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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mission d’évaluation et de contrôle

Allocation des moyens des universités

Mardi 3 juin 2008

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Georges Tron, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, Mme Charlotte Leca, inspecteur des finances, M. Pascal Aimé, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, et M. Bernard Dizambourg, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

M. Georges Tron, Président : Nous sommes heureux d’accueillir M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, Mme Charlotte Leca, inspecteur des finances, M. Pascal Aimé, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, et M. Bernard Dizambourg, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

Vous avez travaillé à un rapport conjoint à vos deux corps d’inspection, rendu public en octobre dernier, sous le titre « cahier des charges établi en vue de l’élargissement des compétences des universités prévu par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités ». Il fait suite à l’audit de quelques universités et s’adresse aux établissements comme aux deux ministères de tutelle.

Vous y indiquez que l’objet de ce cahier des charges est de « définir les critères qui permettent d’apprécier la capacité d’une université à assumer les nouvelles compétences prévues par la loi et en tirer le plus grand parti ». Votre démarche rejoint en partie la nôtre, qui consistera à formuler des propositions en vue d’établir un système équitable et efficace d’allocation des moyens des universités. Il s’agit notamment de rénover San Remo, le système analytique de répartition des moyens entre les établissements.

Les Rapporteurs de la MEC sont MM. Alain Claeys et Laurent Hénart ; MM. Benoist Apparu et Régis Juanico sont associés à nos travaux. Je salue la présence de M. Jean-Pierre Brard ainsi que de M. Serge Barichard, conseiller référendaire à la Cour des comptes, laquelle accompagne fidèlement nos travaux.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Quel constat dressez-vous ? Les universités sont aujourd’hui financées grâce à deux mécanismes assez simples, la dotation globale et le contrat. Quels en sont les défauts ?

Par ailleurs, toutes les universités ne sont pas également dotées. Quelles sont les causes de ces inégalités ? En quoi San Remo les a-t-il renforcées ?

M. Henri Guillaume : Notre rapport s’est construit en deux temps. Nous avons tout d’abord étudié les forces et les faiblesses de trois universités qui devenaient autonomes, pour en tirer une grille d’analyse et un cahier des charges de l’audit que nos collègues de l’IGAENR appliquent désormais à toutes les universités qui demandent le passage à l’autonomie.

Nous avons ensuite considéré dans un deuxième rapport - non public - que la loi sur l’autonomie, qui a profondément transformé les universités, devait aussi se traduire par un changement radical de la tutelle des universités par le ministère.

Par ailleurs, la contractualisation fut un très grand progrès, même si certaines critiques sont possibles.

Les anciens contrats sont trop compliqués et redondants. Juxtaposant différentes thématiques, qui vont des bibliothèques à la recherche, en passant par la formation, ils manquaient souvent d’une vision stratégique. Les projets, analysés a priori, n’étaient jamais évalués a posteriori en termes de performances. Enfin, les indicateurs et les objectifs étaient beaucoup trop nombreux.

Nous proposons de maintenir une procédure contractuelle, en la simplifiant et en lui conférant un véritable caractère stratégique, avec un nombre limité d’indicateurs.

M. Bernard Dizambourg : S’agissant de la répartition des moyens, il est regrettable que la situation des établissements n’ait jamais été remise à plat en tenant compte à la fois des emplois, de la dotation globale de fonctionnement - DGF - et des aspects contractuels.

Nombre des inégalités de répartition proviennent du fait que le système d’allocation de moyens, pour sa partie DGF, ne tient pas compte de la contrainte budgétaire de l’Etat, introduite en bout de processus, et non dès le démarrage. La différence entre les dotations théoriques et les dotations réelles est souvent très importante et les effets de cliquet empêchent que les établissements les mieux dotés reviennent sur leur dotation.

Il s’avère de surcroît que les établissements les mieux dotés en emplois sont souvent les mieux dotés en DGF, ou par rapport à la dotation contractuelle. Les différents éléments ne se rééquilibrent pas entre eux.

Enfin, le système n’est pas transparent. Les établissements ne peuvent pas comparer leurs financements, car les données ne sont pas disponibles. Le ministère lui-même n’a sans doute pas toujours une analyse complètement globalisée des moyens.

M. Alain Claeys, Rapporteur : La direction générale de l’enseignement supérieur a-t-elle des difficultés à obtenir ces données ?

M. Henri Guillaume : Oui. Ainsi, nous n’avons pas la masse salariale par université.

M. Bernard Dizambourg : La transparence n’est pas au cœur du dispositif de l’allocation de ressources. Le modèle San Remo, assez simple à l’origine, puisqu’il posait le principe d’un financement à l’étudiant pour la partie DGF, s’est complexifié au fur et à mesure que l’on y ajoutait des indicateurs pour tenir compte de situations particulières, au point d’en devenir illisible. Il est aujourd’hui impossible de déterminer l’influence des variables prises séparément, d’autant plus que la contrainte budgétaire est réintroduite en bout de course.

Un modèle de répartition à l’activité doit rester simple, avec un nombre restreint de critères, d’autant plus que la prise en compte des spécificités relève plutôt de la partie contractuelle.

Aujourd’hui, les postes sont analysés sans tenir compte du fait que le temps, en particulier des enseignants, mais aussi parfois du personnel administratif et technique, renvoie à deux activités différentes mais complémentaires : la formation et la recherche. L’on ne peut utiliser les mêmes critères pour l’une est l’autre, qui doivent être analysés séparément, même si la dotation globale de l’établissement doit être reconstituée au final.

Mme Charlotte Leca : Le modèle San Remo est de toutes manières dépassé depuis la réforme LMD – Licence Maîtrise Doctorat.

S’agissant des inégalités de dotation entre les universités, notre rapport met en évidence des écarts importants entre disciplines - certaines disciplines coûtent en effet plus cher que d’autres, comme les sciences - mais également au sein de groupes d’universités qui présentent les mêmes caractéristiques disciplinaires. Ainsi, en sciences, le montant moyen par étudiant varie de 2 614 à 5 814 euros.

M. Henri Guillaume : Sans que cet écart puisse se justifier par de meilleures performances.

M. Bernard Dizambourg : Même pour les dotations contractuelles, la qualité des projets ou les performances n’expliquent pas toujours les différences. Certaines périodes furent ainsi plus favorables à la contractualisation.

M. Alain Claeys, Rapporteur: Il arrive également que l’on signe un nouveau contrat sans avoir évalué le précédent.

M. Henri Guillaume : Il n’existe malheureusement pas de dialogue annuel sur la gestion du contrat. S’il faut accorder plus de souplesse aux universités, il convient d’instaurer un dialogue régulier sur le plan stratégique.

M. Alain Claeys, Rapporteur: Comment la répartition devrait-elle s’organiser entre la partie normée liée à l’activité et la partie variable liée à la performance ?

M. Henri Guillaume : Si la loi distingue la nature des crédits - masse salariale, fonctionnement, investissement -, les moyens ne doivent pas être alloués en fonction de la nature des crédits, mais de leur destination - formation et recherche, conventionnellement 50 % chacun -.

Les critères ne doivent pas être les mêmes pour la formation et la recherche. Il convient de privilégier un critère simple à l’activité pour la formation – à terme, le passage de l’examen, et non plus l’inscription –. Cette dotation globale par étudiant doit respecter la contrainte budgétaire, dès le départ, sans distinguer entre la licence et le master – le doctorat pourrait être financé dans le cadre de la recherche –. C’est en général le système retenu en Europe.

La part de la performance dans ce domaine devrait représenter 5 à 10 % de l’ensemble de l’enveloppe allouée à la formation - elle est d’environ 3 % aujourd’hui, masse salariale comprise -.

M. Bernard Dizambourg : Le « prix de financement » de l’étudiant est plus élevé si l’on se réfère aux étudiants inscrits aux examens, plutôt qu’aux étudiants présents, mais nous ne sommes pas encore capables de le faire pour la rentrée prochaine.

M. Henri Guillaume : S’agissant de la performance, les indicateurs doivent être simples - qualité des études ou insertion professionnelle, par exemple -. Il ne s’agit pas de comparer les universités entre elles, mais d’étudier, pour tenir compte des différences d’environnement et de contexte, la progression de l’université par rapport à ces critères, sur la période de référence.

M. Bernard Dizambourg : Les universités se plaignent souvent des différences de contexte, qu’il faut trouver moyen d’effacer. La plupart des pays européens ont retenu cette solution.

Concernant la recherche, la part performance est sans doute la plus importante. Nous proposons un financement par chercheur actif environné, afin que la dotation couvre également les personnes qui l’entourent, le budget de fonctionnement, d’équipement, etc. sur la base d’une typologie simple qui tienne compte des différences entre les secteurs scientifiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – l’AERES – permet-elle d’avoir ces indicateurs ?

M. Bernard Dizambourg : Oui. Nous devons travailler sur la définition d’un chercheur actif – un chercheur publiant, par exemple –, tout en prenant en compte la performance des laboratoires.

M. Henri Guillaume : Le service de recherche universitaire pratique aujourd’hui cette notation, en modulant les dotations en fonction de la notation du laboratoire.

Les chercheurs actifs non publiants posent problème. Une variable d’ajustement nous permet d’en accepter un certain nombre, mais le ministère pourrait publier la part des chercheurs actifs non publiant acceptés.

Par ailleurs, le financement sur projet doit prendre une part beaucoup plus importante du financement de la recherche. La masse salariale ne se répercutera pas entièrement dans le calcul de la dotation, que l’on peut moduler en fonction des ressources que les laboratoires auront cherchées à l’extérieur, en particulier auprès de l’Agence nationale de la recherche.

Mme Charlotte Leca : Le service de la recherche universitaire du ministère module déjà, en fonction de leurs performances, les dotations aux laboratoires dans des proportions de 1 à 1,6 en servant tous les laboratoires côtés de C à A+ - la notation s’étend de D à A+ -. Le Royaume-Uni, dont le système de notation est compris entre 1 à 5, ne dote que les laboratoires des catégories 4 et 5, avec une modulation de 1 à 4. Nous avons des marges de manœuvre pour moduler davantage.

M. Bernard Dizambourg : Il ne s’agit pas de réformer radicalement le modèle d’allocation des ressources, mais de réintégrer la masse salariale dans le calcul de la dotation.

M. Pascal Aimé : Certains chercheurs jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des laboratoires, c’est notamment le cas de leurs directeurs. Ce type de fonctions peut se traduire par une baisse de l’activité de publication. La prise en compte du nombre de chercheurs actifs ou publiants pour calculer la dotation des unités de recherche doit donc être pondérée pour tenir compte de l’investissement de certains personnels dans des tâches d’intérêt général au détriment de leur propre activité de publication.

Le module de répartition que nous proposons ne distingue plus que les deux grandes activités des universités : formation et la recherche pour lesquelles seraient calculés des coûts globaux environnés (intégrant aussi bien la masse salariale, la maintenance des bâtiments et financement de la documentation scientifique). Cette évolution permettrait de mettre fin à la multitude de lignes de financement spécifiques dans le contrat quadriennal.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Comment envisagez-vous la prise en compte, si nécessaire, des disciplines ? Selon les présidents d’université, les critères d’allocation de moyens pour la formation et la recherche devraient être différents selon les disciplines, qu’ils regroupent dans quatre grandes familles.

Pourquoi ne distinguez-vous pas, par ailleurs, dans la partie formation, entre la licence et le master ?

M. Bernard Dizambourg : La partie licence renvoie à des missions de service public et de proximité, ce qui n’est pas forcément le cas pour la partie master, où l’attractivité joue un rôle important.

Mme Charlotte Leca : Ne retombons pas dans les travers de San Remo, en complexifiant excessivement les critères. Nous proposons, pour la part DGF, de ne pas distinguer entre licence et master. En revanche, la part à la performance étant basée sur des résultats d’indicateurs de performance étudiés a posteriori, l’on peut considérer que la qualité de la formation ou l’insertion professionnelle pèse plus pour la licence que pour le master, davantage concerné par le critère d’attractivité. Mais c’est une part mineure du financement.

M. Henri Guillaume : Plutôt que cinq grands groupes de disciplines, comme il était prévu à l’origine, nous pensons nous limiter à quatre.

M. Bernard Dizambourg : Plutôt trois que cinq même : scientifiques et technologiques, lettres et sciences humaines, juridico-économiques.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Dans cette période de transition, certaines universités vont pouvoir demander la compétence de la masse salariale. Appliquez-vous les mêmes critères entre activité et performance ?

M. Henri Guillaume : Le système que nous proposons peut s’appliquer aussi bien aux universités qui passent à l’autonomie qu’à celles qui restent dans l’ancien système.

M. Pascal Aimé : La résorption des différences de dotation entre établissements reste la question essentielle.

M. Alain Claeys, Rapporteur : En ce qui concerne la recherche, vous souhaitez privilégier la performance. Les moyens consacrés à l’Agence nationale de recherche - ANR - et les crédits récurrents font débat. Qu’en pensez-vous ?

M. Henri Guillaume : Une étude de comparaison internationale que nous avons menée a montré que la part du financement par projet en France était la plus faible de tous les pays comparables. Il faut l’augmenter.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Encore ?

M. Henri Guillaume : Le financement de l’enseignement supérieur pose problème en France. Dans les autres pays de l’OCDE, la part du financement privé est bien plus importante.

La rigidité du nombre de chercheurs par discipline est également une difficulté.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Vous voulez intégrer le critère de performance : soit vous privilégiez exclusivement les critères sur projet, soit vous avez d’autres moyens d’évaluation.

M. Henri Guillaume : Il faut aller plus loin pour le financement sur projet. Il ne s’agit pas de raisonner uniquement sur le fonctionnement récurrent, mais que l’ANR puisse contribuer au financement de la masse salariale de laboratoire.

M. Alain Claeys, Rapporteur: C’est un débat avec le ministère des finances.

M. Pascal Aimé : Les directeurs d’unités mixtes de recherche - UMR - de l’université Paris Sud-XI à Orsay nous ont expliqué qu’aujourd’hui, hors masse salariale, la dotation de base du ministère représentait 10 à 15 % de leur budget en dehors de leur dotation quadriennale. C’est encore une fois la réintégration de la masse salariale dans le modèle de répartition qui déplace les équilibres. D’ores et déjà ces UMR sont habitués à rechercher des moyens, le plus souvent publics, en dehors de la dotation globale de fonctionnement.

M. Henri Guillaume : La pluralité des sources de financement pose tout de même problème, y compris pour le récurrent. Personne n’a une vision globale du financement d’un laboratoire.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Considérez-vous aujourd’hui que l’État a les moyens de piloter cette réforme ?

Mme Charlotte Leca : Nous avons étudié cet aspect dans le rapport. Les universités doivent changer, mais le ministère également, en particulier la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES), avec un retrait de ses missions de gestion directe, comme la répartition très fine des emplois qui lui prend beaucoup de temps et de moyens. Si on transfère les emplois et la masse salariale aux universités, ce n’est pas pour revenir à un fléchage très fin des emplois par corps et par université.

Elle devra également se désengager progressivement de missions dans le domaine immobilier quand les universités réclameront les transferts de propriété.

En revanche, elle doit renforcer sa fonction de pilotage. Nous proposons de revenir à l’intention initiale des contrats, avec des interlocuteurs uniques pour les universités, là où aujourd’hui au moins trois personnes interviennent – le chargé d’établissement qui suit le contrat, les conseillers d’établissement, les conseillers de formation. Le dispositif doit être rationalisé et les échanges entre les universités et le ministère de tutelle plus réguliers. Le dialogue de gestion doit au moins être annuel, et non pas tous les quatre ans.

M. Bernard Dizambourg : S’agissant des inégalités d’allocations des moyens, il n’est pas possible aujourd’hui de déterminer quelles dotations relèvent de la fonction « recherche », ou de la fonction « formation », alors même que certains établissements justifient leur sur-dotation relative par la recherche. Il est impératif de clarifier et de considérer les deux fonctions, pour en avoir une vision complémentaire, avant de se poser la question du rééquilibrage, sachant que celui-ci, difficile à opérer instantanément, devra s’inscrire dans la durée.

Sur la partie recherche, notre système à l’activité modulé en fonction de la performance est compatible avec une montée plus ou moins forte des crédits sur programme. C’est une variable d’action que le ministère aura entre les mains.

M. Henri Guillaume : Mettre en place un système transparent est fondamental.

M. Pascal Aimé : Et urgent puisque les premiers établissements vont basculer dans l’autonomie le 1er janvier 2009. La DGES devra fixer des plafonds d’emplois et de masse salariale à cette date.

M. Bernard Dizambourg : Des rééquilibrages seront nécessaires au démarrage, mais de toute façon, on ne peut pas tout bouleverser en même temps. Il faudra jouer sur la durée, et restaurer la confiance.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Faut-il traiter les IUT et les écoles d’ingénieurs de la même façon ?

M. Pascal Aimé : Il n’y a plus vraiment de raison de les traiter différemment. Il faut donc les intégrer.

M. Henri Guillaume : Il faut globaliser l’ensemble des crédits pour les universités, même si l’on ne peut pas tout bouleverser en même temps.

M. Jean-Pierre Brard : Vous dites qu’il faut les traiter de la même façon, et donc les intégrer. Ce « donc » coule de source ?

Mme Charlotte Leca : La loi sur l’autonomie vise à responsabiliser les universités. Des modes de calcul peuvent différencier plusieurs blocs, mais au final il ne doit plus y avoir qu’une dotation globale dont l’université a la liberté de disposer.

M. Pascal Aimé : Si l’on maintient les spécificités par type de composante au sein des universités, nous n’aiderons pas les équipes de direction de ces établissements à progresser dans la gestion de l’ensemble. En effet, nous observons assez souvent que, dans les établissements d’enseignement supérieur, des facultés des sciences, de médecine, de droit, ont un poids historique et scientifique très fort et privilégient encore les intérêts de leur composante à la mise en œuvre d’une politique d’établissement.

M. Bernard Dizambourg : La fragmentation budgétaire est l’une des principales difficultés des établissements, qui ne peuvent ainsi mobiliser l’ensemble de leurs moyens pour accompagner des projets. Nous nous sommes rendus la semaine dernière dans une université à qui il manquait un million d’euros pour concrétiser un projet, alors que son budget, avant transfert de la masse salariale, était de 150 millions. Une université, pour se développer, doit être capable de mobiliser et de créer de la confiance au sein des équipes.

M. Georges Tron, Président : La mission préconise un mode de calcul des dotations fondé, non sur la nature des crédits, mais des activités - la formation et la recherche -. Dans ce cadre, concernant les crédits immobiliers, comment peut-on traiter les situations inégales et les besoins différents des universités ?

M. Pascal Aimé : La dévolution du patrimoine devra être précédée d’un dialogue entre les universités et la tutelle sur les conditions de la remise à niveau du patrimoine existant.

Les universités propriétaires de leur patrimoine devront rationaliser son utilisation. Peut-être cesseront-elles de se demander comment avoir plus de surface, pour réfléchir à la manière de continuer avec moins.

Pour le reste, l’on peut admettre que le financement de la part du patrimoine dans le coût environné pour une discipline scientifique soit plus élevé que pour les sciences humaines et sociales.

Mme Charlotte Leca : La dotation « critérisée » par étudiant ou par chercheur devra intégrer la charge du renouvellement des biens pour les universités qui se porteront candidates au transfert du patrimoine immobilier. À défaut, l’effet de responsabilisation recherché ne sera pas atteint, et les universités ne développeront pas de véritable stratégie immobilière et ne mettront pas en place de schémas directeurs. Entre 1987 et 2006, les surfaces ont augmenté de 16 % alors que le nombre d’étudiants stagnait. Le modèle San Remo est inflationniste.

M. Pascal Aimé : Là est tout l’intérêt d’une approche formation/recherche, mais on peut admettre qu’il soit encore nécessaire d’augmenter certaines surfaces dans l’optique du développement des activités de recherche.

Bien sûr, les universités propriétaires financeront leur amortissement mais l’État, au travers du système des dotations aux universités, devra augmenter la part précédemment consacrée au financement de la maintenance, laquelle demain ne financera plus directement la maintenance, mais l’amortissement. Si l’on se contente de valoriser le patrimoine des universités et de leur demander de financer l’amortissement à moyens constants, elles ne s’en sortiront pas.

M. Georges Tron, Président : Je retiens que le mode de financement, dépendant du nombre de mètres carrés, est donc inflationniste…

M. Pascal Aimé : Une inflation qui reste théorique ! Du fait des contraintes budgétaires, les universités se retrouvent très souvent sous-dotées par rapport à la dotation théorique déterminée par le modèle San Remo.

Mme Charlotte Leca : A nombre d’étudiants égal, pour des surfaces différentes, les dotations théoriques étaient différentes.

M. Georges Tron, Président : La MEC remettra demain un rapport sur cette question de l’immobilier de l’État, dans lequel la problématique liée aux opérateurs sera évoquée.

M. Bernard Dizambourg : À chaque fois que nous réalisons un audit, nous faisons un point sur l’immobilier de l’établissement, son équilibre économique, son degré d’utilisation, etc.

M. Pascal Aimé : Autant les équipes de direction souhaitent passer rapidement à des compétences élargies, budget global/masse salariale, autant elles sont plus prudentes pour la partie dévolution du patrimoine, sans doute parce que la DGES n’a pas encore fixé les règles du jeu.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Les contrats de plan privilégient l’équipement neuf et ont laissé en suspend beaucoup d’opérations de maintenance.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Imaginez que vous soyez chargés d’une mission de conseil, à partir de 2009, sur la mise en œuvre d’un nouveau système : comment envisageriez-vous la première étape ?

M. Bernard Dizambourg : Il faudrait réaliser des simulations, dans la plus totale transparence.

M. Pascal Aimé : Il faudra absolument éviter, dans sept mois, de cristalliser les déséquilibres qui préexistaient en matière de dotation en emplois.

Mme Charlotte Leca : C’est vraiment une occasion rêvée de remettre tout à plat et de corriger les inégalités, dans la transparence. Soit l’on harmonise par le haut mais encore faut-il en avoir les moyens, soit l’on résorbe les inégalités, ce qui ne pourra s’opérer que lentement, car une bonne partie de ces crédits finance la masse salariale.

M. Pascal Aimé : Nous préconisons, notamment pour la partie formation, un modèle de répartition fortement lié à la notion d’effectif étudiant. Ce modèle devra intégrer des éléments de sécurité, car il est toujours possible que les effectifs d’un établissement baissent, ce qui pourrait lui poser des problèmes de financement.

M. Alain Claeys, Rapporteur : Introduisez-vous le critère social ?

M. Pascal Aimé : Cette donnée pourrait être prise en compte dans la part performance, mais en se fondant sur des critères qui mesurent la progression de l’établissement, sans comparer les établissements les uns aux autres.

Mme Charlotte Leca : Dès lors que la dotation globale inclut la masse salariale, on ne pourra plus s’engager sur des sommes fixes pour une durée de quatre ans.

Il faut s’engager au minimum sur des modalités de calcul et sur les facteurs qui peuvent justifier d’y revenir, comme le nombre d’étudiants.

M. Jean-Pierre Brard : L’on nous a expliqué, la semaine dernière, au cours du débat constitutionnel, que sur le retour à l’équilibre des comptes publics, il y aurait un engagement pluriannuel de l’État. Je suis assez perplexe.

Mme Charlotte Leca : La pluriannualité permet de s’engager dans de plus grandes proportions qu’auparavant, mais pour les programmes LOLF concernés, le niveau de rigidité ne permet pas de s’engager sur quatre ans.

M. Bernard Dizambourg : Il y a un contrat de quatre ans vis-à-vis des établissements. Ce contrat doit tracer la ligne de ce que sera la répartition des moyens, mettre en place des systèmes d’amortisseurs, par exemple en cas de baisse d’effectifs.

Nous avons défini des principes, mais il reste un travail important de tests et de simulations à réaliser dans la transparence.

M. Pascal Aimé : Nous avons beaucoup parlé du travail de la DGES pour construire un nouveau modèle de répartition des moyens. Au-delà de la construction du modèle, son rôle d’animateur d’un dialogue de gestion avec les établissements reste à renforcer. Une fois que seront déterminés des éléments de calcul des dotations, la DGES gardera un certain nombre d’instruments comme la fixation du plafond de masse salariale ou du plafond d’emploi, qui peuvent également permettre le rééquilibrage entre les établissements.

M. Laurent Hénart, Rapporteur : Ne faudrait-il pas progresser dans l’analyse et la connaissance des coûts constatés ? Les universités, en général, ne sont pas en état de connaître leurs coûts et de les présenter.

M. Bernard Dizambourg : Nous avons écrit l’an dernier un rapport sur la mise en place de la LOLF dans un certain nombre d’établissements que nous avons repris au niveau des audits. Les établissements doivent progresser sur la qualité de leur processus budgétaire et dans les outils de suivi d’analyse de coût et d’activité.

Il existe aujourd’hui dans les universités un budget de gestion, un budget par activité, les activités étant les programmes LOLF qui ne donnent pas lieu, en général, à analyse. On établit un budget en début d’année, qui n’est jamais analysé sous cette forme. D’ailleurs, le moment de l’examen du compte financier est essentiellement technique et ne donne lieu à aucun retour sur les éléments économiques et les éléments d’activité.

Les établissements mettent en place des comptabilités analytiques pour pouvoir apprécier, par exemple, le coût d’un contrat. Si elles travaillent sur des micro-objets, il est aussi important d’établir une macro-analyse en matière de fonction – que coûte la formation ? La recherche ? Il ne faut pas tomber dans la définition d’objets trop fins, car on a besoin de données d’activités suffisamment agglomérées pour permettre le pilotage de l’établissement, et accessoirement fiabiliser la remontée d’informations dans les programmes LOLF.

M. Pascal Aimé : La première urgence est de mener ce travail au niveau de l’État et de la tutelle, pour définir les coûts environnés des grandes familles de formation et de recherche.

Ensuite, chaque établissement doit créer son propre dispositif de répartition de ses moyens en interne.

M. Georges Tron, Président : Merci à tous.

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