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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Soutenabilité de l’évolution de la masse salariale de la fonction publique

Mardi 10 mai 2011

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de M. David Habib, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Verdier, directeur général de l’Administration et de la fonction publique (DGAFP), sur la soutenabilité de l’évolution de la masse salariale de la fonction publique

M. David Habib, Président. Dans le cadre de nos travaux sur la soutenabilité de l’évolution de la masse salariale de la fonction publique, nous avons le plaisir d’accueillir M. Jean-François Verdier, directeur général de l’Administration et de la fonction publique (DGAFP), accompagné de Mme Marie-Anne Levêque, chef de service.

Monsieur le directeur général, comme vous le savez, le point de départ de nos travaux est le rapport que la Cour des comptes a établi l’an dernier à la demande de la Commission des finances sur « les conditions d’une stabilisation en valeur de la masse salariale de l’État ». L’enjeu a paru suffisamment important pour que la Mission d’évaluation et de contrôle poursuive la réflexion avant l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

Je vous propose de commencer par un bref propos introductif, puis les rapporteurs vous interrogeront.

M. Jean-François Verdier, directeur général de l’Administration et de la fonction publique (DGAFP). Préférant me réserver pour les réponses à vos questions, je me contenterai de rappeler que c’est conjointement avec le directeur du Budget et le directeur général de la Modernisation de l’État que nous menons notre travail sur ce sujet. Nous nous une rencontrons une fois par semaine depuis le lancement de la RGPP ; nous formons l’équipe d’appui, que d’aucuns baptisent la troïka, pour le suivi de la mise en œuvre de la RGPP – et, en ce qui me concerne, de son volet « ressources humaines », notamment de son impact sur la masse salariale, en liaison directe avec mon collègue du Budget.

M. Marc Francina, Rapporteur. Ma première série de questions concerne la gestion des effectifs.

Comment les plafonds d’emplois ministériels sont-ils définis ? Quel bilan peut-on dresser de la gestion prévisionnelle des effectifs et des emplois dans la fonction publique ?

Quels ont été les effets, en termes de réduction d’effectifs et d’évolution de la masse salariale, par ministère, du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ?

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées par les différents ministères dans la mise en œuvre de ce principe ?

Que pouvez-vous nous dire de l’indication apportée par le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, selon laquelle « 18 000 professeurs du primaire sont sans relation d’enseignement avec des enfants » ?

M. Jean-François Verdier. Sur les premières questions, je vous renvoie aux réponses que vous fera tout à l’heure mon collègue directeur du Budget.

Concernant les professeurs du primaire sans relation d’enseignement avec les enfants, le secrétaire d’État chargé de la fonction publique n’a jamais laissé entendre, contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là, que 18 000 professeurs étaient payés à ne rien faire. Nous n’avons pas accès aux bases de données du ministère de l’Éducation nationale, mais les documents budgétaires nous apprennent que 17 % des enseignants du premier degré ne sont pas en responsabilité d’une classe. Si l’on applique ce pourcentage aux effectifs mentionnés dans ces mêmes documents, on arrive à 39 000 ETPT. Mais ce chiffre comprend les directeurs d’école – qui pour la plupart, ne sont pas en responsabilité de classe –, les titulaires remplaçants, ainsi que les professeurs affectés dans les réseaux d’aide aux élèves en difficulté. En soustrayant ces différents agents, on arrive à un chiffre bien moindre, pouvant inclure notamment des agents déchargés de service pour raisons syndicales. La vraie question est de savoir si le fait que ces enseignants ne soient pas en responsabilité d’une classe contribue ou non à faire mieux fonctionner le système éducatif. Il revient au ministère de l’Éducation nationale de la trancher. Pour notre part, nous ne gérons pas les agents directement ; la DGAFP, « DRH groupe » de l’État, suit de très près l’évolution des effectifs avec la direction du Budget, ce qui lui permet de jouer son rôle lors des négociations salariales, quand il faut évaluer le coût des propositions, mais elle n’a pas à intervenir dans la politique de chacun des ministères.

M. Marc Francina, Rapporteur. Disposez-vous de la totalité des informations concernant le ministère de l’Éducation nationale ?

M. Jean-François Verdier. Oui, au travers des documents budgétaires et, par ailleurs, de la montée en puissance de l’Opérateur national de paye (ONP), occasion de lancer la construction d’un système d’informations de ressources humaines (SIRH) interministériel – dont mes prédécesseurs avaient rêvé et que je verrai peut-être aboutir.

M. Marc Francina, Rapporteur. Au moins en province, les directeurs d’école partagent leur temps avec une fonction d’enseignement. Est-il possible d’avoir des chiffres concernant les agents à temps plein ?

M. Jean-François Verdier. Le ministère de l’Éducation nationale en dispose probablement mais pour nous, ce n’est pas une information utile.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Plutôt que sur les effectifs, une réflexion est-elle engagée sur les missions de service public qui doivent incomber aux différents acteurs publics – État, collectivités territoriales, monde hospitalier ? Si oui, pouvez-vous nous indiquer son état d’avancement ? Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous nous dire pourquoi ?

M. Jean-François Verdier. C’est évidemment le cœur du sujet de la RGPP. Un premier travail avait été effectué avant son lancement, avec les audits de modernisation lancés en 2006 et ceux qui ont suivi. Cette question des missions est d’autant plus importante que, notamment dans certaines préfectures ou sous-préfectures, on est arrivé, en termes de réduction d’effectifs, à la limite au-delà de laquelle certaines missions ne peuvent plus être remplies. De même, certains dénoncent que la réforme territoriale de l’État aboutisse à paupériser l’échelon départemental au bénéfice de l’échelon régional.

Au moins deux missions de réflexion ont été lancées sur ce thème, l’une sous l’égide de la direction générale de la Modernisation de l’État et du Premier ministre, l’autre à l’initiative du ministère de l’Intérieur, conduite par un préfet et consistant à sonder les autorités locales. Nous attendons les résultats, qui devraient aboutir à des décisions d’ici l’été quant aux missions qui, eu égard aux moyens disponibles, et à l’objectif de supprimer 100 000 emplois d’ici 2012, sont susceptibles d’être supprimées ou de faire l’objet d’une réduction de leur voilure.

M. Marc Francina, Rapporteur. Va-t-on encore transférer des charges aux collectivités territoriales ? Est-il prévu une pause dans la mise en œuvre du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, comme l’a indiqué le secrétaire d’État chargé de la fonction publique ?

M. Jean-François Verdier. En ce qui concerne un éventuel transfert de compétences, je n’ai aucun moyen de vous répondre. Je souligne cependant que lorsque des compétences ont été transférées, cela n’a pas été systématiquement en direction des collectivités territoriales : cela s’est fait également vers des opérateurs. En termes d’emplois publics, force est de constater que les transferts de missions n’ont pas entraîné de diminution. Si donc l’objectif général est de diminuer l’emploi public, je ne suis pas certain que le transfert vers les collectivités territoriales soit une solution.

Enfin, M. Georges Tron n’a pas dit qu’il fallait mettre fin l’année prochaine à la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, mais que, cette règle étant posée pour le budget triennal, il fallait s’interroger sur la continuation de cette politique après 2013, notamment au regard de la diminution mécanique du nombre annuel de départs à la retraite. Actuellement en effet, avec un nombre de départs avoisinant 70 000, le non-remplacement d’un départ sur deux fait recruter 35 000 personnes par an ; mais du fait de la courbe démographique, le nombre de départs devrait, toutes choses égales par ailleurs, descendre en dessous de 50 000 à partir de 2014 ou 2015, et tendre progressivement vers 35 000, soit le chiffre actuel de remplacement. Il est logique, dans ce contexte, de se demander si la règle actuelle doit évoluer ; la délimitation des missions de l’État doit permettre de déterminer s’il est ou non possible d’aller plus loin dans les gains de productivité.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. L’un des problèmes non résolus depuis des années est celui de la maîtrise par l’État de l’évolution des effectifs, autrement dit de la gestion prévisionnelle des emplois. À l’initiative de Michel Sapin, un observatoire de l’emploi public avait été mis en place ; mais il a maintenant disparu du paysage. Quel est aujourd’hui l’état des lieux en matière de gestion prévisionnelle des effectifs de la fonction publique d’État ?

M. Jean-François Verdier. La situation a considérablement évolué depuis dix ans. Cet observatoire a en effet été mis en sommeil il y a peu de temps, mais il est réactivé par la mise en place du Conseil commun de la fonction publique, prévu par la loi du 5 juillet 2010 et qui sera installé en fin d’année, après les élections professionnelles d’octobre 2011. Ce conseil commun comprendra en son sein un observatoire qui s’occupera de gestion prévisionnelle des emplois, mais aussi d’action sociale.

Il y a longtemps que l’on parle de gestion prévisionnelle des emplois dans la fonction publique, mais il est exact qu’elle a été peu pratiquée. Depuis six ans, la DGAFP conduit des conférences de gestion prévisionnelle des ressources humaines avec chacun des ministères : sur une période de deux mois, entre février et avril, je reçois les représentants des quinze principaux ministères, au sens des missions LOLF, et nous balayons avec eux l’ensemble de leur politique RH – recrutements, promotions… – pour l’année à venir et les perspectives pour les deux ou trois années suivantes. Cela nous permet d’avoir un panorama exhaustif en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En deuxième lieu, je réunis environ une fois toutes les six ou huit semaines les DRH de tous les ministères, également pour faire le point sur leur politique RH ; nous parlons ensemble notamment à l’approche des négociations salariales. Et en troisième lieu, nous avons « passé la surmultipliée » avec la réforme territoriale de l’État, notamment en installant dans chaque région une plateforme régionale, dotée d’une équipe de cinq agents intégrée dans le secrétariat général pour les affaires régionales, chargée d’élaborer un plan de gestion prévisionnelle des ressources humaines au niveau régional – et interministériel – et de mettre en place la politique de formation. Enfin, les bourses d’emplois permettent d’avoir une vision prospective des vacances de postes et de la situation dans tel ou tel secteur.

S’agissant du retour d’expérience, plusieurs outils ont été mis en place. Créé à l’initiative de M. André Santini, le Comité DRH public-privé réunit des DRH du secteur public et du secteur privé dans le but de diffuser les bonnes pratiques – et cela dans les deux sens, chacun pouvant apprendre de l’autre. Grâce à ces échanges, de nouvelles façons de travailler se développent. Par ailleurs, la DGAFP diffuse des études et rapports ; son conseil scientifique est composé quasi-exclusivement de personnes extérieures à l’administration de gestion – professeurs d’université, correspondants étrangers, étudiants en cycle long. Ces outils seront complétés par le Conseil commun de la fonction publique en fin d’année, mais également dans le cadre de la mise en place de l’Opérateur national de paye (ONP). Celle-ci impose une connaissance très fine, à l’agent près, des effectifs de la fonction publique, et va donc s’accompagner de la mise en place du système interministériel (SIRH), comportant non seulement un volet de gestion de la paie, mais aussi un volet décisionnel : le ministre chargé de la fonction publique et le DGAFP pourront piloter l’évolution des effectifs, à partir d’indications précises traduisant les politiques menées par les ministères – par exemple celle du ministère de l’Intérieur, exprimée à travers l’évolution des effectifs relatifs de la police et des préfectures.

La gestion prévisionnelle des effectifs fait donc de grands progrès. Désormais, et c’est aussi l’intérêt du budget triennal, on peut piloter les grandes évolutions à horizon de trois ans. Mais il reste que nous avons eu d’extrêmes difficultés à recenser le nombre de contractuels et, surtout, qu’il nous a été impossible de faire un partage précis entre les contrats à durée déterminée – CDD – et à durée indéterminée – CDI – notamment parce que les informations individuelles transmises par les ministères ne sont parfois plus d’actualité au moment où elles nous sont communiquées. Aujourd’hui nous savons dire qu’il y a environ 875 000 non-titulaires dans les trois fonctions publiques ; demain, avec le SIRH, nous devrions pouvoir être beaucoup plus précis.

M. Marc Francina, Rapporteur. L’appel à des opérateurs extérieurs dont vous avez parlé n’entraîne-t-il pas de nouveaux coûts pour l’État ?

M. Jean-François Verdier. Depuis 2009, les opérateurs sont réunis chaque année au ministère du Budget. La réunion a eu lieu il y a quelques jours autour de M. François Baroin. M. Éric Woerth avait décidé d’appliquer aux opérateurs de l’État la même politique – non-remplacement d’un départ sur deux, maîtrise des budgets de fonctionnement. La question est prise à bras-le-corps par l’ensemble des opérateurs ; comme nous pour les services de l’État, ils cherchent à rendre le meilleur service au public et à faire en sorte que celui-ci ne soit pas dégradé par la réduction des effectifs.

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Venons-en à un sujet qui fâche : le pouvoir d’achat. Un gel du point d’indice vient d’être annoncé. Quel est le montant de la « non-dépense » ainsi générée pour l’exercice en cours ?

Par ailleurs, j’aimerais connaître précisément le nombre de fonctionnaires concernés par une progression du pouvoir d’achat. Celui-ci dépend en effet non seulement du point d’indice, mais également d’autres éléments, par exemple la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) ou la redistribution des économies liées au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Tout cela constitue une nébuleuse que je ne parviens pas à éclaircir, en dépit des questionnaires que j’adresse en tant que Rapporteur pour avis de la commission des Lois. Si vous n’êtes pas en mesure de nous communiquer des chiffres aujourd’hui, peut-être pourrez-vous le faire ultérieurement.

M. Jean-François Verdier. La « non-dépense » générée par le gel du point d’indice, par rapport à un point en année pleine, est précisément de 1 860 millions d’euros pour les trois fonctions publiques, dont 860 millions d’euros pour la seule fonction publique de l’État, pour 2011 et pour 2012.

Parmi les facteurs qui ont une influence positive sur la rémunération des fonctionnaires, le principal est le GVT, générant chaque année plusieurs centaines de millions d’euros. Entre les augmentations de point d’indice, le GVT positif et les autres éléments de rémunération, on arrive à une progression de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) bien supérieure à l’inflation. On a créé il y a deux ans la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), qui concernait dans un premier temps l’ensemble des fonctionnaires dont l’indice terminal était au plus en échelle B, lorsque le traitement indiciaire avait évolué moins vite que l’inflation durant les quatre années précédentes. Ce dispositif est une véritable « usine à gaz » pour les ministères mais il a eu des effets non négligeables. La première année, environ 130 000 agents ont perçu un montant correspondant au différentiel entre la hausse de leur indice et l’inflation. Aucun fonctionnaire ne peut me dire que son salaire a diminué depuis 2007 : certains peuvent avoir, à l’occasion d’un changement de fonctions, perdu une indemnité spécifique, mais globalement les fonctionnaires ont été très largement gagnants. La deuxième année, le dispositif de la GIPA a été resserré et n’a bénéficié qu’à un peu plus de 50 000 fonctionnaires. Pour la période 2011-2013, le Gouvernement a décidé de revenir à la version initiale de 2009 ; on peut donc imaginer qu’à nouveau, 100 000 à 150 000 agents en bénéficieront.

La GIPA a coûté un peu moins de 50 millions d’euros en 2010 – pour les personnels civils et militaires. En 2009, elle avait coûté environ 100 millions d’euros, le nombre de bénéficiaires étant double. On peut donc imaginer que sur la période 2011-2013, ce sera à nouveau 100 millions d’euros par an.

Un autre élément important est constitué par les retours catégoriels, notamment l’utilisation que font les ministères des économies générées par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux – plus de 600 millions d’euros en 2009, 644 millions en 2010, environ 650 millions en 2011. Les ministères sont libres de l’affectation de ces ressources, mais il s’agit évidemment d’une liberté surveillée par la DGAFP, dont le rôle est de veiller à ce qu’il n’y ait pas de déséquilibre entre eux dans cette utilisation. Certains pratiquent le rééchelonnement indiciaire, notamment dans le cadre de la mise en place, pour les agents de catégorie B, du nouvel espace statutaire – qui permet aux agents de terminer à des échelons plus élevés qu’aujourd’hui, mais sur une durée plus longue. Il peut y avoir aussi le versement d’indemnités spécifiques, dans un ministère qui a connu des bouleversements profonds. La Cour des comptes a fait sur ces retours catégoriels des observations sur lesquelles il revient aux autorités politiques de trancher.

M. Marc Francina, Rapporteur. Parvenez-vous à faire une prévision du glissement vieillesse technicité – le GVT – sur trois ans ?

M. Jean-François Verdier. C’est la direction du Budget qui fait ces projections, nécessairement avec une marge d’incertitude puisque nous ne connaissons pas de manière précise le nombre des agents qui vont partir à la retraite et que, lorsqu’un ancien est remplacé par un jeune, mécaniquement la masse salariale diminue.

Pour notre part, notamment dans le cadre des négociations salariales, nous sommes attentifs au montant du SMIC, dont l’augmentation nous conduit à faire progresser les traitements du bas de l’échelle de la catégorie C – que ce soit par le biais d’un relèvement de l’indice minimum, par le versement d’une indemnité différentielle ou par l’octroi de points. Ces évolutions ont évidemment un impact global sur le GVT. D’année en année, on constate un tassement des grilles ; actuellement, le bas du A est à 48 points au-dessus du SMIC alors qu’en 2000, il était à 95 points au-dessus. Cela conduira nécessairement, me semble-t-il, à se poser dans les années à venir la question globale du mode de progression des agents, notamment si l’on veut continuer à valoriser la prime de fonctions et de résultats (PFR).

M. Bernard Derosier, Rapporteur. Avez-vous les moyens d’apprécier, pour l’exercice en cours, les conséquences prévisibles de l’augmentation du SMIC sur les rémunérations des fonctionnaires ?

On observe dans certaines administrations, et surtout dans l’Éducation nationale, le recours fréquent aux heures supplémentaires. La DGAFP a-t-elle une vision globale de ce qu’elles représentent en équivalents temps plein ?

On a beaucoup parlé il y a quelques mois de la prime dont ont bénéficié les recteurs d’académie en fonction de leurs « performances » en termes de suppression de postes. Quel est l’impact de cette rémunération à la performance sur la masse salariale ?

M. Jean-François Verdier. Par un raisonnement global, l’augmentation du SMIC conduit à faire passer à 301 le minimum de traitement, fixé à l’indice 295 jusqu’à la mi-2011, ce qui génère une dépense d’environ 100 millions d’euros. En procédant de manière plus ciblée, par le versement d’une indemnité différentielle à ceux dont le traitement est inférieur au nouveau SMIC – système qui n’a pas été utilisé depuis 2000 –, le coût est forcément moindre ; il avoisine 60 millions d’euros.

Les heures supplémentaires ont représenté une dépense de 1 250 millions d’euros en 2010, contre 1 180 millions en 2009 et 1 milliard en 2008. Dans la fonction publique d’État, elles sont très majoritairement effectuées par les enseignants, lesquels représentent 80 % des bénéficiaires. Dans la fonction publique territoriale, où on dénombre 26 millions d’heures supplémentaires, 90 % des bénéficiaires sont des agents de catégorie C. Dans la fonction publique hospitalière, en 2008 les 3 millions d’heures supplémentaires ont donné lieu au versement de 55 millions d’euros.

La prime de fonctions et de résultats (PFR) n’est pas, contrairement à ce qui a pu être dit, une nouvelle prime. Il s’agit de rassembler sur une même ligne du bulletin de salaire l’ensemble des indemnités perçues par les agents, qui constituent un véritable maquis – on a dénombré dans la fonction publique de l’État 1 851 régimes indemnitaires différents. Bien sûr, cela prendra du temps. Actuellement, environ 60 000 agents de l’État, principalement des catégories A+ et A, sont entrés dans le régime PFR ; nous l’étendons à la catégorie B, d’abord pour les filières administratives, puis techniques et sociales. Pour la catégorie C, cela se fera sur volontariat des ministères.

Demain, le traitement d’un agent devra être composé d’un bloc indiciaire et d’un bloc indemnitaire lui-même composé de deux parties, l’une liée à la fonction occupée par l’agent – le « F » de la PFR –, l’autre liée aux résultats – le « R ». Mais cette deuxième partie est assez faible – autour de 10 %. La première année, la PFR versée tenait compte de ce qui avait été versé au titre de l’année antérieure, pour éviter un changement brutal. À partir de cette année, les agents pourront voir leur rémunération augmenter ou baisser. Très logiquement, la partie « R » augmente avec le grade de l’agent, la fixation d’objectifs n’ayant véritablement de sens qu’à partir d’un certain niveau de responsabilités. Mais tout cela doit normalement se faire à masse salariale constante.

M. Marc Francina, Rapporteur. Il a été question de transformer les 600 000 CDD de la fonction publique en CDI. Où en est-on ? Quel est le coût prévisionnel de l’opération pour le budget de l’État ?

M. Jean-François Verdier. On dénombre 875 000 agents non titulaires dans les trois fonctions publiques, dont environ 370 000 dans la fonction publique de l’État. L’accord qui a été signé par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique de l’État prévoit sa traduction dans un projet de loi – qui devrait être présenté en Conseil des ministres à la fin du mois de juin. Il vise, comme l’avait demandé le Président de la République, non seulement à mettre un terme aux situations de précarité existantes mais à éviter qu’elles ne se reproduisent : comme l’ont rappelé les ministres, il y a eu seize plans de titularisation depuis 1950, ce qui n’a pas mis fin au problème.

Aucun syndicat ne conteste le fait qu’il faille des contractuels pour faire face à des besoins spécifiques ou temporaires. Il ne faut pas pour autant les laisser dans une situation de précarité ; d’où un dispositif en plusieurs volets. L’accès à la titularisation va être ouvert, via des concours réservés, à des contractuels en CDI ou en CDD qui répondent à des besoins permanents – s’ils le souhaitent, tant il est vrai que la majeure partie des contractuels ayant des fonctions équivalentes à des agents de catégorie A ou A+ n’ont, financièrement, aucun intérêt à la titularisation. Il sera également possible de donner un CDI à des agents qui, actuellement, ne peuvent pas en obtenir un : dès lors que les agents auront travaillé six années sur les huit dernières dans des fonctions de même nature, ils auront un CDI. Quant aux plus de 55 ans, ils obtiendront automatiquement un CDI s’ils justifient de trois ans de CDD. Enfin, différentes mesures visent à éviter que le stock de contractuels en situation précaire ne se renouvelle – possibilité de primo-recrutement en CDI, portabilité des CDI entre ministères ou entre structures.

Tout cela se fait à coût nul pour les finances publiques puisque les agents sont déjà rémunérés. Sans parler, bien sûr, des conséquences sur le coût des pensions, le seul coût pouvant être anticipé dans les années à venir concerne une certaine catégorie d’agents, en matière de cotisations, du fait du passage d’un régime de retraite à un autre ; mais il sera assez faible, eu égard au nombre d’agents concernés. Comme le ministre l’a indiqué, la population éligible aux mesures dans les trois fonctions publiques est d’environ 160 000 personnes, dont 40 000 à 50 000 dans la fonction publique de l’État ; mais sur ce nombre, beaucoup ne seront pas intéressés et d’autres ne réussiront pas les concours réservés, et par ailleurs les ministères pratiqueront le contingentement.

M. David Habib, Président. Monsieur le directeur général, il me reste à vous remercier.