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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 6 novembre 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Examen, à huis clos, du projet de rapport, présenté par M. Jean-Pierre Door, sur les affections de longue durée

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prestation d’accueil du jeune enfant

– Présentation par la Cour des Comptes de l’insertion dans son rapport annuel sur la sécurité sociale de 2008 concernant les aides à la garde des jeunes enfants : Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire

– Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Nicole Roth, sous-directrice de l'observation de la solidarité

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 6 novembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la Mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale examine, à huis clos, le projet de rapport de M. Jean-Pierre Door sur les affections de longue durée.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, présente les grandes lignes de son projet de rapport, puis un premier échange de vues a lieu auquel participent MM. Jean Mallot et Pierre Morange, coprésidents, Mmes Catherine Lemorton et Martine Carrillon-Couvreur, et M. Philippe Boënnec.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire (présentation par la Cour des comptes de l’insertion dans son rapport annuel sur la sécurité sociale de 2008 concernant les aides à la garde des jeunes enfants.

M. le président Pierre Morange. Nous sommes heureux d’accueillir Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire. Je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je rappelle brièvement les objectifs fixés par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 pour la PAJE – la prestation d’accueil du jeune enfant : la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants grâce à une prestation unique, l’élargissement des différents modes de garde pour les familles et la conciliation vie familiale-vie professionnelle. Le coût estimé à l’époque était, en année pleine, de 700 millions d’euros. Il est trois fois supérieur aujourd’hui.

La Cour des comptes s’est penchée sur le sujet et y a consacré un chapitre de son rapport annuel. Nous sommes très intéressés d’en connaître les observations principales.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Nous avons travaillé trois années de suite sur des questions connexes à la PAJE. Le chapitre consacré à ce sujet dans le rapport de 2008 porte d’ailleurs le titre « Les aides à la garde des jeunes enfants » car il nous est apparu que la PAJE ne pouvait pas être isolée des prestations qui lui ont préexisté ni de l’usage qui peut en être fait, compte tenu que, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, les objectifs de la loi qui a créé cette prestation était de permettre une simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants, un libre choix d’activités pour les parents et un libre choix du mode de garde. Ces points méritent tous d’être discutés car tout le monde n’est pas d’accord sur les résultats obtenus. Il existe de nombreux rapports sur la question. Nous ne manquons pas de littérature. Pour nos travaux, nous avons regardé les rapports de Mme Pécresse, de M. Hirsch et du centre d’analyse stratégique. Le rapport de Mme Tabarot est paru après.

Nous avons constaté que la PAJE était un dispositif assez peu simplifié, ce qui n’est pas étonnant quand on veut cibler des prestations familiales sur des besoins particuliers – l’objectif était certainement un peu ambitieux. La PAJE est un label puisqu’elle regroupe six ou sept prestations différentes existant précédemment. Sa création s’est accompagnée d’une réforme des conditions d’octroi, d’un élargissement des conditions de ressources afin d’augmenter le nombre des bénéficiaires et d’une revalorisation du montant des prestations. L’augmentation du complément mode de garde – CMG – « assistante maternelle », l’élargissement du plafond de ressources pour les allocations de base et les primes de naissance et l’ouverture du complément optionnel de libre choix d’activité – COLCA – pour les parents d’au moins trois enfants ont nécessairement eu un coût. Le montant des prestations petite enfance est passé de 8 milliards d’euros en 2003 à 10,4 milliards en 2007, l’année 2009 devant être le terme de la montée en charge du dispositif, dont on déplore parfois que le coût ait été sous-estimé.

La réglementation reste très complexe. Les personnels des caisses d’allocations familiales – CAF – ont eu du mal à l’« ingérer ». Mais, pour les bénéficiaires, il ressort des sondages qui ont été réalisés que, si elle a complexifié le complément de libre choix d’activité, elle a nettement amélioré les relations avec l’URSSAF – Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – grâce, notamment, à l’usage du CESU – chèque emploi service universel. En dehors de ce progrès, il reste très difficile pour les familles de savoir à quelles prestations elles ont droit, d’autant que les appellations ne sont pas faciles à retenir.

La Cour considère que le coût de la réforme a été volontairement sous-estimé. L’écart est trop important pour résulter d’une difficulté normale d’évaluation. Le Gouvernement avait chiffré le surcoût à 800 millions d’euros, la CNAF – la Caisse nationale d’allocations familiales – entre 900 millions et 1,2 milliard d’euros. Il est finalement de 2 milliards, les deux tiers de ce surcoût étant relatifs aux prestations de garde elles-mêmes.

Mis à part le desserrement important du plafond de ressources, qui a forcément un coût, l’évolution des comportements encouragée par la réforme n’a pas été intégrée dans les prévisions financières. La même mésaventure est arrivée en matière de retraites. Il faut reconnaître à la décharge de l’administration, qu’il n’est pas facile de calculer précisément les effets d’une réforme.

Il était attendu de la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants une économie sur les coûts de gestion des organismes. Il appartiendra à l’Observatoire national des charges de gestion de vérifier si cette ambition a été atteinte. La branche famille était en déficit en 2004 au moment où a été lancée la réforme de la PAJE. Celle-ci n’a pas arrangé la situation. Il n’y a pas eu de mesures financières correctrices depuis. Plusieurs propositions ont été faites mais elles n’ont pas été retenues. On est donc resté sur le schéma initial.

L’autre objectif de la réforme était d’offrir un libre choix d’activité aux parents. Le complément de libre choix d’activité – CLCA – à taux partiel avait pour but d’encourager les femmes à ne pas s’arrêter complètement de travailler afin qu’elles ne perdent pas le contact avec l’activité professionnelle. Or il a plutôt incité des femmes de milieux moyens ou aisés à alléger leur activité tout en bénéficiant d’un complément de garde. La cible n’a pas été celle qui était recherchée.

À l’inverse, le CLCA à taux plein continue à s’adresser prioritairement aux femmes qui soit ne trouvent pas de solutions de garde, soit n’ont pas les moyens de la payer et se trouvent écartées du marché de l’emploi. Entre un salaire modeste dont il faut retirer le coût résiduel de la garde d’enfants et une prestation non imposable, le choix est rapide pour les personnes qui ont des petits salaires.

Quant au COLCA, dernier né des prestations, à destination des familles de trois enfants, il n’est versé que pour un an, cette période intégrant le congé de maternité, ce qui n’est pas très incitatif. Il a un succès d’estime, sans plus.

Éviter d’écarter les femmes du marché de l’emploi est un objectif important, notamment dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. L’impact des CLCA et du COLCA n’a pas été évalué mais on peut penser qu’il est assez faible. Les programmes de qualité et d’efficience – PQE – devraient calculer à partir de 2009 la proportion de femmes qui retrouvent un emploi après un CLCA. Beaucoup de travaux ont été réalisés sur le sujet, qui montrent que les femmes qui s’arrêtent de travailler pendant un certain temps ont beaucoup de difficultés à se réinsérer, surtout quand elles sont peu diplômées.

M. le président Pierre Morange. Le nombre de bénéficiaires d’allocations de garde des jeunes enfants a-t-il augmenté depuis la réforme ? Celle-ci a-t-elle eu une influence sur la natalité française ?

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous indiquer également le taux d’effort des familles ? Quelles sont celles qui sont les plus aidées et celles qui le sont le moins ?

Mme Rolande Ruellan. Nous estimons dans le rapport à 435 000 le nombre des familles qui sont entrées dans le dispositif, ce nombre étant à différencier selon les catégories de prestations.

M. le président Pierre Morange. Combien de bénéficiaires y avait-il avant la réforme ?

Mme Rolande Ruellan. Nous n’avons pas fait les totaux mais le nombre de bénéficiaires devait être à peu près de 2,5 millions.

Mme la rapporteure. N’a-t-on pas donné plus de facilités à des familles qui disposaient déjà de possibilités de garde d’enfant qu’à des familles qui avaient des capacités financières moindres ?

Mme Rolande Ruellan. C’est le second sujet d’étude du rapport.

S’agissant du libre choix d’activité, on a vu que la réforme a plutôt profité aux familles assez favorisées. Concernant les aides à la garde des jeunes enfants, nous avons des difficultés à mesurer l’impact de la réforme sur l’évolution du reste à charge des familles, donc du taux d’effort, d’autant que des avantages fiscaux se sont ajoutés pendant la même période qui n’ont pas profité de manière égale à toutes les familles. Vous pourrez demander à ce sujet des précisions à la DREES – direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques. On peut affirmer cependant que, hormis peut-être pour la garde à domicile, la réforme a diminué le taux d’effort de toutes les familles, sans qu’il y ait toutefois corrélation entre ce taux d’effort après diminution et les revenus des familles ni entre ce taux et le coût pour la collectivité. Autrement dit, la collectivité paie beaucoup pour des familles qui pourraient dépenser plus parce que le coût des différents modes de garde est très différent. En dehors de la garde à domicile, qui n’est accessible qu’à une faible partie des familles en dépit des aides, la crèche est le mode de garde le plus coûteux, comparé à la garde par une assistante maternelle. À cause de ces différences de coût, donc de prise en charge, l’équité n’a pas été complètement au rendez-vous. Mon analyse est très schématique. Elle est beaucoup plus détaillée dans le rapport.

Si la PAJE n’a pas réduit le taux d’effort des familles aisées qui optent pour la garde à domicile, il ne faut pas oublier que les mesures fiscales accordées aux revenus élevés ont contribué à le diminuer.

M. le président Pierre Morange. La garde à domicile était souvent du travail au noir. La réforme a-t-elle entraîné un accroissement des rentrées de cotisations sociales du fait de la régularisation d’un certain nombre d’emplois ?

Mme Rolande Ruellan. Il est certain que la mise sous condition de ressources de l’AGED – l’allocation de garde d’enfant à domicile – qui préexistait à la PAJE a entraîné une forme de travail au noir. La réforme de la PAJE avait également pour but de lutter contre ce phénomène. Mais on ne peut pas facilement distinguer ce qui relève du blanchiment d’un travail non déclaré de l’embauche de personnel grâce à des avantages fiscaux, surtout avec le développement de la garde partagée dans les villes et l’exonération de quinze points de cotisations patronales pour les personnes qui déclarent le salaire réel de leur employé – au lieu du salaire forfaitaire comme cela est généralement le cas pour les gens de maison.

Dans le rapport de l’année dernière, nous avions traité des mesures familiales dans leur ensemble et nous avions déjà consacré tout un chapitre à la conciliation vie professionnelle-vie familiale. Nous aboutissons aux mêmes conclusions cette année, à savoir, d’une part, que le système aurait besoin d’être réexaminé à la lumière des critères de maîtrise des dépenses publiques, d’équité et de cohérence, d’autre part, que le libre choix du mode de garde ne peut pas être un objectif raisonnable. Nous avons travaillé sur le sujet cette année avec en toile de fond l’idée d’un droit opposable à la garde, qui nous paraît un peu difficile à mettre en place. Il faudrait déjà que, chaque fois qu’une famille a besoin d’une aide, une solution corresponde à ses capacités de financement. Il faut que le taux d’effort de la famille soit en rapport avec sa capacité à payer et avec le coût pour la collectivité. Toutes ces contraintes sont à concilier.

Le taux d’effort des familles qui recourent aux crèches est très bas par rapport au coût pour la collectivité et aux taux d’effort de celles qui optent pour d’autres modes de garde. Je vous renvoie au rapport de 2006, dans lequel nous avons examiné l’action sociale – notamment des CAF – et toutes les prestations qui concourent à l’investissement et au fonctionnement des crèches. Le coût est si important que l’on a pensé que le taux d’effort pourrait être relevé pour les familles qui y accèdent.

M. le président Pierre Morange. Le rapport avait été, en effet, très critique. Vous aviez pointé du doigt l’insuffisance de coordination et de stratégie pour ce mode d’accueil collectif.

Mme Rolande Ruellan. La coordination est un point à examiner car tout le monde intervient : l’État fixe le cadre par la loi, les régions s’occupent de la formation des personnels, les départements sont responsables de l’aide sociale à l’enfance et contribuent largement aux différentes dépenses, les communes passent des conventions avec les CAF, les associations sont de plus en plus appelées à gérer pour le compte des collectivités, les entreprises interviennent également, soit pour leurs propres personnels, soit en créant carrément des crèches. Le département est, normalement, le chef de file de cette organisation et doit, par le biais de la commission départementale d’accueil du jeune enfant, évaluer et coordonner le système. Or cette commission n’existe que dans une soixantaine de départements. Il manque donc un pilote dans l’avion.

Cerise sur le gâteau, le taux de scolarisation des 2-3 ans a fortement diminué. Dans les zones défavorisées, la formule de garde des enfants en maternelle à partir de deux ans est peu coûteuse pour les familles très défavorisées et facilite l’intégration et l’insertion des enfants. Or le nombre d’enfants accueillis a beaucoup diminué. L’Éducation nationale estime sans doute que ce n’est pas à elle de s’occuper d’enfants aussi petits. Il est à noter également que, alors qu’en école maternelle, l’accueil d’enfants de deux ans est assuré par un instituteur et quelques personnels de service, on impose des normes d’encadrement drastiques dans les crèches, ce qui renchérit encore leur coût de fonctionnement. La Cour ne s’est pas autorisée à traiter le sujet car cela ne relève pas de sa compétence mais il préoccupe actuellement le Gouvernement.

M. le président Pierre Morange. Dans son rapport, notre collègue Mme Tabarot a dénoncé la prolifération des réglementations pour les crèches dont le côté tatillon devient insupportable tant pour les collectivités que pour les familles et restreint de fait le libre choix du mode de garde. On se demande à ce compte-là si les parents sont encore en mesure, réglementairement, d’assumer leurs fonctions de parents quand ils n’ont pas la qualification professionnelle nécessaire !

Mme Rolande Ruellan. On ne va pas leur demander de passer un diplôme de puéricultrice ! Il y a quand même un paradoxe à confier trois ou quatre enfants à une assistante maternelle, certes agréée mais sans diplômes particuliers, et à multiplier les exigences pour les crèches.

Nous devrons également nous pencher sur la question de savoir pourquoi il y a autant d’assistantes maternelles qui sont au chômage ou qui renoncent à exercer leur métier.

Mme la rapporteure. Entre les places de crèche engagées, réalisées et supprimées pour non-respect des normes, je ne suis jamais parvenue à chiffrer le nombre de places réelles en crèche. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Deuxièmement, compte tenu du fait que le système actuel manque d’équité, le taux d’effort n’étant pas le même pour toutes les familles, ne faudrait-il pas privilégier les aides aux structures plutôt qu’aux familles ? Par ailleurs, n’y aurait-il pas lieu de moduler davantage la PAJE en fonction des revenus des familles ?

Troisièmement, l’octroi du COLCA à toutes les familles ne faciliterait-il pas le retour à l’emploi ?

Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Le chiffrage exact du nombre de places de crèche développées dans le cadre des différents plans crèche est très difficile à établir. Entre 2001 et 2007, il était prévu de créer 75 000 places. Les chiffres que nous avons pu obtenir de la DREES font état d’une augmentation du nombre de places disponibles en accueil collectif de 40 500 places. La différence s’explique par plusieurs facteurs. Premièrement, un certain nombre de places prévues ne sont pas encore créées parce que cela demande du temps. Deuxièmement, un certain nombre de places dites nouvelles sont en fait des places anciennes rénovées et relabellisées. Enfin, il y a eu des fermetures de places en crèche.

Parmi les places créées, il faudra également déterminer celles qui sont réellement ouvertes car il y a des problèmes à la fois de remplissage et de disponibilité de places. Un certain nombre de places nouvelles ne peuvent pas être réellement ouvertes faute de personnels ou pour d’autres raisons.

M. le président Pierre Morange. Cela est dû non seulement à un problème de recrutement compte tenu des exigences de formation imposées aux personnels des crèches mais également au caractère changeant des conditions d’éligibilité des familles édictées par les CAF pour intégrer les crèches, qui empêche les collectivités de planifier. Il y a deux ans, la modification des critères a joué fortement sur la stratégie des collectivités pour répondre à la demande de leurs administrés.

Mme Rolande Ruellan. Vous faites allusion à la réforme qui a calé les subventions sur ce que payaient les familles. Autrefois, les communes avaient intérêt à prendre des familles capables de payer afin de réduire leur participation. Après la réforme, ce sont les CAF qui subissent le manque, afin de permettre aux familles modestes d’accéder aux crèches.

Mme la rapporteure. La révision du contrat enfance et les agréments donnés par l’État ont également eu une incidence sur le développement des crèches.

Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître à la Cour des comptes. Les collectivités n’étant pas sûres du montant de la subvention qu’elles percevraient des CAF, elles ont pu parfois hésiter à ouvrir des places de crèche ne sachant pas si elles allaient pouvoir couvrir leurs frais de fonctionnement. Peut-être n’est-ce qu’une période de transition due au changement de réglementation des CAF. Nous ne pourrons le dire qu’après.

M. Philippe Boënnec. Connaît-on le montant pris en charge à chaque niveau d’intervention : État, région, département, commune ? Avec les avantages fiscaux, cela peut être considéré comme des revenus indirects.

Mme Rolande Ruellan. Les prestations sont des revenus sociaux, dont certains sont imposables. En l’occurrence, ils ne le sont pas.

M. Philippe Boënnec. J’aimerais connaître ce que la collectivité donne à chaque citoyen.

Mme Rolande Ruellan. On sait que les revenus des Français sont constitués à près de 30 % de revenus de redistribution. La DREES pourra certainement vous donner le détail par catégorie de prestations.

M. le président Pierre Morange. Il est important de pouvoir décliner les données macroéconomiques que nous connaissons par catégorie sociale. Cela requiert une approche beaucoup plus fine qui nous renvoie à un sujet qui m’est cher, à savoir le partage des données entre tous les organismes prestataires. Celui-ci sera opérationnel l’année prochaine.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Des aides particulières étaient attribuées aux crèches pour leur permettre d’accueillir des enfants handicapés. Y en a-t-il toujours et, si oui, quels sont leurs montants ?

Mme Marianne Levy-Rosenwald. Nous n’avons pas du tout étudié cette question parce que notre contrôle portait sur les dépenses de la branche famille et non sur le fonctionnement des crèches qui relève pour l’essentiel des collectivités territoriales.

Mme Rolande Ruellan. Je reviens aux questions posées par Mme la rapporteure.

Selon des données de la CNAF, 65 % seulement des places de crèche sont occupées. Des crèches vont s’ouvrir au sein des hôpitaux. À Paris, chaque arrondissement est responsable de ses crèches mais peut les ouvrir aux habitants des territoires limitrophes. Est-ce suffisant ? Dans le rapport d’il y a deux ans, nous avions souligné que les CAF fonctionnent en guichet ouvert : quand une collectivité décide de créer une crèche, elle demande de l’argent à la CAF, qui le lui donne. Qui peut se lancer dans une telle opération ? Les communes qui en ont les moyens. On a donc l’impression que les CAF aident les plus riches, ce qui peut expliquer qu’il y ait des places disponibles dans certaines communes et des besoins dans d’autres.

Faut-il verser les aides financières aux structures plutôt qu’aux familles ? La crèche est la forme de garde la plus coûteuse. Chaque fois que l’on peut trouver une autre solution, il faut la privilégier. La garde par des assistantes maternelles n’est pas excessivement coûteuse. Il faudrait certainement prévoir des espaces où celles-ci puissent se rassembler dans la journée avec les enfants qu’elles gardent. Cela constituerait des sortes de mini-crèches beaucoup moins onéreuses que de véritables crèches.

Même si les plafonds ont été desserrés de façon importante, toutes les prestations regroupées sous le label PAJE sont modulables, à l’exception du CLCA, qui est distribué sans conditions de ressources.

On pourrait imaginer d’ouvrir le COLCA à des familles d’un ou deux enfants. Mais le dispositif a été jugé trop court et peu attractif puisqu’il englobe le congé de maternité – qui est de six mois pour le troisième enfant.

Quant à l’impact de la réforme sur la natalité, c’est une question à un million d’euros ! Nous savons que les deux conditions sont les facilités de garde et de logement puisque le différentiel qui subsiste entre le nombre d’enfants souhaité et celui que l’on a tient à ces considérations.

Mme la rapporteure. Avez-vous comparé les modes de garde à l’étranger et ceux en France ?

Mme Rolande Ruellan. Nous n’avons pas fait d’enquête à ce sujet mais la France n’est pas mal située en ce domaine.

L’Allemagne est en train de découvrir les vertus des crèches. Elle a un retard important à rattraper et se heurte à un problème de mentalité. En Allemagne, une femme qui confie un jeune enfant à l’extérieur est encore considérée comme une mauvaise mère.

En Angleterre, il n’y a pas vraiment de crèches. Des nannies sous-payées et sous-déclarées remplissent cet office.

Mme Stéphanie Bigas. Le rapport de Mme Tabarot cite, à l’inverse, le cas des pays scandinaves qui parviennent à combiner un taux d’emploi des femmes sans commune mesure avec celui des femmes en France avec un développement considérable des modes de garde pour les jeunes enfants. En Suède, l’école maternelle accueille les enfants de un an à six ans, avec un taux d’encadrement meilleur que celui qui existe actuellement en France.

Mme Rolande Ruellan. Il est sûr que, si l’école française accueillait les enfants à partir d’un an, il lui faudrait un taux d’encadrement supérieur.

M. le président Pierre Morange. Nous vous remercions, mesdames.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Nicole Roth, sous-directrice de l’observation de la solidarité.

M. le président Pierre Morange. Nous avons maintenant le plaisir d’accueillir Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, accompagnée de Mme Nicole Roth, sous-directrice de l'observation de la solidarité.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. L’objectif du Gouvernement, en 2003, lorsqu’il a souhaité créer la PAJE ou prestation d’accueil du jeune enfant était triple : simplifier le dispositif d’aide aux familles, en réduisant le nombre des prestations offertes ; élargir les modes de garde ; mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le surcoût estimé était initialement de 700 millions d’euros. On en est aujourd’hui à plus du triple. Pouvez-vous dresser un bilan ?

Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Je souhaite auparavant vous indiquer quelles sont les données relatives à l’accueil des jeunes enfants et à la politique familiale que produit régulièrement la DREES.

Le suivi de l’évolution des structures familiales et de l’activité renvoie à des travaux un peu anciens que nous avons l’intention d’actualiser, sur l’APE (allocation parentale d’éducation) et le complément de libre choix. Ces travaux visent les conditions d’interruption d’activité et de retour à l’emploi des femmes bénéficiant de ces dispositifs.

Un bilan est produit chaque année sur l’ensemble des prestations familiales. Celui qui paraîtra en décembre prochain devrait nous donner une vue assez complète de la PAJE, dans la mesure où l’on peut considérer que la montée en charge de ce dispositif est quasiment achevée.

Le suivi de l’offre de places, aussi bien en structures d’accueil collectif qu’auprès des assistantes maternelles, fait également l’objet d’un bilan annuel.

Deux publications portent sur les métiers de la petite enfance, notamment celui d’assistante maternelle que les dernières réformes visent à revaloriser et à professionnaliser.

Enfin, tous les quatre ou cinq ans, nous menons une enquête sur les modes de garde des jeunes enfants. La dernière date de 2002 et nous venons de démarrer l’exploitation d’une enquête portant sur 2007.

Mme Nicole Roth, sous-directrice de l'observation de la solidarité à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Les premiers résultats seront disponibles en fin d’année et en début d’année prochaine.

M. le président Pierre Morange. Nous vous inviterons à nouveau pour que vous nous en présentiez une synthèse.

Mme Anne-Marie Brocas. Au point où nous en sommes de nos travaux, il pourrait être également intéressant que nous ayons des échanges sur les questions que vous souhaitez nous voir traiter de façon prioritaire.

Cette enquête permettra d’avoir des indications sur la manière dont les enfants et les familles sont couverts par les différents modes de garde, sur les attentes des familles, sur leurs caractéristiques sociales et leurs revenus.

La DREES est moins présente s’agissant des coûts ou des restes à charge incombant aux familles, les calculs étant plutôt faits par la Direction de la sécurité sociale ou par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Nos ressources étant limitées, nous n’avons pas réalisé de gros investissements en la matière.

J’en viens à la question de Mme la rapporteure sur le bilan de la PAJE. Selon les chiffres qui vont bientôt sortir, au 31 décembre 2007, 2 200 000 personnes avaient bénéficié de la PAJE – contre 2 100 000 fin 2006, ce qui prouve que le dispositif achève sa montée en charge.

Mme Nicole Roth. Fin 2004, les bénéficiaires de la PAJE étaient 790 000, et fin 2005 ils étaient 1 490 000. Aujourd’hui, concrètement, il ne reste plus hors du dispositif de la PAJE que les familles ayant des enfants de plus de trois ans et n’ayant pas de nouvelles naissances.

Mme la rapporteure. Combien de familles ont bénéficié de prestations, alors qu’elles n’en percevaient pas auparavant ? Tout à l’heure, la Cour des comptes a évalué leur nombre à 400 000.

Mme Anne-Marie Brocas. Nous ne sommes pas en désaccord avec ce chiffre.

Essayons de mettre en perspective l’évolution de la PAJE avec les évolutions de long terme, à partir de 1990.

La partie « complément mode de garde », ou CMG, se substitue progressivement aux aides pour garde d’enfant à domicile ou pour accueil par assistante maternelle agréée. Leurs évolutions respectives n’indiquent pas de rupture de tendance. La croissance du nombre de bénéficiaires se poursuit à un rythme à peu près équivalent.

La réforme de 2004 a permis la poursuite de cette croissance en solvabilisant davantage les familles les plus modestes. Même s’il reste encore des différences de taux d’effort entre les familles modestes et les familles aisées, on peut considérer que la PAJE a contribué à resserrer l’écart.

La progression du recours à un dispositif de garde d’enfant s’explique à la fois par la mise en place des compléments liés au mode de garde et par les réformes concernant les assistantes maternelles.

La partie « complément de libre choix d’activité », ou CLCA, se substitue à l’APE en cas de cessation ou d’interruption d’activité. Cette fois-ci, on observe une rupture depuis la mise en place de la PAJE. Entre 1996 et 2003, le nombre des bénéficiaires de l’APE était pratiquement stable. Depuis 2004, on constate une augmentation, essentiellement alimentée par le complément de libre choix d’activité à temps partiel. Nombre de familles combinent en effet CLCA à temps partiel et CMG.

M. le président Pierre Morange. Avez-vous des chiffres, s’agissant de la transition APE/CLCA ?

Mme Anne-Marie Brocas. Je vous propose de nous en tenir au cas de figure où il y a deux enfants et plus. On a certes procédé à une légère extension du champ du CLCA en prenant en compte les enfants de rang 1, mais les effectifs concernés sont faibles et on peut assimiler ce cas de figure à une extension du congé de maternité : en 2007, on comptait 37 000 bénéficiaires pour les enfants de rang 1, contre 544 000 bénéficiaires pour deux enfants et plus.

Les bénéficiaires pour deux enfants et plus étaient : 512 000 en 2002 ; 513 000 en 2003 ; 521 000 en 2004 ; 546 000 en 2005 ; 547 000 en 2006 et, donc, 544 000 en 2007 – chiffre provisoire.

Cette augmentation s’explique par l’augmentation du recours au congé à taux réduit ou partiel, qui est passé de 132 000 en 2002 à 211 000 en 2007, toujours pour deux enfants et plus.

Enfin, on comptait, en 2002, 380 000 bénéficiaires de l’APE taux plein tandis qu’en 2007 les bénéficiaires APE et CLCA à taux plein étaient 333 000. Il y a donc eu une diminution du nombre des bénéficiaires.

M. le président Pierre Morange. Il y a donc une modification de la structure.

Mme Anne-Marie Brocas. En effet : on observe une croissance totale, avec modification de la structure au bénéfice du temps partiel.

Mme la rapporteure. Avez-vous des statistiques relatives au retour à l’emploi des femmes, voire des hommes, concernés ?

Mme Anne-Marie Brocas. Les travaux menés par la DREES sur le retour à l’emploi sont un peu anciens : ils ont été publiés en 2005 et portaient sur l’APE. Il est donc nécessaire de les réitérer, d’autant que la question ne se pose pas dans les mêmes termes pour les personnes qui étaient passées à temps partiel et pour celles qui avaient complètement interrompu leur activité. Les catégories socioprofessionnelles – ou CSP – concernées sont d’ailleurs différentes selon les cas.

Mme la rapporteure. C’est intéressant.

Mme Anne-Marie Brocas. Nous constatons en effet que le CLCA à taux plein est surtout utilisé par les CSP ouvrières et employées, alors que le CLCA à taux partiel est essentiellement utilisé par les cadres et professions à revenus intermédiaires. Économiquement, c’est compréhensible. Les femmes aux revenus modestes, qui occupent des emplois peu qualifiés ou qui sont au chômage, arbitrent en faveur du congé parental et du CLCA à taux plein – ou, auparavant, l’APE. Les femmes à revenus ou à CSP plus élevés choisissent plutôt une réduction d’activité avec une aide à la garde d’enfant, sans retrait du marché du travail. La question mériterait que l’on engage de nouvelles études. Cela dit, nous aurons peut-être avancé de notre côté avant que vous n’ayez terminé vos travaux.

Mme la rapporteure. Et le complément optionnel de libre choix d’activité – COLCA ?

Mme Anne-Marie Brocas. Fin 2007, 2 300 familles seulement en bénéficiaient. Ce chiffre est à comparer aux 580 000 familles bénéficiant du CLCA.

Mme Nicole Roth. Le COLCA ne concerne que les familles de trois enfants. Il est donc surtout à comparer aux 195 000 familles de trois enfants bénéficiant du CLCA.

Mme la rapporteure. Si l’on permettait aux familles ayant un ou deux enfants de prendre le COLCA, est-ce que cela faciliterait le retour à l’emploi du parent concerné ?

Mme Anne-Marie Brocas. Les anciens travaux dont nous disposons portaient sur l’APE avec interruption totale d’activité. Ils nous avaient amenés à constater que les femmes concernées revenaient généralement sur le marché du travail dès le troisième anniversaire du deuxième enfant. Les femmes peu qualifiées connaissaient un chômage élevé, peu supérieur au chômage général pour ce niveau de qualification. Néanmoins, à niveau de diplôme comparable, elles retrouvaient des postes moins qualifiés que ceux qu’occupaient des femmes étant restées actives, et dans des conditions d’emploi mois favorables : temps partiel court et subi, et emplois à durée limitée. Le constat était donc mitigé : pas de retrait définitif du marché du travail comme on aurait pu le craindre, mais une certaine pénalisation et une certaine précarisation liée à l’interruption d’activité.

D’autres travaux, visant à mesurer l’impact sur les carrières féminines de l’interruption d’activité en termes de rémunération, sont en cours à l’INSEE. Nous pourrions essayer de voir où ils en sont.

Nous souhaitons refaire le travail parce qu’on n’a plus tout à fait les mêmes catégories. Il faut savoir si, pour la catégorie des femmes qui s’arrêtent complètement, le constat de 2005 est toujours valide. Il faut savoir aussi ce qui se passe pour l’autre catégorie, celle des femmes qui réduisent leur activité.

M. le président Pierre Morange. Nous avons interrogé tout à l’heure des représentantes de la Cour des comptes sur l’impact que pouvaient avoir les mesures d’accueil de la petite enfance sur la natalité, sachant bien sûr que l’on n’a pas encore le recul nécessaire et que bien d’autres facteurs interviennent en matière démographique.

Mme Anne-Marie Brocas. Personne ne peut répondre. On peut penser que la politique assez caractéristique de la France, qui multiplie les possibilités de garde d’enfants, d’interruption temporaire d’activité, etc. n’est pas étrangère à l’évolution de la natalité dans notre pays.

À titre personnel, il me semble, à la suite des travaux que j’ai conduits sur d’autres sujets comme celui des retraites, qu’il existe une concomitance historique entre l’augmentation du taux d’activité féminin, l’amélioration de la garde d’enfants, mais aussi les prestations versées aux femmes qui ne travaillent pas pour s’occuper de leurs enfants. On pourrait en conclure que les femmes, par leur activité et leur volonté de travailler, se sont trouvées dans une situation leur permettant de négocier et de faire valoir certains de leurs besoins.

Le sens des causalités est difficile à établir. Nous constatons qu’à partir des années soixante-dix, le taux d’activité des femmes a augmenté sans que celles-ci aient attendu qu’il y ait des places pour garder leurs enfants. On peut parler d’effets dialectiques, d’interactions qui se sont révélées heureuses et positives pour notre démographie.

Mme la rapporteure. Avez-vous analysé les tendances qui se font jour dans les autres pays européens, s’agissant des différents modes de garde ?

Quel est le nombre de places en crèche existant réellement en France ? Depuis dix ans, différents plans crèche ont été mis en œuvre par tous les gouvernements. J’ai été rapporteure du budget famille et je n’ai jamais réussi à obtenir le nombre de ces places, entre les plans lancés, engagés, les places réalisées, etc. Disposez-vous d’éléments statistiques réels ?

Mme Anne-Marie Brocas. Nous en avons, mais il faut tenir compte du fait qu’une place de crèche n’équivaut pas forcément à un enfant puisqu’elle peut être occupée par deux enfants.

Mme Nicole Roth. Nous assurons effectivement un suivi annuel des places en crèche, à partir des données que nous recueillons auprès des conseils généraux et des PMI. Comme vous l’avez fait remarquer, il est difficile de relier l’évolution constatée du nombre de places aux plans eux-mêmes, d’autant qu’il s’écoule souvent trois ou quatre ans entre le moment où le plan est décidé et où les places sont ouvertes. Mais le comptage lui-même ne pose pas de difficulté particulière.

La progression est régulière. S’agissant de l’accueil collectif, on dénombrait : 237 000 places en 2002, 265 000 places en 2006 et 270 000 en 2007 – soit une progression de 2 %.

M. le président Pierre Morange. Qu’entendez-vous par « accueil collectif » ?

Mme Nicole Roth. Crèches, haltes garderies et jardins d’enfants. Les crèches familiales sont comptabilisées à part ; elles offrent 62 000 places, soit une légère décroissance. Vous pourrez le constater dans les documents que nous vous avons remis, qui remontent à la fin de 2006. Mais nous pourrons vous envoyez les chiffres de la fin 2007.

La difficulté est de connaître la productivité de ces places : combien met-on d’enfants par place ? Comment peut-on donc les optimiser lorsqu’elles sont utilisées à temps partiel ?

M. le président Pierre Morange. Avez-vous mené une étude à ce propos ?

Mme Nicole Roth. Non, cette problématique est étudiée par la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, qui seule dispose des dotations et de données plus fines pour le faire. Mais de mémoire, il y aurait 1,39 enfant par place.

Mme la rapporteure. Avez-vous des statistiques sur les assistantes maternelles, s’agissant du nombre d’agréments délivrés et du nombre de places qui ne sont pas occupées ? Peut-on imaginer que les assistantes maternelles habitant des quartiers sensibles ou étant d’origine étrangère aient plus de mal à garder des enfants ?

Mme Anne-Marie Brocas. Nous faisons chaque année le décompte statistique des places disponibles auprès des assistantes maternelles en activité. En 2007, 728 000 places étaient occupées. Ce nombre est en deçà du nombre d’agréments délivrés. Mais nous n’avons pas conduit d’analyses sur les raisons qui font qu’un certain nombre d’agréments ne sont pas utilisés.

Mme Nicole Roth. À titre de complément, nous avons un suivi des places agréées. Nous menons une enquête monographique auprès de six départements pour connaître leur politique d’agrément, les difficultés qu’ils rencontrent et voir comment ils gèrent le fait que certains agréments ne sont pas saturés. Nous devrions avoir les résultats en mars-avril 2009.

M. le président Jean Mallot. Connaissez-vous le taux d’effectivité ?

Mme Nicole Roth. Nous avons mesuré un tel taux, à partir des données de 2005 : nombre d’agréments accordés par les conseils généraux et nombre d’assistantes maternelles effectivement en exercice. Ce taux s’est un peu amélioré. Mais nous rencontrons toujours un peu de difficulté lorsque nous nous adressons aux conseils généraux qui ne comptabilisent pas forcément les agréments qui ne sont pas effectifs. Tout dépend de leur gestion. Les agréments sont délivrés pour quatre ans, et le tri n’est peut-être pas fait. On ignore ainsi largement où sont les agréments dormants qui permettraient de dégager des capacités d’accueil ?

M. le président Jean Mallot. Il serait pourtant intéressant de le savoir.

Mme Nicole Roth. C’est en effet indispensable, pour les conseils généraux qui veulent mener une vraie politique en ce domaine et agir sur l’offre disponible.

M. le président Pierre Morange. Il semblerait que la moitié des assistantes maternelles déclarées travaillent plus de 41 heures par semaine et que leur salaire net mensuel soit en moyenne de 700 euros – 815 euros pour celles qui travaillent à temps plein. S’agit-il de chiffres stabilisés ?

Mme Nicole Roth. Ce sont des données tirées de l’enquête-emploi de l’INSEE qui ont été établies à partir des déclarations des personnes concernées. Il s’agit de notre source traditionnelle. Nous disposons aussi des données de l’IRCEM (Institution de retraite complémentaire des employés de particuliers). Sans doute avons-nous comparé les deux.

Ce sont des chiffres définitifs. Même si les montants restent modestes, le taux d’évolution du salaire médian est important. Il était de 624 euros en 2005, de 653 euros en 2006 et de 750 euros en 2007.

M. le président Pierre Morange. Par enfant ?

Mme Nicole Roth. Non, tous enfants confondus. Encore une fois, il s’agit des données de l’« enquête-emploi », et les salaires ne sont pas toujours bien déclarés. Il conviendrait donc d’affiner ces données.

M. le président Pierre Morange. On est frappé par la modicité du salaire.

Mme Nicole Roth. Il est difficile d’apprécier les salaires dans ce type de travail où les personnes sont chez elles. On observe en effet une certaine porosité du temps de travail.

Mme la rapporteure. On manque aussi de recul. Le statut des assistantes maternelles est en train d’évoluer.

M. le président Pierre Morange. Notamment en termes de retraite et de formation.

Mme Nicole Roth. Dans une enquête monographique menée auprès d’une soixantaine d’assistantes maternelles, celles-ci mettaient davantage en avant les difficiles conditions d’exercice de leur métier – isolement, manque de formation – et leurs préoccupations en matière de retraite que le montant de leur salaire.

M. le président Pierre Morange. Fiscalement, est-ce le salaire net qui est déclaré ?

Mme Nicole Roth. Oui. Il y a peu de vocations. Ce sont plutôt des emplois par défaut, occupés par des femmes qui n’ont pas de grandes qualifications et qui, vers 45 ans, gardent des enfants après avoir élevé les leurs. On peut s’interroger sur l’attractivité de ce secteur. Actuellement, on assiste au vieillissement de cette population.

Mme Anne-Marie Brocas. Nicole Roth parle des assistantes maternelles actuelles, qui ont commencé tard ce métier, avec peu de qualification. L’augmentation générale du niveau de qualification au fil des générations amène à s’interroger sur les conditions de renouvellement de ces professionnelles, quand elles prendront leur retraite.

Par ailleurs, à l’occasion de cette enquête monographique, ces professionnelles ont exprimé une demande de fonctionnement plus collectif. Elles ne disposent pas de certaines informations, notamment sur les réglementations. Leur isolement les gêne dans la gestion des relations qu’elles ont avec les parents – par exemple, pour la négociation des horaires. Elles demandent un appui dans l’exercice de leur métier.

Mme la rapporteure. On entend beaucoup parler d’école maternelle à deux ou à trois ans. Avez-vous suffisamment de recul pour nous dire comment un enfant évolue, selon ce qu’il a vécu dans ses premières années : crèche, école maternelle très jeune, etc. ?

Mme Anne-Marie Brocas. Non. Il faudrait que vous interrogiez les services d’étude du ministère de l’éducation nationale, qui ont sûrement des évaluations et des études à ce propos. Nous avons suivi l’évolution du nombre de places d’enfants scolarisés en maternelle. Depuis cinq ans, nous avons observé une diminution du nombre des places d’accueil en établissement scolaire et une augmentation des autres modes de garde. On peut s’interroger sur l’évolution de la capacité d’accueil. Les parents peuvent se « défalquer » sur les écoles, mêmes si leurs horaires ne couvrent pas les horaires des autres modes de garde Mais nous n’avons pas de données sur le bien-être, le développement et le devenir des enfants.

Mme la rapporteure. Depuis quelques années, la baisse du nombre des enfants de moins de trois ans scolarisés pourrait amener à penser que l’augmentation du nombre de places en crèches est négative.

Mme Anne-Marie Brocas. Dans une étude publiée par les Actualités sociales hebdomadaires, l’auteur a fait un petit tableau, qui mériterait d’être réactualisé, mais qui montre un effet de compensation entre les deux évolutions. Nous pourrions essayer d’approfondir la question, si vous le souhaitez.

Mme Nicole Roth. Nous avions déjà dressé un paysage complet, avec les différents modes de garde et l’école pour les enfants de moins de trois ans. Certes, un enfant peut être accueilli dans différents lieux, mais cela peut donner une idée de la compensation entre les différents modes de garde possibles. Nous avions alors sollicité l’Éducation nationale pour compléter nos données sur la garde stricto sensu. Nous pouvons réactualiser ces travaux.

Mme Anne-Marie Brocas. Cette publication portait sur les enfants de moins de trois ans, pour la période 2001-2006. Elle mettait en évidence une augmentation du nombre d’enfants accueillis par une assistante maternelle – + 76 000 ; par une garde à domicile – + 6 800 ; dans les structures d’accueil collectif, hors jardins d’enfants – + 45 000, et dans le même temps, une diminution du nombre d’enfants préscolarisés – - 68 000. Il y a bien une augmentation de la capacité globale d’accueil, mais la diminution du nombre d’enfants préscolarisés n’est pas négligeable.

M. le président Pierre Morange. Je vous remercie de vos réponses. Nous vous réinviterons.

Mme Anne-Marie Brocas. Avant que vous n’ayez rendu votre rapport, nous aurons de nouveaux résultats à vous communiquer.

M. le président Jean Mallot. Nous serons peut-être amenés à vous poser d’autres questions.

Mme Anne-Marie Brocas. Volontiers.

La séance est levée à douze heures quarante.

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Information relative à la Mission

La Mission a désigné Mme Marie-Françoise Clergeau rapporteure sur le thème de la prestation d’accueil du jeune enfant.