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Commission des affaires économiques

Mardi 5 juillet 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 82

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 3508) (M. Daniel Fasquelle, rapporteur).

La commission a débuté l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 3508) sur le rapport de M. Daniel Fasquelle.

La Commission examine, sur le rapport de M. Daniel Fasquelle, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 3508.)

La discussion générale ayant eu lieu la semaine dernière, la Commission procède à l’examen des articles du projet de loi.

M. le président Serge Poignant. Je vous signale que les amendements CE 63 et CE 170 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CE 133 de Mme Annick Le Loch, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.

Mme Annick Le Loch. Une proposition de loi de notre ancien président, Patrick Ollier, devait achever la réforme de l’urbanisme commercial, notamment en réintégrant celui-ci dans le droit commun de l’urbanisme. Il fallait en effet corriger la loi de modernisation de l’économie (LME), qui a favorisé les zones commerciales en périphérie des villes au détriment des commerces de centre-ville. Cette proposition de loi a été examinée à l’Assemblée nationale en première lecture le 16 juin 2010, puis au Sénat le 31 mars 2011, où elle a été largement modifiée, notamment après les fortes pressions exercées par les grandes enseignes de distribution. Cet amendement en reprend les dispositions, fort intéressantes, même si elles sont encore perfectibles s’agissant des conditions d’équilibre entre le commerce de proximité et les grandes surfaces en périphérie urbaine. Ce ne sont pas les récentes observations de l’Observatoire des prix et des marges qui risquent de nous dissuader d’aborder cette question de l’urbanisme commercial, le Gouvernement lui-même ayant dénoncé des marges abusives.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Laissons l’examen de la proposition de loi suivre son cours. Celle-ci vise en outre à réintégrer dans le code de l’urbanisme certaines dispositions de droit commercial, ce qui vise justement à quitter le giron du droit de la consommation.

M. Michel Piron. Cet excellent amendement, auquel il n’y a rien à changer, mériterait sans nul doute que nous l’approuvions à l’unanimité. Pour autant, il n’a que peu à voir avec le texte que nous examinons et je ne peux donc y souscrire. En revanche, il serait urgent que la proposition de loi Ollier, confortée et améliorée par le Sénat, soit inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée.

M. François Brottes. Nous ne pouvons nous contenter de la réponse dilatoire du rapporteur et attendons avec intérêt celle du Gouvernement. On ne peut pas nous dire que parce qu’il concerne l’urbanisme commercial, cet amendement n’a pas sa place dans un texte relatif à la protection des consommateurs. En effet, notre collègue Michel Piron et notre ancien collègue Patrick Ollier nous avaient convaincus qu’en regroupant toutes les dispositions relatives à la grande distribution dans le code de l’urbanisme, on agissait dans l’intérêt des consommateurs. Nous considérions tous que les centrales d’achat étaient trop concentrées et qu’une concurrence plus loyale devait profiter aux consommateurs.

Nous savons que le Gouvernement est farouchement opposé à ce texte, qui ne reviendra jamais devant l’Assemblée. C’est d’ailleurs ainsi, en ne l’inscrivant pas à l’ordre du jour, qu’il espère l’enterrer. Si nous présentons cet amendement, c’est parce que ses dispositions profiteront aux consommateurs en favorisant l’accès à des commerces n’étant pas tous aux mains d’un même groupe et d’une même centrale d’achat. Nous ne sommes donc pas du tout hors sujet.

Mme Laure de La Raudière. Nous n’allons pas, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, qui vise à régler rapidement certains problèmes concrets rencontrés par les consommateurs, rouvrir tous les débats qui ont eu lieu au sein de notre commission depuis 2007 et pouvant les toucher de loin. Restons-en à l’objet spécifique du texte qui nous occupe et faisons en sorte qu’il puisse être définitivement adopté avant la fin de l’année. Au nom du groupe UMP, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, qui constituerait un cavalier législatif.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous n’allons bien sûr pas rouvrir ici tous les débats. Nous n’en revendiquons pas moins le droit d’obtenir des réponses à certaines questions. Ainsi le Gouvernement avait-il pris un engagement formel concernant le fichier positif. Où en est-on aujourd’hui ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Le projet de loi a été préparé à partir des réclamations parvenues à la DGCCRF, notamment dans le domaine des dépenses contraintes des ménages. Il ne doit pas être l’occasion de rouvrir tous les débats passés ou en cours, de surcroît lorsque le sujet relève du ministre chargé de l’urbanisme.

M. François Brottes. Je peux comprendre que vous ne souhaitiez pas inscrire de nouveau la proposition de loi Ollier à l’ordre du jour de l’Assemblée ou que vous ne soyez pas d’accord avec notre amendement, mais ne nous dites pas que ces dispositions n’ont rien à voir avec la protection des consommateurs ! Aujourd’hui, toutes les décisions prises en commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), puis contestées, y compris par des associations de consommateurs, reçoivent ultérieurement un avis favorable de la CNAC qui tranche en faveur de la grande distribution. Quid des droits des consommateurs ?

Mme Annick Le Loch. Quand la proposition de loi Ollier sera-t-elle de nouveau inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée ? Les attentes sont grandes sur le terrain. L’essentiel de la consommation est réalisé au sein de la grande distribution. Le sujet serait-il tabou ?

La Commission rejette l’amendement CE 133.

Article 1er  (Titre IV [nouveau] du Livre III du code de commerce) : Dispositions relatives aux réseaux de distribution

La Commission examine l’amendement CE 289 de Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Le titre IV du code de commerce, intitulé « Des réseaux de distribution », pourrait laisser penser que tous les secteurs d’activité sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application du texte, alors que l’exposé des motifs vise clairement les réseaux de distribution alimentaire. Afin de lever toute ambiguïté, je propose de préciser « d’alimentation générale ».

M. le rapporteur. Vous avez raison. Je préférerais toutefois qu’on modifie le titre en parlant de « réseaux de distribution alimentaire ». Je présenterai d’ailleurs un amendement ultérieur qui va également en ce sens.

Mme Catherine Vautrin.  J’accepte volontiers cette rectification.

M. François Brottes. Cette précision soulève un problème. La grande distribution qui n’est pas exclusivement alimentaire sera-t-elle par conséquence exclue du champ d’application de ces dispositions ? La distinction n’est pas neutre, notamment en matière de travail dominical, puisqu’un commerce de la grande distribution ne vendant que des produits alimentaires a le droit d’être ouvert tous les dimanches jusqu’à 13 heures sans avoir à rendre aucun compte.

Mme Catherine Vautrin. On vise bien la distribution alimentaire par opposition aux magasins de bricolage par exemple.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement tel que rectifié par le rapporteur.

La Commission adopte l’amendement CE 289 ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CE 485 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que la convention d’affiliation ne se substitue ni aux contrats que les opérateurs peuvent avoir conclus par ailleurs, ni aux liens d’autre nature éventuellement noués au sein du groupe, sous forme de contrat, de coopérative, d’association, ou même de société civile ou commerciale. Il précise également, comme je l’ai précédemment laissé entendre, que cette convention trouve à s’appliquer dans les réseaux de distribution à dominante alimentaire, ce qui exclut d’autres réseaux de distribution spécialisée, d’outillage ou de jouets par exemple.

M. François Brottes. La formule des magasins Leclerc est donc sauvegardée.

Mme Laure de La Raudière. Ils ne sont pas seuls concernés.

Mme Catherine Vautrin. En réalité, sont visés les réseaux non intégrés.

M. François Brottes.  Que signifie « commerces à dominante alimentaire » ? L’alimentation doit-elle représenter la plus grande surface de vente dans le magasin ? La majeure partie du chiffre d’affaires ?

M. le rapporteur. Le chiffre d’affaires doit provenir pour plus du tiers de la vente de produits alimentaires : c’est d’ailleurs ce que précise l’alinéa 13 de l’article.

La convention d’affiliation ne se substitue pas aux liens d’autre nature ayant pu être noués au sein du groupe. Elle n’en est pas non plus exclusive.

Mme Sandrine Mazetier. Pourquoi d’autres secteurs que la distribution alimentaire seraient-ils dispensés de conventions d’affiliation aussi formelles ?

Mme Catherine Vautrin. Le texte initial créait un amalgame entre, d’un côté, les contraintes nées de régimes d’affiliation par contrat, comme les franchises, et, d’un autre côté, celles nées de l’adhésion à un groupement. L’amendement clarifie les choses.

M. le rapporteur. La convention d’affiliation est un cadre général, trouvant à s’appliquer, quelle que soit la nature des relations juridiques au sein du groupement.

M. François Brottes. Bref, que changera la nouvelle rédaction par rapport à la situation actuelle ?

M. le rapporteur. Rien sur le fond. Il s’agit seulement de mieux articuler la convention d’affiliation avec les autres liens juridiques et de clarifier les relations entre les divers partenaires. Nous répondons ainsi aux interrogations formulées par certains opérateurs, qui ne comprenaient pas la portée exacte de cette convention.

M. le secrétaire d’État. Vu l’inquiétude des indépendants de voir remis en cause leur modèle, je souhaitais qu’on cherche à préserver les équilibres. Le rapporteur y est parvenu et je l’en remercie.

La Commission adopte l’amendement CE 485.

Elle en vient à l’amendement CE 486 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement complète le précédent en précisant que la convention d’affiliation s’applique « sous réserve des règles statutaires et décisions collectives adoptées conformément aux lois sur les associations, les sociétés civiles, commerciales ou coopératives. »

M. Jean Gaubert. En gros, il corrige le précédent. Il semble qu’on ait donné satisfaction à un président de groupement bien connu qui avait fait part de son courroux !

M. le secrétaire d’État. Cet amendement n’est nullement contradictoire avec le précédent : il lui est complémentaire. Il précise que les règles statutaires ne peuvent toutefois faire obstacle aux dispositions des articles L.340-4, L.340-5 et L.340-6 du code de commerce.

M. le rapporteur. Ces articles facilitent la sortie d’un réseau au commerçant qui le souhaite. Il fallait à la fois tenir compte de la diversité des formes juridiques des groupements en France et empêcher que les règles statutaires ne fassent obstacle à la fluidité souhaitée. Cet amendement à la fois préserve les équilibres et apporte une sécurité juridique.

M. François Brottes. Lorsque le rapporteur réécrit la quasi-totalité d’un article, pourrait-il nous présenter de façon liminaire l’ensemble des nouvelles dispositions, de façon que nous puissions en comprendre la portée globale ?

M. le président Serge Poignant. J’en suis d’accord.

M. le rapporteur. Il n’est pas propre à la grande distribution que des liens se nouent entre opérateurs économiques, libres de leur organisation, autrement que dans le cadre de contrats classiques. Le texte initial prenait insuffisamment en compte le cas particulier des opérateurs ayant choisi des formes sociales pour se structurer. Mes amendements visent à y remédier. Le droit des associations ou des coopératives prime sur la convention d’affiliation en cas de besoin, sous les réserves énoncées, car il importe que les opérateurs puissent quitter facilement un groupement s’ils le souhaitent. Les articles L.340-4, L.340-5 et L.340-6 mettent fin à des pratiques qui étaient régulièrement dénoncées à ce sujet.

Mme Laure de La Raudière. Rassurez-vous, chers collègues de l’opposition, aucun groupement ne fait la loi. Simplement lorsque nous légiférons, nous devons prendre en compte toutes les formes d’organisation de la distribution qui existent dans notre pays. Aux côtés des réseaux d’indépendants, comme Leclerc, Super U, Intermarché, il y a des réseaux intégrés comme Carrefour, Auchan, Casino.

La Commission adopte l’amendement CE 486.

Puis elle adopte l’amendement de précision CE 487 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CE 317 rectifié de M. Dionis du Séjour et CE 288 de Mme Catherine Vautrin.

M. Jean Dionis du Séjour. La liberté des affiliés de se dégager des contrats d’affiliation est un vrai problème. La convention d’affiliation constitue un vrai progrès. Pourquoi le texte initial la réservait-il uniquement aux produits alimentaires ? Mon amendement vise à ce qu’il existe une telle convention pour tous les types de commerce. La problématique me paraît la même dans l’équipement de la maison, le prêt-à-porter…

Mme Catherine Vautrin. Il convient de préciser que la disposition de l’alinéa 13 ne vise pas les commerces de distribution alimentaire spécialisée : c’est bien la distribution « généraliste » qui est ici en cause.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

Le projet de loi vise clairement les réseaux de distribution alimentaires, monsieur Dionis du Séjour. C’est dans ce secteur que les problèmes ont été identifiés et analysés. N’oublions pas que le point de départ du texte est, sur ce sujet, un rapport très argumenté de l’Autorité de la concurrence, contenant une analyse économique précise du marché. Il est donc préférable de s’en tenir à ce périmètre.

Je comprends votre préoccupation, madame Vautrin, mais il n’existe pas de définition légale et claire de la notion de distribution alimentaire spécialisée. L’amendement risque d’amener plus de confusion que de clarté.

M. Jean Dionis du Séjour. Lors de son audition, j’avais interrogé le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, sur la justification de cette proportion d’un tiers du chiffre d’affaires, mais sa réponse ne m’avait pas convaincu. Dans les secteurs de l’équipement de la maison et du prêt-à-porter, par exemple, les rapports entre franchiseur et franchisé posent les mêmes problèmes que dans l’alimentation. J’ai l’impression que M. Lasserre a fait face à de nombreuses récriminations ces derniers mois ; pour autant, serait-il si grave d’élargir le périmètre de la disposition ?

M. François Brottes. Nous nous sommes déjà émus, au moment de la discussion de l’amendement tendant à modifier l’intitulé du titre IV, de la restriction des dispositions au champ de la distribution alimentaire.

De fait, cet article 1er ne sert plus à grand-chose. Le carcan – pour ne pas dire l’esclavagisme – de la franchise existe bien au-delà du secteur alimentaire. Dans l’habillement ou dans la chaussure, par exemple, il serait bon de permettre aux franchisés de s’en libérer. Et nous sommes d’autant plus enclins à voter l’amendement de M. Dionis du Séjour qu’il est très facile de définir ce qu’est un commerce en libre-service.

Sur le plan juridique, je suis étonné que notre rapporteur, si rigoureux d’habitude, laisse passer une condition aussi incertaine que celle du tiers du chiffre d’affaires provenant de la vente de produits alimentaires. Suffira-t-il que l’exploitant passe pour un temps au-dessous de cette proportion pour qu’il ne soit plus lié par la convention ? C’est du grand n’importe quoi !

Mme Catherine Vautrin. À la différence de M. Brottes, je ne considère pas que la franchise soit de l’esclavagisme. C’est au contraire, pour beaucoup de nos concitoyens, la possibilité de devenir chef d’entreprise.

De plus, l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence en décembre 2010 reposait sur le constat d’une hyperconcentration à Paris, notamment. Si je ne suis pas convaincue que, dans la rédaction du Gouvernement, l’article 1er apporte une solution, je rappelle aussi que ce problème concerne les supérettes parisiennes et nullement les commerces spécialisés. C’est le sens de mon amendement.

Mme Sandrine Mazetier. Il n’y a aucune raison de limiter la disposition aux commerces alimentaires. En tant qu’élue parisienne, je constate moi aussi que la concentration dans ce secteur fausse la concurrence, mais les mêmes groupes sont également présents dans la distribution spécialisée et le phénomène se reproduira.

De toute façon, l’alinéa 14 vient balayer les subtilités de l’alinéa 13 en disposant qu’« Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé à cette obligation. » Bref, alors que l’on croyait légiférer de façon précise, il apparaît que l’on s’arrangera discrètement en Conseil d’État.

M. Michel Piron. Nous parlions tout à l’heure d’activité « dominante ». Une activité représentant le tiers du chiffre d’affaires est-elle vraiment dominante ?

Mme Annick Le Loch. Je me demande où l’on veut nous mener avec certains amendements. À l’évidence, il s’est passé quelque chose entre la semaine dernière et aujourd'hui. L’article 1er avait pour objectif de limiter l’opacité des contrats et de développer la mobilité des enseignes dans des secteurs où la concentration empêche la concurrence de s’exercer. Il reposait sur une étude précise et fournie – même si la région parisienne était en effet en première ligne – de l’Autorité de la concurrence. Aujourd'hui, la perspective n’est plus la même : on est en train de réécrire complètement l’article après que certains grands distributeurs ont mis en avant ce qu’ils considèrent comme des « aberrations » du texte.

M. le rapporteur. Dans ce cas, mieux vaut ne pas adopter les amendements en discussion afin d’éviter de modifier encore plus l’article 1er...

Mme Annick Le Loch. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. le rapporteur. Plus sérieusement, je partage l’idée qu’il faut maintenir la cohérence initiale du texte, qui repose sur l’avis de l’Autorité de la concurrence et vise un dysfonctionnement dans le secteur particulier de la distribution alimentaire. Les points de blocage que l’Autorité y a constatés ne sont pas les mêmes que dans d’autres domaines. Je précise également que la définition des commerces alimentaires est issue des travaux de l’INSEE, qui est aujourd’hui acceptée par tous.

M. Jean Gaubert. On aura dit tout et son contraire sur cet article 1er ! Il était censé être parfait dans sa rédaction initiale. Or le rapporteur le réécrit entièrement puis indique qu’il ne fallait pas y toucher...

Plus généralement, la volonté de limiter le texte à son objet de départ reflète bien ce que notre Assemblée vit depuis neuf ans. Nous n’avons quasiment jamais été saisis d’un projet s’emparant de la totalité des problèmes. Vous avez accumulé les pansements et, à chaque ajout, vous vous êtes rendu compte que cela craquait un peu plus loin. Nous avions soulevé ces problèmes lors de la discussion de la loi de modernisation de l’économie mais vous avez refusé de les aborder. Aujourd'hui, vous en traitez certains indépendamment du reste, si bien que vous allez ouvrir d’autres vannes. Vous laissez ainsi du travail pour la prochaine législature mais, ce faisant, vous concourez largement à l’instabilité juridique. Si celle-ci nourrit les grands cabinets d’avocats, elle crée en revanche bien des difficultés aux petits entrepreneurs dont vous prétendez vous soucier.

Mme Catherine Vautrin. C’est vrai.

M. le secrétaire d'État. Bien qu’ils soient en discussion commune, ces amendements ont des objectifs opposés.

L’amendement de Mme Vautrin est cohérent avec sa proposition de modification de l’intitulé du titre IV : il s’agit de rester dans le champ délimité par l’Autorité de la concurrence. Je lui demande néanmoins de bien vouloir le retirer, car la notion de « distribution alimentaire spécialisée » n’est pas juridiquement définie – c’est d’ailleurs pour cette raison que le projet de loi vise les commerces en libre-service, ce qui permet d’exclure les commerces de bouche tels que boucheries, boulangeries, confiseries, chocolateries, etc. En outre, le renvoi au décret permet de préciser les secteurs d’activité concernés afin d’éviter une application trop extensive.

Je comprends l’intention de M. Dionis du Séjour mais je rappelle que l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence le 7 décembre 2010 pointe le manque de mobilité dans le seul secteur de la distribution alimentaire. En l’absence d’analyse révélant des difficultés semblables dans d’autres secteurs, il n’est pas opportun d’étendre le dispositif car la loi ne serait alors plus proportionnée à un objectif d’intérêt général identifié.

M. François Brottes. Je doute qu’il existe aujourd'hui une obligation comptable par laquelle le commerçant devrait indiquer en toute transparence aux services compétents la part du chiffre d’affaires correspondant à la vente de produits alimentaires. Le texte renvoie à une notion non seulement flottante, mais incontrôlable. Cela ne sert à rien !

M. Jean Dionis du Séjour. Au-delà de la question de la faisabilité que soulève M. Brottes et qui procède, à mon sens, d’une mauvaise rédaction, que risquons-nous à voter un dispositif à portée générale ? Si tout va pour le mieux dans le prêt-à-porter, dans l’équipement de la maison, etc., pourquoi avoir peur ?

Mme Catherine Vautrin. Parce que, si on lit l’article jusqu’au bout, cela impliquerait de revoir toutes les conventions avant le 1er janvier 2014. Les cabinets auxquels M. Gaubert faisait allusion en feront leur miel alors que certaines activités ne rencontrent aucun problème de cet ordre à l’heure actuelle.

J’entends bien, monsieur le secrétaire d'État, qu’il n’existe pas de définition juridique du commerce alimentaire spécialisé. Cela dit, c’est notre rôle que d’avancer sur de tels sujets. L’examen du texte n’étant pas encore inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, il me semblerait constructif de mettre l’été à profit pour préciser les notions de distribution alimentaire et de commerce spécialisé. À défaut, beaucoup de questions resteront en suspens. Si nous pouvions examiner en séance publique des amendements de définition, nous disposerions d’une base de discussion emportant l’accord de tous.

M. le secrétaire d'État. Pour ce qui est du critère du tiers du chiffre d’affaires, la base n’est pas contestable : c’est la définition de l’INSEE qui sert de référence pour déterminer ce qui est alimentaire et ce qui ne l’est pas.

Par ailleurs, je comprends l’argument de Mme Vautrin. Le texte prévoit le renvoi à un décret plus détaillé mais il me semble très positif de continuer à travailler aux notions d’ici à septembre. En l’état, néanmoins, l’amendement présente une difficulté.

Mme Catherine Vautrin. Je le retire volontiers, mais le texte gagnera en force si nous avançons dans les définitions.

L’amendement CE 288 est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour. Je maintiens mon amendement.

M. Jean Gaubert. Le secrétaire d'État invoque l’INSEE, qui n’est en aucun cas un organisme de contrôle. À notre connaissance, et même si cela existe dans la pratique, il n’y a aucune obligation comptable à présenter la proportion de chiffre d’affaires par activité.

Par ailleurs, le fait que l’Autorité de la concurrence ait décidé de mener une enquête sur les commerces alimentaires à Paris et non sur l’ensemble des commerces ne vous autorise pas, monsieur le rapporteur, à affirmer qu’elle n’a rien trouvé dans d’autres secteurs.

La Commission rejette l’amendement CE 317 rectifié.

Elle est ensuite saisie des amendements CE 488 du rapporteur, CE 287 de Mme Catherine Vautrin, et des amendements identiques CE 94 de Mme Laure de La Raudière et CE 313 de M. Jean Dionis du Séjour, soumis à une discussion commune.

M. le rapporteur. L’amendement CE 488 vise à spécifier que le document unique formalisant la convention d’affiliation doit être remis à l’exploitant au moins deux mois avant que celui-ci ne la signe. Le texte ne comportait pas de précision sur ce point et il nous semble qu’un tel délai est suffisant pour l’examen du document et l’évaluation de ses conséquences.

De plus, l’amendement tend à permettre un renouvellement de la convention aussi bien explicite – ce que prévoit le texte – que tacite, pour une durée déterminée ou indéterminée, avec un délai de préavis permettant la résiliation tant pour l’engagement à durée déterminée que pour l’engagement à durée indéterminée.

Ces précisions devraient permettre d’atteindre l’objectif de fluidité souhaité par le texte.

Mme Catherine Vautrin. L’amendement CE 287 est de cohérence : à mon sens, le délai applicable pour la remise de la convention d’affiliation doit être le même que celui qui est prévu pour la remise des documents d’information précontractuels, soit vingt jours au minimum.

Mme Laure de La Raudière. Le texte interdit la tacite reconduction des conventions, ce qui revient, à la fin du contrat, à obliger les parties à renégocier, donc à s’engager dans des procédures lourdes et à acquitter des frais d’avocat alors qu’elles sont parfois d’accord. Je propose, par l’amendement CE 94, d’obliger l’organisation affiliante à adresser à l’affilié, six mois au moins avant l’expiration du délai de dénonciation, une notification lui rappelant la date d’expiration. Ainsi, on n’interdit plus la tacite reconduction mais on établit une obligation de notification de l’échéance du contrat.

M. Jean Dionis du Séjour. Au lieu d’interdire la tacite reconduction, il me semble à moi aussi plus efficace d’imposer au réseau de franchise d’envoyer au franchisé une lettre pour l’alerter de l’expiration du contrat.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux amendements CE 287, CE 94 et CE 313, dans la mesure où ils sont largement satisfaits par mon amendement CE 488. Il me semble que le délai de deux mois que je propose est préférable à celui de vingt jours prévu dans l’amendement de Mme Vautrin, car la convention d’affiliation est un engagement lourd de conséquences.

De plus, mon amendement prévoit à la fois la tacite reconduction, qui ne figurait pas dans le texte initial, et la possibilité pour l’exploitant de se défaire de son engagement après un délai de préavis fixé par l’Autorité de concurrence, sachant que ce délai peut être différent selon que la convention est conclue à durée déterminée ou indéterminée.

Mme Laure de La Raudière. Je retire mon amendement car celui du rapporteur relève effectivement de la même logique. Ne pourrait-on néanmoins, avant l’examen en séance, supprimer le renvoi au décret et choisir la durée du délai en l’inscrivant dans la loi ?

M. François Brottes. On ne peut pas débattre ainsi, monsieur le président !

M. le président Serge Poignant. Mme de La Raudière est l’auteur d’un amendement en discussion, monsieur Brottes. Laissez-la terminer !

Mme Laure de La Raudière. Bref, je retire mon amendement et je suggère au rapporteur et au secrétaire d'État de préciser le délai de préavis dans la loi.

L’amendement CE 94 est retiré.

Mme Catherine Vautrin. Je retire également mon amendement mais je partage l’avis de Mme de La Raudière : le législateur ne peut accepter l’incertitude qui découle du renvoi à un décret.

L’amendement CE 287 est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souscris au raisonnement du rapporteur et je retire mon amendement.

L’amendement CE 313 est retiré.

M. François Brottes. Je n’interviendrai pas sur le fond mais, en tant que responsable de l’opposition, je me dois d’exprimer mon désaccord quant à la forme et à la méthode. Nous ne travaillons pas bien. Alors que l’amendement CE 488 du rapporteur est en discussion, vous ne nous donnez pas la parole pour en débattre, monsieur le président. La discussion s’apparente à une réunion du groupe UMP sur les sous-amendements qui suivent.

M. le président Serge Poignant. Si vous m’aviez écouté, vous auriez constaté que j’ai appelé quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Il n’y a aucun sous-amendement. Les quatre auteurs se sont exprimés, le rapporteur a donné son avis, je vais maintenant donner la parole aux commissaires qui le souhaitent, puis je redonnerai la parole au rapporteur et, le cas échéant, au secrétaire d’État. Je ne vois pas où est la mauvaise méthode !

Avez-vous quelque chose à ajouter sur le fond ?

M. François Brottes. Oui, mais aussi sur la forme. Dès lors que les amendements sont présentés, vous devez permettre à tous les commissaires de s’exprimer avant de recommencer à passer en revue lesdits amendements. C’est comme cela que l’on préside une commission et je tiens à ce que cette remarque figure au compte rendu !

Il est trop facile de se mettre à recomposer le texte alors que l’opposition n’a pu émettre aucun avis sur fond ! C’est une question de méthode, nullement une mise en cause de votre présidence, monsieur le président.

Sur le fond, l’amendement du rapporteur est une renonciation complète aux dispositions du texte initial, qui prévoyait une rediscussion obligatoire avant la reconduction. Nous ne pouvons être d’accord.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement du rapporteur contredit non seulement le texte initial, mais aussi l’amendement CE 485 que le rapporteur a fait adopter précédemment.

Si l’on prohibe la tacite reconduction d’un contrat, c’est que ce contrat est obligatoirement à durée déterminée. Or l’amendement CE 488 ouvre le champ de la tacite reconduction alors même que le CE 485 dispose que « Le terme de la convention d’affiliation, conclue pour une durée déterminée, est expressément précisé », donc qu’il ne peut y avoir de tacite reconduction !

Alors que le projet renvoie le délai de remise du document unique à un décret, le premier alinéa de l’amendement CE 488 le fixe à deux mois ; le deuxième alinéa, lui, renvoie à un décret le délai de prévenance dans lequel une partie peut informer l’autre « de sa volonté de ne pas renouveler la convention d’affiliation à durée déterminée, au terme de celle-ci ». L’idée est donc que la convention a une durée déterminée, ce que viennent contredire les deux alinéas suivants. « La convention d’affiliation, indique l’alinéa 3, peut faire l’objet d’une tacite reconduction pour une durée déterminée ou indéterminée. » Mais qu’est-ce qu’une reconduction pour une durée indéterminée ? Cela signifie-t-il que le contrat n’a pas de durée ? Cette rédaction conduit à un véritable imbroglio juridique !

Sans doute traduit-elle aussi une certaine indécision de votre part quant à la stratégie à adopter. Soit vous vous installez le rapport contractuel dans une durée déterminée, auquel cas vous devez inscrire dans la loi les conditions de son renouvellement et les délais pour le faire, et vous ne pouvez parler de tacite reconduction car il y a obligation préalable de renégociation. Soit vous installez le rapport contractuel dans une durée indéterminée, auquel cas vous ne pouvez pas non plus parler de tacite reconduction puisque la seule hypothèse est la dénonciation par rupture de contrat, qui donne lieu à des contentieux. Comme vous n’affirmez pas votre stratégie, vous ne pouvez la traduire juridiquement.

Cela dit, le texte initial comporte lui aussi une aberration juridique en revoyant à un décret le délai dans lequel les conventions peuvent être résiliées avant leur échéance. Si un contrat à durée déterminée ne va pas jusqu’à son terme, c’est soit par accord entre les parties, soit par rupture.

Le quatrième alinéa est tout aussi contradictoire, puisqu’il prévoit qu’un décret « précise le délai de préavis dans lequel les conventions d’affiliation tacitement reconduites peuvent être résiliées, selon qu’elles sont conclues à durée déterminée ou indéterminée ».

Ici, vous hésitez entre la stratégie consistant à établir un contrat fixe que l’on renégocie avant son terme et la stratégie de la tacite reconduction, qui vous place dans une situation juridique complètement différente.

M. le rapporteur. Au départ, mon point de vue était assez proche du vôtre : j’envisageais un contrat passé formellement pour une certaine durée et, le cas échéant, une reconduction entourée à nouveau d’un certain formalisme. Mais, au fil des auditions, il m’est apparu que ce dispositif risquait d’être très lourd sans être forcément protecteur, puisque le contractant est ensuite contraint par une certaine durée. En acceptant la reconduction tacite et en assortissant la nouvelle période de la possibilité de quitter le réseau après un certain délai de préavis, on donne plus de souplesse au système et plus de liberté soit pour se réengager dans un groupement, soit pour s’en désengager.

Pour ce qui est du délai de préavis, je suis d’accord pour qu’on l’inscrive dans la loi mais pas aujourd'hui : il faut au préalable consulter l’Autorité de la concurrence, d’autant que ce délai pourra être différent selon que le contrat est à durée déterminée ou indéterminé.

M. le secrétaire d'État. Je me félicite du travail accompli par votre commission. Alors que le texte initial ne prévoyait pas de tacite reconduction, vous avez écouté les acteurs et souhaité introduire cette disposition qui ménage à la fois équilibre et souplesse.

Dans le dispositif auquel nous aboutissons, la première convention est à durée déterminée, puis le choix est laissé entre un nouveau contrat à durée déterminé et un contrat à durée indéterminée. Dans ce dernier cas, la résiliation est possible après un délai de préavis. Si la détermination du délai est renvoyée, en l’état, à un décret, c’est qu’il est nécessaire de consulter l’Autorité de la concurrence. Mais il est tout à fait envisageable d’inscrire le délai dans la loi si cette consultation a lieu avant l’examen du texte en séance publique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Juridiquement, ces rédactions ne tiennent pas. Parler délai de préavis pour résilier une tacite reconduction à durée déterminée est une aberration : si le renouvellement est à durée déterminée, il doit aller jusqu’à son terme à moins que les deux parties ne consentent conjointement à y mettre fin ou que l’une considère que l’autre ne respecte pas ses engagements et qu’il y a rupture. Ce qui est vrai en droit civil et en droit du travail l’est aussi pour les contrats commerciaux.

Vous avez en outre adopté l’amendement CE 485, qui précise que la convention d’affiliation est à durée déterminée. Dès lors, la prolongation des rapports contractuels ne peut être une tacite reconduction : c’est un renouvellement de contrat, ce qui implique la possibilité de le renégocier. En cas de tacite reconduction, le contrat reste inchangé, alors que le renouvellement permet de le renégocier.

Ce texte conduit à un imbroglio juridique car il est en contradiction avec l’amendement CE 485, d’autant qu’on ne saurait rompre un contrat à durée déterminée en donnant un préavis.

C’est pourquoi j’invite mes collègues à rejeter cet amendement.

Il ne faut pas non plus oublier le débat de fond : alors que l’Autorité de la concurrence avait souhaité que la contractualisation ne dépasse pas cinq ans, quel type de rapports le législateur souhaite-t-il instaurer avec ce texte ? Toutes les parties auront-elles la même autonomie de décision – c’est le cas d’un renouvellement – ou, en cas de tacite reconduction, entreront-elles dans le cadre d’un continuum des dispositions ? Cet enjeu dépasse les réponses qui nous ont été données.

M. Jean Proriol. Je tiens à souligner que les conditions de renouvellement sont précisées dans la convention, comme le prévoit, dans l’amendement CE 485, le II de l’article L. 340-1.

M. le président Serge Poignant. Je rappelle que les amendements CE 287, CE 94 et CE 313 ont été retirés.

La Commission adopte l’amendement CE 488.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 95 de Mme Laure de La Raudière, CE 314 et CE 315 de M. Jean Dionis du Séjour, les amendements CE 95 et CE 314 étant identiques.

Mme Laure de La Raudière. L’article 1er prévoit dans son alinéa 20, que l’Autorité de la concurrence fixe la durée maximale des conventions d’affiliation, qui ne peut être supérieure à dix ans. L’Autorité a en effet constaté, notamment à Paris, la concentration des enseignes, notamment à Paris. Casino et Carrefour, qui sont deux réseaux intégrés, sont particulièrement concernés.

Or les réseaux intégrés ne fonctionnent pas comme les réseaux indépendants. Il convient donc que le projet de loi reprenne la disposition de la directive européenne en prévoyant que les conventions d’affiliation dont la signature est obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2 et qui comportent une obligation d’approvisionnement à la charge de l’affilié, à concurrence de plus de 80 % de ses achats, ne peuvent être conclues pour une durée supérieure à cinq ans.

Cela permettrait à la fois de satisfaire les préconisations du rapport de l’Autorité de la concurrence et d’harmoniser le droit français avec le droit européen.

M. Jean Dionis du Séjour. L’Autorité de la concurrence dénonce avec raison la dépendance des affiliés vis-à-vis des enseignes : lors de son audition, son président, M. Bruno Lasserre, a évoqué des ensembles de contrats dont la durée pouvait dépasser trente ans.

Si nous soutenons la démarche générale du texte, celui-ci doit néanmoins tenir compte de situations très différentes : en cas de dépendance maximale de l’affilié – 80 % –, la durée des contrats ne doit pas dépasser cinq ans, comme l’exige la réglementation européenne. Tel est l’objet de l’amendement CE 314.

L’amendement de repli CE 315, dans un souci évident de sécurité juridique pour les opérateurs, vise à fixer la durée maximale des contrats par la loi et non par décret. Il prévoit que les conventions d’affiliation dont la signature est obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2 ne peuvent être conclues pour une durée supérieure à quinze ans . En effet, une durée de dix ans ne permettrait ni de prendre en compte les investissements réalisés par l’enseigne ni de préserver les capacités d’emprunt de l’affilié pour l’acquisition du magasin.

M. le rapporteur. Je suis favorable aux amendements identiques CE 95 et CE 314 puisqu’ils visent à mettre en conformité le droit français avec le droit européen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le rapporteur, vous connaissez la jurisprudence européenne : des contrats successifs bloquant les parties peuvent être analysés comme un seul contrat à durée indéterminée dont le terme est impropre avec les exigences de concurrence.

Compte tenu de la jurisprudence en matière de tacite reconduction, nous risquons d’être en infraction avec les règles européennes.

M. François Brottes. Nous sommes intéressés par l’objet de ces amendements identiques, non seulement parce qu’ils sont eurocompatibles mais également parce qu’ils fixent un délai raisonnable aux parties pour se libérer de leur carcan.

Toutefois, leur objet est contradictoire avec les amendements CE 485 et CE 488, que nous avons refusé de voter. Comment, en effet, concilier une tacite reconduction à durée indéterminée, un rendez-vous obligatoire de cinq ans et des conventions d’affiliation incluant un lien à une centrale d’achats ? Les précédents amendements que vous avez adoptés étouffent dans l’œuf la portée de ces deux amendements identiques.

Nous voterons toutefois cette disposition, qui nous paraît constructive.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à ces deux amendements identiques.

M. le rapporteur. L’amendement CE 488 précise bien que la convention d’affiliation peut faire l’objet d’une tacite reconduction « pour une durée déterminée ou indéterminée ». Tout dépend de la nature de la convention d’affiliation, des liens qui lient les membres du groupement et de l’application de telle ou telle règle de droit français ou européen. Les auditions ont montré que la plus grande liberté était nécessaire pour s’adapter aux différentes situations. Il n’y a donc pas contradiction mais cohérence entre tous ces amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut empêcher la partie la plus fragile de se trouver dans l’incapacité de résister à la partie dominante. La première aura-t-elle la possibilité de refuser de signer une tacite reconduction pour une durée indéterminée ? Il n’y a pas d’égalité naturelle entre le fournisseur dominant et le petit commerçant : le texte doit viser à la rétablir, comme le fait, pour sa part, le droit du travail entre le salarié et son employeur. Or la tacite reconduction à durée indéterminée rendra inopérant le texte.

Je le répète, la jurisprudence européenne considère, depuis le traité de Rome, comme exorbitant des droits de protection, et donc comme générant un abus de position dominante, tout renouvellement qui n’est pas contrôlé.

M. François Brottes. Confirmez-vous qu’en cas de convention d’affiliation comportant une obligation d’approvisionnement à la charge de l’affilié, à concurrence de plus de 80 %, il ne pourra pas y avoir tacite reconduction, puisque l’amendement précise que le contrat ne peut pas être conclu pour une durée supérieure à cinq ans ?

M. Alain Suguenot. N’oublions pas la liberté contractuelle ou la sanction du caractère léonin des conventions, qui sont des principes juridiques d’ordre public supérieurs au présent texte.

De plus, si un délai est prévu, il y aura reconduction non plus tacite mais expresse puisque les conditions du contrat devront être renégociées. Ces principes généraux du droit existaient bien avant le traité de Rome !

M. le rapporteur. C’est une question de hiérarchie des normes : le droit européen prime sur le droit français et les droits européen et français priment sur le contrat.

Monsieur Brottes, ne confondez pas la question de la durée avec celle de la tacite reconduction. Il peut y avoir reconduction tacite pour une durée de cinq ans dès lors qu’elle est encadrée par le droit européen.

La Commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CE 315 tombe.

Puis la Commission adopte successivement les amendements de précision CE 489 et CE 490, l’amendement rédactionnel CE 491, l’amendement de précision CE 492 et les amendements rédactionnels CE 493 et 494 du rapporteur.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, M. le rapporteur ne pourrait-il pas nous présenter lors de la suite des débats ses amendements de précision ?

M. le président Serge Poignant. Oui, madame la députée.

La Commission est saisie de l’amendement CE 318 de M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La rédaction de l’alinéa 23 de l’article 1er est ambiguë : cet amendement vise à la modifier pour garantir et protéger le savoir-faire et la propriété intellectuelle de l’enseigne.

M. le rapporteur. Je partage la préoccupation de M. Dionis du Séjour.

Je lui propose de retirer son amendement afin que nous puissions travailler ensemble à la rédaction d’un nouvel amendement que nous examinerons en séance publique. Il faut protéger le nom et les signes distinctifs de l’enseigne sans faire jouer la clause de non-concurrence, qui n’a pas de sens en la matière.

M. Jean Dionis du Séjour. Je retire l’amendement, monsieur le président.

L’amendement CE 318 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CE 498 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur rédactionnelle, qui a consisté à codifier, à tort, des dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur des dispositions du présent texte.

Cet amendement prévoit que les dispositions de l’article 1er s’appliquent au plus tard sept ans à compter de la date de la promulgation de la présente loi. La durée de sept ans est celle que les opérateurs ont privilégiée au cours de leurs auditions – l’Autorité de la concurrence proposait cinq ans et le texte dix ans.

M. Jean Gaubert. Était-il nécessaire de convoquer une session extraordinaire pour débattre de dispositions qui s’appliqueront après deux alternances ? Cela frise le ridicule.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le rapporteur, nous avons examiné onze amendements à l’article 1er, qui, par étapes successives, le récrivent entièrement : n’aurait-il pas été plus lisible pour les parlementaires d’examiner un seul amendement proposant une nouvelle rédaction de l’article ? Cela nous aurait permis de mieux nous rendre compte des éventuelles contradictions entre les différentes propositions contenues dans les amendements.

M. le rapporteur. Ces amendements ne récrivent pas complètement l’article 1er, qui reste largement conforme à l’esprit du texte initial. J’ai également souhaité laisser le débat s’installer : du reste, je n’ai pas été le seul à proposer une nouvelle rédaction de certains alinéas de l’article 1er. Nous avons mené un travail collectif.

Il fallait prévoir une mise en application progressive de la loi : c’est pourquoi elle s’appliquera dès sa promulgation dans un délai maximal de sept ans – clause balai qui correspond à la réalité économique actuelle.

M. Alain Suguenot. Une difficulté juridique majeure reste en suspens : celle de la non-rétroactivité de la loi, qui est un principe général du droit, français ou européen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne pourrez pas entamer les rapports contractuels établis avant la publication de la loi par des dispositions législatives qui ne sont pas d’ordre public – c’est pourquoi vous exceptez les baux commerciaux. Ces rapports garderont leur pleine valeur.

Dans la négociation des baux commerciaux, le propriétaire ou le locataire, si c’est son intérêt, peut refuser les propositions de l’autre partie. Une partie – en l’occurrence la partie dominante – peut instrumentaliser la nécessité de signer un accord à son profit. On ne saurait entamer la protection que constituent les accords contractuels actuellement en vigueur.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Elle examine d’abord l’amendement CE 140 de Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Cet amendement a pour objet d’instaurer en France une véritable action de groupe permettant à des victimes ayant subi un même dommage, qu’il soit relatif à la consommation, à la santé, à l’environnement, à la concurrence, qu’il soit d’ordre contractuel ou délictuel, quel que soit le montant du dommage de chacun, de s’unir pour engager une procédure à l’encontre du fautif.

C’est un débat ancien, à l’Assemblée nationale : j’évoquerai le rapport remis au Premier ministre par M. Luc Chatel le 9 juillet 2003, intitulé « De la conso méfiance à la conso confiance », dans lequel l’auteur soulignait que « l’institution du recours collectif apparaît désormais comme la seule façon de garantir l’effectivité des droits des consommateurs dans certains types de litiges ».

L’objectif de cet amendement est de donner accès au droit et à la justice à ceux qui renoncent face aux complications et à la longueur des procédures.

J’évoquerai également, monsieur le secrétaire d'État, l’amendement 204 rectifié que vous avez déposé en tant que député en 2008 au projet de loi de modernisation de l’économie : vous souligniez que, « faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs, une multitude de textes législatifs et réglementaires prévoyant des sanctions en cas de comportements abusifs ou illicites des professionnels n’ont pas été appliqués ». C’est pourquoi vous proposiez la création d’« une véritable action de groupe à la française, pour les consommateurs, à la fois efficace mais également suffisamment “encadrée” avec un grand nombre de garde-fous pour nous préserver des dérives à l’américaine que d’aucuns refusent ».

Tel est l’objet de notre amendement, qui est très attendu des consommateurs.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, même si j’en partage l’objectif, qui est de mieux protéger les consommateurs.

Mais on n’y parviendra pas en traitant le préjudice éventuel dans le cadre de procédures très longues et coûteuses, comme le révèlent les dérives aux États-Unis d’un système que les Américains envisagent eux-mêmes de remettre en cause.

Le texte propose une approche européenne et française, qui consiste à agir le plus tôt possible pour éviter l’apparition du préjudice, à travers notamment le pouvoir de sanction administrative de la DGCCRF prévu à l’article 10 du texte, qui est une véritable innovation.

J’évoquerai également d’autres dispositions du projet de loi, telles que l’interdiction des clauses abusives et l’effet erga omnes qui sera donné aux décisions du juge en la matière.

Ce texte permettra d’agir en amont, c'est-à-dire avant le préjudice : ses dispositions seront donc plus efficaces qu’une action de groupe qui, s’inspirant d’un système juridique étranger, ne pourrait être que difficilement acclimatée au droit français.

M. François Brottes. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir reconnu que notre amendement n’était pas hors sujet.

On ne saurait toutefois abuser de la comparaison avec les États-Unis. La disposition que nous vous proposons filtre l’action de groupe afin de ne pas fragiliser les entreprises : elle constitue un juste milieu. Aujourd'hui, dans des secteurs tels que l’énergie, les télécommunications ou la santé, les personnes qui subissent le même préjudice sont obligées d’engager isolément une procédure. L’action collective permettrait de faire des économies tout en étant plus efficace pour obtenir réparation des dommages subis.

Monsieur le secrétaire d'État, cet amendement vous offre la possibilité d’entrer dans l’Histoire : ne la rejetez pas, d’autant que Mme Lagarde, qui a toujours été vent debout contre une telle disposition, n’est plus là pour s’y opposer, ayant pris la direction du FMI. Monsieur Lefebvre, le secrétaire d’État que vous êtes devenu ne peut pas avoir perdu la verve ni l’audace du parlementaire qu’il a été.

M. Jean Gaubert. C’est fou comme la fonction ministérielle peut changer un homme ! Il en a été de même de M. Chatel qui, lui aussi, a été un grand zélateur de l’action de groupe. Les remaniements ministériels ne viseraient-ils pas aussi à priver certains hommes politiques de leur audace ou de leur liberté d’action ?

Monsieur le rapporteur, vous êtes assez fin juriste pour savoir que notre proposition n’a pas grand-chose à voir avec le système américain. N’imitez pas Mme Lagarde, en recourant à l’amalgame.

Enfin, comment la DGCCRF pourrait-elle intervenir avant le préjudice ? Avec quels moyens juridiques, matériels et humains ? C’est impossible.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tiens à rappeler l’argumentation pertinente de l’exposé des motifs de l’amendement 204 rectifié déposé en 2008 par le député Frédéric Lefebvre : il soulignait la nécessité de faire entrer la stratégie de l’action juridique au profit des consommateurs dans une conception nouvelle de l’action : « Faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs, une multitude de textes législatifs et réglementaires prévoyant des sanctions en cas de comportements abusifs ou illicites des professionnels n’ont pas été appliqués. La faible saisine des tribunaux par les victimes est aisément compréhensible dès lors que le coût global d’une action individuelle [...] dépasse le plus souvent le montant du préjudice subi. Cette inaction n’a jamais été palliée par les modes de saisine simplifiés mis en place par la loi. En outre, malgré les procédures à disposition des associations de consommateurs, et le caractère symbolique des condamnations obtenues, celles-ci n’ont jamais bénéficié directement aux consommateurs ni inclus l’ensemble des personnes lésées ». Nous sommes totalement en accord avec les arguments de M. Lefebvre, qui poursuivait ainsi : « En effet, la seule possibilité de regroupement des litiges qu’autorise le droit français nécessite que chaque justiciable se joigne volontairement à une action en justice. […] Le présent amendement entend pallier ce vide juridique en créant une véritable action de groupe à la française pour les consommateurs », car vous refusiez avec raison d’entrer dans le mode opérationnel américain qui peut être, comme vous l’avez justement souligné, une catastrophe.

Notre amendement, qui est au cœur du projet de loi, reprend vos préconisations.

Sans une action de groupe dans la forme que nous spécifions à votre suite, les consommateurs ne seront pas protégés dans la phase judiciaire. Vous auriez tort aujourd'hui de refuser notre amendement : les portes de l’Histoire se refermeront devant vous.

Mme Laure de La Raudière. La culture dans laquelle s’inscrit le droit français est radicalement différente de celle des pays anglo-saxons. La loi française, qui s’appuie sur le droit positif, protège bien plus les consommateurs que la loi britannique ou américaine.

Le vide juridique évoqué par mes collègues est comblé par l’article 10, qui donnera de nouveaux pouvoirs à la DGCCRF, lesquels constituent précisément une action de groupe à la française, puisque la Direction de la concurrence pourra saisir le juge pour le compte de consommateurs. Le texte nous propose donc une réelle avancée adaptée au contexte français. Monsieur le secrétaire d’État, l’article 10 vous fera peut-être entrer dans l’Histoire.

M. Alain Suguenot. Le droit américain n’est pas le droit français : les précautions du député Frédéric Lefebvre en 2008 étaient justifiées.

N’oublions pas la notion d’intérêt juridique légitimement protégé, qui dépasse le cadre de notre commission. Il faudrait préciser l’objet potentiel des actions de groupe avant d’adapter au droit français une procédure issue du droit américain.

Même si l’amendement va dans le bon sens, il n’entre pas dans un cadre juridique suffisamment strict.

M. le secrétaire d'État. Entrerai-je, oui ou non, dans l’Histoire ?

Je vous remercie, monsieur Le Bouillonnec, d’avoir cité mes propos, car ce rappel éclaire mon cheminement depuis 2008.

En effet, depuis la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, a éclaté une crise sans précédent, qui a montré les dégâts que pouvait provoquer l’action de groupe. Je n’ai donc pas attendu d’être nommé au Gouvernement pour changer d’avis, comme je l’ai souligné au cours de mon audition. J’ai écrit sur le sujet un an avant d’entrer au Gouvernement.

C’est en vue d’instaurer une « procédure efficace » que j’ai travaillé avec la DGCCRF à un dispositif qui permettra de répondre aux attentes des consommateurs. Le système de sanction administrative instauré à l’article 10 prévoit des amendes de 3 000 à 15 000 euros qui pourront être répétées en fonction du nombre de consommateurs victimes de faits délictueux : il aura donc un effet très dissuasif et permettra de faire cesser le préjudice le plus rapidement possible.

L’action collective coûte chaque année aux États-Unis 1,5 point de PIB. Elle aurait poussé 15 % des entreprises à licencier et 8 % d’entre elles à fermer des installations. Elle a, de surcroît, développé dans plusieurs secteurs d’activité un système proche du chantage, qui est préjudiciable à l’emploi et à la croissance.

Il convient également de prendre en considération la question de la durée des procédures judiciaires : plus de deux ans en moyenne – mais elle peut atteindre dix ans –, alors que la durée moyenne des procédures de médiation, qui évoluent actuellement à l’initiative de la France, est seulement de trois mois.

J’ai fondé le projet de loi sur les réclamations des consommateurs, qui veulent obtenir rapidement satisfaction.

Au Portugal, une opération collective montée contre les opérateurs téléphoniques s'est achevée au bout de quatre ans.

Lors du débat récent sur la répercussion de l'augmentation de TVA sur la téléphonie mobile, je n’ai pas suivi le conseil de tous ceux qui me poussaient à aller devant les tribunaux. En réponse aux consommateurs qui m'interpellaient, j'ai écrit aux entreprises pour leur rappeler les principes à respecter. Au bout d'une dizaine de jours, n'ayant pas eu de réponse, j’ai adopté une autre démarche, avec l'aide de la DGCCRF : nous avons mis en ligne les questions des consommateurs, en indiquant en regard le droit à appliquer. En trois jours, les opérateurs ont décidé de se plier la réglementation.

Je préfère des dispositions permettant de mettre fin en quelques semaines aux préjudices subis par les consommateurs à de procédures qui peuvent durer des années pendant lesquelles, tant qu'aucune décision de justice n’est rendue, le préjudice continue de s'aggraver. De telles procédures ont parfois donné lieu à des sanctions financières, mais celles-ci pouvaient se révéler décevantes, comme dans le cas de cette décision célèbre rendue à propos de casques Bluetooth dont le réglage du volume était mal indiqué : les 850 00 dollars payés par l’entreprise ont servi essentiellement à payer les frais d’avocat, chaque plaignant touchant moins de 10 dollars.

Du fait des détournements de procédure qui mettent parfois réellement en difficulté des entreprises honnêtes et de la longueur des procédures, qui ne sert pas les consommateurs, j’ai préféré construire, à partir des réclamations des consommateurs, un dispositif nouveau. J’ignore s’il me fera entrer dans l’Histoire, mais il vise au moins à l’efficacité. Les sanctions administratives nouvelles permettant à la DGCCRF de faire cesser les préjudices ont un caractère dissuasif, plus propre qu’une action judiciaire à mettre fin aux faits délictueux.

Il est en outre prévu qu’une clause d’un contrat jugée abusive par un tribunal fait automatiquement tomber cette clause de tous contrats du même type – ce qui évitera des frais judiciaires et constituera une forme de prévention.

Je ne doute pas que vous soyez tous soucieux d’accélérer les procédures au bénéfice du consommateur et d’éviter que certaines entreprises soient pénalisées et voient leurs emplois fragilisés.

Voilà donc pourquoi j’ai voulu défendre dans ce texte une autre solution que l’action collective.

Mme Annick Le Loch. Vous admettez donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous êtes trompé en défendant l’action de groupe en 2008 ? Les consommateurs attendent pourtant celle-ci avec impatience. De fait, s’il est vrai que le droit français prévoit bien des mesures qui protègent le consommateurs, elles ne sont pas appliquées et les consommateurs ne vont pas devant les tribunaux à cause du coût des actions. L’action de groupe permettrait de rendre efficace le droit du consommateur.

M. Jean Gaubert. Si je vous comprends bien, monsieur Lefebvre, nous aurions fait une bêtise en vous écoutant en 2008. Faut-il donc devenir ministre pour devenir raisonnable ?

Sur le fond, les banques, responsables de la crise, ne me semblent pas avoir été déstabilisées par quelque action de groupe que ce soit contre Lehman Brothers. Choisissez donc mieux vos arguments.

Quant au fait que les actions en justice pourraient faire tomber des entreprises, il me semble que les entreprises qui tombent sont plutôt les entreprises honnêtes que celles qui gagnent de l’argent en arnaquant le consommateur.

Enfin, même si la DGCRF peut imposer des amendes, comment le préjudice subi par le consommateur sera-t-il indemnisé ? C’est précisément l’objet de l’action de groupe. Les exemples que vous tirez des États-Unis ne sont pas transposables à notre pays.

Les associations de consommateurs tiendraient-elles un double langage ? Lorsque nous les avons reçues, elles ont en effet demandé la mise en œuvre de l’action de groupe, ce qui signifie que votre proposition ne les satisfait pas.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 285 de Mme Catherine Vautrin. 

Mme Catherine Vautrin. La réforme des délais de paiement crée des difficultés pour les entreprises dont la production est soumise à une forte saisonnalité. L’amendement tend à transposer les dispositions de la directive européenne 2011-7/UE relative aux accords de branche en la matière, afin de répondre aux attentes des professionnels et d’assurer aux consommateurs une offre de qualité.

M. le rapporteur. Mme Vautrin évoque une difficulté réelle. La question des délais de paiement sera revue lors de la transposition de la directive du 16 février 2011, qui doit intervenir avant mars 2013 – ce qui me semble plus opportun que de le faire dans le cadre du texte que nous examinons aujourd’hui.

M. Jean Gaubert. Je soutiens l’amendement de Mme Vautrin. De fait, les difficultés qu’elle évoque sont réelles. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, 2013 est encore loin et les accords dérogatoires expirent à la fin de la présente année. La mesure est du reste demandée tant par les entreprises de la distribution que par celles de la production.

Mme Annick Le Loch. Je partage l’opinion de Mme Vautrin et de M. Gaubert. Il serait d’ailleurs incohérent de ne pas procéder dès maintenant à la transposition de cette directive, alors que vous avez déclaré récemment que vous entendiez en transposer au plus vite une autre, relative aux droits du consommateur.

M. François Brottes. La disposition proposée par l’amendement va dans le sens du contrôle de l’application de la loi. En outre, il se pourrait que le travail sur ce texte, s’il dure par exemple six mois, puisse correspondre au délai utile pour la transposition de la directive.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est vrai de dire que l’augmentation des prix en saison pénalise les filières à forte saisonnalité. Il manque cependant une définition claire de ces filières et de la saisonnalité, ce qui rend l’amendement inapplicable.

M. le secrétaire d’État. Ce sujet a déjà été abordé avec Mme Vautrin et a donné lieu à des travaux de l’Observatoire des délais de paiement. Il faut distinguer la question de la transposition de la directive et celle de l’engagement pris de suivre la situation des entreprises, qui ont toutes accepté, y compris celles qui avaient des difficultés, de ne pas pérenniser les dérogations – ce qui s’est traduit par un montant de 3 milliards d’euros rendus aux acteurs économiques. Nous avons décidé de mettre en place sans attendre la transposition des dispositifs destinés à accompagner ce mouvement.

Je propose que nous travaillions ensemble d’ici à septembre pour adapter des outils dans ce domaine, en associant notamment à ce travail la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) et OSEO.

Pour ce qui concerne l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), j’ai signé avec M. François Pérol, président de la Fédération bancaire française, une convention engageant la totalité des réseaux sur la question des petits crédits – de moins de 25 000 euros – destinés à ces entreprises. D’autres secteurs que les saisonniers ont des difficultés pour de petits montants et il importe donc de rechercher de outils adaptés.

Dans l’intervalle, madame Vautrin, je vous suggère de retirer votre amendement. Nous pouvons lancer dès demain ou après-demain le travail que je viens d’évoquer avec la CEPC et l’Observatoire pour atteindre les objectifs attendus, sur lesquels l’Observatoire a en outre pris des engagements.

M. Jean Dionis du Séjour. L’un des acquis les plus substantiels de la LME est la suppression des délais de paiement, mais elle ne fonctionne pas lorsque la distribution est faible et l’amont fort – comme on le voit dans le secteur des pharmacies d’officine et des laboratoires pharmaceutiques. Il faut donc reprendre secteur par secteur divers cas particuliers.

Mme Catherine Vautrin. Certaines activités ont des difficultés chroniques et certaines entreprises perdent des parts de marché parce que la jurisprudence n’est pas fixée sur le sujet.

Monsieur le ministre, je ne demande qu’à vous faire confiance, mais voilà six mois qu’on nous promet un règlement rapide de la question et qu’il ne se passe rien. Au vu de ce qu’il est advenu de notre demande d’audition par l’Observatoire et de la manière dont nous avons été entendus avec Jean Gaubert, j’ai les plus expresses réserves à l’égard de cet organisme.

Il n’est pas question de rouvrir la LME, ni de revenir sur ce qui a été écrit en matière de délais de paiement. Le travail avec OSEO s’impose car, si petites que soient les sommes en jeu, ces sommes sont fondamentales pour de nombreuses entreprises.

La notion de saisonnalité est très importante : si les problèmes ne sont pas résolus dès la rentrée, Noël 2012 sera bouleversé. Il nous faut être conscients que chaque recul de notre part consiste à ne pas apporter de réponse à une activité économique. Si rien n’a changé dans deux mois, je déposerai l’amendement en séance publique et je ferai le nécessaire pour que mes collègues le votent. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’un « dernier avis avant poursuites » !

M. le secrétaire d’État. Il fallait tout d’abord attendre que l’Observatoire rende son rapport. Comme dans le cas de l’EIRL, nous ne trouverons de solution qu’en faisant agir ensemble OSEO et les banques.

M. le président Serge Poignant. Je fais mienne la préoccupation exprimée par Mme Vautrin. Le groupe proposé doit donc se mettre très vite au travail pour rendre ses conclusions avant la séance publique.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le ministre, j’entends bien que les professionnels auront satisfaction, mais il importe aussi de ne pas perdre encore une saison.

M. Jean Gaubert. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu à une question simple en bâtissant une véritable usine à gaz.

Mieux vaudrait voter cet amendement pour éviter de perdre une saison, quitte à ce que le Gouvernement propose un amendement de suppression de cette mesure lors de l’examen du texte cet automne. Face au désir exprimé par les professionnels, nous observons une certaine réticence de la part de vos services, qui répètent que tout va bien.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le secrétaire d’État, je ne retire l’amendement qu’au prix de grandes hésitations. Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais je vous garantis que je le déposerai à nouveau si une solution n’a pas été trouvée lors de l’examen du texte.

M. Jean Gaubert. Je reprends cet amendement.

Mme Catherine Vautrin. Je m’abstiens.

La Commission rejette cet amendement.

Article additionnel après l’article premier [article 1 bis (nouveau)] : Compétence de l’Autorité de la concurrence pour apporter une expertise aux juridictions sur certains sujets

Puis elle examine l’amendement CE 469 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à introduire une nouvelle procédure d’amicus curiae en permettant aux juridictions de solliciter l’expérience de l’Autorité de la concurrence, notamment pour faire constater le non-respect des règles de concurrence et obtenir réparation du préjudice causé.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

La Commission adopte cet amendement.

Article additionnel après l’article premier [article 1 ter (nouveau)] : Suspension du délai de prescription des procédures dont est saisie l’Autorité de la concurrence

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 470 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à suspendre le délai de prescription face aux procédures conduites par l’Autorité de la concurrence, comme c’est déjà le cas en droit européen.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’advient-il si le juge des libertés et de la détention prononce l’exécution provisoire ?

M. le rapporteur. Les visites et saisies diligentées par l’Autorité de la concurrence suscitent de nombreuses contestations et procédures d’appel, qui se traduisent par d’importants délais. La multiplication des procédures et des manœuvres ne doit pas permettre d’échapper à une condamnation. La mesure proposée est du reste déjà en vigueur dans le droit européen.

La Commission adopte cet amendement.

Elle en vient à l’amendement CE 136 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement tend à permettre aux municipalités d’établir un barème de sanctions graduées à l’encontre de commerçants dont les terrasses occupent l’espace public au-delà de ce qui leur est autorisé. En effet, les consommateurs se tournent vers les maires pour régler ces problèmes, qui créent en outre des distorsions de concurrence insupportables entre les établissements respectant la réglementation en vigueur et ceux qui ne la respectent pas. L’amende actuelle est en effet de 35 euros, qu’il s’agisse d’une première infraction ou d’une récidive constante, et ce quels que soient le chiffre d’affaires de l’entreprise concernée et la commercialité de la rue.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est très loin de l’objet principal du texte, qui est la protection des consommateurs. Par ailleurs, le dispositif légal existant est suffisant pour donner aux maires les moyens de concilier liberté du commerce avec la libre circulation sur le domaine public et de percevoir des redevances à ce titre.

M. Jean Dionis du Séjour. En tant que maire, je constate que la privatisation rampante de l’espace public par les activités commerciales est un vrai problème, ne serait-ce que parce qu’il est fréquent que les circulations piétonnes, qui doivent être au moins de 1,40 mètre, ne sont pas respectées. S’il existe des tarifs pour l’occupation de cet espace, les sanctions ne sont pas opérationnelles.

M. Alain Suguenot. Le maire dispose, effectivement, comme l’a dit le rapporteur, déjà de pouvoirs de police qui lui permettent de prendre des mesures. Surtout, le conseil municipal peut agir. Ainsi, dans la ville dont je suis maire, j’ai fait adopter par le conseil une délibération fixant un tarif dix fois supérieur au tarif normal pour l’occupation constatée par la police municipale des surfaces excédentaires. Il est inutile d’adopter une mesure qui conduirait à une mise sous tutelle imposée aux maires.

M. François Brottes. L’amendement propose de donner aux maires des pouvoirs qu’il n’a pas encore. Ce qui est en jeu est l’intérêt des consommateurs de l’espace public.

M. Jean-Louis Léonard. Le maire peut certes déjà déférer les contrevenants, mais les résultats des actions relatives à l’urbanisme sont très décevants. La surtarification des dépassements ne résoudra pas le problème, comme on le constate sur les fronts de mer. La prolifération de l’occupation de l’espace public pénalise le consommateur. L’amendement proposé est peut-être un cavalier, mais il faut saisir cette occasion de légiférer sur ce point.

Mme Laure de La Raudière. Le problème est réel, mais ce n’est pas dans un texte relatif à la protection des consommateurs qu’il faut le résoudre. Nous avons encore de nombreux amendements à examiner.

M. Jean Gaubert. Nous sommes là pour légiférer.

Mme Laure de La Raudière. Nous avons encore d’importants problèmes à résoudre : ne perdons pas trop de temps à débattre d’un cavalier législatif.

M. Jean Gaubert. Madame de La Raudière, qui êtes porte-parole du groupe UMP dans notre commission, si vous passiez moins de temps à tenir vos réunions de groupe pendant nos séances, nous irions plus vite.

M. le rapporteur. Étant maire d’une commune touristique, je constate moi aussi la tendance de certains acteurs économiques à déborder de l’espace qui leur est dévolu, ce qui oblige les piétons à marcher sur la chaussée. Je possède cependant déjà tout l’arsenal nécessaire pour faire respecter la règle. Il ne me semble donc pas nécessaire de légiférer à nouveau : il faut surtout veiller à l’effectivité des règles posées.

M. le secrétaire d’État. L’amendement est très loin de l’objet du texte. Les maires concernés pourraient échanger entre eux pour savoir quelles solutions juridiques employer.

La Commission rejette cet amendement.

M. le président Serge Poignant. La suite de l’examen des articles du projet de loi est remise à la prochaine séance.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 5 juillet 2011 à 17 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, Mme Sandrine Mazetier, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Bernard Reynès, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - Mme Conchita Lacuey, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Marc Lefranc, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. Philippe Armand Martin, M. Michel Raison

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Lebreton, M. Fernand Siré, M. Jean-Luc Warsmann, M. Michel Zumkeller