dans le secteur de la pêche ?

Enfin, quelles sont les perspectives de la pêche d’élevage ? Eu égard aux caractéristique géographiques de notre pays, comment y développer l’aquaculture ?

Mme Laure de La Raudière. Je cède volontiers mon temps de parole à M. Guédon.

M. Louis Guédon. Quand nous avions débattu du projet de loi sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP), le ministre n’avait pas parlé de la pêche. Or la France dispose du littoral le plus important d’Europe. Les ports de pêche y représentaient, avant la crise, les premières zones industrielles. Un emploi à la mer assurait trois emplois à terre.

J’ai achevé mon tour de France et remis mardi mon rapport au Premier ministre. On peut le consulter sur son site et il sera publié par la Documentation française.

Nous consommions, il y a dix ans, 28 kg de poisson par Français. Nous en consommons aujourd’hui 34 kg. La pêche française ne représente plus que 20 % de notre consommation, alors qu’elle en assurait la totalité il y a cinquante ans. Le secteur de la pêche est vital pour l’économie du littoral.

L’aquaculture n’a plus aucun avenir en France. Nous sommes certes les pionniers sur le plan des techniques. M. Michel Adrien a ainsi remporté le marché chinois pour le turbot. Il est également à l’origine du procédé pour le bar mais il doit vendre tous ses alevins aux Grecs et aux Espagnols qui produisent à des coûts inférieurs de 30%, la température des eaux étant plus adéquate.

Les marins pêcheurs sont convenablement payés mais leur avenir est menacé par la mise hors service de bateaux anciens et dangereux et par la politique des quotas. Or un homme jeune doit avoir des perspectives de carrière. Un baccalauréat professionnel et de nouveaux diplômes ont été créés ; cependant les 1700 élèves des lycées spécialisés ne sont pas amarinés assez tôt et, après avoir mis pour la première fois le pied sur un bateau, n’ont souvent plus envie d’y retourner. Mieux vaudrait, comme on le fait chez moi, une formation en alternance, conduisant le jeune en formation à embarquer dès l’âge de 16 ans : 80% des élèves restent dans la marine.

Les marins pêcheurs ont également besoin de considération. Leurs brevets de marins sont désormais identiques à ceux du commerce mais les évolutions de carrière sont plus lentes que pour les autres professions maritimes et il conviendrait de permettre qu’elles soient plus rapides, notamment en fin de carrière.

Les crises pétrolières affectent les salaires des marins travaillant sur les gros bateaux. Mais ces crises étant assez courtes et relativement maîtrisées, il conviendrait d’introduire, dans le code du travail maritime, un fonds d’assurance chômage.

S’agissant des bateaux, l’amélioration des méthodes de navigation permet de réduire de 20% la consommation de gasoil ; mais il est important que les pêcheurs disposent de bateaux neufs, performant et sécurisés : un outil de travail vieux de 25 ans ne peut que rebuter un jeune.

Troisième élément, après les marins et les bateaux : le marché. Auparavant, le marin ne vendait pas son poisson, on le lui achetait ; les cours étaient donc irréguliers. Aujourd’hui, sur le marché français, nous souffrons d’un déficit de 1, 8 million de tonnes. La solution passe notamment par les organisations de producteurs.

À cet égard, les organisations de producteurs françaises ne perçoivent que 0,0026 % des dépenses agricoles européennes, soit 3 millions d’euros sur les 12 millions d’euros attribués aux États membres.

La loi de 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) pourrait permettre d’améliorer le financement des bateaux, sous condition de certaines modifications, concernant les holdings.

Enfin, l’interprofession constitue un sujet très important. Les 75 millions d’euros de la taxe poisson n’ont jamais été affectés à la pêche. Conçue pour financer le fonds de prévention des aléas à la pêche (FPAP), cette taxe n’était pas « euro-compatible » et les marins n’en ont aucunement bénéficié. L’interprofession espère recueillir 35 millions. Elle s’organise en vue de regrouper les marins, les mareyeurs (dont les trois quarts des 300 000 entreprises sont en difficulté), les transformateurs et la distribution. Le projet d’une marque de distribution, France Filière Pêche, doit permettre de promouvoir les produits de qualité issus de la pêche française.

J’en viens à mes questions.

Quid des formations par alternance ?

Comment le marché peut-il s’organiser, dans le contexte de la construction de l’interprofession ? Comment assurer des relations de confiance entre le producteur et le distributeur ?

Ne pouvons-nous pas, en nous appuyant à la fois sur les scientifiques et sur les marins, présenter à Bruxelles nos propres propositions de quotas ?

M. Kléber Mesquida. La pêche française, qui était notre seule source d’approvisionnement il y a quelques années, ne représente aujourd’hui que 20 % du marché français, désormais largement approvisionné par l’importation et l’aquaculture. Si l’avenir de nos armements repose sur un renouvellement des navires, quels sont les moyens de parvenir à ce résultat, et donc d’augmenter les quantités pêchées et de consolider l’économie du secteur ?

M. Alain Suguenot. Le député de Côte d’Or que je suis s’intéresse aussi aux élevages marins. En écoutant notre collègue Guédon, j’ai cru comprendre qu’ils pouvaient constituer un danger pour la pêche française et qu’en la matière, nous n’étions pas les mieux placés. Pour produire un kilo de poisson d’élevage, il faut 2,5 kg de poissons sauvages en nutriments. Autrement dit, les éleveurs, qui ont produit plus de 800 000 tonnes de poissons l’an dernier ont consommé deux millions de tonnes de poissons sauvages. Ce ne sont pas les ratios qui nous inquiètent, mais ce qu’on met dans les aliments : les farines et les huiles alimentaires proviennent en partie de stocks de poissons vulnérables à l’état sauvage – lançon, maquereau, tacot. L’avenir ne passe-t-il pas par la traçabilité des contenus ?

M. Jean Gaubert. Il me paraît important de souligner comme vous l’avez fait que le secteur de la pêche, qui connaît des difficultés, rémunère ses hommes. De même, face aux difficultés de l’artisanat, on avait fini par comprendre qu’il fallait mettre en avant ses valeurs. De même aussi, dans l’agriculture, il faudrait dire parfois ce qui va bien. Le métier de pêcheur est incontestablement dur et difficile, mais en compensation, les rémunérations sont assez bonnes.

La non-réalisation de nos quotas s’accompagne d’un non-renouvellement de la flotte. Pourquoi cette apparente incohérence ? La Commission européenne ne fait-elle pas en réalité le choix d’interdire le renouvellement des bateaux et, en même temps, de maintenir des quotas assez hauts dont elle sait qu’ils ne pourront pas être réalisés ? Il me semble que nous ne nous trouvons pas dans cette situation par hasard.

M. Philippe Boënnec. Je tiens tout d’abord à témoigner du grand sens des responsabilités de la profession. Je rappelle que la France est le deuxième pays maritime du monde en termes de zone économique exclusive : c’est dire l’avenir du secteur. J’ajoute que les poissons et les algues représentent des enjeux colossaux pour l’alimentation de la population mondiale. Mais entre la pêche hauturière, la pêche minotière, la pêche côtière, il va falloir décider ce que l’on privilégie, eu égard à la ressource.

S’agissant de la PCP, nous sommes assez unanimement, en France, peu favorables aux quotas individuels transférables. Mais surtout, il paraît clair qu’il ne faut pas des quotas annuels, mais des quotas pluriannuels, sur lesquels il soit possible de fonder les décisions d’investissement. En ce qui concerne la part des quotas qui n’est pas pêchée, quelle solution proposez-vous ? Enfin, il faut s’interroger sur la pêche estuarienne, notamment des civelles.

M. Patrick Lebreton. L’île de la Réunion ne s’est jamais vraiment tournée vers la pêche. Il existe pourtant dans l’Océan Indien quelques gros armements, rarement rattachés à notre île, qui opèrent dans les zones des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dont les zones économiques exclusives (ZEE) permettent d’importantes prises de pêche, en grande partie exportées.

S’agissant de la Réunion, il existe essentiellement une filière de pêche côtière, comptant environ 300 embarcations professionnelles. Or depuis 2008, elle est menacée par l’abandon du financement par l’Europe de l’entretien des dispositifs de concentration de poissons. Récemment, le président de la région Réunion, M. Didier Robert, s’est engagé à assumer l’entretien de ce parc, même dans l’illégalité.

Nous avons d’importantes ressources halieutiques dans l’Océan Indien ; la Réunion ne tire pas assez profit de sa position pour développer un secteur pêche performant, dans une région où le chômage dépasse 30 %. Quels moyens pourrions-nous déployer pour développer un modèle économique viable fondé non seulement sur la pêche côtière traditionnelle, mais aussi sur le développement d’une pêche plus industrielle ?

M. Jean-Pierre Nicolas. La considération que l’on doit aux marins pêcheurs, dont chacun sait la dureté du métier, passe par une meilleure rémunération de leur activité. Celle-ci est liée à la capacité d’achat des consommateurs. Comment aboutir à des prix compatibles avec leurs bourses ? Le poisson étant en concurrence avec la viande, quelle est l’évolution de la consommation moyenne par ménage de l’un et de l’autre ?

Mme Marie-Lou Marcel. Bien qu’élue de l’Aveyron, je m’intéresse particulièrement au dossier des éoliennes en mer. Le chef de l’État vient d’annoncer la construction d’éoliennes au large des côtes françaises, pour une capacité de 3000 mégawatts. L’appel d’offres va être lancé pour cinq zones.

Le Comité national des pêches a-t-il été associé aux études relatives à l’implantation ? Comment les zones ont-elles été identifiées ? Le choix qui a été fait prend-il en considération la protection des ressources halieutiques et les métiers de la filière ?

Quels sont vos arguments dans ce plan de développement des énergies renouvelables ? Interviendrez-vous – et si oui, comment – dans le dialogue entre promoteurs et territoires ?

M. Germinal Peiro. Selon vous, quelles sont les trois principales raisons qui expliquent l’hémorragie dont vous avez parlé dans le secteur de la pêche ? Et quelles sont les trois mesures qui permettraient de l’arrêter ?

M. François Brottes. Moi aussi député terrien, je n’en suis pas moins passionné par ces sujets : s’agissant d’une activité économique majeure, il n’y a aucune raison qu’elle n’intéresse que les députés du littoral.

J’avais retenu d’une rencontre avec la commissaire européenne qu’elle avait pour objectif de réduire par milliers le nombre des marins pêcheurs. Or la consommation de poisson n’est pas en berne. Le consommateur est-il indifférent ou non au fait de manger du poisson d’élevage ? La filière bio a-t-elle un avenir ? L’élevage fait-il une concurrence déloyale à la pêche ?

M. Frédéric Cuvillier. Je me réjouis que la pêche soit aujourd’hui à l’honneur dans cette commission. Je salue les collègues qui ne sont pas du littoral – et qui peuvent participer à des combats communs, notamment en ce qui concerne la transformation du poisson, industrie qu’il faut structurer afin de répondre aux impératifs de sécurité alimentaire, de qualité nutritionnelle et de diversification des débouchés.

Face à l’existence de quotas de pêche non utilisés, en même temps que d’une demande des consommateurs, que faut-il faire ?

Aujourd’hui, seules les régions ont une politique de soutien à la pêche et à sa modernisation. On incrimine souvent le message anti-pêche de l’Europe, mais le manque d’ambition se manifeste au niveau national ; c’est d’abord là qu’il faut agir, notamment en structurant l’interprofession.

M. Pierre-Georges Dachicourt. Merci à tous, et notamment aux députés « de l’intérieur », auxquels je tenais tout particulièrement à m’adresser aujourd’hui.

M. Fasquelle a évoqué  la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP). C’est une très bonne loi – même si je considère qu’elle ne va pas encore assez loin en matière de pêche. Il ne faut pas craindre l’avenir. Lorsque l’ordonnance de 1945 a créé le Comité national des pêches, il y avait 60 000 navigants et 35 000 navires ; en 2011, on dénombre un peu moins de 4800 navires en France métropolitaine, auxquels s’ajoutent 2500 à l’extérieur, et moins de 15 000 ETP. Comment peut-on garder autant de structures sans les moyens financiers correspondants ? Lorsque j’ai été réélu à la présidence du Comité national, l’objectif fixé a donc été de restructurer, resserrer les liens, afin que l’ensemble coûte le moins cher possible. Le seul défaut de la LMAP est de ne pas avoir prévu les moyens de financement. Pour le reste, nous avons été associés à l’élaboration de son contenu, dont je me félicite. S’agissant des comités départementaux ou régionaux, tout se passe bien : pour la Vendée et la Loire-Atlantique, il n’y aura finalement qu’un grand comité régional ; en Bretagne, où Nord et Sud sont bien distincts, la solution trouvée va combiner des comités départementaux et un comité régional fort ; la Haute-Normandie n’aura qu’un comité régional. Dans le Nord-Pas-de-Calais, ceux du Nord, avec leurs 17 bateaux, ont voulu avoir leur petit fief – mais ils n’ont pas de moyens financiers et auront besoin d’être aidés par la région.

J’en viens à la question de la compétitivité. La taxe poisson, taxe non affectée représentant 74 millions d’euros, devait être versée à 98 % par la grande distribution. Les poissonniers ont obtenu le vote nocturne d’un amendement les exonérant. Le ministre, M. Le Maire, a confié une mission à Philippe Mérabet, président de la Coopération maritime, Gérard Higuinen et moi-même sur la mise en place d’une interprofession et d’un groupe de compétitivité avec la grande distribution. Cet après-midi, le Comité national est reçu par le Président de la République pour remettre une partie du rapport. Nous suggérons que l’équivalent d’environ la moitié de la taxe poisson – qui n’était pas euro-compatible – soit versé par la grande distribution et les poissonniers pour alimenter directement un fonds privé, dans le cadre d’un engagement sur cinq ans. Aux 35 millions d’euros ainsi versés s’ajouteront deux millions d’euros de cotisations des professionnels – dont la participation me paraît essentielle, tant il est vrai que celui qui paie a la parole. Ces fonds seront utilisés à hauteur des deux tiers par la profession pour financer un développement durable, notamment par les économies d’énergie et la préservation des ressources, et pour le dernier tiers par l’interprofession, pour la valorisation des produits – en essayant notamment de mettre en place un label de pêche française, faite par des hommes relevant d’un modèle social auquel je suis très attaché et qu’il ne faut surtout pas toucher. Nous verrons ce soir quelle sera la position du Président de la République sur le dispositif proposé.

Par ailleurs, il faut impérativement que la France s’engage dans le renouvellement de sa flottille. Il nous faut trouver un navire du futur, qui intègre la nouvelle politique commune des pêches, et donc adapté aux décisions prises en matière de rejets, d’accueil des scientifiques, de collecte des données et d’économies de carburant.

Quant à la formation, j’en suis un fervent partisan. Je me suis battu pendant des années pour la mise en place du bac pro ; maintenant, il faut aller plus loin et créer des BTS.

Vous êtes les maîtres d’œuvre d’une politique de pêche française durable. Il ne faut pas avoir peur de la PCP, mais en être réellement les acteurs, notamment par le biais de nos eurodéputés.

Comme il a été dit, les marins pêcheurs, à diplôme équivalent, n’ont pas droit à une retraite équivalente à celle de leurs collègues de la marine marchande. Une revalorisation est nécessaire.

Pour les aides de minimis, c’est le statu quo ; je crains qu’il n’y ait pas de déblocage rapidement. Quant aux contrats bleus, ils sont validés jusqu’en 2013.

Sur le permis à points, nos professionnels sont dans le fantasme. Le sujet est sur la table depuis 2009. Pour perdre l’intégralité de ses points, il faudrait être un bandit de grand chemin – donc quelqu’un dont je n’ai pas besoin dans la profession ! Je veux des hommes respectueux de ce qu’ils font. Peut-être que certains perdront 15 ou 18 points, perdront deux mois d’activité, mais cela leur donnera l’occasion de réfléchir à leur métier. Nous sommes étroitement associés à la direction des pêches pour préciser le système.

Daniel Paul a dénoncé la vision libérale de l’Union européenne, que je n’accepte pas. Une véritable harmonisation sociale européenne nous aurait sauvés. Dans les pays anglo-saxons, on embauche sur les bateaux des ressortissants de pays africains sous-payés. De ce modèle-là, je ne veux surtout pas en France.

M. le président Serge Poignant. La commissaire européenne m’a paru avoir évolué et mieux comprendre le souhait de plusieurs pays d’avancer sur le sujet.

M. Pierre-Georges Dachicourt. L’aquaculture ne me fait pas peur car elle ne fait pas de concurrence directe à la pêche : c’est une production complémentaire.

Sur l’éolien off-shore, ma position est très claire : à chaque fois, je défends le souhait des pêcheurs de l’endroit. De plus, j’ai exigé que la pêche française, qui va être privée de la possibilité de travailler dans certaines zones, récupère au moins 35 % de la taxe éolienne, pour pouvoir les réinvestir dans l’économie de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier. Et c’est euro-compatible.

M. Pierre-Georges Dachicourt. En effet. Et dans le décret qui est à la signature, le Comité national est bien l’interlocuteur privilégié pour la récupération du produit de la taxe, à charge pour lui de le redistribuer ensuite en privilégiant les secteurs les plus touchés. Loin d’avoir vendu la pêche française, j’ai fait tirer les conséquences de ce que les pêcheurs perdaient des possibilités de travail.

En ce qui concerne la pêche de loisir, une étude faite en suivant 250 pêcheurs pendant un an conclut que les pêcheurs de loisir pêchent 3600 tonnes de bar par an – pendant que les pêcheurs professionnels en pêchent 4000. La Commission européenne envisage de mettre en place des quotas pour le bar – et ces pêcheurs de loisir en demanderont leur part. Au total, la pêche de loisir sort chaque année plus de 12 000 tonnes de produits de la mer.

Monsieur Dionis du Séjour, la liberté des hommes existe de moins en moins dans cette profession, régie par 980 règlements européens.

Il faut apprendre à varier la consommation de poissons, en fonction des saisons.

Concernant le niveau des charges sociales, j’ai fait la même démarche que le président de la FNSEA.

Je remercie Louis Guédon, fidèle parmi les fidèles, de nous appuyer dans les discussions à Bruxelles.

Il nous faut absolument construire des bateaux pour nous permettre de consommer les quotas qui nous sont alloués : il est aberrant que, par rapport à nos quotas, nous laissions du poisson à l’eau, et qu’en même temps nous ayons recours à l’importation. Mais pour cela, un soutien est nécessaire. Bien sûr, il faudra s’adapter aux différents types de pêche.

Je suis favorable aux quotas pluriannuels, qui donneraient une meilleure visibilité économique, notamment lorsque le pêcheur sollicite son banquier pour financer un bateau neuf. Autre question : chacun doit-il être propriétaire de son bateau, ou ne faut-il pas optimiser un bateau à plusieurs – à l’instar des agriculteurs, qui mettent certains outils en commun ?

M. le président Serge Poignant. Qu’en est-il des quotas individuels transférables ?

M. Pierre-Georges Dachicourt. Le système aboutirait à valoriser le quota au détriment de l’outil. Le bateau de pêche n’est pas un fonds de commerce.

M. Daniel Fasquelle. C’est très dangereux pour la pêche artisanale.

M. Pierre-Georges Dachicourt. Monsieur Lebreton, la commissaire européenne a accusé les dispositifs de concentration de poissons (DCP) d’entraîner la surpêche. Les DCP flottants ont été interdits pour les thoniers tropicaux. C’est une décision irrationnelle, à laquelle s’ajoute l’abandon de l’aide à l’exportation des produits réunionnais vers l’Europe à travers le POSEIDOM. À l’occasion d’un voyage en Argentine en 1995, j’avais pu constater que partaient chaque jour de Mar del Plata huit avions cargos chargés de poissons qui allaient se trouver douze heures plus tard sur le marché du poisson frais à Madrid : il faudrait nous inspirer de cet exemple…

M. Patrick Lebreton. L’interdiction qui nous est faite est d’autant plus fâcheuse que c’est une pratique autorisée au Mozambique et à Madagascar, avec l’aide de l’Europe.

M. Pierre-Georges Dachicourt. Monsieur Nicolas, il importe de pêcher de manière de plus en plus respectueuse de l’environnement. Ce n’est pas l’engin qui pose problème, mais l’utilisation que l’on en fait. Par ailleurs, il faut avoir une approche par pêcherie.

M. Peiro m’a demandé les trois mesures à prendre pour arrêter l’hémorragie. Elles sont simples : des bateaux neufs, une formation adéquate, des quotas assurant la viabilité économique de l’ensemble des pêcheries. Sinon, notre flotte va disparaître au profit des pêcheries étrangères.

M. Daniel Paul. Comment financer les investissements ?

M. Pierre-Georges Dachicourt. Bercy fait la sourde oreille sur l’utilisation de la loi TEPA, qui serait une bonne solution. Il est clair que pour attirer des jeunes, il faut des outils modernes. Il ne faut pas craindre que les nouvelles technologies conduisent à la surpêche ; elles permettent d’améliorer la qualité et parfois de passer moins de temps en mer.

Monsieur Brottes, le poisson est « bio » par nature – sauf nos sardines françaises, interdites à la vente pour cause de PCB, mais nos normes sanitaires sont absurdes : il faudrait consommer chaque semaine 10 kg de peaux de sardine pour ressentir quelques effets ! On a cassé une industrie normande qui marchait bien, et les Néerlandais continuent à pêcher la sardine dans la même zone…

Pour l’élevage, il existe des normes bio ; les élevages en faisant application se trouvent surtout en Méditerranée.

Quant au type de pêche à privilégier, c’est avant tout la pêche destinée à la consommation – mais la pêche minotière représente 1 % du PIB du Danemark.

Enfin, je me réjouis de la formidable renaissance du port de Boulogne.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le président, merci pour cette audition passionnante.

M. Pierre-Georges Dachicourt. Merci à tous de m’avoir écouté.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 mai 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Louis Cosyns, Mme Geneviève Fioraso, Mme Pascale Got, Mme Conchita Lacuey, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Boënnec, M. Frédéric Cuvillier, M. Patrick Lebreton