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Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 27 septembre 2007

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

Audition sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments

Présentation des deux communications de la Cour des comptes à la MECSS sur ce sujet :

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Michel Braunstein, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseillère référendaire.

La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Michel Braunstein, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseillère référendaire, sur les deux communications de la Cour des comptes à la MECSS concernant la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie, mesdames, monsieur, d’avoir répondu à notre invitation et vous félicite, madame la présidente, pour votre récente nomination à la tête de la sixième chambre de la Cour des comptes.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a demandé, fin 2005, à la Cour des comptes d’effectuer un travail préalable sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments. Celle-ci nous a remis deux communications, l’une sur la fiscalité du médicament au mois de mai dernier et l’autre sur la prescription et la consommation des médicaments au mois de juillet. Je vous donne la parole, madame la présidente, pour la présentation de ces rapports.

Mme Rolande Ruellan : Pour répondre à la demande de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes vous a fait parvenir, fin 2005, les extraits de ses rapports annuels sur la sécurité sociale concernant le médicament. Les deux communications de la Cour des comptes, qui vous ont été transmises récemment, permettent d’approfondir et de vérifier les évolutions en ce domaine.

Je présenterai en premier le rapport sur la consommation et la prescription des médicaments, dont l’objet était d’analyser les facteurs pouvant expliquer la surconsommation de médicaments en France.

Trois séries de facteurs explicatifs ont été isolées : le circuit de la mise sur le marché et de l’admission au remboursement, qui est insuffisamment sélectif, les comportements de prescription des médecins, trop faiblement encadrés, et les comportements de consommation des patients, dont l’information est encore insuffisante. Le champ de l’enquête a été limité aux médicaments délivrés en ville, à l’exception de l’automédication, qui se limite en France à 6 % de la consommation. Je signale, par ailleurs, que, dans le rapport annuel 2007 de la Cour des comptes qui est paru ce mois-ci, est analysé l’achat de médicaments à l’hôpital.

La situation française est bien connue. Notre pays est au premier rang en Europe pour le niveau des médicaments prescrits et vendus, sans que cela se justifie par des indicateurs de morbidité ou de mortalité particuliers. La consommation est très concentrée. Elle concerne les affections de longue durée (ALD) et les personnes âgées, 10 % des assurés sociaux consommant 47 % des médicaments remboursés. La classe qui détient le record des médicaments consommés reste les antibiotiques, malgré une baisse due à la campagne, très efficace, conduite par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés – la CNAMTS. On constate toujours une surconsommation d’antibiotiques générant des résistances – comme les céphalosporines –, de psychotropes, de statines, d’IPP – inhibiteurs de la pompe à protons – de veinotoniques et de vasodilatateurs.

Le niveau de prescription est élevé puisque 90 % des consultations de généralistes comportent une prescription de médicaments. On note de grandes disparités de comportement entre départements et entre catégories de praticiens pour un même médicament.

Les enjeux de santé publique sont importants avec des problèmes d’affections iatrogènes et l’impact sur les dépenses d’assurance maladie est lourd puisque le coût des médicaments dans les soins de ville augmente très fortement chaque année.

L’une des premières raisons de la situation atypique de la France, de cette autre exception française, est que le circuit de la mise sur le marché et de l’admission au remboursement est insuffisamment sélectif, que ce soit lors de la première inscription des médicaments ou après leur commercialisation. La Cour des comptes avait déjà dénoncé ce manque de sélectivité en 2004.

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont maintenant essentiellement délivrées par l’Agence européenne du médicament (EMEA). Celles délivrées par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) concernent surtout des génériques et des me too. La revue Prescrire a noté que plus de 85 % des dossiers examinés n’apportent rien de nouveau. Toutefois la procédure d’AMM n’a pas pour objet de faire des comparaisons : si les trois critères de l’efficacité, de l’innocuité et de la qualité du médicament sont réunis, l’AMM est délivrée.

S’agissant de l’admission au remboursement, la Cour a constaté que la réforme des critères de l’évaluation initiale prévue depuis 2004 n’est toujours pas intervenue. Les quatre niveaux de service médical rendu (SMR) qui déterminent les taux de remboursement – 65 %, 35 % ou 0 – ne permettent pas une grande sélectivité, comme le prouve le fort taux – 86 % – d’attribution de SMR important en 2006.

L’intérêt de santé publique n’est pas suffisamment pris en compte, alors qu’il a été défini par la Haute autorité de santé, la HAS. Il en résulte une confusion entre les notions de SMR insuffisant et d’inefficacité du produit. La Cour recommande donc une nouvelle fois la réforme des critères d’admission selon un schéma qui permette de prendre en compte l’intérêt de santé publique.

L’amélioration du service médical rendu (ASMR) doit être appréciée pour chaque indication, sur la base de comparaisons avec des alternatives thérapeutiques. Elle détermine le niveau de prix. Les ASMR de niveau V doivent diminuer le coût du traitement pour être admis. Une majorité de décisions de la commission de la transparence débouche sur des ASMR V.

La Cour regrette que les essais cliniques entre comparateurs ne soient pas obligatoires et qu’il n’existe pas de liste de médicaments classés par niveau d’ASMR. Elle recommande de remédier à ces insuffisances.

En 2004, la Cour avait déjà noté qu’il n’y a pas d’analyse médico-économique permettant de rapporter l’efficacité des médicaments à leur coût. Des pays voisins, dont la Grande-Bretagne et l’Allemagne, introduisent un critère économique dans leurs décisions de prise en charge des médicaments. La CNAMTS a reçu le pouvoir de fixer le taux de remboursement mais pas la liste des médicaments ni leur prix. Son pouvoir est donc illusoire, alors qu’elle est habilitée à inscrire les actes médicaux dans la classification commune de ces derniers, la CCAM. La Cour considère que le financeur devrait avoir plus de place dans la procédure d’admission au remboursement. La CNAMTS pourrait s’appuyer sur des analyses médico-économiques, que la HAS est prête à faire, pour intervenir en ce domaine.

La Cour s’est à nouveau intéressée au suivi des médicaments en vie réelle pour constater que la réévaluation de la balance bénéfice-risque est très timide. Elle a notamment déploré l’insuffisance de réactivité en pharmacovigilance, en observant que les décisions de suspension ou de retrait interviennent tardivement, alors qu’elles sont plus rapides dans d’autres pays. Cela lui a paru d’autant plus dommage que la loi du 26 février 2007 permet de renouveler l’AMM sans limitation de durée au bout de cinq ans, ce qui impose une plus grande vigilance aux difficultés pouvant surgir pendant l’utilisation des médicaments.

Je déplore que la communication adressée à la MECSS se soit retrouvée dans la presse fin août, alors qu’elle comprenait des exemples que nous avions jugés utiles de vous signaler et qui ne sont pas publiés dans le rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.

La réglementation communautaire impose, depuis novembre 2003, d’intégrer des plans de gestion des risques dans le dossier d’AMM pour certains produits. Ces plans peuvent prévoir des études post-AMM, que la Cour avait déjà demandées en 2004.

L’AFSSAPS et le Comité économique des produits de santé (CEPS) demandent la réalisation de telles études mais peu vont jusqu’à leur terme. La Cour s’interroge sur la manière de rendre ces procédures plus efficaces et suggère de prévoir des sanctions financières contre les entreprises qui ne réalisent pas, ou ne réalisent pas dans les délais impartis, les études post-AMM demandées par l’AFSSAPS.

Le suivi des médicaments est également apparu peu réactif. Les opérations de réévaluation entreprises entre 1999 et 2001 n’ont pas été suivies d’effet suffisamment rapidement : il y a eu des baisses de prix et la création d’un ticket modérateur à 15 %, présenté comme une marche d’escalier vers le déremboursement. La Cour constate que les économies attendues en ont été réduites.

De manière générale, et la Cour n’est pas la seule à le dire, la transparence des travaux d’évaluation des médicaments n’est pas suffisamment assurée. La Cour a examiné la question des déclarations d’intérêt des agents et des experts, la publication des rapports d’évaluation d’AMM – les fameux RAPPE –, ainsi que celle des ordres du jour, des comptes rendus et du règlement intérieur des commissions, toutes informations rendues obligatoires par la loi du 26 février 2007 qui a assuré la transposition de la directive communautaire 2004/27/CE. Si la loi date de 2007, la directive remonte à 2004 et les établissements concernés auraient dû se préparer plus vite. On constate encore des délais très longs et des insuffisances dans la publication. La Cour recommande aussi de renforcer la transparence des groupes de travail de l’AFSSAPS et d’améliorer la gestion des conflits d’intérêt.

La forte consommation de médicaments est également due au fait que les prescriptions ne sont que faiblement encadrées.

Deux méthodes de contournement de l’AMM, qui ont leurs justifications, peuvent conduire à des abus : la procédure d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et les prescriptions hors AMM.

L’ATU nominative ou cohorte est normalement accordée par l’AFSSAPS dans l’intérêt des malades. La Cour n’en conteste pas le bien fondé, dès lors que cela ne sert pas de procédure dilatoire pour éviter de faire des demandes d’AMM. Les risques dus à la liberté des prix des médicaments en ATU ont été pris en compte dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2007 mais l’article correspondant est d’une telle complexité que l’on est en droit de se demander s’il sera jamais appliqué.

Les prescriptions hors AMM sont plus problématiques car, quoique normalement interdites, elles sont nombreuses. Il faudrait mieux les contrôler. La prescription hors AMM est autorisée à l’hôpital selon des protocoles thérapeutiques définis par l’AFSSAPS, la HAS et l’Institution national du cancer, l’INca. En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a tenté d’encadrer la pratique en ville, qui représente entre 15 et 20 % des prescriptions : elle est permise pour des ALD ou des maladies rares sur la base de recommandations de la HAS. Il faudra veiller à ce que les autorisations dérogatoires soient utilisées uniquement dans l’intérêt médical du patient mais la Cour n’a pas de recul pour porter une appréciation sur la mise en œuvre de ce texte.

La Cour s’est également intéressée à la formation et à l’information des médecins.

Elle n’a pas procédé à une enquête spécifique sur la formation initiale, d’une part, parce que cela n’est pas de la compétence de la sixième chambre de la Cour et, d’autre part, parce que le Sénat a rédigé un rapport sur le sujet. Ce dernier montre que la place accordée au médicament dans les études médicales est extrêmement réduite et que le ministre de la santé joue un rôle trop limité dans la définition des enseignements.

S’agissant de la formation continue, la Cour n’a pas, comme elle le souhaitait, fait d’investigation particulière car l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) venait de réaliser un rapport. Elle a fait quelques études complémentaires centrées sur les questions du médicament. Il en ressort que la formation médicale continue (FMC) qui se met en place au bout de dix ans, avec beaucoup de difficultés, fait l’objet d’une organisation complexe qui ne permet pas d’éviter les conflits d’intérêts. Elle continue d’être essentiellement financée par l’industrie pharmaceutique, avec laquelle les fonds publics ne pourront jamais rivaliser.

Un code de bonnes pratiques signé entre « Les entreprises du médicament » (LEEM), les comités nationaux de FMC et le ministre de la santé en novembre 2006 a admis le financement par l’industrie, encadré par des procédures d’agrément des organismes de formation, mais elles sont dépourvues de tout caractère contraignant. Les cahiers des charges devront être précisés et il faudra peut-être prévoir des sanctions si les prescriptions de ces derniers ne sont pas respectées. Un suivi devra être organisé de cette procédure engagée depuis déjà longtemps.

L’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) prévue par la loi de 2004 est une autre approche qui devrait permettre de progresser sur l’encadrement des pratiques de prescription. Son organisation est très complexe. Alors que ce sont souvent les mêmes organismes qui font de la formation et de l’évaluation, ces deux aspects obéissent à des cahiers des charges et à des procédures parallèles.

Au total, ni le ministère en charge de la santé, ni l’assurance maladie, qui pourtant finance, ni la HAS n’ont les moyens de définir des priorités en matière de FMC ou d’EPP, ce qui empêche d’en faire un moyen d’action sur les prescriptions. Sur les cinq priorités définies pour la FMC en 2006, une seule concerne le médicament : la iatrogénie.

S’agissant de l’information des médecins, la Cour est revenue sur les bases de données de médicament pour regretter qu’il n’existe pas encore une base publique d’accès gratuit, exhaustive, objective, regroupant toutes les données administratives et médicales : AMM, dénomination commune internationale (DCI), SMR, ASMR, taux de remboursement, prix. La Cour a analysé les trois bases existantes, dont deux sont privées et une publique. La base publique Thériaque est la plus proche de l’optimum mais son avenir est menacé par la mésentente avec les partenaires du GIE Système d’information sur les produits de santé (SIPS). La Cour reste convaincue de la nécessité d’une base d’accès gratuite et indépendante.

La principale source d’information des médecins reste la visite médicale dont l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) a démontré l’influence sur le comportement des prescripteurs. La HAS doit, en vertu de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, certifier la visite médicale afin d’en garantir la conformité à la charte de la visite médicale (VM) signée en décembre 2004 entre le LEEM et le CEPS. La Cour est restée perplexe devant la définition de l’objectif premier de la VM, qui est « d’assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament. ». Le souci d’informer sur la qualité et d’éviter le mésusage arrive en second. Il faudra rester vigilant. Le CEPS doit arrêter les classes thérapeutiques pour lesquelles il estime qu’une réduction de la VM est nécessaire et prévoir des sanctions en cas de non-respect. Il est trop tôt pour apprécier l’effet que cela peut avoir.

L’information publique délivrée aux médecins souffre d’une trop grande dispersion entre la HAS et l’AFSSAPS. Les publications de cette dernière sont riches mais trop complexes et d’un accès parfois difficile. Celles de la CNAMTS sont plus synthétiques et claires : lettres aux médecins et aux pharmaciens, supports mémo. L’assurance maladie a également développé des entretiens confraternels et les visites des délégués à l’assurance maladie, les DAM, qui ont bien démarré et devront s’amplifier.

Les outils d’aide à la prescription doivent être certifiés par la HAS. Le processus est en cours de mise en forme. Le problème est la base de données sur le médicament à laquelle les organismes certificateurs devront adhérer.

L’assurance maladie, de son côté, développe une analyse des prescriptions des médecins mais celle-ci est limitée par la méconnaissance, en dehors des ALD, des pathologies. Elle inclut également des objectifs de maîtrise médicalisée sur des postes prioritaires : antibiotiques, statines, anxiolytiques, génériques, IPP, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), Sartans. La Cour montre que le bilan est en demi-teinte, surtout si on retire des économies réalisées ce qui ne relève pas de la modification des comportements mais de la politique de baisse des prix, y compris les progrès des génériques – qui sont souvent le fait des pharmaciens – ou de déremboursement. L’impact financier de la baisse des volumes est toujours nettement inférieur aux objectifs.

Enfin, les accords de bon usage des soins, les fameux AcBUS, sur lesquels était fondé beaucoup d’espoir, ont eu un impact modeste, puisqu’il n’y en a qu’un qui a été appliqué, mais il l’a été avec succès : le test de dépistage rapide de l’angine. L’usage des antiagrégants plaquettaires a été retardé.

La Cour s’est également penchée sur les actions sur les comportements des patients.

L’information grand public sur le médicament est insuffisante, malgré les efforts déployés par la CNAMTS, la Mutualité sociale agricole (MSA), l’AFSSAPS et la HAS, qui ont des sites internet. La CNAMTS a conduit une seule campagne de communication sur les antibiotiques, qui a eu beaucoup de succès. De manière générale, l’information produite est éparpillée et peu lisible.

Là encore, une place importante est laissée à l’information privée, qui dépend de l’industrie. Les programmes d’aide à l’observance ou d’accompagnement des patients, développés pas les laboratoires, devront être strictement encadrés. Ils sont actuellement soumis à la commission de la publicité de l’AFSSAPS, qui en a approuvé huit, qui sont plus des programmes d’éducation du patient. Une annexe d’une recommandation de l’agence européenne – sans portée réglementaire – permet d’intégrer ces programmes dans les plans de gestion des risques. Suite au retrait d’un article du projet qui est devenu la loi du 26 février 2007 habilitant le Gouvernement à encadrer ces programmes par ordonnance, une proposition de loi est en cours d’élaboration. La Cour ne peut qu’insister sur le fait que le besoin d’accompagnement des patients ne doit pas être abandonné à l’industrie.

Concernant les génériques, la Cour a noté leur développement rapide ces dernières années mais n’a pas fait, cette fois-ci, d’étude très approfondie des stratégies de contournement des laboratoires : procédures contentieuses afin de défendre des brevets en justice, tendance à étendre les indications ou à diversifier les présentations pour retarder l’entrée dans le domaine public des médicaments.

La transposition en droit interne d’une directive de 2004, qui a introduit la notion d’AMM globale et une extension de la définition du générique, permettra peut-être de limiter certaines dérives. Cependant la définition de l’AMM globale est actuellement sujette à discussion.

Par ailleurs, le droit actuel ne permet pas de limiter les associations de médicaments, si bien qu’on peut fabriquer un nouveau médicament à partir de deux qui n’avaient pas beaucoup d’intérêt, la combinaison des deux n’en ayant pas davantage.

Les génériqueurs, de leur côté, butent sur la difficulté de connaître la date d’expiration des brevets.

Pour encourager la délivrance des génériques, plusieurs mesures ont été prises : accords conventionnels avec les médecins pour développer la prescription dans le répertoire et en DCI – dénomination commune internationale – ; droit de substitution et accord conventionnel en faveur des pharmaciens.

Auprès des patients, la Caisse primaire d’assurance maladie de Paris a initié un refus de tiers payant en cas de refus de la substitution. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a permis d’étendre cette mesure par convention à tous les assurés, y compris à ceux bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU). Elle n’est pas encore généralisée. Début 2007, seuls seize départements l’ont mise en œuvre.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure : Je vous remercie, madame Ruellan, pour le panorama complet de la situation que vous avez dressé. En ma qualité de pharmacienne, je puis en mesurer l’exhaustivité.

J’aimerais savoir quelle est la formation, notamment pharmacologique, des délégués de l’assurance maladie ?

Par ailleurs, quelles sanctions peuvent être envisagées à l’encontre des contournements des génériques, d’une part, par les laboratoires qui jouent sur la forme galénique ou la présentation orodispersible ou micronisée pour que leurs médicaments ne soient pas génériqués et, d’autre part, par les médecins qui ne jouent toujours pas le jeu des génériques ?

Mme Rolande Ruellan : La Cour n’a pas fait d’investigation spécifique sur le rôle et la formation des délégués de l’assurance maladie.

Mme Stéphanie Bigas : Aucun bilan de l’action des délégués de l’assurance maladie (DAM) et aucune enquête sur la satisfaction des médecins ne sont encore disponibles à l’assurance maladie. La formation des délégués de l’assurance maladie est un problème qui suscite effectivement des inquiétudes car ce sont souvent des personnes reconverties qui font ce métier. Un premier bilan du ressenti des médecins sur les compétences et l’information dispensée par ces délégués serait donc important, mais il n’a pas encore été réalisé.

Mme Rolande Ruellan : Cela ne fait que deux ans que la CNAMTS a mis en place la visite des DAM. Par ailleurs, le système SESAM-Vitale a entraîné une réduction de ses effectifs et la reconversion des liquidateurs en interlocuteurs des médecins. La Cour a prévu d’aller voir ce que sont devenus ses effectifs, en termes quantitatifs et qualitatifs.

M. Pierre Morange, coprésident : Je précise que la télétransmission des feuilles de soins électroniques atteint désormais un taux de couverture de 70 %, et qu’elle a permis le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, ce qui s’est traduit par une diminution du nombre de salariés au sein de l’assurance maladie de quelque 2 200 en 2005 et 1 400 en 2006, générant une économie de quelque 160 millions d’euros par an.

M. Michel Braunstein : L’action des délégués de l’assurance maladie vise surtout à alerter les médecins sur leur consommation par rapport à leurs collègues d’une même caisse primaire d’assurance maladie. Un certain nombre de CPAM se sont fortement impliquées dans le recueil de données en ce domaine. Celle de la Sarthe, par exemple, qui est citée dans le rapport de la Cour de 2005, fournit chaque année, depuis deux ans, des informations sur la consommation de chaque médecin en prescriptions médicales, en nombre de visites et en nombre d’indemnités journalières autorisées et situe chaque médecin par rapport à tous ses collègues de la CPAM, en le classant entre le premier et le dixième décile.

La CNAMTS s’emploie actuellement à généraliser ce travail dans toutes les CPAM. Le travail des DAM consiste à informer le médecin sur sa position par rapport à ses collègues.

Aucune étude d’ensemble n’a encore été faite sur l’activité des DAM puisque leur création est toute récente.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure : Les DAM, qui interviennent aussi auprès des pharmaciens, ont effectivement une vision comparative entre professionnels de santé. Ils essaient de voir, par exemple, pourquoi telle pharmacie vend 80 % de génériques, alors que telle autre n’en délivre que 40 % pour la même population.

Il faut savoir aussi que, quand les médecins de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) interviennent chez leurs collègues qui exercent dans les cliniques ou les hôpitaux, ils sont très souvent mal reçus par ces derniers. Dès que l’intervention des DAM, qui ne sont pas médecins, dépasse le simple comparatif, leurs rapports avec les médecins doivent être difficiles. Cela méritera une évaluation. Cela étant, les visiteurs médicaux, bien que non médecins, sont bien accueillis par les médecins. On peut imaginer que, après formation, les DAM puissent faire un travail d’information objective identique au leur.

M. Michel Braunstein : Il suffit de lire la revue de presse quotidienne de la CNAMTS pour se rendre compte de la sensibilité très forte des médecins à ces visites et à leur contenu.

Mme Rolande Ruellan : Les articles de la presse spécialisée ont fait part du mécontentement des médecins à l’égard des caisses, allant même jusqu’à parler de harcèlement à leur égard ! Les DAM se présentent plus en informateurs qu’en contrôleurs. Mais la frontière peut paraître ténue.

Nous ne critiquons pas les médecins. Nous considérons qu’ils sont mal informés et mal outillés, et nous constatons que, quand les caisses font de gros efforts, cela produit des résultats. L’art et la manière, jointes à de bons supports, ne peuvent qu’être convaincants.

Concernant les stratégies de contournement, la Cour fonde ses espoirs sur la notion d’AMM globale, mais ce concept n’est pas encore clairement défini. Appliquer des sanctions semble difficile. Il semble préférable d’agir en amont, au stade de la délivrance des AMM.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez souligné à plusieurs reprises, dans votre présentation la complexité des structures chargées, d’une part, de la formation et de l’information – HAS, CNAMTS, AFSSAPS – et, d’autre part, de l’analyse médico-économique – CNAMTS, Commission de la transparence, CEPS –, et parfois leur manque de coordination. Pouvez-vous nous faire part des réflexions de la Cour à ce sujet ?

Mme Rolande Ruellan : Nous avons recommandé que toutes les structures impliquées dans le médicament travaillent ensemble, de façon à mieux se répartir les tâches. En théorie, c’est simple : l’AFSSAPS est compétente pour la mise sur le marché des médicaments, le contrôle de la publicité et la pharmacovigilance ; la HAS, pour décider de l’admission au remboursement. Les deux instances édictent des recommandations de bonne pratique, réalisent des travaux et diffusent des publications.

Nous avons recommandé, sans préciser qui doit faire exactement quoi, qu’elles se coordonnent un peu plus et qu’elles aient des sites un peu plus accessibles. Comme elles interviennent toutes les deux, avec le CEPS et la CNAMTS, sur le médicament, il faut qu’elles se répartissent les travaux et les modalités d’information en direction à la fois des médecins, du public et de tous les intervenants du système de santé.

Des clarifications sont peut-être à apporter dans les textes mais, à partir du moment où le législateur a voulu séparer les métiers en relation avec le médicament, chaque structure a sa légitimité. Seul un travail en commun, sous l’égide de l’administration, peut permettre de remédier au fait qu’elles ont tendance à empiéter les unes sur les autres. Nous souhaitons que le ministère de la santé se préoccupe du sujet.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure : La Cour a-t-elle réalisé une étude sur l’éducation sanitaire, notamment à l’école ? J’ai découvert très récemment que, dans un livre de lecture du cours préparatoire, on trouvait une publicité pour un sirop commercialisé sous AMM, qui avait échappé aux enseignants. Cela est de nature à impulser des comportements d’hyper-consommation dès le plus jeune âge.

La Cour a-t-elle étudié, par ailleurs, l’impact des publicités des médicaments sous AMM déremboursés, qui, de la même manière, font rentrer le médicament dans la vie quotidienne des personnes ?

La libre publicité des médicaments est sur le point d’être accordée au niveau européen. La France y est opposée mais le droit communautaire prend quelquefois le pas sur le droit français.

Mme Rolande Ruellan : La Cour n’a pas fait d’étude en direction de l’Éducation nationale. Les questions soulevées pourraient peut-être faire l’objet d’un approfondissement de la part de la MECSS.

Mme Stéphanie Bigas : Nous n’avons pas dissocié le cas des enfants du reste de la population. En revanche, nous avons fait une étude concernant la certification des sites d’information sur la santé. La HAS a reçu la mission de s’assurer que l’information mise à disposition du public, et qui est pléthorique faute d’information publique sur le sujet, présente un minimum de garanties. La Cour montre dans le rapport que la HAS a des difficultés pour mette en place cette procédure de certification et ne sait pas très bien par quel bout s’y prendre face à la multiplicité des sites et au renouvellement permanent de l’information. Dernièrement, elle songeait à déléguer cette fonction mais sans trop savoir comment.

M. Jean Mallot, coprésident : Dans le rapport, la Cour dénonce le fait que les décideurs ne sont pas les payeurs et que les payeurs ne sont pas les utilisateurs. Une meilleure coordination entre les structures se révèle souhaitable. L’État ne devrait-il pas avoir un rôle plus directif afin que chacun joue pleinement son rôle et que l’intérêt général soit mieux assuré ?

Mme Rolande Ruellan : Il est ressorti de plusieurs enquêtes que le ministère chargé de la santé, notamment la direction générale de la santé (DGS), ne remplissait pas suffisamment son rôle de pilote et de coordinateur des agences. Le ministère est un peu débordé maintenant par ces puissants féodaux, d’autant plus qu’il les finance peu. Quand les agences ne sont pas financées par l’industrie du médicament pour services rendus, elles le sont par l’assurance maladie. S’étant retiré du financement, l’État s’est peut-être un peu trop retiré en même temps de l’impulsion. Les audits sur la DGS et la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) auxquels a procédé la Cour le montrent.

Nous avons insisté sur l’importance de disposer d’une base de données publique d’accès gratuit. L’État ne doit pas se désintéresser de cette réalisation. Or la base Thériaque est un véritable panier de crabes. Suite à une mésentente, la CNAMTS a décidé de réduire son financement et le partenaire ne veut plus, dès lors, rester dans l’affaire. De plus le nom « Thériaque » est réservé.

Mme Stéphanie Bigas : Nous n’avons pas eu les dernières évolutions – peut-être les choses se sont-elles débloquées ! – mais le principal problème est de savoir qui va conserver le travail réalisé. Si le CNIHM – le Centre national hospitalier d’information sur le médicament – se désengage du GIE-SIPS, on ne sait pas qui va conserver les droits de propriété sur la base et les applications nécessaires pour l’utilisation et l’exploitation de la base.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous allons vous demander de présenter le second rapport, madame Ruellan, sur la fiscalité du médicament.

Mme Rolande Ruellan : On dénombre onze taxes d’importance très inégale, qui ont rapporté un milliard d’euros en 2006, représentant 4 % du chiffre d’affaires des industries.

Elles ont deux grandes finalités : d’une part, la rémunération d’un service rendu et, d’autre part, l’apport de ressources à l’assurance maladie.

La taxe perçue par la HAS, pour l’inscription d’un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables ou la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités publiques, couvre 90 % du coût de fonctionnement de la commission de la transparence.

Certaines personnes sont parfois choquées que le contrôleur soit payé par le contrôlé. C’est une pratique assez courante. Toutes les hautes autorités de contrôle indépendantes qui œuvrent dans le domaine financier sont financées par les contrôlés. D’ailleurs, en 1945, le contrôle général de la sécurité sociale était censé être financé par les caisses. Cela ne s’est jamais fait parce que les partenaires sociaux et l’État n’avaient pas des relations suffisamment confraternelles pour assumer ce financement.

L’AFSSAPS perçoit cinq taxes qui concernent, d’une part, les demandes d’AMM, que ce soit un premier examen, un renouvellement ou une modification, et, d’autre part, le contrôle de la publicité, la pharmacovigilance. Elles représentent 55 % du budget de l’AFSSAPS.

Le nombre de dossiers d’AMM soumis à l’AFSSAPS baisse du fait de la montée en charge du dispositif d’AMM européenne. Les médicaments passant par l’agence française sont surtout des génériques et des me too. Les nouvelles molécules, les nouveaux principes actifs et les nouvelles indications, eux, sont traités au niveau européen. L’AFSSAPS participe à l’instruction des dossiers de l’agence européenne et est rémunérée à cette fin mais c’est en dehors de cette question de taxe.

Il n’y a pas de problème particulier de recouvrement des taxes de la HAS et de l’AFSSAPS. La Cour a simplement noté qu’il n’y avait eu aucun contrôle effectué sur l’assiette. Les deux agences ne sont pas des percepteurs. C’est pourquoi la Cour a de nouveau préconisé que la collecte de la taxe annuelle sur le chiffre d’affaires soit recouvrée par la direction générale des impôts (DGI) avec la TVA. Mais sa recommandation n’a pas eu beaucoup de succès chez les intéressées.

Les taxes affectées à l’assurance maladie sont plus importantes.

Elles ont deux finalités essentielles : maîtriser la dépense de médicament, et procurer des recettes à l’assurance maladie.

La première taxe destinée à maîtriser la dépense de médicaments est celle sur les dépenses de promotion des médicaments. Elle pose un énorme problème d’assiette suscitant des contestations contentieuses. Son champ n’est pas bien précisé. Une circulaire à son sujet tarde à être publiée.

En fait, c’est son principe même qui est contesté. Elle est ancienne, puisqu’elle a été instaurée en 1983 et est toujours aussi mal supportée par les laboratoires.

La Cour a suggéré que l’on en évalue l’impact sur les dépenses de promotion des laboratoires – a-t-elle un caractère dissuasif et limitatif ? – et d’examiner sa cohérence et sa complémentarité avec des dispositifs plus nouveaux : la charte de la visite médicale et la certification par des organismes accrédités de la conformité de la visite médicale à ladite charte. Néanmoins cette dernière est en cours de mise en œuvre et ne permet donc pas de faire cet examen.

La seconde taxe destinée à maîtriser la dépense de médicaments est la contribution de la clause de sauvegarde de l’ONDAM, appelée parfois, en raccourci, clause de sauvegarde, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Elle est calculée d’une façon extrêmement complexe. Elle s’applique quand l’évolution du chiffre d’affaires hors taxe en France en spécialités remboursables – sauf médicaments orphelins – est supérieure au fameux taux K fixé en loi de financement de la sécurité sociale, et qui est, depuis plusieurs années, à 1 %, et ne concerne que les entreprises qui n’ont pas passé convention avec le CEPS, lesquelles sont très minoritaires. La taxe est ensuite répartie entre les laboratoires en fonction de trois éléments : le chiffre d’affaires, la progression de celui-ci et les dépenses promotionnelles.

La complexité de la méthode de calcul est accrue du fait que celle-ci doit tenir compte du montant versé au titre de la taxe sur les dépenses de promotion, lequel est connu avec retard. Le périmètre des débiteurs est très difficile à établir, du fait de la mobilité du tissu industriel. Les recouvreurs, qui sont les URSSAF de Paris et de Lyon, sont obligés de faire des enquêtes presque policières pour connaître le fichier éventuel des débiteurs, et sont donc en relation avec le CEPS.

En outre, cette taxation déclenchée sur la base d’une évolution du chiffre d’affaires global du secteur peut avoir pour résultat qu’une entreprise non conventionnée dont le chiffre d’affaires progresse plus que le taux K échappe à toute taxation si le chiffre d’affaires des produits remboursables n’a pas excédé ce taux, et inversement.

Depuis plusieurs années, cette taxe n’a aucun rendement. Son seul objet est finalement d’inciter au conventionnement avec le CEPS.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, elle est applicable aux spécialités rétrocédées. Mais les textes d’application n’ont pas été publiés.

La première taxe destinée à procurer des recettes à l’assurance maladie est celle sur les grossistes répartiteurs, due par les entreprises de vente en gros et les entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités quand elles vendent en gros. Elle est assise sur le chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France sur les spécialités remboursables hors médicaments orphelins.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a créé une contribution exceptionnelle de régulation assise sur le chiffre d’affaires hors taxe pour l’année civile 2006 réalisé en France auprès des pharmacies d’officine, mutualistes et due par les mêmes. Son rendement initialement de 50 millions d’euros a été ramené à 37 millions du fait de la baisse du taux de 0,28 à 0,21 % au cours de la discussion parlementaire.

La seconde taxe destinée à procurer des recettes à l’assurance maladie est celle sur le chiffre d’affaires, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et pérennisée par la loi du 13 août 2004. Elle est appliquée au chiffre d’affaires hors taxe de toutes les entreprises qui exploitent des médicaments ayant une AMM, en dehors des génériques – à l’exception de ceux qui sont remboursés sur la base d’un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) – et des médicaments orphelins. Son taux est passé de 0,6 % à 1,76 % en 2006 et est revenu à 1 % en 2007.

La Cour a observé, sans trouver d’explication, qu’on avait, dans la même loi, la baisse du taux de la taxe sur le chiffre d’affaires et la création d’une contribution exceptionnelle applicable aux grossistes répartiteurs.

Enfin, la TVA brute collectée par les commerçants en gros en produits pharmaceutiques fait partie du panier fiscal affecté par la loi de finances pour 2006 à la compensation des exonérations de cotisations générales sur les bas salaires. La plus grosse part va à l’assurance maladie.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, ces quatre taxes – grossistes répartiteurs, clause de sauvegarde, taxe sur le chiffre d’affaires et taxe sur les dépenses de promotion – sont recouvrées, non plus par l’ACOSS, qui n’était pas très outillée pour procéder aux recouvrements, mais par les deux URSSAF de Paris et de Lyon.

Le coût de recouvrement est estimé à 325 000 euros en 2005. En 2006, le plan de contrôle des deux URSSAF a rapporté 126 000 euros pour trente et une entreprises contrôlées.

Les entreprises contestent ces contrôles et jusqu’à la compétence des inspecteurs du recouvrement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a dû valider les opérations de contrôle appuyées sur le motif de l’irrégularité de l’agrément des inspecteurs. Cependant des actions sont pendantes devant la cour administrative d’appel de Paris.

Le rendement des taxes affectées à l’assurance maladie est de 961 millions d’euros en 2006 – à comparer au milliard rapporté par l’ensemble des taxes. Ce rendement est très sensible à la hausse des taux puisque la majoration de la taxe sur le chiffre d’affaires de 0,6 % à 1,76 % en 2006 a provoqué une augmentation de 40 % du produit global des taxes.

La fiscalité du médicament souffre d’une grande complexité due à des règles qui varient d’une taxe à l’autre, alors qu’elles visent les mêmes entreprises, à la mobilité du secteur – fusions, cessions, disparitions, remariages –, et à la tendance procédurale des débiteurs.

La conclusion de la Cour est modeste car elle n’a voulu ni faire perdre des ressources à l’assurance maladie, ni empiéter sur un domaine qui est éminemment de la compétence du Parlement. Elle estime cependant indispensable de revoir la pertinence de ces taxes, d’en réduire le nombre, d’en stabiliser et d’en simplifier le mode de calcul. Tout ce qui est compliqué est mal appliqué, est source de contentieux et de conflits et aboutit finalement à des pertes d’argent.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure : Je veux revenir sur les ressources de l’AFSSAPS, qui accorde les AMM.

Selon la revue Prescrire, entre 80 et 85 % des nouveaux produits mis sur le marché avec AMM n’ont pas un service médical rendu supérieur à ceux qui existent déjà, et ont même parfois un SMR insuffisant. Ne pensez-vous pas qu’il y ait un rapport entre ces pourcentages et le fait que l’AFSSAPS n’ait pas de financement indépendant des laboratoires ?

Mme Rolande Ruellan : Franchement non. À partir du moment où ce sont des taxes qui sont prévues par la loi, il n’y a, dans la tête des experts et des agents de l’Agence, aucun rapport entre leurs décisions et le financement.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure : Je regrette que, quand un médicament sous DCI fait l’objet, après un suivi post-AMM, d’un retrait du marché dans d’autres pays, la France tarde à en faire autant.

Mme Rolande Ruellan : Je vous renvoie aux réponses que nous avons publiées à ce sujet dans le rapport de la Cour sur la sécurité sociale qui est paru il y a quelques semaines. L’AFSSAPS n’a pas été satisfaite de notre travail. Quand nous lui avons reproché de tarder à prendre des décisions de suspension et de retrait de médicament, cela a été peu apprécié.

M. Pierre Morange, coprésident : Pouvez-vous, madame Ruellan, nous fournir des précisions sur les effets des déremboursements ? Il semble que vous ayez eu quelques difficultés à en mesurer tout l’impact.

Pouvez-vous également affiner le chiffrage de l’économie potentielle attendue de l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments génériques ?

Mme Rolande Ruellan : Les effets financiers des économies réalisées du fait des déremboursements sont difficiles à séparer de l’impact de la maîtrise médicalisée. L’administration, comme la CNAMTS, ne les distinguent pas toujours clairement dans leur bilan. De plus, certains plans médicament, prévus pour s’étaler sur plusieurs années, combinent plusieurs mesures qui interagissent les unes avec les autres.

M. Michel Braunstein : Les chiffres indiqués dans le rapport proviennent de la direction de la sécurité sociale (DSS). La Cour n’a pas procédé à des vérifications particulières.

Mme Stéphanie Bigas : Les chiffres de la DSS cités dans le rapport distinguent l’effet prix, l’effet structure et l’effet volume.

Mme Rolande Ruellan : Quant aux nouveaux génériques, la Cour n’a pas fait de prévisions sur les économies futures liées à la croissance de ce marché. C’est une idée d’étude intéressante, compte tenu du nombre de brevets qui vont tomber dans le domaine public.

Il sera d’autant plus important d’éviter les contournements. L’AMM obéit à des critères très objectifs et ne permet pas actuellement de faire des comparaisons et des sélections. Il faudra donc être très vigilant au niveau de l’admission au remboursement. Cela nécessitera de la part de la commission de la transparence et ensuite du ministre, puisque c’est lui qui décide de l’inscription sur la liste, une politique sélective en la matière.

M. Jean Mallot, coprésident : Existe-t-il un mécanisme qui permet d’avoir la conviction que la charge sur l’entreprise de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments n’est pas répercutée in fine sur le consommateur lors de la fixation des prix ?

Mme Rolande Ruellan : Les prix des médicaments remboursés sont réglementés. Ils sont d’ailleurs de plus en plus souvent fixés en référence aux niveaux de prix européen, voire international. Par contre, les prix des médicaments non remboursés étant libres, les laboratoires font ce qu’ils veulent.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous vous remercions, mesdames, monsieur.

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