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Commission des affaires économiques

Mardi 24 mai 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 70

Présidence de M. Serge Poignant Président et de Mme Fabienne Labrette-Ménager Vice-présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), sur les énergies renouvelables.

La commission a auditionné, lors d’une réunion conjointe avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), sur les énergies renouvelables.

M. le président Serge Poignant, Président de la commission des affaires économiques. Nous sommes très heureux de vous accueillir une nouvelle fois parmi nous. Le sujet sur lequel nous désirons vous entendre aujourd’hui n’est plus aussi brûlant qu’il l’était en février dernier. Néanmoins, la question du financement des énergies renouvelables n’a pas perdu de son importance en quelques semaines. Lors du débat sur le nouveau dispositif réglementaire applicable au photovoltaïque, j’ai personnellement exprimé mon soutien à cette filière et mes réserves quant aux conséquences sur les charges de CSPE et sur le coût de l’électricité. Comment sauvegarder un maximum des 25 000 emplois de la filière à un coût supportable pour le consommateur ?

Trois mois après la mise en place du nouveau dispositif photovoltaïque, dispose-t-on désormais d’un chiffrage précis et sur le long terme de l’augmentation de la facture du particulier engendrée par le financement des énergies renouvelables ?

Les partisans d’un abaissement significatif du tarif d’achat évoquaient également les conséquences difficiles d’une augmentation du prix de l’électricité sur l’industrie, secteur le plus ouvert à la concurrence internationale. Quel est le surcoût engendré par la CSPE pour les entreprises françaises ? Les électro-intensifs sont-ils fortement pénalisés ? Les mécanismes de plafonnement mis en place fonctionnent-ils ?

Je remarque une méfiance nouvelle vis-à-vis du mécanisme des tarifs d’achat, auxquels on substitue de plus en plus les appels d’offre – c’est le cas du photovoltaïque, de l’éolien offshore ou encore de la production d’électricité à partir de biomasse. Les appels d’offres permettent d’éviter que ne se reproduisent les phénomènes d’emballement et de bulles spéculatives, afin de contrôler les volumes, mais comportent d’autres inconvénients : rigidité, délais, difficulté à suivre l’évolution des technologies, etc. Quelle est votre opinion sur les mérites respectifs de chaque mécanisme ?

Je poursuivrai sur ce sujet en évoquant l’un des avantages attribués aux appels d’offre : la possibilité d’influer, grâce à un cahier des charges correctement rédigé, sur le « contenu national » des projets retenus. À ce titre, les industriels français sembleraient satisfaits du récent cahier des charges éolien offshore, qui comporte des clauses importantes en matière de création d’une filière éolienne française. Avez-vous connaissance du contenu exact de telles clauses ? Comment ce cahier des charges pourrait-il favoriser les entreprises françaises tout en étant conforme au droit communautaire ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager, vice-Présidente de la commission du développement durable. C’est la première fois que la commission du développement durable auditionne M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l’énergie (CRE), alors que la commission des affaires économiques l’a reçu deux fois. Je vous prie d’excuser l’absence du Président Serge Grouard.

Nous sommes inquiets de l’évolution des marchés de l’énergie à court et long terme. Devrons-nous faire face à des prix de l’électricité croissants ? À quel horizon de temps pouvons-nous espérer la constitution d’un marché européen de l’énergie ? Enfin, nous nous intéressons aux projets éoliens off-shore ? Mais peut-être pourriez commencer par nous rappeler quelles sont les missions de la CRE dans le domaine des énergies renouvelables.

M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l’énergie. Je vous remercie de m’avoir invité devant les deux commissions pour parler d’un sujet qui a été brûlant il y a quelques mois et qui reste un sujet de préoccupation et d’intérêt. J’essayerai, dans un premier temps, de définir la responsabilité de la CRE dans le domaine des énergies renouvelables. Ensuite, je tracerai quelques perspectives pour le présent et l’avenir, jusqu’en 2020, année d’aboutissement de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), de façon concrète qui transcrit les engagements pris par le Grenelle de l’environnement.

La CRE a deux grandes missions définies par la loi dans le domaine des énergies renouvelables. La première consiste à participer à la mise en place des dispositifs de soutien prévus par la loi, à savoir l’obligation d’achat et les appels d’offres pour les moyens de production, lancés par le ministre chargé de l’énergie. Deux dispositifs qui obligent EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) à acheter l’électricité produite à partir des énergies renouvelables à un tarif d’achat fixé pour l’obligation d’achat, ou au prix résultant de l’appel d’offres.

La deuxième mission de la CRE consiste à évaluer les charges supportées par EDF et les ELD qui résultent de ces dispositifs. Dans le cadre de l’obligation d’achat, la CRE donne un avis sur les conditions d’achat de l’électricité, notamment le tarif d’achat. Conformément à la loi, elle doit s’assurer que la rentabilité des projets résultant de ces tarifs est normale, compte tenu des risques inhérents aux projets et de la garantie d’écouler l’intégralité de la production à un tarif déterminé. C’est ainsi que, dès 2006, la CRE avait alerté le Gouvernement sur les tarifs - qu’elle jugeait excessifs - envisagés pour la filière photovoltaïque. Dans le cas particulier du nouveau tarif mis en place en mars pour le photovoltaïque, la CRE devra déterminer chaque trimestre les valeurs des coefficients permettant de fixer les tarifs d’achat pour le trimestre suivant, coefficients dépendant de la puissance cumulée des demandes de raccordement enregistrées au cours du trimestre précédent. Pour ce qui concerne les appels d’offres lancés par le ministre chargé de l’énergie – domaine d’ailleurs aujourd’hui partagé avec le ministre chargé de l’environnement – pour de nouveaux moyens de production à partir d’énergies renouvelables, la CRE est chargée de les organiser : elle rédige un projet de cahier des charges sur la base des conditions fixées par le ministre, répond aux questions des candidats, analyse et classe les offres reçues, et enfin, donne un avis sur le choix des candidats. C’est une délibération du collège qui est adressée au ministre concerné. Le ministre fait ensuite son choix mais celui-ci n’est pas complètement libre : en termes de sécurité juridique, si le ministre ne respecte pas le classement établi par la CRE, il doit être capable de le justifier en cas de contestation d’un candidat non retenu.

Pour les installations photovoltaïques sur toitures de taille intermédiaire (100 à 250 kW), le gouvernement a prévu de lancer des appels d’offres dits automatiques, avec une sélection des offres sur le seul critère du prix. La CRE va développer la plateforme technique nécessaire à un enregistrement simple et rapide des offres, et à leur classement. Ce nouveau type d’appel d’offres nécessite de modifier le cadre réglementaire, ce qui est en cours (décret en Conseil d’État).

L’obligation faite à EDF et aux ELD d’acheter l’électricité produite dans le cadre de ces deux dispositifs les traduit par des charges financières. La CRE est chargée d’évaluer ces charges chaque année pour l’année suivante, tout en incluant la régularisation des charges de l’année précédente. Jusqu’à présent, la CRE doit, avant le 15 octobre, évaluer les charges de l’année N+1 en fonction des prévisions qu’elle peut avoir, mais sans connaître le résultat de l’année N-1. Nous travaillons donc sur des suppositions nous ayant parfois entraîné à donner des estimations. Ce fut le cas pour l’année 2010, en dessous de la réalité.

Ces charges sont compensées par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) payée par l’ensemble des consommateurs finals d’électricité, avec néanmoins des plafonnements pour les grands sites et les sociétés industrielles. Un amendement parlementaire a relevé le plafond de 550 000 euros. Le poids de ce financement n’est pas négligeable mais il est quand même limité pour les entreprises. La CSPE finance également les surcoûts de production dans les DOM et en Corse liés à la péréquation tarifaire, les dispositifs sociaux relatifs à l’électricité, ainsi que le Médiateur National de l’ÉNERGIE, même si ce dernier représente une très faible part du montant total.

C’est le Gouvernement qui, en tant que responsable de la politique énergétique, fixe les objectifs de développement des énergies renouvelables dans un arrêté relatif à la programmation pluriannuelle des investissements. La loi Grenelle I prévoit que la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie doit atteindre 23% en 2020. Dans le plan d'action national en faveur des énergies renouvelables transmis à la Commission européenne en 2010, le Gouvernement indique que l’atteinte de cet objectif se traduit par une part d’énergies renouvelables dans le secteur de l’électricité de 27 %. Elle était de 15,5% en 2010. Les objectifs de puissance installée par filière énergies renouvelables fixés par la programmation pluriannuelle des investissements permettent d’atteindre l’objectif de 27%. Cela nécessite une augmentation sensible de la puissance éolienne installée à terre, qui est d’environ 5 800 MW fin 2010, l’objectif 2020 étant de 19 000 MW. Pour atteindre cet objectif, il faudrait tripler le nombre d’éoliennes présentes sur le territoire français (3 500 à fin 2010).

Pour le photovoltaïque, la puissance installée fin 2010 en métropole continentale est d’environ 900 MW, dont 808 MW sur le réseau d’ERDF. Avec le nouveau dispositif de soutien en place pour le photovoltaïque, qui vise l’installation de 500 MW par an, et compte tenu du nombre de projets en file d’attente, on peut estimer que l’objectif 2020 de 5 400 MW installés devrait être atteint entre les années 2016 et 2017. La puissance installée en 2020 pourrait atteindre 7 000 MW. C’est la seule filière pour laquelle la CRE estime que la France sera en avance par rapport à l’objectif fixé pour 2020. Nous serons légèrement en retard dans les autres filières.

En ce qui concerne la méthodologie de calcul des charges dues aux énergies renouvelables, en métropole continentale, la loi prévoit que les surcoûts d’achat des énergies renouvelables supportés par EDF sont évalués en référence aux prix de marché de gros de l’électricité. Les surcoûts sont donc égaux à la différence entre le prix d’achat de l’électricité par EDF et le prix que cette électricité lui aurait coûté sur le marché de gros. Plus les prix de marché de gros sont élevés, plus les charges baissent. Le calcul des charges est très sensible au prix de marché. Avec le parc installé fin 2010, une hausse du prix de marché moyen de 1 euro/MWh induit une baisse des charges dues aux énergies renouvelables d’environ 25 millions d’euros.

Plus les prix de marché de gros sont élevés, plus les charges dues aux énergies renouvelables baissent, mais plus les tarifs réglementés de vente augmentent. En effet, d’après la loi NOME, ces tarifs devront inclure environ 20% de prix de marché.

Le prix de marché de gros moyen sur une année n’évolue pas forcément à la hausse d’une année sur l’autre. Entre 2005 et 2010, il a atteint son minimum en 2007 à 41 euros/MWh et son maximum en 2008 à 69 euros/MWh. En 2010, la moyenne s’élève à 47,5 euros/MWh. Ces fluctuations importantes s’expliquent notamment par la volatilité du prix des matières premières – pétrole, gaz et charbon.

Ce prix de marché moyen est inférieur ou très inférieur au coût d’achat des énergies renouvelables en 2010, qui s’établit en moyenne à 82 euros/MWh, et varie entre 60 euros/MWh pour l’hydraulique et 537 euros/MWh pour le photovoltaïque, en passant par 84 euros/MWh pour l’éolien et 98 euros/MWh pour la biomasse.

Dans les DOM et en Corse, le surcoût des énergies renouvelables, qui est dû à la péréquation tarifaire, est calculé par rapport à la part production dans les tarifs réglementés de vente. Dans ces zones, appelées zones non interconnectées ou ZNI, le coût d’achat des énergies renouvelables, excepté pour le photovoltaïque, est plus faible que le coût de production moyen d’EDF. Ces filières y sont donc intéressantes d’un point de vue économique.

Toutefois, pour assurer la sécurité des réseaux, la puissance des énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) dans ces zones ne doit pas dépasser 30% de la puissance totale appelée.

En octobre 2010, la CRE a évalué les charges dues aux énergies renouvelables constatées au titre de 2009 et prévisionnelles au titre de 2011.

En 2011, la production à partir d’énergie renouvelable bénéficiant d’un dispositif de soutien en métropole continentale devrait s’élever à 26 TWh, soit environ 4,5% de la production prévisionnelle totale pour 2011.

Les charges prévisionnelles au titre de 2011 dues aux énergies renouvelables 
– métropole + ZNI – sont les suivantes pour les principales filières :

– le photovoltaïque: 998 millions d’euros

– l’éolien : 413 millions d’euros

– l’hydraulique : 68 millions d’euros

– la biomasse : 53 millions d’euros

– le biogaz : 33 millions d’euros

Les charges prévisionnelles dues aux énergies renouvelables en 2011 représentent au total 1 567 millions d’euros, soit presque trois fois les charges constatées en 2009.

Par ailleurs, la CRE a établi un outil de prévision des charges dues aux énergies renouvelables à l’horizon 2020. Il est fondé sur un scénario de développement du parc énergies renouvelables qui permet d’atteindre les objectifs PPI pour toutes les filières et les dépasse pour le photovoltaïque.

Cet outil repose sur un certain nombre d’autres hypothèses, en particulier l’évolution des prix de marché à l’horizon 2020. Dans un contexte très incertain sur l’évolution des prix du pétrole et du gaz, nous avons considéré une évolution des prix de marché de 4% par an, soit environ l’inflation + 2 %.

Le prix de marché moyen atteint en 2020 est de 82 euros/MWh, ou encore 70 euros/MWh en euros 2011, soit un peu moins que le prix de marché moyen le plus élevé, constaté en 2008, année où le prix du pétrole a atteint son plus haut niveau. Cela nous semble une hypothèse raisonnable mais l’on peut aussi se tromper complètement.

Les montants de charges que je vais évoquer ne sont à considérer qu’au regard de ces hypothèses. Voici le détail des charges en 2020 pour les principales filières :

– 2 294 millions d’euros pour le photovoltaïque,

– 576 millions d’euros pour l’éolien à terre,

– 2 474 millions d’euros pour l’éolien en mer,

– 1 084 millions d’euros pour la biomasse,

– et 344 millions d’euros pour le biogaz.

Au total dans le scénario étudié, les charges annuelles dues aux énergies renouvelables s’élèvent en 2020 à 6 700 millions d’euros, représentant 90 euros TTC sur la facture d’un client type avec un tarif base, et 170 euros TTC sur la facture d’un client type chauffage électrique, (environ 11 % de la facture).

Je répondrai à présent aux questions qui ont été posées. S’agissant de l’éolien off shore, nous sommes heureux d’apprendre que les industriels français sont satisfaits du cahier des charges, car nous ne le connaissons pas. Nous l’attendons avec intérêt mais nous n’en avons pas encore été saisis. Nous avons eu des esquisses des scénarios mais nous attendons la saisine officielle.

Vous m’avez demandé si nous aurons des tarifs d’électricité toujours croissants : c’est un sujet récurrent. Je me garderai bien de donner une réponse définitive. Mais je vois mal comment les prix pourraient baisser dans les années qui viennent, étant donné que l’on a des investissements à faire sur les réseaux de transport et de distribution, dans les moyens de production, sur la sécurité nucléaire, conséquence éventuelle de l’accident de Fukushima. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a fixé un prix de l’ARENH de 42 euros/MWh à partir du 1er janvier 2012. Enfin, la CSPE n’est pas en voie de diminution. Cette augmentation globale est donc la conséquence de choix qui ont été faits en matière d’énergies renouvelables, mais aussi de la nécessité d’investir dans les réseaux et dans les moyens de production. Il n’est pas évident de voir comment les prix de l’électricité diminueraient.

Vous m’avez demandé si l’on allait vers un marché européen de l’électricité : les Échos publient aujourd’hui un article assez pessimiste sur le sujet. Or, c’est la raison d’être de la Commission de régulation de l’énergie. Peut-être que cela ne se passera pas comme nous l’avions imaginé au départ. Les événements récents en matière nucléaire illustrent la nécessité de s’adapter et font évoluer la position des acteurs sur la définition du mix énergétique. Tout ce qui favorise le développement des énergies renouvelables concourt à la formation d’un marché européen de l’énergie. Car c’est le seul élément commun que l’Europe se soit fixé en matière de mix énergétique. Le reste est laissé entre les mains des États. Le fait que chaque État soit contraint d’intégrer un minimum de 20 % d’énergies renouvelables est un élément de base de ce qui peut constituer un jour un mix européen de l’électricité. Mais il est difficile d’évoluer vers un marché européen unique de l’électricité avec des visions relativement divergentes, notamment entre la France et l’Allemagne. Nous continuons à y croire et assurons les missions qui nous sont conférées par la loi et les directives européennes. Il reste qu’il s’agit probablement d’une course de longue haleine et non pas d’un sprint.

M. le président Serge Poignant. Il ne faut pas que la péréquation tarifaire soit passée sous silence : le consommateur doit en être informé. Il faut bien avoir en perspective que la France va développer ses énergies renouvelables, et que, si l’on prend l’exemple de l’énergie solaire photovoltaïque, la courbe de parité n’a pas encore été atteinte et qu’il semble difficile de prévoir la date à laquelle elle le sera. Nous avons pris un engagement sur la CSPE mais il faut, au sein de celle-ci, rester attentif aux quotes-parts des différentes sources d’énergie.

M. François Brottes. Bien qu’elles ne soient pas directement dans le domaine de compétence de la CRE, je souhaite évoquer l’efficacité énergétique ainsi que les interconnexions. Si l’on en croit les tableaux que vous avez fait distribuer, la CSPE va augmenter de 330 % à l’horizon de 2020. C’est une excellente nouvelle… (Sourires) N’y aurait-il pas d’autres solutions de financement ? Ne faudrait-il pas songer à trouver des recettes nouvelles pour financer le déploiement des EnR ? Concernant l’ARENH, vous aviez préconisé un autre tarif que celui de 42 euros le MWh sur lequel le Gouvernement a jeté son dévolu ; celui n’aurait-il pas eu la main un peu lourde ? Il me démangeait de faire cette observation.

Même si, là encore, elle excède vos compétences, la question des ressources me paraît fondamentale, compte tenu des conséquences par exemple de la sécheresse, à la fois sur la production d’électricité nucléaire – énergie non renouvelable –, mais aussi sur l’hydro-électricité, elle véritable énergie renouvelable. La biomasse pourra-t-elle constituer une source pérenne ? L’éolien off-shore nécessite des investissements colossaux. Dans ces conditions quels seront les industriels qui pourront s’offrir un ticket d’entrée ? Un colloque, auquel le président de la commission a participé, a récemment mis en lumière le coût faramineux – 100 000 euros – de la moindre intervention de maintenance en mer. Là aussi, il sera nécessaire d’envisager, comme l’a fait la Commission des finances, un report des échéances. La CRE ne pourrait-elle pas prendre l’initiative d’un débat public sur les conséquences de ces reports ? Les grands fermes photovoltaïques – chaque région devait avoir la sienne – qui offraient l’avantage d’éliminer toute perte en ligne durant le transport du courant ne se sont-elles pas métamorphosées en utopies ?

M. Bertrand Pancher. Quelque chose m’échappe : l’augmentation de la part des EnR dans la production totale d’électricité, qui va augmenter d’ici à 2020, n’est-elle pas directement liée à la hausse des tarifs ? Toutes choses égales par ailleurs, quelle sera la part dans l’augmentation du prix de l’électricité du financement des EnR ? Je déplore que nous n’ayons pas eu un grand débat sur le « mix énergétique ». Ma proposition de loi, que j’invite tous mes collègues à cosigner, me semble à cet égard tout à fait utile.

Quel jugement portez-vous sur les objectifs que la France s’est fixée en matière d’EnR, à horizon 2020 ? Développer l’éolien reste un pari sur l’avenir, et nous poursuivons l’effort d’équipement prévu, de 500 mâts supplémentaires par an. J’ai toujours dit néanmoins que nous ne devrions pas interdire de modifier, si besoin s’en faisait sentir, la législation en la matière. Concernant la biomasse, l’objectif fixé ne pourra être atteint que si, comme l’affirme le Syndicat des énergies renouvelables (SER), nous en faisons une véritable priorité.

L’actualité a mis en lumière l’attitude relativement passive d’ERDF s’agissant des raccordements au réseau : pourquoi un site Internet ne rendrait-il pas publique la file d’attente des projets en souffrance ? ERDF semble par ailleurs bloquée sur la question de la prise en charge des coûts de raccordement au réseau.

M. Daniel Paul. La CSPE va connaître une augmentation de 300 % à horizon 2020, selon les projections de la CRE qui se fondent sur la situation actuelle du marché de l’énergie. Il faut que la puissance publique montre la réalité des choses et affirme ses choix, même si les neuf années qui viennent produiront immanquablement leur lot d’impondérables. Car augmenter les tarifs de l’électricité impose la plus grande prudence : depuis 50 ans, les augmentations successives ont eu lieu dans des conditions économiquement et socialement acceptables. Cela risque de ne plus être le cas dans les années qui viennent. Or la contrepartie de cette acceptabilité pour le consommateur – la création d’emplois, la contribution à la croissance, chaque énergie assurant l’essor d’une filière industrielle – ne pourra plus être garantie.

M. Henri Proglio indiquait hier au journal le Monde que la hausse des tarifs de l’électricité allait se poursuivre jusqu’en 2015 à un rythme annuel de 2,5 %. Jugez-vous que ces propos soient réalistes ? Cette hausse couvrira-t-elle seulement l’augmentation de la CSPE ou est-elle destinée à financer les besoins des réseaux en matière de transport et de distribution ? Il me semble que la mission d’information à laquelle j’ai participé avait dégagé un consensus sur les échéances à venir.

Les tarifs réglementés vont subir une augmentation : à quel rythme, à quelle échéance et dans quelle proportion ? Jusqu’à présent, la puissance publique a conservé la maîtrise de cette évolution, mais jusqu’à quand ?

L’éolien off-shore va donner naissance à deux projets en Normandie : celui de Fécamp, qui est bien accepté, et celui du Tréport, qui devrait compter 141 éoliennes, qui ne l’est pas. Dans ce secteur, seuls des grands groupes, comme EDF et GDF Suez, et non de jeunes entreprises qui n’y ont pas leur place, vont se tailler la part du lion, sachant qu’in fine le consommateur réglera toujours la note de leurs investissements. Ces groupes ont cependant fait la preuve de leur capacité à mener à bien de grands projets.

Stéphane Demilly. L’énergie solaire photovoltaïque a suscité un engouement certain, puisque la progression de l’équipement en panneaux solaires a largement dépassé les attentes du Gouvernement, qui a dû, fin 2010, remettre tous les dispositifs à plat, ceux-ci ayant généré un effet d’aubaine. Le balancier n’est-il pas revenu trop loin en sens inverse ? Les professionnels de la filière ont dû faire face à un changement de règles et se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile, parfois critique. Il s’agit d’un secteur auquel on a brisé les ailes et qui doit de surcroît affronter la concurrence internationale et notamment chinoise. Les agriculteurs ont également vu les tarifs de rachat faire l’objet de modifications substantielles : il s’agit pour eux d’un véritable drame, dont ni la CRE ni le ministre n’ont semblé prendre la mesure.

Dans le secteur du biogaz, les installations poussent en Allemagne « comme des champignons » : 1 200 en 2010, près de 6 000 prévues en 2020, soit l’équivalent en production de deux centrales nucléaires. Un tissu industriel, qui a abouti à un maillage cohérent du territoire – le biogaz constitue outre-Rhin un élément déterminant de la compétitivité des entreprises agricoles – a permis un tel essor. En France les installations restent rares, bien qu’un décret récent ait augmenté le tarif de rachat consenti aux agriculteurs. Ne faudrait-il pas trouver un moyen d’inciter plus fortement au décollage de ce secteur ?

La biomasse, si l’on en croit le rapport remis fin 2009, et qui porte sur la période 2009-2020, semble promise à un bel avenir : de 520 MW en 2006, la production devrait passer à 2 300 MW en 2021. En 2010, un appel d’offre a porté sur une puissance de 200 MW. Pour ma part je suis avec la plus grande attention les projets Cogeban 1 et Cogeban 2.

Jean-Pierre Nicolas. J’exprime pour ma part quelque réserve sur l’idée d’un marché européen de l’énergie. En matière d’énergies renouvelables, tous les États membres de l’Union européenne ne sont pas logés à la même enseigne. Existe-t-il une étude communautaire sur les différents tarifs de rachat de l’électricité produite au moyen des EnR, par exemple à partir de l’énergie solaire photovoltaïque ?

Jean-Paul Chanteguet. L’année 2010 étant écoulée, pouvez-vous nous donner le montant définitif de la CSPE, ainsi que la part respective des différents types d’EnR ? À combien s’élève la contribution de chaque foyer ?

Un appel d’offres sur les centrales solaires au sol – chaque région devant disposer de la sienne – a été lancé pour une mise en service en 2011. Où en est-on ?

L’arrêté relatif aux tarifs de rachat de l’électricité issue de la méthanisation vient d’être publié. L’avis rendu au préalable par la CRE n’a manifestement pas été suivi. Pouvez-vous nous faire part des motivations de cet avis ?

Jean Dionis du Séjour. En matière d’énergie hydroélectrique, il me semble qu’une erreur se soit glissée dans les documents remis par la CRE. En effet, l’hypothèse de puissance installée en 2020 – 1 910 MW – ne fait pas bon ménage avec la puissance installée en 2010 – 13 900 MW, dont 2 077 sous obligation d’achat. En somme, que veut-on faire de ce secteur ? Ne faudrait-il pas relancer la micro-hydroélectricité, et mettre l’accent sur la création de ressources en eau, conformément à l’accord unanime exprimé par la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques ? Il s’agit d’une énergie sobre.

Le CRE avait recommandé la fixation du tarif d’accès à l’ARENH entre 36 et 39 euros le MW. Le Gouvernement a tranché à 42 euros, mais personne ne croit à son argument du surcoût lié au renforcement de la sécurité du parc de centrales nucléaires.

François Loos. La production d’électricité fait partie intrinsèque de la compétitivité de notre économie. Or les EnR génèrent une part croissante de cette production : ne faudrait-il pas valider le chemin choisi, en d’autres termes la CSPE est-elle efficace ou « plombe-t-elle » le prix de l’électricité ? On peut s’interroger également sur la rationalité du prix auquel on rachète l’électricité produite à partir du biogaz : s’agit-il d’une réponse à une demande en expansion ou d’un signal destiné à orienter le développement du marché ? Une comparaison internationale pourrait s’avérer utile pour déterminer si nos tarifs de rachat sont pertinents.

Mme Frédérique Massat. Le projet de décret qui est actuellement soumis à l’examen du Conseil supérieur de l’énergie comporterait, d’une part, une procédure ordinaire, d’autre part, une procédure accélérée imposant une réponse de la CRE à l’issue d’un délai de 2 mois.

Quelle sera l’articulation de ces appels à projet avec les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, institués par le Grenelle 2, qui entreront en application à compter de juillet 2011 et qui seront suivis de schémas de raccordement aux réseaux ? Comment allez-vous analyser et classer les offres ? S’agissant de l’Ademe, de nombreux acteurs se plaignent de l’insuffisance de dotation du fonds chaleur : il s’élève à 260 millions d’euros en 2011 contre 500 millions prévus initialement. Comment, dans ces conditions, permettre la création d’équipements en énergies renouvelables ?

M. Martial Saddier. Concernant le photovoltaïque, il y a eu de nombreux contentieux sur l’interprétation des dates de validité et des demandes de raccordement aux réseaux de distribution. Quel regard portez-vous sur ces questions et avez-vous évalué les coûts qui pourront en résulter ? Par ailleurs, on assiste à une multiplication des conditions tarifaires d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques. C’est une grande source de complexité, préjudiciable notamment aux ELD. Comment voyez-vous évoluer la prise en charge de ces coûts par la CSPE ou par tout autre dispositif ad hoc ? Enfin, l’élaboration des schémas régionaux de raccordement aux réseaux des énergies renouvelables donne lieu à des négociations approfondies. Ces schémas jouent un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des objectifs du Grenelle. Il s’agit d’un défi à la fois en termes industriels et d’aménagement du territoire, qui doit nous inciter à repenser l’architecture de nos réseaux de transport et de distribution. Comment la CRE prend-elle en compte ces enjeux financiers et technologiques ?

M. William Dumas. Avant le moratoire appliqué au photovoltaïque, 3 000 MW étaient susceptibles d’être installés, soit 4 à 5 fois la cible visée initialement - 500 à 800 MW. Que va-t-il se passer désormais ? La CSPE risque d’augmenter très rapidement et le prix de l’électricité pourrait s’envoler. Par ailleurs, il semblerait qu’ERDF fasse preuve d’une certaine mauvaise volonté s’agissant des raccordements. Quel est votre avis à ce sujet ? Enfin, de plus en plus de clients ignorent l’existence des tarifs de première nécessité. Avez-vous des propositions pour que ces tarifs soient réellement appliqués à ceux qui en ont le plus besoin ?

M. Michel Havard. Quel est votre point de vue sur le « roaming », c’est-à-dire sur la possibilité offerte à différents opérateurs, à l’instar de la téléphonie, d’utiliser le réseau de transport d’électricité et de facturer directement au client ?

Mme Pascale Got. Un arrêté très récent relatif au biogaz accroît de 20 % le tarif de rachat de l’électricité produite notamment par les petites et moyennes installations agricoles, ce qui correspond à un soutien de 300 millions d’euros. La CRE a critiqué les modalités de soutien à cette filière. Quelle est votre position sur la durée du contrat de rachat, qui est fixée à 15 ans ?

M. Didier Gonzales. La France s’est fixée un objectif de 23 % d’énergies renouvelables d’ici 2020. Où en est la réflexion sur les réseaux d’énergie intelligents, qui devraient permettre l’intégration des énergies locales et renouvelables aux réseaux classiques ?

M. Philippe Plisson. L’avis de la CRE a été décisif dans la décision prise par le Gouvernement de baisser le tarif de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque, ce qui a provoqué l’effondrement de la filière en France. Préalablement, la CRE avait également parlé d’un « effet d’aubaine » dans le domaine de l’énergie éolienne, ce qui avait justifié le durcissement des conditions d’installation des parcs éoliens. Ne craignez-vous pas qu’avec cette logique strictement comptable, la CRE ne participe à ce que la France échoue à atteindre l’objectif des 23 % ?

Il y a quelques jours, la CRE a publié un communiqué de presse concernant l’avis qu’elle a rendu à propos du prix de l’ARENH. La CRE a approuvé le projet du Gouvernement de fixer ce prix à 40 euros le MWh à partir du 1er juillet 2011. Elle a estimé ne pas être en mesure d’apprécier les coûts indispensables à la mise en sécurité du parc nucléaire, qui justifie, d’après le Gouvernement, un prix de 42 euros le MWh au 1er janvier 2012. Si ces coûts sont aujourd’hui difficilement quantifiables, qu’en est-il de ceux liés au retraitement des déchets et au démantèlement des centrales arrivées en fin de production ? La production d’énergie éolienne doit provisionner les coûts de démantèlement ; s’agissant du nucléaire, les coûts ont-ils été évalués et intégrés dans le prix de l’ARENH ?

M. Kléber Mesquida. Vous avez rappelé que la CRE est chargée de mettre en œuvre les appels d’offre décidés par le Gouvernement, aux conditions fixés par celui-ci. La CRE émet un avis, auquel, en règle générale, le Gouvernement se tient. Parmi les critères de choix, le prix final au consommateur est-il déterminant ? D’autres facteurs, par exemple d’ordre technique ou liés à la protection de l’environnement, entrent-ils en ligne de compte ?

M. André Chassaigne. L’augmentation des charges de la CSPE montre à quel point le coût sera important pour les clients. Les chiffres annoncés pour 2020 sont révélateurs. Qu’en serait-il si l’on sortait du nucléaire ? Avez-vous réalisé, en tenant compte de ce scénario, des évaluations sur la hausse de la CSPE ? La vente d’électricité à l’Allemagne a-t-elle des répercussions importantes sur l’équilibre financier de la production nationale d’électricité et le prix payé par les consommateurs ?

Par ailleurs, les petits producteurs d’énergie hydraulique sont inquiets car ils sont confrontés à une double exigence : le respect de la biodiversité et l’exigence de produire de l’électricité renouvelable.

Quelles sont les conséquences du développement des énergies renouvelables sur la gestion des réseaux de transport et de distribution d’électricité, du fait notamment de l’intermittence de la production qui caractérise l’éolien et le photovoltaïque ?

Mme Annick Le Loch. La filière photovoltaïque est aujourd’hui complètement désorganisée alors qu’elle devrait être promise à un bel avenir. Je remarque que le Japon voudrait imposer, à partir de 2030, l’installation de panneaux photovoltaïques sur toutes les constructions neuves. Le pacte électrique breton, quant à lui, fixe à 3 600 MW la production d’énergie renouvelable dont 400 MW issus de l’énergie photovoltaïque. Les professionnels bretons réclament une régionalisation du tarif de rachat compte tenu de la différence d’ensoleillement. Que pensez-vous de cette demande ?

Mme Marie-Lou Marcel. S’agissant du biogaz, la CRE souhaite le maintien des tarifs de rachat de 2006 pour les petites entreprises de méthanisation, ce qui signifie une baisse de 10 % pour les petites installations et de 40 % pour les installations de plus de 2 000 kW. À vos yeux, les petites entreprises de méthanisation présentent peu d’intérêt dans le cadre de la politique énergétique. Pouvez-vous expliciter et justifier ces préconisations ?

Vous préconisez également que le contrat d’achat soit conclu pour 20 ans au lieu de 15 : pour quelle raison ? Vous souhaitez de surcroît une révision tarifaire rapide si le rythme des demandes de raccordement au réseau apparaît trop élevé au regard des objectifs fixés d’ici 2020. Comment ces tarifs pourraient-ils être révisés ? Pourquoi par ailleurs réclamer un allongement des délais de mise en service à 2 ans ? Enfin, vous vous déclarez favorable à un enregistrement des producteurs auprès de l’Ademe et souhaitez que le plan d’approvisionnement de l’installation soit porté à sa connaissance. Pensez-vous que cette préconisation sera retenue par le Gouvernement ?

M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l’énergie. S’agissant en premier lieu du prix de l’ARENH, le premier chiffre de 40 euros/MWh n’appelle pas de longs commentaires de ma part dans la mesure où il résulte d’un calcul purement mécanique en cohérence avec le Tartam déterminé par le croisement du prix de marché et des volumes attribués à l’ARENH. Concernant le chiffre de 42 euros, nous estimons qu’un décret en Conseil d’État était nécessaire, afin d’encadrer les modes de calcul sur lesquels aurait pu se fonder la CRE pour donner un avis motivé sur le prix de l’ARENH. À défaut de décret, la CRE a défini sa propre méthodologie pour calculer le prix de l’ARENH en fonction de fourmules économiques. Ce faisant, à partir des chiffres communiqués par EDF, nous sommes parvenus à une fourchette comprise entre 36 et 39 euros/MWh. Le Gouvernement n’ayant pas encore fourni sa méthode de calcul, le débat actuel consiste à savoir à combien on réévalue la valeur du capital d’EDF. Notre approche est très comparable à celle employée par la commission Champsaur. Après en avoir débattu, nous n’avons pas délivré d’avis défavorable à la proposition de 42 euros car nous avons estimé que cette proposition ne pouvait naturellement entrer dans le cadre de la loi, qui n’avait pu prévoir les conséquences d’un accident nucléaire de l’ampleur de Fukushima. Nous avons estimé que nous manquions d’éléments pour évaluer les justifications du Gouvernement. En revanche, nous jugerons a posteriori les investissements réalisés en matière de sécurité. Si l’estimation des 42 euros apparaît exagérée, la valeur de l’ARENH pourra être modifiée, à la hausse comme à la baisse. Le débat sur la valeur économique de l’électricité nucléaire historique devra être tranché tôt ou tard par le Gouvernement lors de la rédaction du décret. Le fait que nous n’ayons pas rendu d’avis importe peu à la Commission européenne ; en revanche, elle demandera des explications sur la différence entre nos estimations et les propositions retenues.

Dans la loi NOME, s’agissant des tarifs réglementés, il n’y aura plus de tarifs verts et jaunes au 1er janvier 2016 et les tarifs bleus seront construits par empilements successifs, la première pierre de l’édifice étant le prix de l’ARENH (42 euros). La valeur aujourd’hui équivalente au prix de l’ARENH dans les tarifs réglementés bleus est d’environ 35 à 36 euros. En principe, la différence entre les deux tarifs doit être comblée au 1er janvier 2016. À titre d’illustration, le Gouvernement a annoncé une hausse des tarifs bleus de 1,7 % au 1er juillet. Ce chiffre couvre simplement l’augmentation du prix d’accès au réseau, autrement dit le Turpe (+ 1,7 % au 1er août). Ce mouvement ne permet pas de commencer à réduire cet écart puisqu’il ne couvre rien de la part production.

Je crois avoir répondu sur l’ARENH. J’en viens aux questions qui ont été posées sur les énergies renouvelables.

La CRE a délibéré la semaine dernière sur le résultat de l’appel d’offre concernant la biomasse. Nos observations ont été transmises au ministre concerné. Je ne peux malheureusement vous communiquer aucun élément tant que cette procédure n’est pas terminée.

Dans sa délibération relative au biogaz, la CRE s’est déclarée favorable au dispositif envisagé pour la méthanisation produite à partir des installations agricoles. Par contre, elle a considéré que le tarif de biogaz produit par les décharges est trop élevé et a recommandé que le tarif soit proposé pour vingt ans, comme pour les autres secteurs, plutôt que pour quinze. Les coûts du biogaz en Allemagne sont beaucoup plus faibles ; c’est la raison pour laquelle nous avons exprimé le souci que, si un emballement était avéré, nous puissions réagir rapidement afin d’éviter les à-coups et de ne pas trop pénaliser la filière. La CRE est dans son rôle lorsqu’elle alerte le Gouvernement – qui reste libre de faire ce qu’il veut – sur le risque de bulle spéculative et les coûts liés à des changements de cap brutaux, comme dans le cas du photovoltaïque. Sur le photovoltaïque, 190 contentieux ont d’ailleurs été portés devant le CORDIS et la validité du décret est contestée devant le Conseil d’État, qui devrait se prononcer dans les semaines qui viennent.

Je dois dire que la CRE n’est pas favorable à une augmentation du tarif pour les petites installations de biogaz. Une telle décision est motivée par des objectifs relevant de l’aménagement du territoire et non de politique énergétique. Il y a là un mélange des genres et un manque de transparence pour le consommateur. Le rôle de la CRE est de s’occuper de l’énergie, pas du développement des exploitations agricoles. Le sujet est récurrent : dans mes responsabilités antérieures, l’État, actionnaire de Charbonnages de France, me demandait d’investir pour des raisons d’aménagement du territoire et j’exprimais un avis négatif en rappelant que des organismes, comme la DATAR, sont faits pour cela. Il convient de ne pas de mélanger les caisses.

Toujours concernant le photovoltaïque, la file d’attente d’ERDF est de 3 600 MW, dont 1 640 touchés par le moratoire et 2 040 qui ne sont pas touchés. Vous avez souhaité que nous puissions avoir un accès aux données relatives à la file d’attente : ces données sont publiées sur le site d’ERDF, sous forme agrégée afin de respecter le secret des affaires. La CRE aura la responsabilité de surveiller et de rendre compte de l’évolution de cette file d’attente à partir du mois de juillet.

Concernant l’appel d’offre offshore, il y a des groupes comme Alstom, AREVA, Siemens dont nous savons qu’ils se porteront candidats. De plus petites entreprises le feront-elles aussi ? Vu du montant des investissements nécessaires, il est permis d’en douter. Il faut attendre de voir ce qui se passera, mais l’appel d’offre pourra être modifié pour tenir compte de la situation future. Nous ne sommes pas certains aujourd’hui que les prix envisagés soient suffisants.

J’en arrive aux problèmes liés aux réseaux.

Il est incontestable que les énergies renouvelables ont un impact sur les réseaux. Le système actuel a été conçu pour assurer acheminer l’électricité de manière descendante vers le consommateur, et non pour des énergies intermittentes, réparties un peu partout sur le territoire. Le développement des énergies renouvelables va impliquer de reconcevoir les réseaux en y introduisant plus d’intelligence : d’où les smart grids. Des éléments seront progressivement introduits dans le réseau et cette évolution prendra quinze à vingt ans ; à partir de l’année prochaine, nous travaillerons d’ailleurs sur les tarifs d’acheminement pour la période 2013-2017.

À côté des smart grids se pose le problème des supergrids, ces réseaux de transport de longue distance qui permettront d’acheminer l’électricité des fermes photovoltaïques installées en Afrique du Nord ou des centrales éoliennes offshore d’Europe du Nord. L’enjeu est important et consiste à trouver de moyens de limiter les déperditions d’énergie dues à l’effet Joule sur les longues distances.

Concernant l’hydroélectricité, je signale tout d’abord qu’il n’y a pas d’erreurs sur le document qui vous a été transmis : sur l’objectif de 16 900 MW de puissance installée en 2020, seuls 1 910 MW feront l’objet d’obligation d’achat. La CRE n’a pas en charge la définition de la politique énergétique nationale, qui relève du ministère en charge de l’énergie et des ministres compétents.

Concernant le renouvellement des concessions, la CRE n’est pas compétente et c’est un choix qui a été fait de nous écarter.

La CSPE est-elle tenable avec les hausses envisagées ? Je ne sais pas quelles sont les autres méthodes de financement des énergies renouvelables : soit on fait payer le consommateur, soit on fait payer le contribuable, ce qui revient à peu près au même ; d’ailleurs, pour le Conseil d’État, la CSPE est un impôt. Sur les évolutions envisagées au Sénat, nous n’avons pas d’avis : elles devraient conduire à l’étalement du remboursement de la dette sur sept à neuf ans au lieu de trois à cinq, ce qui ne fera pas évoluer le montant de cette dette mais différera le remboursement.

M. François Brottes. Mais il facilitera peut-être l’élection présidentielle – ces propos n’engageant que moi.

M. Philippe de Ladoucette. Dans le nouveau système, le ministre aura la possibilité de faire autrement que ce que recommande la CRE et s’il ne fait rien, les dispositions votées en loi de finances l’an dernier s’appliqueront, avec application de la proposition de la CRE, mais plafonnée à trois euros.

M. Daniel Paul. Qu’en est-il de votre analyse d’un scénario de sortie du nucléaire ?

M. Philippe de Ladoucette. La CRE n’a pas jugé opportun de promouvoir l’analyse de ce scénario au niveau européen.

M. François Brottes. En cas de hausse de la CSPE plafonnée, limitera-t-on le tarif de rachat ?

M. Philippe de Ladoucette. Non, EDF continuera de faire l’avance – avance qui s’élève d’ailleurs aujourd’hui à plus de 1,4 milliard d’euros.

Concernant enfin les prix de l’électricité au niveau européen, la différence est la conséquence de différents mix énergétiques. En Allemagne, les consommateurs paient les prix de gros, alors que la France a des coûts peu élevés grâce à son parc nucléaire. Les prix des énergies renouvelables sont en revanche à peu près les mêmes.

Enfin, l’appel d’offre sur les centrales solaires a bien été déclaré infructueux et il devrait être relancé cet été.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, vice-présidente. Il y a une taxe dont nous n’avons pas parlé, qui pèse sur les consommateurs : la taxe locale d’électricité. Merci à vous tous et merci, monsieur le président, d’avoir répond aux questions de nos collègues.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 24 mai 2011 à 17 heures

Présents. - M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Pascale Got, Mme Conchita Lacuey, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. - Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Pierre Decool, M. Yannick Favennec, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. Philippe Armand Martin, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory