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Commission des affaires économiques

Mercredi 13 juillet 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 86

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Examen de la proposition de résolution européenne sur l’avenir de la politique agricole commune (n° 3611) (M. Michel Raison, rapporteur)

– Information relative à la commission 16

La commission a examiné la proposition de résolution européenne sur l’avenir de la politique agricole commune après 2013 (n° 3611) sur le rapport de M. Michel Raison.

M. le président Serge Poignant. La proposition de résolution européenne qui vous est soumise aujourd’hui porte sur un sujet essentiel pour l’avenir de l’agriculture européenne et française. La communication de la Commission européenne du 18 novembre 2010 sur l’avenir de la politique agricole commune (PAC) après 2013 et ses récentes propositions du 29 juin 2011 sur les perspectives financières 2014-2020 constituent la base des discussions concernant la réforme de la politique agricole commune, dans l’attente des propositions législatives annoncées pour l’automne.

Il est donc indispensable d’exprimer en amont nos positions si nous voulons être pleinement associés au débat qui s’engage.

Au sein de l’Assemblée nationale un groupe de travail conjoint de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes a été constitué pour faire des propositions sur la réforme de la PAC. Il a été constitué sur le même format que celui mis en place, en 2008, pour l’examen du bilan de santé. L’expérience a en effet montré tous les fruits pouvant être tirés d’une réflexion commune. Il a, à la lumière des auditions des organisations professionnelles, des personnalités et chercheurs et des représentants de nos partenaires européens, fixé des orientations prioritaires pour la défense d’une politique agricole commune forte. Ce groupe de travail a élaboré un rapport très complet et a formulé une proposition de résolution européenne rassemblant les principaux éléments de la position française. Le rapport et la proposition ont été adoptés il y a deux semaines, à l’unanimité, par la commission des affaires européennes.

Certes, on ne peut que souscrire aux trois grands objectifs identifiés par la Commission européenne : la sécurité alimentaire, le développement durable et la vitalité des territoires. Mais la Commission tente de concilier des intérêts contradictoires en raison des divergences d’approches des États membres. Cela se traduit par le flou de certaines orientations. Au delà des grands principes, désormais consensuels, la communication de la Commission suscite plusieurs interrogations. La résolution européenne que le rapporteur, notre collègue Michel Raison, va présenter, permettrait d’éclairer la position de la France sur ces sujets.

Je remercie Jean Gaubert, qui a accompagné Hervé Gaymard au Parlement européen hier à une réunion interparlementaire portant sur l’avenir de la PAC à l’horizon 2020.

M. François Brottes. Je suggère que Jean Gaubert donne des éléments de contexte sur cette rencontre dans la mesure où il s’agit d’un élément d’actualité avant que la commission ne commence l’examen de la résolution.

M. le président Serge Poignant. Si le rapporteur est d’accord, et en l’absence d’Hervé Gaymard, excusé, Jean Gaubert pourrait faire un compte rendu de la rencontre.

M. Michel Raison, rapporteur. J’y suis tout à fait favorable

M. Jean Gaubert. Nous étions hier à une réunion à l’initiative de la commission de l’agriculture du Parlement européen à laquelle participaient les représentants d’une vingtaine de pays sur les vingt-sept. Ne manquaient parmi les grands pays agricoles que l’Espagne et le Danemark. Mais tous les autres grands pays agricoles et en particulier les pays de l’Est étaient représentés, ce qui montre bien l’importance qu’ils accordent à la politique agricole commune. Le commissaire européen a fait une déclaration que je ne vais pas commenter car elle était dans la droite ligne de ce qu’il avait dit quand il était venu à l’Assemblée nationale à l’invitation du président. Je donnerai ici quelques éléments d’ambiance. Il me semble, et Hervé Gaymard serait d’accord avec moi, qu’il existe un large soutien du Parlement européen aux propositions de M. Dacian Ciolos en l’état actuel des choses. Ce n’est pas aussi vrai quand on écoute nos collègues des parlements nationaux. On voit ainsi la fracture entre ceux qui poussent M. Dacian Ciolos à aller beaucoup plus vite dans la convergence, il s’agit en particulier des élus des parlements des pays de l’Est, on les comprend tout à fait, et les autres. Aujourd'hui, on en est, de mémoire, à 100 euros par hectare pour la Lituanie, le chiffre exact est dans le rapport, et 700-800 euros par hectare pour la Grèce. Il existe donc une forte pression à la convergence. Nous avons, Hervé Gaymard et moi, exprimé notre accord concernant la convergence, tout en soulignant qu’il convenait de définir un calendrier raisonnable, entre 2013 et 2020. Il y a débat sur le verdissement. La position allemande est complexe, car les Allemands du Sud sont d’accord avec ce principe, les Allemands du Nord ne le sont pas. Les Britanniques, les Néerlandais et les Danois y sont relativement opposés aussi. Le débat sur la dégressivité va être tendu. Il faut savoir que si la dégressivité n’est pas mise en place, on ne sait pas ce qui restera pour les petites exploitations, parce que, curieusement, tout le monde dit qu’il faudra aider les petites exploitations dans les pays de l’Est, car c’est surtout là que ça se déroule et on ne voit pas les moyens.

M. le président Serge Poignant. La Roumanie était-elle représentée ?

M. Jean Gaubert. Oui, la Roumanie était représentée, la Bulgarie était très représentée, la Pologne aussi. Le débat qui va rester, c’est celui sur la régulation. C’est l’une des faiblesses de la proposition de M. Dacian Ciolos car c’est un sujet compliqué. Je pense qu’il va falloir qu’on continue, nous les Français, et d’autres qui sont d’accords avec nous, à peser sur les négociations. Voilà en quelques mots ce qui s’est dit. On a bien senti un certain nombre de lignes de fractures. Elles ne sont d’ailleurs pas toutes politiques. Je veux dire un dernier mot, sur le calendrier, les négociations vont se dérouler sur plus de deux ans, avec une conclusion avant la fin de l’année 2013. On ne va pas crier victoire, la perspective budgétaire n’est quand même pas très encourageante, mais sur l’architecture générale, on a senti une majorité de parlements qui se dégageait pour soutenir les propositions du commissaire Ciolos.

M. le président Serge Poignant. Merci pour ce rapport. Je pense effectivement qu’il faut que nous soyons présents en permanence, pour réaffirmer nos positions, et faire adhérer un maximum d’États. C’est vrai que les élus allemands ont des positions qui diffèrent selon la région qu’ils représentent.

M. le rapporteur. Comme l’a indiqué le Président, le groupe de travail conjoint de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes a été constitué pour faire des propositions sur l’avenir de la PAC. Ses travaux ont abouti à la proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui et dont je vais vous présenter les principaux éléments. Je vous propose de l’adopter conforme, car elle est le fruit d’un travail établi en étroite collaboration entre les différents membres du groupe.

Tout d’abord, je tiens à signaler que la réforme de la politique agricole commune après 2013 ne sera pas une réforme comme une autre. 2013 marquera en effet la fin de la paix budgétaire : l’accord de Luxembourg de 2003 avait posé le principe d’un budget agricole stabilisé pendant dix ans. L’avenir de la PAC sera étroitement lié au résultat des négociations sur le futur cadre financier de l’Union européenne pour 2014-2020. Dans le contexte de crise économique et financière qui pèse sur les économies européennes, la PAC est en concurrence avec les autres politiques.

Cette réforme sera aussi la première conduite à vingt-sept. Si les mécanismes de la PAC prévus pour six avaient, lors des réformes successives, pu être adaptés à quinze, un simple ajustement ne suffit plus. En particulier, la question de la répartition des paiements directs entre États membres sera l’un des points importants de la négociation européenne, ainsi que l’a souligné Jean Gaubert.

La Présidence française de l’Union européenne avait lancé, dès 2008, à l’occasion de l’examen du bilan de santé de la PAC qui clôturait un cycle de réformes, un débat sur la refonte de cette politique après 2013. Après l’appel de Paris pour une politique agricole et alimentaire commune du 11 décembre 2009, la France et l’Allemagne ont pris l’initiative, le 14 septembre 2010, d’une position commune pour une politique agricole forte au-delà de 2013. Dans la continuité, des délégations des Parlements français et allemand ont adopté, le 3 février 2011, au Sénat, une position commune. Mais le clivage traditionnel entre États membres partisans d’une PAC forte et ceux qui jugent cette politique plutôt obsolète existe toujours.

La réforme qui s’engage peut donc être la réforme de tous les dangers car elle affecte à la fois le budget, les objectifs de la PAC et son contenu. Mais elle peut aussi être l’occasion pour la PAC de faire la preuve de sa valeur ajoutée et de sa légitimité. Nous avons encore de nombreux mois devant nous pour convaincre. Je vous renvoie à cet égard au rapport, qui contient un développement sur l’efficacité de la PAC et qui réfute les critiques récurrentes qui lui sont adressées. Cette légitimité va se trouver confortée par le nouveau contexte institutionnel : le processus décisionnel fait du Parlement européen un colégislateur au même titre que le Conseil.

Dans l’attente des propositions législatives de la Commission européenne, attendues pour le mois d’octobre, la communication du 18 novembre 2010 intitulée « La PAC à l’horizon 2020 : alimentation, ressources naturelles et territoire - relever les défis de l’avenir » constitue la base des discussions au niveau européen. Les objectifs stratégiques de la PAC identifiés par la Commission sont largement consensuels. Il s’agit de maintenir durablement la capacité de production agricole afin de garantir la sécurité alimentaire des citoyens et contribuer à la demande alimentaire mondiale ; contribuer à une gestion durable des ressources et à la lutte contre le changement climatique ; assurer la vitalité des zones rurales et l’équilibre territorial en termes de compétitivité et de créations d’emplois. Le fait que la sécurité alimentaire soit placée au premier rang des objectifs témoigne d’une évolution positive de la part de la Commission, en rupture avec le discours des dernières années, marqué par la forte crainte de la surproduction. Le G20 qui vient d’avoir lieu a bien réaffirmé cette capacité productive que doivent avoir les pays agricoles.

Cependant, au-delà des objectifs, les grandes lignes de la réforme ne sont pas encore arrêtées, et notre groupe de travail a souhaité adopter en amont des orientations prioritaires pour la défense d’une PAC forte.

Deux préalables s’imposent. Il nous faut un budget fort, c'est-à-dire maintenu à son niveau actuel, à l’euro près. A cet égard, on peut se féliciter que le cadre financier proposé par la Commission le 29 juin dernier gèle les dépenses pour le secteur agricole à leur niveau de 2013. Il faut également une politique commerciale équilibrée. Premier importateur mondial de produits agroalimentaires, l’Europe n’est pas repliée sur elle-même. Dans le cadre des négociations multilatérales du cycle de Doha, elle a déjà fait beaucoup d’efforts face à des pays qui ne sont pas en reste sur les soutiens qu’ils apportent à leurs agriculteurs. Même si la conclusion du cycle de Doha paraît aujourd’hui très incertaine, il ne faut pas en exclure la possibilité. L’Union européenne a déjà consenti à des concessions très importantes dans le cadre du « paquet agricole » de juillet 2008, tant en termes d’accès au marché que de régulation. Il faut donc absolument éviter d’aller au delà de cette offre, ce qui ferait de l’agriculture la variable d’ajustement de la négociation globale. L'Europe doit également défendre ses intérêts en matière d'indications géographiques car celles-ci sont la garantie de la qualité, notre principal atout face à la concurrence mondiale. Il est d’autre part essentiel de veiller à nos intérêts en matière d’agriculture dans le cadre des négociations commerciales bilatérales. Je pense en particulier à la perspective d’un accord avec le Mercosur, qui pourrait mettre gravement en danger l’élevage européen, en particulier bovin. Il convient enfin de promouvoir le principe de réciprocité, en vertu duquel les produits importés doivent être conformes aux normes imposées aux producteurs européens, afin de garantir des conditions de concurrence équitables au plan mondial.

Je voudrais dire un mot sur la parité des revenus, qui fait partie des objectifs initiaux de la PAC. La PAC visait en effet à l’origine à nourrir la population européenne mais également à assurer la parité de revenus entre les agriculteurs et les autres catégories économiques. On s’aperçoit aujourd'hui que les paysans, en moyenne européenne, perçoivent 40 à 50 % du revenu moyen. La part de la valeur ajoutée qui leur revient au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire ne cesse de décroître en moyenne européenne. Il s’agit d’un vrai problème et il faut que la politique agricole en tienne compte. On peut considérer que les aides perçues par les agriculteurs tombent dans une sorte de puit sans fond que pourraient être les poches de certains acteurs que je ne nommerai pas et ce n’est pas la PAC que nous voulons.

Le groupe de travail recommande une régulation musclée avec des instruments plus réactifs et plus efficaces, même si ce point est l’un des plus controversés des négociations. Face à la volatilité des prix et à la multiplication des risques sanitaires et climatiques, il est aujourd'hui indispensable de renforcer la régulation, dans le double objectif de garantir la sécurité alimentaire et de soutenir le revenu des agriculteurs. Les orientations de la communication de la Commission sont à cet égard insuffisantes. Nous souhaitons qu’une véritable réflexion, permettant de déterminer quels sont les instruments les plus efficaces, soit menée. Les récentes crises qui ont frappé les agriculteurs européens, notamment la crise du lait de 2009, ont permis une certaine prise de conscience au niveau européen. Ainsi, la communication de la Commission n’envisage pas de poursuivre le démantèlement des instruments de régulation engagé depuis le début des années 1990, mais elle reste assez vague sur les évolutions possibles, et il n’existe pas de majorité au sein du Conseil en faveur d’un renforcement de la régulation qui irait au-delà d’un « filet de sécurité ». A notre sens, la régulation devrait pourtant avoir une dimension préventive pour être véritablement efficace. L’ensemble du groupe de travail, toutes tendances politiques confondues, s’est accordé sur ce sujet. Dans ce groupe ne se trouvait en effet aucun intégriste du marché, n’en déplaise à ceux qui le sont.

Le groupe de travail souligne plus spécifiquement, dans la continuité de la résolution adoptée récemment sur les droits de plantation, la nécessité de maintenir des instruments de gestion de l’offre pour certaines productions. La suppression des droits de plantation programmée en 2015 menacerait l’avenir du muscadet, entre autres, et de la viticulture européenne dans son ensemble. Il convient donc d’inclure ce secteur dans le champ des négociations sur la PAC et d’inscrire le régime des droits de plantation comme règle permanente dans la future PAC.

Je fais aussi une parenthèse sur le fameux dossier du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). La Cour de Justice des Communautés européennes a rendu en avril dernier un arrêt qui contraint la Commission à attribuer pour 2012 à ce programme un cinquième du budget habituel. Le point 33 de la résolution évoque ce problème en insistant pour le niveau des crédits accordés au PEAD soit maintenu. Cela implique une réforme des règlements européens. C’est important car cela fait partie de l’âme du monde agricole. Dans les milieux ruraux, les gens, souvent, n’ont pas faim car leurs voisins les aident, on rencontre ces problèmes dans les milieux urbains. Le fait que la politique agricole européenne s’intéresse aussi aux plus démunis cela fait partie de l’âme d’origine des paysans. Pendant les guerres, les paysans recevaient et nourrissaient des Parisiens afin que ces derniers puissent vivre normalement. Je trouve très noble que la politique agricole européenne continue, avec en plus des stocks qui sont nécessaires à la régulation, à aider les plus démunis. Mais tous les pays ne sont pas nécessairement d’accord avec nous sur ce sujet.

Une régulation internationale doit parallèlement être mise en œuvre, et le plan d’action adopté par les ministres de l’agriculture du G20 le 23 juin dernier est une étape importante dans cette voie. Celui-ci prévoit en effet l’amélioration de l’information et de la transparence sur les marchés, ainsi que de la coordination internationale afin de prévenir et gérer les crises alimentaires de manière plus efficace. Une meilleure régulation des marchés de matières premières agricoles est également nécessaire. Dans la même perspective, s’il est positif que la Commission propose d’inclure dans le second pilier un ensemble d’outils de gestion des risques, le débat sur ces nouveaux instruments (systèmes assurantiels, fonds de mutualisation…) doit être approfondi, de façon à obtenir une couverture efficace des risques de prix, de production et de revenus auxquels sont confrontés les agriculteurs européens. Le développement de ce type d’instruments ne doit cependant pas se substituer à la nécessaire régulation des marchés.

Le groupe de travail est également favorable aux initiatives européennes visant à rééquilibrer les relations entre producteurs et acheteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire – sujet qui en France a été mis en lumière par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il faut saluer à cet égard l’évolution de la Commission européenne, qui admet à présent certaines dérogations au droit de la concurrence pour prendre en compte les spécificités de la filière laitière, et souhaiter que des dérogations, voire de nouvelles règles, puissent également s’appliquer à d’autres secteurs agricoles.

Nous souhaitons le maintien de l’équilibre entre les deux piliers sur lesquels repose la PAC, avec un premier pilier solide et financé communautairement, de manière annuelle, comprenant les aides directes à la production et les mesures de marché ; et un second pilier « développement rural » cofinançant des actions volontaires des États membres relevant d’une programmation pluriannuelle.

Le  «verdissement » du premier pilier proposé par la Commission – avec l’introduction d’une composante environnementale des paiements directs que tous les États membres devraient mettre en place, rémunérant des mesures annuelles, obligatoires, allant au-delà de la conditionnalité existante - est un gage de légitimité de la PAC car il ne peut y avoir d’agriculture que durable. D’ailleurs, s’il y a toujours une agriculture, c’est parce qu’elle est durable depuis très longtemps. Au cours des siècles, les hommes ont été suffisamment responsables pour corriger les erreurs qu’ils avaient faites. Cependant, il est important que ce verdissement soit intelligent, c’est-à-dire corresponde à des enjeux réels et ne fasse pas peser sur les intéressés des contraintes trop lourdes ou abusives ; l’impératif économique des aides doit être clairement établi, il doit être plus scientifique qu’idéologique.

La répartition des aides entre États membres ainsi qu’à l’intérieur des États doit être plus équitable. Le rapport recommande une convergence suffisante et acceptable par l’ensemble des États membres et l’abandon du système des références historiques. Comme le disait Jean Gaubert, il faudra se mettre d’accord sur des calendriers. Concernant la question du plafonnement soulevée par la Commission européenne, il serait souhaitable d’introduire un mécanisme de dégressivité, modulé en fonction des emplois (masse salariale par exemple).

Enfin, la PAC doit inclure un axe essentiel en faveur des régions défavorisées. Le groupe de travail est à cet égard favorable à l’introduction dans le cadre du premier pilier, d’un soutien zoné en complément du soutien du deuxième pilier, proposé par la Commission européenne. Il souhaite également le maintien de la possibilité d’aides couplées, justifiées par les caractéristiques particulières de certains types d’agriculture ou de certaines zones.

Le deuxième pilier doit être orienté vers des priorités mieux ciblées, et permettre notamment le développement d’agricultures diversifiées, qu’il s’agisse des circuits courts ou des productions de qualité supérieure. Le soutien à l’innovation doit également être un axe important car il s’agit d’un enjeu essentiel pour la compétitivité de l’agriculture européenne, comme d’ailleurs pour toutes les autres activités économiques. Nos pays développés ne pourront survivre que s’ils gardent une avance technologique. J’insiste fortement sur ce point concernant l’agriculture, car la Chine est présente dans le domaine agricole et pourrait nous dépasser sur le plan technologique si l’idéologie l’emporte sur la science.

Telles sont les grandes orientations que nous souhaitons pour la future réforme, qui sont reprises dans la proposition de résolution, adoptée à l’unanimité le 29 juin par la Commission des affaires européennes, et que je vous propose d’adopter conforme.

M. le président Serge Poignant. Aucun amendement n’a été déposé sur le texte proposé. Un vaste débat est en cours au sujet des premier et deuxième piliers de la PAC. Autres questions, celle de la répartition et du verdissement : il s’agit là de sujets à suivre avec attention. Une délégation commune à l’Assemblée nationale et au Sénat a rencontré des représentants du Bundestag. Les Allemands réclamaient un filet de sécurité en cas de crise et la France, un cadre de régulation afin de faire face à la volatilité des prix. Au terme de ces échanges, une déclaration commune a été signée ; ce résultat positif mérite d’être souligné.

M. Francis Saint-Léger. Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer la qualité du travail qui nous est présenté aujourd’hui. La proposition de résolution pour la PAC après 2013 est satisfaisante car elle n’oublie rien, particulièrement pas le maintien du budget 2007-2013 à l’euro près. Le Président de la République comme le ministre de l’agriculture n’ont d’ailleurs pas ménagé leur soutien à cette entreprise.

Sans reprendre tous les points évoqués, je mentionnerai l’architecture en deux piliers, le premier concernant le paiement direct aux agriculteurs, le second relatif à la modernisation, au développement rural et à l’environnement qui doivent être pérennisés. Vient ensuite la répartition équitable des aides entres États membres, maintenues selon des critères objectifs en abandonnant les références historiques, ce qui est une mesure de bon sens. Ce dispositif n’aura que peu d’impact pour la France qui perçoit déjà un DPU moyen proche de la moyenne européenne. En ce qui concerne le verdissement, dans lequel la PAC trouve sa légitimité, sa mise en œuvre doit être conduite de façon simple, généralisée, surtout sans création de nouvelles contraintes aux agriculteurs. La prise en compte des petits agriculteurs doit demeurer un sujet d’attention à travers l’allocation d’une prime spécifique. L’aide à l’installation des jeunes agriculteurs est indispensable et il ne faut pas hésiter à lui donner plus de moyens, en effet, le renouvellement des jeunes générations est la garantie de survie de notre agriculture.

L’élu montagnard que je suis ne peut passer sous silence la prise en compte de l’agriculture de montagne, zone à handicap qu’il convient de protéger. De même que, pour les zones de cultures particulières, le couplage des aides partielles et des aides directes doit être maintenu.

Enfin, je constate avec satisfaction que le projet européen de résolution issu du rapport Dess, a, de son côté, été adopté à l’unanimité par le parlement européen le 23 juin dernier. A ce stade je me bornerai à poser les questions suivantes :

- Avez-vous constaté des divergences d’objectif entre les deux résolutions européenne et française ?

- Avez-vous eu des contacts avec nos partenaires européens, font-ils la même analyse de la situation que vous-même ?

- La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) tient-elle compte des perspectives de la PAC après 2013 ?

- Quelles sont, selon vous, les causes de la récente hausse du prix des matières premières ; quel rôle a pu jouer la spéculation ?

En tout état de cause, je peux d’ores et déjà dire que mon groupe se prononcera favorablement à l’adoption de la résolution en l’état.

M. Jean Gaubert. À ce stade, un consensus relatif est constaté entre la France et ses partenaires européens, cela sans préjuger des différences susceptibles de se faire jour lors de la discussion de points plus précis. Ainsi, il n’y a pas lieu de regretter ce qui a été fait dans le cadre de la PAC jusqu’à ce jour. L’arme alimentaire existe bien et elle demeurera telle à l’avenir. Dans ces conditions, il nous revient de muscler notre agriculture. C’est là une de nos divergences de vue avec les Britanniques qui considèrent qu’il suffit de se fier au marché. De leur côté, les Américains, toujours très protectionnistes, aident massivement leur agriculture tout en accusant leurs concurrents d’abuser du même procédé. En ce qui concerne l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Europe ne doit pas faire plus de concessions. Quant au projet d’accord sur le Mercosur, il pourrait se révéler destructeur pour notre filière viande si nous manquons de vigilance.

La question est souvent posée pour l’Europe : doit-elle importer ou doit-elle exporter ? Les pays les moins avancés pourraient, au titre de l’OMC, taxer leurs importations mais ils ne font pas alors qu’ils pourraient alimenter leurs budgets par ce moyen. On aurait ainsi pu imaginer un système de transfert financier dans lequel l’Europe aurait subventionné ses exportations et les pays moins développés, taxé les importations : cela n’a pas été fait.

Demeure un certain nombre de contraintes. Concernant le budget, certes, les choses auraient pu être pires, mais n’oublions pas que le gel au niveau de 2013 pourrait avoir des effets surprenants. Il suffit de dépenser moins en 2013 pour que le gel tombe à moins 8 ou 10 % de ce qu’il est aujourd’hui. Il est en effet facile de diminuer nos dépenses de façon artificielle sur un an tout en tenant peu ou prou nos engagements. Une autre question est celle de la disparité des productions et de techniques entre pays mais aussi entre grandes et petites exploitations. Les exploitations du Nord de la Pologne et de l’Allemagne n’ont pas guère de points communs avec la Roumanie et la Bulgarie ; et encore on trouve en Roumanie des grands domaines, comme en Pologne, et de toutes petites exploitations. Cela veut dire que la quadrature du cercle n’est pas une quadrature, il s’agirait plutôt d’un polygone. Il faut continuer à aider de petites exploitations de survivance.

Au titre des ambitions, la première est de s’inscrire dans le développement durable qui s’incarne dans le verdissement. À cet égard, il faut conserver ce qui existe en s’inscrivant dans l’obligation sans complexification. Comme il est de tradition dans certains pays européens, dont la France, la présence de l’agriculture sur l’ensemble du territoire demeure primordiale ; il s’agit là d’un élément clef de la politique d’aménagement du territoire. La recherche ferait désormais partie intégrante de la PAC qui prévoit de l’appuyer. Enfin, beaucoup de changements sont attendus, cela même si la somme demeure identique. L’abandon des références historiques sera une bonne chose pour certains et une mauvaise pour d’autres puisque ce que l’on aura donné aux uns, on l’aura pris aux autres. Un accord peut encore se faire sur la notion de briques : une aide de base et une aide à la surface. Cette dernière devant être corrigée par deux paramètres qui sont la culture plein champs, qui ne pose pas de problème, et la dégressivité qui, elle, fait débat. De fait, en Europe, on considère plutôt que ceux qui ont plus peuvent donner à ceux qui ont moins mais cette conception des choses n’est pas partagée par tous, particulièrement pas par les plus riches. Or, sans dégressivité, nous ne parviendrons à rien ; il ne fait guère de doute que nous devrons aider plus les pays de l’Est.

Quant à la régulation, il s’agit d’un sujet très difficile qui appelle un engagement déterminé de notre part. A ce propos, j’ajoute que le filet de sécurité est insuffisant et ne permettra pas de sauver les agriculteurs en difficulté.

Le débat devant encore durer deux ans, j’ai proposé au président de la commission des affaires européennes, qui m’a fait part de son accord, de pérenniser le groupe de travail sur la PAC. Mais, pour gagner en efficacité, je préconise de ne plus tenir systématiquement des auditions et d’organiser périodiquement une table ronde d’une demi-journée pour faire le point sur l’actualité, tout en s’appuyant sur des contributions écrites.

M. le président Serge Poignant. Je me rapprocherai à cette fin du président de la commission des affaires européennes. Je partage votre point de vue, nous devons participer activement à ce débat.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous voterons cette proposition de résolution car nous partageons les quatre objectifs qu’elle poursuit. Les deux premiers objectifs concernent la stabilisation du budget agricole à son niveau de 2013 et une certaine forme d’agressivité commerciale – au bon sens du terme –, notamment dans nos relations avec le Mercosur ou dans le cadre des négociations de Doha. Le troisième objectif, qui porte sur la défense des IGP, revêt une importance fondamentale pour notre agriculture ; nous saluons à cet égard le point 14 de la proposition, qui demande le renforcement de soutiens couplés suffisants pour l’élevage, le maintien de productions spécifiques et la production de protéagineux ; c’est un enjeu de première importance pour certains territoires : ainsi le « pruneau d’Agen » qui est à l’origine de 11 000 emplois, ne survivrait pas à la disparition du couplage. S’agissant du quatrième objectif, la part de la valeur ajoutée affectée aux agriculteurs connaît une baisse continue. La grande distribution est généralement tenue pour responsable de cet état de fait.

Je regrette toutefois qu’aucune réflexion n’ait été conduite à ce jour sur la concurrence intra-européenne dans le domaine agricole. On est polarisé sur le Mercosur, mais nos agriculteurs sont avant tout en concurrence avec leurs homologues européens. L’enjeu constitué par une concurrence correcte est fondamental. Ce sujet est évoqué au point 13 de la proposition, qui indique que « les mesures environnementales du premier pilier devront être simples » et «  harmonisées ». Nos agriculteurs demandent en priorité à être placés à armes égales avec leurs compétiteurs européens. Cette exigence est également invoquée s’agissant du coût du travail en Europe. A titre d’exemple, le salaire complet s’élève à 1 € de l’heure en Roumanie ; il est treize fois plus élevé en France. Les textes européens prévoient que le financement de la protection sociale est exclusivement de compétence nationale. Il convient toutefois d’éviter les distorsions de concurrence. L’Europe devrait ainsi s’opposer aux mécanismes de protection des agricultures nationales, à l’image de l’accord conclu entre l’Allemagne et la Pologne.

M. Philippe Armand Martin. Comme l’a rappelé le rapporteur, la PAC a prioritairement pour objet d’assurer la sécurité alimentaire et de garantir un certain revenu aux agriculteurs. La question de la régulation occupe également une place centrale et fait actuellement l’objet d’avancées significatives. Le rapporteur a insisté sur la nécessité d’inclure le secteur viticole dans les débats contrairement à la position initiale de la Commission européenne. L’enjeu est double : sur le plan budgétaire, notamment s’agissant des aides et des investissements, il aurait été anormal qu’un secteur de l’importance de la viticulture ne soit pas mentionné ; en matière de régulation, il convient de résoudre la question des droits de plantation. Sur ce dernier point, les débats sont en bonne voie au Parlement européen : on devrait bientôt pouvoir obtenir une majorité. Le rapport Dess a d’ailleurs été approuvé. Enfin, comme l’a dit Jean Gaubert, il nous faut continuer à travailler sur ce sujet. Un texte sera soumis à l’examen du Parlement à l’automne. Il convient de suivre le processus d’élaboration et de conduire, le cas échéant, des auditions.

M. Germinal Peiro. Les objectifs définis dans le cadre de la réforme de la PAC, qu’il s’agisse de la production agricole, de la stabilisation du budget, du verdissement des aides du premier pilier ou des équilibres territoriaux, constituent des motifs de satisfaction.

Pour autant, certaines questions ne sont pas encore clairement définies. S’agissant du plafonnement des aides, des disparités importantes demeurent. Pour prendre l’exemple de la Roumanie, plus de 80 % des agriculteurs possèdent moins de 2 hectares mais certains d’entre eux disposent de plus de 30 000 hectares. L’enjeu du plafonnement des aides est donc encore plus important dans ce pays qu’il ne l’est en France. À cet égard, la question consiste à savoir s’il faut accorder des aides en tenant compte des actifs ou s’il faut privilégier le critère de l’emploi.

Par ailleurs, M. Ciolos nous a dit en novembre dernier qu’il n’existait pas, actuellement en Europe, de soutien politique à la régulation et que son action s’inscrivait nécessairement dans le cadre de ce mandat. Il faut également constater que la majorité des pays européens baigne dans l’idéologie du « tout-marché ». À titre d’exemple, en matière de contrôle des volumes, les outils de régulation ont disparu, qu’il s’agisse des quotas laitiers ou des droits de plantation des vignes ; sur ce dernier sujet, la France a donné son accord en 2008. La situation est d’autant plus dommageable que, comme l’a rappelé le commissaire Ciolos, il sera très difficile, à l’avenir, de revenir sur ces décisions.

Enfin, l’Union européenne doit mieux protéger son agriculture. L’Europe a réalisé beaucoup de concessions dans le cadre des négociations de l’OMC et cela doit cesser. Il convient, en la matière d’utiliser des moyens légaux de protection, c’est-à-dire d’ordre sanitaire. Les États-Unis nous réintentent un procès au motif que nous refusons leur bœuf aux hormones et leur poulet chloré. Il faut être assez fort pour affirmer notre refus, à l’instar des produits à base d’OGM. À cet égard, les tenants du « tout-marché » font peser une menace importante sur les équilibres agricoles européens.

M. Alfred Trassy-Paillogues : C’est un texte intéressant. Je félicite les membres du groupe de travail et je remercie le rapporteur du rapport qu’il a présenté. Que de chemin parcouru depuis les années où l’on pensait au démantèlement de la PAC. S’il n’y avait pas eu la détermination du Président de la République et la capacité de Bruno Le Maire à mettre en œuvre cette détermination et cette volonté, sans doute n’en serions-nous pas là !

Je me réjouis que des éléments essentiels aient été retenus dans ce texte : les risques sanitaires, bien sûr, la sécurité alimentaire, le soutien à la qualité, à l’innovation et aux technologies nouvelles sans lesquelles nous ne pourrons pas tirer notre épingle du jeu dans la concurrence européenne ou mondiale. J’ai apprécié aussi que Michel Raison évoque le point 33 et le retour aux fondamentaux de la philosophie et de l’éthique rurales et paysannes. Depuis des siècles, les paysans ont l’habitude, au plan alimentaire, d’aider celles et ceux qui sont dans le besoin. J’ai apprécié aussi qu’une porte soit ouverte en matière de dérogations au droit de la concurrence pour tenir compte des spécificités de certaines filières.

Cela étant, nos agriculteurs, que nous rencontrons assez régulièrement dans nos circonscriptions, s’estiment toujours pénalisés et asphyxiés par un excès de réglementation et de législation. Ils vont même quelquefois jusqu’à dire qu’en France, « on veut laver plus blanc que blanc » et que l’administration française est plus dure avec eux que ne peuvent l’être d’autres administrations européennes qui, théoriquement, sont soumises aux mêmes contraintes que nous.

Je souhaiterais évoquer les distorsions de concurrence, le coût du travail, la traçabilité, et, en ce qui concerne le verdissement du premier pilier, des contraintes tout à fait légitimes pour que l’agriculture soit durable et pérenne, mais qui ne doivent pas être insupportables au quotidien.

Mme Frédérique Massat. Cette résolution va tout à fait dans le bon sens mais nous avons quelques regrets par rapport à l’harmonisation sociale par le haut qu’il faudrait pouvoir mentionner. On pourrait imaginer, pourquoi pas, une conditionnalité sociale des soutiens financiers de l’Europe.

Le verdissement de la PAC n’est qu’un mot que l’on emploie sans savoir ce qu’il recouvre fondamentalement. L’harmonisation environnementale serait également souhaitable au niveau européen. On a enregistré, dans le cadre de notre rapport d’étape sur l’application de la loi Grenelle 2, des demandes fortes de la part des agriculteurs par rapport aux produits phytosanitaires et au dispositif de haute valeur environnementale que nous avons mis en œuvre dans le cadre des textes votés. Il faudrait pouvoir s’interroger au niveau européen sur ces questions, ainsi que sur la problématique connexe de l’eau et de la sécheresse.

Je me réjouis que la politique de la montagne soit mentionnée pour la première fois à ce niveau-là et puisse faire l’objet de la future PAC de même que les circuits courts, également mentionnés. Je regrette cependant que l’on n’insiste pas suffisamment sur la nécessité de développer la territorialité de notre agriculture, les circuits courts et l’agriculture de proximité.

Enfin, pour conclure, il est dommage également qu’il n’y ait aucun paragraphe consacré à la forêt. Celle-ci fait également partie de l’agriculture. C’est une thématique qui est traitée au niveau européen. Il ne faudrait pas que les surfaces agricoles soient comptables d’une déforestation. J’aurais dû faire des amendements, me répondrez-vous.

M. Jean-Pierre Nicolas. Je salue la qualité de ce rapport. Les sujets d’investigation sont nombreux. À cet égard, la proposition de résolution est tout à fait intéressante. Dans les travaux qui vont suivre, ne devrait-on pas se centrer sur deux axes essentiels : la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs ? Comme le suggéraient Jean Gaubert et Philippe Armand Martin, dans le groupe de travail, ne devrait-on pas chercher à formuler des propositions extrêmement concrètes plutôt que de grandes déclarations d’intention ? Les agriculteurs sont bien plus sensibles aux actes concrets qu’aux déclarations. Il faut veiller à la notion d’égalité en matière de coût du travail et à alléger considérablement les procédures dont les agriculteurs se plaignent. Voilà deux décisions concrètes qu’il me paraît facile de prendre.

Mme Annick Le Loch. En Bretagne, et singulièrement en Finistère, l’agriculture pèse lourd sur le plan économique et de l’emploi, ainsi que sur le plan environnemental. Elle traverse comme ailleurs une crise économique profonde, doublée d’une crise morale. Le modèle agricole mondial et la PAC d’aujourd’hui, basés sur la spéculation, la privatisation et la déréglementation des produits agricoles ont trouvé leurs limites. Le changement est venu car la production agricole n’est pas une marchandise comme les autres. L’Europe a un rôle capital à jouer dans le cadre de cette nouvelle PAC. C’est en effet la première politique de cohésion qui doit placer l’alimentation et la multifonctionnalité de l’agriculture au cœur du dispositif avec :

– des objectifs alimentaires, bien sûr, pour contribuer à lutter contre la faim dans le monde tout en respectant la souveraineté alimentaire des autres continents et tout en étant capable, lorsque cela se justifie, de promouvoir la préférence communautaire ;

– mais aussi des objectifs sociaux, notamment l’harmonisation des normes sociales : en effet, chaque pays a la responsabilité de développer son agriculture en Europe, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’agriculture des pays voisins. Ce modèle n’est pas au cœur d’une Europe citoyenne du marché commun ;

– des objectifs économiques avec le maintien de l’emploi et de l’activité agroalimentaire ;

– des objectifs environnementaux avec une rémunération pour la fourniture des biens publics au premier rang desquels les paysages, la biodiversité et la qualité de l’eau et la lutte contre le réchauffement climatique ;

– des objectifs territoriaux relatifs à l’installation des jeunes agriculteurs et au renouvellement des générations, avec la volonté d’asseoir l’agriculture de façon plus territorialisée de manière à faire vivre tous nos territoires ;

– des objectifs financiers avec le maintien du budget tel qu’il est proposé, en espérant qu’à terme, les agriculteurs vivront de leur travail et non des subventions.

Si la future PAC 2013 porte en elle tous ces ingrédients, comme cette résolution semble l’affirmer, des changements profonds pourront voir le jour et la confiance en l’Europe pourra revenir.

M. William Dumas. Une partie de cette proposition de résolution m’intéresse beaucoup : il s’agit de celle qui est axée sur la régulation des marchés agricoles. Il faut impérativement que la PAC 2013 joue un rôle préventif sur le marché des matières premières agricoles. Si l’on n’encadre pas ces marchés, on ne pourra pas lutter contre la volatilité des prix. Il faut que l’Union européenne joue pleinement son rôle de régulateur sur les marchés agricoles, ce qui était le cas auparavant, sinon les crises agricoles auxquelles on assiste chaque année ne cesseront pas.

Il convient également d’insister sur la sécurité alimentaire, comme l’illustre la crise récente qui s’est produite en Allemagne. Conséquence semble-t-il directe de cette crise, les consommateurs sont moins attirés par le bio et cela commence à se ressentir sur les ventes.

La répartition des aides doit, comme le souligne le rapporteur, être plus équitable, et surtout, mieux ciblée sur les secteurs défavorisés.

Enfin, s’agissant de la viticulture, l’Europe ne peut à la fois subventionner l’arrachage des vignes dans un but d’amélioration de la qualité et supprimer les droits de plantation, seuls outils de contrôle de la qualité des plantations. On a fait un pas dans la bonne direction puisque la commission agriculture du Parlement européen a demandé son maintien, dans le courant du mois de mai. Il y a néanmoins encore beaucoup à faire et il convient donc d’être très vigilant à ce sujet.

M. François Brottes. J’étais en train de lire une note relative à la bactérie E.coli : il y est expliqué que c’est la bactérie la plus fréquemment utilisée pour faire muter des cellules de plantes afin de produire des OGM. Cela n’est pas forcément compatible avec le bio. Je ne suis pas certain que l’on n’accuse pas à tort ceux dont on aimerait qu’ils aient la rage.

Dès l’instant où cette résolution pourrait être votée par la quasi unanimité de notre commission, il me paraîtrait judicieux qu’elle soit transmise, non seulement à la Commission européenne et au Parlement européen, mais à l’ensemble des parlements nationaux. J’ignore si c’est un acte que l’on fait régulièrement. Quoi qu’il en soit, c’est aussi une façon de dialoguer avec nos collègues, comme Jean Gaubert et Hervé Gaymard ont pu le faire hier. Sans vouloir passer pour des donneurs de leçons, il me paraît bien de faire passer de tels messages.

Ma deuxième remarque est la suivante : une fois de plus, n’en déplaise à Jean Dionis du Séjour, l’Europe se prend les pieds dans le tapis : chaque fois que l’on assigne des objectifs transversaux à une politique sectorielle, sans mettre en place un dispositif de régulation fort, on échoue. C’est le cas en ce qui concerne l’incompatibilité entre les directives sectorielles de l’énergie et le paquet climat-énergie : on voit bien que cette directive sectorielle ne permet pas de faire des économies d’énergie parce que rien n’est prévu pour alors que le paquet climat-énergie l’impose. Ici, l’on assigne des objectifs de sécurité alimentaire, de gestion durable des ressources et de mesures en faveur du climat. C’est parfois incompatible avec des logiques de production et de rémunération des professions. La seule réponse à cette question réside dans une forte régulation qui ne peut être efficace qu’en cas d’harmonisation sociale par le haut et en cas d’harmonisation fiscale. Cette régulation sert surtout à bien accomplir les objectifs transversaux qui sont assignés à la PAC. Ce n’est pas parce que l’on est frileux par rapport au marché, mais parce que celui-ci est incompatible avec la bonne exécution des objectifs que l’on s’est assigné.

J’attire l’attention de la majorité sur la banalisation, prévue par le projet de loi relatif aux droits, à la protection et à l’information des consommateurs, des indications géographiques et des appellations d’origine. Ainsi que nous l’avons indiqué lors du débat de la semaine dernière, cette banalisation risque de fragiliser considérablement ceux qui, avec sueur et travail, ont obtenu appellations et indications. Le rapporteur vient de dire que c’était important. Ne préconisons pas au niveau européen ce que l’on démonte au niveau national.

La forêt n’a jamais relevé d’une compétence européenne, si ce n’est pour contester la déforestation sur d’autres continents que le nôtre. La forêt a un lien certes ténu avec la sécurité alimentaire : pour le fromage – notamment celui que l’on fait dans une région proche de celle du rapporteur, puisqu’il y a du bois qui entoure certains fromages – et pour le vin, puisque les tonneaux sont souvent en bois. Au-delà de cela, on se situe dans d’autres filières et d’autres économies. Cela doit donc faire l’objet d’une approche différenciée et spécifique. Pour autant, je ne nie pas qu’il y ait quelques liens entre la sécurité alimentaire et la forêt.

Je me réjouis que l’on ait réussi à élaborer un texte qui embrasse autant la totalité des problèmes posés et qui puisse faire l’unanimité dans notre assemblée.

M. le rapporteur. Je vais essayer d’être le plus bref possible, la plupart des déclarations étant en harmonie entre elles et avec les positions du groupe de travail.

Pour répondre M. Francis Saint-Léger, la difficulté de notre proposition de résolution était de rassembler les différents groupes politiques, ce qui a été fait. La difficulté de la proposition de résolution du Parlement européen est de rassembler les différents États membres, au-delà même des différences politiques, ce qui s’est avéré plus difficile et explique que, bien qu’elle ne contredise pas la nôtre, elle soit beaucoup moins précise.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a évidemment anticipé les mutations de la politique agricole commune après 2013, l’élément clé en étant la contractualisation. Il s’agit d’un dossier difficile à mettre en place mais important. La question des assurances avait aussi fait l’objet d’avancées importantes.

La fluctuation des prix tient à l’absence de régulation des marchés de matières premières agricoles plus qu’à la spéculation. Dans le domaine agricole, la demande est relativement figée : ce n’est pas parce que le prix du bœuf diminue de moitié que vous allez manger deux biftecks à midi. L’offre, en revanche, varie plus fortement que dans aucun autre secteur. D’où des fluctuations très rapides de prix. Les spéculateurs, qui sont dans une certaine mesure nécessaires sur le marché, viennent accentuer ces variations, mais n’en sont pas à la base.

Je veux ensuite dire à M. Jean Gaubert que j’adhère aux propos qu’il a tenus. La PAC a été souvent critiquée mais il est clair que sans elle, l’agriculture française serait aujourd’hui dans une situation difficile.

Il faut donc que nous fassions du lobbying. Nous avons fait un certain nombre de consultations que la démocratie oblige. Il faut maintenant que nous nous concentrions sur des points précis à défendre. C’est comme lorsque vous appeler un menuisier pour qu’il vous pose une fenêtre : si vous ne rappelez pas tous les deux jours, votre fenêtre ne sera jamais posée.

Concernant la recherche agricole, 4 milliards et demi d’euro y ont été affectés à l’échelon européen. Aujourd’hui, les divergences qui subsistent concernent le point jusqu’auquel on doit aller en matière de subventionnement de la recherche agricole.

Pour répondre à M. Jean Dionis, je vois qu’il applique la méthode de l’appel au menuisier pour la pose de la fenêtre, sur le sujet de charges sociales en matière agricole. Certains éléments, j’en conviens, ne sont pas dans le rapport qui se concentre sur la PAC. Il y a bien sûr des sujets hors PAC sur lesquels il faut que nous fassions du lobbying : les distorsions de concurrence ne sont pas seulement dues aux charges sociales même si le coût du travail constitue l’un des facteurs de distorsion reconnu. J’en profite pour répondre à M. Alfred Trassy-Paillogues : il faut aussi que la France évite de vouloir « laver plus blanc que blanc » en prenant des mesures qui créent des distorsions de concurrence.

M. Germinal Peiro a parlé des différences de traitement entre très grandes exploitations, qui n’existent d’ailleurs pas en France, et petites exploitations. Je pense que les aides doivent être attribuées en fonction des actifs, mais aussi en fonction du temps de travail. Il ne faut pas non plus assécher la PAC en distribuant des aides à des exploitants travaillant moins qu’à mi-temps.

Mme Frédérique Massat a évoqué les zones de montagnes, auxquelles j’ajouterai toutes les autres zones à handicap naturel. La prise en compte de ces zones est une des réussites de la PAC et il faut continuer d’être très insistant sur ce point. La forêt ne fait partie de la PAC, mais il n’est pas possible d’être indifférent aux équilibres entre agriculture et forêt. Venant d’un département dans lequel il y a 45 % de forêt, je suis particulièrement sensible à cette question et je crois d’ailleurs que tout paysan a une âme de forestier.

M. Jean-Pierre Nicolas a mis en garde contre les grandes déclarations. Mais derrière chaque paragraphe de la proposition de résolution, il y a des choses très précises. Ce sera au Gouvernement, ensuite de décliner.

La simplification est un enjeu fondamental. M. Dacian Ciolos, qui est venu devant la commission, est d’ailleurs sensible à cette question. Mais c’est comme pour faire un courrier : cela prend plus de temps d’être simple. Et le Général de Gaulle, je le rappelle, disait que les plus grandes choses qui ont été dites au peuple ont toujours été des choses simples, et Dieu sait s’il les travaillait ses déclarations pour qu’elles soient simples, concrètes et courageuses.

Pour répondre à Mme Annick Le Loch, je suis d’accord pour dire qu’il faut encore progresser dans l’harmonisation européenne et que, malheureusement, ce mouvement prend beaucoup de temps.

En ce qui concerne l’installation, j’ai encore lu quelques documents hier soir. C’est la France qui utilise le mieux les subventions européennes existantes. Il faut que nous arrivions à convaincre nos collègues des autres pays de faire plus pour l’installation : nous avons un problème avec la pyramide des âges.

Sur le plan sanitaire, je note que la France est le meilleur pays. Nos services vétérinaires font très bien leur travail et permettent une traçabilité meilleure que partout ailleurs, y compris l’Allemagne.

Pour répondre sur l’agriculture biologique à M. François Brottes, je signale que ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est plus sain. La sécurité est forcément inférieure avec le bio, j’en reste persuadé, y compris pour les produits utilisés en traitement bio. L’amanite phalloïde et le cyanure sont naturels et très toxiques ; peut-être pourra-t-on faire un jour de succulentes amanites phalloïdes génétiquement modifiées fluorescentes et qui n’auront rien de toxique.

La sécurité sanitaire est importante, mais le goût l’est aussi. Les appellations géographiques ne sont pas une garantie sanitaire mais une garantie gustative. Elles nous permettent de sauver des territoires et c’est important.

Je terminerai en reprenant un point que M. François Brottes a évoqué. Je suis très attaché à l’équilibre entre les aspects économiques, environnementaux et sociaux du développement, donc au développement durable.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie, monsieur le rapporteur. Parallèlement à l’autorisation de publier le rapport, je vais désormais mettre aux voix la proposition de résolution.

La Commission adopte à l’unanimité la proposition de résolution européenne sans modification.

M. le président Serge Poignant. Je remercie les membres de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européenne sur le travail qu’ils ont fourni. La résolution sera transmise à qui de droit dans les plus brefs délais.

◊ ◊

Information relative à la commission

La commission a désigné M. Jean-Louis Léonard rapporteur sur la proposition de loi relative aux habitats légers de loisirs et à l’hébergement de plein air et portant diverses dispositions relatives au tourisme (n° 3368).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 13 juillet 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Gérard Hamel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Germinal Peiro, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Michel Raison, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Alfred Trassy-Paillogues

Excusés. - M. Bernard Brochand, M. Jean-Pierre Decool, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lasbordes, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Marie-Lou Marcel, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau