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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 29 mai 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

Auditions, ouvertes à la presse, sur les affections de longue durée

– M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur en charge du financement du système de soins

– M. Robert Nicodème, membre du Conseil national de l’Ordre des médecins

– M. Christian Saout, président du bureau du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), M. Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques (AFD), M. Christophe Duguet, chargé de mission à l’Association française contre les myopathies (AFM), Mme Nathalie Tellier, chargée de mission à l’Union nationale des associations familiales (UNAF), et M. Thierry Saniez, délégué général de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative et M. Jean-Philippe Vinquant, sous-directeur en charge du financement du système de soins.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ainsi que l’un de ses collaborateurs, M. Jean-Philippe Vinquant.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La Haute Autorité de santé (HAS) ainsi que le haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) ayant déjà engagé un certain nombre de réflexions sur les affections de longue durée (ALD), il nous importe aujourd’hui de connaître celles de la direction de la sécurité sociale (DSS) en la matière. Faut-il, par exemple, réviser la liste des ALD ainsi que les critères d’admission au sein de ce dispositif et de sortie de celui-ci ?

M. Dominique Libault : La DSS réfléchit depuis longtemps à ce système d’exonération de la participation financière des assurés sur critère médical. Je rappelle que le haut comité médical de la sécurité sociale, avant la réforme de 2004, avait déjà pour mission de délimiter le périmètre des ALD. Les problèmes liés à la charge financière que représentent ces affections pour le régime général – 9 millions de personnes sont concernées – font que ce dernier pourrait être exclusivement consacré, à terme, à la seule prévoyance des risques de maladies lourdes. Dans ce cas, les assurés devraient cotiser sans obtenir de retours significatifs sur les soins courants pendant de nombreuses années, les ALD étant statistiquement plus fréquentes au fur et à mesure que l’on avance en âge. Or, je considère, à titre personnel, que cette situation serait très délicate.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous une connaissance exhaustive du « reste à charge » pour l’ensemble de la population ?

M. Dominique Libault : Des études ont été publiées, notamment un rapport du HCAAM en 2007, montrant que le « reste à charge » lié aux ALD n’est pas absolument équitable pour l’ensemble des cotisants. Nous ne disposons pas pour autant d’études exhaustives qui tiendraient compte par exemple des dépassements d’honoraires.

Par ailleurs, le critère de coût pour bénéficier du système ALD – dont je rappelle qu’il implique en effet de subir une maladie « longue et coûteuse » – n’est pas toujours respecté.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce rapport de 2007 cite en effet un certain nombre de cas témoignant de ce que le « reste à charge » n’est pas toujours équitablement réparti.

M. Dominique Libault : Ce rapport est le plus complet sur cette question. Mais le « reste à charge » est également lié à l’affiliation – ou non – à une assurance complémentaire, dont bénéficient 92 à 93 % des Français. Un vrai problème se pose pour les 7 à 8 % restant, d’où la volonté de développer encore plus l’assurance maladie complémentaire (AMC).

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Combien de personnes en ALD ne disposent-elles plus de l’AMC, nombre d’entre elles ayant tendance à se « démutualiser » ?

M. Dominique Libault : Environ 89 % des personnes en ALD disposent d’une AMC. Le rapport sur le bouclier sanitaire, présenté par MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet, montre en outre que plus la population vieillit, moins elle en dispose.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Faudrait-il responsabiliser ces patients en leur signalant qu’il serait souhaitable qu’ils conservent leur AMC ?

M. Dominique Libault : On ne peut en effet faire l’économie de l’AMC et surtout pas lorsque le patient bénéficie du régime ALD où le remboursement à 100 % ne vaut que pour la pathologie principale. Nous disposerions, en outre, de marges de manœuvre plus importantes si la quasi-totalité de la population était couverte en AMO (assurance maladie obligatoire) et en AMC. Quoi qu’il en soit, nous devons rester très vigilants sur le « reste à charge ».

La réforme des ALD, prévue par la loi du 13 août 2004, revêtait trois aspects : une meilleure gestion des entrées et des sorties – d’où la création de la commission ALD auprès de la HAS qui a permis notamment d’élaborer des critères plus efficaces en matière d’ALD psychiatriques –, la « protocolisation » – laquelle concerne la qualité de la prise en charge et la responsabilisation des rapports entre patients et médecins – enfin, le renforcement de l’ordonnance bizone. Le bilan global est assez mitigé mais il est vrai qu’il faut laisser du temps au temps. Sur le premier point, la HAS a fait des propositions très intéressantes, notamment en matière de critères d’admission. Il n’en est pas de même s’agissant des sorties car une personne ayant eu une seule affection coronarienne peut aujourd’hui rester en ALD toute sa vie.

Sans doute gagnerait-on, enfin, à réfléchir au critère du coût.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Les critères d’entrée n’ont pas été modifiés depuis de nombreuses années.

M. Dominique Libault : À l’exception des ALD psychiatriques.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Les pathologies et les moyens de traitement ayant eux évolué, ne serait-il pas possible d’établir un calendrier de révision des 30 ALD répertoriées ?

M. Dominique Libault : C’est précisément ce qu’a fait la commission ALD de la HAS pour 18 d’entre elles en proposant par exemple que l’hypertension artérielle soit exclue de cette nomenclature. Maintenant, la balle est dans le camp du Gouvernement. Par ailleurs, je le répète, des résultats positifs ont été obtenus en psychiatrie, ce qui est très encourageant. Même si l’on peut envisager favorablement un changement de paradigme en mettant fin par exemple à l’exonération sur critère médical, je pense que des progrès sensibles peuvent encore être apportés à la gestion des entrées et des sorties en ALD. Lorsque des critères encore plus précis auront été définis, il faudra bien entendu améliorer les contrôles en fonction des différentes situations des territoires.

Enfin, les médecins considèrent que, sur le plan administratif, la mise sous ALD alourdit considérablement leur travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : C’est tout à fait vrai.

M. Dominique Libault : Ne pourrait-on pas déléguer celle-ci aux médecins traitants dans le cadre de contrats individuels, quitte à ce que ces praticiens soient évalués annuellement sur leur pratique en la matière ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Les dispositions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 devraient le permettre.

M. Dominique Libault : Certes, mais encore faut-il les appliquer. Nous y travaillons quant à nous d’arrache-pied, tout comme aux expérimentations de nouveaux modes de rémunération.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Dans combien de temps cela sera-t-il effectif ?

M. Jean-Philippe Vinquant : L’article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 concernant le contrat individuel doit faire l’objet d’un décret simple fixant le délai de non-opposition des ministres au contrat proposé par le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Actuellement au contreseing ministériel, il sera publié prochainement au Journal officiel. Ce contrat contiendra des éléments relatifs à la qualité des pratiques médicales, notamment à la prévention avec un ciblage des pathologies identifiées dans la loi du 9 août 2004 relative à la santé publique, ainsi que des objectifs d’efficience de la prescription. L’article 44 concerne, quant à lui, l’expérimentation de rémunérations autres qu’à l’acte notamment dans le cadre d’activités menées par des groupes de professionnels en maisons de santé libérales ou en centres de santé. Un décret en indiquant les modalités ainsi que les projets retenus par les missions régionales de santé devrait également être pris mais nous avons quant à nous choisi de prendre le temps de la concertation en créant un comité de pilotage comprenant, outre la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), six représentants de l’Union nationale des professionnels de santé. Enfin, afin d’éviter toute déconvenue financière pour les médecins, nous avons demandé à un consultant d’élaborer le modèle économique résultant de ces nouvelles rémunérations – paiement à la performance ou part de capitation par exemple.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu’en est-il des délais ?

M. Jean-Philippe Vinquant : C’est une telle révolution qu’il semble préférable de prendre le temps nécessaire à une bonne préparation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel est votre pronostic sur ce point ?

M. Dominique Libault : Comme vous, je souhaiterais que tout ceci soit mis en place le plus tôt possible. En l’occurrence, je milite pour que ces expérimentations commencent d’ici la fin de l’année, même s’il est vrai que le temps de la concertation est nécessaire.

M. Pierre Morange, coprésident : On peut en tout cas espérer que le délai ne sera pas aussi long que celui qui paraît nécessaire pour élaborer le décret sur le numéro identifiant unique et le partage des données sociales et fiscales, si vous voyez ce que je veux dire, Monsieur le directeur…

M. Dominique Libault : Je vois très bien…

M. Pierre Morange, coprésident : Les moyens affectés à l’assurance maladie afin d’évaluer ce dispositif seront-ils suffisants ?

M. Dominique Libault : Nous partons de très loin et nous ne disposons pas encore des moyens adéquats. Outre qu’un travail important de reconversion des organismes et des personnels est nécessaire, il est difficile de trouver des collaborateurs correctement formés. Il importe également de faire évoluer les missions des médecins conseils au sein de l’assurance maladie afin qu’ils puissent faire de l’évaluation. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre.

M. Pierre Morange, coprésident : Sur les 1 200 médecins conseils, certains sont affectés à la gestion des ressources humaines alors qu’ils seraient mieux employés à faire ce pour quoi ils ont été formés.

M. Dominique Libault : Assurément.

Mme Catherine Lemorton : On aurait tort de prendre au pied de la lettre le chiffre de 92 % de personnes disposant d’une AMC, compte tenu de la complexité des « restes à charge » et des différents types de contrats proposés : les disparités sont grandes, en effet, en fonction des contrats conclus et des moyens des personnes. Il en va de même s’agissant des 11 % de personnes en ALD ne disposant par d’AMC : au-delà du réflexe « prise en charge à 100 % », ne convient-il pas de se poser la question de la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de vie ? Des patients, en effet, se font prescrire des soins qui n’ont rien à voir avec leur ALD faute d’avoir les moyens de disposer d’une mutuelle.

M. Dominique Libault : Vous avez d’autant plus raison sur le premier point que nous connaissons tous non seulement la diversité mais aussi, parfois, l’opacité des contrats d’AMC. Je ne crois pas, par ailleurs, que nous devions inciter les mutuelles à prendre en charge les dépassements d’honoraires, ce qui reviendrait à encourager ces derniers. En ce qui me concerne, j’ai proposé aux organismes complémentaires un « contrat repère » destiné à clarifier ce maquis.

Sur le second point, je crois qu’il faut surtout tenir compte de la participation des entreprises aux cotisations d’assurance maladie complémentaire et du fait que, au moment de leur départ en retraite, nombre de salariés renoncent à financer seuls leur AMC. La loi du 31 décembre 1989, dite « loi Evin », avait essayé de prendre en compte ce problème mais elle semble difficile à appliquer.

Enfin, compte tenu de leurs revenus, des retraités pourraient bénéficier de l’aide à la complémentaire santé. Nous essayons de mieux les informer de leurs droits grâce notamment à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Il est en effet essentiel d’informer les assurés, y compris ceux qui sont en ALD, sur le risque qu’il y a à abandonner l’AMC.

Que pensez-vous par ailleurs de l’éventualité d’un « bouclier sanitaire » ? Comment le mettre en place ? Comment envisager au mieux le passage d’un système à l’autre ?

M. Dominique Libault : C’est un concept séduisant, rationnel, intéressant et stimulant. Néanmoins, je répète que le système ALD n’est absolument pas irréformable, même si ses limites sont patentes en raison du vieillissement de la population, donc, d’un accroissement du nombre des patients qui en bénéficieront mais aussi parce que l’équité n’est pas parfaite en matière de « reste à charge ». Pour être viable, le bouclier devra être élaboré certes en fonction du « reste à charge » mais aussi des revenus. Un changement aussi radical de paradigme requiert de nombreuses simulations et une longue maturation de manière à ce que l’ensemble des acteurs y soit associé. En outre, il faut prendre garde à ses incidences financières, sauf à garantir que les personnes en ALD ne paieront pas plus et que les autres seront encore mieux protégées. Un travail d’expertise s’impose donc. Enfin, l’impact de ce système sur les AMC sera très fort.

M. Jean Mallot, coprésident : Disposez-vous de tous les éléments nécessaires à la réalisation de ces simulations ?

M. Dominique Libault : Non, notamment pas de ceux liés aux dépassements d’honoraires. Néanmoins, je le répète, faut-il les prendre en compte ? Cela n’entraînerait-il pas leur généralisation ?

La phase de transition sera de surcroît très complexe et des questions se poseront également quant aux délais de réalisation, cette opération étant particulièrement lourde pour les systèmes d’information.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le rapport de MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet évoque la date de 2010.

M. Dominique Libault : En effet, mais il aurait fallu pour cela que la décision de mise en œuvre du bouclier ait été déjà prise et encore M. Briet a-t-il indiqué ne pas avoir disposé de l’ensemble des éléments du dossier. En outre, la prise en compte des revenus peut encore ralentir le processus. Je me demande, enfin, s’il ne faudrait pas rationaliser l’organisation de la gestion administrative de l’assurance maladie afin de mieux répondre aux exigences de ce nouveau système.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La MECSS a déjà fait un rapport à ce sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Il a d’ailleurs été suivi en partie en assurant le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Ainsi que la fusion de certaines caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Exactement, même si c’est après une analyse à géométrie variable.

M. Dominique Libault : J’ai encore signé cette semaine des arrêtés de fusion, notamment dans la branche « recouvrement », qui est la plus avancée dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quelles suggestions pouvez-vous faire pour améliorer le système actuel ? Faut-il de nouveaux critères d’admission et un meilleur suivi par les caisses et les médecins traitants ? Est-il possible d’entrer, de sortir et de rentrer à nouveau dans le système ALD plutôt que d’y rester pendant des années ?

M. Dominique Libault : Une meilleure gestion des entrées sur critères médicaux rénovés est en effet souhaitable de même que la vérification de l’homogénéité de leur application sur l’ensemble du territoire. S’agissant des sorties, je crois qu’il faut faire intervenir le critère du coût, lequel peut donc baisser après la phase aiguë de la maladie. Les patients doivent par ailleurs comprendre que la sortie du système ALD n’implique en rien une déficience du suivi – d’où les questions des contrats individuels avec les médecins ainsi que des rémunérations. En outre, les patients peuvent avoir intérêt à sortir du système ALD pour bénéficier de contrats d’assurance qui leur sont parfois refusés. Enfin, un meilleur suivi des patients en ALD devrait permettre de réviser plus régulièrement leur situation en fonction des soins dont ils bénéficient de manière à examiner la raison d’être de leur maintien.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Cela implique-t-il de fixer un seuil financier ?

M. Dominique Libault : Sur une « maladie longue et coûteuse » il faut bien en effet disposer d’une appréciation financière.

M. Gérard Bapt : Par rapport à quoi ?

M. Dominique Libault : On peut en tout cas réfléchir à l’idée de savoir s’il faut ou non donner plus d’importance à ce critère car il ne faut pas imposer un « reste à charge » trop élevé. La délégation de la mise en ALD au médecin traitant dans le cadre d’un contrat me semble également intéressante afin de mieux gérer les entrées et les sorties.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu’en est-il de la montée en charge du plan 2007-2011 sur l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladie chronique ? Quid de l’éducation thérapeutique des patients ?

M. Dominique Libault : Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a installé le 29 novembre dernier le comité de suivi de ce plan, que préside Mme Marie-Thérèse Boisseau. Quatre groupes de travail ont été créés : programme d’accompagnement des patients à l’éducation thérapeutique, rôle des aidants, accompagnement social des patients, proximité avec le terrain. Des actions ont par ailleurs été menées afin d’intégrer l’éducation thérapeutique dans la formation médicale.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais, plus précisément, qu’en est-il sur le terrain ? Existe-t-il un calendrier de la montée en puissance de ce plan en particulier en faveur de l’éducation thérapeutique des patients, que ce soit à l’hôpital ou en ville ?

M. Dominique Libault : La CNAMTS intervient dans le cadre du programme sophia qui propose une expérimentation dans dix départements autour des problèmes liés au diabète. C’est une évolution très novatrice de l’assurance maladie. Par ailleurs, afin d’éviter les conséquences des lésions des pieds chez les patients diabétiques, il vient d’être décidé le remboursement des séances de soins et de prévention effectuées par les pédicures-podologues en faveur des patients présentant un risque élevé.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce qui permet de réduire considérablement le nombre d’amputations.

M. Dominique Libault : Nous travaillons aussi auprès des maisons pluridisciplinaires de santé afin de faire émerger de nouvelles formes de prises en charge et d’accompagnements. C’est ainsi que, hors du système hospitalier, elles pourront prendre en charge l’éducation thérapeutique.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes encore dans une phase d’expérimentation.

M. Dominique Libault : Enfin, nous travaillons sur les tarifications et le contrat individuel.

M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous d’un calendrier programmatique de généralisation du dispositif ?

M. Dominique Libault : La réalisation globale du plan ne dépendant pas de la direction de la sécurité sociale, je ne puis vous répondre.

J’insiste sur le caractère fondamental de la prévention. Il faut agir sur le plan de l’éducation, bien entendu, mais nous travaillons aussi, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion de la branche famille, sur l’action sociale de la branche dans le domaine de la nutrition en particulier. Nous souhaitons aussi que les autres branches participent à cet effort. Enfin, nous réfléchissons à des fiscalités comportementales telles que la taxe nutritionnelle.

M. Jean Mallot, coprésident : Comment améliorer le système actuel à moyen terme, si l’on exclut par exemple le bouclier sanitaire ?

M. Dominique Libault : Il est possible de travailler sur la définition des critères médicaux d’entrée et de sortie ou sur la responsabilisation du médecin. Par ailleurs, l’ordonnance bizone a permis de réaliser 80 millions d’euros d’économie par an. Enfin, nous travaillons sur la liquidation médicalisée. Il est donc bel et bien possible de modérer la croissance des dépenses de santé.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles économies pourraient-elles être réalisées à travers la liquidation médicalisée ? Quel est le calendrier prévu ?

M. Dominique Libault : Il faut tenir compte de la nécessaire concertation autour des différents critères, de même que des délais liés à la mise en place des systèmes d’information. À mon sens, ce sont des dizaines voire des centaines de millions qui sont en jeu chaque année.

M. Gérard Bapt : Environ 85 % de l’augmentation des dépenses de santé provient des ALD, or, sur la base d’une étude concernant la non prise en charge en ALD des diabètes équilibrés et non compliqués, le directeur de la CNAMTS a indiqué ne guère croire à la réforme du système d’entrée dans les ALD compte tenu du caractère infinitésimal des économies réalisées. Ne conviendrait-il donc pas plutôt de mettre en place un parcours de soin individualisé prenant en charge les maladies chroniques ?

M. Jean-Luc Préel : Si le toilettage du système des ALD est utile, il me semble que le principal objectif doit être de réaliser des économies. Or, quelles économies escomptez-vous en révisant les critères d’entrée et de sortie, sachant par exemple que le traitement d’un diabète équilibré ne coûte pas grand-chose, de même que celui d’un cancéreux guéri ? De surcroît, la tentation est forte de reporter un certain nombre de coûts sur les AMC mais outre que les contrats sont en effet très divers, souscrire un contrat individuel à partir d’un certain âge coûte très cher – les mutuelles, au final, « mutualisant » fort peu. Enfin, puisque les problèmes liés au pouvoir d’achat sont souvent évoqués, quelle est, sur ce plan, la différence entre une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et de l’assurance complémentaire ?

M. Dominique Libault : Dans le cadre du régime de base, la tarification est proportionnelle au revenu mais les assurances complémentaires, elles, élaborent leurs tarifs en fonction du risque et de l’âge.

M. Jean-Luc Préel : Ce qui n’est guère solidaire.

M. Dominique Libault : Les tarifications sont à peu près comparables malgré la concurrence puisque aucune mutuelle ne tient à perdre une clientèle jeune, en bonne santé et solvable. Les limites d’un report de l’AMO vers l’AMC sont donc patentes. Le système ALD, toutes choses égales par ailleurs, implique une plus grande prise en charge des coûts par l’AMO que par l’AMC. L’essentiel n’est donc pas tant un report des coûts que leur stabilisation.

Il faut prendre en compte deux faits : le vieillissement de la population et le progrès médical. Il est donc assez logique que le poids des pathologies lourdes ne cesse de croître. Le problème essentiel est de parvenir à sauver notre système grâce à une meilleure maîtrise des dépenses et, en la matière, il n’y a pas de petites économies.

M. Pierre Morange, coprésident : Merci pour votre intervention et pour cette conclusion qui nous invite à la modestie mais aussi à la ténacité.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a ensuite procédé à l’audition de M. Robert Nicodème, membre du Conseil national de l’Ordre des médecins.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Robert Nicodème, membre du Conseil national de l’Ordre des médecins.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L’Ordre des médecins a engagé une réflexion sur la prise en charge des affections de longue durée (ALD). Quelles sont les principales pistes suivies en la matière ? Qu’envisage-t-il en particulier pour mieux maîtriser l’évolution des dépenses de santé liées aux ALD ? Faut-il reconsidérer la liste de ces dernières de même que les critères d’admission, de suivi et de maintien en ALD ainsi que ceux de sortie ?

Quant au système existant, convient-il de l’améliorer ou, comme le préconise la Haute Autorité de santé (HAS), de mettre en place un mécanisme de plafonnement du reste à charge en fonction des revenus, de type bouclier sanitaire ?

M. Robert Nicodème : J’aborderai la question des affections de longue durée en faisant part d’un exemple tiré de ma pratique médicale. Parmi les trois patients en ALD souffrant de néoplasie que je recevais hier dans mon cabinet, le premier venait pour apprendre qu’il était affecté d’une affection de longue durée, et les deux autres pour suivre un traitement préventif, l’un souffrant d’un risque cardiovasculaire après un cancer de la prostate, l’autre d’une maladie métabolique après un cancer du sein.

Alors que la prise en charge à 100 % en ALD du premier patient m’a permis d’éviter une difficile discussion financière qui serait venue s’ajouter à la souffrance physique et morale du malade, j’ai considéré, s’agissant des traitements préventifs des deux autres, qu’ils devaient également relever d’une prise en charge en ALD. Il m’a semblé en effet impossible de distinguer dans ma consultation, même si elle était, dans les deux derniers cas, consacrée en majorité à autre chose qu’à l’ALD elle-même, entre ce qui relève de l’ALD et ce qui a trait à la surveillance cancérologique.

Dans ces conditions, on peut préférer soit optimiser le système actuel de prise en charge, sachant qu’il faudra alors faire des choix car la santé, comme le pétrole, coûte de plus en plus cher, soit réfléchir à un autre système. Dans tous les cas, les solutions seront différentes selon que l’objectif visé est financier, médical ou social.

Encore faut-il, pour faire des choix, disposer d’études fiables, scientifiquement validées. Or tel n’est pas le cas, alors que toutes les ALD ne se ressemblent pas. Pourtant, on dispose en France non pas de douze ou de quinze systèmes d’assurance maladie sans cohérence entre eux, comme en Hollande, mais d’un seul, l’assurance maladie – laquelle devra d’ailleurs réaliser des progrès dans ses relations avec le monde médical : les jeunes médecins ne veulent plus s’installer en médecine générale car ils ne veulent pas de paperasserie.

Les études pourraient distinguer selon les grands types de pathologies.

Premièrement, les maladies cardiovasculaires et métaboliques, qui sont dues notamment au cholestérol ou au diabète. À cet égard, si les six ou sept médicaments inhibiteurs de la pompe à protons – IPP – traitant les ulcères ou les gastrites ont la même efficacité, c’est le plus cher qui est le plus vendu. Il conviendrait donc, comme dans les hôpitaux, d’en choisir un. Le patient, en acceptant d’être pris en charge par la société, doit en effet consentir à prendre le médicament que celle-ci lui propose. Il s’agit de maladies dans lesquelles la charge émotionnelle n’est pas très importante : elles sont acceptées, car les patients ne se sentent pas pour autant diminués sur le plan social.

Deuxièmement, les maladies cancéreuses. Si le retentissement psychosocial est plus grand que pour les précédentes, les critères d’entrée et de sortie sont, en revanche, faciles à définir.

Troisièmement, les maladies psychiatriques, pour lesquelles le comportement du patient ne peut être mis en cause : le fait de ne pas se soigner fait partie de la maladie.

Quatrièmement, les maladies dégénératives, qui provoquent un vieillissement prématuré de l’organisme – Parkinson, sclérose en plaques, Alzheimer, etc. Elles ont un grand retentissement dans la population et l’image de l’organisation des soins est donc majeure.

Cinquièmement, les maladies infectieuses chroniques – VIH, hépatites, etc.

Sachant que la réalité est complexe – un patient peut souffrir à la fois d’une ALD et d’une autre affection –, l’Ordre propose, pour la prise en charge des ALD, d’une part, un accès aux soins dans les mêmes conditions pour tous et dans le respect de procédures clairement identifiées, d’autre part, une liberté de choix, enfin, un respect de la volonté des patients – ce qui pose d’ailleurs la question de l’éducation thérapeutique et de la responsabilité de ces derniers.

À cet égard, un patient diabétique qui ne suit pas son régime alimentaire doit-il être sorti du dispositif ALD ? Humainement, c’est impossible, même s’il arrive que des malades ne demandent pas leur prise en charge en ALD, préférant vivre comme ils le désirent.

En Grande-Bretagne, lorsqu’un patient atteint d’une maladie cardiovasculaire continue à fumer, un comité se réunit pour décider, dans le cas où le malade s’obstinerait, si on doit ou non l’opérer du cœur. Peut-on en France, sur le plan éthique, tenir le même raisonnement ? En d’autres termes, ne doit-on pas donner toutes ses chances à celui qui accepte la procédure, et essayer par ailleurs de convaincre l’autre ?

M. Jean-Luc Préel : Faut-il comprendre que le fumeur atteint d’un cancer du poumon devra payer pour son traitement et que la femme atteinte d’un cancer du sein qui aura refusé de se plier au dépistage ne sera pas soignée ?

M. Robert Nicodème : Tout le monde, bien entendu, doit être soigné. Je ne fais que poser des questions, afin de montrer combien la responsabilisation des patients est difficile, voire impossible, comme me l’ont démontré mes trente-cinq ans de pratique.

Chacun le sait, peser dix kilos de plus que son poids normal, c’est se donner dix ans de moins de vie normale. Pourtant, les personnes trop grosses continuent souvent à trop manger.

M. Pierre Morange, coprésident : Le droit des malades est un vrai débat de société sur lequel nous reviendrons sans nul doute avec M. Christian Saout, président du bureau du Collectif interassociatif sur la santé, qui sera auditionné à votre suite.

M. Robert Nicodème : J’en viens au rôle du médecin traitant selon les grands types de pathologies. Autant son rôle pluridisciplinaire sera simple s’agissant des maladies cardiovasculaires ou cancéreuses, autant il ne serait pas éthique de lui faire jouer un rôle de sanction ou de normalisation de sa clientèle – sous forme de primes ou autres – dans le cas où une éducation thérapeutique serait proposée aux patients souffrant de maladies métaboliques.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L’Ordre des médecins dispose-t-il d’informations concernant les pratiques professionnelles des médecins en matière d’ALD ?

M. Robert Nicodème : Ce sont justement de telles études qui manquent. Prenez l’exemple de cet étudiant qui, devant un problème digestif d’un malade, proposait de faire une échographie avant même de palper le ventre : aucune étude ne permet de connaître la valeur de la palpation abdominale dans une situation de douleur abdominale chronique.

M. Jean-Luc Préel : D’autant que, dans cet exemple, l’interrogatoire du malade aurait peut-être suffi à lui-même en montrant que les douleurs abdominales sont dues à des problèmes familiaux ou professionnels. C’est là tout le problème de sélectionner des étudiants sur des critères scientifiques et non sur des capacités d’analyse, de synthèse et d’écoute.

M. Robert Nicodème : Les médecins sont à mon avis bien formés, même si le système peut toujours être amélioré – c’est d’ailleurs ce à quoi je me consacre depuis de nombreuses années. Ce sont des médecins formés à la technologie moderne mais qui, pour autant, procèdent à des examens normaux.

M. Jean-Luc Préel : Proposer une IRM d’emblée, c’est un examen normal ?

M. Robert Nicodème : Je ne faisais que citer l’exemple d’un étudiant.

M. Pierre Morange, coprésident : Un partage de la pédagogie a-t-il été envisagé entre les deux grands acteurs que sont les associations de patients et les praticiens ?

M. Robert Nicodème : Il convient de distinguer dans une consultation la partie purement médicale, qui appartient au médecin, de la partie organisation des soins qui doit être envisagée avec les associations de patients. À cet égard, il faut, pour que l’éducation thérapeutique soit réussie, que le patient connaisse sa maladie en parlant de celle-ci avec son médecin, puis qu’il se l’approprie, c’est-à-dire qu’il devienne un acteur du soin de sa maladie. Malheureusement, les associations de patients très actives en matière d’éducation thérapeutique ne touchent qu’une petite partie des patients atteints de maladies chroniques - diabète, hypertension, affections dégénératives, etc.

L’éducation thérapeutique a également un rôle à jouer en matière de prévention. En effet, si l’on est diabétique lorsque la glycémie à jeun est supérieure à 1,24 gramme par litre deux fois dans le mois et que le taux d’hémoglobine est supérieur à 6 %, certains diabétiques, qui se sentent très bien, vivent sans comprendre qu’ils sont malades : la santé, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé – OMS –, n’est-elle pas en effet « un état de complet bien-être physique, mental et social » ? Pour ces personnes, qu’il faudrait médicaliser, le rôle préventif de l’éducation thérapeutique serait bien utile.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Selon leur définition, les ALD sont des maladies longues et coûteuses. Or, du fait des traitements nouveaux, certaines affections peuvent être guéries tandis que d’autres restent longues, mais sans être coûteuses. La réflexion sur une nouvelle définition des ALD, doit-elle chercher à concilier le critère médical et le critère économique ou à les prendre en compte séparément ?

M. Robert Nicodème : Pour les patients et les médecins, le dispositif ALD a prouvé toute sa valeur. Aujourd’hui, dès qu’un traitement débute, le diabétique, par exemple, entre dans le dispositif.

Il est vrai que l’on pourrait parfois s’interroger sur l’intérêt de prescrire, dans certains cas de diabète, un comprimé glucophage plutôt que de simples mesures hygiéno-diététiques. En tout cas, si l’on doit ouvrir moins grand la porte d’entrée du dispositif, des études sérieuses, portant au moins sur cinq ans, doivent auparavant prouver que le nombre d’accidents vasculaires cérébraux ou d’infarctus n’augmenterait pas.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La définition des ALD en tant que maladies longues et coûteuses doit-elle être reconsidérée ?

M. Robert Nicodème : L’objectif de la prise en charge, c’est d’abord d’éliminer les événements indésirables, par exemple l’infarctus pour le diabétique. Or certains patients prennent conscience de leur maladie par l’intermédiaire de l’événement indésirable. L’aspect prévention du dispositif est donc essentiel.

Quant à la définition elle-même des ALD, il faut savoir que nos définitions des maladies métaboliques ne correspondent pas toujours à celles de l’OMS, comme dans le cas du diabète.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L’Ordre a-t-il évoqué l’éventualité d’un bouclier sanitaire, c’est-à-dire d’un mécanisme de plafonnement du reste à charge en fonction des revenus ?

M. Robert Nicodème : Il y a eu débat sur ce point, mais aucune décision n’a été prise en la matière.

Le problème tient à l’égalité devant la maladie. Or qu’il s’agisse de celui qui peut payer les soins ou de celui que la société doit aider, tous les deux, in fine, seront bien soignés. Cependant, il s’agit là d’une discussion sociétale et non pas médicale.

M. Pierre Morange, coprésident : Monsieur le professeur, je vous remercie, au nom de la MECSS, pour ces réflexions tirées d’une grande expérience.

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La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a enfin procédé à l’audition de M. Christian Saout, président du bureau du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), M. Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques (AFD), M. Christophe Duguet, chargé de mission à l’Association française contre les myopathies (AFM), Mme Nathalie Tellier, chargée de mission à l’Union nationale des associations familiales (UNAF), et M. Thierry Saniez, délégué général de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV).

M. Pierre Morange, coprésident : Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Mesdames, messieurs, les associations que vous représentez sont-elles impliquées dans la réflexion engagée sur la prise en charge des affections de longue durée (ALD) ? Faut-il à cet égard reconsidérer la définition de ces dernières donc réviser leur liste ainsi que les critères d’admission et de maintien en ALD et ceux de sortie ?

S’agissant de la prise en charge financière des ALD, convient-il de garder le système actuel en l’améliorant ou faut-il un mécanisme de plafonnement du reste à charge, en fonction des revenus ?

M. Christian Saout : Le Collectif est intervenu sur la question de la prise en charge des affections de longue durée, soit parce qu’il était directement consulté – ce qui fut le cas avec la Haute Autorité de santé (HAS) –, soit parce que ses représentants sont également membres d’institutions qui se sont prononcées sur les ALD, tel le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Pour sa part, le CISS ne mène pas de discussion directement avec les pouvoirs publics sur le sujet, même si celui-ci peut être évoqué à l’occasion de différentes réunions.

Par ailleurs, si le Collectif a organisé des discussions en interne sur le bouclier sanitaire, les analyses des différentes associations ont été par trop divergentes pour qu’il puisse présenter une position commune sur ce point. Après la première étape, d’ordre conceptuel, et la deuxième, la mission confiée à MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard sur la faisabilité du bouclier sanitaire, il en manque une troisième, celle de l’acceptabilité sociale de ce dernier, à laquelle la MECSS peut concourir.

Selon MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard, le bouclier peut être mis en œuvre dans un délai de deux ans après que son lancement aura été décidé. Pour autant, plusieurs paramètres ne le rendent pas aujourd’hui acceptable.

D’une part, la suspicion est forte, surtout après l’institution des franchises et l’annonce de transferts de charge importants à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’autant que si les franchises ont touché un nombre élevé de personnes, le bouclier sanitaire concerne, lui, huit millions de personnes mais 60 % des remboursements de la sécurité sociale.

D’autre part, le sujet n’est pas de savoir comment en finir avec les ALD, mais comment améliorer la prise en charge des Français en situation de maladie de longue durée. Aujourd’hui, le dispositif ALD est un mécanisme économique. Le protocole de soins et l’ordonnance bizone sont en effet conceptuellement très pauvres quant aux notions de qualité et de pédagogie de la prise en charge et d’accompagnement de la personne. Dans la pratique ce sont ainsi les patients qui coordonnent les médecins et non les médecins qui coordonnent les soins.

La réponse au problème posé par les maladies chroniques passe donc par une approche globale avec la mise en place de plans de soins coordonnés. Or, le bouclier sanitaire semble avoir plus été conçu pour résoudre l’équation économique des ALD que pour améliorer la qualité de la prise en charge.

Enfin, l’étude de MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard, en ne traitant pas des dépassements d’honoraires, laisse penser que le bouclier est d’emblée « percé », faute d’encadrement. Le CISS rendra d’ailleurs publique, le 4 juin prochain, une enquête sur les dépassements, menée dans les 80 caisses primaires d’assurance maladie – sur 109 – dans lesquelles il est présent. Le fait que la quinzaine de réponses obtenues porte sur le secteur 1, là où le dépassement n’est pas autorisé, montre que la complicité entre l’assurance maladie et les médecins en matière de dépassements a quelque réalité.

Il n’est donc pas question de prendre position tant que l’on ne saura pas de quel bouclier sanitaire il s’agit et les conditions dans lesquelles il sera mis en œuvre.

L’approche qualitative des ALD devrait d’ailleurs être envisagée de manière « contractuelle », car l’on ne peut responsabiliser les patients qu’à trois conditions :

– L’information du malade  il n’existe pas en effet dans notre pays, en dépit de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, dite « loi Kouchner », d’information digne de ce nom, comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis ;

– La motivation et la mobilisation du patient pour se traiter, sachant qu’un tel objectif ne peut être atteint par la mise en place de plates-formes téléphoniques, mais par le contact, ce que l’on appelle le temps médical  à cet égard, s’il est difficile en France de pratiquer des soins sans médecin, le temps non médical pourrait être facilité avec la création de nouvelles professions favorisant la relation de soins ;

– Enfin, la résolution des obstacles socio-environnementaux, afin que le malade puisse suivre son protocole de prise en charge. Il n’est pas facile en effet, lorsque l’on est à la rue, de prendre un médicament rétroviral qui doit être conservé au frais.

M. Gérard Raymond : Le système de santé ne pourra être transformé au moyen d’une simple approche économique, comme le propose la HAS avec le bouclier sanitaire. Un plan de prise en charge globale médico-sociale est préférable, car les malades atteints de maladies chroniques en souffriront toute leur vie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Pas obligatoirement.

M. Gérard Raymond : Ou tout au moins une grande partie de leur vie. Mon attention est, il est vrai, par trop focalisée sur le diabète.

Ce qui importe, c’est de définir à la fois la maladie chronique, le moment où se déclenche alors la solidarité nationale et le contenu de la prise en charge médico-sociale, en différenciant ce qui relève du soin de ce qui se rapporte à la qualité de vie. On ne pourra en effet rendre les patients responsables, ou plutôt acteurs, de leur propre santé que si l’on construit avec eux un projet de vie. C’est à cette condition que peut être mis en place un projet thérapeutique, dont le soin ne représente qu’une partie.

Une vision globale de tous les acteurs est donc nécessaire, qu’il s’agisse des patients, des médecins, qu’il convient également de responsabiliser et non pas seulement d’inciter, ou encore de l’assurance maladie. En effet, la loi du 13 août 2004 a fait de cette dernière un véritable acteur de santé, en permettant également aux associations de patients de devenir des acteurs de santé de proximité sur le plan de l’entraide, de la solidarité et de l’accompagnement.

Une telle vision globale nécessite, d’une part, de ne plus se focaliser sur le volet économique – car on aura beau faire sortir des personnes du dispositif ALD, elles resteront malades avec même un risque de complications, ce qui n’entraînera donc pas d’économie –, d’autre part, de promouvoir une politique de prévention, d’accompagnement et d’éducation du patient, ce que le terme « éducation thérapeutique » peut recouvrir. Or les associations de patients ont l’impression que l’heure est plus à la culpabilisation des malades, notamment avec la participation forfaitaire d’un euro, qu’à leur motivation.

Vouloir faire des économies de cette manière est une erreur. Ce qu’il faut, c’est une prise en charge globale des maladies chroniques en faisant en sorte que les patients deviennent non pas responsables, mais acteurs de leur santé, car la responsabilisation viendra ensuite. Simplement, il faut, pour y parvenir, une véritable volonté politique.

M. Christophe Duguet : Le système ALD n’est pas mauvais en soi puisque voilà des années qu’il permet de prendre en charge des besoins essentiels de façon globalement satisfaisante, mais son réexamen s’impose, car il n’a été amélioré au fil du temps que par petites touches, sans cohérence d’ensemble.

Il lui est notamment reproché de ne pas être équitable, car il laisserait à certains patients d’importants restes à charge. Or c’est un problème dû non pas au système mais à son usage. Des dispositions existent en effet qui permettent d’admettre au titre des ALD 32, c’est-à-dire des pathologies invalidantes nécessitant des soins de plus de six mois, les personnes dont les restes à charge sont élevés.

De même, il n’y a pas à s’émouvoir du fait que les dépenses de santé sont concentrées dans le champ des ALD. Il est en effet logique que les personnes les plus malades soient celles qui coûtent cher. À cet égard, la problématique de l’évolution de la dépense ne doit pas simplement traiter du champ des ALD, mais également de celui des maladies lourdes ou chroniques.

Finalement, on se focalise sur le dispositif ALD alors qu’il existe plusieurs dizaines d’autres dispositifs d’exonération du ticket modérateur, qui d’ailleurs se croisent sans cohérence avec le premier.

Comme la question de la prise en charge des ALD est complexe, voilà que l’on propose la solution du bouclier sanitaire au prétexte qu’un même système ne doit pas poursuivre plusieurs objectifs, celui de la prise en charge des restes à charge importants et celui de la qualité des soins. Or pourquoi les deux champs devraient-ils être obligatoirement déconnectés ?

Au niveau individuel, déconnecter la qualité de la prise en charge et la nature du remboursement est probablement une mauvaise chose. Dans le dispositif ALD, certaines incitations financières sont liées à des actes particuliers – dépistage du cancer, examen bucco-dentaire, etc. Si les modalités financières changent, elles peuvent donc avoir un impact sur les soins. Aussi faut-il lier les deux notions, à savoir la prise en charge et la qualité des soins, voire la qualité des pratiques des professionnels afin de ne pas tout focaliser sur le patient.

Au niveau des politiques, une telle connexion doit tout autant être prise en compte. Sinon l’inquiétude serait grande – le passé l’a montré – de ne voir engagée que la partie financière du bouclier sanitaire sans que sa partie qualité des soins ne soit jamais envisagée. Or c’est elle qui est prioritaire.

La maladie chronique étant par ailleurs une maladie au long cours, elle ne peut être uniquement analysée selon une perspective annuelle. Il ne serait pas cohérent en effet, s’agissant de reste à charge, de comparer une personne qui a un problème de santé une année et un patient « abonné » à des soins lourds. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nos voisins allemands ont introduit, en plus du dispositif général de bouclier sanitaire, des modalités particulières pour les maladies chroniques les plus lourdes en raison de leurs conséquences financières pour le malade. La logique du bouclier sanitaire ne peut en effet se réduire aux dépenses d’assurance maladie obligatoires remboursables : aux dépassements d’honoraires peuvent s’ajouter l’achat de produits de santé non remboursés mais pourtant nécessaires au traitement de la maladie chronique.

La notion de plafonnement du reste à charge ne peut donc se comprendre que si toutes les conséquences financières de la maladie sont prises en compte. N’en retenir que certaines, pour des raisons administratives, serait d’ailleurs incompréhensible pour les malades.

Concernant, enfin, le concept de compensation des incapacités, par exemple l’acquisition de fauteuils roulants électriques qui sont très coûteux, la loi du 11 février 2005 sur le handicap avait déjà prévu une sorte de bouclier avant l’heure, en ce sens que les fonds départementaux de compensation devaient intervenir afin que le reste à charge représente moins de 10 % du revenu des personnes. Malheureusement, ce plafonnement ne s’applique pas, ce qui explique d’ailleurs que le milieu associatif soit échaudé. Une petite phrase a en effet été subrepticement ajoutée selon laquelle le reste à charge doit être compris dans la limite des tarifs. Or comme les tarifs sont fixés très bas et, pour certains produits, sans rapport avec le prix réel du marché, la disposition législative ne sert à rien.

Voilà pourquoi, du fait d’un plafonnement excluant de nombreuses dépenses ou s’appuyant sur des tarifs qui ne correspondent pas à la réalité, l’inquiétude est grande d’avoir un bouclier qui serait non pas simplement percé mais une véritable passoire.

M. Pierre Morange, coprésident : Il doit être bien clair dans l’esprit de chacun que le propos de la MECSS n’est pas de jeter l’opprobre sur une partie de la population, en l’occurrence les huit millions de personnes qui sont prises en charge au titre des affections de longue durée. Son objectif est tout simplement de rationaliser leur prise en charge afin que les principes d’universalité et d’équité soient respectés.

M. Thierry Saniez : Lorsqu’on lit certaines analyses économiques et les conclusions qui en découlent, on a la chair de poule. Il est bon en effet de rappeler avec force certains principes communs.

M. Pierre Morange coprésident : La logique de la MECSS, enracinée dans les fondamentaux de la République, est très simple : faire en sorte que chaque euro public soit utilisé au mieux. Nous assumons cette logique de la rationalisation au-delà de nos sensibilités politiques et nous ne croyons guère aux solutions miraculeuses.

M. Thierry Saniez : Notre approche sera sans doute un peu différente de celle des précédents intervenants : association généraliste, nous ne nous focalisons pas sur telle ou telle pathologie, nous réaffirmons la volonté de principe de consolider le système de soins public et solidaire, nous craignons l’émergence d’un système assurantiel, avec une marchandisation de la médecine et du soin. Or, notre système de soins actuel ne fonctionne pas si mal que cela et nombre de pays nous l’envient.

S’agissant des vagues actuelles de déremboursements et de franchises, je confirme ce qui a été dit. Les gens sont déjà confrontés à des problèmes de pouvoir d’achat et les sujets de mécontentement ne manquent pas. Mais ils sont touchés de manière encore plus aiguë par ce phénomène. Nous le constatons dans nos permanences.

Notre association s’est toujours battue pour la prévention, qui évite beaucoup de dépenses dans un deuxième temps. Si on avait agi il y a quarante ans, on en tirerait déjà les bénéfices.

Aujourd’hui, la prise de conscience est générale. Depuis quelques années, on assiste à l’externalisation de nombreux coûts sociaux publics. Cela pose la question du financement général du système de soins. Il faut peut-être élargir certaines bases, rechercher les causes réelles de certaines pathologies. Une réflexion est nécessaire. Ce n’est pas forcément à l’usager des soins, au consommateur, au citoyen touché par la pathologie d’en supporter demain le coût. Cette pathologie peut être liée à un environnement professionnel ou de vie dont d’autres sont responsables.

Le vrai problème du bouclier sanitaire tient à son acceptabilité sociale. On sent qu’il répond surtout à une urgence financière, mais nous ne pouvons aller plus loin dans l’analyse : on ne peut se prononcer sur un concept, il faut des simulations, notamment financières. Surtout, l’acceptabilité sociale, donc l’information, la communication, le débat, sont essentiels : en matière de santé, rien ne peut se faire sans adhésion.

Je ne vois pas comment on pourrait revenir sur le système des ALD, qui concerne des personnes malades et qui risquent de l’être longtemps. On est là au cœur de la solidarité. Y renoncer serait socialement inacceptable mais aussi économiquement contreproductif.

Enfin, il conviendrait de réfléchir à l’ensemble du système français de financement des soins : s’il est peut-être nécessaire d’économiser et de rationaliser, dès lors qu’il s’agit de vies humaines, on ne peut se contenter de faire des économies.

Mme Nathalie Tellier : Une association comme la nôtre, plus généraliste et qui représente les familles, doit insister sur la prévention et, au-delà, sur une véritable éducation à la santé dès le plus jeune âge, notamment dans les écoles. C’est ainsi que l’on gagnera en efficience et en équité.

Une enquête que nous avons menée récemment auprès de parents d’enfants atteints d’une maladie chronique montre que le manque d’information et de formation dès l’annonce de la maladie laisse les parents désemparés. On note aussi que les médecins, la ville, l’hôpital, les maisons départementales de personnes handicapées (MDPH), les réseaux de soins ne se parlent pas. Or la prise en charge d’une maladie passe par une vraie coordination et par une communication entre tous les acteurs.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : J’aimerais que nous en revenions aux ALD. Aujourd’hui, plus de huit millions de personnes bénéficient de ce régime d’exonération et on en annonce 15 à 18 millions dans les années à venir. La MECSS, où toutes les opinions politiques sont représentées, a pour rôle de réfléchir à cette évolution.

Le système des ALD est formidable, mais il faut probablement le revoir, qu’il s’agisse de la prévention, des rapports avec les médecins, du suivi, etc. Une loi a été votée l’an dernier pour coordonner les soins et expérimenter de nouveaux modes de rémunération. Comment améliorer le système ? Comment en faire sortir, sur la base de critères médicaux, des patients qui ne relèvent plus des ALD ?

M. Christophe Duguet : On parle d’un grand nombre de personnes en ALD. Mais la dépense est très dispersée : certains patients ne coûtent rien, d’autres coûtent cher une année mais pas la suivante.

Plusieurs de vos questions portaient sur les systèmes d’information et d’analyse, domaine dans lequel on en est encore au Moyen Âge. Il faut dire qu’aucun organisme n’est chargé d’analyser la dynamique des dépenses de soins dans la durée, les restes à charge ou les multi ALD. Il est essentiel de disposer d’éléments le permettant.

Évoquer la responsabilisation des patients en ALD, signifie en fait que l’on pense qu’ils consommeraient moins de soins si on les pénalisait. Mais aucune étude sérieuse de ce public ALD ne confirme cette idée absurde. Pourquoi ces patients seraient-ils des consommateurs compulsifs de soins ? Ce qui est en cause, c’est la prescription des professionnels. Une des avancées de la loi du 13 août 2004 a été de « protocoliser » ces soins. Cette mission a été confiée à la HAS et nous y avons participé.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous ne fantasmons pas sur des patients en ALD consommant de façon hystérique des protocoles thérapeutiques !

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a donné à la HAS une compétence médico-économique. Peut-on imaginer une coresponsabilité du praticien, qui devrait obligatoirement prendre en compte cette dimension, notamment dans ses prescriptions, et du patient ?

M. Christophe Duguet : C’était un des éléments de la mission de la HAS, avec les guides médecins et les listes de prestations. Il convient aujourd’hui d’en faire le bilan. Le travail produit, avec les patients, par la Haute Autorité est de très grande qualité. Mais aucun médecin ne lit ces documents.

M. Pierre Morange, coprésident : La généralisation des logiciels d’aide à la prescription mettant en œuvre des protocoles thérapeutiques et intégrant la dimension médico-économique donnerait une cohérence à l’ensemble du dispositif. Dans son récent rapport concernant la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, la MECSS préconise que ces dispositifs soient opérationnels au plus tard dans un an.

M. Gérard Raymond : Depuis 1945, la société a évolué, les thérapies aussi. Comment faire en sorte que le patient devienne acteur de santé ? Il faut un contrat entre l’assureur, le professionnel de santé et le patient, pour établir une prise en charge globale qui ne se limite pas aux soins mais aboutisse à un projet de vie. Les responsabilités doivent être partagées.

On a voulu faire des protocoles de soins. Je ne suis même pas sûr que les patients les signent encore. C’était une démarche superficielle, qui n’a rien apporté à la qualité de vie et qui n’a guère que rapporté aux médecins le forfait annuel spécifique de 40 euros par patient en ALD. Mais, ensuite, il n’y a eu aucune information, aucun dialogue avec le patient sur la prise en charge de sa maladie.

Dans le même ordre d’idées, il faudrait réfléchir à un autre mode de rémunération du médecin, non plus à l’acte, mais au forfait, sur la base d’un engagement.

Les pathologies ont certes des points communs mais aussi des spécificités. Pour des pathologies à évolution très lente, il faut des protocoles évolutifs, personnalisés en fonction de la réactivité et de la coopération du patient. Cela exige de nouveaux métiers, une refonte totale de l’acte médical, du rôle du médecin qui intervient en premier recours, de l’équipe pluridisciplinaire, une liaison entre l’ambulatoire et l’hôpital, etc.

Il faut réfléchir à tous ces sujets. C’est là que nous pouvons apporter notre connaissance du terrain et de la maladie, en tant qu’acteurs de santé et force de proposition. Il ne s’agit pas de s’opposer à toute réforme, de dire que les ALD sont sacrées : peut-être pourra-t-on y toucher quand on aura amélioré la prise en charge.

M. Christian Saout : Quand bien même les documents de la HAS seraient parfaits, la loi dispose que les protocoles de soins sont rédigés en référence aux recommandations de la HAS. Ces dernières n’ont aucun caractère contraignant, elles ne sont pas opposables. Par ailleurs, la médecine française ne supporte pas les algorithmes de traitement, considère que la médecine est un art qui se rapproche plus de la tapisserie que de la science, et continue à vendre cet art au prix de chez Christie’s !

M. Pierre Morange, coprésident : De l’art à la science, il n’y a qu’un pas…

M. Christian Saout : Les protocoles de soins partaient d’une bonne intention. La loi du 13 août 2004 avait même prévu la signature du patient. Le protocole était équilibré entre le médecin traitant, le patient et de médecin conseil de l’assurance maladie. Mais il n’y avait rien là de contractuel et pas d’engagement véritable. C’est pourtant pour cela qu’il a été décidé de donner le forfait de 40 euros au médecin.

Il faut sortir de la logique de l’acte, aller vers des rémunérations au forfait. Pour les patients atteints d’ALD, on conserverait le paiement à l’acte pour certains problèmes de santé, mais on irait vers la rémunération au forfait pour ceux qui nécessitent un accompagnement dans le temps. Nous ne serions d’ailleurs pas hostiles à ce que ce forfait atteigne 50, 60 ou 70 euros. Il ne s’agit pas d’étrangler les médecins.

La situation est difficile au quotidien pour tout le monde, décideurs publics compris. Il faut absolument que vous interveniez pour que ces difficultés structurelles soient levées.

M. Jean Mallot, coprésident : Le sujet est complexe, la machinerie est lourde. On ne peut diaboliser ni le patient ni le professionnel de santé.

Je vous remercie tous d’avoir participé à cette audition.

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