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Commission des affaires économiques

Mercredi 8 février 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Serge Poignant Président
et
de M. Serge Grouard Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Réunion, ouverte à la presse, commune avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la mise en application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) (MM. Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier, rapporteurs).

– Information relative à la commission

Lors d’une réunion commune avec la commission du développement durable, la commission a examiné la mise en application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) sur le rapport de MM. Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier.

M. le président Serge Grouard. Cette réunion commune à la commission des affaires économiques et à celle du développement durable et de l’aménagement du territoire est consacrée à l’examen de la mise en application de la loi Grenelle II portant engagement national pour l’environnement. Compte tenu de l’ampleur de ce texte, nous avons mis en place une procédure particulière pour le contrôle de son application. Les apports des deux commissions ont permis d’effectuer un travail précis et très efficace. Je remercie tout particulièrement nos deux rapporteurs, Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier, pour l’ampleur de leur tâche. Je salue également le travail accompli par les rapporteurs thématiques : Annick Le Loch et Michel Piron pour le titre I, habitat et urbanisme ; Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier pour le titre II, Transports ; Franck Reynier et Frédérique Massat pour le titre III, Énergie et climat, ainsi que pour le titre IV, chapitre 1er, Agriculture ; Bertrand Pancher et Geneviève Gaillard pour le titre IV, chapitres 2 à 6, Biodiversité ; Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier pour le titre V, Risques-santé-déchets ; Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier pour le titre VI, Gouvernance.

M. le président Serge Poignant. Je salue, également, le travail effectué par les rapporteurs. Rappelons-le, lorsque les discussions relatives au Grenelle ont commencé, nous ne formions qu’une seule commission.

Le Parlement, dont la mission est de représenter, de légiférer et de contrôler, est parfaitement dans son rôle, ce matin. Le comité d’évaluation et de contrôle, sous la présidence du président de l’Assemblée nationale, remplit également sa mission à cet égard. Après le rapport d’étape, il y a un an, et la réponse du ministère qui l’a suivi, il importait de faire le point aujourd’hui. C’est intéressant pour nos collègues parlementaires et pour l’exécutif. Cela permettra d’aller plus loin dans les lois à venir.

M. Bertrand Pancher, rapporteur. L'objectif du rapport présenté ce matin devant nos deux commissions, avec Philippe Tourtelier ainsi que nos autres collègues rapporteurs thématiques – Michel Piron, Annick Le Loch, Franck Reynier, Frédérique Massat et Geneviève Gaillard – concerne la mise en œuvre de la loi portant engagement national pour l'environnement du 12 juillet 2010. Il s'agit pour nous aujourd’hui de rendre compte de la mise en œuvre de la loi, c'est-à-dire de noter les avancées de la sortie des décrets, des règlements et autres mesures nécessaires à l'application du texte, ainsi que d'expliciter les réussites et les difficultés opérationnelles et de reprendre les explications de l'administration sur les retards éventuels. Il ne s'agit donc pas principalement de présenter une évaluation du contenu des mesures prises, même si nous ne nous interdirons pas de faire part d'observations plus larges, permettant ainsi de suggérer des améliorations à propos de textes aussi emblématiques.

Rappelons ici que le Grenelle de l'environnement, ce sont 268 engagements votés à l'unanimité – et 4 abstentions – en octobre 2007. La loi Grenelle I visait à fixer les grands objectifs à atteindre dans notre pays dans tous les domaines liés à l'environnement : biodiversité, transports, santé, urbanisme, eau, déchets, énergie, pollution lumineuse... La méthode de concertation et la volonté d'agir en faveur d'une économie verte a fait consensus dans la classe politique française. Elle fut considérée comme un modèle d'élaboration d'une loi programme, en associant étroitement l'ensemble des acteurs concernés – État, collectivités locales, entreprises, syndicats, associations de protection de l'environnement – à l'issue d'un processus de consultation d'une ampleur inédite. Cette méthode doit être généralisée à tous les grands textes, car elle favorise l'appropriation des enjeux par tous les acteurs et facilite leur mise en œuvre.

Le 29 juin dernier, nous vous avions présenté une note d'étape sur l'application de la loi Grenelle II. Le tableau de suivi du secrétariat général du Gouvernement en date du 20 juin 2011 faisait alors apparaître que 38 décrets seulement avaient été effectivement publiés – 20,1 % – et que 81 décrets avaient été pris ou étaient à un stade avancé de publication, soit 42,8 % des décrets attendus. À l’époque, il nous était particulièrement difficile d'établir un bilan de l'application de la loi, certains d'entre nous considérant que le verre était à moitié vide et d'autres qu’il était à moitié plein. Le Gouvernement s'était alors engagé à publier 80 à 90 % des décrets début 2012, ce dont certains d'entre nous doutaient. Nous avions cependant découvert la difficulté de la publication rapide de textes d'application aussi complexes et la longueur des procédures d'instruction – études d'impact, concertations avec les conseils consultatifs, interrogation de la Commission européenne, arbitrages interministériels, avis du Conseil d'État... À ces délais, nous avions préconisé d'ajouter la consultation régulière du Conseil national du développement durable ainsi que la présentation des projets de décret au public, sur une période minimale de quinze jours. J'ajoute que jamais autant de textes d'application n'ont été en préparation simultanée dans un ministère. Il était par conséquent concevable que des priorités de travail soient établies.

Qu’en est-il aujourd'hui ? 128 des 185 décrets d'application de la loi Grenelle II « cibles » de la législature – si nous retirons 10 décrets inutiles et 4 prématurés – ont été publiés au 31 janvier 2012, soit 69,2 % ; 33 autres sont actuellement à la signature du ou des ministres concernés, après arbitrage interministériel ou en Conseil d'État, soit un total de 87 % des décrets « sortis du ministère ». Nous considérons qu'il s'agit là d'un bon résultat.

Nous pouvons remercier les services de l'administration, qui se sont beaucoup mobilisés, certaines directions ayant affecté près d'une centaine de collaborateurs essentiellement à ces missions – je pense notamment à celles du ministère chargé de l’écologie et au Commissariat général au développement durable. L'effort fourni afin de faire en sorte qu'un maximum de mesures soient effectivement prises avant la fin de la mandature et cela en établissant une concertation systématique avec les acteurs de la société - collectivités locales, entreprises, syndicats et associations de protection de l'environnement – a été manifeste.

En marge de la comptabilisation des décrets pris, nous nous étions fixé une seconde mission : vérifier que ces derniers respectaient l'esprit et la lettre de la loi.

Compte tenu de l'ampleur de la tâche, nous avons choisi une méthode de suivi tout à fait originale pour le Parlement et qui a été plébiscitée par l'ensemble des acteurs. Nous avons organisé sept tables rondes – le titre biodiversité ayant été divisé en deux parties, une pour l'agriculture, l'autre pour la biodiversité en général – visant à réunir toutes les parties prenantes issues des cinq collèges du Grenelle. Nous voulions que chacun exprime son point de vue et que l'administration puisse répondre en direct aux interrogations et remarques des acteurs quant à la mise en œuvre des décrets d'application de la loi. Grâce à cette méthode, nous avons pu vérifier si les textes étaient bien en adéquation avec les demandes et comprendre les raisons d’éventuels retards. À quelques exceptions près, largement médiatisées d'ailleurs – non prise en compte des émissions indirectes dans les bilans d’émission de gaz à effet de serre des entreprises, retard d'une année de la publication des indicateurs sociaux et environnementaux des entreprises –, nous pouvons affirmer que les décrets ont généralement plutôt bien respecté le texte que nous avons voté. C'est pour tous les acteurs un sujet de satisfaction.

Nous voici donc maintenant armés d'une solide législation qui nous permettra d'amplifier des engagements environnementaux forts, portés par la société tout entière.

Qu'il me soit cependant permis, en accord avec Philippe Tourtelier, d'exprimer certaines observations, suggestions ou critiques.

Tout d’abord, pour des raisons de moyens et de temps, nous n'avons fait que suivre la parution des décrets d'application. Nombre de décrets sont toutefois suivis par des textes réglementaires de rang inférieur : certains sont pris, d'autres mettront encore du temps à être mis en œuvre. Citons l'exemple de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des déchets d’ameublement. Il a fallu estimer le volume national de ces déchets – environ deux millions de tonnes –, analyser les objectifs à atteindre – 45% de recyclage contre 30 % actuellement –, définir les catégories de meubles concernés et établir le montant de l'éco-redevance. Après les consultations obligatoires et celle du Conseil d'État, le décret d'application vient de paraître. Il convient maintenant par un arrêté, lui-même soumis à consultation ainsi qu'au Conseil d'État, de définir les redevances par type de produits et de mettre d'accord les fédérations d'élus locaux et l’éco-organisme concerné afin de savoir qui fait quoi en termes de collecte. L'arrêté est attendu pour les mois de juin ou juillet avec une mise en œuvre pour octobre prochain. Cet exemple illustre le caractère complexe du suivi d'une loi aussi importante que celle qui nous occupe. Notre travail ne devrait donc être qu'une première étape dans le cadre d'un regard permanent sur l'exécution de cette loi.

Ensuite et pour les mêmes raisons, il nous a été impossible de vérifier si les mesures d'accompagnement ou d'acceptabilité des textes que nous avions votés étaient suffisantes. Il est clair que nombre d'engagements se traduiront par l'atteinte de nos objectifs – filières REP, normes pour les bâtiments neufs, schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie... – mais que d’autres nécessiteront ou bien des moyens financiers d'accompagnement plus importants – rénovation des bâtiments anciens... – ou bien des adaptations – priorités sur les dispositifs de protection des trente mille zones de captages... Dans ce cadre, vos rapporteurs préconisent une réflexion visant à mieux adapter les réglementations futures aux caractéristiques des territoires ou des acteurs concernés. Nous devrons à l'avenir donner davantage de marges d'action au public concerné par nos décisions par le biais d’une nouvelle gouvernance locale à construire. Cela nous semble être un vrai défi, car c'est une condition d'acceptabilité de mesures complexes à prendre. Nous pensons également indispensable d'inscrire des mesures budgétaires et fiscales dans le temps.

Enfin, nous nous sommes interrogés sur les conditions de contrôle auprès de ceux qui sont concernés par toutes les mesures que nous mettons en place. Le législateur avait fait le choix, à l’époque, de ne pas généraliser les sanctions en cas de non application de la loi : nous voulions inciter les acteurs au lieu de les sanctionner. Ces dispositions trouveront cependant vite leurs limites. C'est le cas notamment des obligations pesant sur les collectivités locales. Nous nous sommes par ailleurs interrogés sur les moyens déployés pour effectuer les missions de contrôle, lorsque les obligations sont assorties de sanctions – il y en a un certain nombre. Il conviendrait à l'avenir de réfléchir sur les conditions des contrôles que nous devons effectuer et sur la répartition des missions entre les services de l'État, les organismes certificateurs et les autocontrôles des acteurs concernés. Nous souhaitons que la loi soit respectée par tous.

Je ne saurais conclure sans dire combien j'ai été heureux de travailler avec les services de nos commissions, ceux de l'État et l'ensemble de mes collègues corapporteurs. J'ai passé de très bons moments avec Philippe Tourtelier, dont je salue l'honnêteté et la rigueur intellectuelles. Je n'ai qu'un seul regret, qu’il ne se représente pas ! Peut-être pourra-t-il passer d’agréables moments avec Serge Poignant, qui, lui non plus, ne se représentera pas aux prochaines élections…

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. Le travail que nous avons effectué s’est révélé très intéressant. Comme l’a souligné Serge Poignant, la mission de contrôle de l’application des lois du Parlement est appelée à se développer. Nous ne pouvons que nous en réjouir car cela nous facilitera la tâche lorsque nous serons amenés à voter de nouvelles lois. Je remercie à mon tour Bertrand Pancher et l’ensemble des corapporteurs, ainsi que l’administration du ministère, qui s’est montrée extrêmement réactive et ouverte à la concertation. Cette nouvelle attitude a émergé avec la loi Grenelle II.

La loi Grenelle I a défini les objectifs. La loi Grenelle II a déterminé les moyens juridiques pour mettre en œuvre, voire « stimuler » la loi Grenelle I. Le groupe socialiste a voté la loi Grenelle I, car nous étions d’accord sur les objectifs et les grandes mesures proposées. Tel n’a pas été le cas pour la loi Grenelle II – je vous renvoie à cet égard aux propos que j’ai tenus à l’époque. Je crains que les raisons pour lesquelles nous n’avons pas voté la loi Grenelle II soient malheureusement toujours d’actualité. Ce que certains ont appelé le « Grenelle III » couvre l’ensemble des mesures fiscales de soutien : la Cour des comptes a publié le 3 novembre dernier un référé (n° 2011-474-3) fort intéressant sur ce sujet. La fiscalité est en effet un des leviers de la mise en œuvre – ou pas – de certaines dispositions du Grenelle. À l’heure du bilan, il ne faut pas oublier que certains textes peuvent le démolir, telle la proposition de loi (n° 3706) de notre collègue Jean-Luc Warsmann qui, sur divers points comme la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, affaiblit le Grenelle. La démarche Grenelle n’est donc pas à l’abri d’un risque de « détricotage » du fait de l’adoption de nouvelles lois.

Je situerai mes observations dans la perspective du Grenelle dans son ensemble, en m’efforçant de pointer les différentes mises en œuvre de la loi Grenelle II.

S’agissant de l’habitat et de l’urbanisme, les choses sont bien parties pour les bâtiments neufs grâce à la RT 2012. En matière de réhabilitation, en revanche, le retard n’a pas été rattrapé. Quelques mesures concernant les copropriétés facilitent, certes, la réhabilitation, mais le problème est d’abord financier. Or les conditions actuelles ne sont pas favorables à cet égard.

Par ailleurs, quel rôle le diagnostic de performance énergétique (DPE) doit-il jouer ? Quelle est sa fiabilité ? Doit-il s’agir d’une simple sensibilisation des acteurs ou du début d’un programme de travaux, avec un audit plus « musclé » ? Il faudra répondre à cette question, car le DPE est la « porte d’entrée » de la réhabilitation.

Sur la publicité extérieure aux entrées de ville et alors que le décret a été pris, les discussions sont toujours aussi vives entre les annonceurs et les défenseurs du paysage. Cela montre que la loi n’était pas assez précise ou que les auditions auxquelles nous avons procédé préalablement n’ont pas été assez approfondies et n’ont donc pas permis d’atteindre un point d’équilibre.

S’agissant du titre II, relatif aux transports, l’essentiel des mesures est contenu dans la loi Grenelle I. Pour ce qui concerne le transport de marchandises et le report modal du fret routier vers le fret ferroviaire, la situation s’est encore dégradée. Quant au transport de personnes, il faisait l’objet de trois chapitres dans la loi Grenelle I. La première tranche du programme de soutien aux transports en commun en site propre (TCSP) était financée – j’espère que la deuxième le sera également. Pour les lignes à grande vitesse, la Cour des comptes a noté que seules trois lignes sur les quatorze annoncées sont financées. On ne peut donc que s’interroger sur la poursuite de ce programme, surtout lorsqu’on connaît les besoins de régénération des réseaux actuels.

C’est sur le titre III (Énergie et climat) que mes interrogations sont les plus grandes. Les décrets remettent-ils en cause les objectifs de la loi ? Mon collègue Bertrand Pancher répond par la négative. Je rappelle que, dans la loi Grenelle I, nous nous sommes engagés au niveau européen à baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, à prévoir 20 % d’énergies renouvelables dans notre consommation énergétique finale et à augmenter de 20 % notre efficacité énergétique. Or, s’agissant par exemple du développement de l’éolien, on constate un effondrement à la suite des dispositions votées dans la loi Grenelle II – 871 mégawatts raccordés en 2011 contre 1 100 ou 1 200 en 2010, soit une diminution de l’ordre de 30 %. Le syndicat des énergies renouvelables demande instamment qu’on lève la condition des cinq mâts. La loi Grenelle II, censée « booster » les énergies renouvelables sur l’éolien, les a finalement freinées.

S’agissant de l’objectif de baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, nous avons beaucoup misé sur les plans climat-énergie territoriaux (PCET). Or le périmètre maximal SCOPE 3 – prise en compte de l’ensemble des émissions indirectes – n’a pas été retenu. Les PCET ne prendront donc en compte que moins de 50 % des émissions de gaz à effet de serre. On peut dès lors douter de leur fiabilité et de l’intérêt d’avoir des PCET au regard d’un suivi des objectifs régionaux agrégés au plan national pour respecter le taux de 20 %. Certes, nous ne méconnaissons pas les difficultés de financement des PCET, ni celles relatives à leur méthodologie. Mais si nous voulons garantir cette fiabilité, il faudra se pencher à nouveau sur les PCET.

Pour ce qui concerne le titre IV, chapitre 1 (Agriculture), il reste des questions en suspens sur le plan Écophyto, élément central de la démarche à l’égard des pesticides. On peut également s’interroger sur les retards constatés en matière de protection des captages, problème qui se posait avant le Grenelle et sur lequel une procédure européenne a été engagée. Le Grenelle n’a pas permis d’avancer sur ce dossier.

S’agissant du titre V (Risques-santé-déchets) et comme pour la publicité extérieure, la loi et les décrets ne font pas consensus. Certains considèrent ainsi que les dispositions relatives aux nuisances lumineuses ne servent à rien parce que nous avons repris des normes existantes, tandis que d’autres estiment au contraire qu’elles vont dans le bon sens. Le degré de technicité est tel que votre rapporteur ne saurait vous dire si nous sommes sur le bon chemin.

On peut également s’étonner que le décret sur les zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA) ne soit toujours pas pris. Une procédure européenne a en effet été engagée contre la France au motif qu’elle n’aurait pas appliqué correctement la directive sur les particules et notre pays a invoqué le plan de protection de l’atmosphère et les ZAPA comme éléments de réponse. Or le décret concernant les ZAPA est prévu pour 2013. Nous voyons là une incohérence.

S’agissant enfin du titre VI sur la gouvernance, vous connaissez tous le débat portant sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (article 225 de la loi). La loi doit-elle être précise ou non ? Que doit-on laisser au décret et à l’adaptation ? L’expérience montre que lorsque les seuils des entreprises ne sont pas fixés dans la loi, les lobbies remontent au créneau et la loi s’en trouve affaiblie.

Je conclurai par des remarques plus positives sur la forme. La concertation engagée pour la sortie des décrets a ainsi été excellente. Et la méthode devrait être transposée à d’autres lois et à d’autres ministères. Quelques décrets ont certes posé des difficultés. Pour certains, le problème venait de la complexité juridique ; pour d’autres, des arbitrages interministériels qu’ils nécessitaient. Dans ce second cas, cela recouvre soit des considérations politiques, soit l’intervention de lobbies. Les décrets requérant des arbitrages financiers ne paraissent pas facilement non plus. Qui va payer ainsi le renforcement des réseaux électriques en bout de ligne ? Cela relève-t-il toujours de l’exécutif ? Ne faudrait-il pas interroger à nouveau les rapporteurs qui suivent la loi et qui pourraient éventuellement soulever la question en commission ? Il faut y réfléchir pour éviter un dévoiement de la loi. S’agissant enfin du suivi de la loi par des tables rondes, je considère – comme Bertrand Pancher – que la méthode est efficace et dynamique.

Deux points restent en suspens in fine. Premièrement, l’articulation entre le national et le local. Où doit-on fixer la barre ? Quelles marges de manœuvre doit-on donner au local ? Deuxièmement, l’équilibre entre l’incitation et la norme. Si l’on s’en tient aux incitations, on risque d’attendre longtemps. Mais la fixation de normes risque de bloquer le processus. Ne faudrait-il pas prévoir des délais assortis d’un degré de coercition de plus en plus fort, qui aboutirait à terme à une norme impérative ?

Nous dressons le bilan ce matin de la mise en application du Grenelle. On parle de textes mais l’essentiel, finalement, que ce soit au niveau national ou local, c’est la volonté politique.

M. le président Serge Poignant. Je rappelle, avec tout le respect que j’ai pour le travail effectué par les deux rapporteurs, que l’objet de notre réunion est le contrôle de la mise en application de la loi. Le syndicat des énergies renouvelables peut contester le seuil des cinq mâts, mais pas le rapporteur, car cela ne relève pas du contrôle de l’application de la loi : nous n’avons pas à revenir sur celle-ci.

M. Michel Piron, rapporteur thématique pour le titre I. Sur un plan méthodologique, je rappellerai que nous avons procédé en septembre dernier, avec Annick Le Loch, à une série d’auditions sur le diagnostic de performance énergétique et la publicité extérieure, avant qu’une table ronde ne soit organisée le 13 décembre 2011 sur l’ensemble du titre I.

Compte tenu des contraintes considérables qui pèsent aujourd’hui sur les finances publiques, la question de la prise en compte de la dimension économique de l’enjeu environnemental est majeure. Le DPE n’est pas un outil servant de base à un programme de réhabilitation : c’est un outil de sensibilisation. Ne lui demandons donc pas plus que ce qu’il peut donner, même s’il a été considérablement amélioré. Peut-être aurions-nous dû commencer par cibler les logements les plus énergétivores, notamment ceux construits dans les années soixante ou soixante-dix, avant d’envisager une généralisation de la mesure à l’ensemble du parc.

S’agissant de la rénovation du parc tertiaire, public et privé, la réflexion en cours concernant les obligations de travaux pose à nouveau la question de la soutenabilité financière. Certains ont procédé à des chiffrages. L’Association des maires des grandes villes de France a ainsi évoqué soixante milliards d’euros dans les dix ans à venir. Autant dire que la question du retour sur investissement est au cœur du débat. Compte tenu également des conditions d’obtention des prêts bancaires depuis l’entrée en vigueur des ratios de solvabilité dits « Bâle III », il semble nécessaire de procéder à des évaluations préalables.

Concernant la déclinaison territoriale de la politique visée, de quel accès au crédit les collectivités territoriales disposeront-elles en 2012 et dans les années qui suivront ? Il n’existe aucun dispositif financier spécifique en vue de réhabiliter le parc ancien. Certes, cela peut se concevoir dans le contexte actuel, mais cet état de fait pèsera lourd dans les choix à opérer. D’où la nécessité de hiérarchiser les priorités de réhabilitation. Cela impliquera également de prendre davantage en compte la dimension « usage ». En tout état de cause, il ne faudra pas se lancer sur tous les fronts simultanément si l’on souhaite que la filière suive.

Sur la formation des professionnels, un effort important a été engagé mais il faudra du temps pour permettre à la main-d’œuvre de s’adapter aux règles du Grenelle.

S’agissant des copropriétés, le rapport de M. Dominique Braye, président de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), est particulièrement intéressant, notamment dans les comparaisons qu’il établit avec les pays voisins. Il apparaît ainsi qu’il peut exister de meilleures définitions du rapport entre propriétés publiques et propriétés privées, entre parcelles de propriétés et espaces communs dans les immeubles. En France, un individualisme parfois exacerbé empêche de prendre en compte efficacement les enjeux de copropriété. Sur ce point précis, la question d’une provision obligatoire pour travaux d’économie d’énergie n’est pas traitée et les copropriétés n’auront souvent pas les moyens de faire effectuer les travaux préconisés par la loi.

Concernant l’urbanisme, il nous semble hautement souhaitable de mieux articuler les différents types de document car il existe, incontestablement, une menace de surcharge schématologique.

Mme Annick Le Loch, rapporteure thématique pour le titre I. Je concentrerai mon propos sur le troisième chapitre du titre I, concernant l’encadrement de la publicité extérieure et des enseignes commerciales qui, aux dires de la ministre chargée de l’écologie, était un « engagement phare » du Grenelle. Il s’agissait de réduire la pollution visuelle de nos paysages et de maîtriser l’affichage publicitaire. Il convient en effet de protéger le paysage, qui fait partie de notre patrimoine commun.

L’élaboration du décret pris en janvier 2012s’est néanmoins révélée très complexe. Les dispositions impliquées datant de 1979, il s’est agi d’une réforme de grande ampleur. En outre, cela concerne des acteurs économiques aux positions diamétralement opposées : les nouvelles mesures pouvaient signifier, pour les uns, la disparition de 90 % de leurs activités – voire de leur profession – tandis que d’autres avaient le sentiment qu’on ne s’était pas attaqué au cœur du problème, et notamment aux panneaux « 4 x 3 ».

Il faut insister sur ce point : la concertation a été organisée avec l’ensemble des acteurs concernés. Les nombreuses réactions qu’a suscitées la consultation publique lancée sur Internet entre le 23 février et le 17 mars 2011 montrent d’ailleurs combien la demande sociale est forte en la matière. L’Association des maires de France, les associations professionnelles – l’Union de la publicité extérieure, le Syndicat national de la publicité extérieure –, les associations environnementales et du paysage, tels FNE ou Paysages de France, ont évidemment été consultés. La réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2012, pour partie seulement, nombre de dispositions concernant les pré-enseignes faisant l’objet de dérogations – ce qui m’interpelle.

Les principales mesures du décret portent sur une réduction globale des formats des dispositifs publicitaires, qui passeront de douze à quatre mètres carrés pour les agglomérations de moins dix mille habitants, et de seize à douze mètres carrés pour les agglomérations de plus de cent mille habitants. Des règles de densité ont également été introduites afin de réduire la pression publicitaire aux entrées de ville – une limitation des dispositifs publicitaires par les maires de quatre-vingts mètres sur le domaine privé et une autre sur le domaine public.

D’autres mesures visent la sobriété énergétique et concernent donc les dispositifs lumineux. Afin de réduire les nuisances lumineuses visuelles, les publicités lumineuses devront être éteintes la nuit entre une heure et six heures du matin. Quant à la publicité sur les bâches, elle est spécifiquement réglementée. La disparition des pré-enseignes dérogatoires est prévue pour 2017. Je m’interroge sur ce délai : pourquoi est-il si long ? Il sera également possible d’apposer des écrans numériques sur le mobilier urbain.

Par ailleurs, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, l’Assemblée nationale a confirmé en séance publique l’adoption d’un amendement portant à six ans le délai de mise en conformité des publicités, enseignes et pré-enseignes avec toute nouvelle réglementation plus restrictive. Il n’était question que de deux ans dans le décret. Le secrétaire d’État Frédéric Lefebvre a évoqué, dans l’hémicycle, un compromis autour d’un délai de quatre ans. Des interrogations subsistent et je me demande si cette réglementation permettra de stopper la lente dégradation de nos paysages urbains et péri-urbains. Certes, la législation a fait l’objet d’une évolution, mais celle-ci sera-t-elle suffisante pour améliorer les choses à court terme ?

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. S’agissant des transports, 50 % des décrets sont publiés. Nous n’en attendons donc plus que cinq, dont celui concernant l’autopartage qui bénéficiera désormais d’un fondement juridique. Certains constructeurs déplorent cependant que les tricycles et quadricycles motorisés soient exclus du dispositif. Par ailleurs, le décret concernant le droit à la prise pour les véhicules électriques est pris et entrera en vigueur pour les bâtiments existants à partir du 1er janvier 2015. Sur la modulation des péages autoroutiers, le décret portant sur les véhicules de transport de marchandises devrait être publié très rapidement. Cela semble plus compliqué pour les transports de personnes, le badge de télépéage étant attaché au conducteur et non au véhicule. Sur les péages urbains, enfin, nous nous étonnons que le décret ne soit toujours pas publié alors que certaines agglomérations sont prêtes à les expérimenter.

M. Franck Reynier, rapporteur thématique pour le titre III. Je concentrerai mon propos sur les articles 67 à 93 de la loi, qui portent sur l’énergie et le climat. À l’occasion du rapport d’étape de juin dernier, nous avions constaté que quatre décrets seulement sur les vingt et un attendus avaient été pris. Dix-huit sont parus aujourd’hui. Je ferai quelques commentaires, néanmoins.

La loi a imposé à chaque région de se doter d’un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie avant le 13 juillet 2011. Or le décret portant sur ces schémas n’a été publié que le 18 juin 2011, ce qui a entraîné de grandes difficultés pour les régions. Fort heureusement, le dispositif Grenelle a permis à toutes les parties de travailler ensemble dans le cadre d’une phase de préparation et une quinzaine de schémas devraient pouvoir être applicables dès le 30 juin 2012.

S’agissant des énergies renouvelables, il y a, à côté des objectifs nationaux, les mises en application régionales. Or il faut veiller à éviter les dysfonctionnements ou les incohérences. Nous insistons donc sur l’indispensable action du préfet de région en matière de coordination entre les différents objectifs.

S’agissant des schémas de raccordement, leur mise en œuvre impose des infrastructures et des modifications qui peuvent être lourdes sur les réseaux. Dans ces conditions, il serait bon que les gestionnaires de réseaux de distribution et de transport interviennent en amont afin de pouvoir dispenser leurs conseils.

Sur le bilan des émissions de gaz à effet de serre, le décret retient la prise en compte des périmètres SCOPE 1 et SCOPE 2, c’est-à-dire les émissions directes et indirectes induites par l’achat ou la production d’électricité. Certains regrettent qu’on ne soit pas allé jusqu’au SCOPE 3. Veillons cependant à ne pas trop alourdir les dispositifs qui imposent déjà de nombreuses obligations supplémentaires.

Sur l’éolien terrestre, le régime juridique applicable a vocation à apporter une sécurité accrue par un renforcement des procédures. Comme cela a été souligné, le niveau d’installation a fléchi du fait de la mise en application tardive des décrets. La parution des textes réglementaires devrait mettre un terme à cette période transitoire et relancer les initiatives des différents porteurs de projet. Je pense, comme le président Poignant, que notre mission consiste à veiller à l’application de la loi et non à aller au-delà : nous n’avons pas à relancer le débat qui a conduit le Parlement à adopter une telle loi. L’appréciation portée sur la disposition concernant le seuil des cinq mâts n’a donc, à mon sens, pas sa place dans le rapport.

Mme Frédérique Massat, rapporteure thématique pour le chapitre premier du titre IV. Mon intervention concernera le volet Agriculture de la loi Grenelle II. Sur les neuf décrets d’application prévus, cinq ont été publiés au 31 janvier 2012. Il est donc difficile de procéder à une évaluation des mesures – la Cour des comptes l’a d’ailleurs souligné. En outre, deux des trois rapports prévus et portant respectivement sur la pharmacopée en outre-mer et sur le suivi des produits phyto-pharmaceutiques en France ne nous ont pas été communiqués.

Sur la méthode, une table ronde a été réunie le 22 novembre dernier, ce qui n’avait pu être fait avant le rapport d’étape de juin 2011. Il a été possible à cette occasion de rassembler de nombreux interlocuteurs et de balayer l’ensemble des sujets.

S’agissant des critiques soulevées à l’encontre du plan, les associations de défense de l’environnement constatent que le progrès réalisé reste marginal. Quant aux agriculteurs, ils considèrent que le dispositif est coûteux, le plan étant financé en quasi-totalité par le biais de leur programme d’assurance-formation. En outre, le conseil est une simple préconisation écrite dont l’agriculteur peut ou non tenir compte. Si c’est un atout pour certains, et notamment les syndicats agricoles, attachés au fait que le décisionnaire en dernier ressort reste l’agriculteur, cela limite l’impact du conseil pour les associations environnementales.

L’article 103 de la loi prévoit de plus l’interdiction de l’épandage par voie aérienne, sauf dérogations. Or il s’avère que ces dernières sont nombreuses. L’efficacité du décret est donc fortement remise en cause par les associations.

L’article 107 de la loi prévoit, quant à lui, que le préfet peut, dans des conditions qu’un décret non encore publié doit préciser, cibler certaines zones à l’intérieur des aires d’alimentation des captages d’une importance particulière pour l’approvisionnement et y limiter pour une durée de trois ans l’usage agricole des terres. La mise en œuvre de ce dispositif divise les acteurs auditionnés. Certains estiment qu’il met en danger la viabilité économique des exploitations sur le long terme ; pour d’autres, il semble adéquat en raison des enjeux, surtout dans la mesure où il est possible de se reconvertir dans l’agriculture biologique.

L’article 108 prévoit que sont délimités des bassins connaissant d’importantes marées vertes sur les plages, où est rendue obligatoire une déclaration annuelle des quantités d’azote épandues ainsi que des lieux d’épandage. Le projet de décret, qui a été soumis à une consultation nationale sur Internet, suscite l’inquiétude d’un certain nombre d’associations environnementales, qui se méfient des obligations de moyens. Pour d’autres, l’intérêt même de la déclaration est mis en cause en raison du surcroît de travail administratif engendré pour les agriculteurs.

Les décrets sur la certification environnementale des exploitations ont été publiés. La spécificité de la certification « haute valeur environnementale » est qu’elle comporte plusieurs niveaux d’exigence, dont seul le plus élevé ouvre droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale » et peut faire l’objet d’une communication. La certification HVE repose sur trois niveaux par ordre croissant d’exigence environnementale. La Commission nationale de la certification s’est réunie pour la première fois le 25 octobre et a pu constater le faible nombre d’exploitations de niveau 3. En conséquence, il semble que l’article 109 ne permettra pas d’atteindre les objectifs en termes de nombre d’exploitations certifiées.

S’agissant de l’éco-certification des forêts gérées durablement, le décret n’a pas été pris au 31 décembre. Il serait encore en concertation et en consultation. Les acteurs ont insisté sur la méconnaissance des dispositifs de certification de la part des acheteurs publics et l’absence d’évaluation des objectifs en matière d’achat responsable.

Enfin, sur l’article 117 de la loi, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de rédiger un nouveau décret sur la politique génétique des semences dans la mesure où un décret couvre déjà les dispositions prévues par la loi Grenelle II. Les associations environnementales pensent, pour leur part, le contraire. Ce point de désaccord devrait faire l’objet de discussions avec le commissariat général au développement durable.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure thématique pour les chapitres 2 à 6 du titre IV. Jusqu’à présent, la biodiversité n’a pas mobilisé fortement les acteurs économiques, nos concitoyens et les collectivités locales. La loi Grenelle II a précisément permis de mettre en avant les trames verte et bleue, les schémas régionaux de cohérence écologique et la formation du comité national « Trames verte et bleue ». La plupart des décrets ont d’ores et déjà été publiés et les derniers devraient sortir très prochainement.

Les trames verte et bleue ont donné lieu à de nombreuses discussions, car leur simple prise en compte dans les documents d’urbanisme n’est pas du goût de tout le monde. Si les acteurs économiques sont satisfaits, les associations de protection de l’environnement considèrent qu’une véritable opposabilité aurait été préférable. Nous verrons comment cela se mettra en place sur le terrain.

L’installation du comité national « Trames verte et bleue » a été tardive. Elle n’est intervenue, en effet, qu’au mois d’octobre, mais le comité s’est déjà mis au travail. Reste à savoir comment les actions seront mises en œuvre sur les territoires.

S’agissant des schémas régionaux de cohérence écologique et des comités régionaux « Trames verte et bleue », seuls quatre comités sont aujourd’hui opérationnels. Il paraît donc nécessaire d’aller plus vite. Peut-être l’État devrait-il fixer des objectifs plus précis.

J’insisterai sur deux points particuliers, pour conclure. Sur la biodiversité en Guyane, l’inventaire, fortement souhaité par tous, n’est toujours pas en route. De même, l’indemnisation des non-agriculteurs sur les bandes enherbées tarde à venir.

Les choses avancent. En matière de biodiversité, il semble cependant indispensable de prévoir des mesures fiscales. Je regrette à cet égard que le rapport de Guillaume Sainteny sur les aides publiques défavorables à l’environnement et à la biodiversité n’ait pas été pris en compte. Il me semble également nécessaire que l’État, les collectivités et toutes les parties prenantes agissent en conformité avec leur volonté politique de préserver la biodiversité. On ne peut pas à la fois autoriser des forages en eaux profondes en Guyane et prétendre protéger la biodiversité marine. On ne peut pas allonger la piste de l’aérodrome de Mayotte et détruire pour ce faire des mangroves tout en souhaitant préserver la nature. À nous, à partir de la loi Grenelle II et de ses décrets d’application, de faire en sorte que, sur le territoire, la biodiversité soit réellement protégée et que sa destruction soit évitée.

M. Bertrand Pancher, rapporteur. J’ajouterai à l’intervention de Geneviève Gaillard qu’il faut également mentionner la stratégie en faveur du milieu marin. Le Conseil national de la mer a été créé, tout comme celui de l’éco-certification des produits issus de la pêche durable.

S’agissant des dispositions relatives aux risques, à la santé et aux déchets, au 31 janvier 2012, le décompte du secrétariat général du Gouvernement identifiait 45 décrets d'application à publier pour ce titre, dont un considéré comme inutile. À cette date, 75 % des décrets ont été publiés, et quatre sont actuellement à la signature.

Concernant l'article 173 de la loi – exposition à des nuisances lumineuses et sonores – des prescriptions peuvent être imposées aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses pour réduire les émissions de lumière artificielles et limiter la consommation d'énergie. Les mesures réglementaires ont été regroupées dans le décret n° 2011-831 du 12 juillet 2011 relatif à la prévention et à la limitation des nuisances lumineuses. Alors qu'un arrêté complémentaire est encore attendu, les entretiens réalisés par vos rapporteurs leur ont permis de constater qu'un débat prospérait sur la question du niveau d'exigence en termes de pollution lumineuse et que les différentes parties prenantes – État, collectivités locales, usagers, professionnels regroupés au sein du syndicat de l'éclairage, etc. – n'avaient pas encore trouvé les voies d'un terrain d'entente.

L'article 178 qui prévoit que les trains doivent adapter leurs dispositifs pour faire moins de bruit a fait l'objet d'un décret d'application paru le 26 juillet 2011. Trois des quatre décrets concernant la surveillance de la qualité de l'air intérieur, un cadre de certification des éco-matériaux et une obligation d'étiquetage des polluants volatils ont été pris. Le dernier vient, quant à lui, d'être soumis à la commission d'évaluation des normes. Il conviendra d'être attentif aux prescriptions des préfets visant à faire réaliser des expertises complémentaires en cas de présence de polluants volatils (article 180 de la loi).

Concernant l’expérimentation des zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA) et des restrictions d’accès des véhicules polluants dans les agglomérations, deux décrets devraient être publiés dans le courant de ce trimestre – identification des véhicules concernés et sanctions – après avis de la commission de consultation des normes. C'est un sujet techniquement complexe et le Gouvernement considère qu'il est encore prématuré d'autoriser les projets de ZAPA.

Le décret d'application réglementant la prévention des risques liés aux expositions radioélectriques est actuellement bloqué au ministère du travail et semble ne progresser que très lentement, à la différence de celui généralisant l'affichage du volume d'émission des téléphones portables, qui a été publié.

Concernant enfin la prévention des risques liés à l'exposition aux nanoparticules, il était prévu d'obliger les fabricants, importateurs ou distributeurs à déclarer ces substances en vue d'une traçabilité. Le projet de décret, très complexe, a été rédigé mais a dû être notifié à la Commission européenne. Celle-ci, qui est d'accord sur le principe, doit faire part de certaines observations non encore communiquées. Restent plusieurs sujets en discussion : le besoin de protéger le secret commercial et l'importance du volume et de la qualité de l'information qui sera diffusée.

S’agissant de la politique dans le domaine des déchets, l'article 186 prévoyait un décret pour renforcer le socle juridique des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) : il a été pris.

La filière REP sur les déchets de soins à risques infectieux perforants a fait l'objet d'un décret d'application, entré en vigueur le 1er novembre dernier et complété par un arrêté.

L'article 188 prévoyait de rendre publiques les informations dont l'État dispose sur la pollution des sols : il a fait l'objet d'un projet de décret qui est en consultation publique et qui sera soumis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques.

Les plans de réception et de traitement des déchets dans les ports sont actuellement mis en place.

Le décret prévoyant les conditions de déconstruction des bâtiments a été publié.

Celui traitant la remise des déchets électriques aux éco-organismes vient d'être soumis à la Commission d'évaluation des normes.

Le décret relatif à la filière de ramassage des bouteilles de gaz a été notifié à la Commission européenne l'année dernière : il devrait être soumis prochainement au Conseil d'État.

D'autres décrets importants sont pris – tel celui relatif à la prévention des déchets ménagers – ou en voie de l'être à la suite de consultations nationales et européennes.

Enfin, les plans départementaux de gestion des déchets issus du bâtiment ont fait l'objet d'un décret d'application. Il en va de même pour ce qui concerne la lutte contre le trafic de matériaux, chère à votre commission. Les dispositions de la loi relatives au tri à la source et à la valorisation biologique des déchets ont été précisées par un décret cadre.

S’agissant des risques industriels et naturels, le décret visant à contrôler les installations classées a été publié, tout comme celui relatif aux délais de recours.

L'article 215 concernant le crédit d'impôt pour les personnes vivant dans le périmètre couvert par un plan de prévention des risques technologiques a subi un certain nombre de réajustements budgétaires à la baisse et à la hausse. Je ne m'attarderai pas sur l'article 219, visant à améliorer la connaissance des réseaux souterrains de distribution, puisque les trois décrets ont été pris. Enfin, la transposition de la directive européenne de gestion des risques d'inondation fait elle aussi l'objet d'un décret, qui a été publié.

S’agissant de la gouvernance, trente-deux décrets devaient être publiés : 65 % l’ont été au 31 janvier 2012 et 21 % sont en cours.

Les règles relatives à la gouvernance portent en profondeur la nouvelle logique de développement durable induite par le Grenelle de l’environnement et témoignent des nouveaux modes de décision et des nouvelles relations qui doivent désormais caractériser les rapports entre les différents intervenants – public, privé, État, collectivités. Sont ainsi apparues des mesures tout à fait novatrices concernant l’action des entreprises en matière environnementale et sociale, l’information des consommateurs, la représentation du public dans les instances nationales et locales impliquées dans la prise de décision publique en matière d’environnement ou de développement durable. Ont été également réformés les grands outils juridiques d’information et de consultation du public que sont les études d’impact, les enquêtes publiques ou les débats publics. Les décrets, tous en très bonne voie, ne font l’objet d’aucune remarque particulière.

Les avancées réelles contenues dans la loi du 12 juillet 2010 peuvent ainsi faire progresser la gouvernance environnementale et la démocratie écologique, auxquelles les Français semblent définitivement attachés.

Si plus des deux tiers des règlements d’application étaient bien intervenus sur ces dispositions relatives à la gouvernance à la date du 31 janvier 2012, la publication d’indicateurs sociaux et environnementaux, obligatoires pour les entreprises importantes, n’a pas encore fait l’objet de mesures d’application, puisque la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Warsmann a souhaité repousser son application en 2012 et distinguer les entreprises cotées de celles qui ne le sont pas : cette distinction semble absurde à tous les observateurs concernés, car il sera impossible de publier des indicateurs différents pour des entreprises de même taille et de même secteur.

Il n’en reste pas moins vrai que l’article 225 n’a pas été remis en cause sur le fond et qu’il fera de notre pays le seul dans le monde à s’engager dans de tels dispositifs. Les arbitrages interministériels concernant le projet de décret ont d’ores et déjà été opérés – le « bleu » interministériel a d’ailleurs largement circulé. Le décret devrait être publié dans les semaines qui suivront l’adoption définitive de cette proposition de loi, prévue vers le 20 février prochain.

Enfin, des mesures réglementaires relatives à la détermination des projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale devraient prochainement intervenir, de même que des décrets concernant les règles de composition des commissions de suivi de site, des commissions portant sur les infrastructures linéaires et du Conseil supérieur des transports terrestres et de l’inter-modalité. Tout cela ne semble poser aucune difficulté.

M. André Chassaigne. Ma première interrogation porte sur l’extension des missions des commissions d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail – CHSCT. On nous avait renvoyé à des échanges avec les organisations syndicales avant d’étendre ces missions aux questions environnementales et de les élargir aux sous-traitants. Qu’en est-il ?

S’agissant par ailleurs de la protection des captages, des retards importants sont à souligner. Mais pour les petites communes, confrontées à des problèmes fonciers et à de nombreuses résistances, il est extrêmement compliqué de régler cette question. Les agences de l’eau envoient des courriers aux maires qui n’ont pas respecté les délais de protection des captages et coupent le robinet des subventions. Ce n’est pas ainsi qu’on résoudra le problème.

Concernant les plans climat-énergie territoriaux, j’ai constaté que le développement du volet éolien était envisagé de façon peu maîtrisée. Avons-nous des éléments permettant de mettre en rapport le développement de l’éolien avec les possibilités de connexion aux réseaux existants ?

Enfin, je veux revenir sur la proposition de loi Warsmann, qui va induire un détricotage de la loi Grenelle II. Les décrets attendus ne sont-ils pas d’ores et déjà remis en cause ? Je pense en particulier à l’article 55, qui allonge le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires prévus dans la loi Grenelle II. Je pense aussi à l’article 56, qui permet à des entreprises privées de mettre la main sur des installations hydrauliques avec la possibilité d’accroître la production, contrairement aux dispositions de la même loi sur la préservation des continuités écologiques. Je pense encore à l’article 56 bis, qui procède à de nouvelles entailles dans le fonctionnement de la charte Natura 2000 et alors que les exemples de sites protégés endommagés sont d’ores et déjà nombreux. Je pense à l’article 72, qui met en place le cabotage dans le transport de voyageurs pour l’utilisation de lignes transnationales étrangères, ouvrant ainsi la concurrence pour les entreprises françaises qui commençaient à se développer. Je pense enfin à l’article 72 bis, qui autorise la circulation de poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux.

M. Yanick Paternotte.  Je tiens tout d’abord à féliciter les rapporteurs pour le travail qu’ils ont effectué pendant près de cinq ans. La démarche du Grenelle, voulue par Nicolas Sarkozy et portée par Jean-Louis Borloo – qui avait considéré après le vote de la loi que nous avions édifié un monument législatif –, produit aujourd’hui ses effets, même si la récolte n’est pas aussi abondante qu’on l’aurait souhaitée et si elle compte quelques mauvais fruits. C’est globalement positif.

Je tiens ensuite à souligner que la réforme constitutionnelle, qui a permis le suivi parlementaire de l’exécution de la loi, montre ici son efficacité. Si tous les parlementaires ne s’étaient pas mobilisés, nous n’aurions sans doute pas atteint un tel taux de parution des décrets – quelque 90 %. Le « service après-vote » a fonctionné à plein : ce n’est pas anodin car, à travers un décret, un arrêté ou une circulaire, on peut tuer l’esprit d’une loi.

Tout doit-il être gravé dans le marbre pour autant ? Selon moi, il faut accepter une certaine plasticité et savoir donner du temps au temps… Les ambitions sont là : mais il y a aussi le choc de la réalité. Il faut pouvoir s’adapter. Ce n’est pas se renier que d’accepter le principe de réalité.

Cela étant, et cela peut laisser une trace d’amertume, les études d’impact préalables ont-elles été suffisantes ? Sur la sobriété énergétique, sur l’isolation des bâtiments publics, on nous avait ainsi expliqué que le temps de retour sur investissement pouvait être de cinq ou sept ans…

Pour le reste, nous pensons que les décrets sont dans l’esprit de ce qui avait été voté. Il est important de le noter car, depuis le lancement de l’examen parlementaire la loi Grenelle II, sont intervenus le choc de la crise de 2008 et la crise de la dette souveraine des États de 2011. Celle-ci et celle-là n’ont pas été sans incidences – le rapport y fait d’ailleurs allusion à plusieurs reprises. Cela nous renvoie, une fois encore, au principe de réalité.

S’agissant du transport, je rappelle que nous avions prévu, pour le trafic de marchandises, 23 % de report modal vers le ferroviaire. Or cet objectif semble inatteignable, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, du fait de la faiblesse structurelle du réseau, mais aussi du fait des difficultés d’évolution de la loi, des adaptations de la réglementation et du marché. Prenons l’exemple des poids lourds. Certes, la taxe poids lourd a pris du retard, mais nous avons perdu un an du fait de la procédure engagée par un candidat malheureux auprès du tribunal administratif. En tout état de cause, le marché a évolué beaucoup plus vite que l’ambition : on a réduit au niveau européen la vitesse des poids lourds sur les autoroutes, ce qui devait entraîner un avantage compétitif vers le rail ; en réponse, les affréteurs se sont mis à utiliser non plus des véhicules de 3,5 tonnes, mais des camionnettes, qui peuvent rouler à 130 km/heure et ne sont soumises à aucune des règles imposées aux poids lourds. Il n’y a même application d’aucune disposition du droit du travail ou du droit social, car les chauffeurs sont souvent des personnes privées sous-traitants d’affréteurs. Cet exemple montre que l’ambition et la législation sont certes louables, mais que le pragmatisme et le principe de réalité doivent rester notre souci constant. J’ai noté avec satisfaction que les rapporteurs reconnaissaient unanimement qu’il nous fallait cinq ans de plus pour finaliser cet immense chantier. Majorité et opposition sont dans un bon équilibre : gardons-le cinq ans de plus ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Chanteguet. Je ne partage pas l’avis du président Serge Poignant. Les responsables politiques que nous sommes ne doivent pas s’interdire de donner leur avis, notamment sur certaines décisions récentes. On pourrait limiter les rapports à un bilan quasi administratif des décrets publiés et de ceux encore en cours de rédaction : je crois que ce n’est pas la meilleure option et qu’il faut aller au-delà.

M. le président Serge Poignant. Je n’ai pas dit le contraire !

M. Jean-Paul Chanteguet. Si j’ai mal interprété vos propos, monsieur le président, j’en fais amende honorable.

Sur un total de plus de 200 décrets, 128 ont été publiés, seulement dix-huit mois après la promulgation de la loi. Ce chiffre est important, mais le rapport ne contient pas d’évaluation. Je sais bien que celle-ci est difficile, mais nous devrons la réaliser au cours des prochains mois ou des prochaines années.

Je m’élève contre les décisions en voie d’être prises dans le cadre de la proposition de loi Warsmann. Comme l’a observé André Chassaigne, les textes que nous avons votés sont régulièrement détricotés. Ainsi, l’application de l’article 225 relatif à la responsabilité sociale des entreprises est différée d’un an, les filiales en sont exonérées et, malgré l’avis du Conseil d’État, une distinction est établie entre sociétés cotées et sociétés non cotées.

Autre détricotage : l’éco-redevance et l’autorisation de circulation des poids lours de 44 tonnes. La réduction pour les départements périphériques a été portée à 40 %, contre 25 % initialement prévus : sur ce point, les lobbies sont à l’œuvre. Nous devons donc être vigilants.

Enfin, l’audition du Premier Président de la Cour des comptes par la commission des Finances m’a donné l’impression que les principaux responsables de la majorité, au premier rang desquels le rapporteur général du budget, ne s’étaient pas appropriés le Grenelle.

S’agissant du report modal, on voit bien que l’objectif d’une augmentation de 25 % – à l’horizon de 2020 – des transports par fer et voie d’eau ne sera pas tenu, et ce d’autant moins qu’il a été décidé, de façon subreptice et malgré l’opposition de Mme Kosciusko-Morizet, d’autoriser la circulation des 44 tonnes.

Pour ce qui concerne la trame verte et bleue, de nombreux décrets ont été publiés. C’est une bonne chose, mais l’on peut se demander si l’on n’en restera pas aux belles cartes sans effet sur la biodiversité et les continuités écologiques. Il convient de réfléchir dès à présent à la mise en œuvre de mesures de restauration ou de compensation.

Enfin, le rapport évoque la création, annoncée par le Président de la République en Mayenne, du fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologique : nous l’attendons avec impatience. Ce fonds sera-t-il financé par le report d’aides publiques allouées à des programmes nuisibles à la biodiversité ?

M. Stéphane Demilly. Je salue la qualité du travail des deux rapporteurs. Ayant été chargé, avec Philippe Tourtelier, du rapport d’information sur la mise en application de la loi Grenelle I, je mesure la difficulté de la tâche.

La loi Grenelle II est destinée à « mettre en musique » les objectifs et les orientations de la loi Grenelle I. Pour ce faire, elle s’appuie sur près de 200 décrets d’application, dont les deux tiers ont été publiés. Quelle fut la méthode suivie pour l’élaboration de ces décrets, notamment du point de vue de la concertation ? Le ministère chargé de l’écologie a organisé, sur son site Internet, des consultations publiques sur plusieurs projets de décret, notamment ceux relatifs aux risques d’inondation, aux études d’impact et aux enquêtes publiques. Quel bilan peut-on tirer de cette démarche innovante ?

La loi Grenelle II autorise par ailleurs le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances pour modifier la partie législative des codes de l’urbanisme et de l’environnement, afin, notamment, de rattraper le retard pris par la France dans la transposition de directives européennes. Un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi a été fixé. Où en est-on ?

Enfin, l’État n’est pas le seul acteur concerné par l’application du Grenelle II, loin s’en faut : la loi fait une large place aux collectivités territoriales. Quel bilan peut-on faire à ce sujet ?

M. Didier Gonzales. Je veux moi aussi saluer la qualité du travail de nos rapporteurs.

Aux termes de l’article 181 de la loi, « en cas d’épisode de pic de pollution prolongé, le ministre chargé de l’aviation civile prend les mesures nécessaires pour tenir compte de la pollution due aux mouvements d’aéronefs ». Selon le rapport, cette disposition n’appelle pas de mesure réglementaire d’application particulière. Je souhaite ici rappeler que l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la direction générale de l’aviation civile (DGAC) ont créé des groupes de travail sur cette question.

M. Patrick Lebreton. En mai dernier, lors du bilan d’étape sur le Grenelle, j’avais souligné que les revirements brutaux du Gouvernement sur le photovoltaïque avaient marqué un coup d’arrêt pour une filière qui, à La Réunion, devait contribuer à l’objectif d’atteindre l’autonomie énergétique en dix ans.

En 2010, grâce au Grenelle, les créations d’entreprise ont augmenté de 20 %, cette augmentation atteignant même 169 % pour les entreprises spécialisées dans la production d’électricité. Plus de 600 emplois sont concernés par ce secteur, chiffre à rapporter à un taux de chômage supérieur à 30 %.

Alors que la culture de la canne est en sursis et que le secteur du tourisme se structure dans la difficulté, notre territoire s’est ainsi vu privé d’une filière novatrice et d’une stratégie de développement durable. Certes, le boom du photovoltaïque a été mal évalué, générant des effets d’aubaine fiscaux, et la France ne maîtrise pas l’ensemble de la filière. Reste qu’une véritable stratégie industrielle aurait dû être mise en œuvre au cours des cinq dernières années, notamment dans les territoires ultramarins. Il est dommage que la production d’électricité d’origine photovoltaïque dans nos territoires et la sécurisation de son environnement juridique et fiscal n’aient pas été des priorités du Gouvernement. Le photovoltaïque est en effet une véritable ressource dans l’outre-mer, où le nucléaire est absent.

Il est tout aussi dommage – et même contradictoire – que l’on déplore au sommet de l’État un prétendu « assistanat » des populations ultramarines, tout en négligeant un secteur porteur de développement économique et social.

Nous réaffirmons donc que la diversification des sources d’énergie et la constitution de filières alternatives solides nous semblent être des voies essentielles pour l’outre-mer.

M. Antoine Herth. Je veux à mon tour saluer le travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs. Mon intervention portera sur le bio-contrôle, au sujet duquel j’ai rédigé un rapport parlementaire. Pour juger de l’application du Grenelle, donc de ses effets réels sur certaines pratiques, il faut aussi l’envisager sur d’autres plans, que ceux-ci relèvent du législatif ou du réglementaire.

Nous avons voté, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, des dispositions qui pérennisent le financement du plan Écophyto 2018. De même, la nouvelle réglementation européenne relative à l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, applicable depuis juin 2011, va dans le sens des dispositions du Grenelle. Enfin, la réforme à venir de la politique agricole commune donnera des arguments supplémentaires pour mettre en œuvre les dispositions qui concernent l’agriculture.

On peut par ailleurs regretter que l’agriculture biologique ne se soit pas développée autant que prévu, mais elle bute sur certains obstacles, en particulier l’absence de solutions non seulement préventives, mais aussi curatives pour la protection des plantes.

Enfin, la complexité des débats sur les organismes génétiquement modifiés a peut-être empêché de fixer un véritable cap en matière de sélection variétale ; à cet égard, l’article 117 de la loi constitue un cadre clair pour la réflexion parlementaire sur le progrès génétique des plantes.

M. Jean-Marie Sermier. Je m’associe aux félicitations adressées à l’ensemble des rapporteurs.

En matière d’urbanisme, certaines dispositions de la loi ont un effet boomerang. Ainsi, à l’article 28, la procédure AVAP qui remplace la procédure ZPPAUP prévoit notamment la consultation de l’architecte des Bâtiments de France. Le problème est qu’entre le vote de cet article et son décret d’application, publié le 11 décembre 2011, tous les projets ont été bloqués, à l’exemple de celui qui, dans ma circonscription, concernait un établissement thermal à Salins-les-Bains. Aujourd’hui, ce décret n° 2011-1903 est publié ; mais l’on attend encore les circulaires ministérielles qui permettront de faire aboutir les procédures !

D’autre part, la loi Grenelle II a conforté les plans locaux d’urbanisme intercommunaux. Les procédures sont néanmoins difficiles à mettre en œuvre au sein des territoires ruraux : dans le Jura, aucune collectivité intercommunale n’y a recouru à ce jour. Dispose-t-on d’évaluations quantitatives au niveau national ?

M. Philippe Plisson. Avec Jean-Paul Chanteguet et l’ensemble du groupe SRC, je veux à mon tour féliciter les rapporteurs pour leur excellent travail.

M. le président Poignant nous renvoie au domaine réglementaire ; mais l’on ne peut, sur un texte de cette importance, esquiver le débat de fond. Si la loi Grenelle I, que notre groupe avait voté, était porteuse de beaucoup d’espoirs, la loi Grenelle II, après la phrase du Président de la République au salon de l’agriculture – « l’environnement, ça commence à bien faire ! » – a marqué un coup d’arrêt en de nombreux domaines. Ainsi, le durcissement législatif a fait passer les capacités de production des nouvelles installations éoliennes de 1 2000 mégawatts en 2010 à 875 mégawatts en 2011. De même, les nouvelles modalités de calcul du tarif de rachat du photovoltaïque ont détruit environ 700 emplois en 2011. Quant aux zones de référence pour le calcul des quantités d’effluents, elles augmentent la quantité d’épandage, ce qui est une hérésie dans la mesure où les rejets azotés sont à l’origine de la pollution aux algues vertes.

Je n’insisterai pas sur les transports, au sujet desquels la Cour des comptes déclare, dans son référé du 18 janvier : « les objectifs fixés par le Grenelle ne seront pas atteints. ». De fait, on ne peut prétendre redresser le fret ferroviaire tout en autorisant la circulation des 44 tonnes. Notre frustration est donc à la hauteur des espoirs que nous avions formés.

M. le président Serge Grouard. Quel fut, au fond, l’objectif initial du Grenelle ? Nous sommes partis du constat qu’un certain modèle de développement engendrait des coûts financiers externes qui ne sont ni mesurables, ni supportables à long terme, qu’il s’agisse de la diminution de la biodiversité ou du dérèglement climatique, dont le lien avec les rejets de gaz à effet de serre est largement établi.

Dans ces conditions, l’idée est d’infléchir, voire de changer, nos modes de production et de consommation : c’est en cela que les lois Grenelle I et II ne sont pas des textes comme les autres.

La loi Grenelle II, je le rappelle, a été promulguée à l’été 2010. Si l’on peut entendre les critiques sur le rythme de mise en œuvre, en dix-huit mois, les avancées ont été remarquables : l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Pour ma part, je suis convaincu que le changement est en marche. Comment peut-on imaginer que l’on bouleverse en dix-huit mois un modèle vieux de deux cents ans ? Même les objectifs à dix ans sont extrêmement ambitieux. Nous ne pouvons donc, je pense, juger des échecs ou des réussites à une échelle de temps aussi courte, d’autant que nous connaissons les résistances, indépendamment même des clivages politiques, à la mise en œuvre du Grenelle, qu’elles émanent des collectivités territoriales, des entreprises ou du monde associatif.

Je ne partage donc pas votre point de vue, monsieur Plisson, sur des régressions ou des échecs quant à l’application de la loi.

M. Philippe Plisson. Je les ai pourtant constatés en participant à la mission d’information sur l’éolien !

M. le président Serge Grouard. L’essentiel, selon moi, est que le mouvement soit lancé et qu’il soit irréversible : de fait, il y aura un « avant » et un « après » Grenelle.

Nous devons éviter les deux écueils que sont « l’incitatif inutile » et le « contraignant bloquant ». Cela suppose une évolution des esprits qui ne s’impose ni ne se décrète. Comment rendre les changements efficaces et acceptables, les deux étant liés ? Nous entendons tous les jours des critiques sur la multiplication des normes et des contraintes. Ces critiques sont fondées, mais comment éviter les contraintes si, d’un autre côté, certaines incitations s’avèrent inefficaces ?

Le rapport, dont je remercie encore les auteurs, montre assez, il me semble, que nous sommes plutôt dans un processus à marche forcée, ce dont il faut d’ailleurs se réjouir, car il y va de notre environnement et de celui de la planète.

M. Philippe Boënnec. Le décret relatif au Conseil national de la mer et des littoraux ne me semble pas respecter l’esprit de la loi. Cette institution est, en effet, composée de 70 membres, dont 35 élus, et présidée par le Premier ministre. Aux termes du décret, son Bureau doit être présidé par un élu, à l’exclusion des parlementaires. Or, si j’ai bien compris le fonctionnement de notre démocratie, les parlementaires sont des élus.

M. Bertrand Pancher, rapporteur. Même si la question des clivages politiques en matière d’environnement peut être posée, je ne m’y arrêterai pas, car nous avons seulement à juger de l’application de la loi Grenelle II.

S’agissant des prétendus détricotages, on n’empêchera jamais ceux qui estiment qu’un texte va à l’encontre de leurs intérêts de tout faire pour le modifier, voire empêcher son application. En l’occurrence, cela n’a guère été le cas, si l’on excepte quelques exemples connus : la circulation des 44 tonnes – même si la disposition visée était plutôt un objectif – ou la responsabilité sociale et environnementale – seulement différée d’un an, ce qui est bien peu si l’on considère que notre pays est le seul au monde à obliger les entreprises à publier des indicateurs sociaux et environnementaux ; par ailleurs, nous pensons, c’est vrai, que la distinction entre entreprises cotées et non cotées n’est juridiquement pas valide.

De même, s’agissant du bilan des émissions de gaz à effet de serre, la loi n’établit pas de distinction entre effets directs et indirects. Néanmoins il faut rester pragmatique et c’est le rôle de notre commission de vérifier la bonne mise en œuvre de ces textes. En tout état de cause, les mesures d’application sont globalement fidèles au contenu des dispositions que nous avons votées.

Les études préalables, monsieur Paternotte, ne sont jamais suffisantes : d’où les problèmes que notre pays connaît, par comparaison avec ses voisins européens, dans la mise en œuvre des textes législatifs ou réglementaires. C’est encore vrai de celui dont nous parlons, même si ses dispositions ont été élaborées en concertation avec tous les spécialistes concernés.

La concertation du public constitue une approche novatrice, monsieur Demilly, mais elle reste insuffisante et devrait être plus longue : aux États-Unis, depuis 1940, les projets de loi ou de règlement sont mis à la disposition du public deux mois avant leur promulgation.

Les interventions de MM. Gonzales, Lebreton, Herth et Sermier étaient plutôt des témoignages, que nous avons écoutés avec beaucoup d’intérêt.

M. Philippe Tourtelier, rapporteur. Le diagnostic de performance énergétique est assurément un instrument de sensibilisation ; mais toute la question est de savoir ce que l’on en fait par la suite.

Sur la gouvernance, je suis un peu moins optimiste que Bertrand Pancher. Comme on l’a observé, une meilleure application de la loi de 2001 sur les nouvelles régulations économiques, assortie de sanctions, était peut-être préférable à une mesure dont les entreprises ne veulent pas : en l’absence de sanctions, cette dernière risque de demeurer un vœu pieux.

Quant à la table ronde et à l’évaluation, si les rapporteurs ne peuvent présenter des propositions dans ce domaine, a fortiori lorsqu’ils en sont d’accord, quel est leur intérêt ? Quand une mesure de la loi Grenelle II va à l’encontre de l’un des objectifs de la loi Grenelle I, notre responsabilité politique est de chercher une solution pour rectifier le tir.

Il est vrai, monsieur Chassaigne, qu’il y a des retards pour les captages en milieu rural ; ce n’est certainement pas en diminuant les subventions que l’on atteindra les objectifs fixés. Quant au volet éolien des plans climat-énergie territoriaux, il ne pose à mon avis plus problème dès lors qu’a été élaboré le schéma régional éolien. Enfin, certaines lois modifient des dispositions de lois précédentes : la proposition de loi Warsmann s’apprête ainsi à modifier les délais et à introduire la mesure relative à la circulation des 44 tonnes.

Monsieur Paternotte a raison de souligner l’insuffisance des études d’impact.

Nous avons relevé, monsieur Demilly, l’intérêt de la méthode de concertation utilisée pour les décrets.

L’absence de décret, monsieur Gonzales, ne signifie pas forcément l’absence de mesures réglementaires : il peut y avoir des arrêtés ou des règlements.

Vous avez raison, monsieur Lebreton, d’appeler l’attention sur l’importance des énergies alternatives en outre-mer, et à La Réunion en particulier.

Effectivement, monsieur Herth, si certaines lois en détricotent d’autres, comme la proposition de loi Warsmann, il en est aussi d’autres qui permettent de rendre certaines dispositions applicables.

Je n’ai pas bien compris, monsieur Sermier, le blocage que vous avez évoqué : un nouveau décret n’est jamais suspensif du précédent.

Enfin, sur tous ces sujets, le président de la commission du développement durable s’engage et nous permet ainsi de travailler dans de bonnes conditions. Cependant, monsieur Plisson a raison de souligner que la loi Grenelle I nous avait laissés pleins d’espoir : la position politique que nous avions prise alors en la votant n’était pas forcément évidente ; d’où notre déception devant la loi Grenelle II et certaines hésitations qui se sont fait jour. Il faudra du temps, monsieur le président, c’est vrai. Mais je reste convaincu que la volonté politique sera primordiale, que ce soit au niveau national ou local.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Je partage les inquiétudes de monsieur Chassaigne sur les zones rurales ; cependant, l’article 27 de la loi Grenelle I dispose : « Les agences de l’eau développeront un programme spécifique sur les aires d’alimentation de captage et adapteront leurs ressources ainsi que leurs concours financiers à cet effet. ». Notre rôle est aussi de rappeler les termes de la loi, et, en l’occurrence, de demander aux agences de l’eau de remplir leurs missions.

En ce qui concerne le développement de l’agriculture biologique, les obstacles auxquels vous avez fait allusion existent, monsieur Herth, mais les professionnels du secteur nous ont aussi parlé du manque d’engagement financier.

Quant à l’article 117 de la loi Grenelle II, consacré à la génétique des semences et des plants, je rappelle qu’un décret d’application est en souffrance. Le sujet divise, puisque le Gouvernement estime qu’un nouveau décret n’est pas nécessaire.

M. Franck Reynier, rapporteur. La loi Grenelle II poursuit, en ce qui concerne l’éolien, un double objectif : d’une part, limiter l’extension incontrôlée des installations ; de l’autre, offrir un cadre juridique stable et lisible. La question de la capacité des réseaux, soulevée par M. Chassaigne, doit être posée bien en amont des décisions car, une fois que celles-ci sont prises, il est difficile de demander au gestionnaire d’adapter le réseau.

Dans cette optique, le seuil des cinq mâts vise non seulement à éviter le mitage, mais aussi à optimiser les éventuels coûts de raccordement.

L’effet d’aubaine sur le photovoltaïque, que nous n’avions peut-être pas suffisamment anticipé, a fait apparaître sur le marché de nouveaux acteurs qui n’étaient guère spécialistes en la matière. On peut toutefois déplorer que notre pays n’ait pas vu se constituer une véritable filière. Dans les territoires d’outre-mer, monsieur Lebreton, des appels d’offres sont lancés pour les installations de plus de 500 kilowatts ; cependant, leur développement se heurte à la limite des 30 % d’énergie intermittente : si celui-ci est dépassé, il convient de proposer des solutions de stockage.

M. le président Serge Grouard. Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir participé à cette réunion de qualité, dont il ne serait pas inutile, sans doute, que l’on s’inspire hors de cette enceinte.

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Information relative à la commission

La Commission a nommé M. Bernard Gérard, rapporteur sur le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire (n° 4335).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 8 février 2012 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. François-Michel Gonnot, M. Jean-Pierre Grand, M. Gérard Hamel, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Marie Morisset, M. Michel Raison, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Lebreton, M. Arnaud Richard