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Commission des affaires économiques

Mercredi 14 décembre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Serge Poignant Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën

La commission a auditionné M. Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën.

M. Serge Poignant, président de la Commission des affaires économiques. Monsieur le président, nous sommes très heureux d’accueillir le dirigeant d’une grande entreprise nationale dans cette Commission, dont l’intérêt pour les questions industrielles a toujours été très fort.

Vous avez déclenché l’inquiétude de nos concitoyens en annonçant un plan de réduction des effectifs de votre groupe. Ce plan de réduction des effectifs français s’inscrit dans une stratégie de croissance de votre activité et de votre part de marché dans les pays émergents. Nous soutenons bien évidemment les efforts entrepris par une entreprise française pour accroître sa présence à l’international. Mais pouvez-vous nous préciser quelles en seront les retombées pour l’emploi et l’activité économique en France ? Pourquoi avez-vous décidé d’engager un tel plan ? Combien de salariés seront-ils touchés en France ? Dans quelles branches ? Y aura-t-il ou non des licenciements ?

Près d’un an après la fin du dispositif de la prime à la casse, comment se porte le marché français de l’automobile ? Comment réagissez-vous à une éventuelle baisse de la demande : baisse des prix, lancement de nouveaux modèles, évolution de votre gamme dé véhicules ?

Enfin, contrairement à son concurrent historique, Renault, qui souhaite devenir un leader du marché du véhicule électrique, Peugeot a fait le choix de l’hybride. Quelles sont les raisons de ce choix ?

M. Philippe Varin, président du Directoire de PSA Peugeot Citroën. Permettez-moi de vous remercier, Monsieur le Président, de m'avoir invité à venir m'exprimer ce matin devant vous et devant vos collègues.

Vous me donnez ainsi l'occasion d'apporter aux membres de la représentation nationale des éléments d'information et de clarification qui seront utiles à leur compréhension des ambitions et de la stratégie poursuivies par le groupe PSA Peugeot Citroën dans la période difficile que nous traversons actuellement. Mon propos introductif sera également l’occasion de répondre aux questions que vous m’avez posées, Monsieur le président.

Premier point de mon intervention, je souhaiterais évoquer les grands défis que doit relever l'industrie automobile mondiale.

Je suis animé par une conviction très forte : l'industrie automobile a devant elle une immense page blanche à remplir et ceux qui annoncent la fin de l'automobile se situent, me semble-t-il, dans une grave erreur de perspective. L'automobile est un bien de civilisation qui symbolise à la fois une liberté, celle d'aller et venir en toute autonomie, et un certain statut associé à cette liberté. Elle représente ainsi pour des centaines de millions de personnes dans le monde une aspiration impérieuse, en particulier pour les classes moyennes. C'est pourquoi l'automobile est au cœur de l'idée de croissance, elle en représente le symbole mais aussi le moyen car il n'y a pas de croissance sans mobilité.

Aux Etats-Unis, on compte 85 véhicules pour 100 habitants, en Europe 55, en Chine 5, soit dix fois moins qu'en Europe, et en Inde entre 1 et 2. Si vous considérez ces taux d'équipement automobile, vous voyez bien quels gisements de croissance existent dans certaines parties du monde, en particulier en Asie où se concentrera 60 % de la croissance mondiale des marchés automobiles. Cela signifie que le premier défi auquel les constructeurs sont confrontés est celui de la Chine et de l'Inde et de toute l'Asie, une région du monde où la demande potentielle est immense et où la croissance des marchés sera très soutenue.

Par ailleurs, l'évolution du monde est marquée par la croissance de la population urbaine : à l'horizon des quinze prochaines années 22 des 27 mégalopoles – villes de plus de dix millions d'habitants – seront situées dans des pays émergents. Chongqing compte déjà près de trente-cinq millions d’habitants, ce qui vous donne une idée de l’ampleur du défi de la mobilité urbaine que l'industrie automobile devra relever : proposer à l’usager un véhicule urbain à la fois économe en espace et en énergie, qui satisfasse aussi les besoins de mobilité sur les grandes distances.

Enfin, le troisième grand défi est celui du véhicule décarboné, c'est-à-dire celui du véhicule qui permettra à l'humanité de se dégager progressivement de sa dépendance aux énergies fossiles et qui contribuera à réduire le volume d'émissions de dioxyde de carbone imputables aux transports terrestres. Alors que le niveau moyen d’émissions actuel des véhicules européens est de 130 grammes par kilomètre parcouru, l'Union européenne a fixé aux constructeurs des objectifs ambitieux de réduction des émissions moyennes de CO2 : 120 grammes par kilomètre parcouru en 2015 et 95 grammes par kilomètre en 2020. La Chine et les États-Unis ont fixé eux aussi des objectifs, respectivement similaires à ceux de l’Union européenne – pour un niveau de départ plus élevé – et de l’ordre de 110 grammes par kilomètre parcouru en 2020. Le défi du carbone est donc mondial, comme cela nous a été rappelé récemment à Durban, et il est technologique car il rejoint celui du véhicule décarboné.

Face à ces défis, quelle est la stratégie du groupe PSA Peugeot Citroën ?

Je voudrais tout d'abord rappeler quelques-unes des réalités que recouvre PSA, groupe qui depuis deux cents ans plonge ses racines dans l'histoire industrielle de la France. Le groupe PSA représente : 56 milliards d’euros de chiffre d'affaires, dont près de 60 % en Europe ; 200 000 salariés, dont environ 100 000 en France ; 41 % de sa production mondiale de véhicules est réalisée en France – nous y produisons deux fois plus de véhicules que nous en vendons – mais aussi 85 % des moteurs et organes mécaniques ; une deuxième place européenne en termes de nombre de véhicules vendus ; une présence dans cent soixante pays dans le monde ; des activités qui s'étendent au financement – Banque PSA Finance –, à la logistique – GEFCO– et à l'équipement automobile – Faurecia.

Dans le contexte mondial que j'ai évoqué il y a un instant, la stratégie de PSA s'organise autour de trois axes principaux :

Premier axe, « globaliser » le groupe PSA. Globaliser PSA, cela veut dire projeter le groupe vers le marché mondial. Il s'agit d'aller chercher la croissance partout dans le monde où elle se trouve. Je le dis ici solennellement devant vous, Mesdames et Messieurs les Députés, la volonté de déployer PSA sur les marchés mondiaux ne peut être interprétée comme une sorte de « complot en délocalisation » qui serait ourdi par le groupe. Bien au contraire, elle constitue un impératif vital pour la survie à moyen terme de PSA, c'est-à-dire pour la survie de son empreinte industrielle sur le territoire national. Elle n'a donc rien à voir avec de la délocalisation. Je vous livre ici un seul exemple : nous avons l'intention de produire 135 000 Peugeot 508 à Rennes mais aussi 65 000 de ces mêmes 508 en Chine. Ainsi nous aurons allongé les séries – ce qui permet d’amortir leur coût de développement – et sécurisé la production en Bretagne de ce véhicule haut de gamme qui est une vraie réussite.

Là où nos principaux concurrents réalisent les deux tiers de leurs ventes hors d'Europe, le groupe PSA y réalise seulement 39 % des siennes. C'est pourquoi nous nous sommes fixé pour objectif d'atteindre 50 % de nos ventes mondiales hors d'Europe à l'horizon de 2015 et les deux tiers à l'horizon de 2020. Mais soyons lucides : se déployer sur les grandes zones de marché dans le monde exige de construire des voitures à proximité de ces zones, en particulier parce que les pays concernés ont des exigences de contenu local, comme vient récemment de le rappeler le Brésil, et parce que c'est le moyen d'y être un acteur industriel proche des consommateurs. C'est donc dans cet esprit que nous poussons l'internationalisation de PSA à un rythme très soutenu : en Chine, où nous ouvrirons une troisième usine avec un partenaire supplémentaire ; en Amérique latine, c'est-à-dire au Brésil et en Argentine ; en Russie où nous avons ouvert une usine au sud-ouest de Moscou, sans oublier le Proche-Orient et le Moyen Orient. Enfin, sachez que nous avons signé récemment un accord avec l'Etat du Gujerat en vue d'implanter une usine d'automobiles en Inde.

Deuxième axe stratégique : monter en gamme. PSA est un groupe dont la part de véhicules de moyenne gamme dans le mix produits est plus élevée que celle de la moyenne du marché : 45 % des volumes contre 30 % pour Volkswagen et 33 % pour la moyenne du marché. C'est ce qu'on appelle le « segment B », c'est-à-dire des véhicules tels que 207 ou C3, des produits riches en contenu mais dégageant des marges faibles.

Afin d'améliorer sa rentabilité, PSA s'est engagé dans une démarche résolue de montée en gamme de ses modèles, une démarche qui consiste à tirer vers le haut l'identité de nos marques et à proposer au consommateur des produits de très haute qualité et à fortes prestations, avec beaucoup de technologies innovantes telles que les nouveaux moteurs, les technologies hybrides, le dispositif Stop and Start et les dernières générations de boîtes de vitesses. Des véhicules comme la Peugeot RCZ ou la Peugeot 508 ou des véhicules comme ceux de la ligne distinctive DS, tels que la DS 3, un succès extraordinaire, et les DS 4 et DS 5 lancés récemment montrent que c'est une stratégie gagnante mais qui prend du temps.

Enfin, troisième axe stratégique : être au rendez-vous de la voiture de demain. PSA n'a nullement l'intention de relâcher son effort de recherche. Bien au contraire, il continue activement de préparer l'avenir, avec un volume de moyens affecté à la recherche et développement de l'ordre de 2 milliards d’euros, soit 5 % de son chiffre d'affaires, ce qui est considérable. L'avenir, c'est d'abord le véhicule décarboné avec, comme vous le savez, un choix clair fait par le groupe PSA en faveur du véhicule hybride, dont nous considérons qu'il représentera, à l'horizon de 2020, entre 10 et 15 % du marché alors que nous voyons le véhicule tout électrique, qui restera un véhicule urbain, plutôt en dessous de 5 % du marché

PSA sort cette année le premier hybride diesel au monde, avec la Peugeot 3008 HY4 et la DS 5 hybride puis bientôt la 508 hybride, des véhicules qui permettront d'émettre moins de 100 grammes de C02 par kilomètre parcouru, soit une consommation de 3,8 litres/100 kilomètres, ce qui est un exploit pour des véhicules de cette taille. L'avenir, c'est aussi le petit véhicule urbain tout électrique avec la Citroën C-Zero et la Peugeot iOn, que nous commercialisons depuis cette année en coopération avec Mitsubishi.

Enfin, j'insiste pour dire que le moteur thermique a encore de beaux jours devant lui car il recèle d'importants gisements de progrès technologiques. D’une part, à l’horizon 2020, il équipera encore plus de 90 % du parc automobile. D’autre part, d’une génération à la suivante, les gains en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre atteignent les 20 à 25 %. Avec des élus de Moselle, je viens d'inaugurer il y a quelques jours à Trémery, tout près de Metz, le module de production d'une nouvelle famille de moteurs à essence plus petits, plus compacts et plus performants en émissions de C02, avec 104 grammes de C02 par kilomètre parcouru contre 150 grammes dans la version précédente. Cet investissement de 717 millions d’euros, qui permet de créer cinq cents emplois en Lorraine, témoigne de la vitalité de l'innovation PSA dans le domaine du moteur thermique.

Enfin, j'ajoute que nous sommes présents sur le terrain de la recherche dans le domaine des technologies d'après-demain. Votre Commission a reçu la semaine dernière M. Bernard Bigot, Administrateur général pressenti du CEA, et je suis heureux que celui-ci ait mentionné dans son exposé les travaux que nous menons avec cet organisme sur une pile à combustible de 80 kilowatts même si nous jugeons que cette technologie a encore du temps devant elle avant de devenir mature.

Se globaliser et s'internationaliser, monter en gamme, préparer la voiture de demain : vous voyez que PSA a des projets et une vision très ample de ce qu'il doit faire. Mais il lui faut faire face à des difficultés plus immédiates qui appellent de sa part une réactivité et une agilité totales face à une situation qui s'est assombrie sur le marché européen.

Troisième et dernier point, je voudrais vous dire quelques mots sur les vents contraires auxquels doit faire face l'industrie automobile sur le marché européen.

Retenez tout d'abord un chiffre très parlant : pendant l'année 2007, c'est-à-dire avant la crise violente qui s'est produite à la fin de 2008, il se vendait quelque 18,4 millions de véhicules en Europe. Aujourd'hui le marché européen plafonne à 15,1 millions, c'est-à-dire que, par rapport à son niveau d'avant la crise de 2008, il a baissé de 17 % et beaucoup de signes nous permettent de penser que l'Europe ne retrouvera pas les niveaux antérieurs de sitôt.

Le marché européen de l'automobile est aujourd'hui un marché mature et sursaturé, dans lequel les constructeurs asiatiques ont, je le dis en passant, considérablement augmenté leur part de marché, en particulier sur le segment B où elle est passée de 10,8 % en 2001 à plus de 18 % aujourd'hui et où existent aujourd'hui des surcapacités qui touchent tous les constructeurs.

Entre 2007 et 2010, nous assistions à une baisse tendancielle du marché européen mais, depuis le début de l'année, nous vivons, si je puis dire, une véritable accélération de l'histoire. Quelques cas particuliers de pays dans lesquels nous détenons de bonnes positions l’illustrent : l’Espagne a connu une chute de 50 %, l’Italie de 30 %, et la Grande Bretagne de 20 %. Ces contractions brutales se sont accompagnées de l'apparition, juste avant l'été, d'une impitoyable guerre des prix, en particulier sur ce segment B où des véhicules construits sur le pourtour européen, c'est à dire hors de France, sont proposés à des prix cassés. Le résultat qui s’ensuit est une spirale à la baisse artificielle des prix et un laminage des marges, source de dangereuse destruction de valeur.

Conséquence pour PSA de cette aggravation de l'environnement économique du marché européen : nous avions réalisé une marge opérationnelle courante positive de 405 millions d’euros au premier trimestre mais nous allons être en perte significative au second semestre 2011, avec un cash flow négatif.

J'avais assigné il y a deux ans au groupe PSA un objectif de performance dont la finalité est d'améliorer durablement la rentabilité du groupe de manière à ce que celui-ci puisse dégager les moyens de financer ses ambitions et ses projets.

Face à la survenue au cours de cette année 2011 des vents contraires que je viens d'évoquer, nous avons décidé d'accélérer la réduction des coûts en identifiant tous les gisements de productivité qui peuvent exister dans un groupe de la taille de PSA.

C'est ainsi qu'a été défini un plan d'économies de 800 millions d’euros pour l’année 2012, réparti en un volet « achats » de 400 millions d’euros et un volet « structures » de 400 millions. Il comporte des mesures d'adaptation des effectifs touchant près de 2 000 postes en CDI pour l'Europe, dont 1 900 en France ainsi que près de 2 500 postes assurés aujourd'hui par des prestataires extérieurs et dont les contrats ne seront pas renouvelés.

Ces mesures seront mises en oeuvre en application d'un accord conclu en mars 2010 avec nos partenaires sociaux dans le cadre de la démarche de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) définie par le code du Travail. Il s'agit d'identifier des métiers sensibles ou excédentaires ainsi que des métiers en extension ou en développement et d'organiser toutes les mobilités internes ou externes permettant de réaliser les adaptations nécessaires.

Mesdames et Messieurs les Députés, je l'ai dit au Président de la République et je l'ai dit publiquement : il ne s'agit pas de plan social ni de licenciements économiques mais d'un ensemble de mesures de mobilité qui permettront de conduire des salariés vers des métiers en développement, d'organiser les démarches de formation et d'accompagnement nécessaires et de supprimer des postes par attrition naturelle. Conformément à ses valeurs et à sa tradition de responsabilité sociale, PSA s'attachera à trouver une solution pour chacun des salariés concernés par ces réductions de postes. De même je veillerai à ce que les prestataires extérieurs et les personnels intérimaires concernés fassent l'objet d'un accompagnement social exemplaire conforme aux valeurs de responsabilité sociale du groupe PSA. Enfin, et je sais que vous y serez sensibles, je serai attentif au maintien de la qualité de notre relation avec les sous-traitants et à la constance de notre action en faveur du renforcement de la filière automobile.

Mesdames et Messieurs les Députés, au terme de cet exposé et en guise de conclusion, je voudrais vous faire partager quatre affirmations très fortes qui sont les nôtres à un moment difficile de l'histoire du groupe PSA Peugeot Citroën.

Première affirmation : PSA est un groupe responsable et se comporte comme tel. Il prend sans tarder les mesures courageuses qui s'imposent en affrontant la réalité telle qu'elle est, sans chercher à la fuir ni sans chercher à la minimiser.

Nous avons pris le taureau par les cornes car ce qui est en jeu ici, c'est notre capacité à disposer des moyens de financer nos ambitions : celle du déploiement sur le marché mondial, celle de la montée en gamme de nos produits, celle de la préparation du véhicule de demain.

Je voudrais ici rendre hommage à tous ces collaborateurs du groupe PSA qui ont accepté, souvent au prix de sacrifices dans leur vie quotidienne, de jouer le jeu de la mobilité interne, professionnelle et/ou géographique. Plus de 5 000 personnes ont été dans ce cas en 2011 et cela veut dire que PSA est une entreprise qui sait faire preuve de plasticité.

J'ajoute enfin que nous avons partagé avec nos partenaires sociaux le constat de la situation du groupe au regard de l'évolution du marché européen.

Deuxième affirmation : la volonté de PSA d'être fidèle au territoire français ne doit pas être mise en doute. Contre vents et marées maintenir notre empreinte industrielle en France, c'est pour nous une volonté de tous les instants. Cette volonté, nous la prouvons en modernisant en permanence nos sites en France ; nous aurons investi ces dernières années dans nos usines françaises plus de 700 millions d’euros par an et un milliard et demi d'euros entre 2010 et 2011. Je vous rappelle les modèles produits en France : pour la marque Citroën, il s’agit de la C3, de la C4, de la C5 et de l’ensemble de la gamme DS (DS3, DS4 et DS5) ; pour la marque Peugeot, ce sont la 206+, la 207, la 308, la 3008, la 5008 et la 508.

Nous la prouvons en continuant de faire de la France notre socle technologique. C'est en France, à Vélizy, à la Garenne, à Sochaux que sont localisés 85 % de nos quelque 17 000 chercheurs. C'est en France qu'ont été déposés en 2011 auprès de l'INPI les 1 152 brevets qui, pour la troisième année consécutive, font de PSA le premier déposant de brevets de notre pays.

C'est en France qu'est conçu et construit ce véhicule de demain qu'est le véhicule hybride diesel de PSA, en attendant un hybride essence à venir. Mais c'est aussi en France que PSA devra s'atteler à un travail résolu de rationalisation de son outil industriel, pour le conduire vers plus de compétitivité face à un marché mondial impitoyable.

Troisième affirmation : la France ne pourra pas faire l'économie d'un débat de fond sur la compétitivité de ses usines.

Je voudrais souligner le volontarisme des pouvoirs publics français en faveur de l'industrie. Des mesures fortes ont été prises et méritent d'être saluées : la suppression de la taxe professionnelle, le plus que doublement du crédit d'impôt-recherche, la création des pôles de compétitivité, la création du Fonds Stratégique d'Investissement, auquel nous participons activement, sans oublier le Pacte automobile de 2009, constituent des éléments positifs.

Il n'en reste pas moins que la France a une réflexion de fond à mener et des décisions lourdes à prendre sans tarder sur la question du coût du travail et de la flexibilité.

Un dernier mot : nous avons toutes raisons de demeurer optimistes.

Je suis optimiste par tempérament et aussi par ce que j'ai beaucoup travaillé dans des secteurs par nature très cycliques, de l’aluminium à l’automobile en passant par l’acier : je sais ce que veut dire la capacité de rebond d'une entreprise qui traverse des moments difficiles. La stratégie de PSA est pertinente et commence à porter ses fruits puisque notre montée en gamme concerne désormais 17 % de notre chiffre d'affaires contre 9 % en 2009, puisque nous avons augmenté nos ventes hors d'Europe. Surtout, PSA a dans sa manche des atouts magnifiques : un personnel de très haute qualité et fier de son métier et des produits attractifs.

Donc, je crois à la volonté ; celle de demeurer ancrés sur le sol français, celle de conduire les mutations dans le respect des personnes et des territoires, celle de porter attention aux jeunes comme nous l'avons fait cette année en accueillant 5 000 d'entre eux dans le groupe, dont 2 500 en apprentissage.

Je vous remercie de votre attention.

Monsieur le président Serge Poignant. Merci beaucoup Monsieur le président pour cette présentation complète tant en ce qui concerne votre stratégie à l’international que vos engagements en France. Je donne maintenant la parole aux orateurs des groupes avant que chacun puisse à son tour poser les questions qu’il souhaite.

Monsieur Alfred Trassy-Paillogues. Merci Monsieur le Président Varin : vous avez déjà répondu à plusieurs questions que nous nous posions mais je souhaiterais tout de même vous en poser quelques autres.

Sur la compétitivité de notre pays dans l’industrie automobile, vous aviez signé un article dans La Tribune voilà à peu près un an ; vous avez tout à l’heure esquissé le sujet mais quels sont d’après vous les handicaps principaux de notre pays ?

Sur le débat entre la voiture électrique et la voiture hybride, vous avez adopté une démarche complètement différente de celle de l’autre grand constructeur français, Renault. La Citroën C-Zéro et la Peugeot iOn sont des dérivées de la Mitsubishi iMiEV : allez-vous investir plus précisément dans cette technologie ?

Que pensez-vous du concept d’Autolib développé par Vincent Bolloré ?

Il existe un débat sur les mérites respectifs des batteries lithium – ion, qui fonctionnent à 180 °C mais que l’on peut refroidir, et les batteries lithium – polymère développées par le groupe de Vincent Bolloré, qui fonctionnent à 80°C mais qui doivent rester en température. Quelle collaboration souhaitez-vous adopter avec ce grand groupe industriel qui, d’après ce qu’il a pu nous dire, ne se serait pas entendu avec vous, ni d’ailleurs avec Renault ?

La gamme premium DS a été une réussite commerciale incontestable avec les véhicules DS 3, DS 4 et DS 5. Dégage-t-elle une marge intéressante par rapport aux modèles de base que sont les véhicules C3, C4 et C5 ?

Vous allez développer les véhicules haut de gamme, notamment à l’égard des acheteurs asiatiques : les Européens auront-ils également le droit de bénéficier de ces véhicules haut de gamme ou ceux-ci seront-ils exclusivement réservés aux seuls asiatiques ?

Le groupe Volkswagen est-il un modèle vertueux dont il faut s’inspirer ?

Comment travaillez-vous en Chine ? Y développez-vous des « joint ventures » ? Dans l’affirmative, ne faut-il pas avoir peur de l’éventuelle captation d’un savoir-faire propre à votre groupe ?

Dans le domaine des nouveaux produits, on constate que plusieurs constructeurs –Mercedes et BMW notamment – développent des boîtes de vitesse automatique à sept voire huit rapports : les constructeurs français ne sont-ils pas à la traîne à cet égard ?

Que pensez-vous de la voiture connectée développée notamment par BMW avec son « connecting drive » ?

Vous avez évoqué l’hybride 4, la C5, la 3008 : qu’en est-il de la voiture hybride rechargeable dont l’autonomie doit inévitablement être accrue sachant qu’une voiture totalement électrique comme la Prius développée par Toyota à Strasbourg bénéficie d’une autonomie de 50 à 60 kilomètres ?

Quant à la pile à combustible, Mercedes va prochainement sortir sa classe B en 2014 avec un prix de vente tout à fait supportable, équivalent en effet à une hausse de prix d’environ 15 % par rapport à un véhicule classique : qu’en pensez-vous ?

M. François Brottes. Comme nos amis du groupe UMP je suppose, nous avons travaillé en amont de votre rencontre et je suis surpris du nombre et de la diversité des questions que votre venue a pu susciter. Il est vrai que chacun d’entre nous est viscéralement attaché à l’industrie automobile, ne serait-ce que parce que chacune de nos régions héberge au moins un équipementier automobile. Il y a une forme de cynisme des industriels automobiles à l’égard des sous-traitants en France, contrairement à ce qui se passe par exemple en Allemagne où les rapports sont beaucoup moins conflictuels et où la main-d’œuvre n’est pas forcément beaucoup moins coûteuse. Il importe de le rappeler. Il y avait également une forme de cynisme, du temps de votre ancien prédécesseur Jacques Calvet, dans l’ancienne tendance qui consistait à installer des usines dans les pays en voie de développement mais seulement pour y construire des véhicules bas de gamme ou des modèles obsolètes ; ce temps est aujourd’hui révolu mais il apparaît que votre industrie a pu avoir parfois du mal à se remettre en question.

La voiture fait aujourd’hui partie des dépenses contraintes des ménages aux côtés des télécommunications, de l’énergie… Il faut prendre en considération ce contexte de précarité et d’absence de hausse du pouvoir d’achat : nos concitoyens sont moins enclins à acheter des voitures aujourd’hui ! Vous vous faites l’avocat de la flexibilité et de la modération salariale, mais lorsque les contrats sont précaires, que les salaires stagnent, que le chômage augmente, lorsque le pouvoir d’achat s’avère aussi contraint, l’achat d’une voiture est loin d’être une priorité, vous pourriez avoir l’honnêteté de le reconnaître…

Que pensez-vous de l’autopartage ?

Une question se pose également sur le permis de conduire : il existe de plus en plus de listes d’attente importantes pour pouvoir le passer – l’attente peut atteindre 2 ou 3 ans parfois –car il existe désormais des quotas de permis par auto-école. Ce constat, bien qu’éloigné de notre sujet, contraint fortement l’industrie automobile en amont. C’est un élément à prendre en considération, qui modifie notre modèle économique et, au travers du développement du véhicule électrique, notre modèle écologique. Que vous inspire cette situation ?

Quant à la voiture électrique, comment pensez-vous pouvoir augmenter la capacité de stockage des voitures électriques afin de mieux en défendre le modèle ?

M. Pierre Gosnat. Vous avez évoqué de manière incidente la nécessité de rationaliser votre activité en France, ainsi que la question du coût et de la flexibilité du travail. Ce sont deux points très importants sur lesquels je souhaiterais insister. Le 15 novembre dernier, lors de la réunion du comité central d’entreprise, la direction de PSA a annoncé la suppression de 6 800 emplois en Europe, dont 5 000 en France. L’existence de ce plan social avait été révélée dès le mois de juin par la CGT, qui avait pu consulter un document de travail interne. Quelques jours plus tard, le site internet Mediapart a publié un document confirmant la décision de fermer trois usines. On ne peut que dénoncer l’opacité entretenue par la direction de PSA ; nous n’avons d’ailleurs obtenu qu’un faible éclairage ce matin.

Si ces documents n’avaient pas été mis au jour, on peut de surcroît se demander si vous seriez présent aujourd’hui devant nous, monsieur Varin. Quel sens donnez-vous au dialogue social chez PSA ? Les salariés et leurs représentants ne sont pas associés aux discussions conduites dans le cadre du vaste mouvement actuel de restructuration du groupe. Êtes-vous favorable, comme le demandent les syndicats, au dialogue avec l’État et les représentants des salariés sur l’avenir de l’entreprise ? Demain, jeudi 15 décembre, se tiendra un comité central d’entreprise, au cours duquel la direction doit préciser quels seront, métier par métier, branche par branche, les 1 900 CDI – 1 000 emplois de production et 900 emplois de techniciens – sacrifiés. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Les députés communistes ont le sentiment que la machine de « casse » de l’emploi est enclenchée.

Vous justifiez les suppressions d’emplois par la nécessité d’anticiper les résultats, prétendument mauvais, enregistrés au deuxième trimestre 2011, ce qui n’est corroboré par aucun élément fiable. Le plan social que vous allez mettre en œuvre avait été conçu bien avant la rentrée 2011, à une période où PSA accumulait les records de vente et de bénéfices. Les résultats obtenus au premier trimestre ont en effet été excellents. Votre groupe dispose, selon mes renseignements, de 11 milliards en trésorerie. Monsieur Varin, vous avez déclaré dans une interview publiée sur le site internet Auto.com, que la suppression de 7 000 emplois résultait de la contraction du marché européen, pour ajouter peu après que la progression du chiffre d’affaires de PSA avait été obtenue grâce au marché national. Quels « bénéfices » en retire notre pays, si ce n’est la perte de 5 000 emplois ? Ces licenciements vont avoir lieu alors même que vous bénéficiez d’aides publiques et que vous avez versé des dividendes à tous vos actionnaires en avril dernier. Peut-être, s’agissant des dividendes, annoncerez-vous ce matin une correction de votre position ?

Si les chiffres sont aussi mauvais que vous le dites, on peut s’étonner que votre rémunération ait été quadruplée depuis l’année dernière : elle s’élèverait à 260 ans de SMIC, soit 9 000 € par jour, samedi et dimanche inclus. Sans doute votre « force de travail », comme aurait dit Karl Marx, est-elle très importante, mais je vous pose la question : allez-vous renoncer à ce niveau de rémunération dans le cas d’une dégradation des performances de l’entreprise que vous dirigez ?

Enfin, je m’interroge sur l’avenir de l’usine d’Aulnay-sous-Bois. Lors de votre rencontre avec M. Nicolas Sarkozy, vous avez affirmé que le groupe n’examinerait aucun projet de fermeture du site. Mais le document publié par Mediapart révèle que 3 000 CDI et 1 000 postes d’intérimaires seraient menacés. L’usine fabrique les liaisons au sol de la C3 ; son plan de production ne s’étend que jusqu’en 2014, alors que l’échéance est de 2020 pour vos autres usines. Qu’adviendra-t-il par la suite ?

M. Thierry Benoît. Je vous remercie de cette présentation exhaustive de la stratégie de votre groupe. Le secteur automobile, il faut le rappeler, constitue l’un des fleurons de notre industrie et concerne deux millions d’emplois en France. Vous avez souligné les efforts accomplis par l’État, en particulier par le Gouvernement actuel, afin de développer notre industrie. Quel est votre avis sur la compétitivité de l’industrie française ? Au cours des dernières années, de nombreuses mesures ont été adoptées en faveur de la compétitivité, qu’il s’agisse de la réforme de la taxe professionnelle, du crédit d’impôt-recherche ou des pôles de compétitivité. Je suis d’accord sur le fait que, pour développer l’emploi industriel, on ne peut continuer à taxer la production au niveau actuel ; il conviendrait de faire reposer certaines taxes sur la consommation.

Un autre sujet important, qui a été évoqué par M. Brottes, concerne les relations entre les grands constructeurs automobiles – qui ont la qualité de donneurs d’ordre – et leurs sous-traitants. Vous détenez vous-même 57 % du capital de Faurecia. Quelle est la stratégie des grands donneurs d’ordre, et de votre groupe en particulier, à l’égard des entreprises sous-traitantes, qui nourrissent actuellement de légitimes inquiétudes ?

S’agissant du marché français, les gouvernements Juppé et Fillon ont soutenu l’industrie automobile par la prime à la casse ; ce dispositif a efficacement soutenu les ventes mais sa disparition s’est traduite par des suppressions d’emplois de la part des constructeurs. Plus généralement, depuis la crise économique et financière de 2008, l’État a injecté plusieurs milliards pour soutenir les constructeurs automobiles ; aujourd’hui, vous lui êtes pour ainsi dire redevable.

Enfin, dans le domaine des nouvelles technologies, malgré les performances de votre groupe et l’innovation déployée par vos équipes, vous ne paraissez pas être le plus en pointe sur le marché des moteurs hybrides.

M. Jean-Pierre Nicolas. J’aurai trois séries de questions. Premièrement, quels liens entretenez-vous avec vos sous-traitants dans les grands pays émergents et notamment en Asie ? Deuxièmement, vous avez évoqué la nécessité de rationaliser l’outil industriel. Cette politique implique-t-elle le recours à la mobilité, qu’elle soit géographique ou fonctionnelle ? Le cas échéant, la mobilité géographique fait-elle l’objet d’un accompagnement social et s’est-elle traduite par certains refus ? Enfin, vous avez récemment perdu un appel d’offres sur le marché des scooters. Comment voyez-vous votre avenir sur ce marché ?

Mme Frédérique Massat. Vous avez récemment supprimé 1 600 missions de recherche-développement. M. Jean-Claude Volot, médiateur des relations inter entreprises industrielles et de la sous-traitance, a été saisi de cette question et a affirmé que, depuis quinze ans, même s’ils ne le disent pas, les industriels français font pression pour que les prestations intellectuelles soient réalisées à l’étranger ; selon lui, la pression que les directeurs financiers exercent sur les prix et le court termisme conduisent à la pire politique possible. Quel est votre avis à ce sujet ?

S’agissant de la pile à combustible, M. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, a déclaré la semaine dernière qu’une chaîne économique existait en la matière. La Corée du sud, le Japon et l’Allemagne paraissent nettement en avance, mais en France, selon M. Bigot, cette technologie – que vous développez conjointement avec le CEA – ne semble pas « mûre ». Je souhaiterais également connaître votre opinion sur cette question.

Mme Anne Grommerch. L’automobile occupe une place importante en Lorraine. Nous nous félicitions en particulier de l’inauguration de l’usine de Trémery début décembre, qui permet la création d’emplois dans une région qui souffre particulièrement de la crise économique. Vous jouez également un rôle très important dans le domaine du travail des jeunes et de la formation en alternance dans vos usines de Metz.

À l’instar de M. François Brottes, je voudrais insister sur la situation des entreprises sous-traitantes, nombreuses dans ma région : quelles relations entretenez-vous avec elles, dans le contexte actuel de tension sur les prix ? De nombreuses pièces – 40 % d’entre elles, semble-t-il –sont produites dans les pays à bas coût, au détriment de nos sous-traitants. Ce chiffre va-t-il augmenter ? Comment comptez-vous resserrer les liens avec les sous-traitants français ? Je tiens à ce propos à saluer le travail accompli par la médiation de la sous-traitance, qui contribue à apaiser les relations entre les acteurs industriels.

Mme Geneviève Fioraso. J’ai trois questions liées à la recherche-développement et à votre politique d’innovation. Vous semble-t-il cohérent que les deux grands constructeurs français aient opéré des choix diamétralement opposés, Renault s’étant orienté vers le tout électrique et vous-même ayant opté pour les moteurs hybrides ? N’est-ce pas préjudiciable au développement de la filière automobile française ?

Par ailleurs, je souhaiterais connaître le montant du crédit d’impôt-recherche que vous percevez et le nombre de docteurs que vous employez, pour ainsi dire, en contrepartie. Quels liens entretenez-vous avec les laboratoires publics, en particulier le laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) et le centre de recherche appliquée en microélectronique et en technologies de l’information et de la santé (Leti) du CEA ?

Dans le domaine des nouvelles mobilités, on parle, en milieu urbain, de l’auto-partage, de flottes de véhicules mis à disposition, du covoiturage et des réseaux intelligents permettant un rechargement de la voiture. Sur l’ensemble de ces créneaux, Renault paraît plus visible que PSA. Comment vous positionnez-vous sur ce marché ?

Enfin, les sous-traitants sont considérés en Allemagne comme des partenaires : leur réactivité et leur force d’innovation sont mises à profit par les grands groupes. Les relations de travail sont de tout autre nature en France, où les sous-traitants se voient imposer un chiffrage concernant la production réalisée en France et celle réalisée à l’étranger. Quand parviendrez-nous à une relation équilibrée avec les sous-traitants en matière d’innovation ?

M. William Dumas. J’aimerais revenir sur le sort des 2 000 salariés de votre groupe concernés par le plan de reclassement et de reconversion, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur de votre groupe. Ce plan signifie que certains salariés vont devoir déménager. Cela peut devenir un drame humain. Quelles garanties êtes-vous en mesure de nous apporter ?

Le Président de la République a déclaré qu’il était hors de question que PSA diminue ses dépenses de recherche en France. « Je souhaite au contraire qu’elles s’accroissent », a-t-il ajouté. Comment comptez-vous développer la recherche tout en appliquant votre plan d’économies de 800 millions d’euros en 2012 ?

Dans le même temps, le 2 décembre dernier, vous venez de signer un partenariat avec le géant pétrolier brésilien Petrobras, afin de développer les technologies de biocarburants et de moteurs non polluants : vous disposez déjà de 1 500 collaborateurs travaillant à Sao Paulo. Ne pensez-vous pas que votre implantation là-bas cache un désengagement rampant de vos dépenses de recherche en France ?

M. Gérard Gaudron. Je suis, comme nous tous, particulièrement attaché à la filière automobile française et le ministre de l’Industrie, Éric Besson, m’a confié une mission sur sa compétitivité. À cette occasion, je visiterai d’ailleurs demain le centre de production de Sochaux. Je suis très sensible au devenir du site d’Aulnay-sous-Bois dont nous parlons souvent. Je suis preneur des éventuels éléments nouveaux dont vous pourriez disposer sur le sujet.

Lors du dernier comité stratégique de la filière automobile du 23 novembre dernier à Bercy, vous avez précisé la nécessité d’une montée en gamme de la production française en général et de la production de PSA en particulier. Selon vous, pour y parvenir, un niveau de recherche de 700 millions d’euros par an est nécessaire pour le groupe PSA. Ce chiffre sera-t-il maintenu à l’avenir ? On dit qu’il y a un site de trop en région parisienne : partagez-vous cet avis et lequel serait-il ? Lors du même comité stratégique, on a vu les sous-traitants de dernier rang particulièrement inquiets, à la différence de ceux dont la taille est plus importante.

Enfin, pourquoi, en France, dit-on très difficilement « j’ai une Peugeot ou une Renault » ce qui n’est pas le cas lorsque l’on a une Mercedes ou une Audi, même si c’est un véhicule d’occasion ?

Mme Annick Le Loch. Nous avons débattu récemment d’un projet de loi sur la consommation ; à cette occasion, nous avons évoqué le monopole sur les pièces détachées, de carrosserie notamment, dont bénéficient les constructeurs automobiles. Une étude d’UFC-Que choisir a démontré qu’en France, ce monopole a pour conséquence de faire payer ses pièces détachées au consommateur plus de 30 % plus cher en moyenne que s’il achetait des pièces alternatives. En effet, vous contrôlez la vente et la distribution de ces pièces détachées de carrosserie.

Le Président de la République a indiqué sa préférence pour que les produits consommés en France y soient également fabriqués. Cela ne correspond pas à la tendance de l’industrie automobile, comme vous l’avez évoqué dans votre propos liminaire. Que pensez-vous d’une réglementation à l’américaine permettant que sur chaque voiture figure une étiquette mentionnant son usine d’assemblage, le pourcentage d’équipements français et le pays d’origine du moteur et de la transmission ?

Quant au coût du travail en France, c’est une question récurrente, notamment de la part des industriels.

M. Michel Piron. Je remercie le Président pour la complétude de son stimulant exposé. Concernant la structuration de ce que l’on appelle - à tort ou à raison - la filière automobile, entre ensembliers et équipementiers, quel que soit leur rang, quelle est la part d’emplois aujourd’hui en France ? Quelle part d’emplois envisagez-vous en Chine, toujours suivant la même répartition ? Entre externalisation et intégration verticale, vous avez évoqué le cas Faurecia au capital duquel vous êtes revenu. Dans ce domaine, la stratégie est-elle toujours à l’externalisation et à quel degré, ou à un certain retour à l’internalisation ? Cette stratégie est-elle la même selon les continents et selon les différents pays, entre la France et la Chine par exemple ?

La mondialisation ou globalisation suppose de prendre des décisions stratégiques. Pourriez-vous préciser les lieux de décision de ces stratégies et quelle est la marge d’autonomie que vous entendez laisser à des États-continents tels que la Chine, l’Inde ou le Brésil ? Quel pouvoir de décision entendez-vous conserver pour la définition de ces stratégies multicontinentales ou multinationales ?

Enfin, dans un cadre mondial, la gestion des ressources humaines doit probablement varier selon les cultures ou la géographie des États : pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce point ?

M. Jean-René Marsac. Élu dans la circonscription du sud de l’Ille-et-Vilaine, je suis particulièrement sensible au sort de la Janais et au devenir des productions de haut de gamme, comme la C5 et la 508. Vous avez réaffirmé votre ambition d’amplifier votre présence sur ce segment du marché. Dans le même temps, vous avez indiqué que les marchés français et européen se contractaient. Dès lors, où le marché de ces véhicules haut de gamme se trouve-t-il ? En quoi peut-on penser que la production restera ancrée dans nos territoires ?

Il existe des systèmes alternatifs à la vente-achat tels que le système de location de véhicules diversifiés. Cela constitue peut-être l’une des réponses à apporter à une question précédemment posée par François Brottes. Cela peut aussi constituer une réponse aux différents besoins des consommateurs, variant selon les différentes périodes de l’année ou les différents moments de la vie. Quelles sont vos perspectives de développement en la matière ?

M. Jean Grellier. Longtemps excédentaire dans notre commerce extérieur, la filière automobile serait à présent déficitaire d’environ 5 milliards d’euros. Quelle analyse faites-vous de cette situation particulièrement préjudiciable à l’économie de notre pays ?

Lorsque l’on parle de la compétitivité de notre économie nationale, on entend constamment la demande d’un État stratège. Quel est votre point de vue dans ce domaine et comment définissez-vous cette notion ? On entend également souvent parler de l’organisation structurelle de notre économie qui touche en particulier à ce que l’on appelle le « hors coût ». Sur ce thème, les relations entre tous les acteurs d’une même filière, donneurs d’ordre, sous-traitants ou co-traitants, centres d’innovation, de recherche et de formation sont souvent ciblées. Comment définissez-vous dans ce cadre les notions de partenariat et de coopération et de quelle manière votre groupe les met-il en oeuvre ?

Est-il vrai que PSA ne fait désormais plus appel à des sous-traitants s’ils ne sont pas en mesure d’avoir une structure dans des pays « low cost » ?

M. Alain Suguenot. Vous avez évoqué les questions structurelles relatives à la compétitivité du segment B sur la Citroën C3 et la Peugeot 207. On a entendu les inquiétudes de certains de nos collègues quant à l’après C3, notamment du fait de l’avenir du site d’Aulnay-sous-Bois. Avec près d’un million de véhicules émettant moins de 130 grammes de CO2, comment pallier le manque de rentabilité des toutes petites voitures low cost ? Certains de vos concurrents construisent de très petites voitures pour porter la concurrence sur d’autres marchés.

Vous êtes à l’initiative de l’appel d’urgence en faveur de la sécurité routière : est-ce un argument de vente ou cela permet-il d’évoquer de nouvelles pistes pour le groupe et d’offrir de nouvelles perspectives d’emploi ?

M. Jean-Michel Vuillaumé. Le plan que vous avez révélé récemment vise à réduire les effectifs affectés à la recherche et au développement en France. Dans le même temps, le centre de recherche-développement que vous avez implanté en Chine, le « China Tech Center », se développe. Allez-vous intensifier cette tendance ?

La Poste, jusque-là 1er client de scooters Peugeot, a commandé 3 000 scooters Kymco : cela a fait la une des médias, même si cette commande remonte à plus d’un an. Pensez-vous que les constructeurs français ne soient définitivement plus compétitifs pour ce type d’appels d’offres ? Est-ce une stratégie définitive de Peugeot-PSA que de délocaliser tout type de production concernant les scooters de 50 ou 125 cm3 ?

Enfin, vous avez fustigé dans les Échos l’augmentation du coût du travail en France et le poids des cotisations sociales. Il s’agit d’une critique que vous avez d’ailleurs souvent réitérée. En Allemagne – pays souvent cité en exemple –, le financement de la sécurité sociale repose de plus en plus sur l’impôt. En d’autres termes, les citoyens se substituent aux employeurs pour financer la protection sociale. Pensez-vous que cela soit réellement une solution pour notre pays et pour notre production industrielle ?

M. Daniel Goldberg. Je souhaiterais revenir sur le cas d’espèce du site d’Aulnay-sous-Bois. Tant les élus du département que les salariés sont inquiets quand à son avenir. Le maire d’Aulnay, Gérard Ségura, vous a plusieurs fois sollicité sur le sujet. L’une des deux lignes de production a été stoppée et démontée. En 8 ans, le site a réduit les deux tiers de son activité et contrairement ce qu’il se passait durant la période de production de de C3, Aulnay-sous-Bois est un site de complément pour Poissy, n’a plus que des versions basiques de la C3 et ne produit pas la DS3. Le site peut certes continuer jusqu’en 2014, selon les engagements que vous avez pris, mais semble se vider de ses compétences et de la capacité technique nécessaire pour lancer un nouveau modèle. Les investissements se réduisent au minimum comme si le groupe n’avait déjà plus la volonté de pérenniser le site. Pourriez-vous démentir les craintes que nous avons pour l’avenir de ce site après 2014 ?

M. Kléber Mesquida. Je rejoins les inquiétudes relayées par mes collègues quant aux menaces pesant sur les 2000 salariés de PSA. Vous avez indiqué que la France ne peut pas faire l’économie d’un débat sur l’industrie. Vous avez cité ce qui, pour vous, allait dans le bon sens : le crédit d’impôt recherche, le fonds stratégique d’investissement, le pacte Automobile 2009 et la taxe professionnelle. La réforme de cette dernière coûte 7 milliards d’euros au budget de l’État, au delà des effets néfastes sur les collectivités locales. Y a-t-il eu pour vous un effet d’aubaine et cela a-t-il été bénéfique pour le redéploiement du groupe ?

Vous vous dites optimiste de tempérament et affirmez qu’il faut savoir rebondir dans les moments difficiles. Des synergies ont-elles été mises en place avec d’autres constructeurs pour envisager une nouvelle conquête de marchés mondiaux, puisque vous indiquiez que les parts de marchés sont à aller chercher en dehors de l’Europe tout en soulignant la nécessité de faire des efforts en ce sens ?

Enfin, je souhaiterais rebondir sur les propos de notre collègue Pierre Gosnat concernant votre niveau de rémunération. S’il est avéré, est-il indexé à la baisse lorsque les performances du groupe diminuent ?

Mme Catherine Coutelle. La région Poitou-Charentes est touchée par les difficultés de la sous-traitance. Vous avez peut-être suivi l’affaire Montupet, même si elle concerne surtout Renault. Il y a aussi dans la région un fabricant de volants du nom d’Autoliv, Federal Mogul. Quant à Michelin, qui n’est certes pas un sous-traitant comme les autres, il a récemment quitté le Poitou-Charentes pour aller s’installer à Tours ou plus loin. Puisque le modèle allemand, qui semble aujourd’hui notre phare en Occident, parle de co-traitance, va-t-on organiser en France la co-traitance entre les donneurs d’ordres et les sous-traitants ? Lors des États généraux de l’industrie dans ma région, on a recommencé à parler de filières. Cela fait quinze ans que l’on parle de filières mais l’on n’avance guère en France pour disposer de filières industrielles intégrées.

On entend les sous-traitants dire que les donneurs d’ordres que sont Renault et Peugeot exigent des prix toujours plus bas pour l’achat de pièces et leur expliquent qu’il faut les fabriquer dans des pays à bas coût voire, pour l’un d’eux, de complètement délocaliser sa production.

Quant au coût du travail et de la main-d’œuvre, la comparaison avec l’Allemagne, avec laquelle nous sommes en compétition, tient-elle vraiment, sachant que dans ce pays, il n’y a pas de SMIC et qu’il y a parfois un salaire horaire de 10 euros ou de 6 euros ? Entend-on défendre un tel modèle ?

Mme Marie-Lou Marcel. Après la délocalisation d’unités de production, on assiste maintenant à une délocalisation de la recherche et développement et de l’ingénierie vers les pays émergents. L’État s’est dit prêt à co-investir dans la recherche avec PSA, notamment pour le développement de projets innovants comme les moteurs hybrides. Pourquoi faire appel à la manne publique alors que vous avez dégagé des bénéfices substantiels ?

Ce sont les secteurs qui ont été les plus aidés par la collectivité publique qui, aujourd’hui, licencient ou suppriment des postes. Le quotidien Les Échos évoque 7 000 suppressions de postes dont 5 300 en France, parmi lesquels 2 500 suppressions chez les prestataires. Vous affirmez ne pas faire de plan social mais bien un plan de reconversion de 2000 personnes. Vous avez conclu sur ce point un accord avec les partenaires sociaux. Si votre groupe ne renouvelle pas son contrat avec les intérimaires, qu’adviendra-t-il d’eux ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle est votre appréciation sur le climat social actuel ainsi que sur les relations entre la direction et la représentation syndicale au sein de votre groupe ?

Quelles sont les évolutions actuelles en matière de temps de travail sur les lignes de production, de recours aux heures supplémentaires, d’emplois à temps partiel, de recours à des intérimaires et de contrats à durée déterminée ?

M. Dominique Dord. Je voudrais vous poser une question sur l’incidence de l’évolution de la fiscalité sur l’industrie. Un des grands débats à venir portera sans doute sur une réforme fiscale de grande ampleur. Dans cette perspective, avez-vous déjà évalué l’incidence que pourrait avoir sur vos choix stratégiques le basculement de tout ou partie du financement de la protection sociale des cotisations assises sur les salaires vers la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ?

M. Jean Gaubert. Disposez-vous de données permettant de comparer le coût du travail dans le secteur industriel en France par rapport à l’Allemagne, l’Italie ou les pays d’Europe de l’Est ayant récemment intégré l’Union européenne ?

Par ailleurs, disposez-vous d’éléments de comparaison du coût du facteur travail en pourcentage du coût total d’un bien comme un véhicule ? Est-il en outre possible de déterminer le montant du coût correspondant au transport des pièces fabriquées hors de France ? Je crois en effet que plusieurs de vos concurrents qui ont effectué ces calculs ont abouti à la conclusion selon laquelle la production dans les pays à bas coût n’était finalement pas très intéressante en raison des coûts d’acheminement.

M. Daniel Fasquelle. Je souhaite tout d’abord vous interroger en ma qualité de rapporteur du projet de loi sur la consommation : quelle est la position de PSA sur la libéralisation du marché des pièces détachées ?

Je me joins à l’ensemble des questions portant sur la sous-traitance. La préservation des emplois ne concerne en effet pas seulement les grands groupes mais bien entendu aussi les sous-traitants comme Valéo, qui dispose d’une usine dans ma circonscription.

On sait que PSA a été condamné dans le passé, comme d’autres entreprises, pour avoir pratiqué des politiques tarifaires très différentes parmi les pays européens. Qu’en est-il désormais ? Peut-on désormais considérer le marché européen comme un marché intégré ?

Parmi les mesures prises pour préserver l’emploi, quel est votre avis sur la suppression de la taxe professionnelle qui aurait permis une économie de l’ordre de 350 euros par véhicule ? Pour l’avenir quel est votre avis sur les mesures fiscales dites anti-délocalisation ?

M. Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën. Je vous remercie pour la qualité et la diversité de vos questions auxquelles je vais essayer de répondre en les regroupant de manière thématique.

En ce qui concerne tout d’abord les questions relatives aux relations avec les fournisseurs au sein de la filière automobile, je répondrai en premier lieu en tant que constructeur, puis en tant qu’acteur de la plate-forme automobile française. En qualité de constructeur, du groupe PSA, je suis convaincu que nous sommes entrés dans une ère nouvelle quant à nos relations avec nos fournisseurs. Au-delà de la méfiance spontanée des observateurs sur ce sujet il convient de considérer les faits. Nous nous orientons vers une concentration de nos achats d’équipement, à hauteur de 50 %, auprès de 13 ou 14 fournisseurs stratégiques. Ce sont des fournisseurs qui représentent pour le groupe des achats annuels de l’ordre de 0,5 à 2 milliards d’euros. A titre d’exemple, je participais hier à une réunion concernant les relations avec un fournisseur et je peux vous certifier qu’avec le président de l’entreprise concernée nous avons examiné l’ensemble de la valeur ajoutée créée entre nous, tout ce qu’il est possible de simplifier au sein de notre chaîne de valeur ainsi que les modalités de répartition des bénéfices. Nous partageons également la stratégie technologique avec nos grands fournisseurs que sont Michelin, Valéo ou Faurecia. En ce qui concerne les autres 50 %, nous sommes engagés dans une démarche de labellisation de ce que nous appelons les fournisseurs majeurs. Nous avons pour objectif de labelliser 100 fournisseurs majeurs dans les 18 mois qui viennent, sachant qu’ils seront déjà de l’ordre de 20 à la fin de l’année. Il s’agit d’identifier les fournisseurs qui ont un dispositif industriel au bon niveau, des ressources financières suffisantes et qui sont prêts à nous accompagner à l’international dans notre stratégie de globalisation ainsi qu’à investir en recherche-développement. En contrepartie de cette labellisation nous faisons partager à ces entreprises notre approche stratégique et technologique.

Au-delà, je suis persuadé qu’il existe un potentiel important d’amélioration de la gouvernance à l’échelon de la filière automobile française entre les constructeurs et les équipementiers des différents rangs, afin d’être aussi efficace que nos voisins allemands dont l’organisation permet de parler d’une seule voix à l’échelon de la filière. La crise survenue en 2008-2009 avait été l’occasion de la mise en place d’une plate-forme automobile qui a bien fonctionné dans ce cadre, avant de se relâcher avec l’amélioration de la conjoncture. Nous allons renforcer ces liens en adoptant une nouvelle gouvernance dès le début de l’année prochaine. Cette plate-forme automobile à des relais en région, les associations régionales des industriels de l’automobile (ARIA), qui sont extrêmement efficaces. Pour conclure sur le sujet des sous-traitants, il est clair que nous souhaitons travailler avec eux en partenariat en matière de globalisation et d’innovation et dans le cadre d’une relation plus équilibrée que par le passé. Il convient toutefois de ne pas se voiler la face sur l’évolution du marché automobile en Europe, nous serons l’an prochain en décroissance par rapport au présent exercice. Cette décroissance aura un impact sur le marché français en terme de volumes et donc sur les sous-traitants, d’où la nécessité de disposer d’une filière bien organisée.

J’en viens maintenant aux questions portant sur les différentes technologies, en tout premier lieu sur le véhicule décarboné mais également sur la connectivité et sur la pile à combustible. S’agissant du véhicule électrique, je rappelle que nous sommes bien présents sur le marché à l’heure actuelle puisque, avec la Peugeot iOn et la Citroën C-Zero, nous disposons de plus de 40 % de part de marché en Europe. Certes cette situation est appelée à évoluer avec l’entrée sur le marché de notre concurrent national, mais il n’en reste pas moins que nous avons investi avec Mitsubishi dans cette technologie. La priorité du groupe va au véhicule hybride et nous allons sortir dans les mois qui viennent trois nouveaux modèles, 3008, DS5 et 508.

Nos véhicules hybrides ont un mode électrique qui peut aller jusqu’à 2 ou 3 kilomètres ce qui représente déjà un changement de conduite assez important, plus apaisé, et une consommation de l’ordre de 3,8 litres/100 km. La question se pose bien entendu de l’hybride rechargeable car 2 ou 3 kilomètres d’autonomie ce n’est pas suffisant. Dans ce domaine un de nos concurrents, Toyota, est en avance et il est vrai qu’il n’existe pas de modèle Peugeot ou Citroën sur le marché à l’heure actuelle. Je peux toutefois vous annoncer que vous allez entendre parler de l’hybride diesel avant la fin de l’année. L’hybride rechargeable représente un marché important aussi bien en Europe qu’en Chine puisque la volonté du gouvernement chinois et de favoriser ce développement. Nous avons développé une co-entreprise avec BMW pour fabriquer ensemble les différents modules de la chaîne rechargeable et nous disposerons d’une offre commerciale à l’horizon des années 2015-2016.

Je vous confirme par ailleurs que nous travaillons avec le CEA sur la pile à combustible. Cette technologie ne nous semble toutefois pas économiquement attractive à court terme en raison des coûts liés au transport de l’hydrogène.

En matière de voiture connectée je vous confirme que la nouvelle 208, qui sortira au mois de mars prochain, est dotée d’un écran tactile et sera connectée, ce qui témoigne de notre avancée dans ce domaine. Je vous indique également que le groupe investit 200 millions d’euros dans une nouvelle boîte à 7 vitesses à Valenciennes dans l’optique de combler notre retard face à la concurrence en matière de boîte automatique et de double embrayage.

Les voitures électriques et les batteries constituent en effet un outil potentiel pour le stockage des énergies renouvelables pour le futur, il s’agit là d’un des atouts de la démarche de Vincent Bolloré. Je rappelle que nous avons concouru pour Autolib’ avec Véolia mais que l’offre de Bolloré, à qui nous souhaitons bonne chance, l’a emporté.

Nous sommes bien pionniers dans le domaine de la mobilité urbaine. Il est clair que dans l’avenir la voiture individuelle ne sera plus le modèle exclusif de mobilité et que l’auto-partage ou la multi-modalité seront des mots-clés. Ce phénomène est particulièrement vrai au sein des nouvelles générations. Nous avons développé le système « Mu by Peugeot » qui permet de louer aussi bien une voiture que des accessoires, un scooter électrique ou une fourgonnette de déménagement. Nous avons développé des formules qui permettent une meilleure optimisation du coût et de la valeur d’usage. Il faut savoir que l’âge moyen des acheteurs de véhicules neufs du groupe est de 47 ans et qu’il y a donc d’une part ceux qui achètent des véhicules d’occasion et d’autre part ceux qui connaissent des difficultés pour réaliser un tel achat. C’est la raison pour laquelle nous avons créé des services comme « Mu by Peugeot » ou « Multicity » chez Citroën qui offre des services de transport et d’hôtellerie, ces services permettent d’attirer une population jeune et de la fidéliser autour de différentes prestations.

La question de la compétitivité se pose à la fois au niveau national et au niveau du groupe. Elle s’articule notamment autour de deux axes : la R&D et l’outil industriel.

En France, il nous faut saluer l’impact positif d’un certain nombre de mesures telles le crédit d’impôt recherche – 90 millions d’euros au niveau du groupe- la réforme de la taxe professionnelle – un peu moins de 250 euros par véhicule, ou la pérennisation des pôles de compétitivité. Mais il y a évidemment des faiblesses. Le coût du travail français en est une. Il est dorénavant, avec 33 euros par heure travaillée, similaire à celui de l’Allemagne, alors même qu’il était inférieur en France de 12 % il y a une dizaine d’années. Cette détérioration relative de compétitivité est en partie due à une augmentation des charges publiques – 57 % du PIB aujourd'hui - qui ont porté pour une part importante sur le coût du travail. Je vous donnerai quelques autres chiffres qu’il convient d’avoir à l’esprit. Le coût du travail est de 20 euros par heure travaillée en Espagne, de 10 euros au Portugal et en Slovaquie, de 5 euros en Chine.

Plusieurs pistes pourraient être explorées afin de diminuer le coût du travail en France. Il faut transférer une partie du financement des charges sociales pesant sur le travail sur d’autres bases et à cet égard, l’idée d’une TVA sociale me parait une solution intéressante. Il faut également améliorer la politique française de l’apprentissage. En France, nous employons environ 1 500 apprentis. En moyenne, à l’issue de cette période nous en embauchons entre 20 et 25 %. En Allemagne, ce chiffre s’élève à 90 %. Des évolutions permettant d’accroître le rôle des entreprises dans la gestion de l’apprentissage permettraient d’améliorer l’emploi des jeunes et leur insertion dans le tissu industriel.

Enfin, nous avons développé le passeport des acquis professionnels qui consiste en un relevé des expériences professionnelles et formations de chaque salarié. Il doit permettre de mieux cerner les parcours des salariés afin de leur permettre d’évoluer dans l’entreprise et d’identifier leurs compétences quand ils sont confrontés à des obligations de mobilité. De manière plus générale, je suis très favorable à un nouveau pacte économique et social comprenant des éléments tels que le coût du travail, la compétitivité et la R&D.

S’agissant de l’emploi, la filière automobile représente, de l’amont à l’aval, près de 900 000 personnes et 2,3 millions de personnes si l’on dénombre aussi les emplois indirects. C’est donc près de 9 % de la population active française qui est concernée par ce secteur. Or, il y a des inquiétudes puisque la production d’automobiles a diminué d’un tiers depuis 2005.

A l’échelle du groupe, nous avons effectivement mis en place un plan d’économie de 800 millions d’euros, dont 400 millions concernent les coûts fixes ou frais de structure. Je veux attirer votre attention sur un point, il ne s’agit pas de mener moins de projets, mais de mieux les faire. Je peux vous donner quelques exemples concrets. Nos fournisseurs stratégiques et nous étions parfois conduits à mener deux fois les mêmes programmes de R&D ; nous essayons de les mener chez nos fournisseurs lorsque c’est pertinent. Un autre exemple est la décomposition d’une voiture en une centaine de modules. Cela permet la réduction des coûts de développement lors de la création d’un nouveau modèle. Ces quelques éléments montrent que le plan d’économie n’est nullement synonyme de délocalisation mais de productivité !

S’agissant de cette question des délocalisations, je veux souligner que 85 % des emplois en R&D sont en France. Que ce soit à Vélizy, Sochaux ou La Garenne nous disposons de centres particulièrement performants. En revanche, il nous a paru logique que Sao Paulo soit le siège d’un centre de R&D sur les biocarburants, le Brésil étant le leader mondial dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous y employons 1 500 personnes. En Chine, il importait également d’être présent au niveau de la R&D afin de répondre aux attentes spécifiques de nos clients locaux. C’est particulièrement vrai s’agissant des systèmes de navigations. Ainsi, le China Tech Center de Shanghai emploie un peu plus de 400 personnes.

Je veux maintenant parler du plan industriel. Il existe une forte pression notamment sur le segment B. Ainsi, il existe une différence de 10 % du coût de revient, soit 700 euros par voiture, entre la production en France et en Europe de l’Est. Cet écart n’est que partiellement compensé par la logistique. En conséquence, on a assisté à une certaine pression sur les prix, et nous avons perdu des parts de marché. On déplore donc un taux d’utilisation des usines inférieur à ce qu’il devrait être. En conséquence, il est logique que nous étudiions différents scénarios, mais ceux-ci n’avaient pas vocation à se trouver dans la presse. Nous nous sommes engagés à ce que l’usine d’Aulnay produise des C3, notre modèle le plus produit de la gamme Citroën, jusqu’en 2014 et nous sommes actuellement à l’étude de la question de l’après C3 sur ce site. Notre usine de Sevelnord continuera la production de véhicules légers au moins jusqu’en 2017. Nous avions un partenariat avec Fiat, mais ils ont souhaité y mettre fin en raison de leur alliance avec Chrysler. Nous étudions, dans la plus grande transparence, les différentes options possibles.

Nous voulons continuer à produire des scooters car la mobilité urbaine est une activité historique du groupe. Mais nous ne pouvons pas nier deux faits : la baisse de 40 % en volume des ventes en Europe et notre manque de compétitivité dans ce domaine. Cette activité est régulièrement en perte ces cinq dernières années. Il faudra donc probablement procéder aux ajustements nécessaires avec des propositions de reclassement.

Je veux maintenant répondre aux inquiétudes s’agissant du contenu social du plan. Nous prévoyons la reconversion de 2 000 personnes, soit 2 % de nos effectifs. Des espaces de mobilité ont été créés où peuvent se rendre, sur la base du volontariat, les personnes exerçant des métiers dits « sensibles » qui ont été définis par un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Il repose sur un double volontariat de l’entreprise et des salariés, ce qui explique sans doute qu’il ait recueilli un large assentiment et qu’il ait été signé par cinq des six organisations syndicales. Le site de l’usine de Rennes offre un bel exemple de reconversion réussie puisqu’une quarantaine d’ingénieurs et de mécaniciens sont devenus des programmeurs JAVA.

Je voudrais répondre à M. Pierre Gosnat s’agissant de mon salaire. Son augmentation, que je ne conteste pas, s’explique logiquement par mon arrivée en cours d’année en 2010. Je n’avais pas de part variable, qui est en moyenne égale à mon salaire annuel. En outre, la part variable évolue dans les deux sens. Or, cette année, avec une marge opérationnelle de 3 %, nous perdons du terrain face à nos principaux concurrents avec un écart de plus de 6 %, ce qui représente près de 2,5 milliards d’euros. Il nous faut rattraper ce retard.

La question des pièces de rechange est importante. S’agissant des pièces de carrosserie, 70 % sont produites en France, 91 % en Europe. Cela s’explique par la volonté des constructeurs de garder une maîtrise sur leurs modèles. Un modèle représente des investissements qui se montent à 500 millions d’euros, voire un milliard dans certains cas, ce coût comprenant les pièces de rechange qui s’y rattachent. Nous voulons donc être assurés de leur qualité et de leur disponibilité sur la durée de vie du modèle. C’est également une question de sécurité. Tout cela a un impact sur l’emploi en France.

Enfin, s’agissant des questions liées au made in France posées par M. Gérard Gaudron, dans le cadre du rapport qu’il prépare actuellement, je ne suis pas favorable à l’instauration d’un étiquetage en la matière sur les voitures. La provenance d’un véhicule est une notion qui me paraît difficile à mesurer. Notre groupe a une contribution positive de 10 milliards d’euros par an à la balance commerciale française. C’est important quand l’on sait que celle-ci a accusé un solde déficitaire de 70 milliards d’euros l’année dernière. Cela met en lumière l’impératif de compétitivité.

M. Jean Gaubert. Dans ma question sur les coûts de main-d’œuvre, il y avait également une interrogation sur la part relative de ces coûts…

M. Philippe Varin. Nous les estimons actuellement à 15 %, s’agissant de l’activité des constructeurs mais ce montant ne prend pas en compte l’activité des équipementiers. Dans le prix de revient, vous avez alors un chiffre beaucoup plus important. Je vous transmettrai des éléments écrits à ce sujet.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Je souhaite aussi revenir sur deux des questions que je vous ai posées : tout d’abord votre jugement sur les avantages comparés de la batterie lithium/ion et de la batterie « Bolloré », ensuite le siphonage éventuel de votre savoir-faire lorsque vous travaillez en Asie.

M. Philippe Varin. Sur ce dernier point, je ne suis pas vraiment inquiet car s’agissant des technologies traditionnelles, pour lesquelles nous avons une bonne expérience avec nos partenaires, nous avons des brevets et des royalties nous sont versés. Nous devons cependant faire preuve de vigilance en ce qui concerne les nouvelles technologies, liées notamment au véhicule électrique, d’autant que l’Etat chinois impose parfois aux constructeurs de faire appel à des équipementiers chinois…

Pour nous constructeurs, ce sont surtout les marques qui nous protègent, davantage que la technologie. Sur le premier point, nous avons testé en détail la batterie proposée par Vincent Bolloré, qui a des avantages, en matière de capacité d’autonomie notamment. Son inconvénient, c’est que nous devons la laisser en température à tout moment, sinon elle peut avoir du mal à repartir. Cela convient très bien à une utilisation du type Autolib’ mais pour des voitures électriques n’ayant pas une utilisation permanente, cela n’est pas forcément le meilleur choix. Nous travaillons étroitement avec Vincent Bolloré, mais, pour cette dernière raison, nous ne lui avons pas encore commandé de batteries.

M. le président Serge Poignant. Au vu du nombre et de la qualité des questions posées, vous aurez jugé, monsieur le président Varin, de l’intérêt porté au secteur de l’automobile par les députés de notre commission. Politique industrielle, balance des paiements, emploi : l’actualité étant ce qu’elle est, il était important que vous puissiez venir nous éclairer sur votre stratégie, en France comme à l’international. Je vous remercie et je compte sur vous pour nous faire parvenir les compléments d’information qui ont été évoqués dans la discussion.

M. Philippe Varin. Je vous transmettrai ces éléments sans faute.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 14 décembre 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. Christian Blanc, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Pierre Decool, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Alfred Almont, M. Jean Auclair, M. Jean-Michel Couve, M. François-Michel Gonnot, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Serge Letchimy, M. Louis-Joseph Manscour, M. Daniel Paul, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Delong, M. Dominique Dord, M. Gérard Gaudron, M. Daniel Goldberg