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Commission des affaires économiques

Mercredi 12 octobre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Luc Oursel, président du directoire d’Areva

La commission a auditionné M. Luc Oursel, président du directoire d’Areva.

M. le président Serge Poignant. Je donne la parole à M. François Brottes pour une intervention qui n’entre pas dans le cadre de l’audition d’aujourd’hui.

M. François Brottes. Monsieur le président, j’ai appris que la commissaire européenne à la pêche et aux affaires maritimes, Madame Maria Damanaki, avait rencontré les membres du groupe d’étude sur la pêche de l’Assemblée nationale. Au nom de mon groupe, je déplore que nous ne l’ayons pas reçue devant cette Commission : elle aurait trouvé un auditoire plus nombreux et particulièrement intéressé par ces sujets. Lorsque l’on connaît l’importance de telles visites pour les commissaires européens pour « prendre le pouls » des États membres sur des sujets particuliers, il me semble étonnant et préjudiciable à l’image de notre Parlement que cette rencontre se soit déroulée dans le cadre d’un groupe d’études, quelle que soit la qualité de celui-ci. De surcroît, j’ai cru comprendre que cette réunion ne s’était pas très bien passée. Peut-être Madame la commissaire aurait-elle eu d’autres réactions devant une commission, organe davantage représentatif de l’Assemblée nationale.

M. le président Serge Poignant. Monsieur Brottes, je suis moi-même déçu que nous n’ayons pas pu recevoir Madame Damanaki dans cette salle. Je voudrais toutefois apporter une précision : c’est Madame la commissaire qui a souhaité rencontrer les groupes d’étude du Sénat et de l’Assemblée, et non ces derniers qui lui ont adressé une invitation.

Monsieur Luc Oursel, je salue votre nomination à la tête du groupe Areva et vous souhaite la bienvenue dans cette Commission. Vous le savez sans doute, nous sommes très impliqués sur le sujet du nucléaire. Nous nous sommes intéressés de très près aux difficultés rencontrées par la filière nucléaire française. Au cours du mois de janvier dernier, nous avons ainsi mené une série d’auditions au cours desquelles l’ensemble des acteurs de cette filière, parmi lesquels Madame Lauvergeon, votre prédécesseur, nous ont présenté leur point de vue.

Nous avons également suivi avec particulièrement d’attention et de tristesse les événements consécutifs à la catastrophe de Fukushima. Sept mois après, alors que la situation est en train d’être stabilisée, de nombreuses questions se posent au sujet de la sûreté nucléaire, dont les répercussions sont directes sur l’industrie nucléaire française et sur l’avenir de votre groupe. Quelles sont les conséquences, pour le groupe Areva, de l’accident nucléaire japonais ? Plus précisément, avez-vous subi des annulations de commandes ? Dans quels pays la construction de nouveaux EPR est-elle actée : Royaume-Uni, Afrique du Sud, Chine, Inde, etc. ? Dans lesquels, au contraire, des perspectives se referment ? Quelle est votre vision du marché du nucléaire à long terme ? Avez-vous lancé une stratégie de diversification dans les énergies renouvelables ?

Les installations nucléaires de base que vous exploitez en France ont été soumises aux stress tests, au même titre que celles du CEA et d’EDF. Quelle est votre appréciation des résultats de ceux-ci ? Pouvez-vous revenir en détail sur le piratage informatique dont vous avez été victime ?

Nous aimerions également obtenir des informations sur la situation financière du groupe Areva. Prévoyez-vous une augmentation de capital ? Qu’en est-il des projets de filialisation de vos activités minières ? De la cession de vos participations dans le groupe Eramet ?

Enfin, comment comptez-vous participer à l’ « équipe France du nucléaire » ? Êtes-vous favorable à un approfondissement de vos relations avec EDF ? Comment vous positionnerez-vous sur ce sujet en tant que nouveau patron d’Areva ?

M. Luc Oursel, président du directoire d’Areva. Merci Monsieur le Président. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je sais tout l’intérêt que votre commission porte à Areva et vous remercie de m’avoir invité, 4 mois après ma prise de fonction comme Président du directoire. Sept mois après la catastrophe de Fukushima, dans un contexte marqué en France par un débat sur les choix énergétiques de notre pays, je me propose de faire un point avec vous sur les perspectives internationales de l’énergie nucléaire avant de vous parler de la situation d’Areva et de mes priorités pour le groupe.

Vous le savez, le contexte mondial du nucléaire se trouve affecté par l’accident de Fukushima. Nous devons ainsi gérer à court terme une période d’incertitude, avant que l’activité ne reprenne. Mais il n’y a pas eu de coup d’arrêt. A moyen terme, les perspectives de marché restent extrêmement solides. Nous observons cependant un report de six ou plus des procédures d’appel d’offre déjà lancées.

Débutons notre « tour du monde » par la Chine, où Fukushima n’a pas remis en cause la nécessité du nucléaire. 15 réacteurs y sont en construction, 30 autorisés et 80 programmés. Ce que la crise japonaise a fait évoluer dans ce pays, c’est le débat autour du choix de la technologie pour les futurs réacteurs. A cet égard, l’accident de Fukushima a accéléré le mouvement vers plus de sûreté, ce qui est bien sûr une excellente nouvelle pour les réacteurs de troisième génération comme l’EPR.

En Inde, la situation est identique : nous poursuivons les négociations pour la fourniture de deux EPR. Nous saluons également la décision prise par l’Etat indien d’accorder l’indépendance à son autorité de sûreté.

Aux États-Unis, la réaction post-Fukushima a été très rationnelle. Je m’y suis rendu le 15 septembre dernier pour signer un nouveau contrat avec la Tennessee Valley Authority. Areva va achever la construction de la centrale de Bellefonte 1, dans le nord de l’Alabama. Il s’agit bien sûr d’une excellente nouvelle pour nous, dans un pays clé, le premier à décider d’ajouter une nouvelle centrale nucléaire à son parc après l’accident de Fukushima.

Du côté des grands marchés émergents, nous allons aussi terminer la construction d’une centrale au Brésil. L’Afrique du Sud, qui a maintenu son programme électronucléaire dans le cadre d’un appel d’offres qui devrait être lancé en 2012, est également un marché prioritaire pour AREVA.

En Europe, la plupart des pays ont choisi de poursuivre leur programme nucléaire. C’est notamment le cas du Royaume-Uni, de la République tchèque, des Pays-Bas et de la Finlande. C’est aussi le cas de la Suède, un pays qui est « sorti de la sortie » du nucléaire. En Pologne, le Parlement, après l’accident de Fukushima, s’est prononcé à 95 % en faveur de l’énergie nucléaire, choix révélateur dans ce pays très attaché au charbon.

Évidemment, certains États ont réagi différemment. Au Japon aura lieu un grand débat énergétique en 2012. Pour l’heure, la priorité est de terminer la mise sous contrôle du site. Le redémarrage des centrales est également un enjeu important. En effet, le pays vit dans une économie de rationnement faute d’électricité suffisante à la suite de la fermeture de centrales nucléaires. La consommation d’électricité par les industriels japonais a ainsi subi une baisse de 20 % ces derniers mois. Par conséquent, s’il est probable que le débat énergétique aboutisse à une diminution de la part du nucléaire dans leur bouquet électrique, il n’est pas sûr que soit choisie la sortie du nucléaire. J’ajoute que le gouvernement japonais a renforcé l’autonomie de l’autorité de sûreté nucléaire de pays.

En Italie, le résultat négatif du référendum sur un retour au nucléaire a été en partie influencé par la défiance des Italiens envers leur gouvernement. En Suisse, les autorités ont récemment adopté une position subtile, qui garde la porte ouverte à la construction de nouvelles centrales de 3ème génération.

J’en viens à la décision unilatérale allemande de sortir du nucléaire. L’exemple allemand nous montre très clairement ce qu’implique réellement une sortie du nucléaire. Première conséquence, la reprise des importations d’énergie : depuis avril, l’Allemagne a déjà acheté à l’étranger 40 % d’électricité de plus que l’année dernière. Les prix y ont augmenté de 20 %. Deuxième conséquence, le gouvernement allemand prévoit la construction de nouvelles centrales au gaz et au charbon, alors que cette dernière source d’énergie produit déjà, rappelons–le, 50 % de son électricité avec du charbon. Comble de la surprise, ces constructions vont être pour partie financées par le « fond climat » mis en place pour lutter contre le changement climatique.

A l’opposé de la décision allemande, et je finirai ce tour d’horizon par là, le Royaume-Uni. Jeune haut fonctionnaire, un de mes homologues britanniques m’avait vanté les mérites de la dérégulation. Je constate avec satisfaction aujourd’hui que le Royaume-Uni a développé ces dernières années une véritable politique énergétique de long terme, garantissant des prix réguliers. Ce nouveau cadre législatif et réglementaire constitue un modèle, qui permet d’ôter toute entrave au développement du nucléaire.

Vous l’aurez compris au travers de ce rapide tour d’horizon, les réactions à la catastrophe de Fukushima sont, dans l’ensemble, très rationnelles. Je reprendrai les propos d’Anne Lauvergeon, dont je partage la plupart des conclusions, qui a coutume de dire que le nucléaire, s’il n’est pas l’unique solution, est l’une des solutions aux problèmes énergétiques et climatiques. Les fondamentaux qui ont justifié son développement demeurent : la croissance démographique, le besoin en électricité, la nécessité d’une indépendance énergétique dans un contexte géopolitique plus incertain, et la volonté de nos sociétés de bénéficier d’une électricité compétitive à un coût prédictible. Ni les particuliers ni les industriels ne peuvent vivre avec une électricité et dont le prix fluctue au gré des énergies fossiles. Voilà toute une série de bonnes raisons du maintien de notre engagement dans la filière nucléaire, au sein de laquelle je vous rappelle que la France occupe le 1er rang mondial.

Dans ce contexte, qu’en est-il de mes priorités à la tête d’Areva ? La première consiste à consolider la stratégie mise en place par Anne Lauvergeon : maintenir le business model intégré, de la mine jusqu’au recyclage ; conserver un équilibre entre le nucléaire et le renouvelable. A l’intérieur de cette stratégie, je m’assurerai du bon déroulement des projets, notamment des quatre projets de centrales EPR actuellement en construction dans le monde. Les clients doivent revenir au centre des préoccupations d’Areva. Je compte resserrer fortement les liens avec tous nos clients et notamment avec EDF, le premier d’entre eux avec 25 % du chiffre d’affaires de notre entreprise. EDF est le partenaire auprès duquel tous les succès de la filière nucléaire française ont été construits dans les années précédentes. Ce partenariat s’est traduit concrètement par la signature d’un accord, au mois de juillet dernier, pour travailler en commun sur l’optimisation de l’EPR et le retour d’expérience à tirer des différents chantiers.

EDF n’est pas notre seul client : nous travaillons avec 95 % des exploitants nucléaires dans le monde. Nous avons une responsabilité particulière auprès de TEPCO et du gouvernement japonais. Areva prouve quotidiennement sa détermination pour résoudre les problèmes rencontrés sur le site de Fukushima. Nous sommes par ailleurs très présents auprès de toutes les compagnies d’électricité qui soumettent leurs réacteurs nucléaires aux stress tests, occasion pour nous de valoriser notre expertise et nos compétences.

Ma deuxième priorité est de mener à bien les négociations importantes. Ainsi que je vous l’ai déjà indiqué, j’ai signé le 15 septembre dernier un nouveau contrat avec la Tennessee Valley Authority pour l’achèvement de la construction de la centrale de Bellefonte 1. Fin septembre, nous avons également remporté un appel d’offres lancé par EDF d’un montant de près d’un milliard d’euros pour la fourniture de 32 générateurs de vapeur, qui garantira une activité industrielle soutenue pour toute une série d’entreprises du pôle nucléaire de Bourgogne. Nous poursuivons activement les négociations en Inde pour un EPR, en Chine pour deux EPR supplémentaires ainsi qu’une usine de traitement et de recyclage des combustibles usés, au Royaume-Uni, en République Tchèque pour ne donner que quelques exemples. Il est important, en cette période, d’envoyer un signal clair sur nos intentions en matière nucléaire.

Ma troisième priorité est d’adapter le groupe Areva à un nouveau contexte post-Fukushima. Immédiatement après mon arrivée à la présidence du Directoire d’Areva, j’ai demandé que soit élaboré un plan d’actions stratégique pour les cinq prochaines années, qui doit permettre de : réévaluer le contexte stratégique de l’entreprise, la position concurrentielle d’Areva sur les marchés du cycle du nucléaire – mine, enrichissement, recyclage –, des réacteurs existants, des nouveaux réacteurs, des activités renouvelables ; déterminer le bon niveau d’ambition de l’entreprise et ses objectifs de part de marché ; de déterminer les investissements nécessaires à l’entreprise pour atteindre les objectifs que nous nous serons fixés. Une chose est d’ores et déjà certaine, l’entreprise n’arrêtera pas d’investir car elle doit préparer l’avenir pour terminer le renouvellement de son outil industriel et assurer son développement dans le renouvelables.

Par exemple Areva investit plusieurs milliards pour finaliser son usine d’enrichissement Georges Besse 2 sur le site du Tricastin, qui viendra remplacer l’usine Georges Besse 1 en fin de vie. Autre exemple, nous avons annoncé un investissement significatif en France dans une usine d’éoliennes offshore si Areva est sélectionné dans le cadre de l’appel d’offres en cours.

M. Luc Oursel, président du directoire d’Areva. Dans le contexte actuel d’incertitudes, il va de soi que nous serons amenés à revoir nos ambitions à la baisse dans certains domaines, ce qui entraînera le lissage d’une partie de nos investissements. Nous sommes en train de revoir ces projets d’investissements, de les réétudier et certains devront peut-être être décalés.

Un plan d’action stratégique sera présenté au Conseil d’administration au mois de décembre, ce qui me conduira à ne peut-être pas vous répondre sur certains points ; je m’en excuse par avance.

Ma quatrième priorité est de restaurer la performance opérationnelle et financière d’Areva. Si les perspectives de l’entreprise à moyen et long terme sont bonnes, à court terme, nous avons bien sûr souffert des conséquences de Fukushima. Il nous faut alors adapter l’entreprise à ce type d’événements. Mon objectif est de redonner à Areva des marges de manœuvres. Cela nécessite que l’entreprise soit plus performante et plus rentable et donc moins dépendante de financements externes à l’entreprise. Par exemple, l’arrêt des réacteurs japonais et allemand a entraîné un manque à gagner de 200 millions d’euros, à la suite de commandes qui ont été annulées, et un manque à produire de 2500 tonnes de combustibles, soit l’équivalent de deux mois de production de nos usines Comurhex de Pierrelatte et Malvési. Pour cela, des mesures de prises de congés et de formation ont été mises en place pour les salariés de ces deux sites en novembre et décembre 2011 ; grâce au dialogue social, nous avons ainsi évité de devoir recourir à des mesures de chômage partiel.

Je vous ai exposé mes nouvelles priorités pour Areva. En revanche certains principes restent intangibles. Le premier, c’est la sûreté de nos installations : en tant qu’opérateur, nous avons participé à la revue de sûreté demandée par l’ASN à qui nous avons remis notre rapport le 15 septembre. Nous en attendons les conclusions. Nous accueillons ces stress tests, menés dans tous les pays d’Europe comme un élément essentiel pour restaurer la confiance de la population ; il importe de souligner que ces stress tests marquent un grand progrès dans la mesure où ils ont été élaborés par les autorités de sûreté nucléaire de différents pays, qui ont ainsi pu se mettre d’accord sur l’essentiel : c’est une grande première. Les citoyens doivent savoir que tout est fait dans notre pays, mais aussi en Europe et dans le monde pour assurer une sûreté optimale.

Le deuxième, c’est la sûreté des produits que nous vendons. L’EPR est le réacteur le plus sûr du marché et il est le seul à être en construction dans trois pays du monde. Aujourd’hui, le chantier finlandais, qui a reçu la visite de Monsieur Éric Besson la semaine dernière, est achevé à 80 %. A Flamanville, 85 % des études d’ingénierie sont effectuées et 65 % des équipements que nous devions livrer l’ont été. En Chine où nous construisons deux EPR à Taishan, le chantier se déroule conformément au calendrier et au budget.

L’EPR possède six générateurs diesel de secours abrités en hauteur dans des bunkers indépendants, antisismiques et étanches. Dans un contexte similaire à celui qu’a connu la centrale de Fukushima-Daichii, leur présence aurait été déterminante. Aujourd’hui, cette exigence de sûreté est devenue la condition plus essentielle que jamais de l’acceptation du nucléaire et un atout commercial majeur pour Areva. Nos réacteurs sont les plus sûrs au monde et le surcoût induit par la sûreté ne fait plus débat.

J’aimerais terminer mon intervention en disant un mot du débat sur la place du nucléaire en France. Aujourd’hui, et ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, le nucléaire est une richesse pour nos territoires, pour la France. Anne Lauvergeon avait eu l’opportunité de présenter devant la commission des finances le 14 juin dernier, les conclusions de l’étude indépendante que nous avions commandée au cabinet PriceWaterhouseCoopers, sur le poids socio-économique de l’électronucléaire en France. Je rappelle pour mémoire que le secteur nucléaire occupe une place significative dans l’économie nationale : la filière représente en France 125 000 emplois directs et 400 000 emplois induits, soit autant que le secteur aéronautique. Elle génère une valeur ajoutée totale de près de 34 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2 % du PIB. Et je n’ai pas besoin de revenir devant vous sur la contribution au développement local.

De plus, le poids du nucléaire en France pourrait croître de plus de 20 % sur 2009-2030, avec une perspective de création de 30 000 emplois directs supplémentaires. Pour vous donner un ordre d’idée, exporter un EPR génère près de 8 000 emplois en France, près de 4 000 à l’étranger. Il ne faut pas oublier que le secteur du nucléaire réalise plus de 60 % de son chiffre d’affaires à l’export. Quant aux emplois des entreprises sous-traitantes, je vous informe que les effectifs de ces structures ont augmenté de 4 % par an alors que, dans le même temps, les effectifs diminuaient de 3 % dans le reste de l’industrie.

Enfin, un électricien qui achète à Areva un réacteur ou des services du cycle nucléaire le fait parce qu’il sait que nous nous engageons pour plusieurs décennies avec lui. Sans base industrielle nationale solide, nous risquons de ne plus être en mesure de remporter de nouveaux appels d’offres.

Voilà les éléments que je voulais évoquer devant vous aujourd’hui. Je suis prêt, Monsieur le Président, à répondre aux questions des membres de votre commission.

M. le Président Serge Poignant. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour cette vaste présentation et j’invite maintenant nos collègues à intervenir, sachant que vous êtes vingt-cinq à vous être inscrits, ce qui témoigne de l’intérêt du Parlement pour la filière nucléaire française.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Ma première question portera sur les énergies renouvelables : au-delà de ce que vous avez pu nous dire sur l’éolien dans la région du Havre, quels efforts de recherche et développement faites-vous en ce domaine, notamment pour l’utilisation de la biomasse ?

Vous avez évoqué la question de l’emploi dans la filière nucléaire : quelles sont vos relations avec vos sous-traitants et avez-vous constitué un véritable réseau de PME dans ce secteur ?

Doit-on stabiliser ou développer l’activité minière ? Quelle est votre attitude à l’égard de la concurrence dans ce secteur ?

Pensez-vous qu’il soit fait suffisamment de publicité à l’égard des stress tests puisqu’on sait bien que le nucléaire doit aujourd’hui davantage séduire l’opinion publique que l’État ou les ingénieurs ?

Qu’en est-il du projet de réacteur de troisième génération à Penly, dont on sait qu’il a été arrêté au mois de mai dernier et qu’une enquête publique a été réalisée par la suite aux mois de juin et juillet ?

Enfin, où en est votre réflexion sur les malfaçons qui existent dans la construction du site de Flamanville et savez-vous comment il convient d’éteindre la polémique actuellement en cours ?

M. François Brottes. On a bien compris que vous vous faisiez parfaitement l’écho du Président de la République et du Gouvernement sur le sujet du nucléaire mais je regrette certains doutes et certaines absences dans vos propos.

Vous avez parlé d’« accident nucléaire japonais » : en vérité, sauf erreur, c’est une catastrophe naturelle qui, ensuite, a eu des conséquences industrielles !

Vous avez également signalé que la Suède avait relancé son programme nucléaire, mais j’ai cru comprendre, lors d’un déplacement dans ce pays, qu’ils ont l’intention d’en sortir car c’est une énergie non renouvelable.

Lorsque vous avez évoqué vos engagements offshore, est-ce là que vous comptez étaler vos investissements alors que nous sommes plusieurs à penser dans cette commission que AREVA doit être un moteur de cette technologie ?

Vous avez également évoqué vos relations avec EDF et le fait que vous meniez conjointement des actions, notamment d’ordre commercial. Comment se passe votre activité lorsque vous n’êtes pas associé à EDF : est-ce qu’on vous le reproche ? Est-ce un souhait ?

Vous n’avez pas dit grand-chose sur le traitement des déchets : les capacités existent-elles ?

Qu’en est-il également du démantèlement de certaines de vos structures ?

Je souhaiterais également, comme l’a fait mon collègue Trassy-Paillogues, vous poser une question sur le minerai : avez-vous une stratégie sur ce secteur, comment comptez-vous maîtriser l’amont de votre filière ?

Sur le périmètre de votre société, allez-vous vendre certaines activités afin de vous recentrer sur certains points seulement ?

Comment regardez-vous l’évolution de Siemens, partenaire important d’AREVA, il y a peu, mais désormais désengagé du nucléaire ?

Enfin, si un gouvernement prochain décidait d’engager la France sur la voie de la sortie du nucléaire, présenteriez-vous votre démission ?

M. Jean Dionis du Séjour. Où en est-on de l’équipe de France du nucléaire qui nous a tant été vantée ? Henri Proglio avait eu des images fortes en nous disant que celui qui vend, ce n’est pas le motoriste, mais c’est l’avionneur : où vous situez-vous ? Comment articulez-vous votre action à ce sujet ? En êtes-vous toujours à la doctrine professée par Anne Lauvergeon selon laquelle il convient de vendre seul ou ensemble selon les produits ?

Qu’en est-il des dérives budgétaires et calendaires constatées sur l’EPR ? On sait que le coût initial avait été estimé à 3 milliards d’euros ; on en est actuellement à près de 6 milliards. Ce dérapage budgétaire est-il contrôlé et ne risque-t-il pas de poser des problèmes à Areva ?

Sur la stratégie minière, souhaitez-vous rester un acteur dans l’extraction d’uranium ? Où en est-on sur l’approvisionnement de la France en uranium ?

M. Daniel Paul. Monsieur le président, je voudrais tout d’abord vous féliciter pour l’annonce faite il y a quelques jours, et dont M. Trassy-Paillogues a parlé, du choix du Havre pour implanter vos usines dans le cadre de l’appel d’offres éolien offshore. Mais, je voudrais que vous apportiez une précision, car il me semble qu’ils comportaient une ambiguïté. Cette installation industrielle est-elle conditionnée au succès de votre candidature ? En d’autres mots, si votre offre n’était pas retenue, reconsidérerez-vous l’implantation ?

S’agissant de Fukushima, vous avez obtenu un marché important dans le traitement des eaux, qui pourrait vous conférer une expertise dans le domaine. Quelle est votre position sur ce sujet ? Avez-vous l’intention de développer cette expertise, d’en être porteur au niveau mondial, pour être capable, dans le cadre d’une sorte de « task force » internationale, d’intervenir rapidement afin de prévenir l’extension des difficultés ?

Concernant le débat français sur le nucléaire, qui sera certainement évoqué lors de la campagne présidentielle, je considère que EDF et vous, Areva, êtes coupables d’avoir estimé que le nucléaire était acquis, alors même que les opinions publiques évoluent, notamment à la suite de certaines catastrophes. Je souhaite que les grands acteurs du nucléaire mènent une action citoyenne, pédagogique et scientifique de façon à montrer les atouts de la filière industrielle française. Deux questions s’imposent dans le débat. La première est évidemment celle, majeure, des déchets. M. François Brottes l’a évoquée tout à l’heure. La deuxième est celle de la sous-traitance. La mission de l’OPECST qui visite un certain nombre de sites nucléaires, a permis, lors d’une rencontre avec l’intersyndicale du site de La Hague, de réaliser l’importance de la sous-traitance. Cela nourrit les doutes qui s’expriment à l’égard du nucléaire. Avez-vous l’intention, et c’est là un souhait, de réduire au maximum le recours à la sous-traitance ?

Il y a aussi le problème du coût de l’électricité, qui, à l’évidence, va augmenter sous l’effet des exigences croissantes de sûreté et des surcoûts de l’EPR. Comment envisagez-vous la limitation de ces coûts ?

Cela m’amène aussi à parler de la question des mines. Je crois savoir que s produit, depuis quelques mois, un double phénomène : moins de besoin en uranium d’une part, une augmentation de son coût d’autre part. Me confirmez-vous ces éléments ? Ma dernière question porte sur la double vocation d’Areva. Avez-vous l’intention de la maintenir ? Mme Lauvergeon défendait cette situation, êtes-vous en accord avec elle sur ce point ?

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, le pré rapport de notre collègue M. Marc Goua sur la situation d’Areva et d’EDF pointe deux sujets d’inquiétude s’agissant du futur proche d’Areva. D’abord, l’acquisition de trois mines d’uranium en Afrique en 2007 pour 2,5 milliards de dollars s’est révélée chère, « pour des gisements qui ne produisent rien ou presque quatre ans après ». Ensuite, au sujet de l’EPR finlandais. Le rapport s’interroge sur les garanties que vous avez données à votre client finlandais. Le groupe nucléaire a provisionné 2,6 milliards d’euros pour faire face aux pertes liées à ce réacteur, facturé 3 milliards d’euros. Quelles sont vos réactions à ce pré rapport, le rapport final sortant fin octobre ?

Areva- Socatri a été condamnée pour pollution des eaux le 30 septembre 2011 suite à l’accident de juillet 2008. On se rappelle qu’à l’époque Areva avait prétendu que ce n’était pas très grave. C’est la première condamnation du genre. Quelles mesures allez-vous mettre en place pour éviter de tels accidents dans le futur ?

Vous n’avez pas répondu à la question du président s’agissant du piratage informatique. Le directeur de l’ANSSI a en effet annoncé que les règles de sécurité n’étaient pas respectées. Quelles mesures va mettre en œuvre Areva pour éviter que ce type d’événement ne se reproduise ?

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le Président, votre entreprise est présente à tous les échelons du nucléaire, depuis les centrales jusqu’au recyclage. J’ai cru comprendre que ce modèle économique et industriel risquait d’être remis en cause. On parle en effet d’une restructuration, en particulier avec la filialisation, voire la privatisation, de certaines de vos filières. Pourtant, votre prédécesseur défendait coûte que coûte le modèle tout intégré. Monsieur le Président, y a-t-il un changement de position de votre part, et s’il y avait un changement, ne serait-il pas préjudiciable aux intérêts de la filière nucléaire française ?

Mme Pascale Got. Monsieur le Président, comment appréciez-vous la position de M. El Baradei, prix Nobel de la paix en 2005, qui préconise notamment des audits obligatoires des centrales – ce qui n’est pas le cas actuellement, des audits internationaux – ce qui voudrait dire que la sûreté ne relèverait plus de la souveraineté nationale, et la mutualisation internationale des expertises ? Deuxième question, M. El Baradei propose de régler le problème des déchets ultimes en les entreposant dans deux ou trois pays seulement, et il avance le nom de la Russie. Est-ce réaliste ?

M. Jean-Marc Lefranc. Je veux d’abord saluer l’action exemplaire des parlementaires de Basse-Normandie s’agissant de l’EPR de Flamanville. N’oublions pas que les élus de la région de Penly n’ont pas accepté l’opportunité que représentait cet EPR.

Je souhaite revenir sur un sujet important, qui est la diversification du bouquet énergétique français. Je pense évidemment à l’éolien offshore, dossier que vous connaissez parfaitement Monsieur le président. Cinq sites ont été retenus, dont celui de Courseulles, qui comprend 90 éoliennes et sera implanté à cinq kilomètres au large de ma circonscription. Ce projet se décompose en trois étapes : construction des pales, construction des fondations, maintenance et exploitation. M. Daniel Paul s’est réjoui de l’annonce d’Areva du choix de Le Havre pour le point de départ de la construction des pales, mais je peux vous assurer que les parlementaires bas-normands ne partagent pas cet enthousiasme. Ce projet représente 700 emplois directs. Je voudrais savoir ce que le consortium Areva, Vinci, GDF va proposer comme solution alternative, car la Basse-Normandie ne peut être un lieu de concentration des retombées négatives. Ce département souffre déjà des boues de dragage du port du Havre, de la ligne à très haute tension, des PCB de la baie de Seine et d’une réduction de 77 km² des zones de pêche. Trop c’est trop. Il faut répartir la valeur ajoutée sur le territoire.

M. Kléber Mesquida. Je voudrais interroger le président sur le plan stratégique annoncé pour début décembre. Il est question, dans les intentions qu’on vous prête, d’ajuster les investissements du groupe pour s’adapter au nouvel environnement, de cessions limitées d’actifs. Quelles cessions envisageriez-vous ? Vous envisageriez également des réductions d’effectifs. Vous avez en effet estimé qu’il ne s’agissait pas d’un sujet tabou. Si c’est le cas, dans quels secteurs ?

Un autre sujet est le projet de M. le commissaire européen Michel Barnier d’officialiser sa proposition relative à la transparence financière. Il s’agirait de contraindre les entreprises de l’industrie extractive et minière à publier l’ensemble des taxes et impôts payés dans les pays d’exploitation. L’objectif est la chasse à la corruption. Or, il apparaîtrait que les entreprises concernées, y compris s’agissant des groupes français, Total et Areva, s’opposeraient fermement à cette mesure. Je m’interroge sur les raisons de ce refus.

M. François Loos. J’ai quelques questions qui ont déjà été posées sur la stratégie d’Areva – mono produit, taille des centrales, intérêt du renouvelable. Par ailleurs, allez-vous être à l’œuvre pour préparer la quatrième génération de centrales nucléaires ? Avez-vous besoin de fonds propres ? Quelles sont vos ambitions aux États-Unis ? Pourquoi voulez-vous réduire votre participation au démantèlement en Allemagne, comme l’indiquait un article du journal La Tribune ce matin ? Je vous demanderai également de nous parler de vos concurrents et de leur stratégie.

M. William Dumas. Comme vous pouvez le constater, monsieur le Président, le nucléaire nous intéresse beaucoup. Je partage personnellement beaucoup des questions qui vous ont déjà été posées.

En tant que député du Gard, je souhaiterais revenir sur le récent accident au site nucléaire de Marcoule, dans le Gard, qui a coûté la vie à un homme. Le directeur d’Areva à Tricastin a déclaré le 18 septembre qu’un accident de ce type pouvait arriver dans une usine métallurgique, une verrerie ou un four à chaux. Certes. Mais il semble que les conséquences peuvent être différentes selon l’activité de l’entreprise. Les incidents sur le site de Marcoule se sont multipliés ces dernières années. La sécurité sur ce site est-elle optimale ou doit-elle être renforcée ?

M. Franck Reynier. Mon intervention va porter sur trois points.

Le premier concerne la transparence. Après la catastrophe de Fukushima, il faut mettre en avant l’indispensable exigence de sûreté et également l’impératif de transparence. Des points doivent-ils faire l’objet de progrès dans vos dispositifs en matière de transparence ? Si oui, lesquels ?

Ensuite, s’agissant des gammes évoquées par François Loos, où en sont vos discussions, avec EDF, ou avec d’autres, sur d’éventuels projets de réacteurs de moyenne puissance, particulièrement en France ?

Enfin, la mission d’information sur l’éolien, dont j’ai été le rapporteur, a mis en avant, dans ses conclusions, l’indispensable nécessité de mettre en œuvre une filière française de l’éolien offshore. Vous nous avez fait part de vos projets. N’y aurait-il pas une autre « équipe de France » à constituer dans ce domaine ?

Mme  Annick Le Loch. Vous avez eu dans votre projet liminaire, Monsieur le Président, un mot malheureux, sans doute non intentionnel, je n’en doute pas, à propos de l’abandon de commandes pour un montant de 200 millions d’euros, en disant qu’il faisait suite à un aléa, du type Fukushima. Ce mot "aléa" ne convient pas du tout.

Quelles sont les leçons à tirer de Fukushima ? Il en y a un grand nombre, qui concernent les digues, les recombineurs d’hydrogène, les sorties de décontamination, la force d’action d’urgence, etc. Y a-t-il eu défaillance de l’État japonais ? Comment intervient-on pour s’assurer de la non-défaillance d’un État lors d’une catastrophe de ce type ? Et quelles actions de votre plan stratégique concernent l’acceptabilité du public que vous avez évoquée ?

M. Jean-Pierre Nicolas. Chacun s’accorde pour considérer que le nucléaire ne souffre pas l’approximation. L’opinion publique est désormais consciente que la sûreté nucléaire n’est pas un problème français, qui pourrait se régler au niveau national, ou européen, mais mondial. Dès lors, quelles sont les démarches faites pour la constitution d’une agence de sûreté nucléaire mondiale ?

Les retards relatifs aux EPR de Finlande et de Flamanville sont-ils imputables à cette obsession, très louable, de l’accroissement de la sûreté ou, au contraire, à des plans qui n’avaient pas été suffisamment étudiés ? L’échec d’Abou Dhabi ne pourrait-il être exploité pour rendre l’Équipe de France plus performante ? Et pour que les réponses aux appels d’offre soient davantage axées sur la sûreté ?

Quelles sont les conséquences du lissage des investissements sur l’emploi, pour lequel vous nous avez démontré que la filière nucléaire était particulièrement porteuse ?

Enfin, sortir du nucléaire : à quel prix ?

Mme Marie-Lou Marcel. Vous avez déclaré à un quotidien allemand que vous envisagiez la suppression d’activités en Allemagne : quelles activités ?

Deuxièmement : au sujet des énergies renouvelables, vous avez parlé de lisser, de décaler certains investissements jusqu’à décembre. Peut-on avoir quelles pistes sur ces sujets ?

Troisièmement : dans un pré rapport de notre collègue Marc Goua, membre de la commission des finances, sont mises en cause les dépenses liées à l’acquisition de mines en développement, de la société UraMin en Afrique ainsi que les dépenses liées à l’EPR finlandais, qui seraient un « gouffre financier », selon l’Usine nouvelle de juin 2011, en raison des coûts de production et des pénalités de retard. Pour l’EPR finlandais, on parle d’un montant de provisions de 2,6 milliards d’euros. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Qu’en est-il de l’EPR de Flamanville ?

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le Président, afin de mieux cerner les enjeux énergétiques et financiers, pourriez-vous nous rappeler le nombre de réacteurs en service actuellement en France ? Leur puissance ? Et le coût annuel de la maintenance du parc nucléaire français, jusqu’en 2020, la majorité des centrales nucléaires atteignant les trente ans ?

Vous vous êtes félicité tout à l’heure de la sûreté des EPR. Cela suscite quand même beaucoup d’interrogations et de réticences. Comment comptez-vous apaiser ces craintes ?

M. Michel Lefait. Quelles sont les informations dont vous disposez sur les causes précises de l’accident qui s’est produit sur le site de Marcoule dans une usine de retraitement de déchets radioactifs en septembre dernier et qui a fait un mort et quatre blessés, dont un grave ? Quelles mesures concrètes vont être prises pour éviter le retour d’un tel drame ?

M. Jean-Paul Anciaux. J’ai été satisfait par votre propos liminaire, dans lequel vous confirmiez le choix stratégique du groupe allant de l’extraction du minerai jusqu’au retraitement. J’en déduis qu’il n’y aura pas de vente par appartement et pas de démantèlement.

En caricaturant un peu, on peut identifier trois types de relations entretenues par Areva avec EDF : des situations de partenariat, des situations de sous-traitance et, quelquefois, des situations de concurrents. Quel regard portez-vous sur ces trois situations relationnelles ?

Quel est le pourcentage approximatif de la recherche et développement sur les énergies renouvelables dans vos investissements ?

Allez-vous poursuivre la stratégie commerciale "punchie", pour utiliser une terminologie à la mode, en matière de maintenance et de conseil aux États-Unis ?

En ce qui concerne le renouvellement des générateurs de vapeur confié à l’usine Areva de Bourgogne, tout est-il définitivement arrêté ? signé ? les engagements seront-ils bien tenus ?

M. Jean-Michel Villaumé. Je reviens brièvement sur le pré rapport de notre collègue Goua, suite à un article paru hier dans La Tribune, à propos de l’EPR finlandais. La perte potentielle serait de trois milliards d’euros pour Areva. Confirmez-vous ce chiffre ? Et quelles conséquences tirez-vous des difficultés rencontrées sur les EPR de Flamanville et de Finlande, sachant que quatre EPR sont en cours de reconstruction ?

En ce qui concerne votre stratégie en matière d’énergies renouvelables, l’éolien offshore et le solaire thermique peuvent-ils constituer des stratégies de sortie du tout nucléaire ?

Comment avez-vous l’intention de réagir après l’échec commercial d’Abu Dhabi ?

Mme Anne Grommerch. Quelles sont les suites données à la décision du conseil de surveillance d’Areva, au mois de mars dernier, d’approuver la privatisation du groupe et son entrée en Bourse ?

En matière d’emploi, des jeunes sont-ils attirés par les métiers du nucléaire ? En attirez-vous suffisamment ?

Mme Jacqueline Maquet. Après les premiers contrôles et l’accident grave de Marcoule, quelles mesures préventives et correctives allez-vous mettre en œuvre en matière de formation des personnels et notamment des employés des entreprises de sous-traitance ?

M. Claude Gatignol. Monsieur le Président, je vous félicite pour la qualité de votre propos liminaire et pour votre volontarisme.

Y a-t-il une possibilité de reconfiguration du périmètre industriel d’Areva, comme l’évoquent chaque semaine les journaux spécialisés ? Est-ce lié aux problèmes de capital de l’entreprise ? Ou, au contraire, est-ce une tentative pour recentrer l’activité d’Areva ?

Qu’en est-il des contrats extérieurs ? Vous avez cité la Chine. Je n’ai pas beaucoup entendu parler des USA, où vous avez une activité très particulière pour le traitement des bâtiments et des sols, en termes de décontamination, voire de démantèlement, alors que vous avez prouvé sur vos installations de La Hague que vous savez faire du très beau démantèlement et redonner vie à des bâtiments tout à fait spécialisés.

En matière de recyclage, où en sont vos contrats ? Ils conduisent souvent, en ce qui nous concerne, à la fabrication ultérieure du MOX. Peut-on espérer une production de MOX direct ? C’est une question que me posent souvent les délégations des États-Unis que je reçois, le plutonium y étant tellement diabolisé qu’ils souhaiteraient avoir un recyclage en direct.

Sur le nucléaire pure production électrique, quand disposerez-vous, à côté de l’EPR et de son énorme capacité de production – 1650 mégawatts –, de l’ATMEA 2000 ? Voire des réacteurs plus petits, puisqu’on évoque des centrales mobiles, comme le projet Flex Blue – autour de 200 ou 300 mégawatts –. Pour de tels projets, quelle coopération peut-on envisager avec le Japon, la Russie, voire la Corée ?

En ce qui concerne les énergies renouvelables, je suis très intéressé par le domaine du solaire de coopération.

M. Jean Grellier. Avez-vous des indicateurs qui permettraient, à moyen et long terme, d’évaluer la différence de compétitivité, sur le prix à l’usager, entre les énergies nucléaires et les différentes énergies renouvelables (éolien offshore, photovoltaïque, biomasse) ? Quelles sont les conséquences sur la mise en place de filières industrielles, voire même sur les systèmes de distribution et de transport de l’énergie électrique ?

M. Germinal Peiro. J’ai également été frappé par l’emploi du terme "aléa" concernant Fukushima. Y a-t-il, dans la stratégie du groupe, un avant ou un après l’accident de Fukushima ?

M. Jean-Luc Pérat. Je suis sur un arrondissement où Areva est présente. Quelles sont les incidences de la catastrophe de Fukushima sur le planning de charge des unités de production Areva à court et moyen termes ? De JSPM à Jeumont en particulier ? Vous anticipez la construction de trois cents réacteurs dans le monde dans les vingt ans à venir. Est-il prévu, en cas de sous charge d’activités, de rapatrier en France des fabrications sous-traitées à l’étranger ?

M. Luc Oursel, président du directoire d’Areva. Je tiens à remercier la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour l’intérêt qu’elle porte à la question de l’énergie et particulièrement à Areva.

Nous avons récemment créé une direction des affaires publiques dont la mission est, notamment, de répondre aux questions que vous pourriez avoir à lui poser.

En ce qui concerne le domaine de l’énergie renouvelable, Areva poursuit son action dans son domaine à travers le lissage de ses investissements. Les domaines concernés sont : l’énergie éolienne off shore, l’énergie solaire par concentration et la biomasse. Depuis trois ans, Areva procède à l’acquisition d’entreprises ; il s’agit de transformer ses acquisitions en réussites. En ce qui concerne l’énergie éolienne off shore, elle a un bon avenir en Europe et Areva est présente en Allemagne, en mer du Nord. Un appel d’offres est actuellement en cours en France, auquel Areva candidate. S’agissant d’éventuelles capacités industrielles, nous sommes en attente de la décision du Gouvernement, car il n’y a pas de besoins de capacités supplémentaires à ce jour en France. Le cas échéant, nous pourrions nous tourner vers la Grande-Bretagne.

Au sujet de la compétitivité des diverses sources d’énergies, j’observe qu’un EPR produit un kilowatt-heure au prix de 50 à 60 euros. De son côté, l’éolien offshore produit le même kilowattheure pour 130 à 150 euros. La question n’est pas d’opposer le nucléaire au renouvelable mais bien de les considérer comme complémentaires, cela d’autant plus que l’énergie renouvelable peut n’être qu’intermittente. Le Danemark, par exemple, produit 30 % de son électricité grâce à l’énergie éolienne ; les 70 % restants se répartissent entre des importations depuis la Norvège ou la Suède, qui lui fournissent de l’électricité provenant de centrales nucléaires ou hydroélectriques, et de la production nationale dans des centrales à gaz. Les émissions par kilowattheure du Danemark sont 70 % plus élevées que la moyenne des autres pays européens, pour un prix de l’électricité plus élevé. Cela montre qu’il convient de rester prudent et de privilégier la diversification des sources de production d’énergie.

Dans le domaine du nucléaire, notre stratégie est bien tributaire d’un avant et d’un après Fukushima. Il ne s’agit pas d’une remise en cause du nucléaire mais d’une réflexion accompagnée d’un ralentissement des demandes. De fait, les besoins du marché ne sont pas immédiats. Aussi Areva réfléchit à l’utilité pour le groupe du maintien de certaines activités. Notre stratégie demeure celle de la production depuis la mine jusqu’aux réacteurs. Cela a été confirmé par le Conseil de la politique nucléaire de février 2011. Notre filiale minière est détenue à 100 % par le groupe. À l’avenir, une réflexion est en cours au sujet de l’entrée de partenaires dans cette filiale par le biais de partenariats industriels notamment. La question est bien celle du niveau de notre ambition minière. Pour l’établir, il faut évaluer l’évolution des besoins en tenant compte de la fin du nucléaire en Allemagne et de la baisse de la production constatée au Japon. Nous maintenons un outil pour demeurer leader dans la fourniture de minerais bruts. Afin d’asseoir notre crédit auprès de notre client, nous avons l’obligation de diversifier géographiquement nos sources de production.

Les relations entre Areva et EDF se caractérisent par la mise en présence de deux grandes entreprises fortes, aussi nos débats sont-ils intenses. Il est, au demeurant, préférable que ces débats n’aient pas lieu dans la presse. S’agissant de l’accord sur l’EPR, EDF construit à Flamanville et Areva en Finlande. Ce manque de coordination constituait une perte de temps ; nous comptons désormais faire travailler nos ingénieurs ensemble. J’ajouterai toutefois que nos relations avec EDF sont complexes puisque nous sommes tour à tour fournisseur, partenaire, et concurrent, ce qui nous oblige à faire preuve de subtilité.

Nos démarches d’implantation dans les Émirats Arabes Unis nous ont mis en concurrence avec la Corée qui propose un matériel plus ancien mais moins coûteux. L’équipe française a tardé à proposer un programme structuré, et s’est pénalisée elle-même. Cette expérience montre qu’il faut, avant tout, réfléchir à la demande du client : que veut-il ? Il s’agit de s’adapter cas par cas et non pas de faire de la théorie. Au demeurant, l’EPR n’est pas le seul réacteur au monde. Areva est actuellement en discussion avec le Japon comme avec la Chine pour la construction d’un réacteur 1 000 mégawatts en partenariat avec EDF. Il s’agit d’établir une réflexion commune et convergente pour un produit qui n’existe pas encore mais saura trouver sa place sur le marché.

Les difficultés rencontrées par l’EPR en Finlande et à Flamanville ont été évoquées par un certain nombre des commissaires présents. Il ne s’agit pas de questions liées à un prototype mais bien à une tête de série. Il n’y a donc pas de problèmes techniques, la question étant celle de la conduite de grands chantiers, de plus de 3 000 personnes. Cette culture avait été quelque peu perdue. Elle nécessite la mobilisation de fournisseurs offrant toutes les garanties. De leur côté, les autorités de sûreté ont aussi dû se réhabituer à ces grands chantiers. Il s’agit, pour tous les acteurs concernés, de constituer une expérience.

Les comptes d’Areva sont parfaitement transparents et certifiés par les organismes compétents. Nous avons provisionné 2,7 milliards d’euros, par rapport au 1,8 milliard initial, pour répondre aux hausses des dépenses engendrées par les retards de l’EPR finlandais. Ce provisionnement s’effectue à « coût à terminaison » : à chaque instant nous nous plaçons à la fin de la construction et nous calculons le coût complet. Ce provisionnement est par ailleurs parfaitement encadré : il est certifié par nos commissaires aux comptes et surveillé par le Conseil de surveillance. J’opposerai à M. Marc Goua la réponse suivante : nous accroîtrons les provisions dans nos comptes s’il y en a besoin, au fur et à mesure d’éventuels retards constatés sur le chantier finlandais. Sur celui-ci, nous nous rapprochons à bonne vitesse de la phase de démarrage des réacteurs.

Areva a effectivement subi un piratage informatique, mais seule la messagerie électronique a été touchée. Nous avons fait appel à l’ANSSI qui s’est révélé particulièrement efficace, nous garantissant aujourd’hui, par le biais d’un système d’alerte, une sécurité totale.

Areva a procédé à beaucoup d’acquisitions dans le domaine de l’uranium en 2007 lorsque les prix ont augmenté et que des problèmes étaient constatés au Canada. Cet actif est réévalué chaque année comme tous les autres. Nous allons tirer le bilan et demeurons déterminés à rester leader. Cela est confirmé par notre conseil financier de la fin du premier semestre.

En ce qui concerne l’accident survenu sur le site de Marcoule, on ne peut que déplorer le décès d’un employé. Ce site étant géré par EDF, celle-ci serait mieux à même de répondre à des questions. Néanmoins, il s’agit d’un site où les activités, notamment nucléaires, sont multiples. Areva a donc été directement concernée, et nous avons constaté que les plans d’intervention ont été bien appliqués et la reprise en main de la situation rapide.

Plus de 100 réacteurs nucléaires sont en exploitation aux États-Unis. Areva y a construit une véritable présence industrielle, forte de 5000 emplois. Nous sommes les leaders du nucléaire dans ce pays, où cette filière représente un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros. Nous proposons surtout des services de démantèlement, mais nous poursuivons nos efforts car une reprise du développement de l’énergie nucléaire car nous prévoyons une reprise des programmes nucléaires aux États-Unis.

Au sujet du démantèlement, Areva a construit une expertise progressive, forte de sa participation au démantèlement de centrales en Allemagne, d’installations Areva en France et du Department of Energy aux États-Unis. Areva va structurer ses compétences pour répondre à cette demande croissante, mais nous pouvons d’ores et déjà vous assurer que l’expérience nous a rassurés sur les coûts du démantèlement. Le démantèlement, pour nous, n’est pas de la théorie mais de la pratique, et nous constatons que les coûts effectivement réalisés sont proches des estimations. Par ailleurs, conformément à la loi, nous constituons un portefeuille d’actifs dédiés au financement des charges futures de démantèlement.

S’agissant de la gestion des déchets, le recyclage nous paraît constituer la bonne solution, pratiquée en Chine, au Japon et en Grande-Bretagne et en débat aux États-Unis. Le recyclage permet de tirer le meilleur parti de l’uranium tout en limitant la quantité de déchets. Les accidents de Fukushima ont montré que les piscines placées près des réacteurs étaient, à la longue, devenues des aires de stockage faute de solutions de recyclage adéquates.

En Allemagne, Areva emploie 5000 salariés, dont 40 % travaillent pour le marché allemand et 60 % pour l’exportation. Compte tenu de telles caractéristiques, nous examinons toutes les options possibles dans le cadre de notre plan stratégique.

Les accusations portées au sujet de la sous-traitance ne sont pas fondées. Nous demeurons particulièrement attentifs à la sous-traitance « en cascade ». Nos sous-traitants reçoivent la même formation que nos agents, ce qui garantit une sous-traitance qualifiée avec laquelle nous pouvons travailler de façon régulière. À cet égard, EDF affiche de nouvelles intentions. En tant que fournisseur, c'est-à-dire sous-traitant, nous nous y conformerons sans difficulté aucune.

Je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 12 octobre 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, M. François Loos, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Jean Auclair, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Pierre Grand, M. Gérard Hamel, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Yves Le Déaut, Mme Chantal Robin-Rodrigo

Assistaient également à la réunion. - M. Dominique Dord, Mme Annick Lepetit, M. Jean-Luc Pérat, M. Éric Straumann, Mme Marisol Touraine