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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 20 novembre 2008

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– À huis clos : adoption du rapport sur les affections de longue durée, présenté par M. Jean-Pierre Door

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prestation d’accueil du jeune enfant

– M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

– M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 20 novembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la Mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale examine, à huis clos, le rapport sur les affections de longue durée, présenté par M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, présente son rapport et après un échange de vues auquel participent MM. Jean Mallot et Pierre Morange, coprésidents, et MM. Jean-Luc Préel et Philippe Boënnec, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale adopte le rapport.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

L’audition commence à neuf heures trente.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes heureux d’accueillir M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au même ministère, accompagné de Mme Sylvia Jacob, chargée de mission en charge des modes d’accueil du jeune enfant.

Nous avions prévu deux auditions séparées mais l’échange n’en sera que plus interactif.

Je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Notre mission fait un bilan de la PAJE – la prestation d’accueil du jeune enfant – dont les objectifs, au moment de sa création, étaient la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants, l’élargissement des modes de garde et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. On note une grande différence entre son coût actuel et celui estimé lors de son lancement ainsi que des différences dans les taux d’effort des familles.

Nous sommes intéressés de connaître votre avis sur le fonctionnement de cette prestation et ses conséquences.

M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. La prestation d’accueil du jeune enfant et les politiques familiales ne relèvent pas directement du champ de compétences du service des droits des femmes et de l’égalité. Un lien peut cependant être établi avec la politique relative aux droits des femmes et à l’égalité sur deux axes d’intervention de cette politique publique : d’une part l’égalité professionnelle qui recouvre l’orientation, l’égalité professionnelle et salariale et la création d’activités par les femmes et qui s’intéresse à l’emploi des femmes ; d’autre part l’articulation des temps de vie – vie professionnelle, vie familiale et vie sociale – qui doit notamment favoriser l’emploi des femmes.

La croissance de l’activité des femmes en France constitue l’une des mutations majeures de la seconde moitié du XXe siècle. La norme nationale est devenue celle de la femme au travail et non plus celle de la femme au foyer. Et comme le montre le taux de natalité de près de 2 enfants par femme, soit un taux proche du taux de renouvellement des générations – de 2,1 ou 2,2 –, qui place la France au premier rang européen, la femme française qui travaille n’a pas une image négative.

Le travail des femmes est un enjeu économique face au défi démographique.

C’est ainsi que les taux d’activité des femmes et des hommes se sont rapprochés, en raison notamment de la progression du taux d’activité des femmes, lesquelles tirent désormais davantage parti de leur formation malgré des filières de formation fortement sexuées – les formations féminines se concentrent sur onze des 86 filières existant – qui justifient l’une des priorités de la politique publique d’égalité tendant au renforcement de la mixité dans les filières scientifiques et techniques.

Les femmes représentent aujourd’hui 47 % de la population active et le taux d’emploi des femmes est passé de 56,9 % en 2005 à 58,5 % en 2006 et 59,7 % en 2007 pour un taux de 69 % chez les hommes, soit un écart de 9,3 points. Mais il convient d’observer que ce taux correspond à l’objectif européen de Lisbonne de 60 %, repris dans la programmation des Fonds sociaux européens pour la période 2007-2013. Si l’on se réfère aux statistiques EUROSTAT, et non plus à celles de l’INSEE, nous avons atteint ce taux de 60 % en 2007.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce taux regroupe le travail à temps complet et celui à temps partiel. Disposez-vous d’une comparaison entre les taux d’emploi pour les hommes et les femmes, d’une part, sur le temps plein et, d’autre part, sur le temps partiel, permettant de mesurer les bénéfices de la politique d’accueil du jeune enfant ?

M. Alain Kurkdjian. C’est une analyse que nous avons demandée à nos collègues de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques car nous ne disposons que de données approximatives.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre rapporteure doit rendre son travail en mars-avril 2009. Pensez-vous pouvoir disposer de cette analyse suffisamment tôt pour nous la communiquer ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons nous-mêmes besoin de cette étude pour l’élaboration de notre document de politique transversale récemment voté par l’Assemblée nationale. Une réunion interministérielle est programmée courant décembre pour un travail avec la Direction du budget fin janvier. J’espère disposer alors de cette analyse. Dès que je l’aurai, je vous la communiquerai.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous pouvons donc espérer l’avoir fin janvier ?

M. Alain Kurkdjian. Si je l’ai avant, par exemple fin décembre, je vous la communiquerai aussitôt.

Les actions tendant à favoriser l’emploi des femmes ont ainsi atteint l’objectif de Lisbonne par anticipation. La dynamique observée doit être renforcée dans la mesure où l’offre de main-d’œuvre féminine est une condition importante de la poursuite de la croissance économique.

À l’inverse des hommes, les femmes seules sont les plus actives et les femmes avec des enfants les moins actives. Les priorités professionnelles des jeunes femmes sont fortement liées, dès les premières années de vie active, à leurs charges familiales, ce qui ne résulte pas d’un véritable choix mais plutôt de l’assignation de la sphère domestique en priorité aux femmes et notamment aux mères. Les femmes s’impliquent plus fortement dans la vie domestique – 29 % contre 3 % chez les hommes – et l’arrivée des enfants ne fait qu’accentuer ce phénomène.

Majoritairement, les femmes aujourd’hui ne s’arrêtent pas de travailler lorsqu’elles ont des enfants. C’est entre 25 et 49 ans, lorsqu’elles ont les charges familiales les plus lourdes, que leur taux d’activité a le plus augmenté. En effet, 82,3 % de ces femmes sont actives et leur taux d’activité a progressé de 20,7 points depuis 1976. Mais ce taux décroît à partir de l’arrivée du deuxième enfant – 59,8 % – pour chuter à 37,5 % à l’arrivée du troisième enfant, cette situation étant aggravée, chez les femmes, par une absence de solution de garde.

Bien que des progrès aient été constatés dans le partage des temps entre hommes et femmes, notamment en ce qui concerne les tâches ménagères et d’éducation des enfants, les rôles masculins et féminins restent nettement différenciés. Ainsi, les femmes y consacrent toujours 3 h 48 par jour contre 1 h 59 pour les hommes. Parallèlement, le temps moyen de travail des femmes est de 5 h 01 contre 6 h 22 pour les hommes.

Enfin, s’agissant des constats, il convient de rappeler les écarts de salaires entre les hommes et les femmes que l’on estime à 19 %. Cet écart, dont la maternité est un des facteurs, à côté du temps partiel subi, n’a guère évolué ces dernières années. Il a conduit le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité à organiser la conférence tripartite du 27 novembre 2007 sur l’égalité salariale.

Le travail des femmes face au défi démographique est le principal objectif de l’égalité professionnelle dans la politique publique d’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de possibilité de carrière des femmes sans garde d’enfants. Il ne peut pas y avoir d’égalité professionnelle sans prise en considération du fait que les femmes sont aussi des mères, donc sans un meilleur partage des obligations familiales qui reposent encore essentiellement sur elles. La loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes prône la réconciliation de l’emploi et de la parentalité par l’instauration d’un mécanisme de compensation de l’effet de la maternité sur les rémunérations.

Il existe plusieurs dispositifs de prise en charge de la parentalité à travers la prestation d’accueil du jeune enfant et le complément de libre choix d’activité. Mais, pour concilier vie professionnelle et vie familiale, il convient d’accroître le nombre de places de garde tout en maintenant la diversification des modes d’accueil au nom de la liberté de choix des femmes et pour l’adaptation à leurs besoins. Il faudrait développer une offre d’accueil en nombre suffisant, de qualité, dans l’intérêt de l’enfant et adaptable comme nous l’avons analysé dans le rapport conjoint avec la Délégation interministérielle à la famille sur les modes de gardes sur horaires atypiques, pour favoriser le rééquilibrage des responsabilités au sein des familles.

Ainsi, lorsque l’un des deux conjoints est au foyer, il assume totalement les tâches domestiques et familiales. En revanche, lorsque les deux membres du couple travaillent, qu’ils appartiennent aux mêmes catégories socioprofessionnelles et qu’ils ont des revenus identiques, la répartition est plus équilibrée. Tous ces éléments se trouvent dans les chiffres clés de l’égalité que nous produisons chaque année et qui se trouvent sur notre site.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous la ventilation du temps partiel choisi et du temps partiel subi en fonction des projets familiaux ?

M. Alain Kurkdjian. Nous organisons le 12 décembre prochain, à la demande du ministre du travail, une table ronde sur le temps partiel. Nous pouvons vous communiquer les éléments dont nous disposons.

M. le coprésident Pierre Morange. En avant-première ?

M. Alain Kurkdjian. Une bonne partie de cette information existe déjà mais vous aurez certains éléments en avant-première.

Mme la rapporteure. Au-delà des statistiques, l’important est de réfléchir aux moyens de garde assurant aux femmes et aux hommes de plus grandes chances d’avoir un choix réel.

M. Alain Kurkdjian. Nous évoquerons ce point à l’occasion de la table ronde puisque l’un des facteurs des écarts salariaux entre les femmes et les hommes réside dans le temps partiel. Je vous communiquerai dans la semaine les informations dont nous disposons à ce sujet.

Le rapport de Mme Tabarot souligne à cet égard l’aspiration des couples à la bi-activité qui témoigne d’une moindre spécialisation des rôles du père et de la mère dans la sphère familiale et une implication accrue des pères dans l’éducation et dans les soins donnés aux enfants.

Il relève également un développement du travail sur des horaires décalés, à l’origine de nouveaux besoins. Il s’agit, dans ce cas, de renforcer l’accès à des modes de garde adaptés, notamment au domicile, en tentant, dans une logique de cohésion sociale, d’assurer la solvabilité des familles, dont beaucoup ont des revenus modestes, pour qu’elles puissent assumer les frais de garde.

L’apport du service des droits des femmes et de l’égalité à cette augmentation des capacités d’accueil s’inscrit notamment dans une prise de conscience européenne qui intègre l’implication et la mobilisation des entreprises en les encourageant à soutenir la parentalité de leurs salariés hommes et femmes, en favorisant les échanges de bonnes pratiques entre entreprises, en les sensibilisant par le biais de son réseau de déléguées régionales et de chargées de mission départementales, en les informant sur le crédit impôt famille – CIF – et le chèque emploi service universel – CESU – et en sensibilisant les partenaires sociaux au moyen de différents groupes de travail.

Deux outils complémentaires relevant du ministère du travail peuvent contribuer à cette mobilisation des entreprises.

Le premier est le label égalité qui est, à la fois, un outil de progrès témoignant des engagements de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et un outil d’émulation mettant en valeur les pratiques exemplaires des entreprises.

Le second est la charte de la parentalité dans le cadre de laquelle entreprises et pouvoirs publics s’engagent pour favoriser une meilleure prise en compte de la parentalité afin de contribuer à un meilleur équilibre de vie.

Cette complémentarité doit se réaliser sur l’un des trois champs du label égalité, qui sont l’accompagnement de la parentalité dans le cadre professionnel – qui se mesure sur la base des actions de l’entreprise facilitant l’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale, telles que l’aménagement des horaires de travail, les modalités de départ et de retour des congés parentaux et de maternité – ; le soutien à la garde des enfants ; enfin les différents services de nature à faciliter la vie des salariés.

Les échanges de bonnes pratiques sont également un élément essentiel dans la démarche des entreprises et elles ont conduit M. Xavier Bertrand et Mme Valérie Létard à proposer à leurs homologues européens, pendant la présidence française de l’Union européenne, à l’occasion de la Conférence de Lille, la constitution d’un réseau européen d’entreprises reconnues dans chaque pays pour leurs bonnes pratiques d’égalité professionnelle. Un accord de principe est intervenu.

Les entreprises ont d’autres possibilités de contribuer à cette nécessaire mobilisation, qui empêchera les parents et, tout particulièrement, les femmes de devoir mettre encore trop souvent leur carrière entre parenthèses. Elles peuvent ainsi mobiliser des moyens pour augmenter les places par des crèches d’entreprises ou interentreprises, des minicrèches ou des places réservées.

M. le coprésident Pierre Morange. Connaissez-vous le nombre de crèches d’entreprise, leur nombre de places et leur pertinence pour favoriser la conciliation vie professionnelle et vie familiale ?

M. Alain Kurkdjian. Mon collègue Olivier Peraldi dispose d’informations qui le rendent mieux à même de répondre à cette question.

M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je le ferai quand M. Kurkdjian aura terminé son propos introductif.

M. Alain Kurkdjian. Un autre moyen d’action des entreprises est la possibilité de mobiliser des outils pour aider à payer la garde et, tout particulièrement, le chèque emploi service universel – CESU – qui est un moyen de paiement des services à la personne présentant des avantages pour les salariés et pour les entreprises, lesquelles bénéficient d’exonérations fiscales et sociales.

Le rôle du service des droits des femmes et de l’égalité, dans le cadre d’une réflexion interministérielle et à partir de sa connaissance de la situation des femmes au regard de l’emploi et de la conciliation des temps, est de sensibiliser les entreprises, avec ses partenaires institutionnels, aux différents outils existants et aux enjeux de la prise en compte de l’égalité professionnelle et salariale et de la parentalité dans leur performance économique et dans la gestion des ressources humaines.

Il reste cependant des problèmes à traiter. Deux exemples méritent d’être cités.

Il faut tout d’abord une réflexion sur le congé parental considéré comme une « trappe à inactivité » qui handicape la carrière professionnelle des femmes. Le complément de libre choix d’activité – CLCA –, qui finance ce congé, s’apparente plus à un revenu de remplacement dont le montant, par son caractère modeste, est peu incitatif pour les mères actives à hauts revenus.

Une réflexion doit également être menée sur les moyens de développer et de pérenniser des solutions de garde innovantes correspondant à des besoins non satisfaits et, tout particulièrement, les services de garde en horaires décalés, en privilégiant une organisation souple et adaptable aux besoins des familles et au contexte local.

Ces services de garde innovants s’adressent à des parents travaillant en horaires décalés, avec une forte proportion de familles monoparentales à faibles revenus ou des familles dont les deux parents travaillent sur des horaires décalés, et dans le cadre d’un modèle familial promouvant la coresponsabilité parentale en matière d’éducation.

Ils s’inscrivent dans une dynamique d’égalité professionnelle offrant des services qui favorisent l’accès, le retour ou le maintien dans l’emploi ainsi que le déroulement de carrière des parents et particulièrement des femmes.

Cette pérennisation qui nécessite une stabilisation des modes de financement, notamment par les caisses d’allocations familiales, devrait permettre de passer d’un stade expérimental à celui d’une reconnaissance de l’utilité sociale des services de garde d’enfants qui participent de la diversification de l’offre.

Bien que la prestation d’accueil du jeune enfant et les politiques familiales ne relèvent pas directement du champ de compétences du service des droits des femmes et de l’égalité, on voit qu’elles sont essentielles pour améliorer la situation des femmes et favoriser l’égalité professionnelle et par là même salariale. Ces progrès seront d’ailleurs aussi bien bénéfiques aux hommes qu’aux femmes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Connaît-on l’impact de l’incitation à l’utilisation du chèque emploi service, en particulier sur les modes de garde collectifs ?

Mme la rapporteure. Pensez-vous qu’un congé parental partagé par le père et par la mère permettrait aux femmes de réintégrer plus facilement le marché du travail ?

Le COLCA – complément optionnel de libre choix d’activité – ne pourrait-il pas être étendu aux familles de moins de trois enfants puisqu’il est versé sur une période plus courte ? On s’est rendu compte que, plus le temps d’arrêt est long, plus il est difficile pour la femme de revenir sur le marché du travail.

Bien que votre service n’ait pas à faire l’analyse de la PAJE, pensez-vous, de par les informations que vous avez, qu’il y a eu une évolution depuis la mise en place de cette prestation ? Des améliorations sont-elles souhaitables ? Faut-il continuer à verser la PAJE sous forme de prestation ou faudrait-il plutôt l’envisager sous forme de crédits d’impôt ? Faut-il continuer à la verser aux personnes plutôt qu’aux structures ? Votre service conduit-il une réflexion à ce sujet ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons demandé une étude sur l’impact du chèque emploi service à l’ANSP – Agence nationale des services à la personne – qui gère ce dispositif. Nous en avons besoin dans notre démarche d’élaboration du document de politique transversale. Nous devrions avoir ces informations très prochainement. Nous vous les communiquerons dès que nous les aurons.

Le service des droits des femmes et de l’égalité ne pourrait être que favorable à un congé parental partagé puisqu’il permettrait un meilleur partage des responsabilités.

M. Olivier Peraldi est plus à même d’apporter des précisions concernant le COLCA et l’analyse de la PAJE.

Mme la rapporteure. Avez-vous fait des comparaisons avec les politiques menées dans les autres pays européens ? Y a-t-il des mesures permettant un meilleur mode de garde ou une plus grande égalité professionnelle entre les hommes et les femmes susceptibles d’être importées en France ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons procédé à des comparaisons. Comme elles font actuellement l’objet d’une discussion avec nos cabinets ministériels afin d’en dégager éventuellement des évolutions, je peux difficilement vous en parler aujourd’hui.

M. le coprésident Pierre Morange. Peut-être pouvez-vous nous communiquer les éléments de comparaison ?

M. Alain Kurkdjian. Je vous les fournirai.

M. Olivier Peraldi. J’indique que, dans le cadre des réflexions sur le benchmarking européen et de la présidence française de l’Union européenne, la secrétaire d’État chargée de la famille, Nadine Morano, a réuni ses homologues le 18 septembre dernier. Il en est résulté un accord général pour faire remonter toutes les bonnes pratiques dans chaque pays de l’Union. La prochaine réunion de ce type aura lieu début février, sous présidence tchèque.

M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les aides à la garde du jeune enfant sont un sujet important sur lequel travaille notre commission, qui perçoit deux priorités.

La première est la garde aux horaires atypiques pour les femmes qui veulent reprendre un travail dans le secteur industriel en 2 x 8. Le coût approche les 18 euros quand on veut déplacer des familles pour ne pas déplacer l’enfant.

La seconde priorité est la crèche d’entreprise. Nous essayons d’évaluer le niveau de déductions fiscales qui ferait faire un bond en avant à ce mode de garde. L’examen à partir de plusieurs bassins d’emploi montre qu’il ne faudrait pas dépasser un reste à charge de 1 200 euros pour l’entreprise. Cela allégerait également la charge des collectivités locales.

On déplore une complexité trop grande des services d’aide à la personne. La commission s’est demandée si la question de l’unification des aides à la personne dans un souci à la fois de lisibilité et d’équité, envisagée dans le rapport Hespel-Thierry il y a quelques années, ne devrait pas être reposée : entre le CESU, le crédit d’impôt, la déduction fiscale, la réduction de cotisation sociale, il n’est pas facile, même pour les élus et les entreprises, de s’y retrouver. N’y a-t-il pas lieu de remettre à jour ce rapport ?

M. Olivier Peraldi. Les différents acteurs ont noté la complexité du dispositif d’aides à la personne. Ils nous en ont fait part et nous menons une réflexion à ce sujet. Je ne peux en dire plus car les décisions doivent être instruites au niveau des cabinets ministériels.

Le ministre du travail et la secrétaire d’État chargée de la famille se sont exprimés à la suite du rapport de Mme Tabarot. Bien que le taux d’équipement en France soit supérieur à celui de beaucoup de nos voisins, ils ont indiqué que la solution passait certainement par la diversité des modes de garde. On réfléchit actuellement à de nouveaux dispositifs. Je vous présenterai deux ou trois de ces dispositifs qui ont fait l’objet d’une discussion à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Les crèches d’entreprise font partie des axes dégagés par le ministre du travail et la secrétaire d’État chargée de la famille à la suite de différents rapports et constats.

Un rapport du CAS – Centre d’analyse stratégique – de février 2007 a fait le point de l’ensemble des services d’accueil. Le nombre de places en crèches d’entreprise, incluant les crèches hospitalières, est à peu près de 15 000 : 10 000 environ dans les crèches hospitalières, 5 000 à 6 000 sans doute aujourd’hui dans des crèches d’entreprise. De l’avis de tous, c’est trop peu. La secrétaire d’État, Nadine Morano, en a fait un axe de son action. Elle a invité, le 18 septembre 2008, l’ensemble des ministres européens à une réflexion commune sur cette question. Plus globalement, dans le cadre du droit à la garde des enfants souhaité par le président de la République, il est prévu de réunir l’ensemble des acteurs : les acteurs traditionnels de l’accueil du jeune enfant que sont les CAF, les collectivités locales et les familles, d’une part, et les entreprises, d’autre part. Des contacts ont été pris par le ministère et le secrétariat d’État avec la Fédération française des entreprises de crèche qui représente aujourd’hui quinze entreprises, et d’autres acteurs dans le même secteur qui ne sont pas fédérés.

M. le coprésident Pierre Morange. M. Méhaignerie a indiqué le seuil à ne pas dépasser en matière de reste à charge pour les entreprises. Les contraintes imposées à ce genre de structure, notamment en matière de taux d’encadrement, empêchent nombre de projets de se réaliser.

Mme la rapporteure. Jusqu’il y a peu, les enfants pouvaient être accueillis à l’école maternelle à partir de deux ans. Quand on met en corrélation l’augmentation du nombre de places de crèche et la diminution du nombre d’enfants scolarisés – qui doit être de quelque 500 000 depuis quelques années –, le solde des créations de crèche apparaît-il négatif ? Des études ont-elles été faites sur ce phénomène ?

M. Olivier Peraldi. À côté de la diversification des structures d’accueil pouvant être mises en place – dont le regroupement des assistantes maternelles est un autre exemple –, il faut réfléchir aussi à l’assouplissement des normes. C’est par la combinaison de ces deux approches que l’on pourra répondre au mieux aux situations conjoncturelles issues de la crise, dont les effets risquent de se faire sentir longtemps, et de la diminution du pourcentage des préscolarisés de deux à trois ans – qui est de 33 % aujourd’hui.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la secrétaire d’État chargée de la famille propose deux dispositions concernant les assistantes maternelles agréées. La première assouplit leur capacité d’accueil en permettant à celles qui le souhaitent d’accueillir un quatrième enfant. La seconde disposition leur offre la possibilité de se regrouper dans un lieu présentant toutes les garanties inhérentes à leur activité. Cela permettra à des personnes qui n’osaient pas exercer cette profession parce qu’elles la jugeaient trop solitaire de franchir le pas. Le fait d’augmenter le nombre d’enfants gardés à quatre permet, par ailleurs, une revalorisation de ce métier.

Mme la rapporteure. On dénombre des dizaines de milliers d’assistantes maternelles qui n’ont pas d’enfants à garder. Avez-vous engagé une réflexion à ce sujet ? Avez-vous des solutions à proposer ?

M. le coprésident Pierre Morange. Par ailleurs, les exigences vis-à-vis des assistantes maternelles sont sans commune mesure avec les contraintes imposées aux structures collectives. Il faudra sans doute songer à assouplir ces dernières.

M. Olivier Peraldi. Dans le cadre du benchmarking dont il était question tout à l’heure, nous sommes allés voir comment les choses se passaient ailleurs. Nous avons constaté que d’autres pays membres de l’Union européenne appliquaient des normes un peu plus souples sans amoindrissement de la qualité des services. Nous n’avons pas trouvé de contre-arguments à une expérimentation et, ensuite, à une généralisation d’un certain nombre de dispositifs.

M. le coprésident Pierre Morange. Jusqu’à preuve du contraire, une mère ou un père de famille n’a pas un diplôme d’auxiliaire de puériculture. On peut donc envisager avec sérénité un assouplissement des normes qui pénalisent notre système de garde. Selon vous, jusqu’où peut-on envisager cet assouplissement, tout en gardant les garanties de sécurité indispensables ?

M. Olivier Peraldi. Il serait dommageable d’opposer des solutions à d’autres. Ce qui est proposé, c’est une démarche de complémentarité et de diversité. S’il doit y avoir une régulation, elle se fera de fait. L’important, c’est que les parents qui en ont besoin puissent trouver une solution de garde adaptée à leurs capacités de financement – nous parlons de « solutions de garde » plutôt que de « places de garde ».

Il existe une disparité très forte entre les territoires non seulement en matière d’équipements collectifs mais également pour ce qui est des capacités d’accueil. Dans les zones rurales et les zones urbaines sensibles, il y a pénurie d’assistantes maternelles.

Notre approche n’est pas d’opposer telle solution à telle autre. Elle est très pragmatique.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre propos n’est pas non plus d’opposer les différents types de structures. Il est de répondre à la demande formulée par les pères et les mères de pouvoir organiser leur temps de vie sur le plan familial et professionnel.

À quelles conditions devront satisfaire les regroupements d’assistantes maternelles afin de répondre à la demande tout à la fois des familles et des assistantes maternelles ?

M. Olivier Peraldi. Les regroupements devront répondre également à la demande des élus, qui nous en font part.

Le cadre juridique qui permettra de travailler dans la sérénité au sein de ces regroupements reste à formaliser. Des expériences sont menées depuis un certain temps, notamment en Mayenne et en Rhône-Alpes. Elles nous semblent suffisamment concluantes pour que nous proposions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 un dispositif qui ne soit pas expérimental. C’est déjà un signe fort.

Pour répondre concrètement, dans les expériences menées, notamment en Mayenne, des assistantes maternelles ont un local qui est mis à leur disposition par la collectivité. Il répond donc aux normes de sécurité habituelles des équipements publics spécialisés. Les assistantes maternelles travaillent dans un cadre associatif.

Les assistantes maternelles sont liées par un contrat de gré à gré avec les parents. Celui-ci perdure. Les assistantes maternelles gardent donc une relation particulière avec les parents des enfants dont elles ont la garde. Ce contrat est associé à un autre contrat qui lie les assistantes maternelles entre elles, et sur lequel je ne peux pas donner de précisions car il fait encore l’objet de discussions. Le directeur de la DSS – Direction de la sécurité sociale – qui est entendu après nous pourra peut-être vous en parler. La DGAS – Direction générale de l’action sociale – et d’autres acteurs du ministère examinent également la question.

Il y aura trois ou quatre adultes pour accueillir les enfants. Nous espérons ainsi avoir une amplitude d’accueil beaucoup plus grande qu’aujourd’hui.

M. le coprésident Pierre Morange. Les regroupements d’assistantes maternelles seront-ils soumis aux mêmes contraintes techniques et réglementaires que les structures d’accueil lourdes, c’est-à-dire les crèches et les haltes-garderies ?

Les assistantes maternelles devront-elles être chapeautées par un personnel devant avoir des compétences plus particulières, c’est-à-dire une infirmière puéricultrice ou une sorte de chef d’équipe ?

Les regroupements devront-ils répondre aux mêmes exigences normatives qui alourdissent le coût de fonctionnement ?

M. le coprésident Jean Mallot. Dans le cas des regroupements d’assistantes maternelles, que devient la relation contractuelle de gré à gré entre les parents et l’assistante maternelle et comment s’exerce le jeu des responsabilités ?

M. Olivier Peraldi. En Mayenne, il ne s’agit pas d’une crèche, mais d’un lieu destiné à accueillir du personnel qui n’est pas celui de la collectivité qui met le lieu à disposition. Les normes sont donc celles qui sont appliquées pour tout lieu recevant du public et une commission de sécurité intervient.

M. le coprésident Pierre Morange. Il y a quand même une spécificité du fait de l’âge des enfants accueillis et de la responsabilité de la collectivité qui met le local à disposition. On ne peut pas évacuer les contraintes réglementaires, assurancielles et jurisprudentielles qui s’y rattacheront.

M. le président Pierre Méhaignerie. Et qui paie le loyer, l’assistante maternelle utilisant, elle, son propre logement ?

M. Olivier Peraldi. Aujourd’hui, en Mayenne, le local est fourni par la collectivité.

M. le coprésident Pierre Morange. À partir du moment où il est fourni par la collectivité, la responsabilité de celle-ci est engagée. Se pose donc la question de savoir où commence la responsabilité de l’assistante maternelle dans le cadre de la garde qu’elle exerce dans un local qui, finalement, est tiers puisqu’il sort de la relation contractuelle de gré à gré avec les parents, et donc des contraintes normatives qui s’y rattachent.

M. Olivier Peraldi. Dans ce type d’expérimentation, les assistantes maternelles relèvent d’un régime associatif loi 1901, qui leur apporte des garanties en termes de responsabilité civile et qui permet à la collectivité d’avoir un interlocuteur unique.

S’agissant des normes de sécurité, il y a les normes habituelles de sécurité du bâtiment recevant du public et il y a les spécificités dues à cette activité. J’ai du mal à vous répondre précisément sur ce point, si ce n’est que nous sommes évidemment très attentifs à ce qu’il n’y ait pas de perte de qualité de ces lieux en termes de sécurité pour les enfants.

Nous regardons les choses de façon très pragmatique. Il ne s’agit pas d’un lieu de vie au sens du domicile de l’assistante maternelle. Lors du contrôle chez les assistantes maternelles, la PMI cherche l’existence d’escaliers, d’un four dont la porte ne reste pas froide, de coins de porte non protégés… Aucun maire ne prendra le risque d’installer des assistantes maternelles dans un local ne répondant pas aux normes habituelles exigées au domicile d’une assistante maternelle.

M. le coprésident Pierre Morange. Les normes de référence seront donc uniquement celles appliquées au domicile des assistantes maternelles ?

M. Olivier Peraldi. Pour l’heure, j’ai du mal à vous donner une réponse positive car la question est encore en discussion. Les décrets d’application vont être pris.

M. le coprésident Pierre Morange. En tant qu’élus nationaux et locaux, nous sommes quotidiennement confrontés à une très grande attente de la population. Eu égard à la lenteur qui caractérise la promulgation des décrets d’application et des caractéristiques techniques qui s’y rattachent, pensez-vous que ce sujet sera traité dans un délai de six mois, un, deux ou trois ans ?

M. Olivier Peraldi. Les discussions n’ont jamais cessé et elles se poursuivent. La secrétaire d’État souhaite aller vite : les décrets d’application ne seront pas pris avant la fin de l’année 2008, mais sortiront avant douze mois.

Mme la rapporteure. On peut penser qu’une loi votée il y a quelques mois pourrait être mise en application très rapidement, d’autant plus que cette volonté a été très fortement affichée par le Gouvernement. Espérons donc que les décrets d’application seront pris dès le début de l’année 2009.

La question posée par le président Morange sur les normes est très importante. Sans doute y aura-t-il un point intermédiaire entre les règles exigées pour les crèches et haltes-garderies et les règles imposées au domicile des assistantes maternelles. Ce chemin croisé n’étant pas encore bien défini, vous êtes encore en réflexion et ne pouvez pas nous répondre précisément aujourd’hui. Mais, en filigrane, se pose le problème du financement pour les collectivités, sachant que ces lieux sont plutôt au cœur des quartiers, là où les familles en ont besoin.

Ces éléments sont donc importants pour pouvoir aider au développement rapide de ces lieux de garde et appréhender les contraintes imposées aux collectivités. De tout cela dépendra le succès ou l’insuccès de la mesure prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans cette logique de regroupement des assistantes maternelles ou de mutualisation des moyens dans des lieux collectifs, ces lieux sont-ils forcément des lieux publics ou peuvent-ils éventuellement s’inspirer de la philosophie des crèches d’entreprise, dans une logique de gré à gré sur le plan contractuel, sachant qu’ils seront bien évidemment agréés et surveillés par les autorités compétentes ?

M. Olivier Peraldi. Les normes font déjà l’objet d’une certaine gradation, puisque des microcrèches existent aussi.

À mon avis, il ne s’agit pas tant de savoir s’il s’agit d’un cadre public ou d’un cadre privé que de définir la méthode utilisée. Ce qui est envisagé par les entreprises, y compris par les partenaires sociaux qui les représentent, c’est plutôt la création de crèches d’entreprise dans le cadre d’un contrat enfance-jeunesse avec les CAF, voire dans le cadre de la prestation de service unique (PSU). Et ce sera donc vraisemblablement le cas.

Concernant les crèches hospitalières, la secrétaire d’État a passé une convention il y a une quinzaine de jours avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour permettre à des publics non hospitaliers d’accéder à des places de crèches non utilisées dans ces établissements particuliers.

Vous avez posé la question de savoir si les assistantes maternelles regroupées devraient être « chapeautées » ? Ce n’est pas du tout l’objectif, et c’est l’une des différences avec les microcrèches.

Mme la rapporteure. La famille passe-t-elle un contrat avec l’association qui est créée ou avec l’assistante maternelle référente ?

M. Olivier Peraldi. Dans nos expérimentations, le lien contractuel entre le parent et l’assistante maternelle est maintenu. Rien ne change par rapport à une assistante maternelle qui exerce chez elle, et notre objectif n’est pas du tout de changer cet élément sur lequel nous nous appuyons.

Vous avez évoqué le problème du manque d’assistantes maternelles. C’est une de nos préoccupations. Nous avons remarqué une différence entre le nombre d’agréments accordés – 377 000 – et le nombre d’assistantes maternelles exerçant réellement dans le cadre de cet agrément, 264 000, chacune d’entre elles gardant en moyenne 2,6 enfants.

Nous observons par ailleurs une grande disparité en termes d’implantation géographique – je pense notamment aux zones rurales. En outre, les témoignages révèlent un manque de candidats ou de candidates au métier d’assistant maternel dans les zones urbaines sensibles, mais aussi la réticence des parents eux-mêmes à confier leurs enfants dans ces quartiers, même s’ils y habitent. Nous réfléchissons à cette problématique pour y apporter une réponse, laquelle passe certainement aussi par la discussion que nous avons avec les services de Mme Fadela Amara.

Cette situation montre la marge d’évolution dont nous disposons vis-à-vis de cette profession, sachant qu’une autre problématique se posera rapidement : les départs en retraite des assistantes maternelles dans les dix prochaines années.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Des expériences intéressantes ont été menées il y a quelques années dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones d’éducation prioritaires, avec les « espaces passerelles » ou les « classes passerelles » qui permettaient à des enfants vivant dans ces quartiers de passer progressivement de la halte-garderie à l’école maternelle, en favorisant le lien avec les parents, ce qui permettait à ces derniers de prendre conscience de l’importance de l’éducation très jeune. Plusieurs de ces expériences ont été conduites dans ma circonscription, mais peut-être n’y en a-t-il pas tant que cela dans tout le pays. Avez-vous quelques données à nous fournir, ou est-ce très marginal ?

Par ailleurs, je partage tout à fait ce que vous avez dit : il serait très dommageable d’opposer les solutions entre elles et il faut viser à la complémentarité des réponses dont nous disposons.

À cet égard, je voudrais aborder à nouveau un sujet, certes marginal, mais réel et qui m’est cher, celui de l’accueil des enfants handicapés. Autant je peux comprendre notre souci d’assouplir les normes, devenues trop lourdes et paralysantes, pour les accueils « ordinaires », autant je pense que nous devons veiller à maintenir des critères et donc des possibilités d’accueil de qualité pour des enfants qui ont besoin d’un accompagnement particulier. Si nous voulons avoir une société ouverte qui offre à chacun sa place, il faut trouver une harmonie et permettre des complémentarités. Dans certains cas, on peut assouplir les règles en augmentant un peu le nombre de places d’accueil ; dans d’autres, il faut pouvoir maintenir des critères de qualité en fonction de la présence d’enfants en situation délicate.

Ces réflexions sont en même temps des questions auxquelles vous pouvez peut-être apporter des éléments de réponse.

M. Olivier Peraldi. On pourrait croire que des modes d’accueil assouplis seraient dégradés, mais il s’agit de modes d’accueil adaptés à des situations locales et à des configurations familiales. C’est bien la diversité, ce sont bien les complémentarités qui sont recherchées.

On a dit que les accueils collectifs sont plus coûteux pour la société, en particulier pour les collectivités. Peut-être certains enfants coûtent-ils plus cher à accueillir que d’autres parce qu’ils nécessitent certaines attentions et sans doute faut-il un adulte pour huit enfants qui marchent et un pour cinq qui ne marchent pas. Il y a donc bien une complémentarité en fonction des publics concernés.

S’agissant des espaces passerelles – ce que nous appelons les « classes passerelles » –, je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre, l’Éducation nationale ayant également suivi ces dossiers. Pour ma part, je les raccroche aux jardins d’enfants – ce qui me permet d’introduire la notion de « jardins d’éveil » –, car nous sommes là dans une logique de structure intermédiaire entre la garde du jeune enfant et la maternelle. Notre pays compte 192 jardins d’enfants.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous sommes tous d’accord, mais qui va payer ? À côté de la scolarisation en école maternelle prise en charge à 100 %, il faut à tout prix savoir et dire à qui incombera le coût du jardin d’éveil ! C’est le point crucial.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Ma réflexion précédente est à mettre en relation avec ce que vous avez dit sur la diminution de la préscolarisation des deux-trois ans, d’où la priorité d’accueil de ces jeunes enfants dans les zones d’éducation prioritaires. Se pose donc la question de savoir comment va s’organiser cet accueil des jeunes enfants dans certaines zones difficiles et qui paiera. Car, pour avoir expérimenté, non pas ces jardins d’éveil, mais ces espaces passerelles, nous voyons bien qui paie !

Mme la rapporteure. Nous sommes effectivement confrontés à un problème crucial car, actuellement, la garde des enfants se reporte sur les haltes-garderies et les crèches, mais leur nombre de places est en diminution.

M. Olivier Peraldi. Toutes ces questions sont liées.

Une précision, d’abord : je ne suis pas habilité à parler à la place des services de M. Darcos. D’après les déclarations du ministre de l’éducation nationale lui-même, le désengagement ne concerne pas les ZUS pour ce qui concerne les enfants préscolarisés. De notre côté, nous en sommes restés à cette annonce ; la question de ne plus accueillir les préscolarisés dans les écoles situées en ZUS ne se pose donc pas dans un avenir immédiat.

Qui finance les jardins d’enfants – en l’occurrence, les jardins d’éveil ?

Je rappelle que les jardins d’éveil sont proposés par une députée dans un rapport fort intéressant et que nous avons lu attentivement. Son auteure a fait du benchmarking, notamment en Allemagne, où nous sommes allés, nous aussi.

Mme la rapporteure. En matière de mode de garde, l’Allemagne n’est pas forcément la référence, vu le taux d’activité des femmes dans ce pays.

M. Olivier Peraldi. Il faut quand même regarder ce qui existe ailleurs, même si, sur certains points, on est peut-être un peu moins en retard ou un peu plus en avance que d’autres.

Si l’Allemagne compte tant de jardins d’enfants, c’est aussi parce que l’école maternelle y commence plus tard qu’en France. Nous avons une expérience en matière d’école maternelle, les Allemands l’ont en matière de jardins d’enfants. Comme Mme Tabarot, nous avons constaté que leurs normes étaient beaucoup plus souples que les nôtres, mais ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Depuis deux ans, dans le cadre d’un plan de coopération, la Délégation interministérielle à la famille travaille sur ce sujet avec le Québec, où les normes sont, disons-le, assurément beaucoup plus souples que les nôtres.

Pour ce qui est du financement, je crains de vous décevoir, la Délégation n’ayant pas de réponse toute faite à ce stade. Il y a une réflexion. C’est une proposition relativement récente et elle est instruite. La secrétaire d’État a fait part de sa volonté de travailler sur ce thème, le contexte de l’Éducation nationale nous invitant à y réfléchir rapidement. Pour autant, je n’ai pas aujourd’hui d’éléments plus précis à vous donner.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous avons interrompu à de nombreuses reprises. Aviez-vous prévu de nous fournir d’autres informations ?

M. Olivier Peraldi. Je voudrais souligner ce que nous appelons l’apparent paradoxe français. Les délégations étrangères que nous recevons nous demandent toujours comment notre pays fait pour avoir un taux d’activité des femmes de plus de 82 % avec un taux de natalité de deux points. Nous leur répondons que le paradoxe n’est qu’apparent. Nos interlocuteurs, européens notamment, ou japonais comme hier, comprennent alors tout l’intérêt des dispositifs de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle qui ont été mis en place en France.

La création de la PAJE en 2004 avait un double objectif : d’abord, simplifier l’ensemble des prestations, la PAJE s’étant substituée aux cinq prestations existantes, ce qui est un progrès certain pour nous ; ensuite, étendre les aides à un nombre plus élevé de familles. L’objectif affiché en 2004 était de toucher 200 000 personnes de plus ; aujourd’hui, selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), nous touchons 300 000 familles supplémentaires, ce qui est plutôt positif.

Je ne reviendrai pas sur le mécanisme à deux étages de la PAJE – la prime à la naissance et les compléments.

Entre 1960 et 2000, le taux d’activité des femmes ayant un enfant de moins de trois ans a doublé. C’est un élément important.

Les foyers qui, selon nous, ont le plus besoin d’être soutenus financièrement aujourd’hui sont notamment les foyers monoparentaux. Le taux d’activité des femmes ne vivant pas en couple et ayant un enfant de moins de six ans est de 61 % quand elles n’ont qu’un enfant et de 28 % quand elles en ont trois. Avoir plusieurs enfants a donc une incidence sur le taux d’activité des femmes et nous devons évidemment porter notre regard sur ces situations.

En fait, nous constatons que l’activité professionnelle des femmes est fortement corrélée à trois éléments : le nombre d’enfants, la présence d’un enfant de moins de trois ans et la situation familiale.

De notre lecture du rapport de la Cour des comptes publié en septembre dernier, nous avons une vision nuancée. Selon la Cour, le coût de la PAJE a dépassé les prévisions, ce qui est indéniable. Devons-nous y voir la conséquence du succès de cette prestation ou un point négatif ? Pour notre part, nous y voyons plutôt une conséquence du succès du dispositif. La Cour des comptes note également à juste titre qu’un certain nombre de familles, et notamment les femmes, déclarent subir le choix de garde de leur enfant. Il est clair qu’il y a encore des efforts à consentir en termes de solvabilité dans le cadre de ces situations.

S’agissant de la majoration du complément mode de garde prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la réponse a été apportée par Mme Nadine Morano : elle est de 10 % dans le cas des horaires atypiques.

M. le coprésident Pierre Morange. Conduisez-vous une réflexion au sein du ministère sur la stratégie à adopter quant à l’enveloppe budgétaire consacrée à la politique d’accueil du jeune enfant et à la répartition des financements entre les aides aux familles notamment avec la PAJE et les aides aux structures ?

M. Olivier Peraldi. La question posée est effectivement de savoir si l’on garde une forme de prestation ou s’il n’existerait pas d’autres réponses possibles grâce à des dispositifs liés à la fiscalité.

Il nous semble aujourd’hui que la PAJE a rempli son rôle. Nous avons fourni les chiffres des familles qui sont solvabilisées ; peut-être faudrait-il faire plus mais, sur ce plan, le bilan nous semble positif et nous ne pensons pas que le système doive être modifié.

En matière de fiscalité, des dispositifs existent. Le crédit d’impôt famille (CIF) a été évoqué rapidement tout à l’heure. Là aussi, doit-on mettre tous les œufs dans le même panier ? Il y a la PAJE, avec un mode de financement propre, et il y a des dispositifs incitatifs, notamment vis-à-vis des entreprises avec le crédit d’impôt famille. Vous le savez, une réflexion est en cours sur le CIF, essentiellement pour l’une des cinq dépenses qui y donnent droit, afin d’encourager les entreprises à créer des places de crèches. En effet, la politique fiscale incitative aboutit à ce que les congés parentaux soient quasiment les seules dépenses qui fassent l’objet d’un crédit d’impôt, 94,6 % des actions des entreprises étant menées sur les congés et très peu pour la création de places de crèche. Il y a certainement une réflexion à mener sur la politique fiscale abordée sous cet angle.

Notre réponse sur la PAJE est claire : cette prestation nous semble répondre aux attentes.

M. le coprésident Jean Mallot. À plusieurs de nos questions, nous avons obtenu des réponses. Pour d’autres, nous avons pris date. Mais certaines sont restées tout à fait sans réponse. C’est l’intérêt de ce genre d’exercice.

Si, dans les semaines qui viennent, vous obtenez des éléments de nature à nous permettre de trouver les bonnes réponses aux questions restées en suspens, je vous remercie de nous les communiquer, en particulier pour ce qui touche au financement. Les membres de la MECSS pourront ainsi formuler des propositions concrètes ou des recommandations.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. le coprésident Pierre Morange. Je souhaite la bienvenue à M. Dominique Libault et à Mme Sophie Martinon, chef du bureau des prestations familiales.

Mme la rapporteure. La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, avait pour objectif d’élargir les modes de garde des jeunes enfants et de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Trois ans plus tard, peut-on dire que ce dispositif est équitable et que les aides proposées sont efficaces ?

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous évoquez les objectifs initiaux de la PAJE : je rappelle qu’ils avaient beaucoup évolué par rapport à l’engagement du candidat Jacques Chirac, qui souhaitait surtout permettre aux familles de choisir plus librement le mode de garde de leurs enfants. Le ministère et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avaient émis quelques réserves sur un dispositif qui aurait pu mettre en difficulté les gestionnaires des structures collectives. Nous pensions que pour permettre un libre choix, il fallait sans doute aider les ménages mais également aider la branche famille à réaliser des équipements collectifs, en cofinancement avec les collectivités locales. Nos arguments ont été entendus et ont permis la mise en place de la PAJE. C’est ainsi que la convention d’objectifs et de gestion de la branche famille a augmenté les dépenses du Fonds national d’action sociale (FNAS) de 7,5 % par an – soit 33 % sur l’ensemble de la période.

Le bilan de la PAJE, dans son ensemble, est assez satisfaisant. Tout d’abord, le taux de natalité n’a cessé de progresser en France. Il serait stupide d’attribuer ce phénomène au seul dispositif de la PAJE, mais il le serait encore plus de prétendre que les politiques familiales n’ont aucun impact sur la natalité. Or, depuis une vingtaine d’années, les politiques que nous menons sont plus axées sur l’accueil du jeune enfant que sur les prestations d’entretien, ce qui tend à favoriser la natalité. D’ailleurs, elles sont bien comprises par l’ensemble de nos concitoyens.

Autre point positif, la PAJE a facilité la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle. Le taux d’emploi des femmes est très satisfaisant dans notre pays, en comparaison de celui des pays avoisinants. À ceux qui pensent que les pays nordiques font mieux que nous, je citerai les auteurs du livre Le deuxième âge de l’émancipation, pour qui les taux d’emploi dans les pays nordiques doivent être relativisés, les Suédoises et les Danoises étant comptées parmi les femmes actives lorsqu’elles sont en congé parental, ce qui n’est pas le cas des Françaises. Sur les 81 % de Suédoises « actives », seules 62 % travaillaient effectivement pendant l’enquête, dont 49 % étaient mères d’enfants de moins d’un an, ce qui est assez proche du taux français puisque dans notre pays, environ 70 % des mères d’un enfant ont un emploi.

La PAJE a également simplifié l’accès aux droits, notamment grâce au dispositif « Pajemploi », qui s’est substitué à des modes de solvabilisation dont certains, comme l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), fonctionnaient très mal. Je crois pouvoir dire que le dispositif « Pajemploi » donne toute satisfaction aux familles, notamment du fait de sa dématérialisation – qui explique le faible coût de gestion de ce dispositif.

Cela dit, le coût budgétaire de la PAJE est plus élevé que prévu, comme vient de le rappeler la Cour des comptes, pour la simple raison que le gouvernement de l’époque avait choisi de chiffrer la mesure à comportement constant. Or, la PAJE a eu un impact supérieur à celui que nous estimions puisque 250 000 familles supplémentaires en bénéficient, sur un total d’environ 2,2 millions de familles. Nous nous réjouissons d’un tel succès, mais il a entraîné le déficit de la branche famille pendant plusieurs années. Certes, celle-ci a retrouvé un équilibre budgétaire en 2008, mais il aurait été préférable de mieux estimer son coût dès le départ.

L’argent public est-il bien utilisé et bien redistribué ? Certaines adaptations sont peut-être souhaitables, mais la PAJE répond à l’objectif initial qui était de faire en sorte que l’effort financier des familles soit le même, quel que soit le mode de garde qu’elles choisissent, le « reste à charge » ne devant pas intervenir dans leur choix. Les programmes de qualité et d’efficience établis par nos services montrent que l’effort a diminué ces dernières années : le « reste à charge » d’une famille disposant d’un revenu égal au SMIC est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 si elle recourt à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si elle s’adresse à un établissement. Si le recours aux équipements collectifs s’impose aux familles à très bas revenus, la situation s’inverse pour les familles dont le revenu se rapproche de trois SMIC, compte tenu des surcoûts imposés par les équipements collectifs.

En matière de redistribution, la Cour des comptes a émis un avis critique sur le complément de libre choix d’activité à temps partiel. Destiné à l’origine à des familles à faibles revenus, il semble qu’il bénéficie aujourd’hui à des familles aisées. Il faut donc améliorer ce dispositif destiné à favoriser le temps partiel.

J’en viens à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le revenu de remplacement fait l’objet de certaines critiques. En incitant les femmes à ne pas travailler pendant de longues périodes, il risque de les détourner de l’emploi. Ce risque est réel, et l’on constate qu’un grand nombre de femmes ont des difficultés à retrouver du travail après plusieurs années d’éloignement.

En bref, les politiques qui ont été menées ont eu un impact positif sur l’accueil des jeunes enfants. Cela dit, ne négligeons aucune piste pour faire encore mieux.

Enfin, si le dispositif Pajemploi a simplifié la vie des familles en agissant sur la solvabilisation, il reste que l’accueil du jeune enfant demeure un véritable parcours du combattant dans certaines régions. La caisse d’allocations familiales et les collectivités locales doivent améliorer les services rendus aux familles. Ces services sont encore trop hétérogènes, ce qui doit nous amener à diversifier et à mieux cibler notre approche en fonction des territoires, mais aussi de l’offre et de la demande. Or, nous ne disposons pas d’outils suffisamment précis pour élaborer des stratégies ciblées en matière d’équipements collectifs.

Mme la rapporteure. Lorsque j’étais rapporteure du budget de la famille, il était déjà difficile d’évaluer le nombre de places d’accueil offertes aux familles. Êtes-vous en mesure aujourd’hui de nous donner des éléments concrets ? Par ailleurs, pensez-vous que nous pourrions améliorer le travail des femmes en proposant le congé parental aux hommes, ou en étendant le complément optionnel de libre choix d’activité aux familles de moins de trois enfants ? Enfin, le nombre de places dans les écoles maternelles a diminué ces dernières années, ce qui rend difficile la scolarisation des enfants de moins de trois ans, mais elles sont tout aussi rares dans les structures d’accueil. Les créations annoncées sont-elles suffisantes au regard de l’augmentation du nombre d’enfants en bas âge ?

M. Dominique Libault. Je ne peux répondre en lieu et place de l’Éducation nationale, mais selon l’Observatoire national de la petite enfance, la scolarisation des enfants de moins de trois ans est passée de 34,7 % en 2002 à 23 % en 2007. Ce sont donc 60 000 enfants qui auraient été scolarisés en 2002 mais ne le sont pas aujourd’hui, à cause du manque de places. Cette réalité est préoccupante, car le coût financier d’une place à l’école maternelle, pour l’assurance maladie et les collectivités locales, est très différent de celui d’une place dans une autre structure collective.

Nous sommes capables de mesurer précisément le nombre de places en crèches créées grâce aux différents plans d’investissement de la branche famille – 8 621 places en 2004, 9 150 en 2005, 10 680 en 2006, 11 588 en 2007, et il est prévu d’en créer 11 200 en 2008 – mais nous ne savons pas combien sont créées par ailleurs, sans compter que, dans le même temps, d’autres disparaissent. On tient compte également des places en halte-garderie qui, bien que destinées à un accueil temporaire, sont passées de 71 400 en 2000 à 55 000 en 2006. En bref, nos outils ne nous permettent pas d’évaluer avec précision la capacité totale d’accueil des jeunes enfants dans notre pays. Nous essayons, en collaboration avec la CNAF, de préciser ce concept et d’évaluer en heures notre capacité d’accueil, en tenant compte naturellement de l’accroissement de la natalité et de l’arrivée, chaque année, de 30 000 enfants supplémentaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué la baisse des places en halte-garderie, mais je rappelle que les critères d’éligibilité définis par les caisses d’allocations familiales ont évolué, posant parfois des problèmes insolubles aux collectivités locales, qui ont dû s’adapter aux demandes des familles. Du fait de leur faible taux de remplissage, certaines haltes-garderies ont été transformées en crèches à mi-temps, au détriment de constructions nouvelles.

M. Dominique Libault. Ne connaissant pas les taux de remplissage au niveau national, il nous est difficile de savoir si l’offre est suffisante sur un territoire donné, mais il est clair que dans certaines crèches, il est loin d’atteindre 100 %. Je sais également, pour avoir interrogé l’ANPE et l’UNEDIC, que le taux de chômage des assistantes maternelles n’est pas nul ! Nous avons besoin d’outils plus fins pour mesurer ces inadéquations dans chaque territoire, car les besoins sont très hétérogènes. D’ailleurs, la secrétaire d’État chargée de la famille étudie actuellement les conditions de l’accueil des jeunes enfants dans les cités.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous évoquez la dématérialisation des données, en soulignant son impact sur les coûts de gestion, mais vous prétendez ne pas connaître la réalité des capacités d’accueil : permettez-moi de vous faire part de notre perplexité !

M. Dominique Libault. Je comprends votre sentiment, mais il est difficile de savoir ce qui se passe au sein de structures municipales ou associatives qui ont passé une convention de financement avec la branche famille. L’idéal serait de disposer d’une information en temps réel, afin d’informer les familles du nombre et de la localisation des places disponibles.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait très facile d’y parvenir, et une expérimentation est actuellement en cours dans plusieurs départements qui mettent à la disposition du public un tableau faisant état des disponibilités, tant en termes de places d’accueil que d’emplois. Pourquoi un dispositif aussi simple sur le plan informatique n’est-il pas encore mis en œuvre ? C’est hallucinant ! S’agissant d’argent public, je pense que ce serait le minimum !

M. Dominique Libault. En effet, et c’est ce que souhaite Mme la secrétaire d’État à la famille. L’expérimentation à laquelle vous faites allusion, qui a lieu à Strasbourg, est en effet très intéressante. Notre objectif est de l’étendre à de nombreux départements.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant d’argent public, je le répète, il serait légitime de le rendre obligatoire !

Mme la rapporteure. Je n’accuse aucun gouvernement en particulier, mais c’est bien faute de volonté politique ! Certes, la multiplicité des gestionnaires rend le dispositif illisible, mais nous connaissons le nombre d’offres disponibles dans chaque département, au même titre que le nombre d’hôtels ou de terrains de camping. Pourquoi ne pas nous donner les moyens de disposer de ces chiffres au niveau national ? Il est temps de mettre en place une telle information. Aujourd’hui, 100 000 assistantes maternelles se trouvent au chômage. Est-ce dû à l’éloignement de leur domicile, voire à leur origine ethnique ? Enfin, que proposez-vous pour faire évoluer la PAJE ?

M. Dominique Libault. Je me réjouis de votre question, car nous voulons améliorer la fluidité de l’information et l’appui de la MECSS pourra nous être très utile. S’agissant des assistantes maternelles, vous savez qu’elles reçoivent leur agrément des conseils généraux : il nous est donc difficile de connaître leurs disponibilités, d’autant que certaines peuvent avoir cessé d’exercer leur activité. Nous essayons de comprendre les raisons de la sous-activité des assistantes maternelles, souvent liée, en effet, à la situation de leur domicile. Je pense que la possibilité de se regrouper, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, leur permettra de travailler dans certains quartiers.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous savons en effet qu’une réflexion est en cours et que les décrets d’application des dispositions prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permettront aux collectivités locales de mettre des locaux à la disposition des assistantes maternelles agréées. Cette alternative aux structures lourdes que sont les crèches, avec un moindre coût d’exploitation, offrira aux familles un nouveau service. Pouvez-vous nous préciser sur quels critères ?

M. Dominique Libault. Je ne peux vous répondre, car cela ne fait pas partie de mes compétences. Il appartient à la Direction générale de l’action sociale, qui a en charge la sécurité des enfants dans les structures collectives, de les définir.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous dresser un bilan de la convention d’objectifs et de gestion de la branche famille, tant au niveau des objectifs en matière d’accueil du jeune enfant que de leur incidence sur les ressources humaines ?

M. Dominique Libault. L’actuelle convention d’objectifs et de gestion de la branche famille s’achève et nous entamons les négociations pour la prochaine, qui débutera en 2009. La dernière convention a créé de nouvelles crèches – les crédits du FNAS ayant augmenté de 17 %. Mais dans un premier temps, nous n’avons pas vu le nombre de places en crèche augmenter de façon substantielle. La branche famille a donc réfléchi et mis en place ce nouvel outil qu’est le contrat « enfance et jeunesse ». Après avoir été diversement apprécié par les collectivités locales, il est enfin entré dans les mœurs et à ce jour, de nombreuses conventions ont été signées. Ce contrat permet à la branche famille de mieux piloter les financements du FNAS. Alors que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale prévoyait une augmentation des dépenses de 6 à 7 %, nous sommes en mesure de rattraper le dérapage enregistré au début de la convention et de respecter le budget initial, tout en ouvrant le nombre de places souhaité. Au regard de l’utilité de la dépense publique, notre bilan est donc satisfaisant.

Nous avons également travaillé, en collaboration avec la branche famille, à améliorer le pilotage et l’information statistique. Nous avons accompli des progrès considérables, mais nos outils sont encore insuffisants. La CNAF a pour objectif d’améliorer sa perception de l’offre et de la demande sur chaque territoire afin de pouvoir diriger les crédits là où ils sont nécessaires, mais des progrès restent à faire.

Mme la rapporteure. En réalité, les collectivités locales ont été contraintes d’accepter le contrat « enfance et jeunesse ». Les conventions d’objectifs ont été remises en cause, mais je rappelle que la PAJE a engendré des dépenses plus importantes que celles qui avaient été initialement prévues. Pourquoi ne pas avoir développé des offres de garde différentes selon les territoires ?

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à mes questions sur une éventuelle évolution de la PAJE et sur l’attribution du COLCA aux familles de moins de trois enfants pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Enfin, que proposez-vous pour faciliter le retour à l’emploi des femmes qui ont cessé leur travail pour garder un enfant ?

M. Dominique Libault. Pour tout cela, il faut tenir compte des possibilités financières de la branche famille. Certes, son budget a retrouvé l’équilibre et ses perspectives sont moins dégradées que celles des autres branches de la sécurité sociale, mais la conjoncture économique et financière va nous obliger à rendre des arbitrages.

Partager l’arrêt de travail avec le père est une idée intéressante pour les familles qui y consentent. Nous y réfléchissons, étant entendu que le congé donnant lieu à une allocation de remplacement ne doit pas excéder une certaine durée. Cela dit, pourquoi ne pas proposer à une personne qui a été éloignée du marché de l’emploi pendant plusieurs années du fait de maternités successives de suivre une formation ? Si nous voulons éviter que les femmes peu qualifiées s’éloignent trop longtemps du marché du travail, nous devons étudier sérieusement leurs parcours et leurs difficultés.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué, s’agissant de l’accueil des jeunes enfants, un arbitrage entre les aides aux familles et les aides structurelles. Selon vous, le curseur est-il bien positionné ou faut-il le déplacer d’un côté ou de l’autre, en tenant compte naturellement des nouvelles contraintes budgétaires ?

Au-delà de la satisfaction qu’apporte le fait de concilier vie familiale et vie professionnelle, quels sont les effets du mode de garde pour l’enfant, sur les plans culturel et sociologique ?

M. Dominique Libault. Pour ma part, je ne tire aucune conclusion définitive des nombreuses études réalisées sur ce sujet, en France et dans d’autres pays. Rien ne prouve que tel mode de garde ait une influence sur la scolarité et le développement d’un enfant. En revanche, il faut continuer à améliorer la qualification des assistantes maternelles. L’essentiel est de proposer aux familles des modes de garde offrant le meilleur niveau de sécurité et de qualité.

S’agissant des structures d’accueil collectives, nos efforts doivent être continus. Il est important que les collectivités locales puissent compter sur notre fiabilité. Après de nombreuses difficultés, nous avons atteint un certain équilibre : la branche famille doit donc continuer à financer ces structures.

Sur le plan quantitatif, je n’ai pas d’éléments de réponse, car je ne sais pas quelle sera demain la proportion d’enfants gardés dans les structures collectives, mais je reconnais qu’il est important de comprendre les inadéquations entre l’offre et la demande. Le nombre d’assistantes maternelles au chômage est éloquent : nous devons cibler nos efforts en direction des territoires où les structures collectives sont nécessaires – ce qui n’est certainement pas le cas partout.

Je voulais enfin signaler le retard important que nous avons pris dans les DOM en matière d’accueil du jeune enfant.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous préciser la date de lancement du deuxième plan pour le développement des emplois de service à la personne ? Comprendra-t-il des mesures en faveur de la garde d’enfants ? Par ailleurs, le Conseil économique préconise de recentrer les aides sur la garde d’enfants et de mettre en place un crédit d’impôt : qu’en pensez-vous ?

M. Dominique Libault. Je ne dispose d’aucun élément là-dessus. Cela dit, il est clair que l’argent public, dans la mesure où il doit améliorer la qualité de la vie, doit être prioritairement consacré aux services à la personne, qu’il s’agisse de la garde des enfants ou de l’aide aux personnes âgées, par le biais de prestations sociales et de crédits d’impôt. Mais pour que ces outils soient justes et équitables, il convient de les cibler. En matière de garde d’enfants, les outils que sont les prestations familiales et la prise en compte des ressources sont parfaitement adéquats. Je serai plus réservé, à titre personnel, sur le chèque emploi service universel utilisé par les entreprises pour aider leurs salariés, car je ne suis pas certain qu’il atteigne les cibles sociales que nous voulons atteindre.

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai été président et rapporteur d’une mission d’information sur le financement du tissu associatif. L’une de ses préconisations, votée à l’unanimité, soulignait l’insécurité réglementaire et juridique qu’offre le cadre européen, en particulier la directive sur les services, s’agissant des services d’intérêt général et des aides à la personne. Il est nécessaire de sécuriser le secteur associatif, car il joue un rôle important dans ce secteur : une réflexion est-elle engagée en ce sens ? Si nous ne faisons rien, il risque d’être remis en cause, comme cela s’est produit dans les pays nordiques.

M. Dominique Libault. Nous avons beaucoup travaillé sur les directives dans le domaine de la santé, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’étudier les services à domicile…

M. le coprésident Pierre Morange. Je me permets d’insister sur l’importance du secteur associatif dans le domaine des services à la personne, surtout après la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services », et ses conséquences pour les services d’intérêt général. Si nous ne faisons rien, elle pourrait se traduire, avant la fin de l’année 2009, par une diminution des capacités d’accueil au titre de la politique de la petite enfance. Le sujet n’est pas neutre, et le temps presse…

Je vous remercie, monsieur le directeur.

La séance est levée à douze heures trente.