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Commission des affaires économiques

Mercredi 29 juin 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 81

Présidence de M. Serge Poignant Président et de M. Serge Grouard Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Réunion, ouverte à la presse, commune avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, sur la mise en application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II)

La commission des affaires économiques a organisé une réunion, commune avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la mise en application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II).

M. le président Serge Grouard. À la suite de l’adoption de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi « Grenelle II », nous avions, le 26 janvier, désigné deux rapporteurs, M. Bertrand Pancher et M. Philippe Tourtelier, pour suivre sa mise en application. Ils ont accompli, sur un texte exceptionnel par ses dimensions, sa richesse, sa densité et par la diversité des thèmes abordés, un travail considérable dans des délais très courts.

Avec le président de la Commission des affaires économiques, nous avons souhaité poursuivre le travail en commun réalisé depuis la loi « Grenelle I » dans un climat exemplaire. Des rapporteurs thématiques, issus des deux commissions, ont été désignés pour accompagner les rapporteurs principaux : Mme Annick Le Loch et M. Michel Piron ont travaillé sur le titre Ier (habitat et urbanisme), M. Bertrand Pancher et M. Philippe Tourtelier sur le titre II (transports), le titre V (risques, santé et déchets) et le titre VI (gouvernance), M. Franck Reynier et Mme Frédérique Massat sur les titres III (énergie et climat) et IV (agriculture), M. Bertrand Pancher et Mme Geneviève Gaillard sur la partie du titre IV consacrée à la biodiversité et à l’eau.

Compte tenu de l’ampleur du travail à accomplir, le rapport qui vous est présenté aujourd’hui n’est pas définitif mais constitue un point d’étape.

M. le président Serge Poignant. Je me félicite également de la collaboration entre la Commission du développement durable, compétente sur ces questions, et la Commission des affaires économiques. Je remercie Serge Grouard d’avoir accepté de confier aux rapporteurs désignés sur le projet de loi Grenelle II le soin de contrôler son application. Ils ont en effet accompli un gros travail et procédé à de nombreuses auditions.

Les sections de la note d’étape consacrées aux titres Ier, III et IV (hors dispositions relatives à l’eau et à la biodiversité) ont été transmises de manière anticipée aux membres de la Commission des affaires économiques, afin de leur permettre d’en prendre connaissance et de réfléchir aux précisions qu’ils souhaitent obtenir.

M. Bertrand Pancher, rapporteur. La loi Grenelle II est un des textes les plus importants adoptés ces dernières années. Avec pas moins de 257 articles, portant sur une kyrielle de sujets – transports, énergie, agriculture, biodiversité, santé, etc. –, elle se présente comme la traduction concrète de la loi Grenelle I. L’une, adoptée à l’unanimité, assignait des objectifs, définissait des orientations, invitait à la mobilisation des moyens financiers requis. L’autre a établi le socle juridique nécessaire à la traduction empirique de ces objectifs, afin de donner tout son sens et toute son efficacité à un engagement de notre majorité. Le but est de faire de l’environnement une préoccupation essentielle des Français et de l’intégrer pleinement au sein de nos politiques publiques.

Cependant, après avoir élaboré et adopté la loi Grenelle II, il convenait de vérifier si les décrets d’application étaient conformes à ses dispositions. C’est pourquoi Philippe Tourtelier et moi-même avons été désignés, par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et sur le fondement de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, rapporteurs sur la mise en application du texte. Vu l’ampleur de la tâche qui nous incombait, onze groupes de travail thématiques ont été constitués, répartis entre trois binômes de députés, issus de la majorité comme de l’opposition, et de la Commission du développement durable comme de la Commission des affaires économiques.

Nous tenons à souligner l’originalité de la méthode employée, consistant à réunir collectivement l’ensemble des partenaires concernés par ce texte. Nous nous sommes appuyés sur une structure déjà existante, le Conseil national du développement durable et du Grenelle de l’environnement (CNDDGE), réunissant environ 80 acteurs de la société civile. La dernière réunion du Conseil, qui a eu lieu la semaine dernière en présence de Dominique Dron, la nouvelle commissaire générale au développement durable, a donné lieu à des échanges particulièrement instructifs. Des rencontres individuelles avec les organisations – qui toutes défendent leurs propres intérêts, ce qui est bien naturel – nous ont par ailleurs permis de bénéficier de visions différentes. Au final, les conclusions de notre note d’étape nous semblent donc partagées par la société civile, ce qui ne peut qu’en renforcer la valeur. Je forme le vœu qu’une méthode similaire soit utilisée pour suivre l’application d’autres lois.

Au fil des auditions menées par les différents animateurs de groupe thématique, nous avons tous pu constater qu’une bonne partie des décrets prévus par la loi Grenelle II n’avait pas encore été publiée, même si beaucoup sont en voie de l’être. Cela ne nous a pas vraiment surpris : le travail est particulièrement fastidieux et la concertation exige du temps. D’ailleurs, si certains, parmi les organisations, estiment que le processus ne va pas assez vite, d’autres, au contraire, estiment qu’il faudrait consacrer plus de temps à la discussion des projets de décret.

Sur les 199 décrets pris en application des articles de la loi, 189 devront être publiés pendant cette législature, le Gouvernement ayant pris pour échéance la fin de cette année. À ce jour, 20,1 % des décrets ont été publiés, 22,75 % sont devant le Conseil d’État et 31,75 % font l’objet d’un arbitrage interministériel. Si l’on additionne les décrets déjà publiés, ceux examinés par le Conseil d’État et ceux qui devraient être pris dans les prochaines semaines, le total atteint 51 %. Cela traduit la volonté de l’administration d’aller vite, et c’est pour nous un sujet de satisfaction – même si tout ne fonctionne pas comme nous l’aurions désiré.

Pour résumer, certains décrets importants ont été pris – relatifs à la réglementation thermique 2012, aux filières de récupération de déchets pour les meubles, les seringues ou les pneus –, d’autres connaissent un retard préjudiciable, comme celui concernant les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), et d’autres encore tardent à être publiés, au point de remettre en question l’application de la loi en 2011. C’est le cas, par exemple, pour l’application du régime des installations classées aux éoliennes terrestres.

Si la plupart des décrets pris ou en voie de l’être respectent scrupuleusement la loi, certains l’ont écornée en raison de difficultés d’application, du poids des lobbies ou de l’influence d’autres ministères. Je pense notamment au crédit d’impôt accordé pour la réalisation de travaux liés à un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) – dont le taux a été ramené de 40 à 30 % –, à l’absence de prise en compte des émissions indirectes de gaz à effet de serre dans les bilans d’émission de CO2 ; ou à l’article relatif à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, modifié en catimini au Sénat à la faveur d’une loi sur les banques.

Il nous est donc apparu opportun de vous proposer un rapport d’étape faisant le point, au 30 juin, sur l’avancée de l’application de la loi Grenelle II. Un rapport final sera proposé fin janvier 2012, quand la majorité des décrets – on nous annonce un taux de 96,82 % – auront été publiés. Il reste toutefois à comprendre pourquoi certains décrets ont été regroupés ou jugés superflus.

Au 20 juin 2011, la situation était la suivante : en matière d’habitat et d’urbanisme, sur 44 décrets attendus, 12 ont été pris et 3 sont en cours d’examen au Conseil d’État ; en ce qui concerne les transports, 6 décrets sont au Conseil d’État ; pour le titre III – énergie et climat –, sur 22 décrets attendus, 5 sont sortis et 6 devraient l’être prochainement ; en matière de biodiversité et d’agriculture, sur 40 décrets, 12 sont parus, 1 est au Conseil d’État et un autre a été jugé inutile ; pour le titre V – risques, santé et déchets –, sur 45 décrets attendus, 23 ont été publiés et 12 sont au Conseil d’État ; enfin, en matière de gouvernance, 7 décrets sont parus et 15 sont examinés par le Conseil d’État.

Si la publication des décrets va à un bon rythme, on peut constater un manque d’organisation quant au suivi de la loi. De nombreux rapports prévus par les lois Grenelle I et Grenelle II n’ont toujours pas été présentés au Parlement, presque deux ans après la publication de la première. Ainsi, l’article 26 de la loi du 12 juillet 2010 prévoit la présentation d’un inventaire des dispositions fiscales défavorables à la biodiversité et des propositions pour procéder à un basculement vers une fiscalité mieux adaptée. Quand le Gouvernement s’engage, au cours de débats sur des problèmes compliqués, à publier des rapports, il doit tenir parole.

Après un démarrage très difficile, il convient de souligner la généralisation de la concertation à l’ensemble des acteurs. Il est toutefois nécessaire de définir une stratégie durable en ce domaine et de tenir compte des frustrations exprimées. Certains n’ont pas été consultés sur des décrets concernant leur champ de compétence, et la plupart des parties prenantes le plus souvent sollicitées – comme le MEDEF, FNE ou les grands syndicats – constatent une confusion avec la procédure de consultation du public. Celle-ci ne doit pourtant pas suppléer à la concertation en amont.

Les organisations reconnaissent qu’elles sont désormais systématiquement consultées, mais regrettent un manque de méthode et des délais – quinze jours en moyenne – beaucoup trop courts, d’autant que les supports techniques mis à leur disposition ne sont pas toujours lisibles. Enfin, que la réponse soit négative ou positive, elles n’obtiennent aucune explication sur le devenir de leurs propositions. Le Gouvernement semble avoir conscience de ces problèmes et souhaite améliorer sa façon de procéder.

En raison de l’absence de toute stratégie en matière de publication des décrets, les textes n’ont pas fait l’objet d’une hiérarchisation en fonction de leur importance ou de leur complexité. Certains décrets pourraient ne pas être publiés avant l’échéance prévue et faire l’objet d’une concertation plus longue. Par ailleurs, le fait de ne pas anticiper les délais d’application prescrits par la loi elle-même peut entraîner des situations délicates. Ainsi, alors que les régions devraient disposer d’un SRCAE avant le 13 juillet 2011, le décret concerné n’a été publié que le 16 juin. Les régions avaient pourtant travaillé en amont afin de prendre de l’avance en ce domaine.

Le Conseil d’État vient de préconiser la généralisation des études d’impact aux décrets d’application. Nous nous associons à cette recommandation. Pour l’instant, si de telles études ont été réalisées, leurs résultats ne sont pas portés à la connaissance des acteurs.

Une dernière remarque : lors des auditions, les moyens humains mis à notre disposition se sont révélés insuffisants. Afin d’effectuer notre mission de suivi de la loi dans de bonnes conditions, nous appelons donc à leur renforcement. Même si leur travail est de grande qualité, il est en effet difficile de suivre 200 décrets d’application et un millier de textes réglementaires avec une équipe réduite. Si nous jugeons que le contrôle de l’application de la loi est une mission importante du Parlement, il faut en tirer les conséquences.

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. Je peux en témoigner : le manque de moyens, qui a parfois contribué à nous placer dans des situations difficiles, peut également expliquer le lent démarrage des groupes de suivi.

En matière de concertation, l’apprentissage a été long, mais nous n’avons pas senti de mauvaise volonté de la part de l’administration. Au contraire : à chaque fois qu’un partenaire soulevait un problème, nous transmettions le message à l’administration concernée, qui essayait d’y répondre dans les quinze jours. Cette attitude devrait faire figure d’exemple pour d’autres lois et d’autres ministères.

Comme le président Serge Poignant ne manque jamais de le rappeler, la procédure prévue par l’article 145-7 du Règlement ne constitue pas une nouvelle discussion législative, mais vise à examiner la façon dont est appliquée une loi. Cependant, nous devrons éviter de nous en tenir à la lettre du Règlement lors de l’élaboration du rapport final, faute de décevoir de nombreuses attentes. En effet, la loi Grenelle II est la « boîte à outils » de la loi Grenelle I, et les deux textes sont étroitement liés, y compris dans l’esprit des personnes auditionnées. Tant que les décrets d’application de la première ne sont pas publiés, certaines dispositions de la seconde restent privées de tout effet juridique. Par exemple, la loi Grenelle II évoque les péages urbains, la modulation des péages autoroutiers, les bornes de rechargement pour voitures électriques, autant de questions qui ne peuvent être séparées des constats effectués dans le cadre de la loi Grenelle I : faible report du fret routier sur le ferroviaire, interrogations sur le financement des lignes à grande vitesse ou sur celui des transports collectifs en site propre. Ainsi, ce dernier devait être assuré en partie par l’écotaxe sur les poids lourds, mais le marché concernant la mise en œuvre de cette taxe a été annulé par la justice, avant d’être rétabli par le Conseil d’État.

Une autre raison d’élargir le champ de nos travaux est que les problèmes d’application de la loi Grenelle II peuvent venir de l’adoption de dispositions contraires dans le cadre d’autres lois. Par exemple, l’article 32 de la loi de régulation bancaire d’octobre 2010 a supprimé la consultation des parties prenantes sur les rapports relatifs à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, prévus par l’article 225 de la loi Grenelle II. De même, la loi de finances pour 2011 a modifié le pourcentage d’aide aux travaux effectués par les particuliers dans les zones classées « Seveso ». Le taux n’a cessé d’être modifié, passant de 15 % à l’Assemblée nationale à 25 % au Sénat. La commission mixte paritaire a finalement retenu un taux de 30 %, mais nous estimons qu’il devrait être au minimum de 40 % pour que la mesure soit efficace. Ces exemples montrent que l’adoption d’autres textes n’est pas sans effet sur l’application de la loi Grenelle II.

D’une manière générale, l’examen du projet de loi de finances constitue un moment important. C’est par exemple une question de financement qui explique les réticences des professionnels de l’agriculture à l’égard de la certification « haute valeur environnementale ». Les syndicats majoritaires acceptent les niveaux 1 et 2, assortis d’une obligation de moyens, mais pas le niveau 3, qui fait l’objet d’une obligation de résultats. Or seul ce niveau peut permettre de créer un label valorisable. Si nous voulons aller jusqu’au bout de la démarche et respecter l’esprit de la loi, il faudrait probablement prévoir une aide financière pour les agriculteurs passant du niveau 2 au niveau 3, comme on aide ceux qui se convertissent à l’agriculture biologique.

Les différents corapporteurs évoqueront les décrets ou projets de décret qui, sans nécessairement s’écarter de l’esprit de la loi, font l’objet d’un débat. Ainsi, pour l’application de l’article 225, les organisations syndicales et environnementales considèrent que l’on a trop écouté le patronat. De même, alors que son décret d’application n’a pas encore été pris, l’article 75, qui prévoit l’obligation, pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, d’établir un bilan carbone et un plan climat énergie territorial (PCET), suscite d’ores et déjà des oppositions, lesquelles prennent deux formes différentes. Tout d’abord, certains suggèrent de porter le seuil à 5 000 salariés, ce qui reviendrait à réduire drastiquement le nombre d’entreprises concernées. Ensuite, il est proposé de ne mesurer que les émissions directes, alors qu’elles ne représentent qu’entre 30 et 50 % des consommations d’énergie. Pour des raisons financières, ce choix a la faveur des collectivités aussi bien que des entreprises. On peut pourtant douter de la fiabilité de PCET ou de SRCAE fondés sur des informations dont la moitié serait manquante. Plutôt que de publier un décret réduisant les ambitions de l’article 75, il serait sans doute préférable de prolonger la concertation d’une année.

Les observations que nous formulons ne concernent que des décrets déjà publiés ou dont l’élaboration est suffisamment aboutie. D’autres questions surgiront lorsque nous aurons connaissance des textes encore manquants. C’est pourquoi nous devons nous contenter d’un rapport d’étape pour indiquer où en sont les débats, la moitié du travail restant à faire.

M. le président Serge Poignant. Le contrôle de la loi est un aspect du travail législatif auquel nous attachons beaucoup d’importance, et l’Assemblée consacre d’importants moyens pour suivre l’application des lois qu’elle adopte. Mais les moyens disponibles doivent être répartis entre les différentes missions qui nous incombent. Après avoir mobilisé dès le départ trois administrateurs sur les six que compte la Commission des affaires économiques, je ne peux répondre à toutes les demandes formulées par les rapporteurs.

M. le président Serge Grouard. J’ajoute que nous bénéficions, grâce au personnel de cette assemblée, d’une expertise de grande qualité.

Mme Annick Le Loch, corapporteure pour le titre Ier (habitat et urbanisme). Le titre Ier de la loi Grenelle II traite de trois thèmes : les économies d’énergie dans le bâtiment, la promotion du développement durable dans les documents d’urbanisme, et la protection des paysages, grâce à une réforme de la réglementation de la publicité extérieure. Comme les autres groupes thématiques, nous avons procédé, en collaboration avec le Sénat, à de nombreuses auditions – Gouvernement, professionnels de l’immobilier, architectes, défenseurs des consommateurs ou des paysages, acteurs du secteur de la publicité, etc.

Sur le titre Ier, 44 textes réglementaires sont prévus. À la date du 20 juin 2011, 9 décrets avaient été publiés, et 12 devraient l’être avant la fin du mois, soit un total de 30 %. Par ailleurs, selon le Gouvernement, 37 textes devraient être publiés au 31 décembre 2011, sachant qu’un décret d’application a été jugé inutile et que, pour 4 textes, une publication serait prématurée.

La partie de la loi Grenelle II consacrée à l’habitat et à l’urbanisme étant très vaste, nous avons choisi de ne retenir que deux thèmes d’étude : le diagnostic de performance énergétique (DPE) et la réforme de la réglementation de la publicité.

Dispositif préexistant à l’adoption de la loi Grenelle II, le DPE a été étendu par la loi de 2010 à tous les contrats de location. Il doit figurer dans les annonces des agences immobilières. Cet outil de sensibilisation du public aux enjeux de la performance énergétique du bâtiment a toutefois fait l’objet d’un certain nombre de critiques. Ainsi, il n’a pas de véritable effet en zone tendue : à Paris, un DPE défavorable n’affecte pas une transaction. Ce n’est pas non plus un outil dynamique s’inscrivant dans une logique de transformation et pouvant servir de base à la réalisation de travaux d’économies d’énergie. L’échelle retenue, le logement, paraît inadéquate ; il vaudrait sans doute mieux raisonner par immeuble. Par ailleurs, le caractère d’« étiquette énergétique » n’est pas satisfaisant, car on ne peut mettre sur le même plan un logement et un appareil électroménager. Le système de classement par lettres engendrant des effets de seuil, il serait préférable de mettre en place un système indiquant l’effort à fournir, représenté par un pourcentage, pour améliorer la performance énergétique.

La qualification et l’indépendance des diagnostiqueurs font également partie des points longuement évoqués au cours des auditions. La certification mériterait d’être renforcée, de même que les contrôles – que le projet de loi sur la consommation prévoit d’ailleurs de confier à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Les méthodes d’évaluation devraient être harmonisées et rendues plus transparentes. Enfin, l’indépendance de certains diagnostiqueurs à l’égard des agents immobiliers ou de certains fournisseurs d’énergie a été mise en cause.

Le DPE soulève une question de légitimité des politiques publiques : comment un outil aussi peu fiable, inadapté et largement critiqué peut-il servir de fondement pour la majoration d’une aide fiscale telle que le prêt à taux zéro ? Le Gouvernement en est conscient, puisqu’il prévoit des mesures destinées à l’améliorer : renforcement de la transparence, augmentation du nombre des éléments pris en compte par le diagnostiqueur, certification de la méthode de calcul retenu dans les logiciels, exigences accrues en matière de compétence, utilisation de la base de données de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) comme instrument de suivi du DPE.

Le deuxième thème d’étude que nous avons retenu est la réforme de la réglementation de la publicité extérieure, dont l’objectif est de réduire la pollution visuelle, notamment à l’entrée des villes. Cette question a fait l’objet d’un traitement particulier, puisque le projet de décret a été mis en consultation par le Gouvernement en février et mars 2011. Les auditions, menées en un temps très court, ont montré que le texte suscitait des interprétations largement contradictoires : pour les uns, sa publication en l’état entraînerait la disparition de tout affichage publicitaire et la mort des entreprises du secteur ; pour les autres, elle reviendrait à laisser se poursuivre la destruction des paysages, voire à l’amplifier. Entre ces deux avis opposés, il a fallu faire la part des choses.

Une lettre signée par les rapporteurs des deux assemblées a été adressée fin mars à la ministre de l’économie pour l’inviter à dissiper toute interprétation erronée, mais elle n’a, à ce jour, donné lieu à aucune réponse. Le cabinet de la ministre a expliqué ce silence par le fait que le projet de décret n’était pas encore stabilisé. Le Gouvernement a par ailleurs indiqué qu’il avait tenu compte d’observations formulées par les rapporteurs, en clarifiant la rédaction retenue pour la disposition relative à l’admission d’un seul dispositif pour 80 mètres linéaires de propriété foncière, et en distinguant, dans les aéroports et les gares, entre les dispositifs de moins et de plus de 12 mètres carrés : seuls ces derniers feraient l’objet d’un régime d’autorisation.

Nous sommes impatients de connaître la teneur du décret définitif. Nous avons l’espoir que ses dispositions permettront de maîtriser réellement l’effet, aujourd’hui dévastateur, de l’affichage publicitaire sur le paysage, et de mettre un terme à la profusion des panneaux.

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. À propos du DPE, je suis réservé face à l’idée de substituer un pourcentage d’amélioration à l’étiquette énergétique, qui a une grande valeur pédagogique. En revanche, dans le cas où serait instituée une obligation de travaux lors de la revente d’un bien immobilier, il pourrait être utile de prévoir un pourcentage minimal d’amélioration énergétique.

Je rappelle par ailleurs que les premières certifications de diagnostiqueurs immobiliers ont été attribuées en 2006 pour une durée de cinq ans, et qu’un mouvement important de renouvellement va donc débuter à partir de la fin de l’année. Nous ne devons pas rater cette occasion de hausser les exigences, d’harmoniser et de fiabiliser les DPE.

À propos de l’« urbanisme de projet » défendu par Benoist Apparu, certaines organisations estiment qu’il comporte un risque réel de dérégulation du droit à construire. Il serait en effet possible, si la part de transformation d’une zone non constructible en zone constructible ne dépasse pas un certain pourcentage, de se passer d’enquête publique. Or toute dérégulation irait à l’encontre de l’esprit du Grenelle de l’environnement.

Enfin, une association a fait remarquer que dans le texte des décrets relatifs aux schémas de cohérence territoriale (SCOT) et aux plans locaux d’urbanisme (PLU), le mot « biodiversité » était paradoxalement absent.

M. Bertrand Pancher, corapporteur pour le titre II (transports). Le titre II, consacré aux transports, est décliné en trois rubriques principales : mesures en faveur du développement de transports collectifs urbains et péri-urbains, mesures relatives aux péages autoroutiers et développement des modes alternatifs à la route. Il se divise par ailleurs en 16 articles de portée inégale. Certains permettent de réaliser des avancées significatives dans la promotion d’une politique de mobilité durable – autopartage, modulation des péages autoroutiers, expérimentation des péages urbains pour les agglomérations de plus de 300 000 habitants, « droit à la prise » pour les propriétaires de véhicules électriques et hybrides rechargeables résidant dans une habitation collective. D’autres ne procèdent qu’à des mesures techniques d’adaptation de la législation française, notamment au regard du droit communautaire.

Sur les 12 décrets d’application prévus, 6 sont en cours d’examen par le Conseil d’État. Le retard dans leur publication est lié le plus souvent à la complexité des sujets abordés. Lors de nos auditions, nous avons ainsi pu mesurer que la question du « droit à la prise » tendait à évoluer avec la mise en place d’un fonds permettant aux collectivités de se doter d’un réseau de bornes de recharge.

La question des transports fait l’objet d’une forte mobilisation de la part des acteurs concernés. Ils l’ont prouvée lors d’une réunion du CNDDGE : quelles que soient leurs divergences, ils ont pu s’accorder sur des points clés et adopter à l’unanimité un avis sur le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT).

M. Philippe Tourtelier, corapporteur pour le titre II (transports). La modulation des péages autoroutiers est une politique essentielle pour l’association « Transport, développement, intermodalité, environnement » (TDIE), mais l’administration la juge difficile à mettre en place, parce qu’elle devrait rester neutre pour les sociétés d’autoroute titulaires d’une concession en cours. Toutefois, si l’on considère le cadeau qui a été fait à ces sociétés, il me semble qu’un tel argument ne saurait suffire.

En ce qui concerne l’expérimentation des péages urbains, Dominique Dron, Commissaire générale au développement durable, nous a indiqué qu’elle se heurtait à un problème d’ordre juridique.

Enfin, s’agissant du « droit à la prise », son financement n’est pas encore clairement établi.

Mme Frédérique Massat, corapporteure pour les titres III (énergie et climat) et IV (agriculture). Le titre III, relatif à l’énergie et au climat, regroupe les articles 67 à 93, soit 26 articles au total. Il appelle la publication de 24 textes d’application – dont seulement 4 avaient été pris à la date du 20 juin 2011 – et la présentation de 4 rapports au Parlement.

Au cours de nos travaux, nous avons auditionné la Direction générale de l’énergie et du climat, le Comité de liaison énergies renouvelables, Réseau action climat, l’ADEME, le Syndicat des énergies renouvelables, l’Association des régions de France et Réseau de transport d’électricité (RTE). Les commentaires et contributions que nous avons recueillis nous ont incités à concentrer notre attention sur deux thèmes principaux, la planification territoriale de l’énergie et les modifications du régime juridique de certaines énergies renouvelables.

La planification territoriale de l’énergie est une des innovations introduites par la loi Grenelle II, une des plus prometteuse selon les personnes auditionnées. Fondée sur l’échelon régional, elle répond aux attentes d’une décentralisation croissante de la politique énergétique. Les SRCAE, piliers de cette nouvelle gouvernance territoriale, sont élaborés conjointement par les conseils régionaux et les préfets de région, mais les acteurs locaux, convaincus de l’intérêt de la démarche, ont activement participé aux travaux préparatoires. Notons toutefois que le décret définissant les modalités d’élaboration de ces schémas n’a été publié que le 16 juin 2011, alors que la loi obligeait les régions à s’en doter avant le 13 juillet 2011. Pour respecter ce délai, elles ont été contraintes de mener leurs travaux en l’absence de tout cadre réglementaire. Une seule, la Picardie, devrait finalement parvenir à publier son schéma dans le délai requis.

Si la mise en place d’une gouvernance territoriale de l’énergie est dans l’ensemble réussie, nous avons relevé trois sources d’incertitude.

Tout d’abord, la loi n’a prévu aucun mécanisme pour s’assurer que l’addition des objectifs régionaux en matière d’énergies renouvelables correspond aux objectifs nationaux. La responsabilité d’une telle coordination reviendra donc aux préfets de région. À l’inverse, les régions se voient imposer des objectifs définis au niveau national, comme les tarifs d’achat photovoltaïques, si bien qu’elles ne sont pas totalement libres de définir leurs propres objectifs régionaux.

Ensuite, les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution devraient être davantage associés à l’élaboration de ces schémas. Or le décret n’exige pas leur participation aux travaux du comité technique. L’obligation faite aux gestionnaires de transport d’électricité d’élaborer des schémas régionaux de raccordement au réseau électrique des installations de production à partir de sources d’énergie renouvelables pourrait se révéler insuffisante, car ce schéma n’intervient qu’a posteriori, une fois les choix énergétiques fixés. Au contraire, la définition des objectifs régionaux devrait prendre en compte, bien plus en amont, les contraintes liées au raccordement.

Enfin, le décret fixant la méthode utilisée par les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants pour établir leur bilan d’émission de gaz à effet de serre n’a pas encore été pris. Un conflit oppose ceux qui souhaitent englober les seuls périmètres SCOPE 1 et SCOPE 2 à ceux voudraient aller jusqu’au périmètre le plus élargi possible, SCOPE 3, et prendre en compte l’ensemble des émissions indirectes. En fonction du choix qui sera fait, le caractère contraignant des dispositions de la loi Grenelle II sera modifié de façon très sensible.

J’en viens aux modifications aux régimes juridiques applicables aux différentes énergies renouvelables, et en particulier à l’éolien. Le retard pris dans la publication des décrets d’application a pour résultat de compromettre le lancement de nouveaux projets par manque de sécurité juridique, alors que l’objectif de la loi était justement de clarifier le dispositif applicable.

En premier lieu, les schémas régionaux éoliens, au même titre que les SRCAE dont ils sont un volet, ne sont encore qu’au stade de leur élaboration, et l’on constate des disparités de contenu importantes entre les régions.

En deuxième lieu, en l’absence de circulaire précisant les modalités de prise en compte des nouveaux critères pour la délivrance des autorisations de zone de développement éolien (ZDE), la création de nouvelles zones est aujourd’hui gelée.

En troisième lieu, le décret relatif au classement des éoliennes dans la nomenclature ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) n’est toujours pas sorti. De plus, l’interprétation de la loi par l’administration semble aller à l’encontre de l’intention du législateur, puisque les éoliennes des départements d’outre-mer seraient soumises au classement ICPE. Or un tel classement ne doit intervenir que pour les éoliennes situées dans les ZDE, ce qui n’est pas le cas dans les DOM, où le bénéfice du tarif d’achat n’est pas conditionné à l’installation dans une ZDE.

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. Juste un mot. L’article 78, relatif aux certificats d’économie d’énergie, prévoit qu’une part des économies d’énergie doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. Or, comme l’a fait remarquer une association, les décrets d’application n’en font pas mention.

M. Franck Reynier, corapporteur pour les titres III (énergie et climat) et IV (agriculture). Le titre IV regroupe les articles 94 à 120, qui déclinent sous forme de mesures concrètes les objectifs fixés par la loi Grenelle I en matière agricole, à commencer par le principal d’entre eux : réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici à 2018. Le titre comprend aussi d’autres mesures en faveur de la forêt et de l’agriculture biologique.

Nous avons organisé un cycle sept auditions, qui nous ont permis d’entendre des représentants du Gouvernement, de l’administration et de certains syndicats représentatifs des professions agricoles. Les délais très courts dont nous disposions ne nous ont toutefois pas permis de recevoir l’ensemble des organismes représentatifs.

Trois thèmes ont été retenus dans le cadre de notre note d’étape : la certification haute valeur environnementale (HVE), l’écocertification des forêts et la réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, l’interdiction de l’épandage aérien.

Le volet agricole de la loi Grenelle II appelle neuf décrets d’application dont un seul a été pris à ce jour, relatif à la certification environnementale des professions agricoles. Cependant, la majeure partie des décrets non encore publiés sont en voie d’arbitrage et devraient paraître entre l’été et la fin de l’année.

La loi prévoit par ailleurs la remise au Parlement de trois rapports, le premier relatif à la pharmacopée dans les territoires d’outre-mer, le deuxième aux produits pharmaceutiques et le troisième à l’approvisionnement de la restauration collective en produits biologiques – ces deux derniers rapports devant être remis à un rythme annuel. À ce jour, toutefois, aucun n’a été publié.

Le code rural et de la pêche maritime prévoit désormais la possibilité de certifier des exploitations agricoles « utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l’environnement ». Cette certification comprend trois niveaux d’exigence, dont seul le plus élevé ouvre droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale ». Si les deux premiers niveaux semblent relativement faciles d’accès, le troisième est plus difficile à obtenir. D’après les organismes auditionnés, la concertation a été insuffisante, et les seuils fixés sont trop contraignants. De plus, les agriculteurs auraient, en l’absence de contreparties financières, peu d’intérêt à se conformer à un cahier des charges aussi exigeant. En conséquence, nous craignons que l’article 109 de la loi Grenelle II ne permette pas d’atteindre les objectifs en termes de nombre d’exploitations certifiées.

En ce qui concerne la filière bois, la certification des acteurs est, en pratique, insuffisamment développée. Un des leviers d’action les plus importants est la commande publique, qui représente une part importante du marché. Cependant, le développement de l’achat responsable se heurte aujourd’hui à deux difficultés principales : le manque d’évaluation et d’objectifs, et la méconnaissance des dispositifs de certification. En raison de cette méconnaissance, les appels d’offre ne contiennent pas toujours une exigence de certification pour les produits issus du bois, et certaines entreprises utilisent frauduleusement les certifications. Sur ces deux points, une attention particulière devra être apportée.

J’en viens à la réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques. Sur ce sujet, le décret d’application est en cours d’examen devant le Conseil d’État. Il a été rédigé sur la base du dispositif expérimental de formation des agriculteurs mis en place par le Gouvernement. D’après ce dernier et la FNSEA, le plan Écophyto a été bien accueilli par les professionnels, mais il nous reste à recueillir l’avis d’autres acteurs de la filière. Quelques points critiques ont toutefois été soulevés à l’égard du plan, et notamment de son financement.

S’agissant de l’interdiction de l’épandage par voie aérienne, les auditions ont fait apparaître le caractère inopérant de cette mesure en raison des trop nombreuses dérogations prévues. Nous devons donc veiller à les encadrer plus strictement.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour les chapitres 2 à 6 du titre IV (biodiversité et eau). D’une façon générale, nous avons remarqué que les décrets d’application publiés prévoyaient de nombreuses exceptions, ou bien fixaient des seuils tellement élevés que la disposition concernée risquait de perdre une grande partie de sa force. C’est le cas, par exemple, pour la réduction de la pollution lumineuse. Certes, on peut toujours se satisfaire des mesures prises en estimant qu’il s’agit d’un premier pas, mais nous ne devons pas perdre de vue les objectifs de la loi Grenelle II.

J’en viens aux chapitres 2 à 6 du titre IV de la loi, relatifs à la biodiversité et à l’eau. Sur les 44 décrets attendus, 12 ont été publiés, et un autre est en cours d’examen devant le Conseil d’État. Une des questions souvent abordées au cours des débats est celle de la constitution du Comité national et des comités régionaux « trames verte et bleue », organismes chargés de fixer des objectifs et de les décliner sur le territoire. Les décrets sur ce sujet sont parus aujourd’hui, ce qui montre que le travail effectué par le Parlement peut se révéler utile.

Mme Geneviève Gaillard, corapporteure pour les chapitres 2 à 6 du titre IV (biodiversité et eau). Les articles 121 à 172 de la loi Grenelle II regroupent un ensemble de dispositions relatives à l’une des mesures phares de la loi en matière de biodiversité, la constitution des trames verte et bleue. Nous attendions avec impatience les décrets d’application que le Gouvernement devait prendre en ce domaine.

À mon tour, j’observe que les documents d’urbanisme SCOT et PLU ne mentionnent jamais le mot « biodiversité ». Or nous ne parviendrons pas à préserver la biodiversité si cet enjeu très important n’est pas pris en compte dans toutes les politiques publiques, y compris pour l’agriculture. Il est probable que le cloisonnement de nos travaux aura conduit à oublier ce principe.

En ce qui concerne la protection des espèces et des habitats, l’article 125 prévoit l’évaluation des incidences que tout document de planification, programme ou projet, peut avoir sur un site classé Natura 2000. Le décret d’application concernant cet article est en cours d’élaboration, et le projet serait soumis à la signature des ministres intéressés.

De même, la publication du décret mentionné à l’article 140 sur la compatibilité entre la charte d’un parc national et un schéma d’aménagement régional serait imminente. Mais le retard pris dans ce domaine pourrait poser des problèmes importants.

S’agissant de l’assainissement et des ressources en eau, nous avons pu constater que les orientations de la loi Grenelle I avaient été engagées, et que certaines mesures avaient déjà trouvé une application par anticipation, comme le renforcement des normes relatives au bon état des eaux, la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, l’audit des aires sous protection forte. En matière d’assainissement, la situation d’un certain nombre de stations qui n’étaient pas aux normes a été régularisée.

Il manque plusieurs décrets, dont celui relatif à l’article 151 concernant les critères et les modalités générales de mise en œuvre de la participation des préleveurs irrigants et, le cas échéant, d’autres contributeurs volontaires. Ce texte semble avoir été arbitré, mais des difficultés doivent là encore être surmontées et nous l’attendons avec impatience. Il en est de même de celui, également important, sur le zonage des eaux pluviales et des modalités de gestion des eaux pluviales urbaines, qui serait sur le point d’être signé.

En ce qui concerne la mer, les principaux décrets attendus sont ceux mentionnés par l’article 166, c’est-à-dire ceux relatifs au contenu du document stratégique de façade et aux modalités de son élaboration pour les façades métropolitaines, aux conditions d’élaboration de la stratégie nationale pour la mer et à la composition du Conseil national de la mer et du littoral. Seuls celui portant sur ce dernier point et celui touchant à la composition et au fonctionnement du Conseil maritime ultramarin seraient publiés dans les jours qui viennent.

Enfin, certains rapports n’ont pas été publiés, notamment celui concernant la fiscalité défavorable à la biodiversité, alors qu’il est prêt. Cela est dommage : si nous voulons des actes dans ce domaine, il est indispensable que nous en prenions rapidement connaissance afin de pouvoir traduire certaines mesures dans la loi. La biodiversité doit être prise en considération !

M. Bertrand Pancher, corapporteur pour les titres V et VI. Sur la partie concernant les risques pour la santé et l’environnement, sur 45 décrets prévus, 23 ont été publiés et 12 sont sur le point de l’être : ils répondent à la demande de l’ensemble des acteurs, notamment sur les questions liées à la téléphonie et au problème des ondes.

Certains points nous ont paru particulièrement compliqués. C’est le cas de la prévention des pollutions lumineuses ou sonores, qui expliquent 40 % de l’impact sur la biodiversité. Le décret global prévu pour les trois dispositions figurant à l’article 173 sur la pollution lumineuse est en cours d’examen au Conseil d’État. Il a suscité des réactions négatives de tous les acteurs et donné lieu à des pressions de toutes parts ; les accords n’étaient pas clairs au moment du vote de la loi : nous nous trouvons actuellement face aux mêmes difficultés, avec les mêmes arguments. La norme sur la pollution lumineuse est tellement souple qu’elle revient à avaliser le parc luminaire existant. Elle devrait être ensuite plus contraignante, mais il a été difficile de trouver un consensus en la matière.

Sur les nanoparticules, il ressort des auditions que la mise en œuvre d’une traçabilité ne suffit pas. Il est important de définir la dangerosité, en travaillant sur les différentes applications des produits qui en comportent, comme les médicaments.

Pour ce qui est des déchets, la situation évolue bien. Les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) – pneus, meubles, seringues, notamment – sont en train de se constituer.

S’agissant des risques industriels, il est nécessaire de mettre en application certaines des conclusions de la table ronde sur le sujet et de faciliter la mise en place des plans de prévention des risques technologiques, de transposer la directive sur les inondations, de tirer les enseignements de la tempête Xynthia et de favoriser la mise en œuvre du « plan séisme Antilles » au travers de dispositions concernant des interventions de fond en cas de risque sismique. Les décrets sont pris ou en cours de l’être ; ils ne posent pas de difficulté particulière en dehors de la prévention des risques technologiques, pour laquelle il sera nécessaire, lors des prochaines lois de finances, de réfléchir à un crédit d’impôt supplémentaire.

En ce qui concerne la fin du titre VI sur la gouvernance, les organisations concernées, notamment la Commission nationale du débat public et la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs, pensent que les stratégies mises en place, tendant à introduire progressivement la concertation en amont dans les rapports des commissaires-enquêteurs, font changer la pratique de la concertation chez les maîtres d’ouvrage, ce qui va dans le bon sens.

M. Philippe Tourtelier, corapporteur pour les titres V et VI. J’ajoute que nous avons également été alertés sur plusieurs points concernant la santé, notamment les seuils importants de concentration des particules, le bruit et les ondes électromagnétiques.

M. le président Serge Grouard. S’agissant du réchauffement climatique, je souhaiterais rappeler trois constats. En matière énergétique, on a le sentiment que la partie relative à l’énergie renouvelable se met en œuvre, mais que le développement de filières industrielles françaises fait défaut, alors qu’il s’agit d’un enjeu important. En matière de logement – transformation énergétique, efficacité énergétique, économies d’énergie –, si la réglementation thermique 2012, qui est essentielle, se met en place, se pose le problème des DPE. Dans le domaine des transports, on observe des avancées concernant les transports collectifs en site propre (TCSP) – nous voyons beaucoup de chantiers dans nos villes –, ainsi que le développement des lignes à grande vitesse, même si les projets sont de grande ampleur et exigent du temps. En revanche, nous sommes en retard sur le fret et le report modal.

Autre thème fondamental : la biodiversité et l’environnement. Nous rencontrons des difficultés en matière de biodiversité dans la mesure où nous nous situons dans des schémas conceptuels très différents de ceux que nous connaissions jusqu’à présent. La préservation des espèces naturelles et la lutte contre l’extension urbaine et le mitage constituent des enjeux importants : nous devons encore progresser dans ces domaines. Les trames vertes et bleues seront difficiles à mettre en œuvre. Sur la question de l’eau, notons les avancées concrètes – l’assainissement ou la stratégie nationale pour la mer ont déjà été évoqués – mais reste la question plus vaste de la préservation et de la bonne gestion de la ressource en eau – nous le voyons actuellement avec les conséquences de la sécheresse.

En ce qui concerne le recyclage ou le traitement des déchets, des progrès ont déjà été réalisés sur les filières spécifiques, avec l’objectif de réduire en amont la quantité produite ou de concevoir les produits en prévision de leur recyclage.

Dans le domaine agricole, les professions réalisent d’importants efforts d’adaptation. Mais il faut mettre en place une véritable filière française de la forêt et du bois.

Sur les questions de méthode, je ferai trois observations.

S’agissant d’abord de la concertation, la démarche du Grenelle a formidablement fonctionné parce qu’elle a substitué à une conception orientée du haut vers le bas une approche allant du bas vers le haut. Cela constitue un enseignement majeur : le Grenelle a été largement accepté, y compris de la part d’acteurs qui avaient plutôt tendance à s’ignorer, voire à s’affronter. Cela doit inciter à poursuivre l’effort dans ce domaine et je remercie les rapporteurs qui ont favorisé cette concertation.

Deuxièmement, il est impératif que les choix et les décisions du Parlement soient respectés : les décrets d’application doivent être conformes à la loi ! Ainsi, par exemple, pour les installations éoliennes, nous avons voulu exclure les territoires ultramarins du régime des installations classées s’appliquant en métropole, mais le décret en préparation ne va pas dans ce sens.

Enfin, nous avons besoin de disposer d’indicateurs précis pour mesurer les résultats, et non d’adopter seulement des stratégies de moyens : les rapports au Parlement sont essentiels à cet égard.

Concernant les financements, nous devons continuer à travailler sur la fiscalité verte, qui est un outil fondamental. Certains domaines nécessitent des moyens importants, à l’image du schéma national d’infrastructures de transport (SNIT), qui présente un besoin de financement de l’ordre de 300 milliards d’euros. Mais parallèlement, il convient de préserver les moyens des outils efficaces – comme l’ADEME – dont nous disposons dans le domaine des technologies liées à l’environnement.

M. le président Serge Poignant. Je me réjouis de ce contrôle de l’application de la loi. La Commission des affaires économiques a été la première à lancer ce processus sous la présidence de Patrick Ollier, avant d’être scindée en deux nouvelles commissions. Il est souhaitable de suivre l’avancée de la publication des décrets et de vérifier leur conformité à la loi.

L’élaboration de la loi Grenelle II a donné lieu à de longues discussions de notre part et nous avons, pour certains articles, trouvé un équilibre entre la protection de l’environnement et les besoins économiques pour favoriser une croissance durable ; économie, environnement, croissance durable, social et emploi sont intrinsèquement liés. Ces choix doivent être respectés.

S’agissant, par exemple, des ICPE, le sujet avait été évoqué dans la loi Grenelle II par amendement, après le rapport de Franck Reynier. Or, l’absence de publication du décret conduit à geler les zones de développement de l’éolien terrestre (ZDE), contrairement à la volonté du législateur. Ce texte doit être rapidement publié.

M. Yanick Paternotte. La loi Grenelle II est loin de laisser indifférent. Un an après son adoption, les parlementaires sont largement mobilisés : l’action des 11 groupes de travail regroupant 22 députés de nos deux commissions le montre. L’élaboration des lois Grenelle I et II ainsi que le contrôle de leur application représentent un travail considérable, lequel a été rendu possible par la réforme constitutionnelle, qui a fait du Parlement le deuxième pilier de la vie démocratique.

Les 257 articles du texte conduisent à réformer les codes de l’environnement et de l’urbanisme, ainsi que le code rural et de la pêche maritime. On se dirige également vers une réforme du code minier, comme l’a montré récemment le débat sur la proposition de loi sur les gaz de schiste. Ce faisant, les règles régissant notre société et les rapports entre les institutions et les citoyens sont profondément transformées. Cela peut expliquer la difficulté à rédiger certains décrets, parfois même à modifier la conception de certaines administrations, qui peuvent se sentir, à tort ou à raison, dépossédées de leurs prérogatives.

Les deux rapporteurs ont cherché un équilibre – dont je me réjouis – entre le Parlement et le Gouvernement, le temps de la concertation et celui de la décision, de même qu’entre le souhaitable et le possible.

Si certains secteurs sont encouragés – nous l’avons vu lors du débat sur l’énergie photovoltaïque –, il faut prendre en garde à ce que le facteur social et de création d’emplois, qui constitue un des piliers du développement durable, ne soit pas négligé : à vouloir parfois aller trop vite, on défavorise la création de filières, et donc d’emplois.

L’absence de publication de rapports ou décrets a été évoquée. Mais, à la réflexion, certains d’entre eux ne se révèlent-ils pas inutiles ou alors peuvent-ils justifier des modifications ?

En matière d’évaluation, les rapports ne font pas tout. En dehors des outils institutionnels connus, ceux prévus par les lois Grenelle I et II sont-ils efficients ou d’autres doivent-ils être mis en place ?

Enfin, à propos des 51 % de décrets qui devraient être publiés d’ici à la fin de l’été 2011, doit-on parler d’une bouteille à moitié vide ou d’une bouteille à moitié pleine ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), prévues par l’article 28, doivent remplacer les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), mais en l’absence de décret d’application, les élus ne savent pas comment procéder à cette transformation.

De même, l’article 40 donne aux maires la possibilité d’autoriser par arrêté des emplacements de bâches comportant de la publicité, mais le décret n’a toujours pas été publié. Que dit le Gouvernement à ce sujet ?

Les décrets d’application sur les modulations de péages pour les véhicules supérieurs à 3,5 tonnes – qui renvoient à une disposition de la loi Grenelle I – doivent également être pris dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, avez-vous connaissance de collectivités territoriales d’une population supérieure à 300 000 habitants souhaitant s’engager dans l’expérimentation des péages urbains ?

Les dispositions prises en matière d’énergies renouvelables risquent en effet de bloquer le développement des filières du photovoltaïque et de l’éolien. Le comité de suivi des énergies renouvelables, qui devait être institué au sein du Conseil supérieur de l’énergie, a-t-il été mis en place ? Et, dans l’affirmative, quelle est sa composition ?

Si les décrets relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles ont été publiés, permettront-ils de réorienter l’agriculture française ?

L’Agence de la nature verra-t-elle prochainement le jour ?

Enfin, il est anormal que, contrairement à ce que prévoyait la loi, nous n’ayons pas eu communication du rapport sur les mesures fiscales défavorables à la biodiversité. Je demande que les présidents de nos deux commissions adressent un courrier commun à la ministre chargée de l’environnement pour que ce soit le cas dans les meilleurs délais.

M. André Chassaigne. Mon propos sera assez général compte tenu, d’une part, de l’absence de Daniel Paul et d’Yves Cochet et, d’autre part, du fait que, notre groupe n’ayant pas de rapporteur au sein des groupes de travail, je découvre la note d’étape qui a été distribuée ce matin.

J’ai le sentiment d’assister à une leçon de choses sur une pratique politique : le Grenelle a été marqué par beaucoup d’effets d’annonce – on a parlé de la « magie de Grenelle » – et des préceptes de gouvernance – le processus se voulait historique –, mais la note d’étape montre bien finalement combien il est difficile d’aboutir à des résultats concrets quand on fonde des choix législatifs sur de tels effets !

On découvre ainsi, page après page, que les rapports qui devaient nous être communiqués s’apparentent à des Arlésiennes, que les acteurs associés à la réflexion sur le Grenelle considèrent que la concertation est bloquée, que les décrets sont difficiles à publier et que des instances qui devaient être mises en place ne le sont toujours pas faute de décret définissant leur composition. On peut se demander si cela n’est pas lié à la révision générale des politiques publiques (RGPP), les personnels travaillant dans les ministères ayant du mal à faire face à cet afflux de dispositions contenues dans la loi.

Cela étant, les questions abordées dans le Grenelle entrent en contradiction avec des enjeux économiques tels que la compétitivité ou la performance ; cette contradiction empêche de concrétiser les objectifs visés par la loi, lesquels sont pourtant essentiels pour l’avenir de la planète.

Nous devons tous largement favoriser le développement de nouveaux modes de production et de développement. Si on ne le fait pas, on ne réglera pas les problèmes, notamment en matière de biodiversité.

La question du réchauffement climatique, qui est fondamentale, fait l’objet d’un abandon depuis quelques mois. On liquide ainsi le fret ferroviaire au profit des routes, en contradiction complète avec ce qui avait été annoncé !

Si l’on était amené à faire des choix énergétiques, comme l’a fait l’Allemagne, on n’en serait pas là : on attend les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, et le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau électrique des énergies renouvelables n’est pas défini ; le décret fixant la méthode concernant le bilan des émissions de gaz à effet de serre et le plan climat-énergie territorial (PCET) n’a pas été pris ; le schéma régional éolien, que nous avons amplement débattu, n’est pas mis en œuvre et le classement des éoliennes à nomenclature ICPE n’est toujours pas réalisé.

Tout cela ne résulte pas seulement de retards techniques, mais d’un manque de volonté politique.

De son côté, l’Allemagne va publier des textes pour mettre en œuvre les choix qu’elle a faits, montrant que, lorsqu’on a une véritable volonté politique, grâce à un travail intense du gouvernement, du parlement et des services, on peut rapidement aboutir à des réalisations concrètes !

M. François Brottes. Je n’évoquerai pas la question des ondes pour ne pas dépasser mon temps de parole.

S’agissant de la mise en œuvre des textes, ceux qui contrôlent l’application de la loi doivent également examiner les circulaires et la manière dont elles sont interprétées pour voir si elles sont conformes à l’esprit et à la lettre de celle-ci.

Ainsi, les zones humides, qui sont au cœur de l’élaboration des PLU et des SCOT notamment, ont fait l’objet d’objectifs de protection, confirmés dans la loi Grenelle II, en raison des missions qu’elles remplissent. Mais ces objectifs ont évolué au fil du temps. De plus, la définition des zones humides est sujette à interprétation et la manière dont on détermine techniquement si une zone peut être ainsi qualifiée fait débat. De même, les modalités de fixation de leur périmètre doivent être examinées. Plusieurs problèmes se posent à cet égard. La compensation prévue pour les zones humides utilisées pour l’agriculture, une zone d’activité ou un projet d’urbanisation est décidée par les agences de bassin, qui exigent par exemple dans ma région deux mètres carrés disponibles pour un mètre carré mobilisé ; or, dans certains endroits, on n’est pas en mesure d’apporter ces compensations. Par ailleurs, l’application de la réglementation a des effets rétroactifs : quand on constate qu’un endroit est en zone humide, les projets qui le concernent doivent être arrêtés sine die. Cet état de fait conduit à des situations inextricables.

Il convient par ailleurs de labelliser de vrais bureaux d’études pour réaliser des DPE. On trouve sur internet des personnes qui le font presque par téléphone, à coût réduit. Ces documents sont valables dix ans, ce qui n’encourage guère à prendre des mesures d’isolation de l’habitat. En général, les quelques centaines d’euros dépensés ne servent à rien et donnent lieu à des documents sans préconisation et vides de sens.

On l’a déjà dit : il est urgent de ne pas engager les gens sur des faux-semblants, et le législateur devrait jouer son rôle si le pouvoir réglementaire ne le faisait pas !

M. Christophe Priou. Plutôt que de bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, je parlerai de « bouteille à la mer » ! Après les lois Grenelle I et II, il y a eu en effet le Grenelle de la mer – objet d’une quinzaine de comités opérationnels, de plusieurs missions parlementaires, de nombreuses propositions, ainsi que d’un véritable engouement –, dont les conclusions devaient être incorporées dans le Grenelle de l’environnement. On voudrait que ce soit effectivement le cas, d’autant que le Premier ministre a rappelé, lors du conseil interministériel du 10 juin, l’importance de ce secteur pour notre pays, qui a le deuxième espace maritime du monde.

Au-delà de l’éolien en mer – qui a donné lieu à un récent appel d’offres –, le secteur recèle beaucoup d’autres formes de richesses, qu’il s’agisse de l’hydrolien, de l’houlométrie, de la construction navale – industrielle militaire ou de plaisance –, du transport maritime, du tourisme, de la pêche ou de la biodiversité. Si les décrets d’application des Grenelle I et II ne prenaient pas en compte les conclusions du Grenelle de la mer, cela engendrerait une grande frustration.

Mme Catherine Quéré. D’après le Grenelle I, les maladies professionnelles des agriculteurs devaient faire l’objet d’études épidémiologiques. On n’en entend plus parler : ce point est-il toujours d’actualité ?

Par ailleurs, les sites classés « Seveso » suscitent des inquiétudes de la part des riverains et des associations. Après l’annonce de la baisse des crédits d’impôt pour les travaux – fixés d’abord à 15 %, puis à 30 % –, sous prétexte qu’il s’agissait d’une niche fiscale, les riverains concernés n’ont pas du tout eu l’impression de bénéficier d’un avantage ! L’Association des maires de France (AMF), les industriels, les associations environnementales et les représentants de l’État s’étaient entendus pour partager le coût des travaux, mais le recul de ce dernier risque d’entraîner celui des collectivités territoriales. Cela est inacceptable : les riverains sont obligés de réaliser des travaux coûteux et, s’ils ne le font pas, les assureurs refusent de les prendre ne compte ! Pollués, victimes et payeurs, ils subissent, surtout les plus démunis, des triples ou quadruples peines. Peut-on espérer une amélioration sur ce point ?

M. Daniel Fasquelle. Nous avons mieux encadré l’implantation des éoliennes à terre, ce qui est bien, mais entre le vote de la loi Grenelle II et sa mise en œuvre, des projets anciens sont apparus ici et là : le mitage est une réalité, malgré la loi !

De plus, il est dommage que l’on n’encadre pas l’implantation des éoliennes en mer. Ne pourrait-on fixer des conditions en la matière ?

Par ailleurs, il est regrettable, à l’approche de la saison d’été, que de nombreuses communes soient défigurées par les affichages à leurs abords. Quand et comment va-t-on concrètement mettre en œuvre les dispositions nouvelles de la loi Grenelle II sur l’affichage ?

M. Philippe Boënnec. Je me réjouis également de la méthode de concertation du Grenelle de l’environnement.

A-t-on réalisé des études d’impact sur les conséquences financières de la loi pour les collectivités territoriales, les particuliers et les entreprises ?

Le Grenelle est vertueux au regard du développement durable, mais il faut faire preuve de pédagogie à l’égard des acteurs, leur laisser le temps de le mettre en œuvre et le rendre acceptable à leurs yeux du point de vue économique et social. Cet aspect devrait être examiné dans les prochains rapports.

Je suis d’accord avec Christophe Priou : la mer a sombré, si je puis dire ! (sourires) Alors que nous sommes la deuxième puissance maritime du monde, le Grenelle ne dit pas un mot des zones économiques exclusives ! Si la France est un pays de terriens, comme je le dis souvent, l’avenir de la terre à terme est en mer !

M. Patrick Lebreton. S’agissant de la filière photovoltaïque, l’un des indices permettant de mesurer l’impact du Grenelle est le nombre de créations d’entreprises : celui-ci a été de plus de 20 % seulement en 2010 à la Réunion, grâce à la forte croissance des entreprises de production d’électricité, qui a atteint 169 %. Les 600 emplois ainsi créés sont loin d’être négligeables dans une île accusant un taux de chômage de 40 %. La conversion écologique de l’économie est donc porteuse de progrès et le développement des économies renouvelables constitue une petite révolution industrielle.

Mais, depuis la fin 2010, la politique du Gouvernement – tendant à réduire, voire à supprimer la défiscalisation pour les investissements réalisés outre-mer dans ce secteur, à diminuer le crédit d’impôt pour l’achat des panneaux solaires par les particuliers et à baisser le prix de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque par EDF – met en danger cette filière.

S’il y a eu certains effets d’aubaine, il est important de maintenir l’objectif du Grenelle visant à faire de la Réunion un territoire autonome en matière énergétique à l’horizon de 2030. Il faut continuer à encourager la production photovoltaïque tout en favorisant son environnement juridique et fiscal.

M. Philippe Plisson. Je ne pense pas que la mise en œuvre des énergies renouvelables se fasse harmonieusement. Le développement de l’éolien a connu un net ralentissement, puisque 80 mégawatts supplémentaires ont été enregistrés au premier semestre 2011 contre 700 au premier semestre 2010. Cette évolution résulte-t-elle des mesures restrictives de la loi Grenelle II ? À mon avis, oui.

Le décret concernant les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie prévoit que ceux-ci doivent être rendus publics avant le 30 juin 2012 alors que la loi disposait qu’ils devaient être mis en œuvre d’ici au 14 juillet 2011 : comment expliquer-vous ce décalage ? La loi ne s’impose-t-elle pas au décret ?

Les décrets relatifs aux normes ICPE et à la règle des 5 mâts minimum pour les parcs d’éoliennes n’ont pas été publiés, ce dont je me réjouis : j’y vois une prise de conscience par le Gouvernement de leur nocivité.

Concernant le photovoltaïque, le Gouvernement annonce un dispositif de 500 mégawatts contre près de 700 mégawatts raccordés en France en 2010 et 7 000 en Allemagne. Comment expliquez-vous cette distorsion alors que 5 000 emplois ont été supprimés dans cette filière depuis le début de l’année ?

Avez-vous des informations sur le cahier des charges – très attendu – des futurs appels d’offres photovoltaïques prévu pour cet été ?

M. Jean-Louis Léonard. La loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009 avait mis fin à une pratique défigurant nos paysages et livrant à des investisseurs peu scrupuleux une grande partie de nos campings littoraux. Le Gouvernement a souhaité ensuite revenir sur cette loi pour intégrer dans le Grenelle un dispositif plus complet. Or, force est de constater que celui-ci n’est pas en vigueur – aucun décret n’ayant été publié à ce jour – et que nous sommes confrontés à un vide juridique, lequel rend la situation extrêmement complexe et devrait conduire, au mieux, à des contentieux et, au pire, à une défiguration complète de notre pays.

M. Jean-Marie Sermier. Le Grenelle de l’environnement comporte beaucoup d’objectifs concrets en matière de transports, de déchets et d’énergie, mais le plus important est le changement de mentalités qu’il impose avec, notamment, la gouvernance à cinq. Il a donné une place particulière aux associations et fondations en faveur de l’environnement : le Conseil économique et social a été transformé en Conseil économique, social et environnemental et il a, de même que les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, accueilli les représentants de ces organismes.

Les nominations en cours tiennent-elles compte des équilibres entre les différentes sensibilités ?

Nous avons voté récemment une loi sur la chasse reconnaissant aux fédérations départementales un rôle en terme de communication. Sont-elles représentées dans ces conseils ?

Par ailleurs, si les associations ont de nouvelles responsabilités, elles doivent aussi avoir de nouvelles exigences au regard de leur propre gouvernance et de leur mode de financement. Or certaines fondations, liées financièrement à de grands groupes économiques, doivent faire œuvre de transparence. Je souhaite à cet égard que votre rapport final précise les intentions et les engagements des principaux partenaires de la gouvernance à cinq.

Mme Marie-Lou Marcel. En matière de prévention des pollutions lumineuses ou sonores, l’article 173 prévoit pour les exploitants et utilisateurs des prescriptions dont les modalités doivent être définies par décret. Or, des sociétés d’affichage remettent en cause celui-ci par la voie du groupe JCDecaux, qui est le numéro un mondial du secteur. Si ce texte n’empêchera pas l’installation de panneaux publicitaires de grand format, il encadrera les installations afin d’éviter que leur profusion ne défigure les entrées des villes. Où en est ce décret ? Fait-il partie des 30 % qui devraient être publiés prochainement ?

M. Daniel Fidelin. La mission parlementaire sur l’éolien prévoyait l’absence de normes ICPE pour les éoliennes en mer. Or, il semblerait que la loi présente un flou juridique, le classement des ICPE n’étant pas encore défini : ces éoliennes feront-elles l’objet d’une dérogation au classement ou d’un décret distinct ? Il y a urgence : des appels d’offres doivent être rendus publics dans les jours à venir.

M. Martial Saddier. L’arrêté de recomposition du Conseil national de l’air a été publié et celui-ci s’est réuni hier matin. Ce sont 33 zones prioritaires de l’air (PPA) qui ont été réactivées en France et huit collectivités sont candidates pour élaborer une zone d’action prioritaire pour l’air (ZAPA). Par ailleurs, six contrats ont déjà été signés avec l’ADEME pour financer l’étude d’impact relative à l’élaboration du règlement intérieur de ces zones. Le Conseil a donné un avis favorable aux propositions de décret et arrêtés du Gouvernement, concernant respectivement la classification des véhicules deux roues, légers, poids lourds et autobus, les contraventions ainsi que les véhicules autorisés à rouler malgré les pics de pollution. Ces textes devraient être publiés cet automne de manière que soit élaborée à la fin de l’année une proposition de règlement intérieur de ces zones.

M. Jean-René Marsac. Il est question, dans la note d’étape, de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE). La responsabilité sociétale des entreprises ajoute-t-elle de la valeur au dispositif ou n’est-elle qu’un élément d’affichage ?

Le portage d’entreprises combine recherche de profits et service, sur le long terme, de l’intérêt général. Le secteur coopératif me semble donc tout indiqué pour porter, aux côtés du secteur entrepreneurial traditionnel, les objectifs du Grenelle de l’environnement. Ce secteur a su montrer son efficacité à d’autres époques, quand il a fallu relever des défis de taille, concernant l’agriculture ou le logement.

M. Jean Proriol. Le volet agricole de la loi Grenelle II appelle neuf décrets d’application. Un seul a été pris à ce jour. Parmi ceux qui restent, je voudrais tout particulièrement insister sur les deux décrets relatifs à la haute valeur environnementale (HVE).

L’objectif du Grenelle d’engager 50 % des exploitations agricoles dans la certification d’ici à 2012 est ambitieux, mais sera difficile à atteindre. Pourrait-on prendre des mesures incitatives à l’égard des agriculteurs ? Pourrait-on simplifier le dispositif en prenant en compte la situation existante, puis introduire une certaine progressivité ? Attention, en tout cas, au niveau communautaire : la certification des exploitations risquerait d’entraîner une réelle distorsion de concurrence vis-à-vis des autres producteurs européens, qui ne seraient pas placés dans les mêmes conditions que les nôtres.

Enfin, nous devrions nous assurer de la bonne articulation de cette démarche avec d’autres – je pense notamment aux signes officiels de qualité et d’origine.

M. le président Serge Grouard. Le temps que nous avons consacré à la présentation de l’application du Grenelle II se justifie pleinement par l’importance de l’enjeu. Je propose maintenant aux rapporteurs de répondre de façon synthétique aux questions posées par nos collègues, tout en précisant que leur rapport final reprendra ces réponses en détail et approfondira certaines questions qui ont été relevées ce matin.

M. Bertrand Pancher, rapporteur. Yanick Paternotte a remarqué que certains des décrets à venir étaient peut-être inutiles ou avaient été signalés comme tels par les services du ministère. Au cours de la réunion de travail que nous avons prévu d’organiser avec ces services, nous nous prononcerons sur l’opportunité de les maintenir.

Il est exact que, dans certains domaines, il était judicieux de ne pas se précipiter. C’est le cas de l’étiquetage environnemental, dont l’expérimentation se met en place dans de bonnes conditions, avec de nombreux volontaires.

Par ailleurs, tous les textes à vocation législative et réglementaire – importants sur le plan européen – font l’objet d’une analyse d’impact, qui est menée par un organisme indépendant. Mais, si l’analyse d’impact n’est pas réalisée, le projet de réglementation n’est pas poursuivi et ne peut être débattu. Dans l’avenir, nous pourrions adopter un modèle équivalent pour évaluer nos textes.

Jean-Paul Chanteguet a soulevé la question du péage urbain, qui intéresse plusieurs villes comme Strasbourg, Grenoble ou Lyon. Mais le péage urbain ne peut être mis en place sans qu’on l’accompagne d’autres mesures environnementales. J’ai effectué récemment avec Catherine Quéré un déplacement pour voir comment Amsterdam conduit son projet de ville durable : de manière générale, nous aurions intérêt à nous appuyer, au niveau national, sur des exemples européens.

Notre collègue André Chassaigne – très critique – ne m’a pas semblé au meilleur de sa forme. En effet, il convient d’adopter une attitude nuancée et de ne pas oublier que, dans certains domaines, nous pouvons nous enorgueillir d’avancées très importantes.

François Brottes a relancé le débat sur les zones humides. Il s’agit d’une question liée au partage de l’expertise et à la nécessité de disposer de moyens supplémentaires pour améliorer notre connaissance de la biodiversité : par exemple, nous savons que 10 %  seulement – voire moins – des espèces sont répertoriées. Par ailleurs, en cas de disparition d’une zone humide, il faut procéder à une compensation. Mais, quand il s’agit de choisir le mode de compensation et son périmètre, l’exercice devient périlleux. Une compensation locale est préférable, mais elle n’est pas toujours possible ; et quand elle est nationale, certains en critiquent la localisation.

Christophe Priou  s’est demandé si les décrets d’application prendraient en compte les conclusions du Grenelle de la mer. Pour le moment, ces décrets n’ont pas encore été pris.

Catherine Quéré a évoqué la politique du Gouvernement liée aux plans de prévention des risques technologiques. Le ministère chargé de l’écologie, qui participe aux travaux à hauteur de 30 %, considère que les 70 % restants devraient être répartis entre des crédits d’impôt supplémentaires, les entreprises et les collectivités. Le ministère du budget, souhaitant la suppression des crédits d’impôt, s’en remet aux entreprises et aux collectivités. Et pour le ministère de l’économie, seules les collectivités devraient être concernées. Il faut pourtant que tout le monde consente des efforts. Sinon, rien ne se fera.

M. Daniel Fasquelle a déploré l’éparpillement du parc éolien sur terre. Je suis d’accord. Mais encore faut-il que les décrets d’application soient pris, pour qu’on puisse apprécier les efforts réalisés !

Dans le domaine de l’affichage publicitaire, la situation est pour le moment insatisfaisante, comme nous l’avons relevé. Nous continuerons à suivre cette question.

Philippe Boënnec a évoqué les études d’impact. Je rappelle que celles-ci relèvent du bilan du Grenelle et que nous nous contentons, pour notre part, de faire le bilan de l’application de la loi. Reste que, généralement, les études d’impact sont insatisfaisantes en France. Elles feront d’ailleurs l’objet de certaines des préconisations que je remettrai au Président de la République dans les prochaines semaines, dans le cadre du rapport sur la gouvernance dont il m’a chargé.

Patrick Lebreton a posé la question des énergies renouvelables outre-mer. Je pense que nos présidents, par leur positionnement, l’ont convaincu de notre détermination en ce domaine.

Philippe Plisson a observé un ralentissement dans les installations d’éoliennes. Une fois pris, les décrets permettront de savoir s’il faut continuer sur le même rythme. Certes, Jean-Louis Borloo, alors ministre d’État, nous avait clairement indiqué que, si les mesures prises n’étaient pas bonnes, on les modifierait. Reste qu’il faut éviter tout retard en ce domaine, si nous voulons atteindre nos objectifs en matière d’énergies renouvelables et de biomasse.

Jean-Louis Léonard nous a alertés sur le vide juridique qui, selon lui, risque d’entraîner la défiguration de nos paysages. Il faudra regarder où en est le décret, car la question est d’importance.

Jean-Marie Sermier a parlé de la place accordée aux associations dans les différentes instances de gouvernance. Si la composition du CESE est satisfaisante, celle des CESER est à géométrie variable : organisations environnementales, mais aussi usagers de la nature, chasseurs et pêcheurs, etc. Nous avons regretté en la matière une certaine incohérence. Un meilleur calibrage s’impose en la matière.

Marie-Lou Marcel a appelé notre attention sur les décrets relatifs à la prévention des pollutions lumineuses ou sonores : ces textes sont encore actuellement en préparation ! Nous avons d’ailleurs fait part de notre frustration en ce domaine.

Quant à l’éolien offshore, nous l’avons déjà évoqué.

Martial Saddier nous a fourni des informations sur les huit ZAPA, et nous tenons à l’en remercier. Il me semble que cette importante question avait fait l’objet d’un amendement parlementaire.

Jean-René Marsac peut être rassuré : la RSE est une vraie valeur ajoutée. Elle contribuera à modifier le comportement des entreprises. Je suis déjà très frappé par la multiplication des fondations d’entreprises, qui n’hésitent pas à y consacrer des moyens importants. Et je remarque que les grands groupes, dont la gouvernance évolue, sont en train d’entraîner les PME-PMI.

Le secteur de la coopération est un modèle de gouvernance sur lequel nous avons intérêt à nous appuyer. Certains pouvaient penser que l’ancien modèle des coopératives avait vécu. Ce n’est pas le cas.

Enfin, je tiens à remercier Jean Proriol pour son implication et pour ses réflexions. Je lui répondrai qu’il ne faut pas avoir peur de la haute valeur environnementale : les efforts des organisations agricoles seront reconnus par les consommateurs. Nous enregistrons chaque année une augmentation de plus de 10 % de la consommation des produits biologiques, des produits du commerce équitable et des produits locaux. Cette hausse de la consommation pourra se traduire par des augmentations de prix, à condition évidemment que la profession agricole s’organise.

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. Les questions posées vont nous permettre de préciser notre rapport d’étape.

Bertrand Pancher a parlé de l’évaluation. Sans doute devrons-nous travailler sur la cohérence entre certaines mesures et les indicateurs de la LOLF.

Doit-on parler d’un verre à moitié vide ou d’un verre à moitié plein ? Le diable est dans les détails et, si la moitié des décrets ne sont pas pris, il n’est pas possible de répondre à cette question.

Les décrets sur la publicité ont pris du retard parce qu’un vrai débat s’est engagé. Les différents lobbies, qui font leur travail, « remontent au créneau ». Depuis trois ans, l’esprit du Grenelle a tendance à faiblir, comme cela ressort de certaines démarches institutionnelles ou représentatives.

Le Comité de suivi des énergies renouvelables a-t-il été mis en place ? Je ne le sais pas, mais il serait intéressant de faire le point à ce propos. Je suis en effet convaincu que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) ne seront pas atteints, quels que soient nos efforts, notamment en matière de biomasse.

L’intervention d’André Chassaigne a été classiquement très politique. Mais je ferai moi aussi une remarque politique : l’état d’esprit a beaucoup changé. Pendant la tenue du congrès national de la FNSEA, les titres de Ouest France incitaient à penser que l’environnement était un boulet et qu’il fallait s’affranchir des contraintes qu’il entraîne. Rappelons-nous qu’en premier, le Président de la République, pour sa part, avait fait passer au Salon de l’agriculture un message du même ordre, à savoir que l’environnement, « ça commence à bien faire ! ». Il ne faut pas s’étonner, ensuite, qu’il soit difficile de mettre en place des labels comme la HVE.

François Brottes a insisté sur la labellisation des bureaux d’étude réalisant des DPE. Je remarque que les premières certifications devront être renouvelées dans six mois et que nous ne pouvons pas attendre la remise de notre rapport final. Quelque soit le ministère ne charge de la question, il y a urgence à décider, d’autant plus que tout le monde semble d’accord.

Le Grenelle de la mer a-t-il été incorporé dans les textes comme le souhaitaient nos collègues ? C’était à eux de s’en assurer, au moment du vote de la loi Grenelle II. Nous ne pouvons que vérifier l’application des dispositions adoptées et relever d’éventuels manques. Nous ne « refaisons » pas la loi !

Philippe Boënnec s’est demandé si des études d’impact avaient été réalisées sur les conséquences financières que la loi aura sur le terrain. Il est évident que la réticence dont font preuve certaines collectivités territoriales – notamment pour prendre en compte les émissions indirectes – s’expliquent par les ressources qu’elles vont devoir y consacrer. On peut sans doute accorder des délais aux collectivités locales. Mais, si l’on commence ainsi, où s’arrêtera-t-on ?

François Brottes a dit, pour sa part, qu’il faudrait s’assurer de la façon dont les décrets et les arrêtés étaient appliqués sur le terrain. Il se trouve, par exemple, que l’administration fiscale traite les dossiers de demande de déduction fiscale sur l’énergie, alors qu’elle n’a aucune compétence technique en la matière, et cela peut expliquer bien des problèmes. Plus généralement, avant de voter d’autres lois, il conviendrait de mener des études d’impact sur les lois déjà en application.

S’agissant de la filière photovoltaïque à la Réunion, nous nous sommes déjà exprimés : la politique de stop and go a des effets très néfastes.

La question de l’influence des différents groupes dans la gouvernance à cinq est intéressante. Je ne sais pas si le décret sur la représentativité la prend en compte.

Sur la RSE, nos avis diffèrent. Je considère pour ma part que la loi Grenelle II n’allait pas assez loin en ce domaine. Les réticences exprimées par le MEDEF à propos des seuils de déclenchement d’une offre publique obligatoire, abaissés par l’article 50 de la loi de régulation bancaire, montrent que les mentalités n’ont pas totalement évolué. La répugnance des entreprises à voir que les parties prenantes consultent leur rapport RSE prouve que la route qui nous attend sera encore très longue.

Effectivement, le système coopératif n’apparaît pas, en tant que tel, dans le Grenelle II. Je pense moi aussi que nous devrions nous en inspirer davantage.

Enfin, il faut éviter de décrédibiliser la certification HVE, qui répond à une idée intéressante. Nous devrons être suffisamment exigeants en ce domaine.

Mme Frédérique Massat, corapporteure pour les titres III (énergie et climat) et IV (agriculture). Je voudrais apporter quelques compléments.

Jean-Paul Chanteguet nous a interrogés sur le comité de suivi des énergies renouvelables que, selon la loi, le Conseil supérieur de l’énergie doit créer en son sein. L’a-t-il fait ? Nous ne le savons pas, mais nous allons le lui demander. Le comité de suivi devra évaluer la progression vers l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Or cet objectif ne sera pas atteint, étant donné le rythme de croisière actuel. C’est du moins ce qui ressort des auditions – notamment celle du Syndicat des énergies renouvelables – que nous avons menées.

Philippe Plisson s’est inquiété du fait que les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie devraient être rendus publics le 30 juin 2012, alors que la loi prévoyait qu’ils devraient être mis en œuvre avant le 14 juillet 2011. En fait, selon le décret, si la région n’a pas élaboré de SRCAE au 30 juin 2012, le préfet de région prendra les rênes du dispositif, s’exonèrera des consultations et proposera de lui-même un schéma. Il est évident que la date du 14 juillet 2011 ne sera pas respectée. Dont acte ! Mais, de toute façon, le décret n’impose pas que l’on prenne une autre loi.

Je rappelle par ailleurs que les éoliennes en mer ne sont pas soumises aux obligations des ICPE. Leur situation est totalement différente de celle des éoliennes sur terre et nous nous baserons sur les appels d’offre.

S’agissant des éoliennes sur terre, Daniel Fasquelle a regretté que le mitage n’ait pas disparu, malgré le vote de la loi. De fait, les dispositifs qui ont été adoptés avant cette loi sont encore en vigueur. Un projet éolien ne s’élaborant pas en quinze jours, certaines autorisations ont été délivrées antérieurement et restent valables. Voilà pourquoi nous voyons aujourd’hui fleurir des éoliennes qui ne rentrent pas dans le cadre de la loi Grenelle II car elles sont soumises à un régime différent, qu’il n’est pas question de remettre en cause.

M. Daniel Fasquelle. Inutile de nous rappeler qu’en la matière, la loi n’est pas rétroactive !

Mme Frédérique Massat. Je souhaitais simplement souligner que les autorisations antérieures demeuraient valables et que la nouvelle réglementation des ZDE ne les concernait pas.

M. le président Serge Grouard. Que les éoliennes offshore ne soient pas intégrées dans une logique ICPE me semble tout à fait intéressant pour l’ultra-marin. (sourires)

M. Bertrand Pancher, rapporteur. Philippe Tourtelier s’est félicité de la qualité du travail des services de l’Assemblée nationale. Je tiens pour ma part à lever tout malentendu, qui aurait pu naître de mon intervention de tout à l’heure : je n’ai pas remis en cause cette qualité, j’ai simplement déploré la faiblesse quantitative des moyens humains et d’expertise mis à notre disposition, compte tenu de l’ampleur du texte.

En ce qui concerne la poursuite de nos travaux sur le contrôle de l’application de la loi Grenelle II, vos deux rapporteurs vous proposeront d’adopter une méthode de suivi un peu différente. Nous souhaitons en effet entendre les acteurs dans le cadre d’auditions publiques ou de tables rondes thématiques.

M. le président Serge Poignant. Beaucoup d’entre vous ont évoqué « le verre à moitié vide ou à moitié plein ». Il est normal de relever en premier lieu les manques ou les insuffisances. Mais reconnaissons que la loi Grenelle est « conséquente », et que de nombreux décrets d’application ont déjà été pris.

Je terminerai en évoquant la remarque politique faite par Philippe Tourtelier. Contrairement à ce qu’il a laissé entendre, il n’y a pas de revirement. Les élus de la majorité ont toujours affirmé que la démarche du Grenelle de l’environnement avait été très positive dans la mesure où elle avait permis de réunir tous les acteurs, mais qu’il fallait profiter de la nécessité qu’il y avait à défendre l’environnement pour développer notre économie et créer des emplois.

Bien sûr, l’équilibre est difficile à trouver. La crise – économique et agricole – est passée par là. Il n’est pas toujours facile d’appliquer sur le terrain les dispositions adoptées. Enfin, pour que tous les acteurs s’impliquent, il faut qu’ils y trouvent leur intérêt – économique, notamment. S’il le fallait, les présidents de commission interviendraient auprès des ministres concernés pour leur soumettre les questions évoquées aujourd’hui, y compris celles qui seraient allées au-delà du simple examen de cette note d’étape.

M. le président Serge Grouard. C’est l’urgence climatique et environnementale qui nous a conduits à engager la logique du Grenelle de l’environnement. Et, sans nous lancer de satisfecit, reconnaissons que nous avons progressé sans doute davantage et mieux que les autres, comme nous pouvons le constater lors des négociations internationales ou au vu des résultats publiés par l’Agence internationale de l’énergie.

Le Grenelle de l’environnement est parfois perçu comme une contrainte supplémentaire. Pour nous, il s’agit d’un outil essentiel de transition économique, qui nous permettra d’améliorer la compétitivité de notre pays. Voilà pourquoi j’ai indiqué tout à l’heure que nous avions besoin de nous appuyer sur des filières industrielles solides et sur une véritable politique industrielle.

On ne fait plus du Keynes ou du Friedman, mais du Schumpeter. Cela signifie que, sur les thématiques essentielles – et la thématique environnementale en est assurément une –, des politiques structurelles doivent être mises en œuvre. Il serait souhaitable que de nombreux États partagent cette analyse et s’engagent dans la même voie, du fait de l’urgence climatique et environnementale.

Pour autant, chers collègues, le débat n’est pas épuisé, et je vous remercie pour la qualité de nos échanges, lesquels honorent l’Assemblée nationale.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 juin 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, M. Jean-Michel Couve, M. William Dumas, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. René-Paul Victoria

Excusés. - M. Jean Auclair, M. Bernard Brochand, Mme Catherine Coutelle, Mme Corinne Erhel, M. Bernard Gérard, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, Mme Josette Pons, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, M. Patrick Lebreton